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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 030 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 18 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à cette 30e séance du Comité permanent du patrimoine canadien, en ce jeudi 18 novembre 2010.

[Français]

    Nous sommes ici conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, pour une étude sur les impacts des changements touchant la propriété de la télévision privée et l'exploitation croissante des nouvelles plateformes de visionnement.

[Traduction]

    Nous recevons aujourd'hui des représentants du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Il y a M. von Finckenstein, le président; Mme Cugini, vice-présidente intérimaire de la radiodiffusion; et M. Hutton, directeur exécutif de la radiodiffusion.
    Soyez les bienvenus. Nous allons commencer par entendre une déclaration liminaire.
    Pendant le peu de temps qui m'est alloué, j'aimerais vous parler de trois points examinés par ce comité.
    Je commencerai par les implications de l'intégration verticale en radiodiffusion; je poursuivrai avec le maintien de la diversité des voix; et enfin, ma collègue, Rita Cugini, vous expliquera le rôle des petits radiodiffuseurs indépendants.
    Dans le cadre de toutes nos activités de réglementation de la radiodiffusion, nous respectons un principe très clair: une ingérence minimale sur le marché. Nous établissons des règles ou des directives seulement si elles sont requises pour défendre les intérêts du système canadien de radiodiffusion ou pour atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.
    Ceci étant dit, je vais vous parler de l'intégration verticale. L'industrie de la radiodiffusion change très rapidement avec les fusions de propriétés et l'adoption de nouvelles plateformes médiatiques. Des transactions majeures entraînent une intégration verticale, c'est-à-dire qu'on se retrouve avec une seule entité détenant soit les propriétés de programmation et de distribution, soit les propriétés de production et de programmation, soit les trois — production, programmation et distribution.
    Est-ce que cela présente un risque de comportement anticoncurrentiel? Le Conseil a déjà des règles pour dissuader certains types de conduite anticoncurrentielle bien précis. Par exemple, les radiodiffuseurs doivent acheter 75 p. 100 de leur programmation pour les heures de grande écoute à des producteurs non affiliés.
    Il y a également la possibilité que la branche de distribution d'une compagnie intégrée accorde une préférence indue aux services offerts par sa branche de programmation, au détriment de fournisseurs extérieurs. Nous avons établi des procédures pour empêcher une telle préférence indue, pour la radiodiffusion traditionnelle comme pour les nouveaux médias. Dans l'éventualité où l'existence d'une préférence est démontrée, le distributeur a l'obligation de prouver que cette préférence n'était pas indue.
    Cependant, on craint que des compagnies intégrées adoptent d'autres types de conduite anticoncurrentielle. En raison de l'augmentation des fusions de propriété et de l'adoption rapide de nouvelles plateformes, nous avons annoncé la tenue d'une instance publique afin de déterminer si nos protections sont suffisantes. Les audiences commenceront le 9 mai 2011.
    Ces audiences nous permettront d'examiner les différentes situations dans lesquelles des dispositions sur la préférence indue et l'inversion du fardeau de la preuve pourraient être requises. Nous allons aussi chercher à élaborer des normes permettant à tous les intervenants de négocier la distribution et les droits de programmation. Cela aura pour effet d'intensifier la concurrence et d'améliorer les choix offerts aux consommateurs.
    Nous ne voulons pas nous ingérer dans l'environnement commercial, sauf si c'est vraiment nécessaire pour atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Les participants à cette instance devront démontrer que les mesures réglementaires proposées sont requises pour servir les intérêts du système de radiodiffusion canadien.

[Français]

    Passons à la diversité des voix. Permettez-moi d'aborder le deuxième point: comment maintenir la diversité des voix dans un environnement médiatique changeant?
     En janvier 2008, après une vague de consolidation parmi les radiodiffuseurs, nous avons annoncé une politique visant à assurer une diversité des voix au sein de l'élément privé du système de radiodiffusion. Cette politique prévoit des limites quant à l'appartenance des médias.
     Sur un gros marché, une entité peut contrôler un maximum de deux stations de radio AM et de deux stations de radio FM, dans la même langue. Sur un marché plus petit, une entité peut contrôler jusqu'à trois stations de radio dans la même langue, avec un maximum de deux stations sur l'une des bandes de fréquence.
     Pour les stations de télévision conventionnelles, la limite est d'une station par langue sur un marché donné.
     Nous n'allons pas permettre à une entité de contrôler les trois principales sources de nouvelles locales sur un même marché: une station de radio, une station de télévision et un quotidien. Au plus, une entité pourrait contrôler deux de ces trois sources.
     D'une manière générale, nous n'allons pas permettre à une entité unique de contrôler toute la télédiffusion sur un marché donné.
     Finalement, la politique prévoit une limite pour la part de l'auditoire national pouvant être contrôlée par un seul radiodiffuseur à la suite d'une transaction. Toute transaction faisant en sorte qu'une entité contrôle plus de 45 p. 100 de l'auditoire national sera interdite. Les transactions faisant en sorte qu'une entité contrôle de 35 p. 100 à 45 p. 100 de l'auditoire national seront soigneusement examinées. Elles seront autorisées uniquement si le CRTC est convaincu qu'elles ne réduisent pas la diversité des voix. Les transactions faisant en sorte qu'une entité contrôle moins de 35 p. 100 de l'auditoire national seront approuvées rapidement si elles ne soulèvent aucune préoccupation.
     Les fusions de propriété sont une réalité, pour des raisons à la fois économiques et technologiques. Nos entreprises médiatiques doivent être concurrentielles dans l'environnement numérique, où le contenu peut provenir de n'importe où.
     Cependant, malgré les fusions, les Canadiens ont toujours accès à une grande variété d'émissions provenant de sources publiques, privées et communautaires. La politique de 2008, élaborée en fonction de politiques précédentes visant à maintenir la diversité, est efficace. Quand nous l'avons appliquée à la transaction Shaw-Canwest approuvée le mois dernier, par exemple, nous avons constaté que la compagnie fusionnée aurait une part de l'auditoire national de moins de 35 p. 100.
     Mais nous ne pouvons pas nous croiser les bras. Les règles sur la propriété commune des stations de radio sont définies pour les bandes FM et AM. Cependant, comme vous le savez, la radio AM perd sa part de marché, et il y a longtemps que nous n'avons pas reçu de demande de licence pour la bande AM. Cela soulève la question suivante: est-ce que nous devons continuer à réglementer le marché de la radio AM? Serait-il justifié de faire une exemption?
(1535)

[Traduction]

    J'aimerais maintenant parler des petits radiodiffuseurs indépendants. Nous connaissons très bien les défis auxquels ils sont confrontés, et nous avons pris certaines mesures pour les aider.
    Nous venons de terminer une audience sur notre politique de distribution par satellite de radiodiffusion directe. Entre autres choses, nous avons essayé de déterminer quel serait le nombre approprié de stations locales devant être offertes aux abonnés. Nous avons entendu différents points de vue sur cette question et nous les prenons tous en considération.
    En 2008, nous avons créé le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale, qui soutient la programmation locale, notamment les émissions de nouvelles, sur les petits marchés. Au cours de l'année de radiodiffusion 2009-2010, le fonds a alloué environ 100 millions de dollars à 78 stations locales, partout au pays.
    Les règles sur la préférence indue dont a parlé le président tout à l'heure permettent aux radiodiffuseurs indépendants de se défendre contre un traitement discriminatoire sur le marché de la distribution.
    Tous les radiodiffuseurs peuvent avoir des sources de revenus additionnelles. Plus tôt cette année, nous avons proposé un régime de négociation pour déterminer la valeur du signal d'un radiodiffuseur local quand il est offert par un distributeur. Comme vous le savez, les chaînes spécialisées reçoivent un certain montant des entreprises de câble et de satellite qui distribuent leur programmation, contrairement aux radiodiffuseurs en direct. Nous avons fait une requête à la Cour d'appel fédérale afin de savoir si nous avons le droit d'instaurer un tel régime. La cour a tenu une audience en septembre, et nous attendons sa décision d'ici la fin de l'année. Si le régime proposé est mis en place, il profitera à tous les radiodiffuseurs, y compris les petits.
    Avant de conclure, j'aimerais soulever un point d'ordre pratique que le CRTC a déjà soumis au comité. Pour évoluer dans cet environnement numérique très changeant, nous devons pouvoir traiter les cas de non-conformité de façon opportune, efficiente et efficace. Pour le moment, toute infraction grave aux règles peut être punie au moyen d'une procédure très complexe et coûteuse, et souvent inefficace, qui consiste à réduire la durée de la licence. Malheureusement, les outils que nous avons pour assurer la conformité sont, à tout le moins, sous-optimaux.
    Nous avons dû récemment rendre une décision sur deux titulaires de licence n'ayant pas respecté le Règlement sur la distribution de radiodiffusion et d'autres obligations réglementaires. Les infractions étaient graves. Elles touchaient entre autres les obligations relatives à l'accessibilité et au financement. Cependant, la seule pénalité importante que nous pouvions infliger était de réduire la durée de la licence au moment du renouvellement.
    Nous avons constaté que ce genre de mesure disciplinaire n'entraîne pas nécessairement une meilleure conduite. Elle s'applique quand l'infraction peut avoir été commise des années auparavant. Si on a affaire à un titulaire qui ne respecte pas les critères d'accessibilité, un abonné handicapé peut ne pas avoir accès au sous-titrage codé ou à une programmation spécialisée avant des années. Et ce type de comportement donne lieu à des procédures coûteuses, longues et complexes.
    Nous devrions avoir le pouvoir d'imposer des sanctions administratives et pécuniaires, les SAP. Cela nous permettrait de punir de façon appropriée les crimes commis. Ce serait une mesure corrective et dissuasive pour tous les intervenants. Nous pourrions obtenir ce pouvoir au moyen d'une modification de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Nous espérons que ce comité pourra presser le Parlement d'agir dans ce dossier.
(1540)
    En guise de conclusion, monsieur le président, je dirais que le défi auquel nous sommes confrontés en tant qu'organisme de réglementation est fascinant. Nous voulons intervenir le moins possible sur le marché. En même temps, nous avons le mandat très important de promouvoir les objectifs culturels et sociaux fixés dans la Loi sur la radiodiffusion.
    Dans un monde qui aurait difficilement pu être imaginé la dernière fois que la loi a été modifiée, il y a près de 20 ans, le nouveau monde numérique, dont la radiodiffusion n'est qu'une composante, est un monde régi par les consommateurs. Dans un tel monde, les vieux modèles descendants deviennent de plus en plus obsolètes. Cela inclut les vieux modèles de réglementation. Réglementer en contrôlant l'accès aux ondes est un concept d'une époque révolue. Il nous reste à définir le concept de demain.
    Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion d'exprimer nos points de vue. C'est maintenant avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
    Je vous remercie, monsieur von Finckenstein.
    Monsieur Rodriguez.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs, bonjour et bienvenue.
    Les représentants des petits radiodiffuseurs indépendants qu'on va entendre après vous nous disent qu'ils vivent une situation très difficile, en particulier à cause de l'intégration verticale et aussi, entre autres, à cause des politiques du CRTC. Ils se trouvent donc dans un environnement législatif réglementaire difficile pour eux.
    À vos yeux, ont-ils tort de dire cela?
    Évidemment, il est difficile d'être une petite entité indépendante quand des géants opèrent dans un marché. Comme on l'a souligné, on a des règles pour protéger ces petites entités et pour s'assurer que ces géants ne profiteront pas des politiques et des programmes au détriment des petites compagnies. Évidemment, pour survivre, elles doivent être originales et se distinguer. Elles doivent convaincre un distributeur d'adopter leur programmation et de la diffuser sur ses ondes. C'était le problème et il est probablement plus grand maintenant, avec la grande concentration que nous connaissons.
    Si elles ont de la difficulté à survivre, c'est parce qu'elles ne sont pas assez originales et créatives, et non pas à cause des règles actuelles et de l'intégration. Elles vous envoient la balle et vous renvoyez le fardeau à ces gens en leur disant que s'ils sont créatifs et innovateurs, l'environnement actuel leur sera favorable et ils survivront. Est-ce bien ce que vous dites?
    Non, je dis que ça a toujours été le cas. Pour qu'un petit programmateur soit concurrentiel, il doit se distinguer par son efficacité et son originalité. Maintenant, il y a de grandes compagnies complètement intégrées. Naturellement, un petit programmateur veut diffuser son produit le plus possible. La concurrence est devenue plus marquée, mais c'est normal, c'est l'évolution de la concurrence.
(1545)
    Il n'y a donc pas lieu d'apporter des changements à la réglementation.
    D'après ce que je vois, non. Toutefois, on n'est pas certain. On veut voir quelles sont les implications de cette consolidation. Pour cette raison, nous avons décidé qu'en mai, on aura une audience sur ce thème, pour nous assurer que nous avons tous les outils pour combattre les activités anticoncurrentielles, s'il y a lieu.
    Il y a lieu de s'inquiéter. Je peux comprendre les transactions de Canwest, de Bell, de CTV. C'est peut-être une bonne affaire, mais il y a quand même lieu de s'inquiéter, parce qu'il y a de moins en moins de diversité et de plus en plus d'intégration. On a de plus en plus de géants. On ne voit pas où ça va finir. À la limite, ça finira quand il ne restera à peu près plus personne. Beaucoup de gens voient cela comme une menace.
    Vous sentez-vous rassuré? Vous posez beaucoup de questions auxquelles les réponses viendront avec le temps. Ne pensez-vous pas qu'il y a lieu de s'inquiéter de cette intégration verticale? Je ne suis pas certain qu'elle laisse tant de choix au consommateur.
    L'intégration que nous voyons correspond au développement logique de cette industrie, selon ses participants. Il est évident que les plateformes démontrent que les programmations bougent. Pour avoir plus de pouvoir et pour ne pas être laissées de côté, les compagnies essayent d'être propriétaires de tous les genres de plateformes et de programmation.
    Les entreprises ont un défi parce qu'il est question d'une industrie créative. Comment maintenir la créativité des programmations? Comment créer des programmes qui attirent le public? Toute grande compagnie veut commanditer des choses, en règle générale, pour toutes les activités, etc. Cela va à l'encontre de la créativité. Elles ont un grand défi et on verra comment elles vont le résoudre.
    Nous voulons nous assurer qu'elles n'abusent pas du pouvoir.
    Et si ça arrive...
    Elles ont eu la possibilité d'abuser du pouvoir. C'est pour cette raison que l'on n'était pas sûr.
    Merci, messieurs Rodriguez et von Finckenstein.
    Madame Lavallée, vous avez la parole.
    Bonjour. Ça me fait un très grand plaisir de vous recevoir ici, au Comité permanent du patrimoine canadien.
    Il y a eu plusieurs ententes récemment, plusieurs changements de propriété. On en a une petite énumération dans nos documents. Bell a acquis CTV en septembre 2010. Shaw a acquis Canwest et le contrôle de Global. Tout ça en 2010. On parle de Quebecor qui a acquis Vidéotron en 2001. J'ai l'impression que la situation de l'intégration verticale ou de la convergence est vécue de façon différente au Canada et au Québec. Est-ce que je me trompe?
    Non, je crois que le Québec est plus avancé. Vous y trouvez une grande compagnie qui est pratiquement intégrée, Quebecor, et qui est là depuis déjà quelques années. Dans le monde anglophone, la convergence et l'intégration verticale ont commencé l'année dernière. C'est un nouveau phénomène, alors qu'au Québec, c'est présent depuis quelques années.
    Dans ce cas, l'exemple du Québec constitue-t-il un bon modèle? Compte tenu des défis ou des enjeux auxquels les radiodiffuseurs canadiens sont confrontés, ceux-ci ne peuvent-ils pas prendre exemple sur ce qui est fait au Québec? Ce n'est pas un modèle sans défaut, au contraire. Je sais qu'il y a beaucoup de problèmes, mais il y a quand même un certain équilibre. Je pense aux consommateurs. Tout n'est pas parfait, j'en suis très consciente.
(1550)
    On va voir, peut-être que oui, peut-être que non. Comme je l'ai dit, nous sommes prudents. Nous tiendrons cette audience en juin. Tout le monde y fera une présentation pour réellement examiner la question.
    C'est le type de concentration que nous voyons maintenant. Par exemple, à Québec, Quebecor va investir le marché de la téléphonie sans fil, le marché le plus vigoureux. Qu'est-ce que ça signifie? Est-ce que ça peut donner un résultat négatif du point de vue de la Loi sur la radiodiffusion ou non? On ne le sait pas, mais on est prudent, pour cette raison. Jusqu'à maintenant, on n'a pas vu d'effets négatifs, mais ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas là où qu'ils ne viendront pas. Pour cette raison, nous allons examiner cela avant qu'il n'y ait un gros problème.
    On vous a donc invité trop tôt.
    Des voix: Ha, ha!
    Oui, c'est cela.
    Pour obtenir des réponses à nos questions, il nous faudra attendre que vous ayez terminé votre étude. Il faudra la suivre en même temps que vous.
    J'aimerais saisir l'occasion pour vous remercier d'être venus à notre audience sur les radiodiffuseurs et les satellites. Votre contribution a été très appréciée.
    Nous, du Bloc québécois, sommes toujours très heureux d'aller défendre les intérêts des Québécois et des gens en région qui ont des problèmes avec la réception de leur poste de télévision. On en rediscutera dans une autre arène.
    On vous a donc invité trop tôt. Vous n'avez pas les réponses aux questions qu'on peut vous poser. Je ne peux même pas vous demander si, d'après vous, par l'exemple du Québec, l'intégration verticale a été bénéfique aux radiodiffuseurs et aux consommateurs. C'était une bonne question, pourtant.
    On a vu plusieurs développements au Québec. Le marché est un peu différent du marché anglophone, bien que...
    Vous pouvez dire « beaucoup », ça va me faire plaisir.
    Ça peut être beaucoup, ou quelque peu. Le marché anglophone suit ce qui se passe au Québec. La grande entreprise intégrée est Quebecor. On peut dire que les autres distributeurs suivent un peu le pas et font aussi des affaires au Québec. Il y a des bienfaits. Par exemple, l'entreprise elle-même va très bien. Il y a un star-système qui fonctionne très bien sous sa gouverne. Il y a des nouveaux services où...
    Le star-système fonctionne bien au Québec, pas seulement celui de Quebecor. J'aime beaucoup Quebecor, mais quand même...
    Oui, mais cette entreprise en a créé un aussi, je crois, par l'intégration verticale. C'est une entreprise qui réussit très bien et qui fait pousser ses propres vedettes, pour son profit. Est-ce que ça a des répercussions sur les autres, c'est-à-dire les gens qui ne font pas partie de cette grande équipe? C'est la question qu'il faut se poser. C'est possiblement le côté négatif.
    Merci, monsieur Hutton et madame Lavallée.
    Monsieur Angus, c'est à vous.

[Traduction]

    Merci d'être ici aujourd'hui. C'est toujours un plaisir, pour notre comité, que de recevoir des représentants du CRTC.
    En vous écoutant livrer votre allocution, je dois admettre que j'ai commencé à devenir très nostalgique du XXe siècle. J'ai de très bons souvenirs de cette époque. Il y avait beaucoup de grands spectacles et de la bonne musique; en plus, mes cheveux étaient un peu plus foncés que maintenant.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Charlie Angus: Et au XXe siècle, ce qui nous préoccupait, c'était d'avoir deux stations de télévision et un marché contrôlé; si bien qu'il nous en fallait une troisième. À l'époque, nous ne voulions pas non plus que les trois stations de radio soient contrôlées. Nous étions préoccupés par l'avenir des stations de radio AM.
    Et nous voilà maintenant en 2010, au coeur d'un incroyable bouleversement. Mes enfants ne se soucient pas de savoir combien il y a de stations sur le marché de Toronto, parce qu'ils ont leur téléphone. Je crois que ce dont nous devons parler aujourd'hui, c'est que sous votre gouverne, nous avons été témoins d'un niveau d'intégration verticale et de consolidation tel que les compagnies de téléphone sont maintenant des radiodiffuseurs. Qu'allez-vous faire?
    Je ne me soucie pas tellement de la situation des stations de radio AM, mais plutôt de maintenir la diversité des voix, alors que deux ou trois gros joueurs contrôlent l'ensemble du marché.
    Vous partez du principe qu'il y a un problème et que nous devrions nous en inquiéter. Pour reprendre vos propos, il y a eu un incroyable bouleversement, et nous sommes maintenant en présence d'une multitude de sources d'information, ce que nous n'avions pas... Effectivement, il y a une grande concentration de la propriété, mais est-ce que cela traduit en soi une homogénéité des voix? C'est la grande question.
    Comme vous le savez bien, vos enfants préfèrent de loin leur iPhone, qu'ils ont eu chez Rogers, Bell ou dans une autre des trois grosses compagnies, mais le contenu qu'ils reçoivent, l'accès à ce iPhone, vient de partout dans le monde, de partout au Canada, etc.
    Alors oui, les moyens d'accès appartiennent à trois ou quatre compagnies, et même si beaucoup d'entre vous s'en soucient, cela ne veut pas dire nécessairement qu'elles offrent le contenu, qu'il y a des problèmes et donc un manque de diversité des voix.
(1555)
    Il s'agit d'une question fondamentale. Vous affirmez que je tiens pour acquis qu'il y a un problème. Vous nous dites que votre mission première est de partir du principe qu'il n'y en a pas...
    M. Konrad W. von Finckenstein: Je n'ai pas dit...
    M. Charlie Angus:... et que la « mission première » du CRTC, comme on le disait dans les vieux épisodes de Star Trek, parce que je fais à nouveau référence au XXe siècle, c'est d'intervenir le moins possible sur le marché. C'est votre leitmotiv, mais vous ajoutez du même souffle que, bien sûr, vous voulez garantir la diversité des voix. Je croyais que le rôle principal du CRTC — la raison pour laquelle il existe — est de veiller à la protection de l'intérêt public. Ce n'est pas à l'industrie de le faire. Ce n'est pas le travail de l'industrie de s'occuper de la diversité des voix.
    Dans la situation actuelle, Bell peut offrir à ses clients qui possèdent un téléphone intelligent de voir les faits saillants de la Coupe Grey s'ils sont prêts à payer 3,99 $ ou 5,99 $ par mois. C'est tout à fait logique dans le cadre d'un modèle de gestion. Une petite entreprise de démarrage qui fait concurrence à Bell aimerait bien aussi avoir accès au contenu. Comme vous l'avez dit, le contenu vient de partout dans le monde, mais ce qui nous intéresse, c'est le contenu canadien, celui est qui est créé maintenant par ce groupe exclusif.
    Quelles sont les mesures en place? Vous êtes-vous demandé comment il se fait que ceux qui me vendent mon forfait téléphonique chaque mois sont les mêmes que ceux qui contrôlent le contenu? Et il se pourrait qu'ils ne veuillent pas que ce contenu vienne de leurs concurrents, parce qu'ils veulent éviter que nous allions voir si l'herbe est plus verte ailleurs. Voilà le problème que nous devons examiner.
    Commençons par... Vous êtes en train de faire énormément d'hypothèses, que je désapprouve pour la plupart...
    Je pose énormément de questions.
    D'accord, c'est bien. Appelez cela comme vous voulez, questions ou hypothèses... Vous avez dit, par exemple, qu'il faut protéger l'intérêt public. C'est absolument exact, mais l'intérêt public n'est pas uniquement dans la diversité des voix. Nous voulons aussi avoir une industrie prospère qui crée des emplois et soit productive et innovante.
    Mais ce n'est pas dans votre mandat. C'est ce que vous avez décidé. Je ne pense pas que votre travail consiste à protéger l'industrie, ce n'est pas le rôle du CRTC.
    Oh, absolument, c'est dans mon mandat. Lisez les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Ils...
    Ils consistent à favoriser la réussite de l'industrie?
    Non. Ils partent du principe que nous devons prendre les mesures voulues pour avoir une industrie des communications et de la radiodiffusion performante. Ce n'est pas en imposant des conditions excessivement strictes ou en dressant des obstacles réglementaires que l'on y parviendra.
    Mais nous en sommes maintenant au point où...
    M. Konrad W. von Finckenstein: Par conséquent, notre travail consiste à...
    M. Charlie Angus:...ce sont deux joueurs qui contrôlent le marché.
    Vous devez me laisser terminer. Vous m'avez posé une question. Laissez-moi finir de répondre.
    D'accord. Monsieur Angus...
    Vous voulez trouver un équilibre entre une industrie novatrice et prospère et la protection du public, tout en veillant à ce que les joueurs de l'industrie n'abusent pas de leur position sur le marché. Mais il est possible de concilier les deux — il n'y a pas qu'une chose qui soit bonne.
    Vous avez parlé d'intégration verticale et de contrat exclusif. Existe-t-il une menace réelle? Est-ce vraiment...? C'est toute une gageure.
    Par exemple, revenons à ce que vous avez dit. Vous avez parlé de hockey, je crois, pour dire qu'on ne peut regarder le hockey que si on possède un téléphone de Bell. Cela signifie: a) que Bell n'a pas à payer les droits de diffusion du hockey; et b) qu'il ne revend ses droits à personne, qu'il les garde pour lui dans le but d'avoir un revenu garanti et dans l'espoir que les gens laisseront leur fournisseur concurrent pour aller vers lui afin de pouvoir regarder le hockey. C'est tout un coup de dés. Si Bell se trompe, il risque gros; ce n'est pas une stratégie que beaucoup de monde adoptera.
    Par ailleurs, si nous avons demandé la tenue d'une audience, c'est entre autres pour savoir si ces problèmes sont bien réels. Sont-ils susceptibles de se produire? Disposons-nous des outils adéquats pour y faire face ou devons-nous adopter des règles différentes? C'est précisément la raison pour laquelle nous avons décidé de tenir une audience.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Angus et monsieur von Finckenstein.
    Monsieur Del Mastro.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Soyez les bienvenus à ce comité, président von Finckenstein, monsieur Hutton et madame Cugini.
    Je trouve vos propos fort encourageants, monsieur le président. Je crois que vous reconnaissez que le Canada n'est pas une île et que nous ne pouvons tout simplement pas prétendre que les changements mondiaux qui se produisent dans le domaine de la radiodiffusion... Vous avez bien compris que cet appareil que j'ai ici peut servir à transmettre du contenu canadien, mais aussi du contenu venant de partout ailleurs dans le monde. La diffusion n'est pas limitée par le signal FM ou AM, ni même par le signal télévisuel, à partir d'une tour. Nous sommes dans un environnement mondial.
    Je considère d'ailleurs l'intégration verticale comme une chance à saisir. Je pense que ce qui se passe est très intéressant. Certes, tout arrive très rapidement. Nous avons été témoins du rachat de Canwest par Shaw. Évidemment, il y a quelque temps, Rogers a acheté Citytv. Bell est en train de faire l'acquisition de CTV. Mais ce n'est pas seulement un phénomène canadien, c'est la même chose partout ailleurs dans le monde.
    J'y vois véritablement une occasion à saisir, parce que si nous disposons de ces grandes plateformes très puissantes, qui permettront au contenu canadien d'aller plus loin que Buffalo, de rayonner bien au-delà de nos frontières, nous pourrons avoir accès au monde entier.
    Pourriez-vous indiquer au comité quelles sont les règles de contenu canadien actuellement en place? Vous avez l'intention d'appuyer résolument ces règles de contenu canadien, en dépit de l'intégration verticale, au nom du CRTC, n'est-ce pas?
(1600)
    Oui, bien sûr, mais elles s'appliquent à la radiodiffusion. Il ne faut pas l'oublier. Ce dont vous parlez — le petit téléphone que vous tenez —, ce n'est pas de la radiodiffusion. Nous avons demandé aux tribunaux de trancher jusqu'à quel point ces règles s'appliquaient à Internet. Ce n,est pas ce que nous souhaitions. Nous voulions simplement savoir si c'était dans nos atributions. Le tribunal a clairement indiqué, entre autres, qu'en vertu de la présente Loi sur la radiodiffusion, ce n'es pas dans nos atributions.
    Maintenant, la plupart du contenu diffusé sur ces téléphones et autres appareils continue d'être produit d'abord pour la radiodiffusion, puis il est recyclé pour Internet. À cet égard, si la radiodiffusion constitue la principale source de production, nous appliquons continuerons dappliquer les règles actuelles du contenu canadien.
    Merci.
    Le nouveau Fonds des médias du Canada, créé il y a un peu plus d'un an, a été bien accueilli. Le gouvernement y investit une somme considérable, tout comme les EDR. Si je ne m'abuse, le fonds pour la création de contenu canadien s'élevait cette année à environ 340 millions de dollars.
    Toutefois, je crains de voir ce fonds disparaître. Deux changements importants sont survenus dernièrement au Canada: l'arrivée de Netflix et d'Apple TV. Le CRTC s'est-il penché sur ces nouveaux protagonistes? Devraient-ils, ainsi que les EDR, contribuer en espèces à la création de contenu canadien?
    Non. Comme je viens de le dire, ils ne font pas de la radiodiffusion.
    Qu'est-ce que Netflix? C'est une façon de louer des films sur Internet plutôt que dans un club vidéo. C'est tout. C'est une sorte de Blockbuster virtuel. Apple TV vous permet d'acheter un produit Apple en ligne et de le regarder sur votre téléviseur. Nous ne régissons pas ce genre d'activité. Personne ne nous a demandé d'analyser la situation et nous ne l'avons pas fait, car c'est hors de notre domaine de compétence.
    D'accord, mais je crois, cependant, qu'avec le temps... Par exemple, j'ai visité les installations d'Ericsson, une entreprise locale. Elle met au point une technologie incroyable qui permet la radiodiffusion sans fil sur Internet. Elle permet même de diffuser des images vidéo. J'ignorais que c'était possible.
    Il est très probable que, dans l'avenir, les gens aient accès à de la programmation sans passer par un fil. Il est clair qu'ils n'auront pas besoin d'être branchés pour, disons, regarder des films. Ce qui me préoccupe, c'est la viabilité éventuelle d'un système dans lequel les EDR contribuent à la création de contenu canadien mais pas les diffuseurs Internet.
    C'est vrai. Vous savez, il ne fait aucun doute que l'on peut remédier à cette situation, mais pour cela, il faut passer par la voie législative, et non par le CRTC.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Del Mastro.
    Madame Dhalla.
    Merci beaucoup. Je suis heureuse d'être ici en remplacement de ma collègue, Mme Bonnie Crombie, et c'est un plaisir de vous revoir, monsieur le président.
    Comme vous le savez, je représente la circonscription de Brampton—Springdale qui compte une des plus grandes communautés multiculturelles et multilingues au pays. Grâce à notre collaboration avec les citoyens et les organisations communautaires de notre circonscription, nous avons constaté que bon nombre de ces communautés, plus particulièrement les communautés ethniques, ne regardent pas nécessairement les chaînes grand public. Les soirs et les fins de semaines, elles regardent la télévision, écoutent la radio, et lisent les journaux dans leur langue pour se renseigner sur l'actualité canadienne et celle de leur pays d'origine.
    Vous avez parlé de la diversité des voix et dit qu'il fallait s'assurer que le CRTC tienne compte du paysage médiatique en évolution. Quel genre de moyens, de stratégies d'information ou d'initiatives le CRTC a-t-il mis sur pied pour rejoindre certaines de ces communautés? Recevez-vous beaucoup de demandes de licence de la part des médias de ces communautés?
(1605)
    Premièrement, la diversité des voix, c'est l'élimination des restrictions. Cette situation représente l'autre extrémité du spectre en matière d'hébergement, et ça ne cadre pas vraiment avec la diversité des voix. Mais nous avons adopté une politique sur le multilinguisme qui favorise la radiodiffusion dans certaines langues, et c'est principalement ce dont vous voulez parler.
    Ma collègue, Mme Cugini, pourrait peut-être vous donner plus de détails.
     Comme vous le savez, dans la région de Toronto, nous avons deux diffuseurs multiculturels et multilingues en direct, soit les chaînes OMNI. Aussi, du côté des chaînes spécialisées, nous avons créé, il y a dix ans, une catégorie B de licence. Il s'agit d'une licence de marché libre qui autorise la diffusion de 35 p. 100 de contenu canadien au maximum. Cela répond particulièrement aux besoins des communautés multiculturelles et multiethniques, puisqu'une grande partie de la programmation peut provenir d'un autre pays. Avec 35 p. 100 de contenu canadien, les chaînes peuvent produire des émissions en anglais ou dans une autre langue qui convient à ces communautés.
    Ces chaînes sont très nombreuses, mais j'ignore leur nombre exact. De plus, certaines d'entre elles sont maintenant disponibles sur le réseau des principales entreprises de câblodistribution.
    Est-ce que le CRTC refuse, pour diverses raisons, des demandes de licence de catégorie B?
    Si une demande est refusée, c'est qu'elle est incomplète ou qu'il existe déjà une chaîne semblable dans la catégorie 1, soit une catégorie plus élevée, ou sur le réseau analogue. Mais si, par exemple, nous recevons de nombreuses demandes de licence de catégorie B pour des chaînes dans une troisième langue et que rien de semblable n'existe, elles seront acceptées.
    J'aimerais aussi souligner que non seulement nous tenons compte de la diversité en accodant des licences pour la programmation diffusée dans une troisième langue, mais nous avons adopté des règles et des politiques qui obligent les chaînes grand public à tenir compte de la réalité multiculturelle de leurs marchés dans leur programmation normale.
    Vous avez des exigences concernant le contenu canadien, peu importe la catégorie de licence. Vous avez souligné aussi que le CRTC exige des chaînes grand public qu'elles reflètent la diversité du pays. Les chaînes qui ne respectent pas ces exigences peuvent-elles faire l'objet de sanctions? Aussi, quel genre de mesures de protection avez-vous adoptées?
    En vertu des conditions de licence, tous les radiodiffuseurs doivent respecter le code de déontologie de l'Association canadienne des radiodiffuseurs qui traite non seulement de la question des stéréotypes, mais aussi de celle du stéréotype sexuel. Comme je l'ai dit, il s'agit d'une condition de licence.
    J'ai parlé plus tôt des sanctions administratives pécuniaires. Actuellement, tout radiodiffuseur qui enfreint le code de déontologie fait l'objet d'une enquête menée par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision. Si le conseil juge qu'il y a eu infraction, le radiodiffuseur doit l'annoncer quatre fois en onde, si ma mémoire est bonne.
    Au moment de renouveler la licence du radiodiffuseur en question, le CRTC peut réduire la période de validité de la licence. S'il s'agit d'une infraction très sérieuse, il peut décider de ne pas renouveler la licence, sauf que ce processus peut prendre jusqu'à sept ans. Si le radiodiffuseur enfreint un article du code au cours de la première année de sa licence, il faudra attendre sept ans avant de pouvoir réagir, car on ne peut rien faire avant le renouvellement de la licence.
(1610)
    Merci, madame Cugini.
    Monsieur Pomerleau.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les trois de vous présenter encore devant nous aujourd'hui.
    Monsieur von Finckenstein, vous avez parlé d'intégration verticale. Dans votre mémoire, on peut lire ceci:
Il y a également la possibilité que la branche de distribution d'une compagnie intégrée accorde une préférence indue aux services offerts par sa branche de programmation, au détriment de fournisseurs extérieurs. [...] Dans l'éventualité que l'existence d'une préférence est démontrée, le distributeur a l'obligation de démontrer que cette préférence n'était pas une préférence indue.
    Je suis un néophyte dans ce domaine, je n'ai même jamais assisté à une séance du CRTC. Comment un distributeur peut-il arriver à démontrer que ce n'était pas indu?
    On pose la question au distributeur parce que c'est lui qui traite avec tous les autres services. Il possède l'information pouvant nous aider. Il peut donc nous indiquer s'il a accordé une préférence à quelqu'un dans ce contexte. Par exemple, si les gens travaillant dans un service se disent que le tarif payé est nettement prohibitif, on peut leur demander et ils vont nous dire quel est le tarif payé à tout le monde et que c'est similaire pour ce genre de service. C'est un exemple simpliste.
    C'est bien.
     Vous prévoyez tenir une audience le 9 mai. J'ai encore une question de néophyte. Pouvez-vous me dire quelle forme prend une audience? Est-ce un peu comme ici, c'est-à-dire que les gens de l'industrie et le public se présentent et déposent des mémoires?
    C'est public. Nous avons tenu une audience à Gatineau, hier, et votre collègue Mme Lavallée y était. Il y avait un thème. Il y a eu un avis qui indiquait quelle était la situation, qu'on allait discuter de l'intégration verticale et de ses possibles effets, et tenter de déterminer si les outils que possède le CRTC pour résoudre les problèmes sont suffisants. On invite tout le monde. Les gens envoient des documents écrits et ils indiquent s'ils veulent venir faire des présentations orales. On les écoute, on les interroge, etc. À la fin, sur la base de l'information obtenue, on décide s'il y a un problème ou non. Il est possible que des outils doivent être précisés ou changés. Si c'est quelque chose complètement indépendant de notre volonté, on demande au gouvernement de nous donner des pouvoirs législatifs pour qu'on puisse régler des problèmes.
    Vous voulez en venir à avoir une politique beaucoup plus précise, qui s'applique réellement aux problèmes éprouvés.
    Nous avons fait la même chose il y a quatre ans, au moment où CTV a acheté Shaw et, après cela, quand Canwest a acheté Alliance Atlantis. Nous avons vu que c'était une agglomération de radiodiffuseurs. Quelles en étaient les implications pour la diversité des voix? Avions-nous des règles? Étaient-elles suffisantes? Devions-nous faire quelque chose? Nous craignions que tout le monde soit contrôlé par deux ou trois personnes. Après la consultation, nous avons divisé les règles que j'ai citées au commencement de ma présentation. Les moyens étaient nouveaux. Par exemple, nous avons considéré l'idée qu'un télédiffuseur clé ne peut pas tout contrôler; une compagnie ne peut pas avoir les quotidiens, la station de radio et la station de télévision en même temps, dans un même marché. On a dit non. Au moins, on a le droit d'avoir deux types de médias d'opinion. Cela s'applique aussi aux petites villes, par exemple.
    Vous parlez de maintenir des voix différentes. Vous basez-vous uniquement sur la question de la propriété pour établir cela ou si la programmation est considérée?
    Non, on veut qu'il y ait des programmations différentes, mais on veut éviter qu'on ait les mêmes voix parce qu'il y a un seul propriétaire. Généralement, on espère que les journalistes seront indépendants et qu'ils exprimeront leurs points de vue et leurs opinions, etc. Or, ils peuvent être invités ou il peut y avoir des restrictions quant à la propriété commune.
(1615)
    Il n'y a pas que la question de la propriété des médias que l'on considère si on veut assurer la pluralité des sources d'information. Vous pouvez aussi vous pencher, à l'occasion, sur la programmation comme telle.
    Je vous pose cette question parce que mon épouse, qui regarde trois ou quatre postes de télévision, dit que c'est toujours la même chose. Pourtant, ce sont tous des propriétaires différents.
    Nous ne devons pas réglementer le contenu. Les programmateurs décident du contenu.
    Merci.
    Merci, monsieur Pomerleau.
    Monsieur Armstrong, c'est à vous.

[Traduction]

    Merci beaucoup pour votre mémoire. Je siège depuis peu à ce comité, donc nous n'avons pas encore eu le plaisir de nous rencontrer. Bienvenue.
    Vos observations m'ont beaucoup intéressé. Puisque je suis nouveau, j'aimerais que vous me précisiez certaines choses.
    Vous avez parlé un peu de votre mandat et de votre compétence. Vous avez dit avoir le contrôle sur la télévision et la radio, mais je ne saisis pas très bien quelle est votre compétence en matière de diffusion de contenu sur Internet.
    Quels pouvoirs le CRTC a-t-il en matière de diffusion de contenu sur le Web?
    Les fournisseurs d'accès Internet, les FAI, relèvent de notre compétence. Donc, nous avons notre mot à dire dans ce qu'ils font. Par exemple, le fournisseur d'accès Internet A est une entreprise de télécommunications. Il doit tout diffuser sans égard au contenu.
    Par exemple, l'an dernier, nous avons adopté une règle sur la neutralité du réseau. Nous sommes conscients que les propriétaires de réseaux veulent se protéger. Ils peuvent adopter certaines mesures restrictives, mais celles-ci doivent être justes. Ils ne peuvent pas faire de la discrimination par rapport à un concurrent ou au contenu sous prétexte qu'ils veulent protéger l'intégrité de leur réseau. Ils doivent respecter nos règles à ce sujet.
    Ils se qualifient eux-mêmes de « simples canalisations ». Ils ne font qu'acheminer du contenu, et nous ne pouvons absolument rien dire sur celui-ci. Les tribunaux ont été très clairs là-dessus. Par conséquent, nous n'avons aucun contrôle sur ce qui est publié sur Internet.
    Nous avons un organisme de réglementation qui contrôle et protège le contenu canadien diffusé principalement dans deux secteurs. Mais il y a maintenant un troisième secteur. Par exemple, mes enfants ne regardent pas la télé et n'écoutent que rarement la radio. Ils regardent l'écran de leur ordinateur.
    Je reçois du contenu par l'entremise de mon ordinateur. Actuellement, avec cette nouvelle réalité, vous êtes essentiellement le gardien du contenu canadien, mais votre clôture a un gros trou, un domaine sur lequel vous n'avez aucun contrôle. C'est bien cela?
    C'est exact. Et nous ne sommes pas les seuls dans cette situation. Tous les pays du monde sont aux prises avec ce problème. Avant, la réglementation se faisait par l'accès. Personne n'obtenait de licence de radiodiffusion ou de distribution. Ainsi, on pouvait contrôler le contenu, les émissions, etc. Il ne fait aucun doute que cette façon de faire est en train de disparaître.
    Le seul mécanisme de contrôle qu'il nous reste, dans une certaine mesure — et M. Del Mastro a parlé du Fonds des nouveaux médias du Canada —, ce sont les subventions. Nous offrirons des subventions. Nous sommes conscients que votre marché est étroit, entre autres. Mais les subventions sont assujetties à certaines règles, dont celles sur le contenu.
    En tant qu'organisme de réglementation, croyez-vous que nous allons dans la bonne direction en appuyant la création du meilleur contenu possible? Est-ce la bonne solution, ou devrait-on resserrer les règles et contrôler tout ce qui vient d'ailleurs? Devrions-nous choisir une de ces solutions ou les adopter toutes les deux?
    Je ne crois pas que ce soit possible. Nous ne sommes pas en Chine, vous savez, et même la Chine n'arrive pas à contrôler ce qui vient d'ailleurs. Nous vivons dans une société libre. Le contenu circulera. Nous ne pouvons pas... Vos enfants seraient furieux s'ils ne pouvaient regarder que certaines choses sur leur iPad. Ce n'est pas souhaitable, pas plus que ce n'est faisable.
    Je vais mettre ça sur le dos de Charlie.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Scott Armstrong: Donc, la seule façon de régler le problème et d'appuyer le contenu canadien, c'est en réalité d'appuyer l'idée du meilleur contenu possible.
    Il ne faut pas oublier que, jusqu'à maintenant, la majorité du contenu provenait soit de l'industrie cinématographique, soit du secteur de la radiodiffusion, et qu'il était ensuite recyclé pour Internet. Dans ce contexte, vous contrôlez l'étape de la production. Mais s'il s'agit d'une production destinée uniquement au Web, la seule façon d'avoir une certaine influence sur le contenu, c'est par le financement ou diverses mesures incitatives.
(1620)
    Pensez-vous que cela sera soulevé lors de votre audience en mai? Selon vous, est-ce que ce sera une des principales priorités qui seront soulevées?
    Je ne sais pas ce que nous allons entendre. J'ai toutefois bel et bien observé une mouvance des plateformes. Personne ne sait quelle sera la plateforme dominante ou, par exemple, si nous nous retrouverons avec un grand nombre de plateformes. À l'heure actuelle, on peut faire beaucoup d'argent avec la radiodiffusion. Il est très difficile de réaliser des profits avec les nouvelles plateformes, de les rentabiliser pour ainsi dire. Très peu y sont parvenus. Google a trouvé un moyen de le faire; eBay également. La plupart des autres ont bien des projets, mais n'arrivent pas à les rentabiliser, et d'ici à ce que cela se produise...
    En outre, il y a la question de savoir qui doit payer les droits lorsque le contenu est diffusé via Internet. Tous nos droits sont fondés sur des emplacements géographiques et l'Internet n'a bien évidemment aucune frontière.
    Des gens vont donc nous saisir de toutes ces questions en tirant leurs propres conclusions. C'est en partie ce qui fait la beauté de nos audiences: nous pouvons entendre des points de vue de toutes sortes. Et nous espérons en arriver à apercevoir une lumière au bout du tunnel pour pouvoir affirmer: « Voilà ce que nous devrions faire. »
    Merci beaucoup.
    Monsieur Rodriguez.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais poursuivre sur la lancée de M. Armstrong, mais j'ai une question précise.
    Vous avez décidé d'exclure les fournisseurs de services Internet de la catégorie de radiodiffuseurs, alors que de plus en plus de contenu est produit pour Internet. Pourquoi avoir fait cela, précisément?
    Que voulez-vous dire?
    Pourquoi les fournisseurs de services Internet ont-ils été exclus de la catégorie des radiodiffuseurs?
    C'est parce qu'ils sont des « transporteurs ». Ils ne créent pas de contenu. Celui-ci est créé par les compagnies qui ont des sites Web. On ne parle pas de Rogers ou de Quebecor.
    C'est l'argument des fournisseurs de services Internet qui prétendent n'être qu'un « tube » et, donc, n'avoir aucune responsabilité.

[Traduction]

    Et vous y croyez?

[Français]

    La cour a accepté cela.
    À ce que je sache, ces gens font beaucoup de publicité soulignant que l'on peut utiliser leur « tube » pour télécharger plus rapidement, regarder des films et écouter plus de chansons, etc.
     Il me semble que le lien est assez direct.
    Si vous changez la Loi sur la radiodiffusion, on pourra peut-être faire quelque chose. Toutefois, compte tenu de la Loi sur la radiodiffusion comme elle existe maintenant, la cour a dit explicitement que l'on ne peut pas le faire.
    Recommandez-vous cela? Devrait-on changer la loi?
    Si on changeait la loi, je ne sais pas ce qu'on ferait pour influencer les fournisseurs de services Internet.
    En France, par exemple, on a voulu qu'ils paient une taxe. La taxe a pour but de financer la radiodiffusion nationale. Il n'y a pas de publicité à la radio nationale, mais il y a une taxe sur chaque bit qui passe sur Internet. Je ne sais pas combien elle coûte, mais tout l'argent amassé de cette façon est utilisé pour financer les radiodiffuseurs nationaux. C'est une façon de contribuer au système, même si on n'essaie pas de contrôler le contenu sur Internet.
    Si on proposait cela ici, je pense que nos fournisseurs de services Internet ne seraient pas très contents. Ils nous diraient encore une fois qu'ils n'ont aucun rôle à jouer. Bien des gens pensent le contraire.
    On a l'impression que vous n'avez pas vraiment de pouvoir. D'ailleurs, vous le dites vous-même. Vous avez un rôle essentiel à jouer. Vous pouvez rugir comme un lion, mais vous mordez comme un chaton.
    J'ai vu que vous avez des propositions concrètes pour que vous ayez plus de pouvoir et plus de capacité de faire appliquer les règlements, afin que les gens réfléchissent deux fois avant de contourner un règlement, mais en avez vous d'autres?
    Parlez-moi à l'automne de l'année prochaine!
     Je suis inquiet. J'ai annoncé des audiences. On veut comprendre le phénomène. On veut savoir où va tout ça. Après cela et après avoir fait des consultations, on aura des idées plus fermes et, à ce moment, on va suggérer ce qu'on peut faire. C'est exactement la raison pour laquelle nous tenons ces audiences. C'est un phénomène que personne ne comprend vraiment.
     Le CRTC ne prétend pas que nous comprenons ce qui arrive et ce qu'est la solution. Je doute qu'il y ait une seule solution. Il faut probablement essayer beaucoup de choses.
(1625)
    On parle d'intégration verticale et de prise de contrôle de certains secteurs par d'autres. Pourriez-vous me donner votre opinion sur l'idée de changer les règles afin de permettre à des étrangers d'acheter des compagnies du secteur des télécommunications?
    Étant donné qu'il y a cette intégration, croyez-vous que cela soit possible sans qu'il y ait d'impact direct sur le secteur de la radiodiffusion, parce que c'est intégré et que souvent l'un appartient à l'autre?
    Lorsque j'ai comparu devant vous il y a environ un an, j'ai émis mon opinion à ce sujet. En fait, j'ai dit qu'on ne pouvait pas séparer la télécommunication de la radiodiffusion. Si vous libéralisez l'un, vous devez libéraliser l'autre. Selon moi, c'est une situation très délicate, car on parle d'une industrie créative qui reflète le Canada. C'est pourquoi je crois qu'on devrait maintenir le contrôle national. On pourrait permettre à des étrangers d'avoir un pourcentage de 49 p. 100, mais pas plus.
    Vous avez dit cela l'année passée et je voulais que vous le répétiez.
    Je n'ai pas changé d'idée.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Del Mastro.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai une brève question, après quoi je passerai la parole à M. Hiebert.
    Nous avons discuté de certains changements qui interviennent dans l'industrie canadienne de la radiodiffusion. Nous avons entendu devant ce comité — et je sais qu'il en a été de même lors de vos audiences au CRTC — les représentants d'entreprises comme Shaw, Bell, Rogers, Corus et City, soit essentiellement tous les diffuseurs et propriétaires qui sont encore de la partie, qui nous ont dit de ne pas être favorables aux redevances d'abonnement.
    Je me demandais pour quelle raison le CRTC s'entête à poursuivre cette démarche judiciaire alors qu'il n'y a plus aucun radiodiffuseur au Canada qui appuie cette position, surtout dans le contexte du conflit qui fait rage aux États-Unis concernant les droits de redistribution et de retransmission.
    D'abord et avant tout, ce n'est pas une question de redevances d'abonnement, mais bien de valeur des signaux. Comme vous le savez, nous avons indiqué que les radiodiffuseurs et les distributeurs devraient négocier entre eux la valeur des signaux distribués. Nous ne voyons pas pourquoi... Les distributeurs paient pour le signal spécialisé, mais n'ont rien à verser pour le signal de la télévision conventionnelle. Nous avons eu recours au tribunal pour qu'il nous dise si le modèle que nous proposons est légal ou non.
    En effet, bien des gens qui ont comparu devant nous ont fait valoir que ce n'était pas légal, car cela interfère avec les questions de droits d'auteur. Ils ont soutenu qu'il ne s'agissait pas de radiodiffusion. C'est un argument qui a été présenté devant le tribunal. Une portion de l'industrie croit qu'il s'agit de droits d'auteur; l'autre portion est d'avis contraire. Nous attendons le résultat.
    Si l'on nous permet d'aller de l'avant en nous disant que cela relève de nos compétences, nous allons simplement établir la valeur du droit à payer. Les intéressés décideront alors s'ils souhaitent négocier ou non. Mais dans le contexte de la présente intégration verticale qui fait en sorte que les distributeurs sont propriétaires de la plupart des grandes entreprises de radiodiffusion, ces négociations pourraient prendre une forme totalement différente de ce qu'on a pu observer aux États-Unis.
    Je n'ai aucune idée de ce que ces gens vont faire. C'est leur décision. Nous allons uniquement fixer la valeur du droit si le tribunal nous dit que nous sommes autorisés à le faire.
    D'accord.
    Je crains seulement que la facture soit refilée aux consommateurs, notamment sous la forme de frais supplémentaires. En outre, pour ce qui est des entreprises, j'ai bien peur que cela se traduise uniquement par une redistribution des revenus d'une EDR à une autre.
    Monsieur Hiebert, je vous cède la parole.
    J'ai seulement quelques questions, dont une première très brève.
    Dans votre mémoire, vous indiquez que les règlements s'appliquent différemment suivant qu'un diffuseur en viendrait à contrôler plus de 35 à 40 p. 100, ou moins de 35 p. 100 de l'auditoire national. Je présume que vous parlez du nombre de téléspectateurs au pays...
    Effectivement.
    ... plutôt que de la proportion de la population. Compte tenu de l'ampleur de la diminution du nombre de téléspectateurs, et vous avez vous-même parlé des jeunes qui passent de la télévision à l'Internet... D'après ce que nous pouvons entendre, certains radiodiffuseurs estiment que les 16 à 24 ans ne regardent même plus la télévision.
    Dans le contexte de cette migration de la télé vers Internet, et au fil de la réduction de l'auditoire télévisuel, est-ce que la valeur d'un permis de radiodiffusion baisse également, en sachant que l'on réduit d'autant l'auditoire des messages publicitaires grâce auxquels les stations de télévision peuvent rentabiliser leurs cotes d'écoute?
(1630)
    Merci, monsieur Hiebert.
    Monsieur von Finckenstein, je vous laisse répondre à cette question, après quoi nous devrons nous arrêter.
    Je dois préciser d'entrée de jeu que je ne crois pas que les auditoires diminuent. La part d'audience de la télévision est relativement stable, voire même à la hausse.
    Mais supposons, pour les besoins de la discussion, qu'il y a effectivement une baisse. Il faut notamment déterminer si la tendance est temporaire ou permanente, et plusieurs intervenants de l'industrie croient en outre que c'est une question d'âge. Plus on vieillit, plus on assume de responsabilités, et plus on se tourne vers la télévision à la recherche de divertissement. On ne veut pas interagir, on ne veut pas avoir à choisir; on veut simplement mettre le téléviseur en marche pour se divertir. Mais quand on est jeune et plein d'énergie, on aime bien avoir la possibilité d'interagir et c'est davantage ce qu'on recherche. Je ne sais pas si cette analyse est valable. Nous verrons bien. Seul le temps pourra nous le dire.
    Par ailleurs, rien ne laisse supposer que les permis de radiodiffusion ont perdu de la valeur dans la conjoncture actuelle du marché. Au contraire, cette valeur n'a cessé d'augmenter comme en témoignent les plus récentes transactions, quand on pense, par exemple, à ce que Bell a payé pour le réseau CTV. Nous n'avons donc pas encore constaté un phénomène semblable.
    Merci beaucoup, monsieur Hiebert.
    Merci à nos témoins, M. von Finckenstein, M. Hutton et Mme Cugini, pour leur comparution.
    Nous allons interrompre nos travaux quelques minutes, le temps que le groupe suivant prenne place.

(1635)
    Nous voilà de retour, chers collègues, pour poursuivre cette 30e séance du Comité permanent du patrimoine canadien.
    Pour cette seconde partie de notre réunion, nous accueillons des représentants de trois groupes distincts. De Newcap Inc., nous recevons M. Keller, vice-président; de Stornoway Communications, nous avons Mme Fusca, la présidente; et, du Groupe de diffuseurs indépendants, nous accueillons M. Fortune, M. Roberts, Mme Lafontaine et Mme Gouin.
    Bienvenue à tous.
    Je crois que nous allons débuter avec une déclaration préliminaire conjointe du Groupe de diffuseurs indépendants et de Stornoway Communications.
    Nous vous écoutons.

[Français]

    D'abord, nous tenons à vous remercier de votre invitation à comparaître cet après-midi.

[Traduction]

    Nous sommes ici aujourd'hui en tant que membres du Groupe de diffuseurs indépendants (GDI) qui est, comme son nom l'indique, une association canadienne de radiodiffuseurs indépendants
    Permettez-moi de vous présenter les membres représentant le groupe ici aujourd'hui.

[Français]

    Je suis Suzanne Gouin, présidente de TV5 Québec Canada.

[Traduction]

    Je suis accompagnée de Martha Fusca, présidente de Stornoway Communications; de Bill Roberts, président, et de Monique Lafontaine, vice-présidente des affaires réglementaires, pour ZoomerMedia Television; et du conseiller juridique du GDI, Joel Fortune.

[Français]

    Par souci d'efficacité, nous avons uni nos forces et combiné notre présentation, Stornoway étant une entreprise distincte.
    Nous allons d'abord donner un aperçu de la radiodiffusion indépendante et passer ensuite à la question de fond que vous étudiez.
    Le Canada possède un patrimoine linguistique et culturel riche. Ce patrimoine est reflété par les diffuseurs indépendants, dont les membres du GDI. Les membres du Groupe de diffuseurs indépendants offrent des émissions aux Canadiens et Canadiennes de tous les horizons concevables, en anglais, en français, en langues autochtones et en un grand nombre d'autres langues dont le cantonais, le mandarin, le russe, l'hindou et le hindi, et le pendjabi, pour n'en nommer que quelques-unes, et visant tous les groupes d'âge et d'intérêt.
    Les diffuseurs indépendants ont souvent le mandat d'offrir de la programmation qu'on ne trouve pas dans les services commerciaux conventionnels. Les diffuseurs indépendants offrent une diversité de contenus et de services éditoriaux, et contribuent directement à la liberté d'expression à laquelle on s'attend dans leurs médias, ce qui permet à notre démocratie de fonctionner.
    Notre apport à la création d'emplois dans le secteur des industries culturelles partout au Canada est important. De plus, en tant que petites et moyennes entreprises, nous encourageons l'innovation — ce à quoi faisait référence un peu plus tôt M. von Finckenstein — et participons activement à la croissance de l'économie.
    Avant d'aller plus loin, permettez-moi de préciser ce que nous entendons par diffuseurs « indépendants ». Un diffuseur indépendant n'appartient pas à un groupe corporatif qui possède des réseaux de câblodistribution, de télévision par satellite ou de téléphone. Pourquoi cette distinction est-elle importante? Elle est importante parce que les entreprises de câble, de satellite et de téléphone contrôlent l'accès aux réseaux canadiens à large bande dont tous les diffuseurs ont besoin pour atteindre leur public au Canada.
    N'étant assujettis qu'à quelques règlements établis par le CRTC, ces distributeurs décident quels canaux les Canadiens et Canadiennes verront à la télé et sur les autres écrans des nouveaux médias. Chose tout aussi importante, ces distributeurs contrôlent en grande partie le marketing des services de programmation, par exemple la façon dont ils sont regroupés — les bouquets —, le prix au détail, l'alignement des canaux et l'intensité du marketing qu'on leur accorde. Enfin, malgré tout ce pouvoir, ces distributeurs sont en concurrence directe avec les diffuseurs indépendants en ce qui a trait aux téléspectateurs et à la programmation, étant donné qu'ils exploitent aussi un grand nombre de leurs propres services de télévision.
    Il s'ensuit que la propriété des réseaux de distribution est d'une importance cruciale. Si vous possédez un des grands réseaux de distribution, vous obtiendrez l'accès pour les services que vous possédez, et le marketing qu'on leur accordera sera conçu pour atteindre un grand nombre de Canadiens et de Canadiennes et ainsi prospérer. Si vous ne possédez pas les réseaux, si vous êtes un diffuseur indépendant, vous vous trouvez alors dans une situation complètement différente.
(1640)

[Traduction]

    Notre message aujourd'hui est direct. La croissance de la concentration de propriété et de la propriété croisée entre les services de programmation et les réseaux de câble, de satellite et de téléphone nuit considérablement aux diffuseurs indépendants. Des mesures réglementaires rapides et proactives peuvent atténuer ce préjudice.
    Le Canada est en train d'atteindre un niveau de concentration de propriété jamais vu. Si l'acquisition de CTV par BCE est conclue, les propriétaires des quatre plus grands câblodistributeurs et des deux plus grandes entreprises de télécommunications au Canada, Bell et Telus, contrôleront au moins 90 p. 100 des abonnés du câble et des services satellitaires au Canada; 97 p. 100 des clients de la téléphonie cellulaire; les quatre réseaux de télévision conventionnelle nationaux, y compris TVA qui est distribué partout au pays selon une exigence du CRTC; 66 p. 100 des chaînes analogiques et de services spécialisées de catégorie 1 au Canada, soit les chaînes qui ont le plus bénéficié de l'appui direct du CRTC et de la réglementation; 83 p. 100 du revenu total généré par la télévision au Canada, en regroupant les activités de distribution et de radiodiffusion; et plus de 90 p. 100 de tous les clients résidentiels des marchés Internet.
    Nous savons que ce comité examine le mouvement vers de nouvelles plateformes télévisuelles en même temps que les changements relatifs à la propriété dans l'industrie de la télévision. Il est juste de déclarer que sans doute tous les diffuseurs indépendants examinent toutes les plateformes télévisuelles pour accroître leurs affaires et atteindre les Canadiens et les Canadiennes par l'entremise de toutes les technologies actuelles, mais la télévision demeure de loin la plus importante plateforme pour le contenu audiovisuel, et elle produit également ce même contenu que les Canadiens veulent visionner en ligne.
    De plus, comme vous pouvez le constater avec le chevauchement de la propriété des réseaux de radiodiffusion et des nouvelles plateformes télévisuelles telles que le cellulaire et Internet, la concentration de la propriété est un enjeu tout aussi important par rapport à l'accès aux nouveaux réseaux qu'elle l'était pour l'accès aux réseaux de distribution de radiodiffusion. Cette concentration de propriété représente un immense défi pour les diffuseurs indépendants, tant pour la radiodiffusion que pour les nouveaux modes de diffusion.
    C'est pourquoi il faut que des freins et contrepoids réglementaires adéquats soient insérés dans le système. Cependant, le CRTC s'est engagé dans une autre direction. Il a éliminé plusieurs règlements importants qui visaient spécifiquement à assurer que les services spécialisés et les services de télévision payante aient un accès équitable aux réseaux de distribution.
    En fin de compte, cette déréglementation signifie que les EDR auront la capacité, et tous les incitatifs possibles, leur permettant d’avantager leurs propres services de radiodiffusion et les services non canadiens. Les diffuseurs indépendants voient venir ces changements et ils craignent de ne pas avoir la capacité de maintenir une présence significative au sein du système, et même de ne pouvoir survivre.
    Une façon de s'assurer que les Canadiens et Canadiennes continuent d'avoir accès aux services importants et diversifiés de la télévision canadienne consiste à utiliser l'alinéa 9(1)h) de la Loi sur la radiodiffusion. Cet alinéa permet au CRTC d'exiger que les EDR par câble et satellite distribuent certains services en tant que service de base ou selon d'autres modalités. Certains diffuseurs indépendants ont présenté une demande au CRTC pour devenir un service 9(1)h) en réaction à la concentration de propriété et à la déréglementation. Les services 9(1)h) atteignent un grand nombre de foyers canadiens par l'entremise des plus grandes EDR au pays. Il s'ensuit qu'ils doivent satisfaire à un niveau élevé de contenu canadien et à d'autres obligations.
    Malheureusement, le CRTC a annoncé à la fin de l'été qu'il imposait un moratoire sur les audiences examinant les demandes fondées sur l'alinéa 9(1)h) jusqu'en juin 2012, au plus tôt. Il est important que le comité sache que certaines de ces demandes fondées sur l'alinéa 9(1)h) avaient été présentées il y a deux ans et demi, y compris celles soumises par les diffuseurs comparaissant actuellement devant vous. Cela signifie qu'il se sera écoulé quatre ans et demi entre la présentation de la demande et la possibilité de se faire entendre enfin par le CRTC.
    Cette décision a créé un véritable choc parce qu'elle est exactement contraire au plan que le CRTC avait annoncé. Les membre du GDI et d'autres ont présenté ou avaient planifié de présenter des demandes en se fondant sur le fait qu'elles seraient examinées avant septembre 2011, la date de transition de l'industrie vers le numérique, de même que la date d'entrée en vigueur du nouveau régime de déréglementation. Nous avons d'ailleurs eu de volumineux échanges de correspondance avec le CRTC à ce sujet.
    Le moratoire est profondément injuste et risque de nuire à la diversité de notre système de radiodiffusion, un des objectifs visés par le CRTC.
    Premièrement, nous voulons savoir en quoi un moratoire peut être dans l'intérêt public et conforme à la Loi sur la radiodiffusion. Selon la définition de l'alinéa 9(1)h), pour être approuvé, un service doit apporter une contribution exceptionnelle au système de radiodiffusion canadienne et observer des critères rigoureux.
    Deuxièmement, le moratoire arrive à un moment critique et va exactement à l'encontre de nos besoins. Nous avons déjà expliqué comment le CRTC a décidé d'éliminer un grand nombre de règlements qui assuraient la diversité au sein du système et comment la concentration de la propriété s'est intensifiée chez les radiodiffuseurs et les réseaux.
    En fait, le Canada a peut-être aujourd'hui l'environnement médiatique le plus concentré de tout le monde occidental. C'est maintenant que le CRTC devrait utiliser tous les outils dont il dispose, tels que les ordonnances relatives aux services exceptionnels prévues à l'alinéa 9(1)h), pour contrebalancer la déréglementation dans d'autres domaines, de même que les effets négatifs de la consolidation de l'industrie.
    Troisièmement, le moratoire est particulièrement nuisible pour les diffuseurs indépendants qui visent l'excellence dans le contenu canadien. Pour que les indépendants puissent contribuer de manière significative à la radiodiffusion et la diversité canadienne, il leur faut des conditions de distribution réglementées afin d'atteindre un public suffisamment étendu.
    Quatrièmement, le moratoire nous force à mettre nos plans d'affaires en attente pendant que le CRTC continue d'ajouter de nouveaux services non canadiens qui seront distribués au pays en même temps qu'il permet aux entreprises de câble et de satellite de présenter des demandes pour l'exploitation de leurs propres canaux numériques spécialisés et payants de vidéo sur demande.
    Cinquième et dernier point, les diffuseurs indépendants comptent plus que tout autre sur une réglementation transparente, prévisible et opportune pour survivre. Ce changement de direction du CRTC a été tout sauf cela et il nous a menés et a mené nos partenaires en affaires à questionner les priorités du CRTC.
    Fait encore plus troublant, alors même que le CRTC a mis en attente la plupart des demandes en vertu de l'alinéa 9(1)h) depuis deux ans et demi ou trois ans, il en a placé d'autres en haut de la liste, leur accordant une audience publique et une ordonnance en vertu de l'alinéa 9(1)h). De la même façon, le CRTC a décidé d'examiner la demande de Quebecor réclamant un statut spécial pour la distribution de son canal de nouvelles par câble cet automne, même s'il a déjà averti l'industrie que les demandes similaires à celle de Quebecor ne seraient pas examinées avant 2011, au plus tôt.
    Enfin, le CRTC vient tout juste d'annoncer qu'il examinerait une autre demande visant une prolongation d'une ordonnance en vertu de l'alinéa 9(1)h) dont la fin n'est prévue qu'en 2015 selon ses conditions actuelles. L'accélération de l'examen de certaines demandes et le rejet de certaines autres font en sorte que le CRTC prend des décisions au sujet de l'octroi de licences sans tenir d'audiences publiques. Il s'agit de précédents fort troublants pour un organisme qui s'est donné comme objectif stratégique la diversité de la propriété et la diversité des voix.
    Comme Konrad vous l'a annoncé, le CRTC a l'intention d'examiner certains des enjeux relatifs à l'intégration verticale à l'occasion des audiences prévues en mai prochain. Le résultat de ces audiences sera de la plus grande importance pour le secteur des petits diffuseurs indépendants. Le GDI et d'autres encourageront le CRTC à mettre en application des mesures réglementaires pertinentes et proactives pour compenser le pouvoir sans précédent des entreprises intégrées verticalement.
    Nous en sommes encore au début des discussions, mais le CRTC semble déjà avoir centré ses préoccupations sur la révision du règlement général touchant la « préférence indue ». En termes pratiques, cela signifie que les diffuseurs indépendants devront déposer des plaintes devant le CRTC, au cas par cas, et demander un traitement juste et équitable de la part des réseaux de câble et de satellite chaque fois que les indépendants feront face à de la discrimination de la part de ces derniers.
    En votre qualité de politiciens fédéraux, vous comprenez bien l'effet de levier et vous pouvez voir pourquoi cette approche ne fonctionnera pas. Il est difficile pour un petit joueur de se plaindre d'un très gros joueur dans l'industrie quand la survie même du petit joueur dépend du plus grand joueur.
(1645)
    L'industrie a besoin plutôt de règlements clairs, compris d'avance, qui feront en sorte que les diffuseurs indépendants obtiennent un accès et une distribution équitables des grandes entreprises intégrées verticalement qui sont aussi leurs concurrents.
    Nous prions cet important comité de prendre trois choses en considération. Premièrement, nous voulons qu'il soit reconnu politiquement et légalement que les petits diffuseurs indépendants du Canada apportent une contribution importante et unique au réseau de télédiffusion canadien, notamment en ce qui a trait à la diversité des voix et de la propriété. Deuxièmement, nous demandons que les demandes en attente des petits diffuseurs indépendants en vertu de l'alinéa 9(1)h) soient traitées avant la transition vers le numérique prévue pour août ou septembre 2011, et que le statu quo prévale jusqu'à ce que le CRTC rende ses décisions. Et troisièmement, nous demandons que ce comité étudie comment le Fonds des médias du Canada pourrait mieux servir les petits titulaires de licences indépendants et spécialisés, et qu'il fasse des recommandations à cet effet.
(1650)

[Français]

    Monsieur le président et membres du comité, nous vous avons présenté certaines des réalités auxquelles font face les diffuseurs indépendants aujourd'hui, et nous avons tenté d'être aussi directs que possible.
    À moins que des mesures réglementaires ne soient prises, la croissance de la concentration de la propriété chez les télédiffuseurs et des réseaux qui diffusent leurs contenus nuira considérablement aux diffuseurs indépendants et à la diversité qu'ils offrent aux Canadiens et Canadiennes.
    Merci, madame Gouin.

[Traduction]

    Nous cédons maintenant la parole à M. Keller, de Newcap Inc., qui nous présentera ses remarques préliminaires.
    Bon après-midi à vous, monsieur le président, et aux membres du comité.
    Je m'appelle Mike Keller. Je suis le vice-président des activités de l'industrie pour Newfoundland Capital Corporation, mieux connue sous le nom de Newcap.
    Je vous remercie de me permettre de vous parler des défis auxquels sont confrontées les stations de télévisions indépendantes et vouées à des marchés à faible densité au Canada, dans ce monde des communications qui évolue constamment.
    Même si Newcap est probablement mieux connue comme l'un des plus importants radiodiffuseurs du Canada, étant donné que nous possédons quelque 80 stations de radio partout au Canada, nous exploitons aussi des stations de télévision dans un marché à faible densité. Nous possédons et dirigeons deux stations à Lloydminster, à la frontière de l'Alberta et de la Saskatchewan, les seules stations de télévision locales de cette collectivité.
    Une de nos stations est affiliée à la CBC, tandis que l'autre est affiliée à CTV. Il s'agit d'une exploitation de réseaux jumelés, car les deux sont diffusés à partir des mêmes installations et partagent les mêmes transmetteurs, ainsi que le même personnel. Il est très courant que deux ou même trois stations soient opérées conjointement dans les petits marchés canadiens qui ne peuvent pas soutenir plus d'un télédiffuseur.
    Je suis fier de dire que notre station affiliée à la CBC, CKSA-TV, vient de célébrer sa 50e année en ondes. C'est la seule petite station de télévision des Prairies qui ait jamais atteint ce jalon important. Sa jeune soeur, CITL-TV, une station affiliée à CTV, n'a que 35 ans. C'est tout de même impressionnant, parce qu'il ne reste malheureusement plus beaucoup de petites stations de télévision indépendantes et vouées à des marchés à faible densité dans ce pays. C'est pour cette raison que nous travaillons souvent ensemble sur des questions de nature politique et réglementaire. Nous pouvons de cette façon unir nos voix pour mieux nous faire entendre des décideurs qui dictent l'avenir du monde de la radiotélévision au Canada.
    Nos stations contribuent grandement à assurer la diversité de la propriété et de la programmation au sein du réseau et nous voulons continuer à le faire encore longtemps, alors je vous remercie encore une fois de m'avoir invité dans le cadre de votre étude.
    Bien que je parle aujourd'hui au nom de Newcap, je crois qu'il est juste de dire que mes inquiétudes et mes attentes sont partagées par mes collègues des petites stations de télévision en Colombie-Britannique, dans des endroits comme Thunder Bay et Peterborough ici, en Ontario, et à Val D'Or et à Carleton au Québec.
    On a beaucoup entendu parler au cours des dernières années de l'avenir de la télévision conventionnelle dans ce pays. En effet, ce comité a pris l'initiative d'explorer cette question. En fait, un de mes collègues de Pattison Broadcasting, un petit diffuseur de la Colombie-Britannique, a témoigné devant votre comité l'an dernier, alors que vous étudiiez l'évolution de l'industrie télévisuelle au Canada.
    Le monde canadien de la télédiffusion a beaucoup changé depuis, d'où la tenue de ces audiences. Mais pour les petites stations de télévision, les choses ont peu évolué.
    La concurrence provient encore de partout pour attirer des spectateurs dans nos collectivités: des grandes stations de télévision offertes sur le câble, des stations importées diffusées en différé par satellite; des stations étrangères, et d'Internet.
    En tant qu'opérateurs de petites stations de télévision, nous sommes les canaris de la mine de charbon. Parce que nous sommes si près de nos audiences locales, nous avons été les premiers à flairer les problèmes entraînés par les nouvelles technologies et l'évolution de l'économie. Nous avons aussi été les premiers à reconnaître que la clé de notre survie était de nous concentrer intensément sur les marchés locaux. Nous avons compris qu'il fallait offrir plus que quiconque à nos auditeurs une programmation plus riche en nouvelles et en informations locales, et en émissions locales d'affaires publiques et de service public. Nous devions leur offrir la programmation qu'ils voulaient et qu'ils ne pouvaient trouver nulle part ailleurs.
    Et c'est exactement ce que nous avons fait. Nous nous sommes concentrés sur la diffusion d'émissions produites par nos collectivités, pour nos collectivités et sur nos collectivités. Nous sommes près de nos auditoires locaux et nous tâchons de nourrir la relation que nous entretenons avec eux. Nous avons voulu savoir ce qu'ils avaient à dire et nous les avons écoutés. Nous les aidons également, notamment grâce aux nombreuses activités de charité locales que nous organisons et appuyons.
    Il est primordial pour nous et nos auditeurs que la télévision locale ait sa place dans nos petits marchés. Mais ce n'est pas bon marché. Il coûte très cher d'embaucher du personnel et d'exploiter une salle de nouvelles, d'envoyer des journalistes sur le terrain, d'avoir des artistes, des producteurs et une équipe technique en studio, surtout quand nos collectivités n'ont qu'une base commerciale limitée de laquelle nous pouvons tirer des revenus publicitaires. C'est pourquoi les mécanismes de financement, comme le Fonds d'amélioration de la programmation locale, ou FAPL, du CRTC, sont si importants pour nous. Honnêtement, le FAPL a sauvé la télévision locale, du moins pour le moment.
    Les petites stations sont évidemment confrontées à d'autres difficultés. Par exemple, nous devons faire affaire avec des distributeurs de télévision directe. Dans notre cas, à Lloydminster, près des deux tiers des auditeurs obtiennent leur service auprès d'un distributeur de télévision directe. Cela signifie que si nos émissions ne sont pas diffusées par un de ces distributeurs, nous perdons les deux tiers de notre auditoire potentiel. Nous ne pourrions pas survivre.
    C'est un peu la même chose pour les autres petites stations de télévision indépendantes au pays. Heureusement, le CRTC établit des règles qui veillent à ce que nous puissions obtenir les services de diffusion directe dont nous avons absolument besoin.
(1655)
    Il a toujours été difficile pour les petites stations de télévision comme la nôtre de voir à obtenir les fonds nécessaires pour produire des émissions locales et à accéder à des distributeurs de télévision directe. Ce qui est nouveau, c'est que certaines stations s'inquiètent de ne pas avoir suffisamment d'émissions pour remplir leur grille horaire.
    En tant que petits télédiffuseurs, nous n'avons pas l'aplomb ou les ressources nécessaires pour négocier avec les producteurs canadiens afin d'obtenir des licences pour les émissions les plus populaires du Canada, ou encore pour aller acheter des grands succès américains à Hollywood chaque année. C'est pourquoi nous concluons des marchés avec les grands réseaux canadiens pour affilier nos stations. Les réseaux diffusent notre programmation, et nous leur permettons de diffuser leurs émissions et leur marque de commerce dans nos marchés. Avec cette concentration accrue et l'intégration verticale, nous craignons que nos diffuseurs traditionnels décident de ne plus jouer ce rôle.
    Ce n'est pas exagéré de dire que les grands réseaux ont un pouvoir de vie ou de mort sur les stations affiliées. C'est particulièrement vrai pour les marchés de stations jumelées, de deux ou de trois stations, parce que si un réseau décide de ne pas renouveler notre entente d'affiliation, nous n'avons pas d'autre source de programmation. Et qui dit fin de la programmation, dit aussi fin de la station locale. Sans station locale, on oublie les nouvelles locales ou les émissions d'affaires publiques produites localement, ou encore les annonces de service public axées sur la collectivité.
    C'était une entreprise risquée d'implanter la télévision dans les petites collectivités, et ça l'est toujours. Ce sont les petits diffuseurs indépendants qui ont pris ces risques alors que les grands réseaux n'étaient pas prêts à le faire. Cela dit, les grands réseaux ont depuis profité de l'exposition que nous offrons à leurs émissions et à leur marque de commerce.
    Au début, je vous ai annoncé fièrement que notre station, CKSA, venait de célébrer sa 50e année en ondes à Lloydminster. Nous sommes affiliés à la CBC depuis le tout début, c'est-à-dire que nous avons diffusé localement, dans notre collectivité et dans la région, la programmation de la CBC pendant un demi-siècle. Nous sommes actuellement en négociation avec la CBC pour maintenir cette affiliation, et nous avons bon espoir de pouvoir arriver à une entente.
    D'autres petites stations s'affairent aussi à négocier le renouvellement de leurs ententes de programmation. Nous allons tous continuer à tenter de résoudre les problèmes liés à la disponibilité de la programmation par des négociations d'affaires. Toutefois, il se peut que nous ayons besoin à un moment donné de l'intervention du CRTC pour veiller à ce que nous ayons une programmation à offrir aux marchés desservis par les petites stations.
    Pour terminer sur une note positive, je tiens cependant à souligner aux membres du comité que nos petites stations de télévision de Lloydminster vont bon train pour atteindre le délai de l'an prochain pour la transition vers le numérique. Il y a un an, nous étions un peu dépassés par les dépenses que nous devions engager pour opérer cette transition. Heureusement, une bonne partie de ces coûts ont beaucoup diminué depuis. C'est pourquoi nous avons bon espoir, si nous arrivons à résoudre nos problèmes de programmation, de passer à l'ère numérique en août prochain, en compagnie des autres diffuseurs canadiens. Je pense que les autres petits diffuseurs que l'on a mandatés de faire cette transition peuvent dire la même chose.
    Monsieur le président, chers membres du comité, merci de m'avoir permis de témoigner devant vous. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Keller.
    Nous entamons maintenant un tour de 30 minutes de questions de la part des membres du comité, en commençant par M. Rodriguez.
(1700)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous. Merci d'être venus aujourd'hui.
    J'ai une question plus générale pour qui veut bien y répondre. Un peu plus tôt, comme vous l'avez entendu, j'ai fait part aux représentants du CRTC qui étaient ici du fait que votre secteur d'industrie présentait plusieurs défis. Ils m'ont dit que tout compte fait, un diffuseur avait tout pour réussir ici, pour peu qu'il fasse preuve de créativité et qu'il sache oser, qu'il soit indépendant ou non, grand ou petit. Ils m'ont dit qu'il n'y avait pas nécessairement de changement à faire.
    Est-ce aussi votre point de vue?
    Je vais répondre dans ma langue maternelle.

[Traduction]

    Il y a probablement plus de récipiendaires de prix Gémeaux ou Gemini assis à cette table qu'il n'y en a à CTV ou à Canwest Global. Alors le problème ne se situe pas au niveau de l'excellence des programmes. Le problème, c'est que notre secteur d'affaires repose entièrement sur la distribution. Les petits diffuseurs indépendants n'ont pas accès à cette distribution, parce qu'elle est contrôlée par notre compétiteur. Voilà ce qui pose problème.
    On a entendu plus tôt qu'il y avait beaucoup de licences de catégorie 2. C'est bien possible, près de 400 de ces licences ont été octroyées, mais il faudrait se demander pourquoi seulement environ 90 d'entre elles ont été exploitées. Depuis l'an 2000, le CRTC n'a jamais fait d'effort pour que plus de licences soient octroyées à des fournisseurs canadiens de services de base en vertu de l'alinéa 9(1)h), jamais. Depuis 2004, le CRTC, toujours, a autorisé près de 400 services étrangers au pays. Pourquoi avons-nous un canal américain de sport collégial, mais pas un canal olympique canadien? C'est parce que la demande, déposée en vertu de l'alinéa 9(1)h), attend sur les tablettes depuis environ trois ans. Je m'arrêterai ici.
    Merci.
    Je tenais aussi à dire que c'est réellement une question d'accès. Suzanne vous a dit plus tôt qu'il n'y a pas que cela, qu'il faut aussi penser au prix, aux forfaits et au marketing. Vous auriez beau être le meilleur homme d'affaires au monde, et avoir le concept le plus innovateur entre les mains, si vous n'avez pas accès à la distribution, vous n'avez rien du tout.
    J'aimerais formuler un commentaire. Le président a affirmé plus tôt que l'accroissement de l'intégration verticale n'est que le résultat de la progression naturelle des choses. Je déteste être en désaccord avec notre président, mais je ne suis pas du tout de cet avis. Ce qui se passe au Canada, c'est que les principaux joueurs de l'industrie en ce moment ont façonné ce marché. Il n'y a jamais eu de marché libre. Ce n'est pas un marché libre. C'est un marché qui a été monté de toutes pièces. Je veux m'assurer que tout le monde le comprend bien.

[Français]

    Rapidement, si vous le pouvez — parce que j'ai d'autres questions... Ah, chacun d'entre vous souhaite répondre?

[Traduction]

    Vous voulez savoir si le contexte réglementaire nous permettra de survivre. À notre avis, ce n'est absolument pas le cas. Le CRTC a déréglementé la distribution de nos services spécialisés à l'automne 2008, et nous verrons en août de l'an prochain comment cela va se traduire pour nous.
    En ce moment, notre station phare est Vision TV, et elle est distribuée dans près de 10 millions de foyers, parce que le CRTC a rendu sa distribution obligatoire sur une période de 20 ans. Mais l'an prochain, ce ne sera plus le cas. Oui, les télédiffuseurs vont distribuer notre programmation, mais ils peuvent nous mettre sur n'importe quel canal, dans le forfait de leur choix, alors il est possible que l'on se retrouve avec cinq abonnés seulement. C'est comme cela que fonctionne la distribution. Nous n'avons pas accès au FAPL dont on a parlé. La valeur du signal que le CRTC vantait auprès des petits diffuseurs, c'est une chose à laquelle nous allons devoir avoir accès. Nous n'avons pas non plus accès aux diffuseurs de télévision directe. Nous n'avons donc accès à aucune de ces merveilleuses choses dont on nous a parlé pour nous aider dans ce contexte.
    Monsieur Rodriguez.

[Français]

    Avez-vous des exemples de cas où de petites compagnies de télédiffusion indépendantes ont été bloquées ou traitées injustement par certains de ces grands joueurs, ou entrevoyez-vous ça comme un défi surtout sur le plan théorique?
    Ce n'est pas une question de théorie. Tout simplement, à partir du moment où vous avez autant de demandes de licence et que si peu de chaînes de catégorie 2 sont lancées, il est évident que c'est parce qu'il y a un gardien très fort à la porte qui ne permet pas la distribution de ces chaînes. Je peux vous dire qu'au Québec, il est impossible d'avoir un plan d'affaires gagnant si vous n'avez pas Vidéotron comme distributeur.
(1705)
    Merci, monsieur Rodriguez.
    Madame Lavallée, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Justement, un peu plus tôt, avec les représentants du CRTC, nous parlions de l'exemple du Québec — je ne veux pas utiliser le mot « modèle » puisqu'on connaît la nuance —, où la convergence existe depuis plus longtemps qu'ailleurs au Canada. Effectivement, j'ai beaucoup entendu parler, surtout, des problèmes des chaînes spécialisées. Représentez-vous seulement des chaînes spécialisées, ou y a-t-il vraiment des chaînes indépendantes généralistes au Québec?
    Je vais terminer de poser mes questions, ensuite vous pourrez y répondre.
    J'ai beaucoup entendu parler des difficultés des chaînes spécialisées à s'implanter au Québec si elles n'avaient pas la bénédiction d'une des grandes entreprises de distribution de radiodiffusion — EDR —, que je ne nommerai pas. J'ai entendu toutes sortes d'exemples à ce sujet.
    Or, je ne veux pas rentrer là-dedans. Je préférerais vous laisser les raconter vous-même, à l'intention de mes collègues ici présents, et que vous nous présentiez votre solution, particulièrement pour le Québec.
    Particulièrement pour le Québec?
    On va commencer par ça, ensuite vous réglerez le problème du Canada.
    Une voix: Puis celui de l'Amérique du Nord.
    Des voix: Ha, ha!
    Parmi les chaînes indépendantes au Québec, on a V, qui demeure le seul réseau national privé, complètement indépendant d'un câblodistributeur. Pour ce qui est des autres chaînes indépendantes, ce sont majoritairement des chaînes spécialisées comme Astral, TV5 Québec Canada, Serdy Vidéo et MétéoMédia. Ce sont sensiblement les chaînes indépendantes au Québec.
    N'y a-t-il pas des chaînes comme Évasion?
    C'est Serdy Vidéo. Les canaux Évasion et Zeste relèvent de Serdy Vidéo.
    D'accord. Mais Zeste, c'est nouveau.
    Oui, c'est ça. Voyez-vous, ces gens avaient leur licence depuis longtemps. Il faudra donc éventuellement leur demander pourquoi ils ont pris tant de temps.
    Je connais la réponse, mais dites-la.
    Si vous la connaissez, je vais vous laisser la dire.
    Oui, mais dites-la pour mes collègues.
    Non, allez-y.
    Tout à l'heure, vous nous demandiez quelle était la solution. Je ne veux pas utiliser le temps de mes collègues, car je pense qu'il est très important qu'ils puissent vous présenter des cas. Je reviendrai donc sur cette question en parlant d'un point de ma présentation.
    C'est que nous tentons de négocier avec les câblodistributeurs, qui ont un poids énorme et qui ont presque un pouvoir de vie ou de mort sur nos plans d'affaires. Il est évident que le poids que nous avons comme joueurs indépendants est beaucoup plus faible que celui de ceux qui font partie de ces grands groupes. En effet, s'il n'y a pas de tarif réglementé, qu'il vous faut négocier avec la compagnie de télédistribution la redevance que vous recevrez, et qu'il vous faut négocier le bouquet dans lequel votre chaîne se retrouvera, vous êtes continuellement à la merci de la compagnie de télédistribution, puisque votre chaîne ne relève pas de cette dernière. Je pense qu'il faut faire la distinction, qui est extrêmement importante, entre les chaînes indépendantes et celles qui relèvent de distributeurs.
    Iriez-vous jusqu'à dire que les EDR ne devraient pas offrir de chaînes spécialisées?
    Le CRTC a laissé cette règle devenir le mode de fonctionnement de notre industrie. Pourtant, je pense qu'il serait irréaliste de vouloir revenir en arrière. Je pense qu'il faut aller de l'avant, en imposant des règles qui favoriseront les contenus diversifiés, et aussi la diversité de choix pour ce qui est de la programmation, une question à laquelle monsieur a fait référence tout à l'heure.
    Je pense qu'il est très important que les règles soient claires et que les joueurs aient tous l'impression d'être sur un pied d'égalité. Même si ça ne peut pas vraiment être le cas, tous devraient être sensiblement sur un pied d'égalité avec les joueurs qui relèvent des compagnies de télédistribution.
    Vous n'avez pas besoin, ça va se faire tout seul. On n'est pas au CRTC, ici. On n'a pas à peser sur un bouton.
    Encore une fois, je vais répondre dans ma langue maternelle.

[Traduction]

    Je pense que le service de base devrait être le reflet de ce que le Canada et le Québec sont vraiment ensemble. Nous comptons parmi nos membres l'APTN, l'Aboriginal Peoples Television Network. C'est un service qui ne peut provenir de nulle part ailleurs que du Canada. Ce n'est pas vrai que ce service peut provenir de Raleigh, en Caroline du Nord. Cela ne tient pas la route. Ce service est assujetti à l'alinéa 9(1)h), et je vous ai indiqué que nous avions une pile de correspondances du CRTC nous disant que nous serions entendus en vertu de l'alinéa 9(1)h) et que nous pourrions bénéficier d'une audition équitable, mais pendant ce temps, l'APTN est trimbalé d'un canal à l'autre, tellement que les auditeurs n'arrivent plus à le trouver; puis on les avise qu'il est rendu au canal de 260, ensuite au 580, et ainsi de suite.
    Je disais à mon collègue que je n'arrivais pas à lire ma propre écriture dans la présentation initiale. Là où je voulais en venir, c'est que je crois que les dés sont jetés quant à la séparation entre les chaînes spécialisées et la propriété des réseaux de télédiffusion. Au moins, nous pouvons encore compter sur des mécanismes comme l'alinéa 9(1)h) pour rééquilibrer équitablement l'industrie et fournir aux entreprises un environnement quelque peu prévisible, de façon à assurer la diversité.
(1710)
    Merci beaucoup, monsieur Roberts.
    Monsieur Angus.
    Merci.
    J'ai trouvé votre présentation très intéressante et très différente de celle de notre témoin précédent. M. von Finckenstein nous a dit qu'il ne faudrait pas présumer qu'il y a un problème. Peut-être que je me trompe, mais j'avais l'impression que le mandat du CRTC avait changé au fil des ans, car le marché semble pour ainsi dire indépendant aujourd'hui. Mme Fusca a indiqué que le marché était une construction, construit sur les bases de l'article 19.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui a créé un incitatif particulier pour les télédiffuseurs. Cela a été utilisé avec le CRTC. Je ne peux pas lancer mon propre réseau de radio ou de télévision. C'est un club exclusif. Les géants se débarrassent de la concurrence.
    Quand les grands câblodistributeurs ont eu peur de la concurrence, on leur a permis de grimper leurs prix, et quand ils les ont trop grimpés, plutôt que de remettre cet argent, nous avons créé un fonds des médias. Aujourd'hui, ce sont eux qui contrôlent le fonds des médias et ce sont également eux qui prennent cet argent pour lancer de nouvelles diffusions. Il y a donc eu construction du marché. Il n'y a rien de mal à cela, mais il est impossible pour nous d'y accéder.
    M. von Finckenstein nous a dit qu'il ne s'agissait que d'une simple canalisation, que les intermédiaires étaient ignorants. Mais vous me dites que les intermédiaires sont des gardiens, que les compagnies de câblodistribution, de téléphone et de communications par satellite décident de ce que vont voir les gens, et vous devez négocier avec eux alors qu'ils sont vos concurrents. Quelles sont les mesures que nous devons prendre pour que vous ayez accès à ce marché construit, de façon à ce que la population canadienne en tire profit?
    C'est une excellente question. Merci de me l'avoir posé.
    La différence entre nous et M. von Finckenstein, c'est que pendant qu'il réglemente et déréglemente, nous devons vivre avec les conséquences. Il faudrait peut-être commencer par là. Pour ce qui est des prochaines étapes, l'initiative de tenir une audience en mai est en fait très importante.
    J'aimerais apporter une précision à propos de l'alinéa 9(1)h). Nous ne nous attendons pas à ce qu'on nous accorde automatiquement des licences en vertu de cet alinéa. Tout ce que nous demandons, c'est d'avoir une audition équitable, quelque chose que l'on nous promet depuis plusieurs années maintenant. C'est tout ce que nous voulons.
    Ceux qui s'intéressent d'un peu plus près à la question comprendront que ce marché n'aime pas l'imprévisibilité. Quand on demande des dizaines ou peut-être des centaines de millions de dollars pour lancer un nouveau service, le marché aime que les choses soient opportunes et prévisibles. C'est donc une excellente initiative de la part du conseil.
    Il faut toutefois rééquilibrer le système. C'est ce dont nous avons besoin, car nous ne pourrons pas réussir autrement.
    C'est une chose qu'il est toujours important de surveiller: il faut s'assurer que le marché n'est pas anticoncurrentiel quand il n'y a pas beaucoup de concurrents en jeu.
    Même s'il devait être lancé, le service prévu par l'alinéa 9(1)h) ne serait pas accessible à tous les diffuseurs indépendants. C'est pourquoi j'aimerais revenir à l'idée de négocier une place sur les réseaux de câblodistribution. Les intermédiaires ne sont pas ignorants, pas plus que ceux qui font de l'argent grâce à eux. Pourquoi vous laissaient-ils vous installer sur les canaux 2, 3 et 4 alors qu'ils peuvent les utiliser pour leurs propres chaînes? C'est ce que les gens vont regarder.
    Comment faites-vous pour vous tailler une place dans la grille de canaux quand vous n'avez pas beaucoup de poids de négociation?
    Je vais bientôt avoir besoin d'un chronomètre.
    Les intermédiaires ne sont pas ignorants. Quatre-vingts pour cent des revenus bruts du secteur de la télédiffusion sont contrôlés par quatre ou cinq grandes compagnies. Quatre-vingt-dix pour cent de notre accès Internet est aussi contrôlé par ces compagnies, qui contrôle également 97 p. 100 de l'industrie des communications sans fil. Ils sont loin d'être ignorants, ils sont en fait très intelligents.
    Nous avons formulé trois demandes. La première est de reconnaître que les petits diffuseurs indépendants sont uniques et utiles au sein du système; la deuxième, c'est de nous donner une audition équitable et de nous permettre de comparaître en ce qui a trait à l'alinéa 9(1)h) et à la question de la distribution; et la troisième, c'est de nous accorder votre aide pour que nous puissions trouver des moyens d'utiliser les outils qui sont à notre disposition, comme le Fonds des médias du Canada, pour appuyer et maintenir la diversité des voix.
(1715)
    Mais comment pouvez-vous obtenir des services de distribution, selon des conditions équitables, quand vous êtes en concurrence? Je n'ai pas entendu ce quatrième élément, je pense que le quatrième point...
    Monsieur Angus, il faut véritablement rééquilibrer le système. Si nous avons vraiment à coeur d'aider les petites et moyennes entreprises du Canada, et que nous souhaitons réellement favoriser l'innovation, qui émerge généralement des petites et moyennes entreprises, alors il faut rééquilibrer les choses.
    Mais M. von Finckenstein a parlé d'« ingérence minimale ». Alors y a-t-il des mesures précises que nous pouvons prendre? C'est ce que j'aimerais entendre.
    Il parle d'ingérence minimale, mais il dit aussi souvent que selon les circonstances, le conseil va intervenir si c'est nécessaire. Et à notre avis, c'est une situation qui nécessite une réglementation. Et cette réglementation prend la forme d'ordonnances formulées en vertu de l'alinéa 9(1)h), qui vise à garantir que les petites stations ont leur place dans la grille de canaux, pour que nous puissions continuer à diffuser nos émissions et que les Canadiens aient accès à notre programmation et à nos histoires.
    Sans ces ordonnances, nous devons négocier avec ces organisations monolithiques pour gagner notre place dans la grille, au coût de ce qu'ils vont nous payer pour nos abonnés. Comme l'équilibre des pouvoirs est si inégal, elles sont en mesure de mettre la plus grande partie des revenus dans leurs poches, ce qui signifie moins d'argent pour nous en vue d'appuyer la programmation canadienne. Nous vous pressons donc de vous pencher sur ce profond déséquilibre du marché et de prendre les mesures qui s'imposent pour remédier à la situation, de façon à ce que nous puissions rejoindre les Canadiens et que les Canadiens aient accès à nous.
    Merci, madame Lafontaine.
    Monsieur Del Mastro.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui. C'est un débat très intéressant.
    La question des licences octroyées en vertu de l'alinéa 9(1)h) m'apparaît importante. Mais à moyen et long terme, je ne suis pas certain que cette solution sera vraiment viable, si votre plan d'affaires s'appuie là-dessus. Je peux vous garantir que d'ici cinq ans je ne serai plus abonné au câble ni à la télé par satellite. J'ai vu vers quoi la technologie se dirige, et tous les yeux sont maintenant tournés vers Internet. C'est plus rapide et plus efficace. La qualité de diffusion est cinq fois supérieure à ce que l'oeil humain peut détecter. En fait, je crois que c'est là que se dirigent les grandes compagnies. C'est pourquoi elles investissent autant dans les communications sans fil, et c'est pourquoi elles ont choisi de faire converger les plates-formes.
    Si votre plan d'affaires s'appuie sur l'espérance d'obtenir des licences en vertu de l'alinéa 9(1)h), que se passera-t-il si la plate-forme sans fil devient prédominante? Que ferez-vous si les diffuseurs ne diffusent plus par l'entremise d'un appareil qu'on branche au mur?

[Français]

    Monsieur Del Mastro, permettez-moi de vous dire une chose des plus importantes. À l'heure actuelle, tout le contenu disponible sur les nouvelles plateformes provient de la télévision. En ce sens, oui, vous aurez peut-être des plateformes différentes sur lesquelles vous regarderez du contenu, mais la télévision demeurera toujours un véhicule de choix.

[Traduction]

    Je ne suis pas du tout de cet avis. Je pense que les gens vont continuer à vouloir écouter les émissions, mais si je peux me servir de mon BlackBerry PlayBook (quand il sera lancé l'an prochain, parce que je refuse d'acheter un iPad) pour écouter mes Maple Leafs de Toronto adorés partout dans le monde, y compris à la maison si j'en ai envie, pourquoi devrais-je me brancher au mur?
    La question n'est pas de savoir comment vous allez vous brancher, mais sur quoi vous allez le faire.
    Mais nous avons entendu le CRTC nous dire il y a une heure qu'il n'allait pas réglementer ce secteur. Et vogue la galère pour Netflix et Apple TV, cela importe peu.
    Dans ce cas, ce comité devrait vraiment s'inquiéter pour le contenu canadien.
    Martha.
    Vous avez posé une très bonne question. Vous avez absolument raison, nous ne pouvons pas prévoir quelle est la technologie ou l'appareil que les gens vont vouloir utiliser. Nous savons quelle est la technologie aujourd'hui, mais nous ne savons absolument pas où nous en serons dans cinq ans.
    Il faut toutefois savoir que l'on continuera à diffuser des émissions produites professionnellement. Toutes les études, même celles commandées par le conseil, indiquent que les diffuseurs seront toujours de la partie.
    L'autre chose que la présidente a mentionnée, c'est qu'à peu d'exceptions près, personne dans le monde n'a encore réussi à créer un modèle qui engendre des revenus. Aux États-Unis, les diffuseurs n'ont pas à livrer les mêmes batailles que nous, parce qu'ils peuvent s'en tirer autrement.
(1720)
    J'ai trouvé la façon de rentabiliser la chose. Il suffit d'être propriétaire des canaux qui diffusent votre programmation. Il faut être le transmetteur sans fil ou l'EDR pour rentabiliser cette entreprise. C'est pourquoi l'intégration verticale est tellement importante.
    Je le répète, c'est une situation qui me préoccupe beaucoup. Je suis pour la solution d'un système à la carte qu'envisage le CRTC. Je pense que les consommateurs devraient pouvoir choisir ce qu'ils veulent regarder. C'est ce qu'ils ont indiqué.
    C'est ce qu'ils ont indiqué, mais ce n'est pas ce qui va se produire.
    Je suis très préoccupé par ce que j'entends aujourd'hui. On semble insinuer que si nous réussissons à faire passer ce qu'on propose, cela viendra corriger notre modèle d'affaires. Je crois que le modèle évolue si rapidement que l'idée qu'une licence octroyée en vertu de l'alinéa 9(1)h) permettra de rééquilibrer les choses... c'est une solution on ne peut plus temporaire. Honnêtement, le temps des redevances pour la transmission des signaux est révolu, parce que personne n'en veut.
    Pour ce qui est du Fonds des médias du Canada, je m'inquiète grandement de la contribution des EDR à cette initiative. À mesure que de nouveaux joueurs vont pénétrer le marché, le fonds va s'appauvrir.
    Je pense qu'il y a plusieurs questions à se poser, et je vous encourage fortement à vous pencher là-dessus, car j'estime qu'il est problématique d'articuler un modèle d'affaires autour de l'alinéa 9(1)h).
    En passant, ce n'est qu'un des éléments que nous proposons.
    Il est intéressant de noter qu'ils possèdent déjà toutes ces plateformes de toute façon, alors s'ils perdent des parts de marché pour une, ils en regagnent ailleurs...
    Vous avez raison.
    Merci beaucoup, madame Fusca.
    Nous allons entendre M. Roberts avant de céder la parole à Mme Dhalla.
    Je vais reprendre les paroles d'un homme intelligent, un Canadien, qui s'appelle Marshall McLuhan. Il a dit que toutes les plateformes se fondent entre elles en quelque sorte, et qu'elles finissent par trouver leur place. La radio n'est pas disparue, pas plus que le cinéma, et la télévision n'est pas près de disparaître non plus.
    C'est une façon de répondre à la question, Dean. Je vous dirais aussi que c'est la réglementation qui nous a amenés là. C'est un marché construit. Nous avons des outils qui peuvent encore nous servir à combler l'écart et à faire des ajustements. Nous pouvons gagner du temps. Il est possible de trouver une solution.
    Merci, monsieur Roberts.
    Madame Dhalla.
    Merci beaucoup.
    Pour revenir à ce que disait Dean Del Mastro, c'est-à-dire qu'il n'aurait plus le câble dans cinq ans, je connais beaucoup de collectivités des régions rurales du Canada qui n'ont toujours pas accès à Internet. Ces gens espèrent avoir une connexion Internet dans cinq ans, mais ils n'annuleront pas leur abonnement au câble pour autant.
    Pour ce qui est des collectivités ethniques, je sais que bien des gens qui sont venus, peut-être plus de personnes âgées dans les dernières années, et c'est le cas pour la génération de mes parents (on essaie toujours d'expliquer à ma mère comment fonctionnent les courriels)... Ces gens regardent leurs émissions à la télévision, alors je crois que ces licences et cette programmation sont essentielles.
    Bill, je tiens à vous féliciter pour votre travail avec Vision TV. Vous faites beaucoup pour mettre en lumière les préoccupations des communautés ethniques à l'échelle du pays. Si vous ne l'avez pas encore fait, jetez un coup d'oeil à Vision TV le samedi, du matin au soir. On y diffuse d'excellentes émissions. Félicitations.
    J'aimerais parler d'un sujet que vous avez abordé. J'ai posé une question plus tôt au président, dans notre groupe de témoins, à propos des licences liées à la programmation des médias ethniques. On nous a parlé en termes élogieux des licences de catégorie B. Mais vous nous avez dit que la question était de savoir combien avaient été lancées. Selon vous, sur les 400 licences octroyées, seulement 90 environ ont été lancées. Êtes-vous en mesure de m'expliquer pourquoi ces 310 autres licences octroyées n'ont jamais été lancées? Peut-être que le comité peut s'appuyer sur les raisons derrière tout cela pour formuler des recommandations pertinentes, pour veiller à ce qu'il n'y ait pas autant de licences en attente. C'est beaucoup.
    Est-ce que la question s'adresse à moi?
    Une voix: Oui.
    Allez-y, monsieur Roberts.
    Je pense que Dean a répondu à la question. Si vous êtes propriétaire des canaux, vous possédez les moyens de distribution et vous pouvez lancer les licences qu'on vous a octroyées.
    Nous comptons parmi les membres du GDI, le Groupe des diffuseurs indépendants, la station ethnique SLAV11. On parlera d'elle demain dans le cahier « Report on Business », si je ne me trompe pas (un peu de publicité pour mon collègue). C'est justement cette bataille qu'est en train de livrer la station, pour obtenir les licences nécessaires et lancer la programmation, mais les EDR lui refusent l'accès.
    J'aimerais apporter une autre précision à propos des statistiques. Konrad avait tout à fait raison de dire que l'écoute de la télévision est en hausse. Il est toutefois intéressant de noter que c'est chez les 45 ans et plus qu'on enregistre cette augmentation. Pourquoi est-ce important? C'est important parce que 80 p. 100 des richesses de ce pays sont contrôlées par le groupe des 45 ans et plus; 70 p. 100 des personnes qui ont voté pour vous sont âgées de 45 ans et plus; 70 p. 100 de l'électorat appartiennent à ce groupe d'âge. Ils adorent la télévision. Ils veulent voir une diversité des voix et de la propriété sur leur écran. Je pense que c'est important.
(1725)
    Monsieur Keller, vouliez-vous ajouter quelque chose? Vous n'avez pas beaucoup parlé, mais nous sommes intéressés d'entendre ce que vous avez à dire.
    Nous sommes tous des diffuseurs, mais nous sommes aux deux extrémités de l'échiquier. En tant que diffuseur conventionnel qui entretient une solide affiliation avec CBC et CTV, et sur le point de dépenser quelques millions de dollars pour acquérir des transmetteurs numériques, j'ai un peu l'impression d'être un dinosaure.
    Des voix: Oh, oh!
    Une voix: Quand vous aurez ces transmetteurs, vous prendrez de l'avance sur tout le monde.
    M. Mike Keller: Je n'ai rien à ajouter à ce sujet. Merci.
    Monsieur Simms, vouliez-vous intervenir?
    D'accord.
    Monsieur Pomerleau.

[Français]

    J'ai une petite question, monsieur le président.
    À la page 10 de votre mémoire, on peut lire ceci:
En 2009, dans l'Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2009-732 (au paragraphe 16), le CRTC déclarait: « Une fois que le Conseil aura adopté les nouveaux critères d'évaluation des demandes de distribution obligatoire en vertu de l'article 9(1)h) de la Loi, il compte donner l'occasion aux services de programmation de déposer une demande en vertu de cet article ou de modifier ou resoumettre une demande déjà déposée. Le Conseil pourra alors tenir une audience publique afin d'examiner ces demandes. »
    Comme vous le dites, à la fin de l'été, il a annoncé qu'il mettait cela sur la glace. Il y avait un moratoire. On ne reparlera pas de cela.
    Quelles raisons a-t-on évoqué pour faire cela? C'est la plus belle volte-face de l'année.

[Traduction]

    Je pense qu'on a invoqué des raisons d'ordre technologique, économique et réglementaire, vu les changements qui s'opèrent au sein du système de télédiffusion. On a jugé qu'il ne serait pas prudent de tenir une audience pour examiner les demandes qui avaient déjà été déposées. C'est presque mot pour mot ce qu'on nous a dit.

[Français]

    C'est tout? C'est quasiment kafkaïen.
    En même temps, il faut savoir que plusieurs chaînes se retrouvent en renouvellement de licence. Il est donc évident que le modèle d'affaires dans lequel on se retrouve pourrait impliquer une distribution différente. Les gens autour de la table ne le savent peut-être pas, mais, à titre d'information, une chaîne comme TV5, qui a 2,4 millions d'abonnés au Québec, en compte 4,4 millions hors Québec. Cette chaîne est donc distribuée dans la majorité de vos circonscriptions. Elle touche des francophones en situation minoritaire, et parce que des distributeurs pourraient être moins soucieux de la diversité des voix et d'avoir du contenu français, elle risque de ne plus être dans leur offre de base à partir de la déréglementation.
    Soyez brève, madame Lavallée.
    Je ne peux pas être brève et poser ma question en moins de 30 secondes. Je vous mentirais si je disais le contraire. J'ai une question importante, mais j'aime mieux passer mon tour.

[Traduction]

     Notre temps est écoulé.
    Je veux remercier Mme Lavallée, M. Pomerleau, et tous nos témoins de leur présence aujourd'hui. Votre témoignage nous sera très utile. Merci beaucoup.
    Sur ce, la séance est levée.
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