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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 029 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 18 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    La première partie de notre réunion va durer seulement jusqu'à 16 h 25, car nous devons nous préparer pour la vidéoconférence qui aura lieu immédiatement après.
    Je souhaite à tous la bienvenue à la séance numéro 29 du Comité permanent des anciens combattants. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le stress lié au combat et ses conséquences sur la santé mentale des vétérans et leur famille.
    Notre premier témoin est le sénateur Roméo Dallaire.
    Bienvenue, monsieur. Je me réjouis que vous puissiez venir participer à notre séance d'aujourd'hui. Si vous voulez dire quelques mots pour commencer, la parole est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Prendre au maximum 10 minutes pour parler d'un sujet aussi accablant que les blessures liées au stress opérationnel est chose peu facile, spécialement pour un ancien général maintenant devenu apprenti politicien.
    Je vais faire un tour d'horizon assez rapide, afin d'allouer nécessairement du temps à la période des questions, où l'on pourra aborder plus en détail les éléments que vous recherchez.
    Je sais que, avant vous, d'autres comités de la Chambre des communes ainsi que le Sénat ont mené des études sur le stress post-traumatique. Or, j'avoue que les études exigent justement des renouveaux et des mises à jour. Je félicite donc votre comité d'examiner ce volet relatif aux blessures survenues lors de combats ou de conflits. Il ne s'agit pas d'une maladie, mais bel et bien de blessures opérationnelles, et celles-ci devraient être traitées avec la même urgence et la même empathie que toutes autres blessures physiques souvent plus faciles à déceler.

[Traduction]

    Pour ce qui est des stigmates laissées par le stress lié au combat, dans une organisation très darwinienne comme les Forces canadiennes, il a fallu beaucoup de temps pour accepter, dans la culture des forces, que quelqu'un qui est blessé entre les deux oreilles — de façon peu visible — a les mêmes besoins urgents et requiert les mêmes soins et les mêmes possibilités de retour vers le plein emploi ou l'emploi à temps partiel, ou encore le soutien du ministère des Anciens combattants, que quelqu'un qui a tout autre blessure physique. Il nous a fallu des années simplement pour reconnaître qu'il s'agit d'un traumatisme. Dès que nous parlions de santé mentale, tout le monde se sauvait en courant. Personne ne voulait vivre avec ces stigmates qui existent encore aujourd'hui dans la société civile.
    Je vais vous raconter une très brève histoire avant que nous ne passions aux questions. Avant 1997, nous avions une petite clinique, au quartier général de la Défense nationale, qui était utilisée à environ 40 p. 100 de sa capacité. J'étais alors le chef d'état-major du sous-ministre adjoint du Personnel et j'étais chargé de tout le personnel médical et de cette clinique qui était sous mon autorité. Il est devenu évident que nous étions à côté de la plaque en ce qui concerne ce traumatisme étant donné l'augmentation du nombre de divorces, de retraites anticipées dues aux pressions de la famille ou de la consommation de drogue y compris l'alcool, l'augmentation des problèmes de discipline au point où un certain nombre d'excellents soldats semblaient tout à coup mal tourner et se retrouvaient devant des juges et des tribunaux qui ne comprenaient pas ce qui se passait.
    En 1997, je devais présenter un rapport aux médias disant que même si nous avions eu une vague de suicides… N'oubliez pas, mesdames et messieurs, que nous étions entrés dans une nouvelle ère avec la guerre du Golfe, vers 1990-1991. En 1997, nous avions des troupes en Bosnie, au Rwanda et en Somalie. Nous avions donc déjà eu, dans nos rangs, en 1997, un bon nombre de victimes présentant des blessures visibles, mais certainement un nombre beaucoup plus important dont les blessures étaient invisibles, et nous n'avions encore procédé à aucun ajustement. Toutefois, le rapport que j'étais censé présenter précisait que les 11 suicides du passé n'étaient pas directement reliés au stress opérationnel. Il était attribué à toutes sortes d'autres raisons qui se sont trouvées tout à coup exacerbées du fait que le membre des forces était déployé et qu'il était peut-être prédisposé à se suicider.
    J'ai refusé de reconnaître que c'était une réalité et j'ai commencé une campagne, après être devenu sous-ministre adjoint du Personnel, pour examiner, avec le ministère des Anciens combattants, toute la question du stress opérationnel et du TSPT, comme nous avons finalement baptisé ce trouble, en reconnaissant que le TSPT pouvait être une maladie mortelle. Il fallait que les soins, les traitements, les institutions ainsi que la reconnaissance de ce traumatisme par la chaîne de commandement et les forces fassent un énorme pas en avant sans quoi nous allions simplement continuer à perdre un bon nombre d'excellents soldats, de marins et d'aviateurs, non seulement parce qu'ils étaient blessés, mais aussi parce que les effets que cela avait sur leurs familles étaient tout à fait intolérables. Nous allions perdre l'énorme investissement que nous avions fait dans du personnel très qualifié qui, après une ou deux missions, ne pouvait pas continuer à servir ou qui avait des problèmes de discipline, se retrouvait en prison ou, pire encore, qui se suicidait.
(1540)
    Cela fait maintenant 13 ans que nous nous penchons sur la question et pendant ce temps de nombreuses initiatives ont été prises à la Défense nationale et aux Anciens combattants. Au début de 1998, j'ai pu faire transférer un brigadier-général aux Anciens combattants comme agent de liaison plutôt qu'un lieutenant-colonel. Il s'appelait Pierre Boutet et il avait été le juge-avocat général.
    Pendant cinq ans, Pierre Boutet et un sous-ministre adjoint appelé Dennis Wallace se sont attelés à une énorme réforme au sein des Anciens combattants pour faire reconnaître ce traumatisme, mais aussi pour qu'on reconnaisse qu'il s'agissait d'une ère nouvelle où le ministère allait devoir s'occuper des victimes au lieu de s'attendre simplement à perdre des clients des guerres précédentes.
    Larry Murray, un ex-amiral des forces, est devenu sous-ministre des Anciens combattants après l'an 2000. Il a poursuivi cet important examen qui a pris fin en 2004 avec le rapport Neary que nous avons déposé ensemble. Il recommandait non seulement de nous doter d'une nouvelle Charte des anciens combattants, mais de trouver un nouveau moyen de prendre en charge les victimes et leurs soins.
    Nous avons maintenant créé des cliniques. Les Anciens combattants et la Défense nationale ont des cliniques. Nous avons créé des bureaux conjoints pour échanger des renseignements. Toutefois, comme les ordinateurs ne sont pas encore reliés, la documentation médicale continue de poser un sérieux problème. Nous nous sommes lancés dans le domaine de la prévention avant le déploiement.
    Mon fils a suivi, à Saint-Jean, un cours de 10 semaines pour les nouvelles recrues. Un cours de trois heures leur a été donné par un ancien combattant de la nouvelle génération qui souffrait du TSPT, mais qui faisait partie de la structure d'entraide. Mon fils a dit que c'était le cours le plus intéressant qui soit. Le lendemain, quatre participants ont abandonné parce que c'était trop éprouvant pour eux. Tout cet exercice de préparation a été perfectionné avec le temps et nécessite encore quelques améliorations.
    La reconnaissance des victimes se fait maintenant dans le théâtre des opérations et on déploie même des thérapeutes sur le terrain. En 1992, quand je commandais mes cinq brigades et que j'avais des troupes en Bosnie, j'ai suggéré que nous ayons sur place des gens possédant ce genre de connaissances scientifiques pour relever des données sur les victimes. On a déclaré que c'était inutile. Nous avons rectifié la situation.
    Je pense que, maintenant, nous nous occupons mieux du retour à la maison et de la reconnaissance des victimes. Le système en place est assez perfectionné pour établir quels sont ceux qui pourraient être à risque. La question est toutefois de savoir ce que nous allons faire après ce constat? Plus particulièrement, que faisons-nous pour le réserviste, rentré à Matane, qui se trouve à 500 kilomètres de la base la plus proche, à 200 kilomètres de l'hôpital le plus proche ayant un véritable service psychiatrique et qui est isolé là-bas après avoir servi jusqu'à 18 mois dans une opération de grande intensité ou peut-être même plus longtemps en raison de déploiements multiples?

[Français]

    Le risque qui existe aujourd'hui survient au retour. La préparation dans le théâtre d'opérations peut toujours être améliorée, mais c'est au retour que le risque existe. Il s'agit de savoir quoi faire pour minimiser les conséquences de cette blessure sur l'individu, de le convaincre d'aller suivre une thérapie et de prendre des médicaments. Il importe que cette personne reçoive le soutien de ses pairs. Il faut aider les familles à comprendre l'individu qui est revenu blessé et, nécessairement, faire de la prévention autant pour empêcher l'abus de substances que pour empêcher l'individu de commettre des actes criminels et de se retrouver en prison ou, ultimement, de commettre des actes qui l'amènent au suicide.
(1545)

[Traduction]

    Je vais vous raconter une brève anecdote, si vous le permettez, pour montrer que si vous étudiez les traumatismes liés au stress opérationnel et leurs répercussions sur les forces, il est essentiel d'étudier aussi les familles. Quand je suis rentré du Rwanda, ma belle-mère m'a dit qu'elle n'aurait jamais survécu à la Seconde Guerre mondiale si elle avait dû vivre ce que ma famille a vécu. Mon beau-père commandait un régiment pendant la Seconde Guerre mondiale. Toute la nation était en guerre et tout le monde avait donc un rôle à jouer. Très peu d'information était diffusée et à l'époque, la technologie était assez limitée.
    Par contre, aujourd'hui, les familles vivent les missions avec les troupes. Elles consultent continuellement toutes les sources d'information à leur disposition pour savoir si nous avons été tués, blessés, capturés, si la mission a mal tourné, s'il y a eu des frictions. Par conséquent, quand vous revenez de mission, vous ne rentrez pas dans un foyer qui a “tenu le fort” comme on disait par le passé, mais vous rentrez dans une famille qui a déjà éprouvé un stress important en voyant ce qui se passait, mais sans pouvoir faire quoi que ce soit. Je dois dire néanmoins qu'Internet et ces moyens de communications ont quelque peu réduit la distance entre les soldats sur le terrain et les familles.
    Le moment est maintenant venu de regarder vers l'avenir. La semaine dernière, j'ai assisté, à Montréal, à un colloque international sur le stress opérationnel organisé par les Anciens combattants et un organisme international qui est en train de réunir de plus en plus de données et de renforcer les capacités de recherche sur ce traumatisme, ses sources et les moyens de l'atténuer.
    J'ai également assisté, il y a deux jours, au Forum de recherche sur la santé des militaires et vétérans canadiens organisé par l'Université Queen's et le CMR, qui répondait à un critère que je craignais énormément de voir oublié. Notre intervention en Afghanistan était censée prendre fin en 2011. Nous terminerons notre mission de combat, mais nous aurons toujours, sur le terrain, des troupes qui pourraient être en danger et nous continuerons donc d'avoir besoin d'un dispositif de soutien. Néanmoins, nous avions peur qu'en limitant l'importance de cette mission, nous allions aussi commencer à réduire l'importance des besoins des victimes et que Anciens combattants Canada et la Défense nationale ne reconnaissent pas que les hommes et les femmes qui ont participé à trois ou quatre missions vont ressentir les effets d'une baisse d'adrénaline. L'impact de ces missions va commencer à les frapper lorsqu'ils reprendront une vie normale, car c'est alors que le stress opérationnel vous assaille. Il y aura donc une forte augmentation des cas de traumatisme chez les soldats et les familles qui ont réussi à résister jusqu'ici.
    D'autre part, nous avons commencé à partir de zéro en 1997. Je suis allé à la clinique des anciens combattants des États-Unis, à White River Junction, au Vermont, pour rencontrer son directeur. C'est le Dr Matthew Friedman. Je lui a demandé de nous aider à établir notre clinique, parce que les Américains avaient eu le Vietnam tandis que nous n'avions pas participé à des opérations vraiment importantes, excepté un peu au Congo, un peu à Chypre, depuis la Corée. Nos capacités étaient limitées.
    Les Américains nous ont aidé sans hésiter. Ils ont fourni des statistiques qui étaient intéressantes et je terminerai sur cette note, avant que nous ne passions aux questions. Ils nous ont dit qu'ils ne voulaient pas que nous subissions ce qu'ils avaient subi pendant la guerre du Vietnam. Sur le mur noir de Washington sont inscrits les 58 300 noms de ceux qui ont été tués dans le théâtre d'opérations au Vietnam. Néanmoins, en 1997, 22 ans plus tard, les Américains avaient enregistré près de 102 000 suicides — ceux qu'ils ont pu enregistré — directement reliés à la guerre du Vietnam.
    Alors combien de victimes américaines le Vietnam a-t-il vraiment fait? Était-ce 58 000 ou peut-être plus près de 160 000?
(1550)
    Je vous pose la même question: combien de victimes avons-nous eu vraiment? Est-ce 152 ou peut-être 170 ou 175? Je peux vous parler de ma mission au Rwanda; j'ai eu des soldats tués sur le terrain et il y a deux ans, 14 ans après la mission, un des officiers s'est suicidé.
    Mesdames et messieurs, vous examinez un sujet extrêmement important pour nos soldats et leurs familles. Je dirais que c'est également extrêmement important pour la viabilité opérationnelle des Forces canadiennes afin que nos soldats expérimentés restent en bonne santé et puissent surmonter ce genre de traumatismes.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons essayer de limiter nos questions à une durée de cinq minutes afin de pouvoir poser le maximum de questions.
    Madame Duncan.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, sénateur. Votre témoignage est bouleversant et je ne sais pas trop par où commencer. Je vous remercie pour votre courage et votre leadership dans ce domaine.
    Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit au sujet des risques qui guettent les soldats à leur retour. Nous savons qu'il y a une entrevue de départ au cours de laquelle les soldats doivent faire connaître leurs difficultés. Néanmoins, j'entends dire constamment que lorsqu'ils rentrent chez eux, les familles ne reconnaissent pas ces difficultés et qu'ils peuvent sombrer dans l'alcool ou la drogue. Parfois ils perdent leur conjoint. Ils attendent le versement de leurs prestations. Ils perdent leur maison et se retrouvent sans abri. Ce genre de choses arrivent.
    Je voudrais savoir comment nous suivons ces soldats à leur retour. Comment les contactons-nous pour nous assurer qu'ils obtiennent le soutien dont ils ont besoin? Faisons-nous assez sur le plan des visites médicales et du counseling? Un homme m'a dit: « Je dois attendre un mois pour mon rendez-vous. Mais ce n'est pas grave, j'ai un fusil chargé. »
    Comment faisons-nous ce suivi pour les garder en bonne santé et en sécurité?
    Voici ce que je vais vous répondre.
    Pour ceux qui restent dans les forces et qui font l'objet d'un suivi au bout de trois mois et de six mois — mon fils a eu ce suivi à son retour d'une période de service de six mois en Sierra Leone — même s'ils présentent, à divers degrés, des signes de TSPT, qu'il est essentiel de diagnostiquer rapidement, ils n'obtiennent pas toujours immédiatement les soins nécessaires. Par conséquent, le suivi et les soins présentent des lacunes au niveau civil, mais aussi au niveau militaire, même si la Défense nationale et les Anciens combattants ont conclu davantage d'ententes contractuelles pour disposer d'un plus grand nombre de thérapeutes.
    Un des problèmes est que nous n'engageons pas suffisamment de psychologues par rapport aux psychiatres. L'analogie dont j'aime me servir est celle d'une personne qui met la main sur le rond brûlant de la cuisinière. Le psychiatre va vous donner des pilules pour atténuer la douleur et va surveiller la guérison. Le psychologue va vous demander pourquoi vous avez mis votre main là.
    Nous n'avons pas de problème à les stabiliser, quitte à en faire des zombies, parfois. Les soins de stabilisation sont de plus en plus disponibles. Ce qui manque, c'est la thérapie nécessaire pour leur permettre de vivre une vie relativement normale, c'est-à-dire se bâtir une prothèse — car c'est ce que vous devez faire. Ils ont donc besoin d'une thérapie professionnelle, de médicaments et d'accepter leur situation.
    Le troisième élément est l'entraide. Il s'agit d'avoir quelqu'un, entre ces séances, qui ne vous posera pas de questions stupides, mais qui sera prêt à vous écouter pendant des heures, à vous laisser parler. Ce sont rarement les membres de la famille, car ils sont trop proches. Ma famille n'a même pas lu mon livre. Il peut s'agir d'oncles, de collègues, etc. Pour renforcer l'entraide, les Anciens combattants ont récemment ouvert leur service d'entraide aux familles, ce qui est intéressant, et les enfants en ont aussi besoin.
    Des dispositifs sont en place pour les membres de la force régulière. Ces soldats restent au sein d'un groupe uni, comme dans un régiment. Il y a toutefois des troupes d'appoint qui se retrouvent un peu partout dans les forces et ces militaires ne sont pas toujours suivis parce que personne d'autre dans l'unité n'est allé dans le même théâtre. La chaîne de commandement ne se soucie pas autant du suivi de l'intéressé ou ne comprend même pas la nature du problème. Ces personnes risquent donc d'être oubliées.
    Néanmoins, les principales lacunes se situent au niveau des réserves. Quand un réserviste se retrouve dans différents villages du pays et décide d'abandonner l'armée, on se soucie très peu de savoir quels soins il reçoit. Voilà pourquoi il y a davantage de soldats devant les tribunaux. Vous verrez là de nombreux réservistes parce qu'on les a pratiquement laissés tomber.
    Il y a des grosses lacunes au niveau des réservistes. Nous comptons de plus en plus sur eux pour assurer notre capacité opérationnelle, ce qui est très différent de la situation dans les années 1970 et 1980 où nous considérions qu'ils serviraient de base pour une mobilisation générale, pendant la guerre froide.
(1555)
    Nous devons passer à quelqu'un d'autre.
    Je vais essayer de raccourcir mes réponses.
    Monsieur Vincent, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Dallaire, d'avoir accepté l'invitation du comité.
    J'ai pris quelques notes pendant votre intervention. Vous parlez de l'acceptation de la culture des forces et du plein emploi à la suite d'un stress post-traumatique. Or sur le terrain, on entend davantage dire une chose: c'est encore dans la culture des forces de dire que ça n'existe pas. Des gens m'ont dit qu'ils avaient dû attendre deux ou trois mois avant de pouvoir voir un psychologue. À un moment donné, une personne a été incapable de retourner dans son bataillon. Elle n'a pas pu sortir de sa maison avant deux, trois, quatre ou cinq jours. Quand elle est retournée à la base, on lui a dit que si elle n'était pas capable de faire la job, si elle était trop stressée et que ça ne faisait pas son affaire, elle n'avait qu'à sacrer son camp et on allait la démobiliser.
    C'est comme ça que sont traités ces gens qui vivent ou qui ont vécu un stress post-traumatique. Ils ne rentrent plus dans le rang, alors on les démobilise. Ils ont du mal à accepter cela parce que, bien souvent, ils sont là depuis des années, ils ont donné de leur temps. Une personne me disait que dans un théâtre d'opérations, vous ne laissez jamais personne en arrière; quand vous en revenez après y avoir vécu des choses, par contre, ils vous laissent en arrière et vous n'avez pas de suivi.
    J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    Vous avez mis le doigt en plein sur la différence. Dans un théâtre d'opérations, les gens sont suivis continuellement. Il y a toute une structure en place pour s'assurer qu'ils sont prêts à mener les opérations, et ils sont suivis. Malgré cela, deux suicides ont eu lieu sur la base, mais c'étaient deux cas assez particuliers. Essentiellement, le suivi est continuel.
    Quand ils reviennent à leur base militaire, par exemple à Valcartier ou à Petawawa, ils reprennent leur vie personnelle normale. Les soirs, les fins de semaine et pendant les congés, le suivi n'est plus aussi serré, même si on les garde à l'emploi pendant un mois ou deux, ce qui est une option. C'est particulièrement le cas pour les réservistes. Au lieu de les laisser partir, comme ça fait déjà 18 mois qu'ils sont avec le régiment, on les garde quelques mois supplémentaires pour voir ce qui peut survenir.
    Dans le régiment que j'ai commandé, il y a un an et demi, un soldat est revenu de deux tours en Bosnie et de trois tours en Afghanistan. À son retour, il semblait raisonnable. Neuf jours plus tard, il s'est pendu. Après ça, tout le monde cherche à savoir pourquoi. C'est parce qu'il n'a pas eu de suivi.
    Vous avez parlé d'isolement. Des hommes sont isolés parce qu'ils sont stressés et sont au bout du rouleau. Or, on a besoin de monde pour accomplir les tâches opérationnelles. Les unités sont petites et il faut aller chercher des gens ailleurs. L'universalité du service ne permet pas beaucoup de marge de manoeuvre. Donc, on les retire de la structure qui leur est familière. De ce côté, on est en train de remédier à cela pour les garder plus longtemps au sein de l'unité et leur donner de petits boulots. Cependant, dans plusieurs autres cas, c'est centralisé et, à ce moment-là, on les perd. Ce problème-là n'est pas résolu à ce moment-ci.
(1600)
    Quand on démobilise une personne dans un théâtre d'opérations outremer et qu'on veut la renvoyer à la maison, on l'installe à bord d'un avion en direction du Canada. Une fois qu'elle est rendue ici, il n'y a personne pour l'accueillir. Cette personne a vécu un important stress post-traumatique, mais elle est laissée à elle-même. Elle doit se débrouiller seule pour trouver un psychologue pour la soigner. Les forces ne sont plus là pour elle.
    Je reste à Québec, et j'ai vu des hommes revenir seuls d'Afghanistan, mais ils n'étaient pas seuls. Un padre ou des membres de la famille les attendaient à leur sortie de l'avion, et le régiment en a pris soin.
    Par contre, c'est différent pour ceux qui ne font pas partie d'un régiment, par exemple

[Traduction]

le personnel de renfort.

[Français]

    Il s'agit de plombiers ou de techniciens qui viennent d'un peu partout quand on en a besoin. Parfois, ce sont des réservistes qui arrivent à la dernière minute. Ces gens-là n'ont pas le même suivi. Des ressources sont nécessaires, comme dans les unités de la Réserve, pour permettre le suivi de ces gens.
    Ce n'est pas systématique; tous ne reçoivent pas le même suivi. Ça dépend de la structure d'où ils arrivent. Le programme doit acquérir plus de maturité.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. Stoffer, s'il vous plaît.
    Monsieur Dallaire, merci d'être venu aujourd'hui et je vous remercie pour votre récent livre sur l'enfant-soldat. Cela va lancer un grand débat dans le contexte actuel.
    Vous avez dit que le Dr Friedman vous a parlé des 102 000 anciens combattants qui se sont suicidés et c'est un argument extrêmement valide. Nous savons que certaines personnes se sont suicidées après leur retour de Bosnie ou d'Afghanistan, mais apparemment, nous n'en parlons pas. Nous parlons seulement des 152 autres. Je pense que vous avez fait valoir un argument valide et je vous en remercie infiniment.
    Comme vous le savez, la vie militaire est une culture. Quand vous y entrez et que vous y restez pendant de nombreuses années, cela s'inscrit dans vos gènes. C'est votre mode de vie. Vous en faites partie, vous et votre famille. Ensuite, si pour une raison ou pour une autre, vous êtes libéré pour motif médical même si vous ne le vouliez pas, vous vous demandez: « Que vais-je faire maintenant? » Même si on peut vous offrir un programme de recyclage et toutes sortes d'autres choses, vous avez perdu la camaraderie et l'esprit de corps qui règnent dans les forces. Dans certains cas, j'ai entendu quelqu'un dire: « Je ne suis plus un homme. Mes enfants n'ont plus de respect pour moi. » Il n'y a rien de mal à travailler comme commissionnaire, mais ce n'est pas la même chose que l'armée et ce genre de chose. Ils se sentent donc abandonnés. Cela ne leur enlève rien — ce n'est pas ce que je veux dire — mais ils se sentent dévalorisés.
    Je voudrais seulement savoir ce que vous pouvez nous recommander pour encourager ces personnes. Que pouvons-nous faire non seulement pour améliorer leur moral, mais aussi pour reconnaître qu'ils ne sont peut-être plus dans les forces, mais qu'ils ont encore un rôle à jouer et une utilité?
    En 1971, il y a eu un plan dit de rétablissement. C'est quand nous avons opéré d'énormes coupes au sein des forces. Nous avons offert aux gens une indemnité de départ, même aux anciens combattants de la guerre de Corée, et nous les avons laissé partir.
    Trois ans plus tard, nous apprenions qu'un grand nombre d'entre eux étaient morts. Il ne s'agissait pas de suicides; ils étaient simplement morts le coeur brisé, parce qu'ils s'étaient retrouvés dans un monde qu'ils ne comprenaient pas et parce qu'ils avaient été abandonnés.
     Une des lacunes que nous avons constatées est que, lorsque vous êtes libéré des forces et que vous remettez votre carte d'identité et votre uniforme, votre esprit n'est pas libéré des forces pour autant. Votre loyauté persiste ad vitam aeternam. Vous avez besoin d'un pont pour passer de l'autre côté, d'une forme de soutien paternaliste pour continuer à ressentir cette loyauté, surtout si vous êtes un vétéran qui a combattu, qui s'est fait blesser et qui a vu des gens se faire tuer. Mais il n'y avait pas de pont. On les a laissé partir et ils ont dû s'occuper eux-mêmes d'intégrer le dispositif des anciens combattants. L'ancien dispositif des anciens combattants les a pris en charge comme il le pouvait.
    Ce dispositif de réadaptation et de réinsertion a été mis en place quand la nouvelle Charte des anciens combattants a été adoptée, mais ceux qui en ont bénéficié ne sont pas nombreux. Une des raisons est qu'un bon nombre d'entre eux n'ont pas encore été libérés. Particulièrement dans le cas de ceux qui ont participé à la guerre en Afghanistan, ils font toujours partie des forces. Quand ils commenceront à être libérés après leur période d'adaptation de trois ou parfois quatre ans, nous allons voir si le programme de réadaptation et de réinsertion des Anciens combattants a réussi à les dépister avant leur départ — en fait, on envisage de le faire six mois à l'avance — pour les aider à faire la transition à la vie civile.
    C'est intéressant; un article a été publié aujourd'hui au sujet d'une interview que j'ai donnée hier. Compte tenu de l'universalité du service, les forces ne peuvent pas garder ces soldats, car elles ont trop peu de personnel pour remplir leur mission. On pourrait toutefois créer une sorte de service auxiliaire où les soldats blessés pourraient rester en uniforme, peut-être à des conditions différentes. Ils pourraient continuer à servir dans des fonctions différentes, parce qu'ils possèdent des compétences et de l'expérience, au lieu d'être libérés. Cela réduirait le traumatisme du retour à la vie civile. Certains ne veulent plus voir un uniforme et sont contents de partir, mais d'autres souhaitent simplement rester.
    Les forces disposeraient ainsi d'une main-d'oeuvre supplémentaire ou d'un personnel supplémentaire qu'elles pourraient absorber, car quel sera le chiffre? Après l'Afghanistan, il y aura peut-être 1 500 à 2 000 soldats gravement blessés, sans inclure tous ceux qui souffriront du trouble de stress post-traumatique. N'oublions pas qu'entre 1991 où nous avons eu les anciens combattants de la guerre du Golfe que nous avons traités très mal jusqu'en 2006, où nous avons commencé à appliquer la nouvelle Charte des anciens combattants, nous avons enregistré un grand nombre de victimes. Il y a eu plus de 10 soldats tués, plus de 100 blessés gravement et environ 2 000 qui ont subi un traumatisme psychologique que ce soit en Somalie, au Rwanda, en Bosnie, etc. Ces gens-là se sentent abandonnés. C'est seulement grâce aux changements que nous avons vus aujourd'hui, cette nouvelle loi, qu'ils pourront commencer à bénéficier de la nouvelle Charte des anciens combattants si ce programme de réadaptation et de réinsertion commence.
    Oui, Anciens combattants Canada a un programme. Il s'agit maintenant de voir s'il est vraiment efficace. Néanmoins, il faudrait peut-être donner à la Défense nationale la possibilité d'essayer de garder ses soldats.
    Je vais terminer sur cette note. En 1998, quand j'étais le sous-ministre adjoint, j'ai comparu au nom des forces devant notre Commission des droits de la personne. Le ministère ne répondait pas aux exigences concernant le quatrième pilier, c'est-à-dire l'embauche de personnes handicapées. Du côté civil, les résultats n'étaient pas trop mauvais, mais du côté militaire, ils n'étaient pas satisfaisants parce qu'il fallait que tout le personnel soit déployable selon le principe de l'universalité du service.
(1605)
    Nous pourrions mieux répondre aux exigences de la Commission des droits de la personne en employant des anciens combattants blessés… mais à la condition que cela ne compromette pas l'efficacité opérationnelle des forces — je veux parler de ceux qui tiennent à être déployés.
    Merci.
    Monsieur Kerr.
    Merci, monsieur le président.
    C'est un plaisir de vous revoir, sénateur. J'aimerais que nous disposions de beaucoup plus de temps, car il y a, bien sûr, de nombreux sujets à examiner.
    J'apprécie non seulement vos années de service, mais aussi les efforts que vous avez déployés pour faire apporter certains de ces changements, ces dernières années, et le fait qu'ils se poursuivent. Il reste encore beaucoup de travail à faire, mais je pense que c'est important.
    Je voudrais que nous parlions du colloque auquel nous avons tous les deux participé. Ce qui me frappe, lorsque je suis en contact avec le ministère des Anciens combattants et les vétérans, c'est, premièrement, que la question des stigmates se pose toujours; cela fait partie de la culture. Deuxièmement, on se rend compte, de plus en plus, que notre société reconnaît ses responsabilités envers un soldat blessé physiquement, mais que nous avons tendance à ne pas vouloir le faire pour quelqu'un qui souffre d'une maladie mentale ou de troubles psychologiques. Voilà pourquoi j'ai été enthousiasmé par cette conférence en ce sens que le côté civil et le côté militaire se sont réunis et que nous avons reconnu que nous avions collectivement l'importante responsabilité d'éduquer le public, de l'informer, etc.
    Je me demande si vous pourriez nous en dire plus au sujet de cette approche ou de ce partenariat.
    Le soldat en service — vous pouvez être à la fois un soldat en service et un ancien combattant, comme vous le savez — n'en est peut-être pas toujours très conscient, mais il s'attend à ce que le contrat social prévoyant une clause de responsabilité illimitée entre lui et les citoyens du pays durera éternellement. Ce n'est pas un contrat à court terme comme une police d'assurance. Dans l'esprit de cette personne — et de sa famille — en raison du fait qu'elle est allée dans un endroit où elle aurait pu se faire tuer, comme certains, ou se faire blesser pour la vie, elle pourra toujours se tourner vers le gouvernement du Canada dans le cadre de cette responsabilité sociale, de ce contrat social.
    Ce n'est pas encore bien précisé ou vraiment ressenti. Les gens ont le sentiment qu'on les laisse tomber une fois qu'ils sont catalogués comme anciens combattants blessés et qu'ils deviennent des ex-militaires.
    Quand j'étais dans les forces, une blessure physique était quelque chose d'honorable. En fait, on appelait cela une « blessure honorable ». Je me souviens qu'un jour au bar, un gars m'a montré qu'il avait reçu une balle dans les fesses. Il n'a jamais eu à payer sa bière pendant les semaines qui ont suivi. Mais il y avait aussi, assis dans un coin, des gars qui semblaient toujours de mauvaise humeur, qui semblaient absents. Personne ne leur parlait et ils ne parlaient à personne. Ils étaient souvent en colère et difficiles à manier. C'était ceux qui avaient des blessures psychologiques. Ce n'était pas vraiment considéré comme une blessure honorable: vous ne pouviez pas tenir le coup.
    La nature darwinienne des forces et le fait que chacun de ses membres dépend totalement des autres dans les opérations créent énormément d'intolérance. Cette intolérance est essentielle sur le terrain. Néanmoins, quand vous rentrez à la garnison pour lécher vos plaies, il faut qu'il y ait un moyen d'assurer un certain respect.
    Je dirais qu'il faut un changement de culture et qu'il est en train de s'opérer au sein des forces. L'année dernière, le CEMD a lancé une initiative très importante pour changer la culture. L'intolérance est moins forte qu'avant. Un des grands avantages du contexte actuel est que nous avons une force de vétérans. C'est un peu comme dans les années 50. Vous avez un groupe de vétérans et un groupe qui n'a pas combattu. Généralement, l'intolérance émane de ce dernier groupe, même à des grades différents. Toutefois, nous avons maintenant suffisamment de vétérans dans tous les grades, y compris chez les officiers généraux pour atténuer le problème en disant: «  Vous n'étiez pas là, vous ne savez pas ce que c'était, c'est un traumatisme »; cela se répand de plus en plus.
    Il sera intéressant de voir le commandement des forces gérer les rapports entre les anciens combattants et les autres en assurant cette synergie entre les deux.
(1610)
    Notre prochain tour sera seulement d'une durée de trois minutes. Veuillez essayer…
    Madame Zarac.

[Français]

    Merci, sénateur Dallaire, d'être ici avec nous aujourd'hui.
    Vous avez parlé de prévention, et on vient de parler de synergie entre les forces armées et les vétérans. C'est là qu'il semble y avoir une disjonction pour ce qui est d'assurer le suivi des personnes qui contemplent le suicide.
    Vous avez parlé de prévention qui semble efficace. Certaines personnes ont décidé de ne pas aller jusque-là. Potentiellement, ces gens n'auraient pas survécu.
    Vous avez parlé d'une formation de trois heures. Ai-je bien compris? Est-ce suffisant?
    Comme vous avez mentionné que c'est difficile de les convaincre d'aller suivre la thérapie dont ils ont besoin, j'aimerais savoir si on fait de la prévention auprès des familles.
    Vous avez cerné 15 questions dans une. Je vous en félicite, vous êtes habile dans cela.
    D'abord, ce que j'avais recommandé en 1998 et qui a été mis en avant, c'est que l'individu aille volontairement chercher de la thérapie. Sans la thérapie, ceux qui sont affectés par le stress opérationnel ne s'en sortiront pas. C'est le premier principe. Si tu as un bras flambé et que tu ne vas pas voir le médecin, tu vas en mourir. C'est la même chose avec cela.
    Alors, j'ai tenté de convaincre les thérapeutes de ne pas attendre à leur bureau que les gens arrivent, mais d'aller au-devant des coups et de vendre leur salade. En premier lieu, on n'explique pas encore assez le rôle du thérapeute, ce qu'il peut faire et comment il est intégré dans l'organisation, particulièrement les thérapeutes civils qui sont affectés au ministère des Anciens Combattants ou même à la Défense nationale sans avoir aucune expérience dans les forces armées. Il faudrait les amener au champ et leur faire vivre l'expérience, pour leur faire connaître la culture.
     Donc, le premier pas demeure encore que les thérapeutes vendent leur salade.
(1615)

[Traduction]

    Woody Allen a dit qu'il était à la mode d'avoir un psychiatre. Vous vous souvenez de ses films? Et c'est vrai, c'est à la mode d'avoir un psychiatre. Je suis une thérapie depuis 13 ans auprès de psychiatres et de psychologues et je prends également des médicaments.

[Français]

    L'autre volet porte sur la façon de rattraper ces gens, de ne pas les laisser tomber dans un état de dépression pouvant mener au suicide.
     Le suicide peut se produire en deux minutes, n'importe quand. Une odeur, un bruit, n'importe quoi peut déclencher cette catastrophe. Dans mon cas, cela a pris quatre ans avant que je devienne, tout à coup, plus du tout fonctionnel. J'ai été licencié des Forces canadiennes pour cette blessure. Par la suite, je suis devenu suicidaire, parce qu'il n'y avait pas de système autre que la thérapie et ainsi de suite. Il n'y avait pas le suivi humain.

[Traduction]

    Le dispositif d'entraide à la disposition des militaires et de leur famille doit être l'outil de prévention le plus innovateur, le plus rentable et le plus progressiste qui soit — tous les superlatifs que vous pouvez trouver. Il y a deux ans, le groupe du SSBSO, le groupe d'entraide, a dit qu'il empêchait un suicide par jour; c'est seulement pour les membres des forces.
    J'ai toutefois été déçu de voir que, jusqu'à présent, les 400 personnes qui s'occupent du stress opérationnel — qui font beaucoup de travail bénévole, qui passent beaucoup de temps avec les gens chez Tim Hortons, qui les écoutent, etc., avec un budget très limité — sont certainement appréciées, mais qu'il n'y a pratiquement aucun officier parmi elles. J'ai vu un adjudant se rendre tous les jours dans une cellule de prison pour en sortir un colonel et être le soutien de ce colonel pendant plus d'un an.

[Français]

    À mon avis, l'élément dont on devrait vraiment mousser l'étude plus à fond, c'est le stress opérationnel.

[Traduction]

    Dans le cadre du travail qu'il accomplit actuellement aux quatre coins du pays dans le domaine de la santé mentale, le sénateur Kirby travaille avec le fondateur du programme de stress opérationnel, le colonel Stéphane Grenier, qui serait un excellent témoin. C'est lui qui a créé ce programme. J'étais encore en service et je me souviens que nous n'y croyions pas. Les professionnels de la santé l'avaient critiqué et pourtant ce programme s'est révélé exceptionnel, à tel point que le sénateur Kirby envisage maintenant de créer cette capacité pour l'ensemble de la société.
    Merci.
    Monsieur Mayes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également notre témoin. Sénateur Dallaire, je sais que la nation vous est reconnaissante pour le rôle que vous avez joué au sein des Forces canadiennes et nous respectons cela.
    Un des problèmes que vous avez mentionnés est qu'avant 2006 on s'est rendu compte qu'il ne fallait pas se contenter de verser une pension à un ancien combattant en lui disant: « Allez vous soigner. Voici votre argent. » Il fallait établir une charte pour le suivre au cours de sa vie et pour lui apporter un soutien.
    J'étais ici en 2006, avec M. Stoffer. C'était là une partie très intéressante de la Charte des anciens combattants, que nous cherchons à appliquer. Je suppose que vous appuyez la Charte et cette initiative. L'objectif de la Charte était de faire en sorte de suivre les anciens combattants et de les soutenir, notamment en ce qui concerne le TSPT.
    Je trouve cela intéressant. La semaine dernière, nous avons obtenu un rapport du ministère disant que le taux de suicide dans l'ensemble de la population était le même que chez les membres et les ex-militaires des Forces canadiennes. Nous recevrons, après vous, un témoin qui dira la même chose à savoir que les jeunes de moins de 24 ans, en particulier, semblent présenter un risque accru par rapport aux hommes civils du même âge de la population civile.
    Diriez-vous que ce n'est pas seulement le genre de situation que nous voyons sur le champ de bataille, mais également la société et la valeur de la vie, ainsi que certains des facteurs qui sont source de désespoir pour ces hommes qui voient ces horribles choses arriver à leurs compagnons?
(1620)
    Je ne parlerai pas de la charte, car je suis le président du Sous-comité des anciens combattants. Nous étudions la charte depuis huit mois et nous espérons pouvoir poursuivre notre examen non seulement de la charte, mais de la façon dont elle est appliquée et interprétée dans la réglementation. C'est également moi qui ai fait adopter la charte au Sénat en 2005 et c'est donc quelque chose qui me tient à coeur.
    C'est le résultat des études. La question est de savoir combien c'est efficace. Nous sommes en train d'apprendre quelle est son efficacité et c'est ainsi que nous allons pouvoir continuer à l'améliorer, bien entendu.
    Pour ce qui est de l'état d'esprit et de ses conséquences, ce n'est pas seulement ce que l'on voit, ce que l'on sent et ce que l'on entend qui cause la plupart des traumatismes. Souvent, quand vous êtes au milieu de l'action, occupé à faire certaines choses et à essayer de sauver d'autres gens, une sorte de film se déroule sous vos yeux. C'est quand vous rentrez chez vous et que vous vous asseyez pour prendre une bière que tout à coup, tout commence à s'éclaircir. Ou c'est le soir, après une journée maussade comme celle d'aujourd'hui et ce genre de circonstances.
    Si vous ne vous construisez pas une prothèse en apprenant à éviter certains endroits… Par exemple, je ne vais pas dans les épiceries parce que l'abondance de fruits et légumes, ainsi que les odeurs, me paralysent littéralement. Je ne peux plus bouger, parce que cela me ramène aux points de distribution de la nourriture où des gens se sont fait piétiner à mort, etc. Par conséquent, il faut du temps pour se construire une prothèse et il faut bénéficier d'une thérapie et du soutien de ses pairs.
    Là où nous voyons vraiment des dégâts ou la difficulté de vivre, c'est suite à des dilemmes d'ordre moral et éthique et parfois juridique — selon le mandat… Contrairement à la Seconde Guerre mondiale où il y avait des règles d'engagement, vous saviez quel uniforme portait l'ennemi. C'était très linéaire, bien établi. Aujourd'hui, il peut venir de toutes parts. L'ennemi, les extrémistes, les terroristes ne respectent aucune règle du jeu. Vous pourriez vous trouver aussi bien devant une jeune fille de 14 ans, enceinte, qui prépare un attentat-suicide que devant une jeune fille de 14 ans, enceinte, qui cherche à obtenir une protection.
    Ce sont ces dilemmes et la façon dont nous y répondons qui détruisent notre cerveau. Le TSPT a un effet physique sur le cerveau; ce n'est pas simplement psychologique.
    Pour ce qui est des chiffres, j'entends constamment tous ces chiffres selon lesquels il n'a pas plus de suicides chez les militaires que chez les civils. Mais réfléchissons un peu. Ces personnes ont été sélectionnées, formées, triées sur le volet et ceux qui ne répondaient pas aux exigences ont été éliminés. Ces soldats sont préparés pour les opérations. Ils sont soumis à tout un système de contrôle et de commandement. Ils ont adopté un mode de vie, une culture qui leur donnent un sentiment de fierté.
    Vous avez donc tout ce bagage positif et pourtant vous dites que nos chiffres ne sont pas plus élevés que ceux des civils? S'ils sont les mêmes que ceux des civils, nous avons un très sérieux problème. Même si nos soldats vivent ces expériences traumatiques, étant donné qu'ils ont été sélectionnés, ils devraient avoir un taux de suicide moins élevé et certainement pas plus élevé.
    Il y a un an, j'ai donné une conférence à un colloque du U.S. Marine Corps. Les Américains avaient un énorme problème de suicides qui est apparu soudainement à cause du stress causé par le retour à une vie normale qui n'était plus comme avant: je ne suis plus qui j'étais quand je suis parti et ma famille n'est plus ce qu'elle était quand je suis parti.
    Par conséquent, c'est lors du retour à la normale que certains de ces facteurs de stress créent des traumatismes.
    Je vous remercie.
    Nous devons passer au suivant. Nous pourrions peut-être nous contenter de questions et de réponses assez brèves.
    Monsieur Carrier, s'il vous plaît.
(1625)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Dallaire.
    J'ai eu l'occasion d'aller au Rwanda, il y a deux ans, et j'ai pu voir les corps qui étaient exposés, qui avaient été enrobés de chaux en vue de leur conservation. J'ai pu comprendre ce que vous avez vécu dans ce pays.
    J'ai rarement l'occasion de venir siéger au Comité permanent des anciens combattants, mais chaque fois je trouve les discussions bien émouvantes. Cela nous fait comprendre un peu plus les conséquences de la guerre. Bien souvent, le Parlement discute en vue de déterminer si on doit être en guerre ou pas, mais ici on parle de toutes les conséquences.
    Vous avez mentionné qu'on a bien des données sur les morts qui ont lieu au combat, mais on oublie toutes les conséquences qui surviennent après le combat, comme les cas de suicide ou de maladie mentale. À ma connaissance, ces informations ne sont pas divulguées.
    À votre avis, cela devrait-il être mieux répertorié, dans un but de transparence et de responsabilité gouvernementale, pour qu'on sache au moins de quoi il s'agit quand on va en guerre et qu'on en revient?
    On fait face au même débat dans le monde civil: on ne veut pas annoncer les suicides parce qu'on craint que cela ne génère d'autres suicides. Donc, on censure spécifiquement le fait de rapporter cela.
    Au sein des forces armées, pendant plusieurs années, on a stigmatisé de façon épouvantable les individus d'un régiment qui avaient commis un suicide. Après coup, beaucoup de gens disaient que l'individu en question était un incapable, qu'il manquait de courage et de loyauté, que s'il s'était tué, c'était tant pis pour lui, et qu'on ne mettrait même pas son nom sur le monument du régiment. Pendant une période de temps, on disait quasiment de ces gens qu'ils n'étaient pas de vrais blessés et qu'ils n'étaient pas véritablement morts au combat.
    Cela a changé. C'est encore comme ça à quelques endroits, mais généralement, les gens reconnaissent que le suicide fait tout de même partie du régiment. Certains régiments mettent le nom de ces personnes sur la liste en mentionnant qu'elles se sont suicidées. On dit qu'elles ont servi et qu'elles sont mortes de leurs blessures. On écrit bien que la personne est morte « de ses blessures ». Toutefois, ce n'est pas encore généralisé dans la philosophie des gens.
    Par ailleurs, devant le public en général, on ne reconnaît pas les suicides qui ont été le résultat des opérations. Comme je vous l'ai dit au début, on a peut-être perdu 170 ou 180 soldats dans cette opération-là. Cependant, ce n'est pas nouveau. Ni le Canada ni aucun pays ne semblent vouloir compter ces morts parmi celles survenues sur le terrain de combat.
    En dernier lieu, j'aimerais dire que le ministère des Anciens Combattants ne suit pas vraiment la question des suicides. Il ne suit pas l'évolution de la personne, ne cherche pas à établir si elle a reçu des soins ou non. Il ne tient pas de statistiques à cet égard. On ne semble pas vouloir maintenir ces statistiques. Je peux comprendre cela dans le cas des anciens vétérans, mais pour les nouveaux vétérans, je pense qu'on devrait faire la promotion de cet outil afin de permettre au ministère de faire un suivi de cette question.

[Traduction]

    Je suis désolé, mais c'est terminé.
    Nous pourrions rester ici tout l'après-midi. J'ai vraiment apprécié vos réponses à nos questions, monsieur.
    Si nous pensons nécessaire de vous inviter de nouveau pour obtenir des éclaircissements, je l'apprécierais vraiment.
    Je voudrais faire une dernière déclaration, monsieur.
    Je ne pense pas qu'il y ait de meilleur moment que maintenant pour servir dans les forces, car nos missions sont justes. Toutefois, les gens en uniforme de tout le pays à qui j'ai parlé demandent deux choses à leurs dirigeants.
    Premièrement, quand vous les engagez dans une mission, donnez-leur les moyens de gagner. Vous repartez quand vous avez gagné ou repassé le flambeau, ou encore si c'est une mission impossible, auquel cas il faut reconnaître l'échec.
    Deuxièmement, quand les soldats reviennent dans une housse de mortuaire ou blessés, vous devez les traiter avec respect et dignité, eux et leurs familles, afin qu'ils n'aient pas à se battre de nouveau pour vivre décemment en tant qu'anciens combattants dans notre pays.
    Merci beaucoup.
    Des voix: Bravo!
(1630)
    Merci.
    Nous allons faire une brève pause avant de passer à notre vidéoconférence.

    Je déteste interrompre les conversations, mais nous avons deux témoins qui nous attendent à Winnipeg.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos invités. Jitender Sareen est professeur aux départements de psychiatrie, sciences de la santé communautaire et psychologie. Shay-Lee Belik est adjointe de recherche au Groupe de recherche sur les troubles anxieux et de l'humeur du Département de psychiatrie.
    Bienvenue.
    Avez-vous une déclaration préliminaire à nous faire?
(1635)
    Très bien, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci.
    Je voudrais d'abord remercier le comité de nous avoir invitées à prendre la parole aujourd'hui. Comme vous l'avez mentionné, je m’appelle Shay-Lee Belik et je suis étudiante au doctorat au département des sciences de santé communautaire et attachée de recherche au département de psychiatrie à l’Université du Manitoba.
    Je suis accompagnée du Dr Jitender Sareen, professeur de psychiatrie à l’Université du Manitoba et psychiatre-conseil à la Clinique des blessures de stress opérationnel de Winnipeg. Je veux souligner la collaboration étroite que le Dr Gordon Asmundson, de l’Université de Regina, et le Dr Murray Stein, de l’Université de Californie à San Diego, nous ont apportée dans la réalisation de ce projet.
     Je souhaite aussi mentionner l’appui financier des Instituts canadiens de recherche en santé. Je me dois de préciser que notre groupe effectue des recherches dans le domaine de la santé mentale chez les militaires depuis 2004 et qu’il travaille sur les stratégies de prévention du suicide auprès des communautés des premières nations du Manitoba depuis 2005.
    Si j’ai bien compris, vous m’avez invitée pour vous parler de mes travaux et de ce que j’ai appris sur la question du suicide chez les militaires canadiens. Je commencerai par vous entretenir de ce que nous savons à propos du suicide chez les militaires et surtout chez les militaires canadiens. Il est bien établi que le suicide est l’un des grands problèmes de santé mentale dans le monde. On a pu lire récemment qu’il est la principale cause de décès chez les militaires.
    Aux États-Unis, la couverture médiatique des derniers temps a souligné le lourd tribut que paye l’armée à cause du suicide de ses soldats, parlant parfois d’épidémie de suicides et estimant que ce phénomène a coûté la vie à beaucoup plus d’Américains que la guerre en Afghanistan. La presse semble se focaliser sur le nombre élevé de suicides, tandis que les chercheurs, de leur côté, débattent autour de la question de savoir si la proportion de militaires concernés par ce phénomène est supérieure à celle de la population en général. Pour certains, moins de militaires sont touchés, sans doute à cause de « l’effet du soldat en forme », qui revient à dire que le personnel militaire est habituellement en meilleure santé physique et mentale que la population en général compte tenu de la sélection à laquelle il est soumis.
    D’autres chercheurs, en revanche, sont parvenus au constat inverse et affirment que le taux de suicides est supérieur chez les militaires. D’autres encore n’ont constaté aucune différence entre les deux groupes. Toutefois, si l’on tient compte de l’effet du soldat en forme et du fait que le risque de mortalité global est généralement inférieur chez les militaires, on peut en venir à conclure que l’absence de différence dans les taux constatés entre les échantillons de militaires et les échantillons de non-militaires est indicative d’un risque de suicide plus élevé chez les soldats. Une telle conclusion revient à dire que certains aspects de la vie sous l’uniforme et après la libération sont peut-être un puissant facteur de risque de décès par suicide.
    Dans les comptes rendus de recherche, on note tout un débat autour de la question de savoir si l’exposition au combat, la participation à des missions de maintien de la paix et les déploiements contribuent au risque de suicide. Pourtant, le US Institute of Medicine a récemment avancé, à partir de données recueillies sur les vétérans du Vietnam et sur d’anciens combattants ayant subi des traumatismes de guerre, qu’il existe suffisamment de preuves pour conclure à l’existence d’un lien entre les déploiements en zones de guerre et le suicide dans les premières années suivant le retour du théâtre des opérations. Le facteur de risque ne semble toutefois pas être le même chez tous les militaires. Deux études réalisées au Royaume-Uni indiquent que le taux global de suicide chez les vétérans n’est pas supérieur à celui de la population en général, bien que les jeunes hommes, surtout les moins de 24 ans, semblent être plus à risque que les jeunes civils du même groupe d’âges. On signale que la jeunesse est un facteur de risque de suicide chez les militaires comme chez les non-militaires. D’autres facteurs de risque sont d’ailleurs communs à ces deux populations: célibat, faible soutien social, diagnostic de trouble mental dont le TSPT, tentative antérieure de suicide, impulsivité et accès à des moyens meurtriers, surtout à des armes à feu.
    À l’examen, il ressort que, même si le risque est identique, la prévalence de ces facteurs est supérieure chez les militaires. Par exemple, une étude réalisée sur un échantillon d’anciens casques bleus norvégiens a fait ressortir que les suicidants avaient privilégié les armes à feu et d’autres moyens aussi radicaux, et que les méthodes employées expliquent l’augmentation du nombre de suicides réussis pour la cohorte étudiée par rapport à la population norvégienne en général. Cette préférence chez les militaires est peut-être attribuable au fait qu’ils ont une plus grande expérience des armes et plus facilement accès à de tels moyens que les civils. Les différences de prévalence des facteurs de risque peuvent expliquer certaines dissimilitudes constatées dans les taux de suicide, mais jusqu’ici cette disparité n’a pas vraiment été étudiée.
(1640)
    Les autres facteurs de risque sont propres au métier des armes; par exemple: appartenir à la force régulière d’active plutôt qu’à la réserve; avoir été hospitalisé à la suite de deux blessures ou plus reçues au combat; effectuer un bref tour de service et être rapatrié prématurément; avoir un grade subalterne; éprouver des sentiments de honte et de culpabilité relativement au service et, comme on a pu le constater récemment, avoir subi des traumatismes cérébraux.
    Un certain nombre de facteurs de protection ont par ailleurs été recensés: discussions sur le thème de l’exposition des militaires, esprit de corps, camaraderie et sens du commandement militaire.
    Il faut souligner que la recherche effectuée jusqu’ici a essentiellement concerné les militaires américains, et ne pas perdre de vue que leur expérience est très différente de celle de non-Américains, donc des militaires canadiens. Le rythme et la durée maximale des déploiements et, plus important encore, le rôle et la mission sont quelques-unes des différences qui existent entre forces américaines et forces canadiennes.
     Au Canada, les médias ont causé tout un émoi avec leurs grands titres sur l’augmentation spectaculaire des taux de suicide dans les Forces canadiennes ces dernières années. Pourtant, à en croire le Rapport du comité d’experts des Forces canadiennes sur la prévention du suicide, le taux de suicide des militaires d’active de la force régulière est tout à fait semblable à celui de la population en général. Le taux moyen de suicide entre 2002 et 2006 chez les hommes civils de tous âges a été de 17,8 par 100 000, tandis que le taux de suicide chez les hommes de la force régulière pendant la même période a été de 16,9 pour 100 000. De plus, il semble indiquer que le taux de suicide dans les Forces canadiennes a diminué, comme en atteste une évaluation de la progression quinquennale débutée en 1995. Jusqu’ici, on ne connaît pas le taux de suicide dans le cas des vétérans canadiens.
    Quatre études seulement ont directement porté sur la question du suicide au sein des Forces canadiennes. Tien et son équipe ont en récemment publié une sur les principales causes de décès des militaires canadiens. Entre 1983 et 2007, 1 889 militaires d’active sont morts dont 17 p. 100 par suicide. En revanche, le nombre de morts liés au combat a été inférieur à 5 p. 100 de tous les décès. L’étude souligne que le suicide est la troisième cause la plus importante de décès chez les militaires canadiens, les accidents de la route arrivant en tête de liste.
    Soit dit en passant, les accidents mortels de militaires où l’alcool serait en cause présentent beaucoup de facteurs de risque communs avec les décès par suicide. Il faut donc conclure à l’existence d’une tendance autodestructive dans un sous-groupe de militaires, que celle-ci débouche sur un suicide ou un accident mortel, et celle-ci met en évidence le caractère meurtrier des comportements impulsifs.
    La deuxième étude, celle de Wong et de son équipe, examine le rôle des missions de maintien de la paix en tant que facteur de risque de suicide chez les anciens bérets bleus canadiens. À l’aide d’une méthode de cas-témoins, l’équipe de chercheurs a comparé, rétrospectivement, 66 suicides de militaires à un ensemble de cas-témoins, également constitués de militaires. Les résultats indiquent que le risque de suicide est supérieur chez les soldats du rang, célibataires, sans enfant, n’ayant pas terminé leur secondaire et ayant le français comme langue première. Aucune augmentation du risque de suicide n’a été relevée chez les militaires ayant pris part à des missions de maintien de la paix et leur taux de suicide ne correspond qu’à la moitié de celui d’une population comparable de civils. Toutefois, par rapport à population témoin, beaucoup plus de militaires étant passés aux actes avaient des antécédents de maladies psychiatriques et de stress psychosocial. Les difficultés d’ordre relationnel, l’attente de la libération du service et les conflits liés au travail de militaire sont quelques-uns des stresseurs psychosociaux en question. Soulignons que toute tentative de suicide antérieure constitue l’un des prédicteurs les plus solides du passage à l’acte.
    Notre groupe a réalisé deux autres études sur le rapport entre l’idéation suicidaire et la tentative de suicide chez les soldats canadiens en service actif. La première, qui s’attarde à la relation entre l’exposition à des événements traumatiques et les tentatives de suicide, a permis d’établir un lien entre l’exposition à des traumatismes d’ordre sexuel ou autres — comme le viol, l’agression sexuelle, la violence par le conjoint et la violence dans l’enfance — et une augmentation de la probabilité des tentatives de suicide. L’exposition au combat et à des missions de maintien de la paix n’augmente cependant pas ce risque.
    Notre toute dernière étude, affichée en ligne hier, compare les taux d’idéation suicidaire et de tentatives de suicide entre les militaires canadiens et la population civile canadienne. Elle fait ressortir qu’il n’existe aucune différence dans les taux de pensées suicidaires entre les deux populations, mais que les militaires sont moins susceptibles que les civils de déclarer qu’ils ont tenté de se suicider dans le courant de l’année écoulée. On n’a noté que peu de différences dans les facteurs de risque déterminant le comportement suicidaire entre les soldats d’active et la population en général, ce qui tend à prouver l’existence de modalités suicidaires communes.
(1645)
    Les récentes conclusions d’enquêtes sur les militaires américains, canadiens et britanniques montrent que, de façon générale, le personnel militaire ne se prévaut pas des traitements en santé mentale, d’où la nécessité de mener des campagnes de sensibilisation. La formation Gatekeeper offerte aux États-Unis est un exemple de programme d’action sociale signalé comme étant l’une des stratégies d’intervention les plus prometteuses jusqu’ici dans le domaine du suicide. Il a été démontré que la formation Gatekeeper, intégrée à une stratégie générale de prévention du suicide, a permis de réduire les taux de suicide de 33 p. 100 dans le cas d’un échantillon de plus de 5 millions de membres de l’US Air Force.
    Selon un examen récent des programmes de prévention du suicide chez les militaires d’active et les vétérans, il ressort que les interventions multiples auprès de militaires d’active ont toutes été bien documentées, mais qu’on manque de données à propos des programmes s’adressant aux anciens combattants.
    À l’instar de l’US Air Force avec son Suicide Prevention Program, les Forces canadiennes ont mis en oeuvre un vaste programme de prévention du suicide sur le thème « Soyez la différence ». Un volet de ce programme consiste à former l’ensemble du personnel à la prévention du suicide suivant un modèle de formation très connu, la Formation appliquée en techniques d’intervention face au suicide. Les évaluations réalisées à cet égard ont fait ressortir l’efficacité d’une telle formation qui permet de mieux savoir comment composer avec les suicidants, mais son effet sur les taux de suicide n’a pas été déterminé.
    Aux États-Unis, le Département des anciens combattants a aussi lancé une stratégie complète de prévention du suicide qui couvre toutes les catégories recommandées en matière de prévention de suicide par l’Institute of Medicine: interventions universelles, interventions sélectives et interventions indiquées.
    Cela étant, nous recommandons la mise en oeuvre d’une stratégie globale de prévention du suicide pour les vétérans canadiens. Selon une récente étude canadienne fondée sur l’audit systématique de 102 suicides au Nouveau-Brunswick, certaines mesures s’imposent: meilleure coordination des services de traitement des toxicomanies avec les spécialistes en santé mentale; lancement de campagnes de sensibilisation du public pour inciter les personnes à risque à se faire traiter, et formation offerte au personnel de santé primaire afin d’améliorer la détection des maladies mentales et des problèmes liés à abus de substances psychoactives et au comportement suicidaire.
    Cela étant, nous recommandons, en premier lieu, d’améliorer le suivi des anciens combattants ayant tenté de se suicider, puisqu’on sait que toute tentative antérieure est l’un des prédicteurs les plus valables du passage à l’acte abouti. Deuxièmement, il convient de sensibiliser et de former les anciens combattants et leurs prestataires de service aux questions de santé mentale et aux techniques d’intervention face au suicide, de sorte à favoriser la détection des personnes à risque. Troisièmement, il y a lieu d’insister sur la collaboration. Enfin, nous recommandons d’améliorer le dépistage des tendances suicidaires et des troubles mentaux chez les anciens combattants traités en établissement de soins. Il existe un programme de dépistage de ce genre au Danemark et en Norvège. Il consiste à envoyer des questionnaires à tous les soldats six mois après leur libération pour voir s’ils ne présentent pas de troubles mentaux et de tendances suicidaires.
    Peu importe que le risque de suicide chez les anciens combattants des Forces canadiennes soit ou non supérieur à celui des civils, une chose est sûre, il faut mettre sur pied des programmes de prévention du suicide si l’on veut réduire les taux de suicide, puisque tout suicide est une tragédie inutile. Qui plus est, le suicide peut occasionner de graves traumatismes et être une source de stress chez les familles, les amis et les collègues de travail en deuil, sans compter qu’il peut inspirer des idées et des comportements suicidaires à d’autres.
    Il est essentiel d’adopter des mesures pour s’attaquer à ce grave sujet de santé publique.
    Merci de votre attention.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Mme Zarac posera la première question.
    Merci.
    Je vous remercie pour vos recommandations. Dans la première, vous dites que nous devrions « améliorer le suivi des anciens combattants ayant tenté de se suicider, puisqu'on sait que toute tentative antérieure est l'un des prédicteurs les plus valables du passage à l'acte abouti. »
    Cela comprend-il également des soins de prévention pour la famille? Devrait-on aider la famille pour qu'elle puisse apporter son soutien?
    Oui, je crois qu'il est vraiment important d'inclure les familles dans le suivi des tentatives de suicide, absolument.
    Je ne le vois pas dans les recommandations, mais dois-je comprendre que le suivi inclurait les familles?
    Oui.
    En ce qui concerne les facteurs de risque — il y en a toute une série — qui sont associés aux tentatives de suicide, une fois que quelqu'un a cherché à se suicider en prenant une surdose ou par un autre geste et se retrouve à l'urgence, le problème est que le risque est assez élevé pendant la période qui suit immédiatement. Nous sommes entièrement d'accord pour dire que la famille et le soutien sont très importants pour aider l'intéressé. C'est la période où le risque est le plus élevé.
(1650)
    Diriez-vous qu'il y a plus de suicides chez les soldats qui ont des blessures physiques? Avez-vous des études qui le démontrent? Cela a-t-il été suivi?
    La réponse est non, il n'y a pas eu d'études à ce sujet. Plus précisément, en ce qui concerne le trouble de stress post-traumatique, la dépression et l'alcoolisme, les soldats qui ont des blessures physiques ont davantage tendance à souffrir de stress post-traumatique et de dépression. Les deux sont reliés au suicide. La douleur physique et la blessure physique rappellent souvent au soldat le traumatisme qu'il a vécu, ce qui mène souvent à la dépression. Ce qu'il éprouve peut l'empêcher de retourner au travail.
    Nous pensons que c'est probablement un problème, mais il n'y a pas, à ma connaissance, de données précises à ce sujet. Nous pourrions étudier cela.
    Il y a seulement des données indiquant que la blessure peut-être un facteur de risque, mais ce n'est pas spécifiquement relié au…
    Suicide.
    Oui.
    Merci.
    Vous avez également mentionné que selon certaines études, le taux de suicide plus bas chez les militaires est sans doute attribuable à ce qu'on a appelé « l'effet du soldat en forme ». Je viens de voir un cas de ce genre, au Québec. Le soldat était en bonne santé — il avait un corps sain — mais il a fini par perdre une jambe et c'est la raison pour laquelle il s'est tué.
    Est-ce une chose que vous voyez souvent? Car vous semblez dire le contraire dans votre mémoire.
    Les seules études que j'ai vues parlaient de l'effet du soldat en forme et du fait que cela devrait jouer un rôle protecteur. Mais ce dont vous parlez, je crois, c'est de l'énorme impact que cela a sur une personne qui se pense en bonne santé et en forme, en fait, en meilleure santé que la population en général. La façon dont elle a vécu jusqu'à sa blessure peut avoir un impact très important. La blessure peut avoir un effet plus important sur ce genre de personnes.
    Par conséquent, je suppose que dans ce cas, dans l'exemple que vous donnez, l'effet du soldat en forme n'est peut-être pas une protection.
    Très bien.
    L'effet du soldat en forme est une notion valide à un niveau général. Si vous comparez les deux populations, les soldats sont généralement en meilleure santé et vous pouvez vous attendre à un taux de suicide plus bas. Toutefois, dans le cas que vous décrivez, le militaire doit maintenant faire face à une perte et à sa blessure et il n'arrive pas à voir comment vivre avec cette perte et comment cela se répercutera sur sa carrière et sa famille. Pendant cette période, il peut sombrer dans la dépression et s'il consomme trop d'alcool, il peut avoir un geste impulsif.
    Dans vos évaluations, avez-vous jamais entendu parler de « pacte de suicide »? C'est un pacte conclu entre les membres d'un groupe selon lequel s'ils sont mutilés, ils se tueront avant leur retour? En avez-vous entendu parler?
    Nous avons entendu parler de pactes de suicide dans les communautés autochtones avec lesquelles nous travaillons au Manitoba. De nombreux adolescents se réunissent et décident qu'ils se suicideront tous en même temps ou à une certaine date parce qu'une personne qu'ils connaissaient s'est suicidée à ce moment-là. Je n'en ai pas entendu parler dans le contexte militaire et c'est donc quelque chose qui m'intéresse.
    Je n'ai jamais vu d'études à ce sujet.
    Très bien. Merci.
    Nous passons maintenant au suivant.
    Monsieur Carrier.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame Belik et monsieur Sareen. Vous avez le service d'interprétation, du moins je l'espère bien, car je vais parler en français.
    Vous avez comparé les études relatives au taux de suicide. On a différentes sources et il est donc difficile de se prononcer à ce sujet. Croyez-vous qu'on ait accès à toute l'information nécessaire?
    Tout à l'heure, le général Dallaire mentionnait que les réservistes, par contre, ne sont pas comptabilisés, ou qu'on ne leur offre presque pas de suivi lorsqu'ils reviennent de combat.
    Croyez-vous qu'on manque d'information et de statistiques en matière de suicide?
(1655)

[Traduction]

    Absolument. J'ai lu très attentivement le rapport des Forces canadiennes sur les taux de suicide et j'ai remarqué qu'on y mentionne la difficulté à suivre la population de réservistes. Il est question de différents niveaux de réservistes et le rapport mentionne qu'on dispose de bonnes statistiques pour certains niveaux, mais pas pour tous.
    Je suis donc d'accord avec vous pour dire que nous manquons de données pour le moment. Je crois aussi qu'il nous manque des données sur les anciens combattants.
    Je voudrais également ajouter que, comme Mme Belik l'a mentionné dans son rapport, les accidents de la route sont une cause de décès très fréquente et parfois le coroner ne peut pas clairement établir s'il s'agissait d'un suicide ou d'un accident. C'est problématique. Certaines recherches en Europe ont démontré que le facteur de risque pour les accidents chez les soldats de maintien de la paix était très semblable au facteur de risque pour le suicide au sein de ce même groupe: l'impulsivité et l'abus d'alcool chez les jeunes hommes.
    Mais vous avez raison, c'est difficile à établir. Une bonne partie de ce que nous entendons dire émane des médias américains. Comme l'a mentionné Mme Belik, nous avons besoin de plus de renseignements se rapportant au Canada.

[Français]

    Vous parlez beaucoup du suicide, dans vos commentaires, et aussi de santé mentale, sujet qui fait l'objet de notre étude en général. Avez-vous eu accès à des données relatives aux conséquences sur la santé mentale, qui ne vont pas nécessairement jusqu'au suicide?

[Traduction]

    En 2007, nous avons publié une étude à partir des données des Forces canadiennes, de la même série de données, et qui montrait ce dont le sénateur Dallaire a parlé dans son livre, à savoir que les soldats canadiens qui avaient combattu ou qui avaient été témoins d'atrocités comme des massacres risquaient deux ou trois fois plus d'être victimes non seulement du trouble de stress post-traumatique, mais aussi de dépression grave, d'alcoolisme, et de ressentir le besoin de soins psychiatriques.
    En fait, cela correspond très bien aux autres études faites aux États-Unis et au Royaume-Uni. Le message important est quand même que la plupart des soldats sont résilients et ne souffrent pas de troubles mentaux. Toutefois, un petit nombre, sans doute environ 20 p. 100 à 30 p. 100 qui ont été exposés à des combats ou qui ont été témoins d'atrocités comme celles du Rwanda, vont éprouver toute une gamme de troubles mentaux qui sont surtout la dépression, le trouble de stress post-traumatique, l'alcoolisme et le trouble panique.
    Je voudrais seulement mentionner que l'étude dont le Dr Sareen a parlé a été envoyée au comité. Je crois qu'on est actuellement en train de la traduire.

[Français]

    J'ai encore le temps de poser une petite question.
    Le général Dallaire comparait la situation en disant que maintenant les familles suivent davantage les opérations de combat. Elles sont davantage renseignées quotidiennement sur ce qui se passe lors des opérations.
    Croyez-vous que le fait que la famille a suivi peut-être plus intensément ce que le soldat a vécu facilite le retour du soldat à la maison?

[Traduction]

    Il est très difficile de répondre à cette question. Pendant la guerre de Corée, les familles n'avaient aucune nouvelle, mais ce qui se passe maintenant est presque problématique. Il y a quelques années, j'ai participé à une réunion de l'OTAN où on a parlé du suicide. Un des problèmes abordés au sujet des soldats américains c'est que parfois, des liens familiaux étaient coupés, par exemple si le conjoint quittait le soldat et l'en informait par courriel. Bien entendu, le soldat en était très perturbé et suicidaire. L'entourage du soldat devenait très inquiet. On a mentionné les problèmes que posait cet échange de communications entre le soldat et sa famille.
    Il s'agit maintenant de… Je ne sais pas si c'est mieux ou si c'est pire. Je pense que le lien est mieux préservé, que le soldat n'est plus aussi éloigné grâce à Skype et à ce genre de choses. Néanmoins, cela peut avoir des effets négatifs sur le soldat et sur sa famille.
(1700)
    Merci.
    Monsieur Stoffer, s'il vous plaît.
    Je voudrais d'abord vous remercier infiniment pour votre présence ici aujourd'hui et votre témoignage.
    J'ai toujours de la difficulté à comparer les taux de suicide des militaires ou des anciens combattants avec ceux de l'ensemble de la population. Il y a des années, je vivais au Yukon et nous avions eu quelques suicides dans notre petite ville de Watson Lake. À l'époque, il y a eu, à Whitehorse, une conférence à laquelle j'ai participé. Je me souviens d'avoir discuté de cette question avec des chefs des premières nations qui m'ont dit: « Nous ne voulons jamais qu'on nous compare à l'ensemble de la population. Nous sommes des peuples des premières nations. Nous sommes Autochtones. Nos préoccupations, nos problèmes, nos pensées, nos opinions, nos croyances sont différents et nous ne voulons pas être comparés au reste de la population. »
    Je remarque que vous avez fait, plusieurs fois, des comparaisons avec la population en général.
    Dans votre mémoire vous dites: « En revanche, l'exposition au combat et à des missions de maintien de la paix n'augmente en rien ce risque ». Bien entendu, je ne peux pas mettre en doute votre étude, mais j'ai du mal à croire que les soldats exposés au combat et à des missions de maintien de la paix ne courent pas ce risque. Je me souviens des gens qui ont été chargés de ramasser les corps déchiquetés sur les rochers après la catastrophe de Swissair. Certains d'entre eux ont dû quitter le service à cause de ce qu'ils avaient vu.
    Le suicide peut survenir de nombreuses années plus tard. Comme l'a dit M. Dallaire, un de ses soldats s'est suicidé 14 ans plus tard.
    Deuxièmement, vous dites, plus loin dans votre mémoire, que la formation Gatekeeper a réduit les taux de suicide de 33 p. 100. Est-ce une réduction de 33 p. 100 l'année des événements? Les tendances suicidaires peuvent durer jusqu'à la fin de vos jours. Vous pouvez vous suicider dans la cinquantaine à cause de ce qui vous est arrivé dans la vingtaine, je crois. J'aimerais donc savoir comment vous quantifiez ce genre de statistiques.
    Je ne doute pas de vos compétences. Vous avez dit que vous aviez commencé cette étude en 2004. C'est à peu près à cette époque que la mission en Afghanistan a pris toute son ampleur. Comptez-vous faire des études plus approfondies pour suivre ces anciens combattants et leurs familles pendant de nombreuses années ou allez-vous vous arrêter là, plus ou moins?
    Merci.
    Je dirais d'abord que les données que nous avons utilisées dans nos études ont été recueillies en 2002. Le contexte était donc très différent dans les Forces canadiennes avant l'Afghanistan.
    Je dois seulement préciser une chose à propos du travail que nous avons fait jusqu'ici. Nous n'avons pas la possibilité de suivre ces personnes. Nous avons utilisé une base de données anonymes recueillies par Statistique Canada en collaboration avec les Forces canadiennes. Ces données portent seulement sur les militaires d'active et c'est donc une autre limitation dont il faut tenir compte. Nous nous sommes seulement intéressés aux soldats actuellement en service et il se peut que les facteurs de risque évoluent avec le temps au cours de leur vie.
    L'étude dont vous parlez, qui concerne le lien entre les opérations de combat et de maintien de la paix et l'idéation suicidaire ainsi que les tentatives de suicide, ne dit rien au sujet des suicides réussis ou de ce qui se passe quand le soldat quitte l'armée.
    Je suis d'accord avec vous; bien entendu, on peut raisonnablement s'attendre à ce que le spectacle d'atrocités de cette nature pendant le combat puisse avoir des effets négatifs, a posteriori, sur la santé mentale d'un soldat. C'est limité du fait que nous examinons les résultats immédiats. Tous ceux qui présentaient des troubles mentaux graves au moment de l'étude n'auront pas forcément été inclus dans cet échantillon, car ils ont peut-être été libérés de l'armée. Il se peut qu'ils se soient déjà suicidés. Il s'agit simplement d'un échantillon représentatif des militaires en service actif à ce moment là.
    N'oubliez pas non plus qu'en ce qui concerne l'exposition au combat la question demandait seulement: « Avez-vous combattu? » Elle ne demandait pas de relater les expériences que les soldats avaient vécues pendant cette mission de combat. Il est donc possible que des soldats qui ont vécu des expériences traumatisantes se retrouvent avec d'autres dont l'expérience a été moins éprouvante, ce qui pourrait modifier un peu les résultats. Des questions plus précises au sujet de l'expérience de combat permettraient peut-être de mieux définir les résultats en fonction de certaines expériences reliées au combat au lieu de parler de combat en général.
    Pour ce qui est de votre deuxième remarque…
(1705)
    Je pourrais peut-être ajouter quelque chose.
    Ce résultat nous a surpris, tout comme vous. Nous nous attendions à un lien avec les opérations de combat et de maintien de la paix, mais comme l'a mentionné Mme Belik, les résultats étaient l'idéation du suicide et les tentatives de suicide. Les décès par suicide n'ont pas été analysés.
    Une chose importante ne figure pas dans notre rapport: nous n'avons pas de données sur les soldats qui ont participé à la mission en Afghanistan. En 2012, Statistique Canada va faire une enquête nationale sur la santé mentale des Canadiens et nous espérons que l'enquête que nous utilisons depuis 2002 sera également refaite, mais je n'en suis pas sûr. Je suis tout à fait d'avis, comme vous, qu'il est nécessaire de comprendre ce qui se passe. Les missions de combat qui ont eu lieu en Afghanistan sont très différentes de celles auxquelles ont participé les soldats sur lesquels portait notre étude.
    Il ne faut pas oublier que les décès par suicide sont très différents des tentatives de suicide. C'est là qu'il peut y avoir également certains écarts.
    Votre deuxième question portait sur la formation Gatekeeper et la réduction des risques, n'est-ce pas?
    Ma question portait sur la réduction de 33 p. 100 du taux de suicide. Était-ce 33 p. 100 en une année? Nous savons que les gens qui ont des tendances suicidaires et qui ne passent pas à l'acte… Au risque d'être simpliste, s'ils ne passent pas à l'acte immédiatement, ils risquent de le faire des mois ou des années plus tard.
    Oui, absolument. Cette étude a suivi le personnel actif de l'U.S. Air Force. Il y a eu une réduction quand la formation a eu lieu et ensuite, je crois bien qu'il y a eu un suivi pendant cinq ans pour voir si le taux de suicide a diminué pendant cette période. Cela n'est pas allé plus loin. Il n'y a pas eu de suivi après le départ du service.
    Monsieur Lobb.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question concerne le programme d'entraide et le programme Soutien social; blessures de stress opérationnel. L'avez-vous examiné dans le cadre de vos recherches? Qu'avez-vous appris à ce sujet?
    Pour ce qui est du suicide, il n'y a pas de publications sur le sujet; je sais qu'il s'agit certainement d'un élément très important du soutien apporté aux anciens combattants. Personne n'a jamais cherché à établir si une intervention telle qu'une formation qui sensibilise les gens aux risques de suicide aurait un effet sur leur capacité d'aider les autres.
    Cela me semble très logique. Comme ces personnes sont en contact avec les militaires, elles devraient constater les troubles mentaux et plus particulièrement le risque de suicide.
    Dans le cadre de vos études, avez-vous examiné les propos ou les idées du général Dallaire concernant la prévention?
    Désolée, mais nous n'avons rien entendu de ce qu'a dit le général Dallaire. Votre micro était fermé et nous avons donc seulement pu le voir.
    Je ne parle pas de ses déclarations d'aujourd'hui, mais de son livre, de ses discours ou des entrevues qu'il a données à l'époque. Vous êtes-vous penchés sur son travail?
    Nous avons examiné les répercussions des opérations de maintien de la paix sur la santé mentale des soldats. Désolé, mais je ne me souviens pas de ce qu'il a recommandé dans son livre au sujet de la prévention du suicide.
    Il estimait que les groupes d'entraide sur la base jouaient un rôle extrêmement utile pour réduire les tendances suicidaires.
     À la page 3 de votre mémoire, au dernier paragraphe, vous dites:

Les autres facteurs de risque sont propres au métier des armes; par exemple: appartenir à la force régulière d'active plutôt qu'à la réserve…
    J'aimerais que vous nous expliquez ce que veut dire cette phrase.
(1710)
    Cela veut dire que les taux sont plus élevés chez les membres de la force régulière que chez les réservistes. Comme nous l'avons dit plus tôt, nous manquons souvent de données sur les réservistes et il est donc difficile de dire si c'est vraiment le cas. Toutefois, selon les études publiées jusqu'ici, le service actif pose un risque plus élevé.
    Seriez-vous en faveur d'une étude ou de recherches qui feraient le suivi des réservistes?
    Absolument.
    J'étais à Wainwright, l'été dernier, quand les réservistes ont participé à l'exercice Maple Defender. J'ai parlé à des soldats qui avaient fait trois ou quatre tours de service en Afghanistan et qui étaient rentrés chez eux. Je me rends compte qu'un grand nombre d'entre eux sont suivis. Je ne sais pas exactement pendant combien de temps, mais c'est une question que je me pose.
    Dans votre troisième recommandation, à la dernière page, vous dites que « il y a lieu d'insister sur la collaboration ». Pour la gouverne de nos analystes et nous donner un peu plus de précisions, j'aimerais que vous nous en disiez plus. C'est assez vague. Avec qui et à quel niveau faudrait-il accroître la collaboration?
    Quand j'ai relu le texte de mon exposé, aujourd'hui, j'ai remarqué que cette phrase avait été raccourcie. Je parlais d'une coordination plus importante entre les différents services de santé à la disposition des anciens combattants.
    J'ai mentionné un peu avant dans le rapport la nécessité d'une collaboration entre les services d'aide pour les problèmes d'alcoolisme et les services de santé mentale. Il faut que ces services communiquent entre eux. L'abus d'alcool est peut-être un important facteur de risque, surtout au sein de ce groupe. Les gens impulsifs risquent davantage de se suicider. Par conséquent, nous recommandons que ces deux groupes communiquent ensemble pour parler de la santé du soldat.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Très peu.
    Merci.
    Je m'étonne un peu que dans le cadre de vos travaux ou de vos questions vous n'ayez pas demandé à des soldats en service actif ou à des ex-militaires s'ils ont participé au programme d'entraide du SSBSO, sur la base. C'est la première question que je poserais.
    Était-ce parce qu'il n'y avait pas de données ou de rapports à ce sujet? Pourquoi avez-vous omis cela?
    Je dois préciser que ces données ont été recueillies par Statistique Canada. Ce n'est pas nous qui l'avons fait. Statistique Canada a réalisé une enquête sur la santé mentale de tous les Canadiens en 2002. Dans le cadre de cette enquête, les Forces canadiennes ont chargé Statistique Canada de constituer un échantillon représentatif. Nous n'avons donc pas participé à la collecte de données. Nous nous sommes occupés de l'analyse des données.
    Vous avez soulevé une excellente question, mais c'est une étape à laquelle nous n'avons pas participé. Je pense que c'est une lacune, mais nous n'avons pas essayé d'étudier cet aspect.
    Merci.
    Nous allons passer à Mme Duncan.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins. Merci de nous présenter vos recherches et de prendre le temps et la peine de nous parler aujourd'hui.
    Je crois que vous avez soulevé deux questions importantes. Nous savons qu'au retour des soldats nous allons nous retrouver devant un grand nombre de troubles de stress opérationnel, que ce soit de l'anxiété, la dépression, le PSPT ou des traumatismes cérébraux. Vous avez parlé du manque de suivi. Mes questions se rapporteront plus précisément au ministère des Anciens combattants.
    Si les gens quittent le service, je voudrais des recommandations très précises à cet égard. Comment veiller à faire le suivi de ces personnes? Comment veiller à ce qu'elles obtiennent le soutien dont elles ont besoin? Nous savons que la collecte de données pose un problème. Nous avons parlé de l'entraide. Tous ceux qui partent devraient-ils rencontrer un psychiatre, un psychologue ou un travailleur de la santé mentale?
    Faudrait-il faire un sondage? Si un soldat est jugé à risque, faudrait-il le confier à un gestionnaire de cas — ce qui est fait actuellement, je crois — mais surtout au réseau d'entraide? Selon quelle fréquence faudrait-il vérifier ce qu'il devient? Suffit-il de faire un suivi six mois plus tard?
(1715)
    Un questionnaire de dépistage après déploiement a été mis au point et ces données sont recueillies. C'est Mark Zamorski qui a fait ce travail.
    Ce qu'il faut, c'est mieux sensibiliser la famille et le soldat et, comme vous l'avez dit, faire intervenir le réseau d'entraide. Quand le soldat quitte l'armée, cela devient difficile. Comment s'occuper de ces personnes? La méthode la plus importante est sans doute de sensibiliser davantage les gens. Le médecin de soins primaires est également une personne qui peut jouer un rôle utile.
    Comme nous l'avons mentionné dans le rapport, si la personne a fait une tentative de suicide le risque est probablement à son niveau maximal. Et si elle souffre du trouble de stress post-traumatique…
    Madame Duncan désire vous interrompre une seconde.
    Merci, monsieur le président.
    J'en ai parlé avec un certain nombre de familles. Elles n'ont pas reconnu les symptômes. Elles ne savaient pas que c'était un facteur de risque. Le fils est allé au sous-sol — dans trois cas différents — et il s'est donné la mort.
    Nous devons faire plus. Il faut faire plus que la sensibilisation et l'éducation. L'enfant — le jeune homme — vivait au sous-sol depuis six mois.
    Il faut faire plus que de la sensibilisation et de l'éducation.
    Oui. C'est ce qui est vraiment difficile. Si quelqu'un est extrêmement déprimé et si cela inquiète la famille, il est difficile de savoir s'il faudrait l'hospitaliser contre sa volonté. Cela pose un problème en pareil cas.
    Malheureusement, les suicides ne peuvent pas tous être évités. Les centaines de suicides qui ont été examinés au Nouveau-Brunswick, les cas dont Mme Belik a parlé, ont fait l'objet d'un examen très attentif. C'est ce qui a donné lieu à la recommandation concernant la coordination des services de santé mentale et de désintoxication. On a également estimé que 30 des 100 suicides n'auraient pas pu être empêchés, même si l'on avait tout tenté. Il est important de mieux sensibiliser les personnes en contact avec le militaire et d'apporter un soutien à la famille. Si une personne est déprimée, désespérée et veut mourir, elle ne va pas demander des services.
    Vous voulez dire quelque chose?
    Oui, merci.
    Tout le monde n'a pas une famille. C'est vraiment important: qu'arrive-t-il alors?
    C'est exact. Comme vous l'avez dit, il est difficile de suivre et de soutenir ces personnes.
    L'étude britannique a démontré que c'est quand les jeunes soldats quittent l'armée que le risque est le plus élevé. Il atteint son point culminant probablement pendant la première année qui suit la libération, mais cela peut arriver n'importe quand. Il est donc essentiel d'essayer de trouver des moyens de fournir des services et un soutien.
    Merci.
    Monsieur MacKenzie.
    Je remercie les témoins.
    J'ai une certaine expérience des cas de suicide. Nous ne devrions pas oublier que des suicides surviennent dans toutes les couches de la société et pas seulement chez les militaires. Les médecins, les avocats, les policiers, les ouvriers d'usine se suicident. Je le reconnais et comme vous l'avez dit, les suicides ne peuvent pas tous être évités.
    J'ai l'impression… vous n'avez pas entendu le général Dallaire, mais j'ai vu la même chose là d'où je viens. Souvent, nous nous retrouvons avec des gens avec qui nous n'avons rien en commun. Le général Dallaire a parlé de séances de trois heures au cours desquelles les recrues ont discuté avec des gens qui avaient expérimenté ce genre de choses. Dans un groupe, quatre jeunes hommes ont décidé que l'armée n'était pas pour eux, ou du moins cet aspect-là.
    Si nous nous intéressons uniquement aux militaires, et c'est ce que le comité essaie de faire, comment éviter de placer des gens incapables de faire face à un stress très important dans des situations qui risquent de leur causer des troubles mentaux? D'après les études que vous avez réalisées, voyez-vous un moyen d'éviter le problème avant qu'il ne survienne?
(1720)
    Cette question a été abordée dans une étude de Rona publiée dans le British Medical Journal, à partir de données britanniques. Les chercheurs ont étudié le dépistage des problèmes de santé mentale avant l'entrée à l'armée pour voir si cela permettait de prédire les problèmes futurs. Si une personne avait des antécédents de maladie mentale, de dépression ou d'anxiété, risquait-elle davantage d'avoir des problèmes de santé mentale après le déploiement? Leur conclusion a été négative. Selon cette étude, ces renseignements ne permettaient pas de prédire qui allait avoir des problèmes.
    C'est la plus grande difficulté que posent les maladies mentales en général. Comme pour le diabète ou les maladies cardiaques, il y a des risques génétiques. Une enfance difficile, des mauvais traitements, des abus sexuels, des difficultés familiales, l'exposition à l'alcoolisme pendant l'enfance sont autant de facteurs qui augmentent le risque lorsqu'on vit un événement traumatique. C'est du moins ce qu'on pense. Toutefois, pour le moment nous ne pouvons pas vraiment dire qui va développer des problèmes de santé mentale après un grave traumatisme. C'est la grande question. Nous avons essayé de faire une étude à ce sujet, mais nous n'avons pas eu le soutien nécessaire.
    Vous parlez des personnes qui souffrent d'un stress post-traumatique, mais vous reconnaîtrez qu'un grand nombre de suicides n'ont rien à voir avec le trouble de stress post-traumatique. Bien souvent, il s'agit de jeunes, mais cela touche tous les groupes d'âges.
    Dans ce cas, ce que le comité voudrait savoir, en ce qui concerne les militaires, c'est si l'on fait une sélection préalable au déploiement. Nous le faisons dans les autres secteurs. Le métier de vendeur convient mieux à certaines personnes tandis que d'autres métiers conviennent mieux à d'autres types de gens.
    Pouvons-nous faire quelque chose pour aider les militaires avant qu'ils ne soient déployés dans ce genre de situations?
    Voulez-vous répondre?
    J'allais seulement dire qu'à mon avis un des traits de caractère qui revient constamment, peu importe la population que vous étudiez, est l'impulsivité qui est un facteur de risque pour le suicide. Dans toutes les populations, militaires et non militaires, l'impulsivité semble prédire qui risque le plus d'être suicidaire.
    Certains chercheurs du Royaume-Uni ont tenté d'examiner la question. Pour le moment, rien ne prouve qu'une sélection préalable… Il est tout à fait logique d'offrir une thérapie cognitive ou de renforcer certaines compétences pour améliorer la résilience avant le déploiement. Les études de ce genre sont vraiment très importantes et nécessaires, mais elles n'ont pas été faites.
    La question de savoir si une formation avant le déploiement protégerait les soldats contre les maladies mentales est une question qu'on se pose depuis des années, mais personne n'a fait d'étude à ce sujet.
    Ce que nous savons, de façon générale, à propos des facteurs de risque pour ce qui est des maladies mentales et du suicide est que le suicide est encore plus difficile à prévenir de cette façon, car sa prévalence est bien moindre que celle du TSPT et de la dépression.
    C'est très difficile à évaluer. Toutefois, les gens qui ont eu une enfance malheureuse ou qui ont des antécédents familiaux de maladie mentale et une prédisposition génétique sont ceux qui risquent le plus de souffrir des maladies mentales s'ils sont exposés au stress ou s''ils perdent une relation. Mais il est très problématique, selon moi, d'exclure des gens pour cette raison.
(1725)
    Je dois m'interposer, car M. Vincent doit poser une question et nous devons terminer dans cinq minutes.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Vincent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Belik, j'ai lu dans Cyberpresse l'article intitulé « La guerre ne pousserait pas les soldats au suicide ». On rapporte dans cet article que vous n'aviez pas trouvé de risque accru de suicide chez les soldats qui avaient été déployés comme combattants ou comme Casques bleus. On sait naturellement que les Casques bleus n'avaient pas de mission militaire et n'avaient pas le droit de se servir de leurs armes. Certaines personnes qui ont quand même vécu des choses dans ces pays, par exemple des viols commis devant elles sans qu'elles puissent intervenir, se sont suicidées quelques années plus tard.
    J'en viens à parler de nos soldats qui sont maintenant déployés en Afghanistan. Dans le même article, on dit ceci:
Le risque double si le soldat a été témoin d'« atrocités », il triple chez ceux qui ont causé des morts par accident, et il quadruple chez ceux qui ont tué ou blessé quelqu'un intentionnellement, par exemple en utilisant leur arme en zone de guerre.
    On sait que bien souvent, ce n'est pas à leur retour du théâtre d'opérations que les soldats ont des tendances suicidaires, mais quelques années plus tard.
    Compte tenu de votre expertise, j'aimerais savoir quelles recommandations vous pourriez faire pour les anciens combattants. Comment pourrait-on assurer le suivi des gens qui sont allés dans un théâtre d'opérations, qui ont été témoins d'atrocités et de toutes sortes de choses, qui ont tué des gens, étant donné que, comme vous le stipulez, dans ces cas particuliers, les risques de suicide sont deux, trois et quatre fois plus élevés?

[Traduction]

    Il est très important de comprendre, comme vous le dites, qu'il semble y avoir un lien entre la réaction et le degré d'exposition au combat et aux atrocités. Si le soldat qui participe à une mission de la paix n'a pas vu beaucoup de combats ou d'atrocités, il court un risque moindre. Vous avez donc parfaitement raison.
    En général, le risque peut subsister un certain temps. Encore une fois, la sensibilisation des soldats et des membres de leur famille, ainsi que le dépistage après déploiement, visent à faire le suivi des militaires après leur retour d'Afghanistan. C'est comme cela qu'on peut suivre les personnes les plus à risque et les soigner.
    Merci infiniment. Nous apprécions vraiment le temps que vous avez passé avec nous aujourd'hui. Merci pour vos réponses honnêtes.
    Encore une fois, je remercie tous les membres du comité pour leurs bonnes questions. Merci.
    La séance est levée.
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