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CC32 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-32


NUMÉRO 009 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er février 2011

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

     Nous allons débuter cette neuvième réunion du Comité législatif spécial chargé du projet de loi C-32.
    J’aimerais souhaiter à chacun d’entre vous une bonne et heureuse année, maintenant que nous sommes de retour pour faire progresser ce projet de loi dans le processus législatif.
    C’est dans ce cadre que nous accueillons un nouveau greffier que j’aimerais présenter aux membres de notre comité, Andrew Chaplin. Bienvenue parmi nous, Andrew.
    Au cours de la première heure, nous accueillons différents témoins. Alain Pineau, de la Conférence canadienne des arts, Bill Freeman, de la Creators' Copyright Coalition, de même que Marvin Dolgay, président de la Guilde des compositeurs canadiens de la Musique à l’Image.
    Chacun de nos témoins disposera de cinq minutes, puis nous procéderons à une série de questions.
    Monsieur Pineau....
    D’après ma liste, c'est M. Pineau qui passe en premier, mais si les témoins souhaitent négocier leur ordre de présentation entre eux, ils peuvent le faire.
    Non, c’est sans importance. Allez-y en premier.
    D’accord.
    Monsieur Pineau.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Avant d’activer l’horloge, j’aimerais faire une demande. J'ai remis au greffier un document dont j’aimerais qu’il soit versé au compte rendu tel que prononcé, comme si je l’avais lu au complet, parce qu’il est un peu trop long pour le temps dont je dispose. Je vais seulement vous communiquer des passages du document qui vous a été distribué, en vous indiquant simplement où je passe d’un paragraphe à l’autre pour vous indiquer où je suis rendu, si cela vous convient.
    D’accord. Merci.
    Merci.
    Je m’appelle Alain Pineau et je suis le directeur national de la Conférence canadienne des arts.
    Je vais passer immédiatement au deuxième paragraphe.
    En ce qui a trait au droit d’auteur, le CCA compte parmi ses membres des titulaires de droit d'auteur comme des utilisateurs, ce qui nous rend particulièrement sensibles à la position que vous occupez comme législateurs, quand vient le moment de débattre de ce dossier particulièrement épineux.

[Français]

    C'est selon la perspective vaste et unique de la Conférence canadienne des arts que je vais vous présenter aujourd'hui les commentaires sur le projet de loi C-32. Je m'en tiendrai aux aspects principaux du projet de loi, laissant le soin à nos organismes membres de vous proposer des amendements spécifiques afin que la Loi sur le droit d'auteur soit à l'avantage de l'économie du savoir, à celui des consommateurs et, bien sûr, au bénéfice de nos artistes et créateurs qui devraient être au centre de nos préoccupations.
    Le droit d'auteur est une composante cruciale de toute stratégie numérique nationale et doit être une des pierres angulaires sur lesquelles le Canada redéfinit sa place dans une économie du savoir de plus en plus globale. Ne pas amender le projet de loi C-32 tout en sauvegardant ses aspects les plus positifs pourrait compromettre sérieusement l'avenir culturel et économique de notre pays.
    Je vais sauter les deux prochains paragraphes.

[Traduction]

    Commençons par les bons côtés.
    D'abord, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est plus que temps que le Canada mette à jour sa législation sur le droit d'auteur et nous remercions le gouvernement de tenter une fois encore de la rendre conforme à nos obligations internationales. Nous partageons le sentiment d'urgence qui a été exprimé ici par d'autres témoins... mais pas à n'importe quel prix!
     Deuxièmement, il ne fait pas de doute que le projet de loi C-32 fait l'affaire de plusieurs, notamment dans le secteur corporatif, celui du divertissement et du logiciel, ainsi que celui des multinationales de la musique et du cinéma. Nous nous réjouissons du fait que ces composantes du secteur culturel y trouvent leur profit. Je ne viens donc pas devant vous pour contester la liste d'appuis que M. Del Mastro a cités à plusieurs reprises, tant à la Chambre des communes qu'au sein de votre comité. Mais je vais attirer votre attention sur la liste encore plus longue de ceux pour qui le projet de loi, dans son état actuel, est nocif.
    Troisièmement, en ce qui concerne les aspects positifs, le projet de loi C-32 contient des dispositions législatives qui sont accueillies avec satisfaction par les artistes, les créateurs et les travailleurs culturels en général. Je fais référence au droit de distribution, aux droits moraux et de reproduction pour les interprètes, à la prolongation de la durée de protection des œuvres musicales et à la reconnaissance de droits pour les photographes.
     Passons maintenant aux aspects négatifs du projet de loi. Le principal défaut du projet de loi C-32 est de ne pas reconnaître l’existence d’au moins deux marchés bien différents l'un de l'autre. Ce projet de loi propose les mêmes solutions pour les deux, ce qui fait évidemment l'affaire des gros joueurs et sert les intérêts des multinationales, mais ne répond pas aux besoins de la majorité des artistes canadiens.
    Les partisans du projet de loi font valoir qu'il donne aux artistes et créateurs tous les outils dont ils ont besoin pour protéger et rentabiliser leurs œuvres; pour conquérir de nouveaux marchés, ils n'ont qu'à recourir à des verrous numériques et à s'en remettre aux tribunaux pour faire respecter leurs droits de propriété intellectuelle. Le recours aux verrous l'emporte sur les exceptions accordées aux usagers — solution qui fait monter M. Geist aux barricades, tout en laissant le milieu de l’éducation sur sa faim.
    Mais comme le recours à des verrous n'est pas vraiment une solution possible pour la majorité des artistes et créateurs de contenu, ceux-ci perçoivent, à juste titre, le projet de loi actuel comme une expropriation pure et simple de leurs droits de propriété sans aucune forme de compensation.
    L'approche par verrous numérique est complètement déconnectée de la réalité de la plupart de nos artistes et créateurs. Le monde de la plupart des artistes canadiens n'est pas celui d'Ubisoft ou de la CRIA. Au total, 42 p. 100 des artistes canadiens sont des travailleurs autonomes. Ils n'ont pas les ressources nécessaires pour surveiller si les usagers d'Internet et des services sans fil volent leurs œuvres. Occupés à produire leurs œuvres et à imaginer de nouveaux modèles d'affaires pour profiter de l’accès direct à leur public, ils n'ont ni le temps ni les ressources financières pour monter des recours juridiques compliqués contre ceux qui copient illégalement leurs œuvres, que cela soit à des fins commerciales ou non.
(1110)

[Français]

    Ainsi, ce qu'on appelle l'exception YouTube, sans précédent dans le monde, et les larges exceptions inscrites au chapitre de l'utilisation équitable, envoient comme message aux usagers qu'ils peuvent violer les droits d'auteur tant et aussi longtemps que personne n'intente contre eux des poursuites judiciaires pour dommages-intérêts. Ces derniers sont d'ailleurs réduits par le projet de loi et relativement modestes. Pour faire respecter leurs droits de propriété, nos créateurs, éditeurs ou producteurs doivent accumuler une preuve difficile pour démontrer que les activités visées ont affecté de façon significative le marché pour leurs créations.
    Les défis auxquels font face ces artistes sont parfaitement illustrés par le cas de Claude Robinson. Depuis plus de 15 ans, ce dernier tente de faire respecter ses droits, que le présent projet de loi va fragiliser encore davantage s'il n'est pas amendé.

[Traduction]

    Pour ceux d’entre vous qui ne connaissez pas le dossier de Claude Robinson, vous trouverez un résumé à la fin de cet exposé, que, bien entendu, je ne lirai pas.
    La situation précaire des artistes travailleurs autonomes a été reconnue par un gouvernement conservateur en 1992, lors de l'adoption de la Loi sur le statut de l'artiste. Cette loi donne la possibilité aux artistes et créateurs travailleurs autonomes de se faire représenter par des associations professionnelles.
    Au cours des vingt dernières années, pour faciliter l'accès à leurs œuvres tout en s'assurant une juste compensation, nos artistes ont établi diverses sociétés de gestion dont la responsabilité est de percevoir et de distribuer des redevances aux créateurs des œuvres, et de défendre leurs intérêts devant les organismes de réglementation et les tribunaux. Ces sociétés de gestion collective facilitent aux consommateurs l'accès aux œuvres protégées par le droit d'auteur et fournissent aux créateurs un moyen efficace de percevoir une juste compensation pour leur travail, remplaçant ainsi une multitude de transactions relativement modestes entre titulaires de droits et consommateurs, au profit des uns et des autres.
    L’un des problèmes fondamentaux…
    Monsieur Pineau, votre temps est écoulé depuis longtemps, alors pourriez-vous terminer rapidement, s’il vous plaît?
    Oui, d’accord.
    Je vais simplement signaler que le projet de loi actuel, avec toutes ses exceptions, supprime 126 millions de dollars en revenus actuels pour les artistes, et c’est un coup très dur à encaisser pour eux.

[Français]

    Dans son état actuel, le projet de loi C-32 faillit à la tâche pour ce qui est de fournir un cadre clair et prévisible pour les droits des créateurs et leur utilisation par les consommateurs. Comme l'a clairement démontré le Barreau du Québec, la longue liste des exemptions, souvent mal définies, va au contraire créer davantage d'incertitude dans les marchés.

[Traduction]

     À la fin de cet exposé, vous trouverez quelque chose sur lequel vous pouvez me poser des questions : il s’agit de la liste des principaux amendements à apporter au projet de loi C-32.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Pineau.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Freeman.
    Merci beaucoup.
    Marvin Dolgay et moi-même représentons la Creators' Copyright Coalition. M. Dolgay est musicien et compositeur, et il est le président de la Guilde des compositeurs canadiens de la Musique à l’Image. Il est également vice-président de la CCC.
    Je m’appelle Bill Freeman. Je suis un ancien président de la Writers' Union of Canada, et je suis le président de la Creators' Copyright Coalition. J’écris des livres pour enfants, des ouvrages généraux pour adultes, des pièces de théâtre et des scénarios de documentaires.
    Nous comparaissons devant vous afin de représenter le CCC, un organisme qui regroupe 17 des principaux groupes de création, ce qui représente environ 100 000 créateurs.
    D’après ce que je comprends, vous avez reçu notre mémoire général. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je vais plutôt faire des commentaires supplémentaires.
    Quand les Canadiens pensent à des créateurs, ils pensent habituellement aux riches et célèbres, mais Marvin et moi-même ressemblons bien davantage à la normale. Comme de petits entrepreneurs, nous tirons notre subsistance de différentes sources. Nous réussissons un peu mieux que la plupart, mais selon des sondages, les revenus des créateurs sont faibles, et ils tirent de 15 000 à 20 000 $ par année de leurs œuvres de création. Bon nombre d’entre eux ont d’autres emplois. C’est ainsi qu’ils assurent leur propre subsistance et celle de leur famille.
    Les créateurs estiment que la Loi sur le droit d’auteur devrait être conçue pour favoriser la création. Les écrivains, les musiciens, les artistes visuels, les acteurs et les autres créateurs sont à la fine pointe de la révolution numérique, et cette révolution devrait stimuler un tourbillon de nouvelles créations. Mais si la Loi sur le droit d’auteur crée des exceptions qui font en sorte que leurs œuvres ne sont pas protégées, elles pourraient créer une situation complètement étouffante pour les créateurs professionnels, parce qu’ils ne peuvent tirer leur subsistance du matériel distribué sur Internet. Sous sa forme actuelle, nous craignons que le projet de loi C-32 crée cette situation étouffante.
    Permettez-moi de faire trois remarques générales au sujet du projet de loi C-32. Premièrement, chaque créateur que nous connaissons souhaite que son œuvre soit distribuée à grande échelle. Personne ne souhaite que son travail soit remisé à l’écart. Après tout, c’est la raison pour laquelle les créateurs ont déployé tant d’efforts, et subi toutes ces peines pour créer leur œuvre. Mais, oui, ils veulent être payés pour ce qu’ils font. La loi devrait être orientée par le principe de l’utilisateur payeur. C’est aussi simple que cela. Dans certains cas, le projet de loi C-32 va dans la direction contraire, en créant une foule de nouvelles exceptions, qui seront néfastes pour bien des créateurs.
    Deuxièmement, franchement, le projet de loi 32 est truffé de dispositions qui vont semer la confusion. Des avocats nous ont dit que bon nombre des dispositions ont une portée beaucoup trop large et qu’elles manquent de clarté, et que cela mènera à des recours juridiques compliqués qui coûteront des millions de dollars et s’étaleront sur des années. C’est sans doute la pire chose à faire, parce que les créateurs auront à débourser leur part de ces recours. Au final, ce sont les avocats qui s’enrichiront, et l’argent sortira de nos poches.
     Troisièmement, Internet a changé le modèle d’affaires pour presque tous les créateurs. De plus en plus, de nos jours, les œuvres sont distribuées sous leur forme secondaire, à savoir, l’extrait du roman cité dans une école publique, la chanson jouée à la radio ou le clip audiovisuel joué à l’écran. Il n’y a rien de mal à cela. Cependant, ce sont les sociétés de gestion qui administrent ces droits secondaires au nom des créateurs, et nous estimons que la loi devrait renforcer les sociétés de gestion. Dans bien des cas, le projet de loi C-32 fait exactement l’inverse. Il affaiblit la SOCAN, il affaiblit certainement Access Copyright, ainsi que toutes les autres sociétés de gestion qui administrent les droits.
    Je vais demander à Marvin de faire des commentaires sur les répercussions du projet de loi C-32.
(1115)
    Je vis uniquement grâce à mon travail de créateur. Je suis musicien et compositeur de musique à l’image. Comme la grande majorité de mes collègues, je ne suis pas une grande vedette, je ne suis pas très connu, je n’ai pas de t-shirts à vendre, personne ne paie des montants faramineux pour assister à mes spectacles, et je ne m’attends pas à ce qu’on me demande de promouvoir un produit à l’avenir.
    En réalité, nous tirons principalement notre subsistance de sources de revenus secondaires. Je fais partie de la SOCAN, de la SODRAC, de la FCM et de l’ACTRA. Ces sociétés de gestion nous distribuent efficacement les revenus qui proviennent de nos droits. Sachez que, même avec toutes ces sources de revenus, aucune d’entre elles n’assure un train de vie suffisant en elle-même. Nous dépendons de la solidité du regroupement de nos sociétés de gestion.
     Le projet de loi C-32, sous sa forme actuelle, a pour but de moderniser l’accès des consommateurs à des œuvres protégées par droits d’auteur ainsi que leur utilisation. Je tiens à le dire clairement : nous voulons que les consommateurs aient accès à nos œuvres. C’est ce qui assure la réussite d’un modèle d’affaires. Toutefois, les pages et les pages d’exceptions du projet de loi C-32 pourraient nous dépouiller de notre capacité d’assurer notre subsistance, alors que d’autres s’enrichissent grâce au contenu que nous créons.
    YouTube tire un revenu provenant du contenu, mais le projet de loi crée une exception qui fait en sorte que nous ne sommes pas payés. Les diffuseurs tirent un revenu de notre contenu, mais le projet de loi crée une exception, et nous perdons notre revenu tiré des droits de licences de reproduction mécanique aux fins de diffusion. Les enregistreurs audionumériques génèrent de l’argent grâce à l’existence et à la nature mêmes de notre contenu, mais le projet de loi crée une exception qui, en réalité, supprime nos revenus tirés des redevances aux fins de reproduction privée. Une fois de plus, nous ne sommes pas payés. Les enseignants accordent de l’importance à notre contenu et l’utilisent dans la salle de classe, mais, une fois de plus, nous ne sommes pas payés. Ce n’est pas équitable.
    Voici ce dont mes collègues et moi-même avons besoin. C’est très simple. Il nous faut être traités comme n’importe quel autre domaine d’affaires légitime qui crée un produit de valeur. Nous voulons que nos utilisateurs aient accès à nos œuvres, et nous devons être payés en conséquence. Je ne suis ni avocat ni lobbyiste ni politicien ni bureaucrate. Je ne suis pas un enseignant, ni le dirigeant ou l’employé d’un diffuseur ou d’un fournisseur de services Internet, mais si je l’étais, il ne ferait pas l’ombre d’un doute que je voudrais être payé pour mon travail.
    Nous sommes de très petites entreprises, et, afin de survivre, il faut qu’on nous permette d’avoir les outils pour être payés pour la réussite de nos créations.
    M. Freeman et moi-même sommes impatients de répondre à vos questions. Merci beaucoup.
(1120)
    Nous remercions nos témoins.
    Nous allons maintenant passer à la première série de questions, qui durera sept minutes. La parole va à M. Rodriguez.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Bonjour à tous les témoins. Je vous remercie d'être présents parmi nous.
    J'aimerais que vous me répondiez rapidement, par oui ou par non. À votre avis le projet de loi est-il déséquilibré?
    Oui.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Est-il déséquilibré et préjudiciable aux créateurs?

[Traduction]

    Cela ne fait aucun doute, dans le domaine de la musique, et assurément dans le domaine de l’éducation — l’exception accordée à l’éducation, comme nous l’appelons. Elle serait très dommageable, non seulement pour les écrivains, mais également pour les éditeurs.

[Français]

    Pour bien camper le débat, croyez-vous que s'il était adopté tel quel, ce projet de loi constituerait un recul pour nos créateurs, le milieu de la culture et pour nos artistes.
    C'est bien ce que nous sommes venus vous dire.
    C'est bien.

[Traduction]

    Oui, je pense que cela ne fait aucun doute.

[Français]

    Monsieur Pineau, j'aimerais parler de l'éducation et de l'élargissement de l'utilisation équitable pour l'éducation. Si je comprends bien, vous voulez tout simplement abolir cela.
    Cela correspond à la position de l'ensemble de nos membres. Nous regroupons beaucoup de collectifs et organismes. La position générale de nos membres est de l'enlever.
    Si on ne peut l'enlever, on pourrait l'insérer comme usage équitable. Enlever cette mention est absolument essentiel, tout comme définir très clairement les autres. Des mécanismes sont déjà en place pour fournir une compensation juste et équitable des créateurs. Cela représente peu de frais pour les universités. Le système est en place, les collectifs existent. Je ne crois pas que l'on devrait défaire ce régime en introduisant des notions vagues et confuses.
    C'est bien.
     Monsieur Freeman, votre solution est-elle aussi de supprimer le terme « éducation »? Sinon, croyez-vous plutôt que l'on peut faire le travail en définissant mieux le terme « éducation » ou en introduisant un test? Je n'ai pas l'impression que vous demandez aussi clairement le retrait du terme « éducation » des dispositions relatives à l'utilisation équitable.

[Traduction]

    Tout d’abord, permettez-moi de dire tout simplement que cette exception accordée à l’éducation va être très dommageable pour les écrivains. C’est une question qui fait monter les écrivains anglophones du Canada aux barricades — je le sais, parce que je suis un ancien président de la Writers' Union.
    À part l’élimination complète de cette exception, j’ignore ce qui pourrait les satisfaire. Il pourrait peut-être bien y avoir des moyens de la modifier pour la rendre plus acceptable. Nous serions très certainement disposés à envisager une telle possibilité, mais, monsieur, cette exemption sera très dommageable. Les sociétés de gestion fonctionnent très bien au Canada anglais et au Canada français.
    Je pense que ce projet de loi devrait les appuyer et les renforcer.

[Français]

    Je fais le même constat que vous. En effet, cela peut être extrêmement dommageable pour nos auteurs, pour des gens qui gagnent leur vie en écrivant. D'autres secteurs seront aussi affectés par l'inclusion du terme « éducation ».
     Sans aller jusqu'à enlever le mot « éducation », y aurait-il une façon de restreindre la portée de ce terme en le définissant vraiment, c'est-à-dire en s'assurant que ce ne soit pas de la formation professionnelle ou autre chose, et en incluant peut-être les trois étapes du test de Berne ou un test encore plus rigide? Ne pensez-vous pas qu'il y a une autre façon de faire, un peu moins radicale, qu'enlever le terme « éducation »?

[Traduction]

    Nous appuierions définitivement l’inclusion d’une partie du test de Berne. Ce qui rend les choses difficiles, c’est la notion d’équité. Cela va mener à davantage de recours juridiques. C’est ce qui nous préoccupe.
    Oui, cela aiderait considérablement. Vous savez, je ne suis pas avocat. Franchement, je pense que, dans le domaine de l’éducation, on a présenté de manière déformée la manière dont cette exception touche les gens, la manière dont le système existant... j'ai des amis dans le domaine de l’éducation, et ils me disent que cela pose problème. Il faut que ce soit clarifié. Nous méritons peut-être une partie du blâme pour ce manque de clarté, mais quand les licences sont octroyées, les enseignants ont la capacité de reproduire le matériel et de l’utiliser dans leurs salles de classe.
    Soit dit en passant, nous trouvons qu’il s’agit d’une bonne forme de pédagogie. Il n’y a rien de mal à citer un extrait de chapitre.
(1125)

[Français]

    Merci.
     Monsieur Pineau, qu'en dites-vous?
    Je que oui, il y a peut-être des façons de diminuer l'impact négatif des exemptions qui sont accordées.
     Je voudrais en profiter pour souligner ce que vous avez dit quant aux trois étapes du test de Berne. Nous recommandons que toutes les exemptions soient soumises à ce test et que cela soit inscrit dans le projet de loi de façon à ce qu'on puisse s'y référer devant les tribunaux, le cas échéant. Soumettre toutes les exemptions à ce test serait conforme aux traités internationaux que nous avons signés et ce serait une garantie de plus pour les artistes. Ce test est préférable à celui de la Cour suprême.
    Je suis d'accord avec vous là-dessus aussi.
     Si je comprends bien, ce sont là quelques recommandations générales proposées par la Conférence canadienne des arts, mais il y en a d'autres, plus précises, présentées par certains de vos membres.
    Depuis trois mois et demi, la Conférence canadienne des arts travaille avec ses membres et d'autres gens qui sont autour de la table pour traiter de ce sujet. On essaye d'en arriver à des positions communes. Ce que vous voyez sur la table sont les positions communes sur ce qui doit être fait à l'égard du projet de loi C-32. Des propositions beaucoup plus précises seront faites par nos membres qui sont experts dans certains secteurs.
    Il me reste 30 secondes monsieur Pineau. J'aimerais que vous me donniez plus de précisions sur un de vos amendements. Vous avez dit, et je cite:
Restreindre la clause concernant la copie a des « fins privées » aux cas d'usage personnel, sujet à une rémunération équitable pour les titulaires de droit pour toute rémunération équitable pour les titulaires de droit pour toute catégorie d'oeuvre.
     Comment fait-on cela?
    Pour la première partie, c'est relativement facile. Il faut limiter cela à private use. Actuellement, c'est private purpose.

[Traduction]

    Je pourrais vouloir l’offrir à ma grande-tante ou de la diffuser dans une école ou quoi que ce soit d’autre. En termes juridiques, cette disposition est formulée de manière trop vague. La notion d’usage personnel qui se trouve dans le projet de loi actuel est beaucoup plus restreinte et devrait être conservée.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci.
     Passons maintenant à Mme Lavallée, pour sept minutes.

[Français]

    Monsieur Pineau, vous indiquez dans votre présentation que le problème majeur du projet de loi C-32 est qu'il ne reconnaît pas qu'on est face à deux marchés bien différents l'un de l'autre. Vous dites que ce projet de loi propose les mêmes solutions pour les deux. En lisant cela, je me suis dit que c'était vraiment central. En effet, il s'agit vraiment d'un équilibre entre les créateurs et les diffuseurs. Or on a appris que ça avait été le cas pour toutes les lois sur le droit d'auteur.
    Vous dites que la partie lésée est celle des créateurs. Vous donnez comme exemple l'approche du verrou numérique. J'aimerais que vous nous parliez davantage du déséquilibre que vous avez constaté, particulièrement en ce qui a trait au verrou numérique. On voit bien que le projet de loi ne se fonde surtout pas sur la rémunération des artistes. En effet, comme vous le dites aussi, on leur retire des sources de revenu.
    On a aussi l'impression que les gens qui ont conçu le projet de loi pensent que les familles vont acheter deux disques compacts identiques ou qu'elles vont le télécharger deux fois s'il est muni d'un verrou numérique. Je n'ose pas trop qualifier cette façon de voir, mais disons que c'est complètement folichon.
    Excusez-moi, mais j'ai perdu le fil.
    Je vous demande de me parler davantage du déséquilibre que vous avez remarqué.
    Fondamentalement, le problème est le même pour les multinationales que pour les artistes: elles veulent être rémunérés pour leur travail, leurs produits et leur propriété intellectuelle. Ce projet de loi est parfait pour les « gros », ceux qui ont d'importants intérêts en jeu et craignent le plus le piratage, mais qui sont capables de se défendre. Pour eux, ça ne pose pas de problème.
    Or le même instrument, qui inclut notamment les verrous et les tribunaux, est proposé à des gens dont la situation est complètement différente. Comme monsieur l'a dit plus tôt, cette différence s'applique à leur marché, leur travail et leur industrie. Ce sont des one-person companies appartenant à la petite entreprise. On essaie d'appliquer à de petites chaloupes un outil destiné aux gros bateaux, et ça ne fonctionne pas.
    Vous n'avez pas parlé de la modernisation du système de la copie privée qui permettrait d'appliquer à des supports audionumériques plus modernes les redevances qu'on recueille présentement par l'entremise des CD vierges.
    Qu'en pensez-vous?
(1130)
    C'est notre position et celle de nos membres également. On est bien conscients que le puits a été contaminé par l'étiquette qui est collée au régime actuel. La logique voudrait qu'on applique ce principe à d'autres supports. S'il est impossible d'adopter cette solution, je pense qu'il va être important d'en trouver une autre, de façon à éviter que les gens perdent des revenus. Les collectifs et l'ensemble des petits créateurs vont s'affaiblir. Il se peut qu'ils deviennent un jour de grandes vedettes, mais ils commencent toujours dans leur cour ou dans leur garage. Ces gens n'auront pas la chance de percer. Les autres, qui sont des artistes vivant de cela et d'autre chose, n'auront pas non plus la chance de se développer.
    En ce sens, je dis qu'on met notre créativité en péril. Je vais vous dire bien franchement qu'à mon avis, il serait préférable, à la limite, d'adopter ce projet de loi. On ne veut pas nuire à son adoption, car il fait l'affaire de bien des gens qui en ont besoin. Nous n'avons pas d'objection de ce côté. En outre, ce sont à notre avis des gens du secteur culturel. C'est pourquoi nous les appuyons. D'un autre côté, il ne faut pas faire de « victimes collatérales »; il faut trouver un système spécial. Il est relativement urgent d'adopter ce projet de loi. Si vous n'êtes pas en mesure de l'amender de la façon que je viens de décrire, adoptez-le pour ceux qui en bénéficieront, mais prenons tous l'engagement aujourd'hui de nous revoir l'année prochaine, et non dans cinq ans.
    Vous voulez donc qu'on adopte le projet de loi C-32 dans sa forme actuelle?
    Non. La liste d'amendements est là. La plupart des gens vont vous en parler, et de façon beaucoup plus pointue.
    Je m'excuse, monsieur Pineau...
    Si vous n'êtes pas capables d'en arriver à un accord à ce sujet, sur le plan politique, je vous conseille d'adopter ce qui est avantageux pour certains. Par contre, il faudra se revoir l'année prochaine parce que ça n'a aucun sens. Il y a trop de « victimes collatérales ».
    Trouvez-vous réaliste de scinder le projet de loi de façon à conserver uniquement que ce qui fait consensus?
    Je dois dire que c'est une question éminemment technique. Une fois qu'on a la réponse de grande logique, peut-être qu'il y a des obstacles à franchir de ce côté. On n'a pas envisagé ce point de vue. Je ne sais pas si c'est possible de le faire ou non.
    De notre point de vue, il vaut mieux continuer à vivre dans l'incertitude actuelle. Je vais continuer à enregistrer mes émissions pour les regarder le lendemain, sans aller en prison. On va continuer à perdre du revenu, mais au moins on n'éliminera pas les 126 millions de dollars qui coulent dans le système actuellement. La preuve est faite que ces chiffres sont fiables; on les a examinés de près. Tout est distribué à raison de 400 000 $ ou 500 000 $ environ. Je ne connais pas les chiffres exacts, il faudrait faire le total des différentes associations et de ceux qui reçoivent de l'argent.
    Je pense que c'est ce que vous devez considérer. Ce qui fait l'affaire des uns ne fait pas nécessairement l'affaire des autres, et l'affaire des autres est plus compliquée. À ce moment-ci, je vous dirais de faire l'affaire des uns. C'est bien dommage, mais vous êtes élus pour traiter des problèmes difficiles. Alors, revoyons-nous l'année prochaine.
    Est-ce possible de trouver l'équilibre entre les droits des auteurs et ceux des diffuseurs? J'utilise le mot « diffuseur » dans son sens élargi.
    Oui, c'est possible. Et c'est possible de trouver un équilibre entre les droits des consommateurs et les droits de ceux qui sont utilisés.
    On a reconnu un droit. C'est un droit de propriété, ce n'est pas de la fantaisie. C'est un droit de propriété intellectuelle. Il s'applique aux artistes, aux savants, à toutes sortes de gens, aux compagnies. Ce sont les brevets et tout ce que vous voulez.
    Pourquoi une catégorie serait-elle pénalisée parce que son système ne cadre pas avec le reste? Le système des arts et de la culture ne cadre jamais très bien avec le reste, il faut accepter cela.
    Me reste-t-il encore du temps?

[Traduction]

    Il vous reste 30 secondes.

[Français]

    Vous vous êtes prononcé clairement en faveur de l'exemption pour l'éducation. Vous avez dit qu'il fallait enlever l'éducation. Que pensez-vous d'un changement de la définition ou de définir l'éducation? Ne trouvez-vous pas que c'est comme accepter que les jeunes et tout le secteur de l'éducation ne paie pas de droits d'auteur, alors que ce serait un excellent principe à leur inculquer?
    Je suis tout à fait d'accord sur ce point et sur le principe. C'est pour ça que, pour nous, c'est une position de repli que de dire qu'ils ne sont pas capables de l'enlever parce que, politiquement, c'est motherhood and apple pie. Au moins, qu'ils le modifient pour minimiser l'impact.
    Le problème est que les impacts sont combinés, dans le projet de loi C-32. Par exemple, une exemption va s'appliquer sur une autre chose, dans un autre contexte. Quand on le lit ainsi, ça nous fait dire que si vous voulez l'adopter, il faut que vous sortiez tout ça de là-dedans, parce que ça va être très, très nocif.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Angus.
(1135)
    Messieurs, merci d’être parmi nous aujourd’hui.
    La question de mettre en place un nouveau régime de droits d’auteur renvoie aux enjeux originaux en matière de copyright, à savoir la rémunération ainsi que le droit du public d’accéder aux œuvres des créateurs.
    Le gouvernement soutient que ce projet de loi rétablira le marché. Toutefois, il me semble, d’après mon expérience de nombreuses années à tenter de nourrir ma famille grâce à des droits d’auteur, qu’un marché s’appuie sur la rémunération. Il n’est pas possible de créer de nouveaux modèles d’affaires à moins d’avoir un moyen d’être véritablement payé. D’après les critiques que nous entendons, même si ce projet de loi accorde certains droits d’accès aux œuvres, il constitue une attaque contre l’octroi de licences collectives.
    S’agit-il d’une attaque contre l’octroi de licences collectives?
    Je pense qu’il n’y a guère de doute qu’il s’agit effectivement de cela.
    Honnêtement, je pense que la communauté des créateurs espérait que la loi allait renforcer l’octroi de licences de droits collectifs, parce que c'est ainsi que tant d’entre nous obtiennent un revenu. C'est la manière dont le matériel est distribué à son public, et cela facilite la distribution. Nous avons été très étonnés de constater la manière dont le projet de loi a finalement été rédigé.
    J'ai déjà donné mon point de vue sur l’exception accordée à l’éducation. J’appuierais l’idée proposée par Alain relativement à la clarification de cette notion. Oui, nous l’appuierions. Toutefois, ce sera très dommageable. Je ne suis pas avocat. Je ne vais pas me perdre en conjectures sur la manière dont cela devrait être fait, mais, s’il vous plaît, réglez cette question.
    Je pense que Marvin aurait peut-être quelque chose à ajouter concernant l’octroi de licences collectives dans son domaine.
    En effet.
    En fait, j’aimerais remercier Alain d’avoir fait remarquer que la plupart d’entre nous dans ce domaine constituons de petites entreprises. L’idée de ne pas être rémunérés pour nos œuvres aurait une incidence néfaste sur le marché, parce que nous n’existerions pas. Sans nous, il n’y a pas d’inventaire, et donc rien à consommer. Voilà une réponse assez simple à la question, à mon avis.
    Simplement, examinons le projet de loi et compilons les chiffres : à eux seuls, les musiciens perdent 41 millions de dollars de revenus en raison de l’élimination des droits de licences de reproduction mécanique. Si nous ne mettons pas à jour la redevance numérique — et mes collègues semblent convaincus qu’il s’agit de la plus importante campagne politique qu’ils peuvent mener, parce qu’ils vont mentir au sujet des chiffres —, on se retrouve devant un manque à gagner de 35 millions de dollars pour les musiciens.
    Nous nous sommes fait dire que le marché se rétablira si nous adoptons des mécanismes de verrous et de recours juridiques. Cependant, y a-t-il la moindre donnée probante selon laquelle un musicien ou un créateur sera en mesure d’assurer sa subsistance au moyen des mécanismes de verrous et de recours juridiques s’il n’est pas rémunéré pour la reproduction de son œuvre?
    Nous n’aurons pas les moyens de mener des recours juridiques. C'est aussi simple que cela. Si un créateur veut diffuser une œuvre à des fins promotionnelles ou quoi que ce soit d’autre, il en a le droit, mais il doit y avoir un mécanisme avec des dents pour protéger son œuvre afin qu’il puisse être payé. C’est simple. Pour moi, c’est le principe de l’utilisateur payeur; si quelqu’un se sert de notre œuvre, s’il en profite, si l’œuvre est consommée sur le marché, alors il doit y avoir une forme de paiement. À l’heure actuelle, la gratuité l’emporte. La gratuité, ce n’est pas l’équité. Il doit y avoir de l’argent en jeu, et il doit y avoir un échange.
    La question de la formulation relative à l’utilisation équitable suscite mon intérêt, parce que, à mon avis, pour chacun d’entre nous à titre de législateur, cette notion a déjà été définie par la Cour suprême, alors on ne peut jouer à l’autruche. Nous devons en arriver à un libellé sur l’utilisation équitable. Je constate une certaine appréhension parce qu’il y a des aspects de ce projet — par exemple, le paragraphe 30.9(6) — qui éliminent précisément les droits de licences collectives aux fins de reproduction. Nous allons devoir régler cette question.
    Monsieur Pineau, sauf votre respect, je ne crois pas que, à titre de législateurs, nous puissions tout simplement dire que nous allons faire disparaître l’utilisation équitable, parce qu’elle a été définie. Quelle formulation devrions-nous employer pour nous assurer de ne pas ouvrir une boîte de Pandore, pour nous assurer que les gens ont accès aux droits définis par les tribunaux, sans toutefois miner indûment l’octroi de licences collectives au point où il pourrait y avoir des répercussions graves?
    Comme je l’ai dit, je pense que nos membres répondront précisément à vos questions. Je ne suis ici que pour signaler les grands enjeux, et je ne suis pas un spécialiste. Je reconnais que cette notion d’utilisation équitable semble être décidée d’avance, mais cela ne m’empêche pas de dire que c’est la mauvaise décision, qu’elle vous soit imposée ou pas.
    Je croyais que des tribunaux étaient là pour interpréter la loi, et pas nécessairement l’inverse. Dans certains cas, oui, en ce qui concerne la Charte et ce genre de choses. J’ignore si ce jugement de la Cour suprême était lié à la Charte. Je devrais le savoir, mais je l’ignore, alors je vous donne cette réponse provisoire.
    Au cours des prochaines semaines, vous allez accueillir des témoins qui, je crois — parce que nous avons travaillé avec eux —, soulèveront des problèmes précis ou vous proposeront des solutions.
(1140)
    Merci.
    Je dois souscrire aux propos d’Alain. Je ne suis pas avocat, et je peux me retrouver dans une position vraiment inconfortable en faisant une suggestion inappropriée, mais il faut vraiment régler ce problème. J'ai participé à des discussions comme celles que nous avons relativement aux propositions précises que nous souhaitons faire. Des gens travaillent toujours là-dessus, mais ils comparaîtront devant vous pour vous présenter leurs suggestions précises.
    Désolé de me défiler ainsi.
    Ça va. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette. Parmi mes préoccupations relatives à ce projet de loi, la première est que nous voulons que le projet de loi soit adopté et qu’il garantisse que les sources de rémunération existantes ne soient pas attaquées ni siphonnées. Nous voulons également nous assurer que, au final, vous, les créateurs, ne soyez pas coincés dans des recours juridiques interminables. Je sais que cette question a été soulevée à n’en plus finir, mais je pense que si nous ne précisons pas le libellé relatif à l’utilisation équitable, nous allons nous retrouver devant les tribunaux de toute façon. C’est peut-être quelque chose dont notre comité peut se charger, soit de fournir une certaine forme d’orientation pour que nous ne soyons pas confrontés à des années et des années de recours juridiques, ce qui pourrait se produire, peu importe le projet de loi. Je pense qu’il nous incombe de faire quelque chose.
    D’accord.
    De plus, je pense qu’il est important que vous compreniez que, avec toutes ces années de recours juridiques, vous pourriez perdre une génération de compositeurs, d’artistes et d’artistes émergents qui ne seront pas en mesure d’exister. Ils feront de leur art un passe-temps, tandis que les avocats, les politiciens et tous les autres feront beaucoup d’argent en travaillant là-dessus; avec une telle approche, nous nous retrouverons une fois de plus au bas de la chaîne alimentaire. Nous ne pouvons tout simplement pas survivre, et nous allons perdre une génération.
    Monsieur Dolgay, l’an dernier, 100 000 citoyens américains ont été poursuivis pour avoir téléchargé du contenu. C'est une hausse spectaculaire comparativement aux 35 000 personnes qui, apparemment, avaient été poursuivies au cours des quatre ou cinq années précédentes. D’après les conversations que j'ai eues avec les membres de la communauté des musiciens que je connais aux États-Unis, personne n’est convaincu que c’est une solution. La seule chose qui leur donnerait confiance, ce serait d’être rémunérés, puisque les gens vont copier, quoi qu’il arrive.
    J’aimerais vous poser une question concernant la nécessité d’une certaine compensation sous forme de redevances aux fins de la copie privée, parce que nous avons déjà abordé cette question. Vous vous souvenez sans doute de l’arrivée de la télévision par câble. Ce n’est pas pour me vanter, mais je suis coauteur d’une chanson qui a fait l’objet d’une nomination pour un prix Juno, et elle a gagné le Juno du vidéo de l’année. Cette année-là, j'ai gagné 56 $. Ils ont décidé que les fournisseurs de télévision par câble ne devraient pas avoir à payer pour l’utilisation de notre musique, parce qu’ils fournissaient un service; il y a eu une énorme levée de boucliers, parce que si on mettait sur pied la télévision vidéo, tout ce nouveau marché disparaîtrait...
    Monsieur Angus, vous allez devoir mettre un point final à vos questions.
    Au bout du compte, ils ont payé, et le marché est toujours là.
    Pensez-vous que la même chose peut se produire avec une redevance numérique?
    Je suis désolé. Je ne suis pas sûr de comprendre votre question.
    Je crois effectivement qu’on a poursuivi les mauvaises personnes. Je ne veux pas poursuivre le consommateur. Je ne veux pas poursuivre la mère ou la grand-mère, ou d’autres personnes comme ça, mais il y a...
    Bon, nous devons arrêter ici.
    Nous allons donner la parole à M. Lake, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins de comparaître devant nous aujourd’hui.
    Monsieur Pineau, dans votre déclaration préliminaire, vous avez évoqué — et vous l’avez répété à quelques reprises — un chiffre de 126 millions de dollars par année, qui continue de croître, à propos des sommes que le projet de loi supprime. Pourriez-vous donner des détails comptables sur ce chiffre? Plus précisément, d’où vient-il?
    Je ne peux vous fournir cela aujourd’hui — je n’ai pas ces détails avec moi ici aujourd’hui —, mais ce chiffre s’appuie sur les chiffres que nous avons recueillis, et nous avons toutes les sources et leurs origines. C’est un chiffre définitif; il n’inclut pas la perte de revenus que l’on attribue présentement au piratage ou à l’usage à des fins de copie privée sans aucune forme de compensation sur les nouveaux dispositifs comme les iPod et les iPhone. Le chiffre n’inclut pas ces pertes, parce que nous ne voulons pas nous aventurer là. Cependant, ce revenu substantiel est perdu parce qu’il n’y a pas de système qui sert de prolongement de l’ancien système.
    C'est la raison pour laquelle nous exerçons des pressions pour obtenir ces choses. Ce chiffre de 126 millions de dollars est un chiffre ferme, et nous le ferons inscrire au compte rendu public.
    D’accord. Nous obtiendrons un calcul de ce chiffre ligne par ligne. Cependant, dans l’intérêt de la discussion d’aujourd’hui, vous pourriez peut-être...
    Pas la liste de distribution, mais le revenu pour des années précises, oui. Je pense que je vais m’aventurer jusqu’à dire que nous pouvons probablement vous fournir, non pas demain, mais dans un délai raisonnable, un examen du revenu qui correspond à ces 126 millions de dollars, qui correspond à l’année 2006, si je me souviens bien. Nous pouvons probablement remonter jusqu’en 2000, ou quelque chose du genre, afin d’illustrer les tendances et tout et tout, ainsi que l’importance de ces revenus pour nos artistes et nos créateurs au fil des ans.
(1145)
    D’accord. Aux fins de la discussion aujourd’hui, toutefois, vous pouvez sûrement nous donner les détails comptables généraux de ce 126 millions de dollars.
    Bon...
    On nous lance ces chiffres, et ils restent là. On en fait état sans le moindre fondement...
    Non. J’aurais aimé les avoir apportés, mais je suis certain que mes collègues peuvent m’aider. Il s’agit de l’argent qui est recueilli, par exemple, par Access Copyright et COPIBEC pour toute la documentation qui sert dans le système d’enseignement, argent que ce projet de loi éliminera, ou à tout le moins menacera. Il inclut les paiements versés par la SOCAN aux musiciens. Il inclut les paiements que les diffuseurs versent actuellement pour les exemptions éphémères. Si le projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, le système est aboli.
    Je peux vous donner les détails. Je viens de vous donner ceux dont je me rappelle.
    D’accord. C’est simplement que je m’inquiète parfois quand j’entends des chiffres comme 126 millions de dollars. On constate que parfois des gens ne peuvent vraiment confirmer les chiffres...
    Oui. Je savais que vous alliez poser la question.
    Ils se servent souvent des chiffres de quelqu’un d’autre, ils lancent ces chiffres en l’air, sans le moindre fondement.
    Vos deux organismes représentent de nombreux membres, et je pense que c’est important pour nous, qui devons, normalement, dans une étude comme celle-ci, entendre différents groupes venir nous dire ce qu’ils n’aiment pas au sujet du projet de loi et ce qu’ils souhaiteraient voir changer... Mais je pense qu’il est également essentiel que nous comprenions ce que chaque organisme estime être utile dans cette loi, les dispositions qu’il tient à s’assurer de voir y rester tandis que nous discutons des éventuels amendements à mettre de l’avant.
    Monsieur Pineau, pourriez-vous commencer en parlant des aspects précis de la loi que vos membres souhaitent conserver, qui sont importants et qui doivent être adoptés?
    Tout d’abord, je pense que j'ai mentionné dans mon exposé les aspects que nous appuyons, et je vais trouver la page que vous devez consulter à cette fin. Je ne vais pas vous parler en détail des gens qui vont venir ici et vous dire qu’ils sont très heureux du projet de loi, merci beaucoup et adoptez-le demain, parce que c’est très urgent. Je pense qu’ils vous ont donné leur liste. À cela nous disons, d’accord, ça leur convient et cela ne nous enlève rien. Ça va. Ce sont eux qui vous donneront leur liste.
    Selon nous, je pense que certains éléments du projet de loi C-32 sont positifs : les droits de distribution, les droits de reproduction et les droits moraux pour les artistes-interprètes, la durée de la protection des enregistrements audio et les droits des photographes. Le problème est le suivant : en raison des exceptions, bon nombre de ces droits sont minés dès la page suivante. C’est là le problème. D’une part, vous accordez des droits aux photographes, puis vous les remettez en question au moyen des exemptions que vous accordez, d’autre part. C'est... comment dit-on, déjà?
    Si vous me permettez d’ajouter quelque chose, l’ACTRA, le syndicat des artistes-interprètes du Canada anglais, est très satisfait des droits moraux accordés aux acteurs. Aucun acteur n’aimerait voir son image servir à appuyer une cause qu’il n’appuie pas lui-même. En outre, les photographes auxquels je parle se sont montrés, en général, très satisfaits. Alors oui, il y a certainement des choses que nous appuyons dans le projet de loi, et nous souhaitons les conserver.
    C’est pourquoi notre position est la suivante : nous aimerions apporter des amendements majeurs au projet de loi, mais nous ne souhaitons pas qu’il soit rejeté. Nous le voulons. Nous voulons définitivement qu’une réforme du droit d’auteur aille de l’avant.
    Monsieur Pineau, plus précisément, vous avez mentionné le droit d’autoriser la mise à la disposition du public et le droit de distribution. Pourquoi sont-ils importants pour vos membres?
    Ils sont importants à certains membres du domaine, en particulier. Par exemple, je sais que ces droits sont très importants pour les entreprises qui sont représentées par la CRIA, parce que j'ai fait affaire avec elles par le passé. M. Anderson demande ce droit depuis la signature du traité de l’OMPI en 1997, alors je sais que c’est une composante importante pour le secteur culturel.
    Ce n’est pas nécessairement... Je ne suis pas un expert de ce domaine. Je vais m’en remettre à mes collègues ici, par exemple, ainsi qu’aux musiciens, pour déterminer si le droit de distribution est... Le droit de distribution est important pour les membres à titre individuel dont je plaide la cause ici aujourd’hui, si et seulement si, ils disposent des instruments qui leur permettent de les faire appliquer, et cela se fait par le truchement de leurs sociétés de gestion.
    Même si je ne dirai pas que ce projet de loi constitue une attaque contre les sociétés de gestion — parce que je ne prête pas d’intention à qui que ce soit — il n’en reste pas moins que cela entraînera à coup sûr des pertes. Il mine le système des sociétés de gestion, et ce qu’il propose ne fonctionne pas pour les artistes à titre individuel, comme nous l’avons entendu.
    Et, bien sûr, nous avons la possibilité. Le projet de loi ne traite pas expressément de la Société canadienne de perception de la copie privée, de la question concernant la taxe sur les iPod, que les partis d’opposition préconisent en quelque sorte, mais nous aurons la possibilité d’étudier un projet de loi. Charlie Angus, bien sûr, a soumis un projet de loi pour examiner cette question, lequel fera son apparition dans un avenir rapproché. Nous aurons donc l’occasion de nous pencher sur cette question. Je ne crois pas qu’il convienne de tenter d’ajouter à ce projet de loi quelque chose qui ne s’y trouve pas.
    Quelle incidence le piratage a-t-il sur votre industrie? Avez-vous effectué un quelconque calcul? Vous avez effectué beaucoup de calculs pour en arriver au chiffre de 126 millions de dollars. Quelles sont les répercussions financières négatives du piratage?
(1150)
    J’aimerais tout d’abord souligner, si vous me le permettez, qu’il n’y a pas de taxes sur les iPod. Il ne s’agit pas d’une taxe. Il s’agit d’un moyen — que l’on peut qualifier de taxe, mais ce n’en est pas une — utilisé pour compenser l’utilisation du droit de propriété. Si nous ne pouvons pas trouver un meilleur système… nous en avions un auparavant, et l’évolution de la technologie l’a rendu complètement obsolète. Ce que laisse entendre ce projet de loi, c’est qu’il n’existe pas d’autres solutions pour les petits artistes, pour les centaines de milliers de petits artistes qui œuvrent partout au pays dans une kyrielle de disciplines. C’est là que le bât blesse. Il ne s’agissait donc pas d’une taxe, mais c’est ainsi qu’on l’a caractérisé, et sur le plan politique, cela est profitable.
     Nous sommes à la recherche de solutions de rechange. L’un des partis d’opposition a proposé une solution. Elle n’est pas idéale elle non plus, mais il s’agit de quelque chose à examiner. Je me trompe peut-être, mais ce que je vous dirais, c’est de ne pas retirer ces fonds.
    Ensuite, j’aimerais souligner que, contrairement à ce que vous avez dit, il ne s’agit pas de mon industrie — je représente une très vaste coalition d’organisations de tous les genres. Il ne s’agit donc pas de mes 126 millions de dollars. Il y a tant de millions de dollars pour les musiciens, tant de millions de dollars pour les écrivains et tant de millions de dollars pour les artistes en arts visuels. En passant, pour ce qui est de ces derniers, je profite de l’occasion qui m’est offerte pour dire qu’il s’agit de quelque chose que vous pourriez…
    D’accord. À ce moment-ci, vous allez devoir conclure…
     Oui. Je suis désolé.
    … parce que nous avons largement dépassé le temps prévu.
     Merci.
    Nous allons passer au deuxième tour de questions.
    Vous avez cinq minutes, monsieur Garneau.
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais tout d’abord faire observer que mes collègues du Parti conservateur semblent en quelque sorte vivre dans le passé. Ils parlent sans cesse de taxes sur les iPod, mais nous sommes à présent en 2011. Il y a bien longtemps que cette solution a été abandonnée…
    Des voix: Oh, oh!
    M. Marc Garneau: …et ce, de façon très, très claire.

[Français]

    Quand on parle d'entreprises, on parle de petites, moyennes et grandes entreprises. On sait que les grandes entreprises commencent comme des petites entreprises. On reconnaît leur fragilité, on essaie de leur donner l'occasion de grandir.

[Traduction]

    On pourrait établir un parallèle avec les artistes. Il y a des artistes qui travaillent de façon individuelle — ce sont des travailleurs indépendants. Ils ne veulent peut-être pas devenir l’équivalent d’une grande entreprise, et ils sont peut-être heureux de demeurer à l’échelon où ils se trouvent, mais d’après moi, il n’en demeure pas moins qu’un travailleur indépendant est plus vulnérable qu’une grande entreprise.
    Cela dit, l’un des points qui sont sans cesse soulevés — et vous l’avez vous-même soulevé aujourd’hui —, c’est que celui qui estime que ses droits ont été violés a la possibilité de recourir aux tribunaux. Toutefois, la plupart des artistes indépendants répètent qu’il s’agit là d’un processus lourd et coûteux.
     J’ai une question à vous poser. Vous appartenez à des associations et à des groupes. Ces organisations et ces groupes vous offrent-ils quelque service que ce soit pour vous aider lorsque vos droits ont été violés; mettent-ils des ressources à votre disposition pour vous aider dans le cadre du processus judiciaire, ou êtes vous littéralement laissés à vous-même?
    Les sociétés de gestion collective nous offrent quelques services, mais il faut bien comprendre qu’il s’agit de notre argent. Ce ne sont pas ces sociétés qui font de l’argent — elles perçoivent de l’argent pour nous, elles administrent nos droits et les distribuent. La SOCAN fonctionne de façon extrêmement efficiente. Elle rend publics ses chiffres en ce qui concerne le pourcentage de ses frais généraux, et le reste de l’argent est distribué. Si les sommes prévues pour aider les artistes en cas de litige sont retenues, elles ne sont pas affectées où elles devraient l’être.
    Ainsi, en théorie, les sociétés ont de l’argent, mais cet argent vient de nos poches. Les membres de ces sociétés déboursent 1 000 $ ou 5 000 $, montant qui a une énorme incidence sur leur revenu.
    Les choses se passent exactement de la même façon dans le secteur du livre et de l’édition. Au bout du compte, nous devons payer pour cela.
    Merci.
    Je crois que M. Pineau a soulevé...

[Français]

la question de YouTube,

[Traduction]

la question des œuvres composites, ce qu’il est convenu d’appeler des « mixages », et des dispositions à cet égard contenues dans la version actuelle du projet de loi C-32 proposé. J’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet. Préféreriez vous qu’aucune exception ne soit faite pour les mixages, ou qu’une telle exception soit clairement définie de manière à ce qu’elle énonce expressément ce qui est légal et ce qui ne l’est pas?
(1155)
    En fin de compte, la question des mixages suppose la responsabilité de ceux qui les rendent possible. Dans le cas de YouTube, par exemple, il y a quelqu’un, au bout du compte, qui fait de l’argent grâce aux mixages et à l’utilisation des œuvres qui sont créées.
    Pour percevoir cet argent, il faut utiliser ce système. C’est la raison pour laquelle nous disons que, à ce moment-ci, si vous ne trouvez pas un moyen de rendre responsables les fournisseurs de services Internet, et de faire en sorte que les entreprises qui font de l’argent grâce au travail d’autres personnes versent des redevances, il faut recourir aux systèmes qui existent. Ceux-ci pourraient être incorporés à ces dispositions législatives, de sorte que, au bout du compte, la personne qui fait des bénéfices grâce au travail d’un autre doive verser à ce dernier une certaine somme. Je crois qu’il s’agit là d’un principe fondamental du droit de propriété intellectuelle ou de tout droit de propriété.
    Dans certains cas, les définitions contenues dans le projet de loi en ce qui concerne les entités ou les sites non commerciaux et commerciaux sont très vagues. YouTube fait beaucoup d’argent grâce aux personnes qui se rendent sur son site pour consommer du contenu.
    Je comprends, et je prends bonne note de vos observations.
    À quel moment peut on dire qu’un mixage devient une copie de l’œuvre originale? Croyez-vous qu’une définition plus précise doit être ajoutée au projet de loi à cet égard?
    Certaines œuvres de Marvin ont fait l’objet de mixages.
    Oui. Quelqu’un m’a envoyé un courriel pour me dire d’aller voir quelque chose sur YouTube. J’avais composé la chanson thème d’une émission pour enfants, et on retrouvait sur YouTube de très nombreuses vidéos où de jeunes enfants et des adolescents livraient leur propre interprétation de cette chanson. Ces vidéos avaient été affichées par les enfants ou par leurs parents. Que ces utilisateurs produisent ce contenu et l’affichent sur YouTube ne me pose pas le moindre problème — ce qui me dérange, c’est le regroupement de ces œuvres sur tel ou tel site Web, et le fait que celui-ci en retire des bénéfices monétaires, de sorte que nous n’avons pas accès à notre contenu.
    Pour ce qui est des mixages, de la question de savoir où ceux-ci peuvent être définis et les autres questions du genre, je crois que nous devrions nous en tenir à des définitions diverses.
    La SOCAN pourrait s’adresser à YouTube, obtenir une licence pour ces contenus, et reverser l’argent à Marvin et à toutes ces autres personnes. C’est exactement pour faire cela que la SOCAN a été établie.
    : D’accord. Merci beaucoup.
     Nous allons passer à M. Cardin pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, bonjour et bienvenue.
    Puisque j'aurai probablement moins de cinq minutes à ma disposition pour poser quelques questions, j'aimerais revenir sur deux choses bien précises.
    Tout d'abord, je crois que ceux qui qualifient les redevances de taxe font preuve de malhonnêteté intellectuelle. C'est comme si, pour aller à l'encontre de la Loi sur le salaire minimum, on disait que lorsqu'on augmente le salaire minimum, c'est une taxe qu'on impose aux entreprises. Cela fait peur aux gens aussi.
    Pour ce qui est de la question du député de la partie gouvernementale au sujet des 126 millions de dollars, c'est déjà une preuve que le gouvernement, lorsqu'il prépare un projet de loi, ne pas tient pas compte de l'ensemble de ses impacts une fois qu'il sera mis en oeuvre.
    Je pense qu'il voulait que M. Pineau lui donne le chiffre parce que le gouvernement n'avait probablement pas fait son travail à cet égard.
    L'objectif de la loi était que l'économie du savoir, de même que les diffuseurs, les consommateurs et les créateurs, en aient pour leur argent, et ce, de façon très équitable. Les supports ont changé tellement rapidement.
    On se souviendra que lors de la première rencontre du comité, alors que les ministres étaient présents, on voyait très bien que l'innovation et la technologie étaient très importantes; cela passait quasiment avant tout. Si le gouvernement allait plus loin, la technologie devrait permettre de rémunérer convenablement les créateurs. Il suffirait d'ajuster la technologie pour faire en sorte que les créateurs puissent être rémunérés en ce sens.
    La question que je me pose est celle-ci. J'ai vu la plupart de vos recommandations. Il faut ajuster cela au niveau des traités internationaux. Sur certains points, le gouvernement ne va-t-il pas plus loin que les exigences au niveau international? Y a-t-il sur la planète des endroits dont le gouvernement devrait s'inspirer pour rémunérer correctement ses créateurs?
(1200)

[Traduction]

    Pour un créateur, il est difficile de répondre à cette question. De toute évidence, on pourrait adopter le critère à trois volets. La façon dont ce critère est formulé est vague elle aussi. À tout le moins, il fournit à la communauté des créateurs des termes qu’ils peuvent utiliser devant les tribunaux pour faire comprendre que la rémunération est un droit auquel ils n’ont pas renoncé. Nous en avons encore pour 10 ans devant les tribunaux pour définir ce que c’est et à quoi cela s’applique
    Alain.

[Français]

    Je regrette de ne pas pouvoir répondre aussi précisément que je le voudrais à votre question sur les exemples internationaux. Il y a des exemples internationaux qu'il ne faut pas retenir, par exemple celui des États-Unis. La preuve est faite que le système qu'ils ont adopté à ce chapitre ne convient pas, n'est pas une solution.
    La France est en train d'adopter, dans une certaine controverse, certaines mesures qui impliquent... Là aussi on parle de taxes. Les gens qui sont affectés, les grandes compagnies, parlent d'une taxe sur le profit alors que cela contribue à rendre accessible au public les oeuvres, en taxant à la source les gens qui font de l'argent avec le système. Or les gens qui font de l'argent avec le système, ce sont les distributeurs. Fondamentalement, c'est là qu'il faut aller chercher l'argent. À ce moment-là, on donne à tous le droit de faire les copies qu'ils veulent. Il faut ajuster le montant chargé à la source.
    Au pays, nous avons un mécanisme qui est fort respecté et qui s'appelle la Commission du droit d'auteur. Depuis des années, dans le cadre d'un processus quasi judiciaire, cet organisme établit un équilibre entre les parties, spécifiquement entre les intérêts des utilisateurs et les intérêts des usagers. Ce tribunal a un processus d'appel. Tout le système est en place. Pourquoi ne pas l'utiliser à bon escient?
    L'orientation que les Français ont l'air de vouloir prendre est de percevoir la redevance à la source, auprès de ceux qui font de l'argent avec le système, et de rendre cela accessible à tout le monde. C'est une façon de collecter de l'argent, de la même façon que les taxes servent à financer le système universitaire, le système hospitalier. Je paye d'une façon collective et je m'en sers quand j'en ai besoin, et ça ne coûte rien, ou presque. C'est un système de perception de revenu qui va avec les dépenses et qui rendrait, dans le cas de la propriété intellectuelle, l'accès facile.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons passer à M. Del Mastro, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins.
     J’ai trouvé intéressant d’entendre M. Garneau dire que nous étions à présent en 2011, et que le parti qu’il représente ne soutient plus la taxe sur les iPod. Monsieur le président, parfois, les prises de position de ces gens ressemblent presque à des prévisions météorologiques. En 2010, ils affirmaient être favorables à ce que l’on réduise l’impôt des sociétés de façon à créer des emplois. À présent, comme nous le savons, ils prétendent qu’une telle mesure serait funeste. Il semble que nous soyons en 2011, et qu’ils ont également changé d’avis à ce sujet. Toutefois, cela est intéressant — leurs points de vue changent rapidement, et on ne sait jamais trop à quoi s’attendre.
     Cependant, avec le parti que je représente, les gens savent à quoi s’attendre, c’est-à-dire à de la cohérence, particulièrement lorsque nous intervenons en faveur d’une industrie et essayons de renforcer un marché menacé. C’est ce que le projet de loi C-32 cherche à faire.
    Il est intéressant que Mme Lavallée ait souligné que, dans les faits, le projet de loi concerne non pas les créateurs, mais l’industrie. Cependant, il y a un troisième aspect dont il faut tenir compte lorsqu’il est question de droit d’auteur, à savoir le consommateur. Le projet de loi doit être équitable envers les trois parties, et établir un juste équilibre entre elles. C’est ce que nous avons vraiment cherché à faire.
    La discussion concernant l’utilisation équitable a suscité mon intérêt. Tout d’abord, je veux que tout le monde sache qu’une bonne partie du débat dans lequel nous semblons engagés découle du fait que, à mes yeux, les gens ne comprennent pas ce qu’est l’utilisation équitable. Une certaine confusion règne à ce sujet, même ici, au sein du comité. Toutefois, si l’on prend, par exemple, l’exception relative à l’éducation en ce qui concerne l’utilisation équitable, les gens reviennent sans cesse sur le fait qu’il sera possible de copier des œuvres en totalité sans que les auteurs ne reçoivent une indemnisation. Cela est totalement faux. Ce n’est pas vrai. La copie ne peut être assimilée à l’utilisation équitable, et ne provoque pas l’anéantissement des sociétés de gestion collective. De fait, les établissements d’enseignement ne visent pas à soutirer ces fonds aux sociétés de gestion collective.
     M. Angus croit que nous devrions ouvrir cette boîte de Pandore qu’est l’utilisation équitable. J’aimerais savoir si vous êtes en faveur de la norme établie dans le cadre de la Convention de Berne et du critère à cinq volets établi par la Cour suprême, car il s’agit des fondements en ce qui a trait à l’utilisation équitable. Le projet de loi est fondé sur ces principes. Si vous êtes en faveur de cela, et si le projet de loi ne supprime pas la notion d’utilisation équitable — en fait, il ne la modifie pas —, dans ce cas, je ne suis pas tout à fait certain de comprendre ce qui vous préoccupe.
(1205)
    Monsieur, tout d’abord, beaucoup d’écrivains sont également enseignants, et nous avons assurément entendu des intervenants du secteur de l’éducation et quelques administrateurs de l’enseignement dire que cela sera merveilleux, et qu’ils n’auront jamais plus à verser le moindre sou à Access Copyright.
     Je reconnais que cela laisse certainement place à l’interprétation, mais il s’agit d’un énorme problème…
    Ces gens devraient me téléphoner, et je leur donnerai l’heure juste.
    Nous sommes aux prises avec un énorme problème. Ce dont nous parlons ici, c’est de beaucoup de personnes dont le revenu est en péril. J’ai lu le projet de loi le plus minutieusement possible, et j’ignore si vous le savez, mais aux États-Unis, l’utilisation équitable… Les écoles ne versent pour ainsi dire aucune redevance pour la copie d’œuvres aux États-Unis. Beaucoup d’éducateurs envisagent une telle situation. Cela mènera à…
     Je suis désolé.
    Je veux simplement corriger quelque chose que vous venez de dire.
    D’accord.
    La situation aux États-Unis et au Canada est très différente.
    Très différente.
    Les États-Unis ne fonctionnent pas avec le principe d’utilisation équitable.
    Oui. Il s’agit plutôt de l’usage acceptable.
    Aux États-Unis, on fonctionne avec le système de l’usage acceptable.
    C’est exact.
    La notion d’usage acceptable est très floue.
    Elle est très floue.
    À peu près n’importe quelle utilisation peut être présentée comme relevant de l’usage acceptable. Cependant, la notion d’utilisation équitable est définie de façon très précise. La définition d’« utilisation équitable » est orientée par la norme énoncée dans la Convention de Berne et par le critère à cinq — pardon, six — volets établis par la Cour suprême. Ce n’est pas le cas aux États-Unis.
    Si le projet de loi demeure dans sa forme actuelle, nous nous heurterons à d’énormes problèmes quant à l’interprétation de la notion d’utilisation équitable. Chacun aura une interprétation différente. Qui s’occupe de ce genre de problèmes? Les tribunaux. C’est ce que vous êtes en train d’encourager: le recours aux tribunaux.
    À notre avis, cela se traduira par une importante baisse de revenu pour Access Copyright. Je crois que vous devriez prendre conscience du fait que Access Copyright est une entreprise qui a versé plus de 30 millions de dollars à des écrivains et à des éditeurs. Au Québec, Copibec a versé 14 millions de dollars. Nous nous sommes fait dire que l’ensemble de ces sommes étaient en péril.
    Cela n’est pas vrai. Toutefois, en ce qui concerne ce que vous avez dit à propos des litiges, j’aimerais dire que cette situation ne serait pas différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Il n’y aurait aucune différence.
    Lorsque le projet de loi aura été adopté, les lois relatives au droit d’auteur et à l’utilisation équitable s’appliqueront de la même façon qu’aujourd’hui, et il n’y aura aucune différence pour ce qui est de la question de savoir si une affaire est portée ou non en justice.
    À l’heure actuelle, la loi contient des dispositions relatives à l’utilisation équitable — vous avez tout à fait raison —, mais le fait d’ajouter une disposition relative à l’utilisation aux fins de la recherche, de la critique et de choses du genre a pour effet de créer un certain nombre d’exceptions autorisées, auxquelles les critères peuvent s’appliquer. Oui, le critère à trois volets devrait figurer dans la loi.
    D’après ce que je crois comprendre, en intégrant l’utilisation aux fins de l’éducation à l’utilisation équitable, on autorise un certain nombre de personnes, par exemple celles que vous avez mentionnées il y a une minute, à croire qu’elles peuvent faire valoir cette idée. Il est intéressant de constater que neuf ministres de l’Éducation, et non pas dix, sont favorables à cette disposition. Au Québec, on reconnaît que, dans le cadre du système qui est en place, une indemnisation équitable doit être versée, et que ce système devrait être conservé.
     Je ne suis pas avocat, mais vous avez reçu un certain nombre d’avis juridiques, y compris celui du Barreau du Québec, selon lequel de telles dispositions se traduiront par des poursuites devant les tribunaux. Je crois que, au cours des prochains jours, d’autres témoins se présenteront devant vous pour soutenir le même point de vue.
    Cela me ramène à ce que je disais au départ: les particuliers ne sont pas en bonne position pour intenter des poursuites devant les tribunaux lorsque la loi elle même contient autant d’ambigüités.
    Très bien. Cela met fin à notre réunion d’une heure avec le groupe de témoins.
    Je remercie les témoins. Nous allons suspendre la séance pendant quelques instants.
(1205)

(1215)
    Nous allons reprendre nos travaux. Il s’agit toujours de la neuvième séance du Comité législatif chargé du projet de loi C-32.
    Les deux prochains témoins, John Barrack et Reynolds Mastin, proviennent de la même organisation. Si je ne m’abuse, monsieur Barrack, c’est vous qui allez prendre la parole. Est-ce exact?
    Mon collègue et moi allons tous deux nous adresser au comité.
(1220)
    D'accord. Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le président, membres du comité, nous vous remercions de nous avoir invités à nous présenter devant vous aujourd’hui.
    La CMPA représente les intérêts de près de 400 entreprises du secteur de la production et de la distribution d’émissions de télévision, de longs métrages et de productions faisant appel aux médias interactifs de langue anglaise, et ce, dans toutes les régions du Canada. En 2009-2010, la valeur du volume de production de l’industrie s’est élevée à plus de 3,8 milliards de dollars, et plus de 90 000 emplois ont été créés par cette industrie.
    Les membres de notre association produisent des émissions de télévision comme Degrassi, Corner Gas, The Rick Mercer Report et This Hour has 22 Minutes, pour n’en nommer que quelques-unes. En outre, toute notre industrie est très anxieuse de savoir si les films Barney's Version et Incendies — deux productions indépendantes — seront primés à la cérémonie des Oscars, qui se tiendra plus tard ce mois ci.
    Comme notre association représente à la fois des titulaires et des utilisateurs du droit d’auteur, nous sommes conscients du fait que la réforme du droit d’auteur comporte un exercice exceptionnellement délicat d’établissement d’un juste équilibre. Dans le cadre du présent exposé, nous nous bornerons à formuler des observations concernant cinq éléments que nous estimons essentiels à l’établissement d’un juste équilibre.
    Premièrement, la CMPA est entièrement favorable aux dispositions du projet de loi C-32 concernant les mesures techniques de protection, les MTP. Pour nous assurer que les créateurs et les consommateurs peuvent faire des choix sur le marché numérique, il est crucial de sauvegarder les MTP, qui permettent aux producteurs indépendants de pouvoir continuer à essayer différents modèles de fonctionnement et de transmission de contenu, en plus d’être un instrument servant à optimiser la gamme de contenus et de services offerts aux consommateurs.
    Si les MTP sont utilisées de façon excessive ou abusive, les consommateurs peuvent réagir en dépensant ailleurs l’argent qu’ils consacrent aux divertissements, et c’est ce qu’ils font. Toutefois, en l’absence de MTP, le marché numérique risque de devenir un désert numérique où de moins en moins de contenu canadien de qualité supérieure et professionnelle sera réalisé. Il s’agirait d’une perte énorme, non seulement pour les Canadiens, mais également pour les consommateurs et les citoyens, de même que pour le public du monde entier qui apprécie le contenu produit par nos membres.
    Deuxièmement, nous avons été très heureux de constater que la parodie et la satire allaient être ajoutées aux activités protégées par l’exception relative à l’utilisation équitable. Une telle mesure mettra fin à l’incertitude qui plane actuellement dans le régime canadien du droit d’auteur en ce qui a trait à la parodie et à la satire, incertitude qui a un effet paralysant sur la liberté d’expression, notamment dans le domaine politique.
     Nous sommes certains que tous les parlementaires seraient favorables à un amendement qui ferait en sorte que Rick Mercer pourrait s’exprimer encore plus librement qu’il ne le fait actuellement.
    Reynolds.
    Comme nous le savons, bien des choses ont été dites à propos de l’élargissement à l’éducation de l’exception relative à l’utilisation équitable. Nous sommes d’accord avec la préoccupation maintes fois soulevée selon laquelle une telle disposition sera d’une portée trop vaste si elle n’est pas bien définie, et se traduira par de nombreuses et coûteuses poursuites devant les tribunaux. Il est nécessaire d’intégrer quelques paramètres définitionnels à la disposition, de façon à lui procurer une clarté qui fait cruellement défaut à l’heure actuelle, et ce, pour le bénéfice de toutes les parties concernées.
     Troisièmement, nous estimons que l’ajout au projet de loi C-32 de dispositions visant le fait de faciliter la violation du droit d’auteur constitue une mesure très importante en vue de mettre fin au marché noir numérique au Canada. Comme d’autres intervenants, nous proposons que ces dispositions soient légèrement modifiées de manière à ce qu’elles s’appliquent aux services conçus ou exécutés principalement dans le but de faciliter ou d’inciter la violation du droit d’auteur. En outre, nous recommandons que les exceptions relatives aux activités de stockage et de mise en antémémoire du projet de loi C-32 ne s’appliquent pas expressément aux cas où le fournisseur de services facilite la violation du droit d’auteur.
    Dans leur forme actuelle, les dispositions relatives aux activités de stockage et de mise en antémémoire pourraient malencontreusement avoir pour effet de protéger d’énormes entités commerciales qui facilitent les violations, ce qui, comme nous le savons, n’est pas le but visé par le projet de loi.
    Quatrièmement, même si nous comprenons entièrement le bien-fondé de l’exception relative au contenu généré par l’utilisateur, nos membres sont profondément préoccupés par le fait que cette exception place la barre beaucoup trop bas quant aux critères auxquels doit répondre ce contenu pour être considéré comme une œuvre de création. Personne d’entre nous ne veut une disposition qui, par exemple, permettrait malencontreusement à un utilisateur de téléverser dans Internet des saisons complètes de séries comme Degrassi ou Corner Gas. Si une telle chose se produit, la seule chose qui sera générée, ce sont des pertes — des pertes de revenus que subiront les personnes qui produisent Degrassi.
    Au pis aller, l’exception ne devrait autoriser un utilisateur qu’à créer du contenu original et transformé à des fins personnelles et non commerciales, si toutes les activités autorisées peuvent être considérées comme relevant de l’utilisation équitable au sens du régime du droit d’auteur en vigueur.
    Cinquièmement, nous enjoignons aux membres du comité de se pencher sur la question de savoir si un régime « d’avis et avis » constitue réellement un mécanisme suffisant pour prévenir la violation à grande échelle du droit d’auteur en ligne. En réalité, il est peu probable que le seul fait d’envoyer des avis à ceux qui commettent des violations en série amènera ces derniers à prendre conscience du caractère répréhensible de leurs actes. Par conséquent, nous recommandons l’ajout au projet de loi d’une disposition qui permettrait à un fournisseur de services Internet d’être protégé par les dispositions législatives, mais seulement s’il a adopté et mis en œuvre une politique visant à empêcher ceux qui commettent des violations en série d’utiliser ses services.
    John.
    Pour terminer, j’aimerais formuler une brève observation concernant un élément qui ne figure pas dans le projet de loi.
    Au cours des différents cycles de réforme du droit d’auteur qui ont eu lieu au fil des ans, nous avons demandé aux gouvernements qui se sont succédé de reconnaître les producteurs comme auteurs et premiers titulaires du droit d’auteur d’une œuvre cinématographique. À l’heure actuelle, cette question d’une importance cruciale n’est pas abordée dans la Loi sur les droits d’auteur. Il en a résulté, pour les producteurs indépendants, une inquiétude et des coûts supplémentaires inutiles. Nous serons heureux de vous fournir des explications à ce sujet durant la période de questions et de réponses.
    Nous remercions de nouveau le comité de nous avoir invités à nous présenter ici cet après midi. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
    Très bien. Merci.
    Nous allons commencer la période de questions par un tour de sept minutes.
    Le premier à prendre la parole sera M. McTeague, du Parti libéral.
    Je remercie les témoins de s’être présentés ici. Durant votre exposé, vous avez probablement été informés du fait que l’un de vos chefs électriciens s’est présenté ici. Merci beaucoup de nous avoir fourni cette aide. Par les temps qui courent, la Chambre des Communes accepte toute l’aide qu’on veut bien lui offrir.
    Vous avez soulevé un certain nombre de questions d’une importance cruciale. L’une d’entre elles m’intéresse énormément — il s’agit de la question de savoir dans quelle mesure les dispositions législatives relatives à la lutte contre le piratage sont suffisantes. Êtes-vous d’avis, monsieur Mastin et monsieur Barrack, que les dispositions du projet de loi permettraient de décourager les actes flagrants de piratage? Un certain nombre d’amendes de 5 000 $ ont été infligées, mais des entreprises comme The Pirate Bay peuvent se permettre de débourser une telle amende puisqu’elles réalisent des dizaines de milliers de dollars de profit.
    Avez vous des observations à formuler là dessus?
    Je vais formuler des observations préliminaires, puis je céderai la parole à Reynolds, si vous n’y voyez pas d’objection.
    Pour revenir à toute cette question de l’équilibre, j’aimerais souligner que, à mon avis, toute disposition ayant spécifiquement trait à des pénalités doit tenir compte de l’endroit où l’infraction ou la violation pourrait être commise, et établir une distinction entre une violation insignifiante et une violation qui soulève de réelles préoccupations. Les violations de nature commerciale sont celles qui soulèvent de réelles préoccupations. Nous ne faisons pas partie d’une culture où nous nous attaquons aux particuliers qui violent le droit d’auteur, et je ne crois pas que notre culture est sur le point d’adopter une telle approche. En un mot comme en mille, notre véritable préoccupation, c’est la violation à l’échelle commerciale. Le projet de loi doit contenir des dispositions véritablement dissuasives. Ce que nous voulons éviter, c’est une disposition relative aux pénalités qui deviendrait une sorte de droit de licence par défaut que les pirates pourraient considérer comme un simple coût de fonctionnement. C’est notre véritable préoccupation.
    Reynolds, voulez vous ajouter quelque chose là-dessus?
(1225)
     Je veux simplement ajouter que les dispositions relatives à l’attribution de dommages-intérêts préétablis de 5 000 $ pourraient être suffisantes pour dissuader les personnes pour qui la violation du droit d’auteur ne constitue pas une activité commerciale, mais elles n’auront pas d’effet dissuasif sur les personnes qui commettent des violations à caractère commercial. C’est surtout cela qui nous préoccupe.
    Vous avez mentionné que la transmission d’avis n’était pas suffisante. Quel modèle privilégieriez-vous? À votre avis, quelles modifications le comité devrait-il apporter à ce sujet? Je ne vous demande pas de me fournir le libellé exact des dispositions que vous aimeriez voir adopter, mais j’aimerais savoir si vous songez à un régime de pénalité de type hybride, qui établirait une distinction entre les violations à caractère commercial et les autres, et où le montant des pénalités varierait selon la nature de la violation de façon à décourager les activités de piratage?
    Que demandez-vous exactement?
    Ce que nous envisageons, c’est quelque chose qui s’apparenterait à un régime d’avis et retrait, type de régime qui serait, selon nous, plus efficace.
    Voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet, Reynolds?
    Contrairement à ce qui a souvent été dit, un régime de ce type permet d’établir un équilibre, et donne l’occasion aux personnes qui reçoivent un avis selon lequel elles ont commis une violation de contester cet avis en affirmant avoir agi de bonne foi. Nous estimons qu’il est important qu’un processus équitable soit mis en place, mais nous croyons aussi qu’un régime d’avis et avis n’aura pas un effet dissuasif suffisant sur les personnes qui commettent des violations en série.
     D’accord. Si je ne m’abuse, d’autres témoins ont formulé des observations semblables.
    Revenons à la question du contenu généré par les utilisateurs. Vous avez également fourni des recommandations à ce sujet. Voulez-vous nous en dire plus long là-dessus?
    L’une des principales questions sur laquelle devra se pencher le comité, à la lumière des témoins qu’il a entendus aujourd’hui et de ceux qu’il entendra au cours des quelques prochains mois, est celle de savoir s’il est judicieux de supprimer purement et simplement la disposition, ou, si une décision est prise, de trouver un moyen de la façonner de manière à ce qu’elle garantisse le respect de nos obligations à l’échelle internationale. La disposition ne doit pas permettre aux gens de faire par la porte d’en arrière, si je peux m’exprimer ainsi, ce qu’ils ne peuvent pas faire par la porte d’en avant. Ensuite, nous devrons veiller à concevoir et à modifier minutieusement cette disposition de façon à ce qu’elle atteigne le but recherché, sans entraîner de conséquences imprévues.
    À mes yeux, sur le plan pragmatique, le problème tient à la difficulté d’en arriver à une définition. D’autres témoins qui étaient ici précédemment ont dit une chose semblable. Je ne crois pas que quiconque dans cette salle souhaite que des poursuites sans fin soient intentées relativement à ces questions, car l’incertitude est réellement la mère de tous les vices. Une telle situation enrichirait beaucoup d’avocats, et nuirait véritablement à tout le monde, notamment aux consommateurs. Plus nous pourrons créer de certitude, mieux ce sera. Dans le contexte où nous nous trouvons, le hic, c’est de déterminer comment nous pouvons définir cette certitude.
    J’ai une préoccupation concernant les commentaires que vous avez formulés plus tôt concernant les MTP. Qu’est-ce que vous aimeriez que le comité fasse à ce sujet, et qui serait conforme à votre façon de voir les choses?
    De toute évidence, un important équilibre doit être établi entre les créateurs et, bien sûr, les personnes qui achètent du contenu dans l’intention de l’utiliser à des fins personnelles. Je sais que, dans certains cas, si vous achetez une vidéo, vous pouvez la copier un certain nombre de fois, par exemple trois. Vous pouvez la télécharger dans votre lecteur Blu-Ray. Vous pouvez faire ce que vous voulez de l’œuvre que vous avez achetée, mais à l’intérieur de certaines limites.
    Au sein de votre industrie, comment… Pouvez-vous citer des exemples de véritables préjudices subis par des représentants de votre industrie en raison d’une absence de dispositions législatives, si je peux m’exprimer ainsi, ou d’un manque de précision de ces dispositions législatives découlant de la constante évolution de la technologie?
    À cet égard, la difficulté tient à ce que nous faisons partie d’un marché émergent, et que les MTP sont extrêmement importantes puisqu’elles permettent aux producteurs de contenu d’utiliser véritablement les modèles de fonctionnement à leur plein potentiel. Le gouvernement du Canada, tout comme les producteurs, a investi des sommes considérables là-dedans. Ainsi, si nous voulons tous obtenir un rendement du capital investi, il faut bien sûr que les consommateurs et les droits des consommateurs soient reconnus, mais aussi qu’un véritable équilibre soit établi.
    Pour ce qui est des détails que vous m’avez demandé de vous fournir, il est très difficile pour moi de citer des études indiquant le montant des pertes subies, car il est impossible d’évaluer le nombre de ventes manquées, si je peux m’exprimer ainsi. C’est pourquoi il est difficile d’établir le coût du piratage.
    Les membres de notre association reviennent sans cesse sur ces exemples bien connus. La vente de DVD d’émissions de télévision canadiennes populaires représente un marché lucratif. Les sommes générées par ces ventes retournent aux entreprises de production, qui peuvent ensuite produire d’autre excellent contenu canadien. L’absence de telles mesures porte atteinte à ce modèle de fonctionnement. Il n’est pas nécessairement possible d’établir si la perte de revenus est attribuable à un changement dans le comportement des consommateurs ou au piratage.
(1230)
    Allez-y, monsieur Mastin.
    En fait, vous et John avez assez bien abordé tous les aspects de la question.
    Il semble que mon temps soit écoulé.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer au Bloc Québécois. Madame Lavallée, vous avez six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer ce matin. Si j'ai bien compris, vous n'avez pas déposé un mémoire. Je n'ai rien reçu.
    Pas encore.
    Est-ce que ça viendra?
    Nous avons l'intention de le faire.
    D'accord.
    Vous avez présenté votre document, mais je n'ai eu que la traduction. Je ne suis pas certaine d'avoir compris certaines choses, alors je vais y revenir.
    Premièrement, j'ai compris, au début, que vous aviez cinq points. Or quand j'ai fait le calcul, à la fin, il y en avait sept. Est-ce que c'est normal?
    J'en compte six.
    D'accord. Je pense effectivement que les points trois et quatre peuvent être groupés. J'en avais fait deux points distincts, avec l'éducation, mais je n'avais pas bien compris. Encore là, je m'excuse infiniment.
    Je ne sais pas par quel point commencer, parce que je les trouve tous importants et je sais que je n'aurai pas le temps de les aborder tous. Cependant, je comprends que vous partagez davantage les intérêts des industries et que, donc, vous êtes assez favorables au projet de loi C-32.
    Est-ce que je comprends bien? Êtes-vous êtes assez favorables au projet de loi C-32?
    Avec les amendements que nous recommandons, oui. En général, oui.
    Mais si les amendements n'étaient pas apportés — les six points que vous avez soulevés —, le projet de loi C-32 serait-il quand même vivable, pour vous?
    Nous comptons sur le comité pour trouver une façon d'apporter ces amendements, afin que le projet de loi soit acceptable pour les membres de notre association.
    Soit dit en passant, vous devriez être assis autour de la table; je trouve que vous patinez bien.
    Vous avez parlé des mesures de protection. Vous avez dit que les gens dépenseraient leur argent ailleurs, s'ils pouvaient faire des copies des films que vous faites. Ai-je bien compris?
    Oui, c'est ça.
    Êtes-vous favorables aux verrous numériques?
    Parlez-vous des TPM?
    Oui. En français, on les appelle MTP ou verrous numériques.
    Oui.
    Vous êtes favorables à cela.
    Oui, absolument.
    Cela convient bien à votre industrie.
    Oui, c'est exactement ça.
    En mettant des verrous numériques sur les films vendus, par exemple, cela empêcherait les consommateurs d'en faire des copies pour leurs amis.
    C'est exactement cela.
    Je suis contente de vous entendre, dans un certain sens, parce qu'on comprend bien que vos besoins, comme industrie du film, ne sont pas les mêmes que ceux de l'industrie de la musique. L'industrie de la musique a besoin que sa musique soit diffusée le plus possible et, donc, qu'il y ait rémunération. Par contre, de votre côté, vous préférez restreindre la diffusion. De toute façon, les gens n'ont pas besoin d'une autre copie pour leur usage personnel et, donc, d'entrer dans le système de la copie privée.
    Cela correspond-il à ce que vous pensez?

[Traduction]

    L’une des choses qu’il faut garder présentes à l’esprit, c’est que notre secteur crée du contenu grâce à l’intervention de divers syndicats et diverses guildes représentant les acteurs, les scénaristes, les réalisateurs, et ainsi de suite. Lorsque nous payons ces acteurs, ces scénaristes et ces réalisateurs, nous ne les payons pas seulement pour leur travail proprement dit — ces artistes touchent un certain pourcentage des revenus dans le cadre du système de redevances qui est en place. Si nous ne disposons pas de ces mesures, nous ne touchons pas ces revenus. Si nous ne touchons pas ces revenus, ces artistes ne sont pas payés. Il ne s’agit pas seulement des producteurs.
    Par conséquent, nous parlons ici d’une chaîne alimentaire très fragile, que nous devons préserver pour nous assurer que les meilleurs artistes canadiens demeurent au Canada.

[Français]

    Je comprends bien aussi que l'autre différence avec l'industrie du disque ou de la littérature, si je peux dire, c'est que quand vous faites votre film et qu'il arrive sur le marché, tous les créateurs, tous les interprètes ont déjà été payés, tandis que dans l'industrie du disque, normalement, quand le disque arrive sur le marché, personne n'a encore été payé, même si ses créateurs ont travaillé pendant un an.
    Est-ce que ma compréhension de cette différence est bonne?
    Nous pouvons le confirmer pour notre industrie, mais nous ne connaissons pas très bien la façon dont fonctionne l'industrie du disque.
    Parlons donc de votre industrie. Je parlerai aux gens de l'industrie du disque de l'autre volet.
    Cela veut dire que quand vous commencez à tourner, la plupart des gens ont commencé à être payés et quand votre produit est mis sur le marché, dès la première journée, tout le monde a été payé. Est-ce que je me trompe?
(1235)

[Traduction]

    J’imagine que, si j’étais acteur, je ne verrais pas les choses du même œil. L’acteur reçoit une partie de sa rémunération au moment de la réalisation du film, et doit attendre avant de toucher l’autre partie de sa rémunération, laquelle lui sera versée après que le produit final a été distribué. Je suppose que, dans l’éventualité où des MTP sont mises en place, ce que craindra l’acteur, c’est de ne jamais toucher la deuxième partie de sa rémunération. Cet acteur ne voudra pas nécessairement demeurer au Canada. Il ne voudra pas continuer à contribuer à la création d’un excellent contenu canadien.
    Pour l’essentiel, notre industrie fonctionne de la façon suivante: nous divisons le monde en territoires, et nous délivrons des licences pour un marché précis. Dans les territoires où le marché s’est effondré parce qu’aucun cadre judicieux de réglementation du droit d’auteur n’était en place, les producteurs ont perdu la capacité de récupérer effectivement les sommes qu’ils ont investies dans la production du film. En outre, ils ont perdu la capacité de verser aux acteurs les sommes résiduelles qui leur étaient dues.
    C’est assez simple: personne ne sera intéressé à acheter un film canadien ou une émission de télévision canadienne et à payer l’entreprise canadienne qui a produit cette œuvre si celle-ci est déjà disponible dans le monde entier. Si les consommateurs du monde entier ont déjà accès gratuitement à cette œuvre, pourquoi un distributeur voudra-t-il payer des droits de distribution à une entreprise canadienne? Si les choses se passent ainsi, nous perdrons la masse critique de talent que possède le pays, de même que notre capacité de continuer à réinvestir.

[Français]

    Avant de terminer, je vais vous parler de l'exemption pour l'éducation. Si j'ai bien compris, vous êtes en faveur de mieux définir le mot « éducation ». Par ailleurs, l'éducation était aussi un excellent marché pour vous. En fait, quand vos films sont diffusés dans les écoles, normalement, vous récupérez certaines redevances. De plus, comme vous le savez, le respect de la valeur des oeuvres artistiques et du prix qu'il faut payer pour y avoir accès est un excellent principe à inculquer aux jeunes et au milieu de l'enseignement.

[Traduction]

    Vous avez tout à fait raison. La proposition que nous avons déposée a été élaborée dans un esprit de compromis, si je peux m’exprimer ainsi, c’est-à-dire que, si la portée de l’exception relative à l’utilisation équitable est élargie pour viser l’éducation, nous estimons qu’il faut à tout le moins établir des paramètres clairs permettant de définir en quoi consiste l’éducation.
    Là encore, notre but n’est pas de faire en sorte qu’une poignée d’avocats…

[Français]

    Supposons qu'au lieu d'écrire le mot « éducation », ils écrivent les mots « maison d'enseignement » ou que ce soit défini. Essentiellement, cela veut quand même dire que les maisons d'enseignement ou les écoles, qui payent actuellement des droits d'auteur, n'en paieraient plus. On peut bien faire les fins finauds et dire que cela passera par les tribunaux, mais on sait qu'elles ont peu de chances de gagner à la fin.

[Traduction]

    D’accord, très rapidement — nous devons conclure.
    Je crois que cela nous ramène au point soulevé par M. Del Mastro. Ce que nous souhaitons, c’est que le projet de loi soit d’une précision telle qu’il rend inutile ce type de recours aux tribunaux, et qu’il énonce très clairement, grâce à des critères empruntés à des lois étrangères ou par d’autres moyens, que l’utilisation de documents protégés par le droit d’auteur dans un cadre pédagogique s’assortit du versement de droits.
    Merci.
    Monsieur Angus, vous avez sept minutes.
    Merci.
    Merci de vous être présentés ici aujourd’hui. D’emblée, je vous transmets mes félicitations. J’estime que les productions canadiennes des quatre ou cinq dernières années sont, pour autant que je me souvienne, incomparables sur le plan de la qualité avec ce qui s’est fait précédemment au pays. Je ne saurais dire à quoi cela tient, mais il me semble que nous assistons à une véritable renaissance dans les secteurs cinématographique et télévisuel canadiens, de même que dans celui de la production indépendante. Évidemment, nous voulons faire en sorte que cela se poursuive.
    J'ai un certain nombre de questions à vous poser simplement pour tenter de déterminer comment nous allons nous y prendre pour que cela se produise. La question des MTP est assurément d’une importance cruciale pour le projet de loi. Nous sommes sans aucun doute d’accord pour affirmer qu’il est nécessaire de recourir aux MTP pour protéger les modèles de fonctionnement, de façon à nous assurer que l’argent investi par les créateurs ne s’envole pas tout simplement en fumée dès que leurs œuvres sont mises en circulation.
    Vous avez mentionné que vous étiez favorable aux dispositions relatives à la parodie et à la satire, mais si un produit est protégé par un verrou numérique, les utilisateurs ne pourront pas en utiliser des extraits à des fins de parodie et de satire. Croyez-vous qu’il est possible de trouver un compromis qui permettrait à une personne de contourner un verrou numérique pour utiliser une œuvre à des fins de parodie et de satire, ou affirmez-vous tout simplement que vous êtes d’accord avec l’ajout d’exceptions relatives à la parodie et à la satire, mais que, si une œuvre est protégée par un verrou numérique, ces dispositions ne peuvent plus être invoquées?
    Là encore, je souligne que je ne suis pas à proprement parler un artiste.
    Je vous remercie des commentaires que vous avez formulés concernant l’amélioration, au cours des quelques dernières années, de la qualité du contenu canadien. Je suis assurément très fier de cette amélioration, et il est beaucoup plus facile pour nous de représenter les producteurs lorsque le public, à l’échelle tant canadienne qu’internationale, est plus nombreux à apprécier nos œuvres. Je vous suis réellement reconnaissant de ces commentaires.
    En ce qui concerne la parodie — et cela nous ramène à toute cette question de la définition —, je crois que la difficulté tient à ce que nous tentons vraiment d’établir une distinction entre la réutilisation véritablement créative d’une œuvre ou la création d’une véritable nouvelle œuvre à des fins de parodie et, là encore, le fait de recourir abusivement à des dispositions relatives au mixage afin de voler une copie d’une œuvre, de lui donner un nouveau début et une nouvelle fin et de la présenter, par exemple, comme étant la cinquième saison de Degrassi et d’appeler cela un mixage. À cet égard, la difficulté tient à ce qu’il s’agit d’un continuum. Où se trouve l’équilibre à établir?
    Je crois que le comité procédera probablement à une étude article par article très intéressante à ce sujet, et nous serions très intéressés à contribuer, dans la mesure du possible, à ce processus, mais il nous est impossible aujourd’hui de vous dire exactement comment nous ferions cela.
(1240)
    Je suppose que cela tient à la question du continuum, car j'ai discuté avec des documentaristes qui sont très préoccupés par l’éventualité que les dispositions relatives au verrou numérique les empêchent d’accéder à des œuvres protégées par le droit d’auteur pour en tirer des extraits. Ils ne seront pas en mesure d’utiliser une œuvre protégée par un verrou numérique. J'ai posé une question à ce sujet à un témoin, et celui-ci m’a répondu qu’il était possible de faire une capture d’écran d’ordinateur. Toutefois, il est impossible de faire une œuvre de qualité à partir d’une capture d’écran.
    Si une personne utilise une œuvre afin d’en créer une nouvelle, cette utilisation est légitime. En outre, l’utilisateur devra citer l’œuvre originale. Une personne qui veut réaliser un film sur l’histoire du cinéma canadien devra être en mesure de montrer des extraits de film dans sa propre œuvre. Si ces films sont protégés par un verrou numérique, il faudra trouver un moyen de se procurer des extraits. À mes yeux, cela est fondamentalement différent d’une situation où l’on dirait aux gens qu’ils n’ont qu’à contourner le verrou numérique qui les embête, accéder à l’œuvre et faire ce qu’ils veulent avec elle.
    Est-ce que votre organisation croit qu’il est possible que nous précisions le libellé des dispositions législatives de façon à nous assurer qu’elles ne portent pas atteinte à la capacité des artistes de créer des œuvres?
    Nous sommes conscients du fait qu’il s’agit d’une question très épineuse. Notre préoccupation comporte deux volets. D’une part, il s’agit de déterminer quelle serait la teneur des termes de ces dispositions législatives, et si, à toutes fins pratiques, elles auraient pour effet de vider de leur substance les dispositions relatives aux MTP mises en place. Nous avons examiné diverses options à cet égard, et nous en sommes toujours arrivés à la même conclusion, à savoir que, au moment de trouver l’équilibre recherché, dès que l’on commence à édulcorer ces dispositions, cela a pour effet de créer toutes sortes de possibilités pour les personnes qui ne contournent pas les verrous numériques, strictement à des fins d’utilisation équitables, et qui les amèneront à utiliser une œuvre à des fins qui ne sont souhaitées par personne d’entre nous. Il s’agit en quelque sorte du premier problème.
    D’autre part, il est certain que nous ne sommes pas insensibles à la situation des documentaristes puisque nous les représentons. Quelques-uns d’entre eux ont beaucoup d’inquiétudes à propos de la question dont nous parlons. Les opinions varient selon le documentariste avec lequel vous discutez. Une chose qu’il est important de garder présente à l’esprit, c’est qu’il existe des moyens d’obtenir les documents protégés par le droit d’auteur par d’autres moyens que le recours à la disposition relative à l’utilisation équitable, par exemple en obtenant une licence du titulaire du droit d’auteur ou en demandant à ce dernier la permission d’utiliser l’œuvre dont il détient les droits dans le cadre d’un documentaire. Il ne s’agit pas d’une solution parfaite, mais cela est moins pire que si l’offre était protégée par une MTP, auquel cas il est absolument impossible pour le documentariste d’utiliser l’œuvre en question.
    Nous ne nous étendrons pas davantage sur ce sujet, mais j'ai discuté avec John Greyson, et je sais qu'il est très préoccupé par le fait d'avoir à demander à un quelconque titulaire de droits d'auteur l'autorisation d'utiliser une oeuvre, et de se voir répondre: « Non, vous n'utiliserez pas mon oeuvre à des fins de parodie et de satire, fin de la discussion. » Une disposition relative à la parodie et à la satire est ajoutée, mais quelqu'un qui refuse de voir une oeuvre parodiée interdit l'accès à cette oeuvre. Ainsi, je crois que nous allons devoir revenir là-dessus.
    Je suis intéressé par la question de la distinction entre violation à des fins commerciales et violation à des fins d'utilisation personnelle, car j'estime que nous avons tous convenu que nous voulons nous assurer que la violation à des fins commerciales sur une grande échelle n'entraîne pas l'effondrement de nos marchés d'affaires. Cela nous ramène de nouveau au problème suivant: les admirateurs représentent la plus grande menace. Les admirateurs diffusent du contenu sur Internet parce qu'ils aiment ce contenu. Cela continuera à mesure que nos modèles de fonctionnement évoluent. Par exemple, qui aurait pu prédire que Facebook deviendrait la principale porte d'entrée du contenu en ligne?
    Comment faire pour ne pas anéantir le bassin d'admirateurs, ceux-là mêmes qui veulent soutenir les créateurs? Il s'agit de leur manière de diffuser les oeuvres de manière à ce que les gens de l'industrie soient rémunérés, essentiellement sans qu'il soit nécessaire d'intenter des poursuites contre les jeunes qui aiment la série Degrassi et veulent la diffuser sur Internet pour que d'autres puissent la regarder.
    Comme nous l'avons dit, monsieur Angus, je ne crois pas que le fait d'intenter des poursuites contre des jeunes qui posent de tels actes fasse partie de la culture canadienne.
    À mon avis, le travail qu'effectue le comité, le travail qu'effectue le gouvernement et toute cette discussion que nous sommes en train d'avoir suscitent un débat public sur cette question précise, et se traduisent, du moins je l'espère, par le fait que l'ensemble des consommateurs, particulièrement les jeunes consommateurs, acquièrent une plus grande compréhension des actes qu'ils posent, et des conséquences de ces actes.
    Vous dites que ces activités se poursuivront. Il ne fait aucun doute que les gens continueront de tenter de mener ces activités, et ce, jusqu'à ce que nous réussissions à provoquer un changement d'attitude.
    J'estime que, dans le cadre de ses travaux, le comité doit user à la fois de la carotte et du bâton, si je peux m'exprimer ainsi. Il s'agit de tenter d'élaborer un projet de loi qui est équitable à l'égard des consommateurs, qui entretient leur intérêt, et qui, à certains égards, ne les dissuade pas de consommer du contenu canadien. De même, nous devons prendre conscience du fait que, si nous anéantissons ces modèles de fonctionnement, nous n'aurons plus de contenu à leur offrir.
(1245)
    À votre avis, les dispositions du projet de loi visant à combattre la violation à des fins commerciales sont-elles suffisantes? Là encore, pour en revenir à l'utilisation à des fins personnelles, nous avons constaté, aux États-Unis, où les gens sont très portés à intenter des poursuites, que le fait de tenter d'obtenir des dommages-intérêts préétablis avait créé un climat très malsain. Nous avons vu toutes sortes de personnes être entraînées dans des poursuites judiciaires.
    La majeure partie des quelque 100 000 plus récents cas de poursuites concernent des personnes qui ont reçu un avis leur demandant de payer 5 000 $, à défaut de quoi une poursuite de un million de dollars serait intentée contre elles. Les gens n'ont pas le pouvoir de tenir tête à Sony, et de contester un tel avis.
    Les gens craignent qu'une telle situation survienne au pays. Je suis d'accord avec vous pour affirmer que cette propension aux poursuites judiciaires ne fait pas partie des moeurs canadiennes. Cependant, quelles mesures devons-nous prendre pour nous assurer que nous disposons de suffisamment de munitions pour mettre fin à la violation de nature commerciale, sans toutefois dépasser les bornes? Là encore, les jeunes qui aiment la série Degrassi et veulent la diffuser n'ont pas l'impression de commettre un acte répréhensible.
    Nous allons devoir conclure dans quelques secondes.
    Mme Lavallée a indiqué que nous avions formulé sept demandes. Je me rends compte que, dans les faits, il y en a huit.
    C'est pourquoi je vous ai entraîné dans cette voie.
    Merci.
    À notre avis, si nous voulons cibler les personnes qui commettent des violations de nature commerciale, l'une des choses qu'il est très important de faire, c'est de veiller à ce que les dispositions du projet de loi touchant les dommages-intérêts préétablis s'appliquent également à ceux qui facilitent les violations.
    Nous voulons faire en sorte que ces dispositions relatives à la responsabilité secondaire soient également assorties de dispositions prévoyant des dommages-intérêts préétablis.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Braid, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins de s'être présentés ici cet après-midi.
    Je suis assurément un grand admirateur des oeuvres produites par votre industrie et les membres de votre organisation. Je vous félicite de votre succès.
    Dans combien de pays les droits de la série Degrassi ont-ils été vendus?
    Dans 127 pays, si je ne m'abuse.
    À coup sûr, l'un des principaux objectifs du projet de loi C-32, c'est de mettre le régime canadien du droit d'auteur en harmonie avec les régimes en vigueur dans le reste du monde, avec les régimes de nos partenaires à l'échelle internationale.
    Pourquoi cela est-il important pour votre industrie lorsque vous vendez des produits canadiens dans le reste du monde?
    Les recettes générées par ces ventes représentent une part essentielle du financement de ces productions. En d'autres termes, ces émissions de télévision sont souvent vendues dans le reste du monde avant d'être produites, et les recettes générées par ces ventes rendent possible la production de ces émissions.
    Sans ces recettes, il n'y aura plus de productions canadiennes, ou alors une production canadienne de moindre qualité. L'absence de ces recettes créerait des lacunes sur le plan du financement.
    Êtes-vous d'accord avec l'idée selon laquelle l'objectif du projet de loi C-32 est de mettre le régime canadien du droit d'auteur en harmonie avec les régimes étrangers, et pouvez-vous nous dire si cela est important pour votre industrie?
    Oui. C'est très important.
    Pourriez-vous faire ressortir, de façon générale, les aspects du projet de loi qui vous semblent essentiels, et qui devront être conservés à mesure que le comité progresse dans ses travaux?
    Si vous le permettez, je laisserai Reynolds répondre à cette question de façon plus précise, mais selon moi, les cinq priorités que nous avons énoncées durant notre exposé répondent à cette question. Il s'agit véritablement des aspects qui doivent être absolument pris en considération pour que le projet de loi donne de bons résultats.
    J'estime que le projet de loi répond en grande partie à ces préoccupations. À certains égards, il doit être renforcé. Grâce à une étude minutieuse, nous parviendrons à déterminer ce que le projet de loi doit contenir pour que nos entreprises puissent continuer de fonctionner.
    Je suis tout à fait d'accord avec cela, John. À mon avis, les cinq priorités exposées dans notre document sont celles qui nous préoccupent le plus, et qui devront trouver leur expression dans le projet de loi, peu importe la forme finale qu'il prendra.
    Vous avez fait allusion aux MTP. L'utilisation des MTP est-elle répandue dans l'ensemble de l'industrie?
    Oui. Toutefois, ce qui est très intéressant, et je crois qu'il est important de le souligner, c'est que les MTP sont un élément absolument indispensable et essentiel de certains modèles de fonctionnement et modèles de distribution de contenu de nos membres. Dans certaines circonstances, nos membres n'ont pas recours aux MTP, surtout lorsqu'ils tentent de faire la promotion d'une émission de télévision et veulent utiliser, à cette fin, les différents moyens de distribution de contenu disponibles.
    Ce qui est crucial pour nos membres, c'est qu'ils aient le choix de recourir ou non aux MTP. Le projet de loi C-32 offre cette possibilité à nos membres.
    Lorsque vous parliez des MTP, vous avez dit que les consommateurs avaient, jusqu'à un certain point, la capacité ou la possibilité de contourner, en quelque sorte, ces verrous numériques. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long là-dessus, et nous expliquer, au moyen d'un exemple, comment et quand cela se produit?
(1250)
    Bien sûr. Je crois que cela est relativement simple. En ce qui concerne tout producteur indépendant ou créateur de contenu, le principe de base, c'est le désir de rendre le contenu accessible au plus grand nombre de consommateurs possible. Si nous examinons la façon dont les MTP sont conçues, et les situations où elles sont utilisées ou non, la première question qui nous vient à l'esprit est la suivante: comment faire pour nous assurer que le plus grand nombre de consommateurs possible aura accès à notre contenu?
    De toute évidence, lorsque nous nous trompons quant aux moyens à employer pour faire cela... Vu la quantité phénoménale de contenu offert actuellement aux consommateurs du Canada et du monde entier, si nos membres n'utilisent pas le bon mécanisme ou la bonne MTP dans telle ou telle circonstance, les consommateurs n'achèteront tout simplement pas le contenu. C'est aussi simple que cela. Nous devons faire face à la concurrence dans un marché mondial où un nombre démesuré de choix sont offerts aux consommateurs.
    À mon avis, le point sur lequel nous devons vraiment insister, c'est qu'il s'agit d'offrir au producteur de contenu la capacité de faire un choix, et non pas de lui retirer cette possibilité.
    D'accord.
    Il y a un moment où le producteur veut diffuser le contenu à grande échelle pour susciter de l'intérêt, puis vient un moment où, lorsque l'intérêt a été suscité, il souhaite monnayer ce contenu.
    D'accord. Le projet de loi offre aux producteurs une marge de manoeuvre leur permettant de décider s'ils utiliseront les MTP et la façon dont ils le feront.
    Oui.
    D'accord, très bien.
    Le piratage représente-t-il un problème pour l'industrie?
    Oui.
    Tout à fait, oui. Bien qu'il soit difficile de quantifier le coût du piratage, il est indubitable que celui-ci constitue un problème.
    D'accord. Ma prochaine question porte justement là-dessus. Avez-vous tenté de quantifier le coût du piratage?
    Comme je l'ai dit plus tôt, cela est très difficile à faire. Les données dont nous disposons proviennent en grande partie d'observations empiriques. Dans de grands marchés aux puces, des copies de films populaires comme Bon Cop, Bad Cop sont vendues, et il s'agit clairement de copies pirates.
    Comment quantifier le coût du piratage? Là encore, il est difficile pour l'industrie canadienne de financer le type d'étude qu'il serait nécessaire de mener pour véritablement mettre un chiffre sur le piratage. Je trouve regrettable que nous n'ayons pas été en mesure de faire cela. Il est vraiment très difficile de le faire de manière satisfaisante
    À ce sujet, j'ajouterais que c'est précisément pour cette raison qu'il est si important que la section du projet de loi concernant les dommages-intérêts préétablis soit élaborée de la manière la plus appropriée possible: il est effectivement très difficile, dans une situation donnée, de quantifier le préjudice subi par un producteur ou un créateur de contenu qui a été victime d'une violation.
    À vos yeux, quels sont les aspects du projet de loi qui sont importants en vue de régler le grave problème du piratage?
    Les dispositions relatives à la responsabilité secondaire sont d'une importance cruciale, car elles contribuent en grande partie à mettre fin aux activités de certaines personnes dont nous savons qu'elles fournissent actuellement au pays des services qui ne devraient pas être fournis. Grâce au projet de loi, nous disposerons du mécanisme nécessaire pour mettre fin à ces activités. À notre avis, il s'agit de l'un des aspects les plus importants du projet de loi.
    Merci.
    Nous avons beaucoup discuté aujourd'hui de la question de l'ajout de l'éducation aux dispositions relatives à l'utilisation équitable. Êtes-vous favorable à cela?
    Bien franchement, nous préférerions que la portée des dispositions relatives à l'utilisation équitable ne soit pas élargie de cette façon. Toutefois, nous sommes également conscients du fait que cette question devra faire l'objet d'un compromis, comme ce sera le cas pour d'autres aspects du projet de loi. Si le compromis consiste à conserver l'éducation à titre de nouvelle exception, ce que nous demanderons, c'est que le terme « éducation » soit clairement défini, car comme on l'a dit de nombreuses fois, la signification de ce terme varie selon les personnes. Nous ne voulons pas nous retrouver perpétuellement devant les tribunaux pour régler cette question.
    Là encore, il s'agit d'éviter les conséquences imprévues. Si n'importe quoi peut être qualifié d'activité « éducative », il est vain de créer une exception.
    Très bien. Merci beaucoup. Merci aux témoins.
    La séance est levée.
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