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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 031 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 23 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Nous entamons maintenant la 31e séance du Comité permanent du patrimoine canadien, en ce mardi 23 novembre 2010. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons étudier les impacts des changements touchant la propriété de la télévision privée et l'exploitation croissante des nouvelles plateformes de visionnement.
    Nous recevons aujourd'hui M. Cardin, Mme Collins et Mme Creighton, du Fonds des médias du Canada, ainsi que MM. Mastin et Bolen, de la Canadian Media Production Association.

[Traduction]

    Nous commençons avec la déclaration liminaire du Fonds des médias du Canada.
    Merci de votre invitation. Je suis accompagnée aujourd'hui de Stéphane Cardin, vice-président, Industrie et affaires publiques, et de Sandra Collins, vice-présidente, Finances et administration. Je vais vous donner un bref aperçu, après quoi Stéphane parlera de la convergence et Sandra, de certaines des questions relatives aux groupes corporatifs de radiodiffuseurs et des sources de recettes du Fonds.
    En mars dernier, Patrimoine canadien a donné un nouveau mandat à ce qui s'appelait alors le Fonds canadien de télévision en y intégrant le Fonds des nouveaux médias du Canada qui était auparavant géré par Téléfilm. Le nouveau mandat porte sur la création et la promotion de contenu canadien innovateur de qualité et de logiciels pour les plates-formes numériques actuelles et émergentes par la prestation d'un soutien financier et la recherche de l'industrie.
    En 2009-2010, nous avons consacré un peu plus de 327 millions de dollars à la création de contenu canadien. Par ces investissements, le FMC contribue à la stratégie canadienne de l'économie numérique. Nous venons tout juste d'achever un processus annuel de dialogue avec nos partenaires industriels de tout le pays, de St. John's à Iqaluit et à Victoria. Nous nous sommes rendus dans 23 collectivités canadiennes et avons rencontré plus de 1 000 représentants du secteur. Ce processus nous permet chaque année de prendre note des préoccupations et observations de l'industrie et d'éclairer notre processus d'élaboration de lignes directrices.
    Stéphane va maintenant vous parler de nos succès et de la convergence.
    Stéphane.

[Français]

    Le FMC dispose de deux volets distincts de financement, soit le volet convergent et le volet expérimental. Par l'entremise de son volet convergent, le FMC soutient des projets télévisuels populaires, y compris les composantes médias numériques qui s'y rapportent.
    Pour vous donner une idée de nos succès dans le marché de langue française, précisons que parmi les 20 émissions les plus populaires au cours de l'année de diffusion 2009-2010, 10 étaient appuyées par le Fonds des médias du Canada. Plusieurs émissions, tant en anglais qu'en français, attirent régulièrement au-delà d'un million de téléspectateurs. Par exemple, en juillet dernier, la diffusion du premier épisode de la série Rookie Blue, sur les réseaux Global et ABC, aux États-Unis, a attiré au total neuf millions de téléspectateurs au Canada et aux États-Unis. Désormais, pour bénéficier de l'apport financier du FMC, les projets qui s'inscrivent dans le cadre du volet convergent doivent être soit dotés de composantes médias numériques à valeur ajoutée soit être diffusés sur des plateformes autres que la télévision.
    Le volet expérimental est conçu pour appuyer du contenu médias numériques à la fine pointe de l'innovation ainsi que des logiciels d'application interactifs. L'engouement pour ce financement s'est traduit par le dépôt de plus de 240 demandes de financement, pour un total de 83 millions de dollars, lors de notre premier cycle de dépôt de projets. Sur ces projets déposés, nous en avons retenu 27 pour des fins de financement, incluant des jeux interactifs, des portails Web, des applications pour la téléphonie mobile, des séries Web et des logiciels d'application, pour une participation financière totale de 12,9 millions de dollars. Le deuxième cycle de dépôt de projets s'est terminé il y a quelques jours, soit le 12 novembre dernier. Nous avons reçu près de 180 demandes de financement supplémentaire, pour une demande de 65 millions de dollars. Nous en sommes présentement à évaluer l'ensemble de ces projets.
    Manifestement, l'établissement du nouveau mandat du fonds convergent du FMC progresse et permet de développer des contenus qui seront disponibles en tout temps pour les Canadiens, sur la plateforme de leur choix.
    Sandra?
(1535)

[Traduction]

    Durant nos consultations de cet automne, nous avons pris note de certaines observations des membres de l'industrie, notamment du fait que de nombreux Canadiens abandonnent le câble et le satellite pour consommer du contenu par Internet. De fait, vous avez peut-être lu dans le « Report on Business » du Globe and Mail de ce matin un article d'un journaliste racontant son expérience de débranchement.
    Cette tendance commence à avoir une incidence sur le flux de recettes du FMC. Comme vous le savez, les contributions des sociétés de câblodiffusion et de télédiffusion au FMC représentent un pourcentage de leurs recettes de diffusion. À mesure que les Canadiens passeront du secteur réglementé au secteur déréglementé, nos recettes diminueront.
    Nous le constatons déjà dans le pourcentage de croissance des recettes des EDR, qui a déjà commencé à baisser — cela figure aussi dans le graphique que nous vous avons remis. Alors que le taux de croissance sur 12 mois s'élevait à 10 p. 100 en 2008-2009, il est tombé à 6 p. 100 en 2009-2010 et devrait chuter à 2 p. 100 cette année. Cette baisse se manifeste à la fois dans le secteur du câble et de la DTH. À l'heure actuelle, elle est un peu plus prononcée dans le secteur du câble.
    Notre autre source de recettes est évidemment le gouvernement du Canada. Sa contribution reste stable, à 120 millions de dollars, depuis 2006-2007. Pour 2010-2011, l'année en cours, nous avons reçu 14 millions de dollars de plus, somme fournie pour appuyer notre mandat élargi et qui a été versée au Fonds des nouveaux médias du Canada.
    En ce qui concerne la consolidation du secteur de la télédiffusion et son incidence sur le FMC, nous avons constaté, en particulier sur le marché anglophone, que la part des crédits du FMC fournie par ce que nous appelons les enveloppes de rendement est de plus en plus reçue par des télédiffuseurs qui font partie de groupes intégrés verticalement. Les télédiffuseurs peuvent consacrer leurs enveloppes à la production, en plus de fournir un permis de télédiffusion, et le FMC engage alors le producteur et passe un contrat avec lui. Il y a donc un moins grand nombre d'acteurs dirigeant beaucoup de production.
    Si l'on examine par exemple les enveloppes de rendement que nous avons calculées cette année pour le marché anglophone, en tenant compte de ce que seront probablement les nouvelles structures de propriété, y compris de Bell, les télédiffuseurs de ces groupes intégrés verticalement ont reçu 50 p. 100 des enveloppes de rendement du FMC. Cela comprend Bell, évidemment, pour CTV; Quebecor; Rogers; et Shaw pour Corus et CanWest.
    Si l'on considère également que 35 p. 100 sont allés à CBC, cela laisse 15 p. 100 de nos enveloppes de rendement du secteur anglophone pour les 10 canaux qui ne font pas partie d'un groupe verticalement intégré. Évidemment, cela ne vaut que pour les canaux avec lesquels nous traitons qui ont une enveloppe de rendement.
    Il est clair que l'évolution rapide de l'environnement de distribution, de télédiffusion et de production, conjuguée à la baisse des ressources du Fonds, continuera de créer de nouveaux défis pour l'ensemble du système, tout en offrant aussi de nouvelles opportunités.
    Malgré cela, après une première année de mise en oeuvre du Fonds, nous continuons de penser, du point de vue des politiques publiques, que la décision prise était la bonne. Lorsque le gouvernement nous a donné notre mandat, beaucoup de membres de l'industrie se sont interrogés sur la manière dont on allait faire avancer tout le secteur dans l'univers du numérique, mais nous pensons que le catalyseur se trouvait précisément là, dans le mandat, et que c'était clairement la bonne chose à faire.
    Je n'en donnerai pour preuve que l'intérêt dont témoignent d'autres pays qui nous demandent ce qui se passe au Canada et comment nous réussissons à en faire un succès.
    Nous continuerons d'adapter nos politiques pour continuer d'appuyer la création de contenu. À nos yeux, le Fonds est essentiellement un fonds de contenu, et nous voulons nous assurer que ce contenu est aussi innovateur et attrayant que possible afin que les Canadiens puissent le voir à leur guise, n'importe quand et n'importe où.
    Je vous remercie à nouveau de nous avoir invités à comparaître et nous répondrons avec plaisir à vos questions.
(1540)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre la déclaration liminaire de la Canadian Media Production Association.
    Bonjour monsieur le président, membres du comité.
    Nous vous remercions de nous permettre de comparaître aujourd'hui devant le comité. Notre déclaration sera brève pour laisser plus de temps à la période des questions. Avant de commencer, nous tenons à vous adresser nos félicitations, monsieur Chong, pour votre récente élection au poste de président de cet important comité. J'ai l'intention de collaborer étroitement avec vous avec les autres membres du comité dans les semaines et mois à venir.
    Je m'appelle Norm Bolen et je suis président et PDG de la Canadian Media Production Association. Je suis accompagné de Reynolds Mastin, notre avocat.
    Nous représentons des centaines de sociétés indépendantes du Canada produisant et diffusant des émissions de télévision, des films et du contenu interactif en langue anglaise. À une poignée d'exceptions près, ce sont toutes des PME, des sociétés d'entrepreneurs. Nos membres produisent du contenu qui est consommé par des millions de personnes au Canada et à l'étranger sur des écrans petits, moyens et grands. Aujourd'hui, on ne produit plus de contenu pour une seule plate-forme mais, presque toujours, pour différents types d'écrans.
    Comme vous le savez, notre association était autrefois la Canadian Film and Television Production Association. Il y a quelques mois, nous l'avons rebaptisée Canadian Media Production Association, précisément pour mieux refléter la réalité actuelle du secteur indépendant de la production et de l'univers des multiples plates-formes qui est déjà tellement présent dans la vie des Canadiens.
    Nos membres ont une incidence importante sur l'économie canadienne puisqu'ils sont à l'origine de la majeure partie des 5 milliards de dollars de production réalisée chaque année au Canada, activité qui soutient quelque 130 000 emplois créatifs de qualité.
    Bien que le rendement économique soit important, la production indépendante n'est pas qu'une affaire de gros sous et d'emploi. Grâce au contenu qu'ils produisent, les producteurs indépendants reflètent — je dirais même, célèbrent — la grande diversité qui existe dans notre vaste pays, et la fière histoire qui nous rend si uniques.
    Les gouvernements comprennent et appuient depuis longtemps le rôle fondamental des producteurs. C'est la raison pour laquelle le rôle important que jouent les producteurs indépendants dans le système canadien de télédiffusion est entériné dans la Loi sur la radiodiffusion, dont l'article 3 exige que « la production offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait… faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants ».
    Les producteurs indépendants sont un moteur clé de diversité, de créativité et d'innovation. J'aimerais croire que notre secteur est bien positionné pour contribuer de manière importante à l'économie numérique émergente du Canada mais, pour être tout à fait franc avec vous, je commence à me le demander. Si l'on veut que les producteurs indépendants soient bien positionnés pour contribuer sérieusement à l'avenir économique et culturel du Canada, certaines choses doivent changer, et changer rapidement. Nous vous félicitons d'ailleurs d'avoir lancé cette étude sur l'incidence des changements touchant la propriété de la télévision privée et l'évolution vers de nouvelles plates-formes de visionnement.
    Depuis une décennie, et certainement depuis ces dernières années, la consolidation et l'intégration massives du secteur de la télévision ont eu une incidence profonde sur les producteurs indépendants. On constate aujourd'hui un déséquilibre profond et insoutenable entre les producteurs indépendants et les télédiffuseurs, déséquilibre qui ne fait pas que miner l'innovation en contenu et la diversité de la programmation, mais menace aussi l'existence même du secteur indépendant. Nous espérons cependant que le gouvernement et tous les partis politiques continuent de croire à l'importance de la contribution des producteurs indépendants.
    La question fondamentale est en réalité très simple: continuons-nous de croire que les Canadiens ont intérêt à ce qu'un secteur de production indépendant viable et sain non seulement existe mais soit florissant? Comme des millions de Canadiens, je pense que la réponse est un oui éclatant, et c'est pourquoi je vous implore de saisir l'occasion de cette étude pour formuler des recommandations concrètes qui redresseront le déséquilibre existant actuellement dans le secteur de la télévision entre les producteurs indépendants et les télédiffuseurs.
    Reynolds, voulez-vous continuer?
    Vous vous demandez peut-être quel est exactement le problème entre les producteurs et les télédiffuseurs. Il est simple: nous en sommes réduits aujourd'hui à trois grands groupes privés intégrés de télédiffusion dans le Canada anglais. De ce fait, nos membres ont moins d'occasions de vendre leur production sur le marché de la télévision.
    Plus précisément, ces trois groupes de télédiffusion utilisent actuellement leur position dominante sur le marché — je dirais même qu'ils en abusent — pour passer des contrats léonins avec les producteurs indépendants. Ils exigent plus de droits, y compris tous les droits numériques, et offrent très peu d'argent, voire pas du tout, en compensation.
    Le regroupement des télédiffuseurs a quasiment éliminé la concurrence sur le marché canadien des droits de programmation, ce qui réduit les incitatifs des télédiffuseurs à expérimenter avec du contenu et une distribution pour des plates-formes multiples, impose des droits irréalistes et insoutenables aux producteurs indépendants, et entraîne l'élimination virtuelle de tout rendement sur l'investissement des bailleurs de fonds, dont le Fonds des médias du Canada.
    L'équation est simple: lorsque les télédiffuseurs contrôlent tous les droits, ils récoltent tous les bénéfices. Cela laisse très peu, voire rien du tout, aux autres partenaires clés qui investissent dans la programmation canadienne, comme les producteurs indépendants, le Fonds des médias du Canada et les organismes de financements provinciaux.
    La situation des producteurs indépendants n'a cessé d'empirer avec le temps. Il y a 10 ans, les télédiffuseurs négociaient des contrats de licence de trois ans avec les producteurs. Aujourd'hui, pour très peu de rémunération additionnelle, ils exigent jusqu'à 12 ans, ce qui élimine quasiment toute possibilité pour le producteur de vendre sur les marchés secondaire ou tertiaire.
    Il y a 10 ans, les télédiffuseurs négociaient pour une seule station traditionnelle et peut-être trois à cinq diffusions d'une émission pendant les trois ans de validité de la licence. Aujourd'hui, pour très peu de rémunération additionnelle, ils exigent les droits pour cette même station traditionnelle, mais aussi pour toutes les autres plates-formes de diffusion qu'ils possèdent et contrôlent, comme la télévision payante ou les chaînes spécialisées, avec en plus une diffusion illimitée sur toutes les plates-formes, les droits Internet, tous les droits pour tous les médias, les droits des produits dérivés et, très souvent, les droits sur les territoires étrangers.
    Examinons brièvement ce dernier point. Un télédiffuseur canadien dont la seule raison d'être est de diffuser sur le marché canadien usera de son pouvoir considérable pour s'emparer des droits sur tous les territoires étrangers. C'est exagéré.
    Vous me direz, pourquoi les producteurs ne se contentent-ils pas de refuser ces contrats léonins qui leur sont tellement préjudiciables? La réponse est simple: pour la plupart des producteurs indépendants, refuser ces contrats léonins revient à toutes fins utiles à suspendre leur activité, voire à mettre définitivement la clé sous la porte. Je précise aussi qu'un télédiffuseur est le seul déclencheur pour avoir accès à la vaste majorité des fonds dispensés par le Fonds des médias du Canada, et l'un des rares déclencheurs pour avoir accès au crédit d'impôt canadien sur la production de films ou de vidéos.
    Cela donne un immense pouvoir de négociation aux télédiffuseurs. Sans un contrat de télédiffusion, nos membres n'ont pas accès à la plupart des crédits du FMC ni, probablement, au crédit d'impôt. Sans accès à ces sources de financement cruciales, il y aurait beaucoup moins de production canadienne dans les genres sous-représentés comme les émissions dramatiques, les documentaires et les émissions pour enfants. Des milliers de créateurs et de techniciens de qualité perdraient leur emploi, d'un bout à l'autre du pays.
    En fin de compte, la diversité du Canada serait sensiblement réduite et les producteurs indépendants seraient beaucoup moins aptes à contribuer efficacement à l'économie numérique croissante du Canada. Voilà pourquoi nous réclamons si vigoureusement l'application d'un cadre équitable et applicable de termes d'échange entre les producteurs indépendants et les télédiffuseurs.
    Ce serait une réponse de bon sens à la propriété et à l'exploitation de tous les droits, y compris les droits numériques, et cela maximiserait la diffusion du contenu sur toutes les plates-formes. C'est là d'un objectif clé de la politique gouvernementale qui pourrait être atteint sans coût pour le contribuable et avec une intervention directe minimale, voire nulle, des instances de réglementation.
(1545)
    Avant de conclure, j'aimerais faire une brève remarque sur le Fonds des médias du Canada.
    Comme vous le savez, la contribution de Patrimoine canadien au Fonds se termine à la fin de cet exercice budgétaire. Or, ce programme est crucial pour le secteur sous-représenté de la programmation canadienne et de la production indépendante. Il est crucial qu'il soit renouvelé à long terme. Comme vous le savez peut-être aussi, nous agissons avec nos collègues du secteur de la création devant les tribunaux pour défendre l'idée que les fournisseurs de services Internet devraient être considérés comme des télédiffuseurs au titre de la Loi sur la radiodiffusion.
    Permettez-moi d'expliquer brièvement pourquoi il nous faut tant insister sur ce front.
    Avec le temps, le public canadien se tournera de plus en plus vers des plates-formes qui ne sont actuellement pas réglementées. Avec l'accélération de cette tendance, les recettes des sociétés de communications intégrées verticalement proviendront moins de leurs services de télédiffusion traditionnels par câble et par satellite et plus de leurs services d'accès à Internet. Globalement, ces sociétés finiront par gagner tout autant, si ce n'est beaucoup plus, de l'utilisation de l'Internet à haute vitesse par leurs clients.
    En même temps, elles contribueront de moins en moins au Fonds des médias du Canada puisque leur contribution ne repose actuellement que sur leurs recettes du câble et des satellites. Les chiffres montrent que les recettes du FMC issues des EDR se stabilisent déjà, comme l'a dit Valerie. Ce n'est pas une tendance positive pour le contenu canadien, pour le secteur de la production indépendante, ni pour les milliers d'emplois qui dépendent de nous dans tout le Canada.
    En conclusion, je formule quatre recommandations que nous vous invitons à intégrer à votre étude.
    Premièrement, reconnaître le déséquilibre existant actuellement entre les producteurs indépendants et les télédiffuseurs du point de vue de la négociation des droits, et son effet préjudiciable sur la diversité et l'innovation dans le système.
    Deuxièmement, recommander au ministre de Patrimoine canadien qu'il adresse au CRTC, au titre de l'article 7 de la Loi sur la radiodiffusion, l'instruction de veiller à ce que les télédiffuseurs prennent toutes les mesures voulues pour parvenir à un arrangement équitable avec le secteur de la production indépendante au sujet de la propriété et de l'exploitation de leurs droits.
    Troisièmement, appuyer le renouvellement de la contribution de Patrimoine canadien au Fonds des médias du Canada, sur une base continue. Cela assurera la stabilité tant nécessaire du système de financement et permettra aussi à toutes les parties prenantes de dresser des plans à long terme et de continuer à rehausser l'efficacité du Fonds.
    Quatrièmement, endosser la proposition voulant que toutes les plates-formes de distribution, y compris celles qui ne sont actuellement pas réglementées, soient tenues de contribuer financièrement à un fonds de soutien de la création de contenu canadien.
    Si ces éléments clés sont mis en place, j'ai la conviction que les producteurs indépendants du Canada seront bien mieux positionnés pour contribuer valablement à notre économie numérique croissante et à notre avenir culturel.
    Cela met fin à notre déclaration et je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions. Merci.
(1550)
    Merci beaucoup.
    Nous avons 40 minutes pour les questions et réponses, et nous commençons avec Mme Crombie.
    Je remercie tous les témoins d'être venus devant le comité.
    Je m'adresse d'abord à Monsieur Bolen et à Monsieur Mastin, dont l'exposé m'a beaucoup impressionnée.
    Outre les quatre recommandations que vous venez de faire, comment pouvons-nous redresser les plateaux de la balance? Comment redresser le déséquilibre existant actuellement entre les grands télédiffuseurs et les petits indépendants?
    Vous avez parlé des termes de l'échange. Est-ce que vos quatre recommandations permettront de régler cette question?
    Il y a des solutions à court terme et des solutions à long terme qu'il faut envisager.
    Dans l'immédiat, les termes de l'échange sont notre meilleure chance. Le conseil a encouragé — et je peux même dire qu'il l'a exigé, en réalité — les télédiffuseurs et les producteurs indépendants à négocier de bonne foi pour essayer de trouver un équilibre raisonnable sur le partage des droits, afin que les deux parties puissent gérer leurs entreprises avec succès. Il faut que les deux parties réussissent. Nous avons besoin d'un secteur solide de la production, mais aussi d'un secteur solide de la télédiffusion. Et nous avons besoin que les deux continuent d'avoir une plate-forme qui leur permette de prendre pied sur le marché international du numérique, élément indispensable si nous voulons une industrie solide ici. C'est la première chose.
    Deuxièmement, il y a un problème encore plus gros de transition, qui est relié à la manière dont tout l'environnement évolue. Il nous faut trouver le moyen de passer d'un système bâti sur un modèle de télédiffusion traditionnelle à un système beaucoup plus impulsé par le consommateur. Le FMC s'est déjà engagé dans cette voie. Il a commencé à créer des projets de conversion; il a commencé à financer des projets expérimentaux et il encourage une sorte de mariage forcé entre les producteurs de contenu traditionnel et les producteurs de contenu interactif, ce qui est très positif. Il faut continuer dans cette voie. Nous devons veiller à calibrer cela très soigneusement, mais il est temps aussi de remettre en question certaines vaches sacrées.
    Les télédiffuseurs devraient-ils être les seuls déclencheurs ou devrions-nous en trouver d'autres? Comme de nouvelles plates-formes et de nouveaux acteurs du marché deviennent des demandeurs et des distributeurs de contenu, eux aussi devraient commencer à avoir accès aux différentes sources de financement disponibles. On devrait aussi se demander si les producteurs ne devraient pas avoir accès directement à ces fonds, sans avoir à passer par les télédiffuseurs.
    Voilà certaines des choses qu'il convient d'examiner dans un contexte plus large.
    Excellent. Mon temps de parole étant limité, je vais poser mes questions très rapidement.
    En ce qui concerne l'impact de l'intégration verticale, les avantages et les inconvénients pour les Canadiens, mais aussi l'impact sur les producteurs et créateurs indépendants, comment pouvez-vous quantifier autrement l'impact négatif que cela a produit?
    Le vrai problème, si vous êtes un producteur indépendant, c'est que vous êtes à la merci des télédiffuseurs. C'est à prendre ou à laisser. Il y a moins de télédiffuseurs sur le marché qu'il y a cinq ou dix ans, c'est-à-dire moins de clients. C'est une chose.
    Étant donné leur puissance commerciale, les télédiffuseurs obtiennent plus de droits pour pas beaucoup plus d'argent. Le producteur n'a pas de stock propre et, dans la mesure où les télédiffuseurs monnayent les droits qu'ils lui achètent, il ne partage pas ce revenu. On voit ainsi les marges de ces producteurs indépendants être de plus en plus comprimées. Ce sont de très petites marges, à peine suffisantes pour accumuler un minimum de capital dans l'entreprise, alors que les télédiffuseurs deviennent de plus en plus gros, de plus en plus forts, de plus en plus riches et de plus en plus rentables. C'est David contre Goliath.
(1555)
    Quelle est la situation dans les autres pays, par exemple aux États-Unis? Comment les producteurs sont-ils financés? Ont-ils d'autres sources de revenus? Reçoivent-ils des revenus des autres plates-formes? Y a-t-il des redevances? Quel est le modèle commercial?
    Le système américain est complètement différent. Il est dominé par les grands studios, en grande mesure, et les grands télédiffuseurs qui produisent eux-mêmes du contenu, dans certains cas, ou le financent à 100 p. 100. Ils ont ce qu'on appelle une « industrie de production de services ». Donc, généralement, le télédiffuseur paie 100 p. 100 du budget d'une émission, le producteur la fabrique et il touche sa rémunération. Le téléviseur possède les droits de l'émission, un point c'est tout. Sur le marché canadien, les droits de licence des télédiffuseurs ne couvrent en moyenne que 35 p. 100 à peu près du budget total des émissions. Le reste de l'argent provient de subventions gouvernementales, sous forme de crédits d'impôt du Fonds des médias du Canada, ce qui est en partie de l'argent provenant des consommateurs, ou de ventes étrangères, d'avances sur distribution et d'honoraires différés. C'est un système complètement différent.
    Si les télédiffuseurs canadiens payaient la totalité du coût de production, notre situation serait complètement différente, mais ce n'est pas le cas. Les producteurs assument un risque non négligeable mais ils ne partagent pas les recettes comme ils le devraient. C'est un système complètement différent.
    Qu'en est-il des autres juridictions, du point de vue de vos sources de revenus? Tirez-vous des revenus d'Internet ou des autres plates-formes non traditionnelles?
    Ces plates-formes ne génèrent pas de quantités massives de revenus, en tout cas pas autant que les plates-formes traditionnelles.
    Prenons le cas du Royaume-Uni où le gouvernement a pris note il y a quelques années du même déséquilibre que chez nous et a donné à sa version du CRTC, Ofcom, l'instruction de veiller à ce que les producteurs gardent une plus grande partie de leurs droits. Ofcom a imposé aux télédiffuseurs britanniques des termes de l'échange qui permettent aux producteurs de conserver une plus grande partie des droits. Cela s'est traduit par la croissance de certaines grosses sociétés de production qui ont réussi à développer leurs activités parce qu'elles étaient beaucoup mieux capitalisées. De fait, la situation au Royaume-Uni est un succès dont le Canada pourrait s'inspirer.
    Merci beaucoup, Madame Crombie et Monsieur Bolen.
    Madame Lavallée.

[Français]

    Madame Creighton, vous avez parlé des subventions qui ont été accordées. Vous nous avez présenté beaucoup de chiffres, et je n'ai pas eu le temps de les noter tous. J'aimerais que vous me rappeliez le nombre de demandeurs et que vous me disiez si vous avez la répartition de ce nombre par province.

[Traduction]

    La première chose que je dois dire est que le Fonds est sur-sollicité d'environ 50 p. 100. Autrefois, avant le système des enveloppes, c'était premier arrivé, premier servi. On n'était pas obligé d'avoir une licence de télédiffusion, et les sociétés de production faisaient la queue aux portes de l'ancien FCT.
    Actuellement, nous appuyons juste un peu plus de 400 en production — je vous donne les chiffres de l'an dernier —, environ 352 en développement, et un petit nombre de projets de doublage pour pouvoir les diffuser dans les deux langues.
    En production, nous faisons en moyenne 400 à 450 projets chaque année.

[Français]

    Êtes-vous en mesure de me dire quelle est la répartition de ces 450 projets par province?
    Ces données peuvent être disponibles. Néanmoins, je peux vous dire que les deux tiers de notre financement sont consacrés à la production en langue anglaise et qu'un tiers de ce dernier est alloué à la production en langue française. C'est d'ailleurs précisé dans l'accord de contribution que nous avons conclu avec le gouvernement du Canada. En outre, 10 p. 100 de ce tiers qui est destiné à la production en langue française doit être octroyé à des producteurs de l'extérieur du Québec. Dans le cas des 90 p. 100 restants, il s'agit généralement en grande partie de production québécoise en langue française.
    Est-ce que ça représente 10 p. 100 de 33 p. 100?
    Il s'agit de 90 p. 100 de 33 p. 100.
    Et cette proportion est allouée au Québec?
    Grosso modo.
    Avez-vous remarqué si des demandes différentes ou plus élevées, par rapport à celles des autres provinces, venaient du Québec?
    Dans le cadre du volet convergent, non. Par contre, dans celui du volet expérimental, le Québec et la Colombie-Britannique se sont démarqués lors de notre premier cycle de financement. Ce volet soutient les projets qui n'ont aucun lien avec la télévision. Il s'agit de projets innovateurs destinés au Web, à la téléphonie mobile, aux jeux de console, et ainsi de suite. À l'intérieur de ce volet, la répartition était d'un tiers-deux tiers, mais évidemment, plusieurs projets étaient bilingues.
(1600)
    Pourquoi dites-vous « bilingues »?
    En ce sens qu'il n'y a pas vraiment de version originale, par exemple dans le cas des jeux de console.
    C'est fait dans les deux langues.
    Exactement.
    Donc, le Québec et la Colombie-Britannique se sont démarqués pour ce qui est des demandes, mais se sont-ils démarqués également quant aux projets retenus?
    Absolument.
    Dans le cadre de votre volet convergent, vous fonctionnez toujours de la même façon: quand une demande est soumise par un producteur qui veut mettre sur pied une émission de télévision, par exemple, vous exigez qu'il ait un site Web. Est-ce exact?
    Cette année, des mesures de flexibilité sont en vigueur. Les demandeurs doivent produire des composantes pour les médias numériques, c'est-à-dire du contenu à valeur ajoutée pour le Web, la téléphonie mobile ou d'autres plateformes numériques. Autrement, la convergence est reflétée par la stratégie de distribution. Par exemple, si un projet télévisuel est distribué sur une plateforme de vidéo sur demande ou sur le Web en diffusion en mode continu — ce qu'on appelle en anglais le streaming —, il devient admissible.
    Quelle partie du budget allouez-vous à ce que j'appellerais la plateforme numérique, d'une part, et aux oeuvres télévisuelles traditionnelles, d'autre part? Comment évaluez-vous cela?
    Nous avons des règles. Le budget alloué aux productions télévisuelles est beaucoup plus élevé que celui consacré aux composantes médias numériques. Cette année, dans le cas des composantes médias numériques, nous pouvions fournir au maximum 50 p. 100 du financement, et ce, jusqu'à concurrence de 200 000 $ par composante numérique. Du côté télévisuel, les budgets sont plus élevés.
    Merci.
    C'est déjà fini?

[Traduction]

    Monsieur Angus.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je faisais partie du comité lors de la soi-disant crise du Fonds canadien de télévision, quand M. Péladeau et M. Shaw ont décidé qu'ils n'avaient pas à respecter les obligations de leurs contrats et qu'on ne pouvait leur imposer aucune pénalité monétaire administrative pour les y forcer. Le comité s'était donc penché sur la question. M. Shaw disait : « Je n'aime pas les Trailer Park Boys. Ça me suffit comme raison pour ne pas payer ma part au Fonds ». M. Péladeau, quant à lui, disait : « Ça ne me dérange pas de payer dans un Fonds à condition que je puisse utiliser l'argent pour ma production interne ».
    À l'époque, le Nouveau Parti démocratique s'était demandé comment on devrait rebâtir le Fonds. Nous étions tout à fait en faveur d'assurer un volet numérique car il semblait nécessaire de faire entrer notre production dans le XXIe siècle. Nous étions cependant préoccupés, et nous le sommes encore, quant à l'aptitude de tous les acteurs à utiliser un Fonds, surtout lorsque nous devenons de plus en plus concentrés.
    Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où Bell téléphonie mobile est un télédiffuseur, et il semble... Je n'ai rien contre Bell, ce serait la même chose avec Rogers. C'est certainement un beau contrat quand vous pouvez obtenir un contenu exclusif et un accès exclusif à votre émission favorite, ou peut-être obtenir votre émission exclusive pendant les trois premières semaines de l'année, après quoi un autre fournisseur de service peut la reprendre une fois que tout le monde a cessé de la regarder.
    Madame Creighton, êtes-vous inquiète, étant donné que l'autre partenaire à cette table est le contribuable canadien et que nous avons mis beaucoup d'argent dans ce Fonds des médias du Canada… Si nous payons pour du contenu, ce n'est pas pour financer des guerres entre les compagnies de téléphone. Comment pouvons-nous nous assurer que ce pour quoi nous payons sera vu par les gens?
    La première chose à dire est que Shaw et Québécor ont continué de contribuer au Fonds. Certains changements, qui fonctionnent bien, ont été mis en oeuvre l'an dernier au sujet d'allocations pour un télédiffuseur produisant à l'interne. Ni l'inquiétude exprimée à l'époque par le secteur de la production indépendante, ni le besoin exprimé par le secteur de la télédiffusion ne semblent s'être avérés. Historiquement, nous avons vu les quantités traditionnelles de production interne des télédiffuseurs et de leurs affiliés. Je pense que les choses se sont beaucoup calmées.
    En ce qui concerne l'exclusivité, la situation est manifestement hors contrôle. Ce n'est pas un domaine dans lequel nous pouvons intervenir entre les belligérants. Notre mandat est de veiller à ce que du contenu soit vu et accessible par les Canadiens n'importe où, n'importe quand. Nous continuons de penser que c'est un mandat très important et je crois qu'il y a certaines protections en matière d'exclusivité dans l'environnement réglementaire actuel du CRTC.
    Sandra ou Stéphane ont peut-être quelque chose à ajouter.
    En ce qui nous concerne, l'environnement qui permet à ce contenu d'être largement diffusé aux Canadiens est le meilleur environnement car notre but est de veiller à ce que ce contenu puisse être vu par le maximum de gens. Ce n'est pas nous qui réglementons ou contrôlons ça.
(1605)
    Je comprends.
    Monsieur Bolen, parlons un peu de vos recommandations. Après vos recommandations, vous avez lancé une idée que j'aimerais creuser, c'est-à-dire que, si nous sommes sur cette plate-forme numérique... et, je le répète, je n'ai rien contre les télédiffuseurs traditionnels. Je suis heureux que le FMC soit là pour les télédiffuseurs traditionnels, qui jouent un rôle important, mais il me semble que nous avons désormais une occasion énorme d'aider la production indépendante à devenir internationale en étant capable d'obtenir des fonds pour commencer un projet, en étant capable d'aller sur Twitter, d'aller sur Facebook, d'aller sur YouTube, de faire parler d'elle sans avoir à céder à l'avance ses droits et ceux de ses enfants et petits-enfants pour un projet qui risque de ne jamais sortir des cartons.
    Pensez-vous qu'il serait utile d'élargir l'enveloppe avec laquelle le FMC expérimente actuellement pour permettre aux producteurs de mettre certaines idées de programmes à l'essai, afin de voir s'ils peuvent obtenir de meilleurs termes de l'échange et de nouveaux partenaires au lieu de devoir obtenir un permis de télédiffusion? Il me semble que, si vous n'avez pas de permis de télédiffusion et si votre projet ne décolle pas, il sera très difficile d'assurer des termes de l'échange équitables.
    C'est une bonne question.
    Je pense que tout le secteur doit se pencher sur cette question. Comme je l'ai dit, nous devons évoluer, mais nous devons calibrer très soigneusement cette évolution. La vérité est que la grande majorité des revenus de la consommation du contenu tombe encore actuellement dans les caisses de l'industrie de la télévision. Les dollars du monde en ligne et du monde numérique sont beaucoup plus petits, et c'est un monde très fragmenté. Il est très difficile de se battre contre la machine américaine sur le marché international étant donné les coûts de marketing que cela exige.
    Nous ne pouvons pas nous attendre à avoir un succès immédiat sur le marché du numérique étant donné qu'il faut du contenu de grande qualité. Or, le contenu de grande qualité coûte cher. La majeure partie de l'argent est encore dans la télévision. Ça commence à changer et on voit de plus en plus d'argent commencer à émerger sur les autres plates-formes. Je pense que toute l'industrie doit s'asseoir avec tout le monde et réfléchir très sérieusement à cela. Le FMC tient continuellement des consultations à ce sujet, et nous examinons précisément cette question attentivement car il ne fait aucun doute que nous allons devoir changer le système. Nous avons un vieux système basé sur un contexte différent et il faut qu'il évolue.
    Je n'ai pas de réponse précise sur les mécanismes précis qu'il faudrait mettre en place pour ça mais nous devons y prêter plus attention.
    Si vous me permettez de répondre à votre autre question sur l'exclusivité de contenu, nous croyons très fermement, en qualité de producteurs indépendants, que tout contenu produit avec de l'argent du Fonds des médias du Canada ou des crédits d'impôt, c'est-à-dire avec de l'argent du contribuable, devrait être diffusé le plus largement possible et devrait être accessible au plus grand nombre possible de Canadiens. C'est un argument contre l'exclusivité. En qualité de contribuable, si je paye pour du contenu, pourquoi devrais-je être privé de la possibilité d'y avoir accès, simplement parce qu'il se trouve que j'utilise une marque de téléphone plutôt qu'une autre, ou que j'ai un abonnement plutôt qu'un autre?
    Merci beaucoup, Monsieur Bolen.
    Merci beaucoup, Madame Creighton.
    J'ajoute que nous pensons certainement qu'il arrivera un moment, avec l'évolution de cette convergence, où l'exigence d'un permis de télédiffusion ne pourra plus être le seul déclencheur. Prenons les documentaires comme exemple. Il y a à peu près trois endroits où les producteurs de documentaires peuvent obtenir un permis actuellement mais, pourtant, une bonne partie de ce contenu, surtout en provenance du Nord, aura des télédiffuseurs européens, de la distribution numérique ou d'autres sources de distribution. Elle ne sera tout simplement pas admissible au fonds parce que nous sommes encore un peu pris dans les règles de la Loi sur la radiodiffusion du point de vue de la nécessité d'avoir un permis de télédiffusion dans le flux convergent.
    Manifestement, si nous sommes maintenant le Fonds des médias du Canada, cela a des conséquences du point de vue de qui déclenche le fonds, qui verse de l'argent dans le fonds, et comment nous évoluons vers ça. À mesure que l'autre côté de l'univers sur le côté du numérique prend plus de place, que du contenu est réalisé et que des flux de revenus commencent à se développer, et que le marché de la publicité se déplace de plus en plus vers ce secteur, il est clair que nous devons être libérés du déclencheur d'un permis de télédiffusion pour pouvoir appuyer ce genre de contenu.
    Comme l'a dit Norm, il y a toute une série de questions de calibrage qui se posent, et sur où nous allons et à quelle vitesse nous y allons car, clairement, les gens n'abandonnent pas la production de contenu télévisé. Nous devons toujours être capables de faire concurrence sur le marché américain sur ce front aussi.
(1610)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Del Mastro.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Pour commencer, Valerie, je suis ravi d'entendre à nouveau parler du succès du Fonds des médias du Canada. C'est à l'évidence un outil d'une importance cruciale pour les créateurs de ce pays, et je pense que la valeur de ce genre de fonds a été démontrée. Je pense aussi que c'est un fonds très progressiste.
    La dernière fois que nous nous sommes parlés, vous prépariez un rapport sur l'affectation de l'élément numérique du fonds. Avez-vous des progrès à nous communiquer?
    Nous venons tout juste de terminer la première ronde, qui a été fortement sur-sollicitée, et la deuxième ronde vient juste d'être close. Nous sommes juste à l'état de l'analyse pour mettre toute cette... Vous parlez de la filière expérimentale?
    Oui.
    Nous sommes juste à l'étape de l'analyse. Nous rassemblons toute cette information en termes de demande et de taux de succès, ainsi qu'en termes de types de projets qui sont sortis. Je pense que Stéphane… Nous avions quelques chiffres là-dedans. C'est environ le triple de ce que nous pouvons appuyer en termes de ressources disponibles.
    Dans la première ronde, nous avons reçu des demandes pour plus de 80 millions de dollars. Nous avions 16,2 millions de dollars à notre disposition. En fin de compte, nous avons appuyé 27 projets en production. Il y avait là-dedans des jeux en ligne, des jeux de console, des applications pour téléphones mobiles, des sites Web, des portails Web, quelques séries Web, et quelques logiciels d'application.
    Nous venons juste d'ouvrir la deuxième ronde. Cette fois, nous avons reçu environ 160 demandes pour environ 60 millions de dollars.
    C'est très intéressant. Je suppose que nous devons nous attendre à ce que les approbations soient toutes des approbations d'assez grande qualité. Considérant le nombre de demandes que vous recevez, ça suscite à l'évidence beaucoup d'intérêt.
    Comme les critères pour l'innovation étaient les plus élevés dans ce programme, l'une des choses que nous avons mises en oeuvre cette année a été de réunir un jury d'experts canadiens et internationaux pour nous aider dans l'évaluation des critères d'innovation, parce que c'était une pièce tellement importante. Nous avons pensé que le programme d'innovation en particulier est beaucoup examiné cette année et nous voulons avoir certains gros succès avec ça, donc nous avons pensé faire appel à la meilleure expertise au monde pour le processus de décision, et je pense que cela a été bénéfique au processus.
    Excellent. Je vous souhaite beaucoup de succès. J'attendrai avec beaucoup d'intérêt de voir certains des résultats de ces investissements.
    Monsieur Bolen, je m'intéresse à cette question des droits des producteurs. Ça fait plusieurs fois que j'entends ça. Le CRTC en a parlé brièvement l'autre jour. Il est intéressant que Telus en ait aussi parlé dans le contexte de l'intégration verticale.
    J'aimerais savoir quelle proposition vous mettriez sur la table. Personnellement, j'adorerais voir une solution issue de l'industrie. Je n'aime pas vraiment les solutions fondées sur la réglementation car je pense que cela a tendance à freiner l'investissement et à nuire à l'industrie en fin de compte. Que suggérez-vous que nous fassions? Y a-t-il des ajustements à l'intérieur du Fonds des médias du Canada? D'après vous, que devrions-nous faire, en qualité de législateurs, pour équilibrer les choses, si elles sont vraiment déséquilibrées?
    Merci de cette question.
    Je vais demander à Reynolds de vous donner des détails, mais je peux dire que nous aussi souhaitons une solution émanant de l'industrie. Nous sommes actuellement en négociation avec les télédiffuseurs, mais ces négociations ne se tiendraient pas si le conseil n'avait pas insisté pour qu'une sorte de cadre soit négocié. La question est de savoir ce qui arrivera si les négociations échouent. Dans ce cas, le conseil a dit qu'il déterminerait quels termes seraient mis en place.
    J'aimerais que Reynolds parle brièvement de certaines des choses que nous souhaitons.
    Merci, Norm.
    Je ne vais pas vous donner trop de détails parce que nous sommes sur le point de recommencer les négociations avec les télédiffuseurs.
    Essentiellement, ce que nous mettons sur la table, c'est un modèle qui, selon nous, fournira aux télédiffuseurs un véhicule pour acquérir des droits pour de multiples plates-formes. Nous admettons certainement qu'ils ont besoin d'un faisceau de droits sur le marché intérieur pour réussir. En même temps, nous voulons parvenir à une sorte d'arrangement assurant que les producteurs obtiendront une part du succès de la distribution de ce contenu sur toutes ces diverses plates-formes.
    La question fondamentale au sujet des termes de l'échange est de savoir si nous réussirons à trouver un arrangement équitable. Évidemment, les télédiffuseurs ont un avis différent du nôtre là-dessus, mais c'est quelque chose qui est vraiment au premier plan de nos négociations sur les termes de l'échange.
(1615)
    Merci beaucoup, monsieur Mastin et monsieur Del Mastro.
    C'est maintenant au tour de M. Wilfert.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne suis pas membre régulier de ce comité.
    Je n'ai que deux questions à vous poser. La première concerne les plates-formes de distribution pour appuyer le contenu canadien. Vous parlez de plates-formes de visionnement non réglementées et, évidemment, des implications pour les mécanismes de financement canadiens. Pouvez-vous préciser? Il semble y avoir un gouffre là. Qu'est-ce qui vous sépare, exactement, et qu'est-ce qu'il faudrait pour amener les deux parties à s'entendre?
    C'est à moi que vous posez la question?
    Voulez-vous parler de gouffre en ce qui concerne qui fournit l'argent?
    Oui.
    Pour nous, le système de réglementation fournit les revenus de la diffusion directe par câble et par satellite puisqu'un pourcentage des revenus de la société va au contenu canadien. Sur cela, c'est 5  p. 100 et, sur ces 5  p. 100, 20  p. 100 vont aux fonds privés et 80  p. 100 vont au Fonds des médias du Canada.
    En ce qui concerne la question de politique, s'il est vrai que les gens coupent le fil, comme on dit, ou renoncent à leur service de câblodiffusion pour voir le contenu autrement, et les tendances commencent certainement à le prouver, l'exigence pour cette société intégrée verticalement, selon nous, n'est que sur le côté diffusion directe à la maison par câble et par satellite. Elle n'est pas obligée de verser des recettes au fonds pour tous ses autres côtés opérationnels.
    Donc, la migration d'intérêt vers Internet n'est pas couverte.
    C'est exact.
    Cela a évidemment une incidence sur vos revenus.
    Ça se pourrait. Comme nous l'avons dit, nous sommes normalement ravis des revenus provenant du côté EDR parce que nous dressons nos budgets de manière très prudente. Si la chance leur sourit, nous en profitons. Ces revenus supplémentaires ont été de 7 p. 100 à 10  p. 100. Ils sont tombés à 6  p. 100 l'an dernier…
    Et c'est 2 p. 100 maintenant.
    … et à 2  p. 100 cette année. La tendance est claire.
    Il y a une tendance dans l'autre sens.
    Oui.
    Que ce soit du point de vue de la politique ou du point de vue de la réglementation, que recommanderiez-vous au comité pour essayer de renverser ça?
    Notre système d'enveloppes s'appelait autrefois « système d'enveloppes de radiodiffuseur ». Nous avons laissé tomber le mot « radiodiffuseur » parce que nous pensons vraiment que, s'il y a d'autres distributeurs de contenu, comme les telcos ou les FSI, qui veulent effectivement fournir du soutien au contenu, ils devraient pouvoir gagner une enveloppe avec nous, parallèlement aux télédiffuseurs.
    Je suppose que la question suivante est de savoir s'ils devraient aussi contribuer au système. Je suis sûre que vous avez entendu beaucoup d'arguments des deux côtés de la question. Pour nous, c'est une question d'extension logique. Si le contenu des médias se déplace vers ces autres plates-formes, et s'il y a des joueurs qui veulent diffuser, nous serons heureux de travailler avec eux pour faire en sorte qu'ils gagnent une enveloppe pour continuer d'exercer cette responsabilité de produire le contenu et d'en retirer de l'argent.
    Je le répète, nous n'avons rien à voir avec la réglementation ou la politique. Nous recevons nos ordres de Patrimoine canadien et des EDR quant à la manière dont la politique se déploie. Ces questions de réglementation se règlent à un autre niveau que le nôtre. Tout ce que nous essayons de signaler à tout le monde, c'est que cette tendance se manifeste. Elle se manifeste plus rapidement que nous l'avions prévu, je pense, et elle aura probablement un impact, au final, sur la quantité d'argent qu'il y a dans le système pour la production de contenu.
    C'est toujours agréable, monsieur le président, quand l'industrie trouve elle-même la solution mais, évidemment, si ce n'est pas le cas, l'une de nos fonctions, à mon avis, en qualité de députés, et certainement de gouvernement, est d'abord d'assurer le contenu canadien et ensuite de faire en sorte que les voix canadiennes soient entendues. Si elles ne sont pas entendues, si elles se font expulser, alors il faut avoir des mécanismes en place, je pense, pour faire entrer ces autres éléments dont vous avez parlé pour assurer en fait que le financement est là. En outre, du point de vue de la réglementation ou du point de vue de la politique, il faut dire très clairement quels sont les objectifs que nous avons fixés et quels sont les instruments dont nous avons besoin pour atteindre ces objectifs.
    Y a-t-il d'autres instruments que vous recommanderiez au comité qui pourraient être utiles dans son étude?
(1620)
    Je m'empresse de répondre, si vous êtes prêt à entendre ma réponse.
    L'hon. Bryon Wilfert: Absolument.
    Nous préférons les laisser faire.
    Amen. Il leur est difficile de suggérer des politiques.
    Je ne suis qu'un remplaçant.
    Je pense que, dans le secteur de la production indépendante et dans une grande partie de la communauté des créateurs, on a la ferme conviction que les fournisseurs de services Internet devraient payer une redevance qui irait dans des fonds de production. Il faut mettre de l'argent dans le contenu et financer le contenu. Les fournisseurs de services Internet deviennent les EDR, les télédiffuseurs, de demain.
    Le conseil a renvoyé ça devant la Cour fédérale, et la Cour fédérale a dit non, les FSI ne sont pas des télédiffuseurs et le conseil n'a donc pas compétence. Nous appuyons une contestation de cette décision devant la Cour suprême. On verra ce qui arrivera. Si nous échouons devant la Cour suprême, il faudra une solution législative. Il n'y a strictement aucune raison pour que le gouvernement canadien ne mette pas en place une législation qui forcerait les FSI à faire une modeste contribution, à même leurs grosses sources de revenus, pour appuyer le contenu canadien. Voilà la réponse.
    Ça me semble très logique.
    Nous, de l'autre côté, leur permettrons de constituer une enveloppe pour participer, tout comme le système de télédiffusion.
    Merci pour cela.
    Merci.
    Monsieur Pomerleau.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
     Monsieur Bolen, je suis très heureux que vous ayez employé l'exemple du Royaume-Uni. À mon avis, on invoque trop souvent les Américains, dont le système est si différent du nôtre que nous ne pouvons pas facilement arriver à des conclusions intéressantes en nous y référant. Vous dites qu'au Royaume-Uni, l'équivalent du CRTC a réussi à réglementer, légiférer ou mettre tout ce beau monde à contribution pour régler le problème. Qu'est-ce qui empêche le CRTC de faire la même chose ici, selon vous?

[Traduction]

    Le CRTC a dit qu'il souhaite voir un accord sur les termes de l'échange, et il encourage les parties à négocier. Il exige que les télédiffuseurs aient un accord en place lorsqu'ils viendront aux audiences sur les permis de groupes au printemps. C'est donc très positif.
    Toutefois, comme vous le savez, le conseil et le président n'ont pas cessé de dire qu'ils souhaitent s'ingérer le moins possible entre les forces du marché et qu'ils souhaitent avoir la main légère. Ils préfèrent nous voir trouver une entente. Ils ont dit que, s'il n'y a pas d'entente, ils devront réfléchir aux conditions qu'ils pourraient imposer aux producteurs et aux télédiffuseurs en ce qui concerne le partage des droits. Il y a donc cette menace. Menace est peut-être trop fort, mais il y a ce potentiel. Il y a cette motivation pour les deux parties à essayer de s'entendre.
    Au final, si nous ne parvenons pas à une entente, si les télédiffuseurs continuent d'essayer de négocier un accord qui n'est pas mesurable et n'est pas imposable, simplement un énoncé de principes généraux — ce n'est pas ce dont nous avons besoin, il nous faut du concret —, nous dirons alors certainement au conseil qu'il se doit de mettre en place quelque chose qui a du sens et qui peut être imposé et réglementé.

[Français]

    Vous avez utilisé l'image de David contre Goliath pour illustrer vos négociations avec les radiodiffuseurs. Ce sont eux, en fin de compte, qui ont votre marché entre les mains. Comment pensez-vous arriver à négocier et à tirer quelque chose de ces négociations?

[Traduction]

    L'appui du conseil envers l'idée d'un accord sur les termes de l'échange est important. Nous avons eu beaucoup de difficulté à fixer les termes jusqu'à présent. Nous parlons de cette question aux télédiffuseurs depuis de nombreuses années. Nous avons eu des discussions d'analystes. Nous allons essayer encore une fois. Nous avons simplifié nos propositions. Nous comprenons que les télédiffuseurs ont des besoins. Nous voulons qu'ils obtiennent ce dont ils ont besoin, mais nous voulons notre part des bénéfices, et nous voulons conserver certains des droits qui sont traditionnellement les nôtres.
    Nous verrons bien. Nous sommes optimistes et nous abordons ça de bonne foi en espérant trouver une entente. Avons-nous beaucoup de pouvoir? En fait, le pouvoir que nous avons émane de l'importance que nous avons dans le système, de la passion de nos membres, de leur engagement envers ces idées, de l'appui du conseil, et de la réalisation par les télédiffuseurs qu'il est dans leur propre intérêt de parvenir à un accord équitable avec nous car, sans nous, ils ne peuvent pas réussir et, sans eux, nous ne pouvons pas réussir.
    Je suis peut-être un doux rêveur mais je crois que nous devrions faire encore une tentative sérieuse. Nous verrons bien si ça marche. Sinon, nous ferons encore plus vigoureusement appel au gouvernement. Nous avons demandé au gouvernement d'invoquer l'article 7 pour renforcer l'instruction du conseil aux télédiffuseurs, et c'est ce que nous réclamerons avec encore plus de force.

[Français]

    C'est vous, la poule aux oeufs d'or.
     Pour ce qui est de vos recommandations, j'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur la quatrième. Il est question d'obtenir un peu d'argent.
(1625)

[Traduction]

    On dit que les FSI devraient être taxés. Reynolds a participé à notre action en justice et, avec nos autres partenaires, à notre appel devant la Cour suprême. Il peut peut-être vous donner des détails.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Nous avons demandé à la Cour suprême le droit d'interjeter appel sur la question de savoir si les fournisseurs de services Internet, lorsqu'ils fournissent de la télédiffusion à leur clientèle, font de la radiodiffusion au sens de la Loi sur la radiodiffusion. Si la cour estime que tel est le cas, cela les obligera, au titre de la Loi sur la radiodiffusion, d'apporter leur propre contribution à la création de contenu canadien. Voilà le coeur même du problème soumis à la Cour suprême, si elle accepte ce renvoi.
    En outre, toujours au titre de la Loi sur la radiodiffusion, cela donnerait au conseil le pouvoir de décider ultérieurement s'il conviendrait de faire payer aux FSI une somme adéquate pour aider à financer la création de contenu canadien.
    Merci beaucoup.
    M. Roger Pomerleau: Merci.
    Le président: Monsieur Galipeau.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    Maître Mastin, vous parliez plus tôt du Canada anglais. Qu'entendiez-vous par là?
    Une voix: Ah non!
    M. Royal Galipeau: Vous avez eu votre tour, et c'est maintenant le mien.

[Traduction]

    Les Canadiens qui consomment du contenu de langue anglaise.
    Cela comprendrait-il, par exemple, CFCF et CBMT?
    C'est ma seule question.
    Je vous en prie, monsieur Armstrong.
    Merci à tous de votre présence et merci de vos exposés que j'ai trouvés très convaincants.
    Monsieur Cardin, quelle proportion du flux expérimental a été investie dans les jeux l'an dernier, en gros?
    À la première ronde?
    Oui.
    Il y avait 12 projets sur les 27 à l'étape de production. Je n'ai pas encore les résultats de la deuxième ronde étant donné qu'elle s'est terminée le 12 novembre.
    Connaissez-vous les résultats de cet investissement? Combien de ces sociétés ont effectivement réalisé un profit ou obtenu un résultat?
    Il est encore trop tôt pour le dire car nous fournissons l'argent à l'avance et elles vont maintenant entrer en production avec les fonds que nous leur avons fournis.
    Ça s'est terminé juste en octobre.
    Vous avez dit que le programme avait été très sur-sollicité. Donc, vos organisations ont dû choisir des gagnants et des perdants, évidemment. Vous avez dit aussi que vous aviez fait venir une équipe d'experts dans ce domaine pour choisir les projets les plus viables. Quel genre de critères avez-vous donnés à cette équipe d'experts?
    Je précise que ce n'était pas une question de viabilité. Bien que nous fournissions un investissement en capital et que nous espérions récupérer des revenus avec les projets dans lesquels nous investissons, le critère du flux expérimental, comme je l'ai dit, est l'innovation. Donc, les projets ont été choisis selon leur qualité innovatrice. C'était le facteur d'évaluation primordial. À part cela, nous évaluons aussi la qualité de l'équipe de production, le plan d'affaires et la stratégie de distribution.
    Très bien.
    En ce qui concerne l'innovation, pouvez-vous me donner un exemple précis de projet qui vous a particulièrement impressionné et que vous avez effectivement financé?
    Sur les 27?
    Choisissez-en un que vous avez jugé particulièrement innovateur, afin que je puisse comprendre ce que veut dire l'innovation dans le domaine des jeux.
    Pour les jeunes et les enfants, il y a beaucoup de projets. En termes d'illustration et de qualité artistique, des choses comme ça, il y a des choses qui sont couramment disponibles sur le marché dans un produit physique. Il y a une société qui est venue proposer un logiciel qui permettrait d'avoir ces mêmes fonctionnalités, et il était spécialement conçu pour la plate-forme Nintendo DS, qui est très populaire chez les préadolescents, par exemple. Il s'agissait donc de prendre un concept existant déjà sur le marché, mais en apportant une nouvelle stratégie de distribution pour essayer d'attirer une nouvelle clientèle par une forme différente de distribution.
(1630)
    Merci beaucoup, monsieur Armstrong.
    Je remercie tous les témoins de leur présence et de leurs exposés.
    Nous allons suspendre la séance quelques minutes pour permettre aux témoins suivants de s'installer.

(1635)

[Français]

    Bienvenue à la 31eséance du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous recevons deux groupes, soit l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec et Corus Entertainment Inc.

[Traduction]

    Nous commençons avec l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec.
    Bonjour, mesdames et messieurs. Je tiens à remercier les membres du Comité permanent du patrimoine canadien de nous donner l'occasion de nous exprimer sur les effets de la concentration dans l'industrie des communications au Canada et, plus particulièrement, au Québec.
    Je m'appelle Claire Samson et je suis présidente et PDG de l'APFTQ, l'Association des producteurs du Québec. Je suis accompagnée de Suzanne D'Amours, consultante.
    Votre comité se questionne sur les répercussions de l'intégration verticale grandissante entre les grands fournisseurs de contenu et les fournisseurs de services de téléphonie mobile et d'accès Internet. Tout d'abord, permettez-moi de vous démontrer le poids relatif de ces deux industries, soit celle des télécommunications, les telcos, et celle de la radiodiffusion, de la distribution, des EDR et de la programmation radio et télévision.
    Selon les données du CRTC, en 2009, l'industrie des telcos représentait 41 milliards de dollars alors que celle de la radiodiffusion représentait globalement 14,5 milliards de dollars — 7,5 milliards pour les EDR et 7 milliards pour la programmation radio et télévision. Toutes les EDR et les telcos majeurs oeuvrent maintenant dans les deux secteurs, et les activités de télécommunications sont devenues leurs sources principales de revenus. Ces contrôleurs d'accès accaparent 88 p. 100 des revenus de l'industrie des communications au Canada.
    Quatre grands groupes — BCE, Shaw, Rogers et QMI — contrôlent six des sept réseaux nationaux et régionaux conventionnels — CTV, Global, CityTV, A-Channel, OMNI et TVA — et accaparent 80 p. 100 des revenus totaux des services facultatifs privés. Ce sont ces mêmes entreprises qui contrôlent l'accès Internet, la télédistribution et la téléphonie mobile. Ces entreprises, pour continuer de prospérer, doivent offrir aux consommateurs une variété de produits et de contenus.
    Force est de constater que l'activité principale des entreprises qui contrôlent la radiodiffusion est autre que la radiodiffusion. Ce sont les telcos qui génèrent le plus de revenus, qui présentent le plus grand potentiel de croissance et où s'exerce la concurrence la plus féroce. Alors que le taux de croissance moyen des trois dernières années des services de programmation en radiodiffusion est de 1,6 p. 100, il se situe à 10,3 p. 100 pour les EDR. L'objectif principal des entreprises de communications intégrées est de monopoliser le foyer, par exemple, d'y devenir le prestataire unique de services d'accès Internet, de télédistribution, de téléphonie filaire et de téléphonie sans fil. Pour ce faire, elles multiplient les rabais aux abonnés selon qu'ils cumulent deux, trois ou quatre de ces types de services. Une autre façon de financer ces rabais serait d'en refiler la facture aux services de programmation en réduisant les paiements d'affiliation qu'elles leur versent ou en exerçant de fortes pressions à la baisse sur leurs tarifs mensuels de vente en gros.
    Jusqu'à maintenant, l'objectif des services de programmation, petits, grands, indépendants ou affiliés, était d'obtenir la plus large distribution possible de leurs programmations sur toutes les plates-formes. À l'avenir, l'objectif risque d'être l'exclusivité des contenus pour inciter le consommateur à s'abonner à un service de télécommunications. BCE, au moment de l'annonce de l'achat de CTV, a déclaré qu'elle n'entendait pas rendre les contenus qu'elle achetait disponibles pour la télédiffusion mobile à d'autres fournisseurs de ce type de services que Bell.
    La nouvelle réglementation du CRTC ouvre la voie à de telles pratiques, même pour les télévisions privées conventionnelles, puisqu'elle leur octroie le droit de retrait de leur signal en cas d'échec de négociations sur le paiement de redevances à la juste valeur marchande. Cette stratégie s'appuie évidemment sur le contrôle des services commerciaux de programmation les plus performants ainsi que d'autres médias ou contenus porteurs résultant d'un accroissement parallèle de la propriété croisée multimédia et d'ententes exclusives de diffusion sur certaines plates-formes.
    En fait, il s'agit moins aujourd'hui d'assurer la rentabilité des services de programmation, mais bien d'assurer qu'ils contribuent à accroître la pénétration et les revenus des autres services offerts par l'entreprise d'accès Internet, de téléphonie mobile et de télédistribution. Juste pour donner un aperçu, sachez que les rendements des EDR sont de 26 p. 100 pour la télédistribution des services télévisuels et de 69 p. 100 pour les services hors programmation, principalement Internet. Et évidemment, ces services ne sont pas réglementés par le CRTC. En bref, les contrôleurs d'accès sont en position pour gagner sur tous les terrains.
(1640)
    Ils sont largement déréglementés autant face aux consommateurs — déréglementation du tarif du service de base — qu'aux services de programmation, et ils contrôlent financièrement le système de radiodiffusion et le système de télécommunications canadien. Finalement, les diffuseurs indépendants, ceux qui ne sont pas possédés par des contrôleurs d'accès, seront marginalisés et fragilisés dans un pareil environnement. Leur puissance financière ne peut se comparer à celles des contrôleurs d'accès et leur pouvoir de négociation face à ces derniers se rétrécit au fur et à mesure de la réduction de leur protection réglementaire et cela à des degrés divers selon qu'ils soient des services privés commerciaux, un diffuseur national ou encore une télévision éducative ou sans but lucratif.
    Au Québec, par exemple, un seul réseau régional privé de télévision conventionnelle demeurera non lié à un contrôleur d'accès: V. Un seul grand groupe de propriété de licences multiples de service facultatif n'est pas lié un contrôleur d'accès: Astral Média. Tous deux exercent exclusivement ou principalement leurs activités de télédiffusion dans le marché de langue française qui se caractérise par la concentration très forte en ce qui a trait à la distribution de radiodiffusion et à l'accès à Internet.
    QMI dessert 51 p. 100 des abonnés à la télédistribution au Québec alors qu'au Canada aucune EDR individuelle ne dessert plus de 25 p. 100 des abonnés. Astral est sans doute le groupe qui est le mieux en mesure de résister face aux entreprises de communications intégrées. Cependant, tout comme V, il devient une cible de choix pour ces entreprises qui disposent d'une grande puissance financière dans un contexte de retour en force de la théorie selon laquelle la convergence technologique doit, pour réussir, s'appuyer sur une forte propriété croisée multimédia. À terme, la logique économique actuelle favorise l'élimination de tous les joueurs privés indépendants de taille significative.
    Le rôle de Radio-Canada change dans cet univers en mutation. Radio-Canada devrait être en mesure de prendre sa place dans cet univers en raison de son statut législatif et juridique défini dans la Loi sur la radiodiffusion et sa masse critique. Elle a 26 stations de télévision locale affiliées à deux réseaux nationaux, 84 stations de radio affiliées à ses quatre réseaux radiophoniques nationaux, un service sonore payant, Galaxie, cinq services spécialisés de catégorie A, un site Web des plus sophistiqués et TOU.TV.
    Avec des ressources financières garanties sur une base pluriannuelle, Radio-Canada pourrait être en mesure d'exercer son leadership et de consacrer des sommes essentielles au financement de la programmation canadienne de ses services de télévision et de radio et de nouveaux médias. On doit reconnaître que Radio-Canada a été précurseur dans le développement de ces plates-formes de diffusion de nouveaux médias et bénéficie aussi d'une grande capacité de promotion croisée.
    En ce qui concerne le rôle du CRTC pour garantir la diversité des voix dans cet environnement médiatique, l'enjeu fondamental de la diversité des voix concerne évidemment l'ensemble des composantes — publiques, privées et communautaires — du système canadien de radiodiffusion ainsi que toutes les catégories d'entreprises de radiodiffusion, qu'elles soient de programmation ou de distribution.
    À notre avis, la seule façon d'assurer la diversité des voix dans ce nouvel environnement est de maintenir une réglementation qui aura pour objectif d'établir un cadre qui donnera à tous les groupes de radiodiffusion la latitude nécessaire pour s'adapter à l'évolution rapide du milieu des communications tout en s'assurant que le contenu présenté par le système canadien de radiodiffusion ait un caractère distinctement canadien.
    Cet objectif implique que le CRTC et les parties intéressées tiennent compte du rôle capital des créateurs et des producteurs canadiens dans le système de radiodiffusion; des différentes conditions d'exploitation dans lesquelles fonctionnent les radiodiffuseurs de langue française et anglaise, ainsi que leurs besoins différents, qui existent malgré des points communs; du rôle du diffuseur public dans un univers des communications en constante évolution.
    Dans le but de rencontrer les objectifs de la loi, le CRTC a conçu une réglementation et des politiques destinées à garantir que le système de radiodiffusion offre une diversité de voix et qu'une programmation reflétant les intérêts de tous les Canadiens ait un accès raisonnable au système.
(1645)
    Nous souhaitons que le CRTC maintienne cette réglementation et ces politiques, mais nous souhaitons aussi qu'il envisage d'établir des règles spécifiques pour l'industrie de la radiodiffusion par Internet et téléphonie mobile. Le CRTC a toujours refusé de réglementer ce secteur de l'industrie et nous pensons que maintenant il est pertinent de revoir sa position à ce sujet.
    Finalement, nous pensons que le gouvernement canadien devrait donner au CRTC des pouvoirs de pénaliser les diffuseurs qui ne respectent pas leurs conditions de licence.
    La dernière question que je souhaite aborder est le rôle du Fonds des médias du Canada et des autres mécanismes de financement afin d'assurer la réussite de nouveaux programmes avec les plates-formes médiatiques de la prochaine génération.
    Tout d'abord, mentionnons que nous devons nous assurer du financement de l'ensemble des contenus destinés aux différentes plates-formes de diffusion que ce soit pour la télévision, Internet ou la téléphonie mobile.
    Le Fonds des médias du Canada a développé de nouveaux programmes pour répondre aux objectifs exprimés par le ministre du Patrimoine canadien, à savoir, financer la production d'applications multimédias liées à des émissions de télévision supportées par le FMC ainsi qu'à la production de contenus interactifs originaux destinés aux nouvelles plates-formes, tels le Web et la téléphonie mobile. Tout cela en n'apportant aucun financement additionnel pour ces nouvelles productions.
    Il est trop tôt pour connaître les résultats de ces nouvelles mesures de financement puisque les programmes ont été mis en oeuvre en 2010. Cependant, nous sommes convaincus que le désir de financer plus de productions originales sur diverses plates-formes de diffusion avec les mêmes moyens financiers ne peut donner qu'une diminution de la qualité des produits ou encore une diminution du nombre de productions canadiennes originales.
    L' APFTQ aimerait exprimer ici sa vive déception à la décision du CRTC de ne pas réglementer la radiodiffusion sur Internet et appareils mobiles et de ne pas créer une obligation de contribution à la production canadienne pour les fournisseurs de ces services. Nous demeurons persuadés que le moment était venu d'instaurer certaines balises de contenu canadien disponible sur ces plates-formes et d'aides financières spécifiques à la production de ce contenu.
    En préservant un système à deux vitesses, l'un réglementé l'autre pas, nous anticipons un glissement accéléré des activités de radiodiffusion de la télévision vers les nouveaux médias, et ce, sans aucune protection ou promotion de la production nationale. C'est une occasion manquée de stimuler le secteur canadien de la production multiplateforme et d'un risque de voir la culture canadienne perdre un espace privilégié sur nos écrans.
    De plus, le gouvernement canadien devrait envisager d'ouvrir son programme de crédit d'impôt à la production cinématographique canadienne s'il veut assurer un financement adéquat des productions dédiées aux nouvelles plates-formes de diffusion que sont Internet et la téléphonie mobile.
    En terminant, votre avis de motion ne fait pas état des impacts de la concentration dans l'industrie des communications sur l'industrie de la production indépendante canadienne. Cette industrie, par sa diversité des bassins de création et des entreprises qui la composent, a permis à l'industrie de la radiodiffusion de prospérer et d'attirer un très grand auditoire particulièrement dans le système de radiodiffusion de langue française. Actuellement, les producteurs indépendants doivent se battre pour exploiter les droits de diffusion pour les différentes plates-formes de diffusion.
    Le CRTC a informé les radiodiffuseurs canadiens qu'ils devraient s'entendre avec les producteurs indépendants pour négocier des ententes commerciales qui tiendront compte des nouveaux droits d'exploitation pour les multiplateformes. Malgré des propositions fort peu exigeantes de notre part, aucun des télédiffuseurs, qu'il soit public ou privé, n'a accepté de signer une entente reconnaissant que le paiement d'une licence de radiodiffusion n'accorde pas tous les droits d'exploitation des émissions qu'ils acquièrent.
    Dans un contexte d'intégration verticale grandissante entre les grands fournisseurs de contenus et les fournisseurs de services de distribution, d'Internet et de téléphonie mobile, il faut s'assurer que les contenus seront exploités judicieusement en respect des détenteurs des droits et des créateurs.
    Nous vous remercions de votre intérêt et sommes prêtes à répondre à vos questions.
(1650)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à la déclaration liminaire de Corus Entertainment Inc.
    J'allais dire bon après-midi, monsieur le président, mais je dirai bonne soirée car je pense qu'il y a probablement déjà quelqu'un en ville qui a commandé un martini.
     C'est l'après-midi.
    C'est l'après-midi.
    Je m'appelle Garry Maavara et je suis vice-président exécutif et avocat général de Corus Entertainment. Je suis accompagné de Sylvie Courtemanche, notre vice-présidente aux relations gouvernementales.

[Français]

    Nous souhaitons remercier le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Nous regrettons toutefois que le délai entre l'invitation et notre comparution ne nous ait pas permis de traduire notre allocution. Cela étant dit, nous croyons que les tableaux compris dans notre document sont visuellement intuitifs.

[Traduction]

    Je crois comprendre que le comité souhaite que cette déclaration soit brève. Nous allons donc simplement parler des changements affectant notre modèle commercial et des questions d'échelle.
    Corus Entertainment est l'une des plus grandes sociétés médiatiques du Canada. Nous exploitons plus d'une douzaine de services de télévision spécialisée et payante. Nous possédons Nelvana, l'un des premiers producteurs au monde d'émissions animées pour enfants. Corus a investi plus de un milliard de dollars dans la production de contenu canadien.
    Ces dernières années, nous avons cherché des manières nouvelles et innovatrices d'exploiter les nouveaux marchés issus de la technologie. Notre objectif est d'utiliser diverses plates-formes numériques pour distribuer notre contenu directement à la clientèle, pas seulement au Canada mais dans le monde entier. Corus fournit du contenu canadien pour de multiples plates-formes, comme KidsCo en Europe, en Asie et en Afrique, et qubo aux États-Unis. Corus est également le plus grand éditeur de livres pour enfants au Canada.
    Dans ce contexte, nous comparaissons aujourd'hui devant le comité en qualité de société jouant plusieurs rôles différents dans l'économie canadienne. Corus est une société tout à fait canadienne. Nous sommes un télédiffuseur ici et dans le monde mais nous sommes aussi un grand producteur de contenu sous une multitude de formes. À l'échelle mondiale, cependant, nous sommes petits. Même très petits.
    Monsieur le président, membres du comité, les marchés de la télévision et des médias sont devenus extrêmement complexes. Corus tire ses revenus de quatre sources: les abonnements télévisés, la publicité, les ventes d'émissions et de livres, et les ventes de produits dérivés. Lors de notre dernière comparution devant le comité, nous avons défendu une approche de la politique de réglementation fondée sur ce que nous appelons les six grands objectifs de Corus. Vous en trouverez la liste complète en annexe à ce script, que nous avons distribué, et je n'en mentionnerai que deux maintenant, par manque de temps.
    Le premier grand objectif de Corus est le suivant: favoriser une industrie sous propriété canadienne mondialement compétitive. Nous devons reconnaître explicitement que nous oeuvrons sur un marché mondial, même quand nous oeuvrons au niveau local. Ces marchés sont extrêmement complexes. Le tableau que nous avons fourni illustre la manière dont notre environnement des médias a changé.
    Monsieur le président, nous avons des tableaux en grand format que nous communiquerons avec plaisir au comité. Je conviens que celui-ci est un peu difficile à lire.
    Sur la gauche, vous pouvez voir que nous ne sommes plus à l'époque des activités bien séparées où chacun savait ce qu'était la photographie, ce qu'était la poste, ce qu'était la musique, ce qu'étaient les magazines, la télévision, le cinéma, etc.
    Sur la droite, vous voyez que tout cela s'est intégré dans un grand bassin numérique. Nous avons maintenant tous ces types de médias et de formes de communication qui s'entrecroisent. Nous avons indiqué aussi certains des grands noms, dont aucun n'est canadien, qui dominent aujourd'hui le secteur.
    La notion de marché intérieur change rapidement. C'est un marché complexe où les acteurs les plus puissants ne sont pas canadiens. Vous devez aligner nos politiques et règles intérieures de façon à nous permettre d'avoir un système sous propriété canadienne qui soit mondialement compétitif. Nous ne pouvons plus protéger notre marché intérieur. Les barrières que nous avons érigées pour protéger les médias canadiens deviendront un piège si nous ne tenons pas compte de ce changement. L'émergence des nouvelles plates-formes médiatiques accroît la concurrence pour le contenu et pour la publicité.
    Il y a de nouvelles technologies perturbatrices, comme on dit, comme le iPad, qui devraient... Oui, ça joue.
    Excellent film, en passant.
(1655)
    Ça joue un film canadien, One Week, qui est excellent et dont nous sommes très fiers. Corus a aidé à le financer.
    Je l'ai acheté hier soir sur iTunes à mon hôtel et j'ai pu le télécharger sur cet appareil en quelques minutes. Le nouvel appareil de télévision de Apple dont on parle aujourd'hui dans le Globe and Mail est en vente au centre commercial du bas de la rue et permet d'apporter l'expérience Internet dans votre téléviseur. Je ne veux pas nécessairement endosser Apple TV mais je vous encourage à en faire l'expérience. Il suffit de brancher l'appareil et, hop, tout arrive dans votre téléviseur.
    Des sociétés comme Apple et Google sont en train d'envahir très rapidement les marchés traditionnels réglementés de la télévision. Aucun de ces services n'est obligé de partager son espace avec les acteurs canadiens ou de diffuser du contenu canadien répondant à des normes canadiennes.
    Voici le deuxième grand objectif de Corus: accroître la probabilité de succès de l'industrie canadienne des médias en encourageant la création d'entreprises plus grosses et plus fortes.
    Corus est un acteur important sur le marché canadien, mais très petit sur le marché mondial. Le tableau que nous avons préparé indique la valeur boursière de certaines sociétés. Ce qui est intéressant se trouve à gauche. Les nouveaux acteurs des médias comme Google, qui possède YouTube, que vous avez certainement tous déjà utilisé, et Apple, que j'ai déjà mentionné, sont des géants même par rapport à un Goliath médiatique traditionnel comme Disney. Google et Apple sont sept fois plus grosses que BCE, notre plus grande société médiatique au Canada. Netflix, dont on a beaucoup parlé il y a quelques semaines quand elle a annoncé son incursion au Canada, a une valeur boursière de neuf milliards de dollars, soit la même chose que Corus, Astral et Quebecor réunis.
    Cette puissance financière — les producteurs vous en ont parlé — leur donne les ressources voulues pour innover, acheter du contenu et attirer nos talents. Par exemple, Google Inc. a investi près de 1,5 milliard de dollars US en recherche et développement en 2007, et le chiffre n'a fait qu'augmenter depuis. C'est plus que les revenus de l'an dernier de tout le secteur canadien de la radio. Nous devons tous comprendre que ce problème d'échelle est encore pire dans le royaume numérique que dans la radiodiffusion traditionnelle, et c'est ce qui fait qu'il est très difficile de participer pleinement au monde des nouveaux médias.
    Pour participer aux marchés numériques, Corus doit aussi s'attaquer à la question cruciale de la gestion des droits numériques. Nous devons faire des investissements énormes dans la technologie pour attirer et protéger nos droits et pour former nos employés afin qu'ils puissent utiliser cette technologie. D'ailleurs, nous invitons les membres du comité à visiter Corus Quay à Toronto, où vous verrez une installation technologique d'avant-garde, dont la construction nous a coûté dans les neuf chiffres.
    Notre environnement des médias est en train de changer. Vous le savez très bien. Cependant, vous devez aussi comprendre que notre aptitude à réglementer et à protéger le marché intérieur est limitée. Nous devons trouver une nouvelle combinaison d'incitatifs, de soutiens et de protections pour préserver une présence canadienne dynamique. Nous avons besoin d'une certaine échelle pour faire de la R-D et pour fabriquer le contenu qui nous aidera à être compétitifs chez nous. Pour atteindre cette échelle, nous devrons revoir notre politique axée contre l'intégration verticale. Nous pouvons utiliser d'autres outils de politique publique pour assurer la diversité et l'accès à de nombreuses voix.
    Quels sont ces outils? Pour le moment, je me contenterai de dire que nous avons recommandé au processus de l'économie numérique la création d'un panel d'experts pour examiner toutes ces questions.
    Monsieur le président, membres du comité, j'arrête là notre exposé et nous répondrons avec plaisir à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous avons une trentaine de minutes pour les questions et réponses, et nous commençons avec Mme Crombie.
    Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Monsieur Maavara, je tiens à mentionner publiquement ma bonne amie Lisa Lyons, votre PDG actuelle de Kids Can Press, qui fait un travail tout à fait remarquable.
    Madame Samson, votre description de la structure de propriété de l'industrie me donne l'impression qu'il s'agit d'un oligopole de quatre grands groupes. Je veux aller au coeur du problème.
    Le problème est-il la contraction du marché ou plutôt l'intégration verticale? Qu'en pensez-vous?
    Je ne suis pas sûre de bien comprendre votre question.
    Il n'y a que quatre sociétés qui ne cessent de se racheter l'une l'autre, n'est-ce pas? Il y a concentration de l'industrie, plutôt qu'intégration verticale.
(1700)
    Je pense que l'intégration verticale et horizontale est certainement…
    Quel est le plus gros problème?
    Comment pouvons-nous atténuer l'impact de l'intégration verticale? Quelle est la solution? Vous avez parlé un peu d'une plus grande réglementation. Pensez-vous que le CRTC devrait intervenir plus?
    Je pense que la réglementation est une clé importante, certainement une clé assurant que différents membres de l'industrie pourront survivre, ou en tout cas l'un d'entre eux.
    La deuxième solution, comme je l'ai dit, est qu'il serait important non seulement que le CRTC réglemente Internet et les nouvelles plates-formes, mais aussi que ces nouvelles plates-formes commencent à contribuer au financement du contenu canadien.
    Tout le monde convient en ce moment que le contenu est roi, que c'est la chose la plus importante pour la technologie. Certains de ces nouveaux fournisseurs de services ont maintenant des coffres pleins de produits pour le financement desquels ils n'ont pas fourni un sou.
    C'était exactement ma question. Comment pouvons-nous mieux financer le contenu, surtout des producteurs petits et indépendants? Est-ce que c'est par le FMC? Comment mieux financer le contenu?
    Si ces fournisseurs de services étaient tenus de contribuer au FMC pour la production de contenu canadien de qualité, ce serait certainement un bon début.
    Êtes-vous préoccupée au Québec? C'est plus un marché protégé. Les quatre sociétés que vous avez décrites sont essentiellement au Canada anglais. Êtes-vous préoccupée par l'augmentation de la concentration au Québec et son incidence sur le marché?
    Quebecor est au Québec, essentiellement, et il y a donc certainement des préoccupations au sujet de la concentration au Québec. Il y a là-bas une intégration verticale complète.
    Je pose la même question à M. Maavara.
    Pouvez-vous répondre à nos préoccupations au sujet de la concentration accrue de l'industrie et de l'incidence importante qu'elle a et continuera d'avoir?
    C'est une excellente question mais je pense que, chaque fois que vous faites une analyse économique et que vous l'intégrez à une analyse de politique, vous devez aussi vous interroger sur les hypothèses. Vous devez les examiner très attentivement.
    Je suis entré en affaires en 1973 et je pense que certaines personnes présentes dans cette salle se souviendront que le marché de la programmation comprenait à l'époque essentiellement, sur le marché anglophone, CBC et CTV et, au Québec et sur le marché francophone, SRC et TVA. Il y avait quatre marchés et, en fait, ils n'achetaient pas grand-chose.
    Le marché a évolué avec un plus grand nombre de stations mais, si vous l'examinez aujourd'hui, nous avons en fait plus d'acheteurs d'émissions. Quelqu'un parlait tout à l'heure d'une réduction du nombre d'acheteurs. Le nombre de canaux ne va pas baisser. Le besoin de contenu augmente presque quotidiennement.
    Par exemple, nous allons lancer au printemps le réseau d'Oprah Winfrey sur lequel nous fondons beaucoup d'espoir. Il diffusera beaucoup de nouveaux contenus canadiens, et la bonne nouvelle est qu'une partie de ce contenu ira sur les marchés étrangers. Pourquoi? Parce qu'Oprah l'a vu et qu'elle aime beaucoup certaines de nos idées.
    Je vais vous poser une dernière question avant la fin de mon temps de parole.
    D'accord.
    En ce qui concerne la concentration accrue de l'industrie, avez-vous vraiment besoin d'être plus gros pour être meilleur et pour être mondialement plus compétitif?
    La dernière fois qu'un secteur est venu devant le comité, il y a de nombreuses années — je crois que mon collègue était présent —, c'était le secteur bancaire, qui réclamait lui aussi plus de fusions des banques pour qu'elles soient mondialement compétitives. Ces fusions n'ont pas été autorisées à l'époque.
    Pourquoi pensez-vous qu'il faudrait plus de concentration de l'industrie, plus de fusions, pour être plus mondialement compétitif?
    Le problème que nous avons dans chaque secteur des médias est le besoin de capital.
    Par exemple, il y a eu des audiences dans la circonscription de M. Angus au sujet d'Internet haute vitesse. L'un des objectifs de la politique du gouvernement est que la seule manière de rester compétitif est de fournir Internet haute vitesse partout. Quelqu'un va devoir payer pour ça. Qu'il s'agisse d'une combinaison de capital public et de capital privé, ça exigera beaucoup de capital.
    Ces questions sont en grande mesure les mêmes qu'ont dû résoudre les fondateurs de ce pays avec la création du chemin de fer. Nous allons devoir investir dans la technologie.
    Prenez Corus Quay, par exemple. Il n'y a pas un producteur membre du groupe de Norm Bolen — je précise en passant que nous sommes l'un des plus gros producteurs et que nous ne sommes pas membres de son groupe — qui aurait pu financer ne serait-ce que le système de gestion du contenu que nous utilisons à Corus Quay. Il n'y a pas une seule banque de ce pays qui aurait dit oui pour ça.
(1705)
    Merci.
    Monsieur Wilfert, vous pouvez intervenir brièvement.
    Je veux juste revenir sur une remarque ou deux, monsieur le président.
    Vous dites qu'on ne peut plus protéger le marché canadien. J'essaye d'analyser cela du point de vue du contenu canadien et des voix canadiennes. Vous dites que le contexte actuel ne répond pas à la demande du marché. Comment pouvez-vous concilier ces deux remarques?
    Ce que nous voulons dire, c'est qu'on ne peut plus simplement supposer qu'on peut ériger un mur autour du marché canadien et supposer que certaines des règles du passé — par exemple, la prestation d'un espace linéaire sur un canal linéaire — permettront d'amener les spectateurs à regarder les émissions. La réalité est que, quand vous rentrerez chez vous ce soir et que vous ouvrirez votre téléviseur, vous choisirez vous-même ce que vous voulez voir.
    Ce que nous essayons de faire, d'un point de vue commercial, c'est… Nous avons beaucoup appuyé le secteur des EDR dans son environnement de la VSD. Notre position est que, si les Canadiens veulent regarder une émission, aujourd'hui, nous devons leur donner cette émission immédiatement et essayer de la diffuser par le canal des EDR. Pourquoi? Parce que c'est là que se situe le marché aujourd'hui. Nous ne voulons pas que notre contenu passe sur certaines de ces plates-formes perturbatrices. En tant que producteur, parfait, à court terme nous allons peut-être gagner un peu d'argent.
    Au fait, il n'y a actuellement pas d'argent dans l'environnement numérique. Si les producteurs veulent jouer dans l'environnement numérique, très bien, mais qu'ils deviennent alors nos partenaires et qu'ils mettent la main à la poche.

[Français]

    Thank you very much.
    Madame Lavallée.
    Merci beaucoup.
    Madame Samson, vous avez dit plus tôt dans votre présentation que le CRTC refusait de réglementer le secteur Internet, sauf erreur. Est-ce bien ce que vous avez dit? Ensuite, vous avez abordé les sujets de la téléphonie mobile et des EDR.
    Jusqu'à aujourd'hui, le CRTC n'a imposé aucune réglementation aux fournisseurs de services Internet ou de téléphonie mobile, quant aux investissements qu'ils devaient consentir au contenu canadien.
    N'est-ce pas difficile présentement pour le CRTC? Je ne prends pas sa part, mais disons que je me fais l'avocat du diable. Dans le contexte actuel, comme il y a deux lois, la Loi sur les télécommunications, à laquelle sont assujetties les EDR, la téléphonie mobile et Internet, et la Loi sur la radiodiffusion, ne trouvez-vous pas que le CRTC a une bonne raison pour ne pas le faire?
    Le CRTC a peut-être une bonne raison. Néanmoins, le gouvernement a la possibilité d'améliorer la Loi sur la radiodiffusion ou la Loi sur les télécommunications, finalement, pour s'assurer que les fournisseurs de services qui bénéficient de l'exploitation du service canadien investissent aussi dans le contenu canadien.
    Il ne faut pas oublier non plus que le CRTC ne réglemente pas les produits nouveaux médias, c'est-à-dire les nouveaux médias en radiodiffusion, qui sont reconnus comme de la radiodiffusion, mais qui sont distribués par Internet.
    Donnez-moi un exemple. De quoi parlez-vous exactement?
    Un service de radiodiffusion: les vidéos sur demande — les VSD — vont diffuser par exemple des émissions de télévision par Internet. Or c'est de la radiodiffusion et c'est donc susceptible d'être réglementé par le CRTC. Le CRTC a pris la décision de ne pas réglementer cela pour laisser de l'espace afin qu'on exploite ou qu'on explore ce nouveau marché. Actuellement, on peut voir que le marché est assez ouvert de ce côté.
    Pensez-vous que la fusion de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion serait une première solution?
    Je vous avouerai, madame Lavallée, qu'on n'a pas examiné cette question de façon très pointue. Il y aurait sûrement beaucoup d'impacts, et on pourrait émettre des réserves.
    Quand je n'aurai rien à faire une fin de semaine, je pourrai vous envoyer les deux lois et vous pourrez regarder ça à un moment donné.
    Oui, je pourrais faire ça, mais on ne s'est pas encore penchés là-dessus de façon aussi pointue pour pouvoir en mesurer les avantages et les inconvénients.
    Vous souhaitez tout de même que les EDR, les VSD, la téléphonie mobile ainsi que la Toile fassent l'objet d'une réglementation.
    Y a-t-il des endroits dans le monde où ces technologies sont réglementées? Et quel genre de réglementation y met-on en place pour que soient atteints les objectifs que vous voulez atteindre aujourd'hui?
(1710)
    Probablement que le premier pays à y arriver sera la France, qui commence. On ne prétend pas que le Canada est en retard par rapport au reste du monde. Cependant, on voit qu'il y a quand même des tendances à l'échelle internationale. En effet, on tend à encadrer de plus en plus les nouvelles technologies, la distribution des produits nationaux fondés sur ces technologies. Et il y a certes une volonté de faire en sorte que tout le monde contribue raisonnablement à la production du contenu.
    Je vais vous donner un exemple de ce que j'ai entendu que faisait la France. Par exemple, M. Sarkozy a lui-même annoncé — c'est assez étonnant, d'ailleurs — que Google serait dorénavant soumis à des taxes sur les recettes publicitaires qu'il récoltait en France. Cela permettait de générer des revenus puisqu'on se disait que ça n'avait pas de sens que Google vienne en France chercher les recettes publicitaires et reparte avec cela aux États-Unis. Ce n'est là qu'un exemple, et je sais bien qu'il ne semble pas qu'il y ait là un contrôle ou un polissage du contenu.
    Si on réglementait, si le CRTC ou une autre instance encadrait ce qui se fait actuellement dans le domaine de la téléphonie mobile, les VSD ou les EDR, quels seraient vos objectifs? Dans quelle direction voudriez-vous qu'on aille?
    L'exemple que vous donnez a un effet à court terme, qui est celui que l'on recherche aussi. Il s'agit de faire en sorte que si Google paie une taxe sur les revenus publicitaires qu'il tire du marché français, cela donne au moins au gouvernement français la possibilité de réinvestir en tout ou en partie ces sommes dans la production de contenus français.
    C'était l'objectif.
    C'est un moyen.
     En ce qui nous concerne, on souhaiterait que tous les joueurs de l'industrie contribuent au financement.
    Il y a un autre aspect très important que M. Bolen a très bien exprimé plus tôt. Il faut qu'on réussisse au Canada, également, à trouver des conditions d'entente avec les radiodiffuseurs. Cela ferait en sorte que, compte tenu de l'intégration, quand vous iriez négocier avec celui qui possède la câblodistribution, Internet, la télévision et les canaux spécialisés, il vous donnerait la même valeur de licence que ce qu'il vous donnait il y a quatre ans.
     En achetant toute les plateformes, le producteur indépendant ne peut pas arriver. Les ayants droit ne font pas d'argent. Ils ne veulent pas payer pour le contenu. S'ils ne contribuent pas au contenu, pourquoi retiendraient-ils toute l'exploitation et en retireraient-ils tous les bénéfices?
    Vous parlez des EDR?
    Des EDR.
    Les radiodiffuseurs sont justement à vos côtés. Allez-y! Négociez! Ah, ah!
    Merci.
    Je pense que M. Maavara veut dire quelque chose.

[Traduction]

    J'ai débuté en 1972, et je suis donc plus âgée, ou j'ai commencé plus tôt. À vous de choisir.
    Des voix: Oh, oh!
    En fait, nous avons travaillé ensemble lors des Jeux olympiques, il y a de nombreuses lunes. Nous ne dirons pas en quelle année.
    La question de la fiscalité est excellente. Je pense que Google paie probablement des impôts sur ses revenus au Canada, mais l'une des recommandations que nous avons adressées au gouvernement est que l'article 19.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu soit appliqué aux médias numériques. Cela rendrait la publicité dispendieuse sur les sites étrangers, comme c'est le cas pour la télévision canadienne. Nous pensons que ce serait un grand incitatif.
    Merci.
    Monsieur Angus.
    Merci beaucoup.
    Cette discussion est fascinante.
    Monsieur Maavara, je m'intéresse toujours aux projets de Corus. C'est une société très intéressante.
    Je reviens sur cette question de l'article 19.1 car c'est l'un des mécanismes de soutien que nous avons mis en place pour appuyer un marché ou protéger un marché. Vous dites qu'il faut l'appliquer aux nouvelles plates-formes médiatiques. Voulez-vous dire que cela s'appliquerait à YouTube.ca pour la diffusion de produits canadiens, ou voulez-vous parler de médias spécifiques?
    Essentiellement, cela s'appliquerait à toute son activité commerciale au Canada. Ainsi, quiconque ferait de la publicité sur ces sites ne pourrait pas réclamer une déduction fiscale à ce titre, ce qui rendrait cette publicité plus coûteuse. Cela a très bien marché dans le secteur de la télévision. Selon la dernière estimation, je pense que ça valait environ 60 millions de dollars, et sans que cela coûte un sou au contribuable.
    La difficulté — et nous savons que c'est une difficulté — serait de définir ce qu'est un média numérique. C'est une question vraiment très difficile mais je sais que certaines personnes y réfléchissent. Si nous pouvons trouver cette définition, nous pensons que ce serait une manière formidable de récupérer une partie de cette valeur.
(1715)
    C'est une excellente suggestion.
    Madame Samson, c'est un grand plaisir de vous revoir. Vous défendez avec passion la classe créative de notre pays.
    L'autre jour, nous discutions avec M. von Finckenstein qui nous disait qu'il est encore trop tôt pour savoir quelles seront les conséquences de la concentration massive des médias résultant de ces achats d'entreprises.
    Vous avez été en quelque sorte en avance sur nous dans le contexte québécois, avec Quebecor et son vaste empire intégré verticalement et très peu d'autres options. Quelle a été votre expérience comme société de production indépendante au Québec?
    Ce que nous avons constaté avec l'intégration, au cours des années, c'est une érosion de la capacité des producteurs de négocier des contrats équitables qui donneraient évidemment aux télédiffuseurs certains droits d'exploitation commerciale de la production mais permettraient aussi aux producteurs de vendre leur production à l'étranger ou de lui donner une deuxième vie.
    Quand j'examine les contrats que les producteurs doivent signer ou sont amenés à signer avec certains télédiffuseurs — et je ne dis pas que c'est seulement Quebecor car Radio-Canada a aussi ses petites mauvaises habitudes à cet égard... Je l'ai déjà dit au CRTC. La seule chose que je n'ai pas encore vue dans ces contrats, jusqu'à présent, c'est l'obligation de faire en même temps un don d'organe. Tout le reste, je l'ai déjà vu. Ainsi, j'ai vu récemment un contrat dans lequel le producteur demandait un rendez-vous à un télédiffuseur pour lui vendre une série. Le télédiffuseur lui a envoyé une lettre disant: « Avant de vous rencontrer, signez ici ». Cette lettre disait qu'il acceptait de venir présenter son émission et sa nouvelle idée et son nouveau concept, et que, si le télédiffuseur décidait de ne pas acheter, le producteur ne pouvait pas faire la même proposition à un autre télédiffuseur pendant 18 mois.
    Que peut-on faire dans un tel cas? Il y a trois ou quatre décideurs qui sont producteurs et personne ne veut se mettre ces quatre clients potentiels à dos. Évidemment, dans ce cas, le producteur a décidé de ne pas aller rencontrer le télédiffuseur parce que son exigence était abusive. Il n'allait certainement pas accepter une telle contrainte mais, évidemment, cela ne favorise pas de bonnes relations d'affaires quand il n'y a que quatre clients potentiels.
    J'ai déjà entendu cet exemple, mais dans un autre contexte, et cela m'amène à penser qu'il y a peut-être certaines pratiques abusives.
    Je m'intéresse à cette question parce qu'il y a des éléments qui sont dans le rôle de l'industrie. Les producteurs se battent probablement toujours avec les auteurs, qui se battent toujours avec les télédiffuseurs. C'est la routine dans ce secteur, mais ce que nous voulons obtenir des investissements que nous faisons, c'est de la concurrence et de la créativité, c'est une diversité de voix. M. von Finckenstein dit qu'il y a déjà beaucoup de voix sur le marché. Certes, il y a les blogs, il y a Facebook, mes enfants regardent continuellement YouTube, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il s'agit de l'investissement que fait le contribuable canadien. C'est un investissement important: le Fonds des médias du Canada, le crédit d'impôt pour la vidéo, l'article 19.1 de la loi de l'impôt, et l'investissement massif que nous faisons dans Téléfilm et dans l'Office national du film. Nous sommes assis à leur table. Et maintenant, quand nous voyons qu'une société verticalement intégrée est capable d'offrir du service de téléphonie avec du contenu, nous voulons nous assurer qu'avec ce que nous avons payé avec l'argent des contribuables, par la production indépendante, par la production interne, ou n'importe comment, nous donne la diversité des voix et l'accès complet. Je me demande, considérant l'expérience de l'industrie, si cet accès va rester ou non et si notre confiance publique va être maintenue au niveau où elle doit l'être.
    J'aimerais vous demander, madame Samson, si vous pensez qu'il faut maintenant fixer certaines règles claires.
    Je pense que oui. Je pense que beaucoup de ces nouvelles technologies sont encore exploratoires. Nous devons être là, pour explorer. Je pense que nous devons établir les règlements et les lois nécessaires pour permettre à chaque partie prenante de rester une partie prenante et un acteur dans l'industrie.
    Il est important que les télédiffuseurs indépendants aient du succès. Je pense qu'il est également important d'avoir de solides sociétés canadiennes de production afin de maintenir la diversité et la qualité.
    Au Québec, par exemple, la grande majorité des émissions qui ont du succès provient de producteurs indépendants, c'est incontestable. Toutes les nouvelles idées… Le succès de la télévision au Québec, comme vous le savez, est sans précédent, et les producteurs indépendants n'y sont pas pour rien, loin de là. Nous collaborons étroitement avec les groupes et avec tous les créateurs, et ils ont droit, tout comme nous, tout comme les télédiffuseurs, à avoir une partie de ce défi et de ce succès. Et ces nouvelles technologies… Certaines auront peut-être plus de succès que d'autres à l'avenir. Je pense que tout le monde mérite un traitement équitable.
(1720)
    Merci beaucoup, monsieur Angus.
    Merci beaucoup, madame Samson.
    Monsieur Del Mastro.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup aux témoins d'être venus.
    Personnellement, j'estime que l'intégration verticale est une chance incroyable. Comme M. Maavara, je pense que la taille est nécessaire, que la masse est nécessaire, si nous voulons projeter la programmation canadienne et créer des occasions, et aussi être concurrentiel sur ce qui est à toutes fins utiles un marché mondial où les gens ont des choix et peuvent choisir ce qu'ils veulent regarder parmi une offre toujours plus vaste.
    En passant, monsieur Maavara, vous serez peut-être heureux d'apprendre que, quand j'ai l'occasion de regarder Durham County — j'ai plusieurs épisodes de retard et je ne veux pas que vous me disiez où ça en est en ce moment —, je le fais par la vidéo sur demande parce que mon horaire ne me permet pas autre chose.
    Je pense que l'une des choses dans lesquelles je crois fermement est que l'idée du besoin de créer un plateau de diffusion — et c'est en quoi le gouvernement canadien investit énormément d'argent, je pense — par opposition à la nécessité d'investir dans le contenu, ce en quoi nous investissons moins d'argent, a changé. Si l'on voit combien il était important que les signaux canadiens puissent effectivement être diffusés et être compétitifs et atteindre les foyers canadiens, je pense que c'était un rôle légitime du gouvernement à l'époque parce que personne ne le faisait.
    Vous avez correctement indiqué qu'il y a une multitude de canaux et que le nombre augmente tous les jours. En fait, n'importe qui peut être un télédiffuseur aujourd'hui. Si ça me tente, je peux télédiffuser cet après-midi sur YouTube. Il y a donc toutes sortes de choix.
    Je vous demande simplement une opinion — ce n'est pas une politique du gouvernement, à l'évidence — mais pensez-vous qu'il est temps pour le gouvernement canadien de revoir la situation et de dire qu'il est peut-être temps de sortir de la télédiffusion et de se mettre à investir plus d'argent dans le contenu? Nous investissons plus d'un milliard de dollars du gouvernement, comme vous le savez, dans un plateau de diffusion alors que le secteur privé n'utilisera pas en fait ce plateau... il y en a déjà tellement, et réinvestir tous ces dollars dans le contenu canadien. Je vois qu'on réalise des films à grand succès dans notre pays. Je vois des créateurs avec énormément de talent. Je vois un monde qui cherche désespérément du contenu de bonne qualité. Vous avez correctement dit qu'il y a de grandes sociétés prêtes à avaler tout ça. Est-ce que c'est à ça que nous devrions nous intéresser? Est-ce que c'est ça le prochain siècle? Est-ce vers ça que le Canada devrait se tourner?
    L'un des six grands objectifs de Corus est qu'il existe effectivement un besoin continu de… Nous comprenons les producteurs indépendants. Par exemple, pour revenir à la question de M. Angus, nous avons été l'un des plus gros acheteurs de films ou d'émissions dramatiques. Nous n'en fabriquons pas nous-mêmes. Tout cela vient des producteurs indépendants, comme ce film. L'un de nos plus gros fournisseurs de longs-métrages et d'émissions de télévision est une société de Montréal, Incendo, qui nous fournit beaucoup de matériel. Nous allons donc continuer à avoir besoin de processus comme le FMC, Téléfilm, etc., d'investissement dans le contenu. Cela restera important.
    Je dois dire aussi, pour revenir à la question de M. Angus concernant les barrières, que nous avons déjà des barrières dans les règles de Téléfilm et du FMC. Ils font un choix parmi ce qui leur est proposé.
    Veuillez m'excuser, je n'ai peut-être pas été assez clair. Les 1,1 milliard de dollars, plus tout un paquet d'autres choses que nous investissons dans le télédiffuseur public: devrions-nous envisager de réorganiser cela afin de pouvoir mettre plus d'argent dans le contenu? Est-ce que des sociétés comme Corus feraient des investissements parallèles? Est-ce que nous pourrions produire de plus grosses émissions, de meilleures émissions, qui auraient plus de chances de succès mondial international, ce qui pourrait mener ensuite à un système autosuffisant?
(1725)
    Je pense que je vais devoir déclarer un conflit d'intérêts. Nous exploitons trois stations affiliées de CBC à Peterborough, Kingston et Oshawa, et nous sommes vraiment fiers de la contribution que nous apportons à la collectivité locale avec ces choses. Nous travaillons actuellement avec CBC pour renouveler cette affiliation.
    Notre opinion est que, dans le contexte des six grands objectifs de Corus, c'est tout le système qu'il faut revoir. Nous ne pointons personne du doigt. Nous sommes d'ailleurs les premiers à revoir notre situation. Notre conseil vient de passer quatre jours à réfléchir à notre avenir, et ce sera un avenir difficile. Quiconque s'imagine que l'industrie canadienne des médias aura la vie facile à partir de maintenant est dans l'erreur. Nous pensons que nous sommes prêts. Tout ce que nous demandons au gouvernement, c'est qu'il fasse une analyse éclairée de tout le système, de bas en haut.
    Merci.
    Monsieur Brown.
    Je suis fier d'avoir deux stations de radio de Corus dans ma circonscription, la ville de Barrie: FM93 et B101. Je pense qu'elles jouent un rôle important dans le partage du contenu local.
    La chose qui m'intéresse, dans le contexte de l'évolution des plates-formes médiatiques, c'est comment vous pensez protéger la possibilité pour une station de radio locale de parler des activités locales de bénévolat ou des relations locales de la communauté. Les gens utilisent maintenant la radio par satellite. Ils vont bientôt mettre leur iPod dans leur voiture. La réaction typique, surtout chez les jeunes, n'est pas d'écouter la station de radio locale.
    Comment pouvons-nous protéger ces stations?
    C'est une question vraiment importante.
    Je suis fier de pouvoir dire que Corus a été la première société de radiodiffusion sur iTunes. Nous diffusons toutes nos stations sur iTunes. Si vous avez un iPad, ou n'importe lequel de ces appareils, vous pouvez écouter vos stations n'importe où.
    La radio est un cas très intéressant pour nous. Nous pensons que le secret du succès, en radio, dans le contexte de tous les services par satellite — la diffusion en continu et tout le reste —, c'est de rester immensément pertinent pour les gens qui se trouvent dans un rayon de cinq milles. Si nous ne faisons pas cela à Peterborough, à Barrie, à Winnipeg ou à Montréal, nous ne sommes plus pertinents parce que, de la musique, on peut en avoir n'importe où.
    Nous faisons nos gros investissements dans les émissions de débat sur l'actualité. Ce que nous espérons faire, c'est transférer toutes nos stations AM sur la bande FM partout au Canada afin de nous assurer que les gens pourront continuer de nous écouter. Nous investissons dans la radio mais la radio locale est absolument cruciale.
    Les grandes stations de radio des États-Unis pensaient pouvoir devenir des juke-box. Elles ont laissé partir leurs animateurs, ou ont tout fait à partir de New York ou de Los Angeles. Qu'est-il arrivé? Plus personne ne les a écoutées. Même si c'est simplement pour dire « Bonjour, il fait beau aujourd'hui et voici une chanson que vous écoutiez il y a 10 ans », c'est important.
    Nous sommes déterminés à continuer.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Brown.
    Je remercie tous nos témoins. Je remercie tous ceux qui ont participé à nos débats aujourd'hui.
    Une dernière information avant de lever la séance. Le président a reçu un avis, conformément au paragraphe 110(2) du Règlement, que Maureen Dougan, d'Ottawa, Ontario, a été nommée directrice intérimaire du Musée canadien de la nature. Si le comité souhaite examiner cette nomination, il a jusqu'au 11 février 2011 pour ce faire. Ceux qui souhaitent un tel examen sont priés d'en informer le président et nous en discuterons.
    Merci beaucoup.
    Sans autre forme d'adieu, la séance est levée.
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