Bonjour, chers collègues. Aujourd'hui, le mercredi 21 avril 2010, a lieu la réunion numéro 6 du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan.
Je rappelle à tous que la séance est télédiffusée, alors je vous prierais de faire en sorte que votre téléphone cellulaire ou appareil BlackBerry ne sonne pas au beau milieu de la réunion.
Vers la fin de la réunion d'aujourd'hui, nous aurons du temps pour les travaux du comité; la première partie sera publique, et il se pourrait qu'on poursuive à huis clos pendant deux minutes. Mais il est sûr que la première partie sera publique.
Nous allons poursuivre notre étude du transfert de détenus afghans. Cet après-midi, nous entendrons un groupe de témoins.
J'ai le plaisir d'accueillir Ron Hoffmann, ambassadeur du Canada au Royaume de Thaïlande.
Bienvenue à la séance du comité.
Du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, accueillons Arif Lalani, directeur général du Bureau de la planification des politiques et David Sproule, jurisconsulte adjoint et directeur général de la Direction générale des affaires juridiques.
Bienvenue à vous deux.
De ce que j'ai compris, vous aurez chacun une déclaration à faire. Ensuite, nous passerons à deux ou trois séries de questions. Nous vous remercions d'être ici aujourd'hui.
Je crois que M. Sproule ouvrira la séance cet après-midi.
Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire.
:
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle David Sproule. Je suis le jurisconsulte adjoint et le directeur général de la Direction générale des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. J'ai servi à titre d'ambassadeur du Canada en Afghanistan du 6 octobre 2005 au 17 avril 2007. Immédiatement avant cette affectation, j'étais haut-commissaire du Canada au Bangladesh.
Permettez-moi de commencer en précisant que l'une des raisons principales de la présence du Canada et de plus de 60 pays partenaires en Afghanistan est de veiller à ce que les effets de notre aide perdurent. Nous y parvenons en créant des institutions fortes et démocratiques qui visent à donner à l'Afghanistan les moyens d'assumer la responsabilité complète de ses besoins en matière de sécurité et de sa propre gouvernance à long terme.
Lorsque j'ai débuté mon affectation en Afghanistan en 2005, notre personnel diplomatique à l'ambassade comptait cinq employés — un agent politique, trois agents de développement et moi-même —, trois employés administratifs et dix employés de la sécurité, sans oublier Glyn Berry au sein de notre équipe provinciale de reconstruction, l'EPR, à Kandahar. Notre objectif était de transformer notre petite équipe en une EPR et en une ambassade au plein sens du terme avec le personnel, l'infrastructure, les systèmes de communication, les contrôles financiers et la sécurité nécessaires à un fonctionnement efficace dans un milieu austère et dangereux.
Notre personnel de l'ambassade et de l'EPR a mis l'accent sur le travail diplomatique et de développement visant à appuyer les opérations de sécurité de nos forces armées.
Nous avons fait rapport sur nos réunions et les travaux du programme avec le président Karzai et les principaux ministres du Cabinet; les représentants de ministères et d'organismes gouvernementaux; l'administration provinciale de Kandahar; les conseils de développement et autres types d'assemblées; l'armée, la police et la magistrature afghanes; un grand nombre d'organismes internationaux et de l'ONU; d'autres ambassades; des organismes consacrés aux droits de la personne et des ONG.
Nous avons également organisé des visites pour de nombreux députés, représentants du gouvernement et ministres canadiens, le , la gouverneure générale et des experts canadiens du secteur privé.
Il y avait plusieurs problèmes au coeur de notre travail, notamment: établir le bien-fondé de l'augmentation du nombre de soldats de l'OTAN et de membres de l'armée et de la police afghanes afin d'aider les Forces canadiennes à Kandahar; améliorer les programmes de formation pour l'armée et la police afghanes; élaborer un programme d'aide bilatéral afin de répondre aux besoins de développement à long terme de l'Afghanistan — notamment l'éducation, le microcrédit pour les femmes et la santé — ainsi qu'à certains des besoins immédiats à Kandahar, notamment les routes, les puits et les postes de police; renforcer des institutions afghanes telles que le Parlement et le système judiciaire; s'attaquer aux problèmes de corruption et de trafic de stupéfiants; négocier des ententes officielles et officieuses avec le gouvernement de l'Afghanistan; protéger notre personnel civil; préparer des rapports sur les droits de la personne; appuyer le dossier des détenus.
En ce qui a trait à la question des détenus, un certain nombre de facteurs ont orienté nos efforts pendant cette période, les principaux étant: notre présence en Afghanistan repose sur les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU et la reconnaissance du fait que nous sommes là sur invitation du gouvernement afghan et pour appuyer la souveraineté du pays; la nécessité de faciliter la détention du personnel ennemi afin de l'empêcher de retourner sur le champ de bataille et de menacer encore la vie des soldats et des diplomates canadiens; l'importance de voir à ce que les personnes capturées par les Forces canadiennes soient détenues dans des conditions de vie humaine et traités selon les normes appropriées.
À cet égard, permettez-moi d'ajouter que nous n'avions aucune illusion quant au respect des droits de la personne en Afghanistan; c'est en partie pourquoi nous sommes là-bas.
Afin d'assurer le traitement approprié des détenus remis aux autorités afghanes, nous devions être convaincus qu'elles les traiteraient conformément aux normes juridiques internationales que l'Afghanistan avait promis de respecter. Nous avons obtenu des garanties des niveaux les plus élevés du gouvernement afghan aux termes de l'entente de décembre 2005. Nous avons veillé à ce que les autorités afghanes comprennent bien l'importance que le Canada accordait à cette question et le rôle essentiel qu'il jouait en Afghanistan.
Afin de renforcer les garanties accordées par le gouvernement afghan, l'entente de 2005 rappelait le droit existant du Comité international de la Croix-Rouge, le CICR, de surveiller les détenus et reconnaissait de façon explicite la responsabilité et le rôle constitutionnels de la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan en matière de surveillance du traitement des détenus. Nous avons ensuite commencé à faire des investissements considérables dans les institutions afghanes afin de renforcer les capacités du système judiciaire, de la police et des services correctionnels.
Les premiers problèmes liés aux détenus qui ont été soulevés pendant mon mandat étaient les retards opérationnels lorsqu'il s'agissait de prévenir le CICR à propos des détenus remis par nos forces aux autorités afghanes ainsi que le manque de détails fournis afin que le CICR soit en mesure d'assurer un suivi approprié des détenus. Nous avons essayé de résoudre ces problèmes au milieu de l'année 2006 en fournissant plus de détails sur chaque personne transférée et en mettant en place un système facilitant la transmission directe des avis aux bureaux du CICR à Genève et à Kaboul.
Nous nous concentrions aussi sur l'état médiocre des établissements de détention afghans et la formation inadéquate du personnel des prisons. Nous avons réagi en organisant une visite d'évaluation des établissements de détention de Kandahar par le service correctionnel afin de déterminer comment améliorer les établissements et la formation du personnel, et nous avons financé des initiatives à ces deux égards. Deux membres du personnel du Service correctionnel du Canada et des agents supplémentaires de la GRC ont été affectés à notre EPR, à Kandahar, dans le but de mettre sur pied des programmes de formation et de mentorat dans les prisons et pour la police. Des visites ont été effectuées par des représentants du Service correctionnel à la prison de Sarposa et à l'établissement de la Direction nationale de la sécurité dans la province.
Permettez-moi de souligner que, même si nous n'avions aucune illusion quant à la possibilité de mauvais traitements dans les établissements afghans, nous avions été très clairs avec les plus hauts représentants du gouvernement afghan au sujet de l'importance qu'accorde le Canada au traitement adéquat des détenus qu'il remet entre les mains des autorités afghanes. Nous avions reçu la ferme assurance que le gouvernement de l'Afghanistan prendrait au sérieux ses obligations relatives aux droits de la personne.
Néanmoins, afin d'accroître la protection contre les abus ou les mauvais traitements dans les établissements de détention afghans, nous avons amélioré l'accès et le financement accordés à la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan. Nous avons commencé à élaborer un plan d'urgence diplomatique qui décrit les étapes à suivre auprès des autorités afghanes, dans le cas où des allégations d'abus étaient portées à notre attention. De plus, nous avons perfectionné nos procédures normalisées de fonctionnement relatives au traitement des détenus.
La prise de ces mesures a coïncidé avec la décision d'accroître considérablement la représentation de l'effectif diplomatique à Kaboul et à Kandahar pour faciliter le soutien et l'établissement de programmes relatifs à ces efforts, ce qui comprend les problèmes liés aux détenus. La mise en oeuvre complète de ces plans a eu lieu pendant le mandat de mon successeur, Arif Lalani, qui décrira maintenant plus en détail ces mesures.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous.
Je m'appelle Arif Lalani et je suis directeur général du Bureau de la planification des politiques du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
J'ai occupé le poste d'ambassadeur du Canada en Afghanistan d'avril 2007 à août 2008. Immédiatement avant cette affectation, j'étais ambassadeur du Canada en Jordanie et en Irak.
[Français]
Vous avez entendu ce que mon collègue, David Sproule, et d'autres personnes avaient à dire au sujet des complexités qui se sont révélées au cours de la mission en ce qui concerne les civils et les militaires durant l'engagement, d'environ 10 ans du Canada en Afghanistan.
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler brièvement des objectifs que je visais à réaliser durant ma présence en Afghanistan, plus particulièrement en ce qui concerne les transferts de détenus. Mon prédécesseur et des agents à l'ambassade et à l'administration centrale ont travaillé à de nombreux aspects du dossier. David les a mentionnés.
[Traduction]
Je suis arrivé à Kaboul le 27 avril 2007. Le dossier relatif aux détenus était une priorité dès le premier jour. Au cours de ma première journée à l'ambassade, le 28 avril, j'ai reçu des directives de l'administration centrale visant à négocier un accord parallèle à l'entente sur le transfert des détenus de 2005 au moyen des lignes directrices qui avaient été rédigées par la mission et l'administration centrale sur une période de plusieurs mois. Les négociations de l'ambassade ont duré six jours et se sont terminées le 3 mai. La conclusion de l'accord parallèle et d'autres mesures que nous avions prises nous ont permis d'aborder des aspects clés du dossier.
Les ententes précédentes sur le transfert des détenus comportaient trois lacunes principales: le processus utilisé pour aviser le CICR et d'autres autorités, malgré les améliorations apportées, demeurait trop compliqué; aucun système de surveillance n'avait été mis en place par le Canada pour le transfert des détenus par les Forces canadiennes; et il fallait améliorer les méthodes de tenue des dossiers employées par toutes les parties concernées.
Au cours du mois suivant la conclusion de l'entente, le Canada avait commencé à mettre en oeuvre un système de surveillance de plus en plus solide, en collaboration avec les employés civils canadiens, pour renforcer le travail d'autres intervenants, comme la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan et le CICR. Nous avions modifié notre processus visant à informer le CICR afin que les agents à Kandahar puissent aviser immédiatement les bureaux du CICR à Kandahar, ainsi que ceux de Kaboul et de Genève. Nous avions élaboré des procédures opérationnelles normalisées de fonctionnement pour le transfert des détenus et leur surveillance. Nous avions aussi déployé une mission d'assistance technique composée d'experts canadiens afin d'examiner d'autres options relatives à la formation et à la fourniture de l'équipement pour aider les Afghans à gérer les détenus dans les établissements du pays.
Au cours de l'année, le Canada s'est concentré sur la mise en oeuvre du système de transfert; il a notamment déterminé les principaux responsables du dossier et créé une base de données sur les détenus transférés par les Forces canadiennes.
Nous avions évidemment d'autres tâches urgentes à l'ambassade et dans le pays.
Nous avions deux objectifs stratégiques.
[Français]
Tout d'abord, nous cherchions à élaborer et à mettre en oeuvre un engagement pangouvernemental en Afghanistan dans le cadre duquel les efforts militaires et civils seraient gérés de façon cohérente pour lutter contre l'insurrection.
[Traduction]
Nous devions faire en sorte que l'engagement civil puisse occuper l'espace sécurisé par les forces militaires, afin de pouvoir nous concentrer sur les efforts nécessaires sur les plans de la gouvernance, du développement et de la stabilisation.
C'est pourquoi nous avons doublé le nombre de civils affectés à Kandahar et à Kaboul, y compris les agents chargés de la surveillance des détenus.
Ensuite, nous voulions exercer une influence à la mesure de notre investissement. Le Canada était l'un des principaux donateurs de l'Afghanistan. Dans tous les domaines — éducation, réforme de la police, prêts de microfinancement pour les femmes —, le Canada figurait toujours parmi les trois principaux donateurs. Dans le cadre de mes responsabilités quotidiennes, je devais faire en sorte que nous ayons notre mot à dire dans ces dossiers et que nous collaborions avec l'Administration centrale et à Kandahar à l'élaboration de politiques qui permettraient aux Afghans de mettre sur pied des institutions de gouvernance, de renforcer le développement économique et de contribuer à leur propre sécurité.
Ron Hoffmann s'est joint à l'ambassade en août 2007, occupant le poste de chef de mission adjoint. Son poste avait été créé afin de nous permettre de mener nos opérations à un niveau fondamentalement différent, à titre de grand acteur dans un certain nombre de dossiers prioritaires: le chef de mission adjoint aidait à la gestion de l'ambassade et de ses opérations, dont l'élément civil à Kandahar, et le chef de mission s'efforçait d'influer sur l'orientation des dossiers dans lesquels nous avions tant investi.
Voici comment je pourrais résumer mon séjour en Afghanistan: le Canada travaillait à renforcer sa présence civile à Kaboul et à Kandahar afin de réaliser ses objectifs nationaux. Le dossier sur le transfert des détenus était l'un des nombreux dossiers importants et très politisés dont j'assurais la gestion avec l'équipe de l'ambassade.
En ce qui concerne les détenus, au moment de mon arrivée à l'ambassade, l'étape de la reddition de comptes était déjà terminée. Les enjeux avaient été abordés. Des décisions avaient été prises. Une entente officielle avait été conclue en une semaine.
Par la suite, il a fallu faire en sorte que toutes les parties concernées, tant les autorités afghanes que le personnel canadien, comprenaient parfaitement le fonctionnement du nouveau système et qu'elles travaillaient ensemble à la réalisation de l'objectif de l'entente. Ce travail a été accompli avec brio par mon successeur, Ron Hoffmann, et par les Canadiens dévoués qui ont mis leur vie en péril pour servir en Afghanistan.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant le comité.
:
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Ron Hoffmann. Comme j'ai déjà expliqué, je suis actuellement l'ambassadeur du Canada en Thaïlande, au Cambodge et au Laos, et je suis l'ambassadeur désigné du Canada en Birmanie.
Je suis arrivé à Kaboul au début août 2007 pour y créer le nouveau poste de chef de mission adjoint. J'ai ensuite été nommé ambassadeur et j'ai finalement servi en Afghanistan pendant deux ans. Comme Arif l'a déjà expliqué, mon arrivée a coïncidé avec une importante transformation de l'action canadienne en Afghanistan.
[Traduction]
Dans mon rôle de chef de mission adjoint, j'étais considéré comme étant le chef de la chancellerie, j'étais responsable de l'infrastructure, de la dotation en personnel, des services, de la santé et de la sécurité, de la politique de sécurité et de la qualité de vie, et je devais m'occuper de l'administration de la mission en général, tout cela dans le contexte d'une formidable croissance des ressources civiles. Une de mes principales fonctions consistait à renforcer la cohésion de la mission, c'est-à-dire à garantir l'application d'une démarche pangouvernementale efficace, et à renforcer l'intégration et la coordination des activités de Kaboul et de Kandahar.
On m'a également demandé de contribuer à notre stratégie de gestion des détenus. Je devais donc m'assurer que nous avions des personnes qualifiées pour exercer un bon contrôle; que nous analysions les dossiers clairement et à fond et que nous communiquions les résultats de notre travail; que nous réagissions avec efficacité et à-propos aux nouveaux enjeux et faits, à mesure qu'ils se présentaient; que nos militaires et nos civils travaillaient ensemble; que le soutien fourni aux institutions afghanes et les investissements que nous y faisions correspondaient aux besoins; et que notre action auprès des autres parties, y compris le gouvernement afghan, était dynamique et efficace.
Quand je suis arrivé en Afghanistan, pendant l'été de 2007, la question de la sécurité est devenue une préoccupation grandissante, à Kaboul et ailleurs.
[Français]
Nous prenions au sérieux notre obligation de diligence et de prudence à l'égard de notre personnel, de sorte que la nécessité de superviser le renforcement de la sécurité des missions dans la capitale est devenue une grande préoccupation.
[Traduction]
Étant donné l'afflux de personnel supplémentaire, nous avons aussi cherché à régler des questions en apparence banales mais essentielles comme le surpeuplement de l'ambassade, la nécessité de moderniser la chancellerie et les logements du personnel, ainsi que le renforcement des activités et de l'obligation de rendre compte à l'interne.
J'ai été nommé ambassadeur au départ d'Arif, à l'été de 2008. Nous avons ainsi garanti la continuité à la tête de la mission et dans les programmes que nous offrions. En outre, je connaissais les principaux dossiers qui occupaient l'ambassade, de sorte que celle-ci a pu exploiter les relations déjà établies en haut lieu.
Je me suis rendu à Kandahar plus de 20 fois, dans bien des cas avec des ministres ou des chefs d'organismes afghans, afin d'appuyer le leadership du gouvernement même du pays. Au cours des six derniers mois, par exemple, j'ai voyagé avec les ministres de la Défense, de l'Intérieur, de l'Éducation, des Transports et de la Santé et avec le chef de la Direction nationale de la sécurité (ONS), respectivement.
Nous avons observé des progrès concrets, mais nous traversions malgré tout une période difficile et coûteuse. La situation sur le plan de la sécurité demeurait désastreuse dans diverses parties du pays, et elle empirait dans certaines régions.
Tous les jours, des événements nous rappelaient que nous étions dans un pays en guerre luttant pour sa survie et son avenir. Par exemple, en ma qualité d'ambassadeur, j'ai dirigé là-bas les efforts que le Canada a déployés pour obtenir la libération de la journaliste Melissa Fung, enlevée au début de l'automne 2008. J'ai collaboré de près avec de hautes autorités afghanes avec lesquelles j'ai communiqué en personne ou par téléphone une vingtaine de fois au cours de la dernière semaine trépidante de la captivité de Mme Fung, avant qu'elle ne soit libérée par le gouvernement.
En outre, pendant le temps que j'ai passé dans là-bas, j'ai dit adieu avec une grande tristesse à des militaires canadiens, hommes et femmes, tombés au rythme moyen d'un tous les 12 jours. Nous avons aussi perdu des travailleurs civils canadiens de l'aide humanitaire pendant cette période.
Monsieur le président, nous savions parfaitement que l'État afghan et la société afghane en général souffraient des conséquences profondes de la guerre qui les déchirait depuis deux générations. Cette réalité avait des répercussions sur chaque aspect de la vie en Afghanistan. Or, les conditions s'amélioraient et l'État se modernisait et renforçait ses capacités, mais les progrès étaient lents et inégaux.
Nous étions très conscients du fait que l'appareil judiciaire et les institutions de sécurité souffraient de profonds malaises systémiques. Le gouvernement afghan avait adopté une politique officielle claire interdisant la torture et la maltraitance des prisonniers, mais nous étions aussi au courant des lacunes sur le plan des capacités humaines, de l'insuffisance de la formation, des piètres infrastructures et de certaines conditions très rudimentaires. J'étais personnellement convaincu, toutefois, que les mesures adoptées par le Canada pendant mon séjour en Afghanistan garantissaient que le risque de maltraitance auquel étaient exposés les détenus que les forces canadiennes remettaient aux autorités afghanes était réduit au minimum.
Comme mes prédécesseurs, en ma qualité d'ambassadeur et à titre de chef de mission adjoint très au fait des dossiers, j'avais des entretiens fréquents avec les autorités afghanes à de multiples niveaux et dans tout l'appareil gouvernemental, y compris des ministres et, régulièrement, le président afghan, pour réaffirmer les attentes du Canada et discuter des obligations de l'Afghanistan quant à la gestion des détenus. Ces autorités comprenaient l'importance que nous attachions à cette question et leurs engagements à cet égard.
Notre système de surveillance et la fermeté de nos exigences relatives au traitement humain des détenus ont suscité le respect et les éloges des alliés, de groupes indépendants et des hautes autorités afghanes. La Commission afghane indépendante des droits de la personne m'a communiqué cette opinion, tout comme la FIAS et l'OTAN, l'ONU et des organisations internationales indépendantes clés.
Outre le fait que le Canada a appliqué un rigoureux système de surveillance et qu'il a milité en permanence en faveur des droits des détenus auprès des hautes autorités du pays, il a fait des investissements pour améliorer la capacité et l'infrastructure des prisons afghanes. Il a fourni une formation et du matériel et il a modernisé les installations, tant à Kandahar qu'à Kaboul.
Monsieur le président, je crois que le Canada a tout lieu d'être fier. Les choses n'étaient pas faciles en Afghanistan, et nous n'étions pas parfaits, mais nous avons appris des leçons continuellement et nous avons régulièrement fait des ajustements. Les militaires, diplomates, spécialistes du développement, policiers et agents du service correctionnel canadiens ont de plus en plus harmonisé leurs efforts et fait de leur mieux pour remplir leurs mandats et assumer leurs responsabilités.
[Français]
Je ferai maintenant de mon mieux pour répondre à vos questions. Je vous remercie.
:
Monsieur Rae, je dirais que certains renseignements sur ces histoires ont été exposés au grand jour non pas malgré notre programme, mais bien grâce à notre programme, et qu'il y a de nombreuses leçons à tirer de notre expérience.
Pendant la préparation de ce nouveau système de surveillance, qui était solide et complexe, et dont la mise en oeuvre obligeait le personnel canadien à mobiliser des ressources colossales et à prendre des risques, nous avons estimé que le risque en valait la peine, parce qu'il était important de nous acquitter de ces obligations; il n'y a pas eu toute une série d'allégations pendant le processus de développement du programme. À mesure que nous avons perfectionné et peaufiné le programme de surveillance, il est devenu de plus en plus solide et le nombre d'allégations a même diminué. En 2008, nous n'en avons eu aucune, et je crois que cela témoigne des résultats positifs de notre travail.
Pour ce qui est des allégations que nous avons eues, nous avons pris chacune d'elles au sérieux. Certains se sont plaints de la nourriture, de la climatisation, du papier hygiénique, et les autres allégations étaient beaucoup plus graves. Parmi toutes les allégations que nous avons eues — environ 10 ou 12 pendant toute la période où ont eu lieu les quelque 200 visites —, il y en a une qui avait réellement du poids. Nous avons eu l'impression que cette allégation était beaucoup plus importante que les autres, et nous avons pris les mesures que nous jugions appropriées. Il a fallu interrompre longuement le transfert des détenus pendant que nous mettions en place le programme et le plan d'action que nous avions préétablis, lesquels nécessitaient une collaboration générale avec la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan, le CICR et le gouvernement afghan afin d'assurer la mise en oeuvre adéquate des mesures que nous croyions nécessaires. Il n'y a donc eu aucun transfert jusqu'à ce que nous soyons entièrement satisfaits.
:
Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Lalani.
Monsieur Lalani, M. Colvin, dans son témoignage, a parlé de vous, pas toujours en termes très gentils, j'en conviens.
[Traduction]
Il a dit que la censure avait augmenté dès l'arrivée d'Arif Lalani à titre de nouvel ambassadeur du Canada en Afghanistan en mai 2007, et que, « immédiatement après, la trace écrite des détenus était réduite ». Il a ajouté: « Les rapports sur les détenus ont commencé à être censurés, à l'occasion, pour faire disparaître de l'information cruciale. »
[Français]
Le Globe & Mail a rendu public un mémo. J'aimerais que vous le regardiez parce qu'on peut lire à gauche les mots suivants: « Richard, you should go with my list. » On a biffé des noms à qui il devait envoyer le rapport et on a plutôt inscrit « Proudfoot, Buck » et quelques noms de personnes seulement. Je voudrais que vous preniez connaissance de ce document. Je voudrais savoir si vous le reconnaissez.
:
Excusez-moi, mais je vais vous répondre en anglais.
[Traduction]
Je suis heureux de vous parler de ça. Je reconnais le document. Ce n'est qu'une page, mais il y en a d'autres. Mais vous voulez parler de la distribution, donc je vais le faire volontiers.
Un des points qui a été soulevé auparavant dans des rapports et des discussions, et qui faisait partie des nouvelles instructions permanentes d'opération que nous tentions de mettre en place afin de régulariser le système de traitement de ce dossier, était qu'il fallait s'assurer d'avoir identifié certaines personnes qui avaient été désignées pour ce dossier et qui étaient par conséquent responsables de fournir des réponses dans ce dossier. D'une certaine façon, et je crois que certains d'entre vous seront d'accord, la meilleure façon dont on puisse s'assurer que je ne lis pas un message est de m'ajouter à une liste d'envoi de copie conforme de 100 personnes.
M. Claude Bachand: D'accord...
M. Arif Lalani: Si vous me permettez de terminer, parce que je sais que c'est une question qui a été soulevée; si vous regardez à qui le message a été envoyé, je sais que ce ne sont pas des noms et des adresses de personnes bien connues. Au fond, ce que j'avais dit — n'oubliez pas non plus que c'était je crois mon quatrième jour de travail après avoir négocié l'entente avec Richard et avec d'autres — c'était que nous devions envoyer cela aux personnes qui étaient en mesure de prendre une décision, c'est-à-dire le directeur du groupe de travail au ministère des Affaires étrangères à Ottawa, le directeur général au même endroit, la personne responsable du dossier au Bureau du Conseil privé, ainsi qu'à deux adresses à Kandahar, celle de la base et celle de l'Équipe de reconstruction provinciale de Kandahar. J'ai également ajouté dans le message que nous laissions au Groupe de travail sur l'Afghanistan la décision d'élargir la distribution. En quelque sorte, j'essayais seulement d'envoyer le message aux bonnes personnes.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le président, j'aimerais d'abord remercier sincèrement chacun des trois témoins de leur présence aujourd'hui. De plus, tous les trois ont couvert la période s'étendant de 2005 à 2009; cette période a été vraiment cruciale pour le Canada, parce que c'est à ce moment que nous avons commencé à avancer dans le pays, à renforcer nos capacités et à avoir des détenus.
Comme vous l'avez très clairement mentionné, il y a eu évolution du processus tout au long de cette période, et vous avez tous les trois pris part à ce processus. La première étape consistait à déterminer les lacunes qui ressortaient de la première entente et que vous déceliez, ce qui s'est fait pendant le mandat de M. Sproule, comme lui-même l'a fait remarquer; puis Arif Lalani a pris la relève, et la nouvelle entente a été implantée, et ce fut ensuite le tour de M. Hoffmann pendant la réalisation des opérations liées à cette nouvelle entente.
Mais un fait important apparaît très clairement, c'est que le travail accompli par chacun de vous trois met en relief un point très sérieux que tout le monde doit comprendre, c'est-à-dire comment nous pouvons remplir nos obligations sur la scène internationale, comme vous l'avez souligné à juste titre, dans le respect de la Convention de Genève et de ceci.
Puisque aujourd'hui nous parlons des détenus, je vais passer à la question des détenus. Je vais m'adresser très brièvement à M. Sproule.
Monsieur Sproule, pendant votre mandat ou pendant celui d'Arif Lalani, M. Richard Colvin a écrit de nombreux rapports, comme l'a dit M. Lalani, mais il n'a dit à aucun moment — à moins que vous sachiez qu'il l'a dit, ou peut-être pourriez-vous nous dire s'il l'a dit — que nous devrions interrompre le transfert des détenus.
:
Avec plaisir... et mon nom est toujours « Arif ».
Il y a effectivement eu un grave incident en novembre, alors que l'entente était en vigueur et que nous procédions à des contrôles très réguliers. Je veux toutefois vous dire que, sur ce sujet, je dois consulter Ron, mon adjoint à cette époque; nous étions interchangeables. Il y a une certaine période, en novembre, où j'étais à l'extérieur du pays et Ron m'a remplacé. Alors, nous avons tous les deux eu affaire à ce cas particulier, mais je crois que c'est un bon exemple.
Donc, en novembre, à la fin de l'une de nos missions de surveillance, des allégations ont été formulées. Je crois que, pour les responsables de cette inspection, ces allégations avaient clairement une portée différente, car nous avions la réponse sous les yeux juste en regardant la personne concernée. Je crois que certaines personnes ont vu des choses dans la cellule de détention. Alors, nous avons réagi très rapidement. Nous avons immédiatement appliqué les instructions permanentes d'opération. Autrement dit, nous avons informé les responsables à Ottawa de la situation, averti le CICR ainsi que la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan et, enfin, les autorités afghanes aux plus hauts niveaux, à Kaboul.
Un certain nombre de choses se sont produites à la suite de cette démarche. En effet, le commandant sur le terrain a pris la décision d'interrompre immédiatement les transferts des détenus jusqu'à ce que l'on puisse faire confiance au système. Il en a résulté effectivement un système de surveillance plus rigoureux prévoyant un contrôle plus régulier à cet égard.
Il nous fallait protéger les éventuels auteurs d'allégations. Nous devions être très prudents quant à notre façon de mener nos missions de surveillance et nous devions poursuivre ces missions tout en essayant de faire la lumière sur certaines situations.
:
Merci, monsieur Obhrai.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, le Canada a estimé que ce risque était nécessaire parce qu'à notre avis, nous avions certaines obligations à respecter.
Les routes qu'ont dû emprunter nos représentants, plus de 200 fois comme je l'ai déjà dit, pour s'acquitter de ces obligations sont des routes où, en de multiples occasions, des civils ont été tués à la suite d'attaques ou par des engins explosifs improvisés. Les installations où ils devaient se rendre, qu'il s'agisse de la prison de Sarposa, de la prison du ministère de la Justice ou des locaux de la DSN, ont toutes fait l'objet d'attaques très sérieuses en de multiples occasions entraînant de nombreuses pertes de vie.
Nous connaissions ces risques. Les personnes qui s'y sont rendues connaissaient ces risques aussi. Les nombreux soldats qui assuraient leur transport et leur protection rapprochée étaient au courant de ces risques. Mais il n'en demeure pas moins que c'était des risques que, comme je l'ai dit plus tôt, nous estimions devoir prendre afin de respecter nos obligations juridiques internationales, des obligations que ceux qui prenaient ces risques s'étaient engagés à respecter par conscience professionnelle.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui.
Tout d'abord, monsieur Lalani, vous avez dit qu'évidemment il y avait des « lacunes ». Je trouve que c'est plutôt un léger euphémisme pour décrire les préoccupations qui ont été soulevées devant notre comité concernant la DNS et sa culture de torture et d'abus de prisonniers, si je me réfère aux preuves avancées par Eileen Olexiuk qui a produit plusieurs rapports sur les droits de l'homme, à ce que j'ai entendu de la part de M. Colvin et enfin au témoignage de Cory Anderson qui nous a dit, il y a trois semaines, que la DNS n'a jamais été un partenaire fiable au niveau des opérations en Afghanistan.
Dans tout ce que j'ai entendu, deux choses m'inquiètent. Par exemple, David Mulroney nous a dit que ce n'est qu'une fois la deuxième entente signée en mai 2007, que nous avons entrepris de mettre au point une base de données. Cette affirmation confirme essentiellement ce que vous avez dit, monsieur Sproule, à savoir que nous ne savions pas grand chose avant cela.
Il y a trois semaines, sur la question d'allégations précises de mauvais traitements, M. Anderson nous a dit: « ... à mon avis, il n'y a pas eu d'allégations spécifiques de mauvais traitements avant mai 2007 parce qu'il n'y avait pas en place les moyens pour que nous le sachions et que nous ne faisions aucune espèce de suivi ».
Au moins, convenez-vous, monsieur Sproule, qu'avant la nouvelle entente, soit lorsque vous avez enclenché un processus de surveillance qui nous a permis de savoir que le CICR, par exemple, ne transmettait aucun rapport au Canada et qu'il ne faisait rapport qu'au gouvernement afghan, qu'il y a un genre de trou noir entourant les événements survenus avant mai 2007, à savoir qui étaient les personnes transférées? quel a été leur sort? ont-elles disparu ou ont-elles été maltraitées? Est-ce que c'est juste de dire cela?
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Lorsque je suis arrivé en Afghanistan au début d'août 2007, beaucoup de travail avait déjà été accompli par un grand nombre de personnes — certaines comparaîtront devant ce comité — afin de garantir que la stratégie des différentes organisations du gouvernement canadien était de plus en plus appliquée, et que les efforts étaient déployés vers un même but. Au fil des deux années que j'ai passées en Afghanistan, il ne fait aucun doute que le processus a été poussé encore plus loin.
Nous avons eu la commission indépendante sur l'Afghanistan, qui était dirigée par John Manley et qui a fait des recommandations au gouvernement et au Parlement, bien entendu. Cette mesure a permis d'avoir une stratégie encore plus intégrée qui englobait réellement tous les aspects de l'engagement du Canada. Un point crucial était la question des détenus, sur laquelle nous nous entendions complètement; nous nous assurions que nos rôles et nos responsabilités, que nous avions cernés, étaient pris en charge rapidement et efficacement.
Mais c'est également vrai que chacun des aspects de notre engagement impliquait une stratégie intégrée dans laquelle l'orientation de notre gouvernement était claire; nous savions exactement pourquoi nous étions là et quels objectifs nous souhaitions atteindre. Toutes les organisations du gouvernement du Canada s'employaient à atteindre ces objectifs communs.
C'est l'une des raisons qui expliquent pourquoi, lorsque j'ai quitté l'Afghanistan, j'ai dit publiquement à maintes reprises que les Canadiens ont beaucoup de raisons d'être fiers. Je crois que nous avons agi de façon intégrée, et, jusqu'au moment où je suis parti, probablement mieux que chacune des 60 nations qui ont contribué aux efforts en Afghanistan.
Merci, messieurs les ambassadeurs.
Je vais poursuivre avec la question que mon collègue, Bob Rae, a commencé à vous poser. Je vais exposer la norme juridique internationale qui existe pour le droit national et le droit international.
Premièrement, s'il existe un risque réel de torture, mon interprétation est que vous ne pouvez pas vous décharger de la responsabilité juridique que vous avez à l'égard des détenus au simple motif qu'à votre avis, les Afghans font du bon travail ou du meilleur travail qu'auparavant; vous ne pouvez vous en remettre aux autres.
Deuxièmement, vous ne pouvez pas transférer les détenus s'il existe un risque réel de torture.
Troisièmement, vous dites que vous saviez tous que la torture était employée et que vous avez pris des mesures pour composer avec la situation. Ainsi, il est faux que vous n'en saviez rien; vous étiez au courant. En tout cas, même si vous ne le saviez pas, il y a tant de renseignements qui sont connus du public au sujet de la torture qu'il est justifié que l'on tienne pour acquis que vous le saviez. De plus, en tant que Canadiens, nous avons un devoir concret de déterminer la gravité de la torture infligée. S'il continue d'exister un risque réel de torture, nous avons l'obligation d'empêcher les transferts et de les annuler.
C'est ce que je crois que le droit international et le droit national prévoient. J'ai une question qui s'adresse expressément à vous trois. Croyez-vous que nous, en tant que pays, et que vous, en tant qu'ambassadeurs, avons appliqué tous les critères juridiques nécessaires dans les circonstances, à la lumière de ce que le département d'État des États-Unis a écrit, soit de leur rapport, à la lumière de nos propres rapports, et à la lumière de ce qui se passe devant les tribunaux britanniques, où l'on présente des allégations de torture à la DNS? Et il y a la preuve présentée par M. Colvin, par M. Anderson et par M. Malgarai. Il y a aussi celle soumise par M. Gosselin, soit les huit allégations de mauvais traitements se rattachant à son enquête; il ne savait pas ce qui leur était arrivé.
Tous ces éléments de preuve ont été rendus publics. Dans ce contexte, pouvez-vous me dire si vous croyez que nous, en tant que pays, et que vous, en tant qu'ambassadeurs, avons appliqué tous les critères établis?
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Laissez-moi commencer, si vous le permettez.
Je crois cela. Je ne serais pas ici si ce n'était pas le cas.
Je ne suis pas avocat, donc je ne suis pas certain de la façon dont je dois vous présenter la différence qui existe, à mon avis, en tant que personne non initiée, entre les éléments de preuve et les rapports, mais laissez-moi vous dire qu'à mes yeux — et j'étais la personne sur le terrain qui devait s'occuper de l'atteinte des objectifs très clairs que vous avez énoncés, pendant la période où je me trouvais là-bas —, il y avait une différence entre écouter les accusations, les allégations et les rapports, et mettre le doigt sur la preuve qui en ressortait.
La meilleure façon pour nous d'obtenir des éléments de preuve, de se procurer des renseignements fiables, était d'exercer une surveillance. Pendant la période où je me trouvais là-bas, c'était ce sur quoi nous nous concentrions. Il s'agissait là de l'une de mes principales priorités. C'était au moyen du programme de surveillance que nous étions en mesure, en fait, d'obtenir le degré de certitude que — je suis d'accord avec vous — vous croyez que nous devons avoir.
Donc, oui, et il s'agit de toute évidence d'une question complexe. À mon avis, vous ne devriez pas douter du fait que nous ayons pris cette responsabilité à bras-le-corps et très au sérieux, au seul motif que nous avons répondu à vos questions calmement.
En ce qui concerne la question des détenus, comme je l'ai mentionné, une grande partie de nos efforts ont été consacrés à l'amélioration du système de déclaration. Cela a nécessité un effort constant pour s'assurer que, dès que possible, les responsables du CICR soient informés qu'un détenu a été transféré et qu'ils puissent superviser la situation dans les établissements de détention.
Mais nous savions également qu'il était important que nous ajoutions plus de supervision, surtout en raison du nombre croissant de détenus. Ainsi, depuis l'automne, à la suite de nos rapports et grâce à notre travail effectué en collaboration avec le quartier général — le quartier général du MDN et l'administration centrale d'Affaires étrangères — un protocole d'entente et une entente ont été conclus entre nos forces armées et la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan afin de leur fournir un accès spécial et de l'information, et de leur donner les coudées franches et les ressources nécessaires pour entreprendre cette surveillance pour nous. En outre, comme je l'ai dit, nous avons pensé qu'il était important de renforcer l'aide actuelle apportée aux Afghans afin d'améliorer leurs capacités et leurs installations. Le travail de la GRC en collaboration avec la police a contribué à ce résultat.
Au début de 2007, notre quartier général a participé activement à l'élaboration d'un système plus vigoureux, qui a été mis en place très tôt après l'arrivée de M. Lalani au poste d'ambassadeur. Ce système est celui dont nous disposons maintenant. Nous avons perfectionné nos techniques et nos procédures. Je crois que l'ambassadeur Hoffmann l'a mentionné, ce système nous a en fait permis de déterminer où se situaient les enjeux que nous devons vérifier et, dans certains cas, où il y a des incidents que nous devons examiner.
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Chaque jour en Afghanistan, nous devions nous souvenir que nous nous trouvions dans un pays souverain, et dans la mesure où nous aurions aimé résoudre nos problèmes nous-mêmes dans un secteur donné, nous devions reconnaître bien entendu que ce que nous faisions respectait les sensibilités et les besoins souverains du pays où nous nous trouvions.
Dans le cas du transfert des détenus, les Afghans n'ont demandé le transfert que d'une seule organisation. Il s'agissait de l'organisation qui avait la responsabilité de leur gouvernement d'accepter que ces détenus soient emprisonnés dans ces conditions.
En ce qui concerne la construction d'une capacité, monsieur Hawn, comme je pense que c'est de cette façon que vous avez commencé la question, le Canada a participé à la construction d'une capacité en partie pour soutenir nos obligations internationales, mais nous avons fait beaucoup plus que cela. Nous avons participé à la construction d'une capacité bien au-delà de nos obligations internationales. Il ne s'agissait pas d'une approche minimaliste.
Nous avons organisé une formation nationale des gestionnaires des institutions responsables de la sécurité, qu'il s'agisse de la police, de la DNS, ou de l'Armée, mais qui comprenait une formation de gestion à l'intention de la DNS et une formation relative aux droits de la personne, pour des institutions qui oeuvraient bien au-delà des limites de Kaboul et de Kandahar. Une partie de l'infrastructure et de l'équipement que nous avons fournis dépassait les besoins qui, selon nous, faisaient partie strictement de nos obligations juridiques. Cela faisait partie de notre engagement à bâtir l'État d'Afghanistan afin de le rendre plus fort et plus indépendant.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Lalani, je voudrais en venir directement à une question que je ne comprends pas très bien, et ça concerne M. Colvin.
M. Colvin a fourni des preuves au comité — vous l'avez probablement lu — à l'effet qu'il était possible que des détenus soient maltraités et torturés lorsqu'ils étaient transférés. C'est ce qu'il a déclaré devant ce comité. Il a en outre dit que ses rapports étaient révisés, voire censurés. C'est ce qu'il a dit, et je veux clarifier ce point.
Nous savons que c'était un problème, et c'en était certainement un pour l'ambassade ici à Ottawa, parce que des questions ont été posées en Chambre et ailleurs après la publication du rapport de Graeme Smith dans le Globe and Mail. Je sais que ce sujet a alimenté les discussions de nombreuses personnes, parce que nous avons réagi à ce rapport, et je pense que vous aussi. Je veux être très clair. Je veux que vous répondiez à ma question par l'entremise du président.
Il a écrit qu'un représentant de la Croix-Rouge qui a lu le rapport publié dans le Globe and Mail a dit que « les allégations d'abus faites par les Afghans interrogés par [...] Graeme Smith correspondent à un scénario courant ». Il a inscrit cela dans son rapport. Je pense que le contexte est important, parce que M. Colvin et la Croix-Rouge ont déclaré qu'une réaction plus rapide était absolument indispensable dans les premiers jours en raison des préoccupations relatives aux actes de torture suivant le transfert.
Ma question est la suivante: lui avez-vous demandé de retirer cette information de son rapport?
Cela met pratiquement un terme à notre débat. Il était prévu que nous finissions à 17 h 15.
Je tiens à vous remercier de votre témoignage aujourd'hui.
Je pense que tous les partis et tous les membres de ce comité ont très bien exprimé leurs remerciements pour les services rendus à votre pays. Je ne peux que m'imaginer recevoir un appel disant: « Vous êtes transféré et vous partez pour l'Afghanistan ».
Au nom du Canada et au nom du gouvernement, nous voulons vous remercier de vos services dans une partie très difficile du monde. Nous ne vous remercions pas seulement pour les services rendus au Canada, mais aussi pour votre contribution à la consolidation de la paix et à l'instauration de la démocratie.
J'aimerais également mentionner qu'il se peut que parfois vous ayez estimé ne pas avoir eu la chance de répondre de manière exhaustive à la question dans le temps qui était alloué. Si vous voulez présenter une autre réponse pour compléter celle que vous avez déjà donnée ou ajouter d'autres renseignements, notre comité en sera certainement très heureux.
Merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance une minute. Nous passerons ensuite aux travaux du comité, lesquels seront publics, et nous recevrons les motions de M. Hawn et de M. Bachand.
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J'apprécie ce que vous dites, monsieur le président.
Par exemple, dans le document on trouve le nom de toutes les personnes qui ont été arrêtées et les dates d'arrestation. On y trouve des détails sur les perquisitions/recherches et sur le type de munitions, d'armes, etc., trouvées à divers endroits. Je comprends que l'armée considère ces informations importantes du point de vue opérationnel et qu'elle souhaite garder ces renseignements pour elle. Elle détient également d'autres renseignements qui, je le concède, doivent demeurer confidentiels et n'avanceraient en rien les intérêts de ce comité.
J'aurais une proposition à faire. Je serais heureux d'entendre l'avis des autres à ce sujet. Comme le savent les autres membres, dans ma question de privilège, j'ai avancé l'idée comme quoi ce comité devrait se voir confier le mandat d'élaborer une procédure qui lui permettrait de recevoir le type de preuve dont nous avons besoin. Lorsque nous avons des documents non censurés comme celui-ci, je ne veux pas vraiment la déposer ici.
Par contre, il y a dans ce document des choses que j'ai soumises aux témoins d'aujourd'hui. Il y a un passage où on dit essentiellement que compte tenu de ce qui précède, nous recommandons que les prisonniers X,Y et Z soient transférés à la Direction nationale de la sécurité (la DNS), pour des interrogations plus poussées. Voilà ce que dit le document. Je pense qu'il est important pour nous d'examiner cette question.
Qu'allons-nous faire de ce document? Voilà pourquoi je pose la question.
Cela s'est produit la semaine dernière. Cela ne m'a pas dérangé outre mesure, mais j'ai vérifié le Règlement. Il est très clair que si un député n'est pas membre... Le fait est que le NPD ne compte qu'un membre au sein du comité. Il n'y a pas de limite au nombre de députés qui peuvent assister aux délibérations et, en fait, ils ont le droit de parler. Mais ils ne peuvent pas voter. Un seul membre peut voter, mais ils ont le droit de parler, à moins que le comité ne s'y objecte. On n'indique pas — et j'ai demandé à notre greffière de vérifier la chose — si, dans un tel cas, il faudrait tenir un vote, ou si l'objection serait suffisante.
La question que j'ai posée à notre greffière, la semaine dernière, était de savoir si je devais soumettre la question au comité. Le Règlement indique que n'importe quel député qui n'est pas membre d'un comité peut participer aux délibérations publiques, « sauf si la Chambre ou le comité » en question « en ordonne autrement ». Il aurait fallu qu'on s'y oppose ou que quelqu'un invoque le Règlement à ce moment-là, mais personne ne l'a fait.
Et si vous voulez mon avis, je crois que c'est une bonne chose. Nous pourrons en discuter une autre fois, mais j'estime que le comité s'est montré très généreux envers les néo-démocrates. J'espère que cela se poursuivra, mais il est certain que...