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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 035 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 17 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Il s'agit de la séance no 35. La séance est télévisée, et nous étudions bien entendu le projet de loi C-469, Loi portant création de la Charte canadienne des droits environnementaux, projet de loi qui est présenté par Linda Duncan.
    Matthew Firth, agent principal, Santé, sécurité et environnement au Syndicat canadien de la fonction publique se joint à nous pour la première heure.
    Bienvenue, monsieur Firth. Je vais vous demander de faire votre déclaration préliminaire. Si vous pouviez vous en tenir aux dix minutes qui vous sont accordées, nous vous en serions reconnaissants.
    Merci beaucoup de me permettre de prendre la parole devant le comité.
    Comme l'a dit le président, je m'appelle Matthew Firth. Je suis agent principal au Service de la santé-sécurité et de l'environnement du Syndicat canadien de la fonction publique, SCFP, le plus grand syndicat du pays, dont l'effectif s'établit à quelque 600 000 membres.
    Le président national du SCFP, Paul Moist, voulait rencontrer les membres du comité aujourd'hui, mais il n'a pas pu se présenter puisqu'il est à l'étranger, où il assiste à des réunions de l'Internationale des services publics, ce qui fait que je suis ici pour le remplacer.
    Le SCFP est un syndicat socialement engagé, et cet engagement social s'étend à l'environnement. Le SCFP s'efforce d'améliorer dans toute la mesure du possible la qualité de vie de ses membres. En protégeant l'environnement naturel, nous rehaussons la qualité de vie de nos membres et, par extension, celle de tous les Canadiens. Le SCFP appuie donc le projet de loi C-469.
    Plus précisément le SCFP contextualise son appui en soulignant le caractère opportun du projet de loi pour l'état de l'environnement naturel mondial et la tendance grandissante à l'enchâssement des droits environnementaux comme réponse aux facteurs de stress écologique.
    Ensuite, le SCFP croit en la nécessité du projet de loi. En effet, compte tenu de la faiblesse du dossier du Canada en matière d'environnement, comme le montrent divers indicateurs, ce projet de loi permettra de mieux protéger et même d'enrichir l'environnement naturel.
    Enfin, le SCFP insiste sur l'importance de certains points clés du projet de loi qu'il appuie.
    À l'heure actuelle, l'environnement naturel du Canada et du monde est précaire. Divers facteurs environnementaux indiquent qu'il faut en accroître la protection, après des décennies de dégradation et d'exploitation des ressources naturelles de la planète. Les changements climatiques, la diminution de la biodiversité, la déforestation, la détérioration de la qualité de l'eau et de l'air, tous ces problèmes et d'autres montrent l'opportunité de mettre en place une charte des droits environnementaux.
    Certains indices montrent que le monde se dirige vers un enchâssement des droits de la planète. Par exemple, en avril 2009, l'Assemblée générale des Nations Unies proclamait le 22 avril Journée internationale de la Terre nourricière, une mesure qui faisait un pas de plus que le Jour de la Terre. Parlant de la déclaration, Evo Morales, président de la Bolivie, a affirmé que l'organisme mondial avait « pris une position historique en faveur de la Terre nourricière ». La déclaration de l'ONU énonce que: « La Terre et ses écosystèmes sont notre maison » et qu'« il est nécessaire de promouvoir l'harmonie avec la nature et la Terre ». En outre, le président Morales a qualifié la déclaration de première étape pour faire du XXIe siècle celui « des droits de la Terre nourricière » tout comme le XXe siècle a été celui des droits de la personne.
    La prochaine étape sera de profiter de l'occasion pour adopter une déclaration sur une charte des droits environnementaux et sur les droits de la planète. Nous utilisons cet exemple pour montrer que le projet de loi C-469 se situe dans la droite ligne de ce qui semble être une tendance internationale à l'intégration des droits de la personne aux droits écologiques qui assure la prospérité humaine. L'adoption du projet de loi C-469 serait une mesure environnementale progressiste pour le Canada et contribuerait à faire avancer le mouvement vers l'intégration du mieux-être écologique et de la santé à la prospérité sociale et économique, plutôt que de considérer l'environnement naturel et l'économie comme des éléments distincts ou contradictoires, une perspective désuète au XXIe siècle.
    Plus près de chez nous, en Ontario, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Québec et dans d'autres provinces canadiennes, des lois ont été adoptées pour assurer les droits environnementaux, tout comme dans des dizaines d'autres pays du monde.
    De nombreux indices de rendement de l'environnement montrent que le dossier du Canada en la matière est médiocre. Par exemple, le Yale University Environmental Performance Index 2010 a évalué 163 pays selon 25 indicateurs de rendement dans 10 catégories de politique visant tant la santé environnementale que la vitalité de l'écosystème. Les indicateurs permettent de juger, à l'échelle nationale, la mesure dans laquelle les pays ont atteint leurs objectifs en matière de politique environnementale. Mondialement, le Canada se retrouve au 46e rang sur 163 pays avec un pointage de 66,4 p. 100, ce qui équivaut à un C. Ce classement place le Canada au milieu du groupe, derrière des pays en développement comme le Mexique et la Roumanie, et loin derrière d'autres pays industrialisés comme la Suisse et la Suède. Le Canada s'est bien classé au chapitre de la qualité de l'eau, de l'accès aux services d'assainissement et à l'eau et des niveaux de pollution de l'air intérieur. Mais il n'a pas obtenu la note de passage pour la vitalité de l'écosystème, les pêches, les changements climatiques et la pollution de l'air.
    Le Canada fait encore moins bonne figure lorsque les indicateurs environnementaux se limitent, par exemple, aux changements climatiques, qui sont présentement la plus grande menace à la stabilité environnementale.
    Le centre de recherche sociale Germanwatch, avec le Climate Action Network International, produit des rapports annuels sur les pays qui sont responsables de plus de 90 p. 100 des émissions de dioxyde de carbone dans le monde liées à l'énergie. Les pays sont évalués en fonction de leurs niveaux d'émissions, de leurs tendances d'émissions et de leurs politiques climatiques nationale et internationale. La politique nationale du Canada sur les changements climatiques a été qualifiée de « très mauvaise » et fait l'objet d'un commentaire précis dans le rapport de 2010. Le rapport mentionne des niveaux d'émissions en hausse au Canada, qui dépassent de 34 p. 100 sa cible établie selon le protocole de Kyoto. Dans l'ensemble, le rapport place le Canada à l'avant-dernier rang, 56e sur 57 pays, un classement qui demeure inchangé par rapport à 2009. Ces résultats montrent que le Canada doit agir pour améliorer son rendement environnemental, ce que le projet de loi C-469 pourrait aider à faire.
    Certains aspects précis du projet de loi C-469 contribueront à accroître le rendement environnemental du Canada. Par exemple, il confirme que le gouvernement du Canada a le devoir de protéger l'environnement. Il propose également une démarche multigénérationnelle à long terme en déclarant que les générations futures ont droit à un environnement sain et écologiquement équilibré. En outre, le projet de loi reconnaît la valeur intrinsèque des processus écologiques essentiels, autrement dit que les systèmes naturels sont jugés vitaux, non plus comme une ressource ou une marchandise, mais implicitement et fondamentalement. Ce moment charnière dans la réflexion sur le monde naturel profitera à tous les Canadiens.
    Un autre aspect clé du projet de loi est le principe de précaution, considéré comme une base sur laquelle agir pour redresser les torts en environnement. Trop souvent, les mesures prises pour régler des problèmes environnementaux sont restreintes par ce que l'on considère comme étant des preuves contradictoires. Le principe de précaution remédierait à ce problème en permettant d'agir pour préserver l'intégrité du monde naturel simplement parce qu'une menace est très probablement manifeste ou imminente. Une telle démarche est proactive et progressiste. De même, le principe de la justice environnementale décrit dans le projet de loi C-469 offre une vision démocratique du monde naturel.
    Le fondement de ce projet de loi est le droit à un environnement sain pour tous les Canadiens, un autre point important que le SCFP appuie. En outre, en assurant la reddition de comptes par la divulgation de l'information sur l'environnement d'une manière raisonnable, rapide et économique, le projet de loi gagne en crédibilité.
    Le processus par lequel la loi serait appliquée est aussi crédible: des enquêtes, des révisions judiciaires et, subséquemment, diverses mesures de correction. La disposition du projet de loi sur les représailles pourrait être renforcée si l'on interdisait les représailles de manière à ce qu'aucun employeur ni aucune personne agissant au nom d'un employeur ou en position d'autorité face à un employé de l'employeur ne puisse congédier un employé, lui imposer des mesures disciplinaires, le pénaliser, lui imposer des mesures coercitives ni l'intimider ou le harceler sous prétexte que cet employé a demandé au commissaire de mener une enquête en vertu de la Charte canadienne des droits environnementaux. Une telle disposition assurerait pleinement la protection des travailleurs.
    Enfin, la modification proposée à la Charte canadienne des droits et libertés pour assurer la cohérence avec une charte des droits environnementaux s'inscrit dans une perspective plus globale, conforme au mouvement actuel vers l'intégration de l'humanité à l'écologie, comme le soulignent la déclaration de l'ONU sur la Terre nourricière, d'autres lois dans d'autres pays et diverses autres mesures.
    En résumé, le projet de loi C-469 élargirait la portée de la protection de l'environnement assurée par le Canada, ce qui améliorerait le dossier de notre pays en matière d'environnement et contribuerait à faire avancer les droits de la planète dans une période de changements écologiques majeurs.
    Merci beaucoup de l'occasion qui m'était offerte de prendre la parole devant le comité cet après-midi.
(1540)
    Merci, monsieur Firth. Vous avez respecté la limite de temps.
    Là-dessus, nous allons commencer notre tour au cours duquel chacun des intervenants disposera de sept minutes.
    Monsieur Kennedy, à vous de commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Firth.
    Je sais que vous n'êtes pas nécessairement ici pour entendre certaines des préoccupations exprimées au sujet du projet de loi. J'ai suivi le dossier dans le Hansard: essentiellement, l'existence du projet de loi, certains des droits environnementaux, serait directement contraire à notre capacité d'alimenter l'économie, de générer des emplois et ainsi de suite. De prime abord, je n'admets pas cet argument. Je crois que la protection de l'environnement peut en fait être conciliée... Mais je veux savoir, du point de vue de vos membres et ainsi de suite, si vous avez examiné ce genre d'arguments et ce que vous pourriez répondre à cela. Je ne veux pas répéter exactement ce qui s'est dit, mais je pense que vous comprenez probablement en gros que les gens sont préoccupés par le fait que le projet de loi a créé une mesure de dissuasion par rapport aux autres pays, ce genre de choses. Je me demande de quelle façon votre organisation envisage ce genre de préoccupations.
    Je vais dire dès le départ que les gens trouvent parfois qu'il s'agit d'un drôle de mariage — quelqu'un qui travaille pour un syndicat et est en faveur de l'environnement. Cependant, le SCFP a fait beaucoup de travail à l'égard d'enjeux environnementaux et est en fait un partenaire de différents groupes environnementaux. Dans bien des cas, nous avons exercé des pressions en faveur d'améliorations sur le plan environnemental à divers égards. Nous avons pris position sur les changements climatiques, par exemple, et nous avons essayé de veiller à ce qu'il y ait des dispositions concernant par exemple une transition équitable pour les travailleurs touchés.
    Nous ne voyons donc pas cette démarche comme étant déphasée par rapport aux principes du syndicalisme. En même temps, si nous reconnaissons le fait que notre économie se dirige vers des modes de production et une croissance sur le plan de l'emploi plus durables, alors il est clair que les syndicats ont un intérêt intrinsèque à l'égard de l'environnement. Nous voulons prendre part au processus plutôt que d'y nuire.
(1545)
    Merci.
    Le projet de loi porte le nom de Charte canadienne des droits environnementaux, quoiqu'il se fonde en partie non pas sur la Charte, mais plutôt sur l'ancienne déclaration des droits. Certaines personnes ont dit que c'est inadéquat, que ça ne va pas lui donner suffisamment de force ou une priorité suffisante par rapport à d'autres lois.
    Je me demandais si votre organisation avait envisagé cette limite ou si vous pensiez qu'elle existe ou non. Je remarque que, dans votre exposé, vous parlez du projet de loi comme étant un moyen efficace d'assumer certaines des responsabilités face à l'environnement. Est-ce que cette éventuelle limite constitutionnelle a été un sujet de préoccupation dans vos discussions?
    Excusez-moi, quelle était la première partie de la question?
    Je vous ai posé une question au sujet de la différence entre la Charte des droits dans la Constitution et le renvoi dans le projet de loi qui nous occupe à la Déclaration canadienne des droits adoptée par M. Diefenbaker et qui n'a aucun statut constitutionnel. Est-ce une source de préoccupation pour votre organisation?
    Certains des témoins ont dit qu'ils aimeraient voir quelques-unes des dispositions renvoyer à la Charte des droits. Cela correspondrait à un changement constitutionnel, mais c'est ce qu'ils ont dit, qu'ils voudraient voir des renvois à la Charte. Je me demandais si vous aviez envisagé cette question.
    Non, nous ne l'avons pas envisagée. Ce n'est pas une question sur laquelle le SCFP s'est penchée. Je n'ai donc pas grand-chose à ajouter à cet égard.
    L'une des choses qu'on nous demande d'examiner, c'est la question de savoir combien d'outils notre boîte à outils doit contenir. Lorsque nous jetons un coup d'oeil sur le compte rendu et sur les documents que vous avez déposés qui étaient issus de l'étude réalisée à Yale, nous constatons qu'il y a un plan de développement durable provenant d'un projet de loi d'initiative parlementaire antérieur. Il a été adopté, et son application est maintenant obligatoire pour les ministères. Le compte à rebours est lancé au chapitre des changements climatiques.
    Avez-vous des attentes précises quant au projet de loi? Qu'est-ce que le projet de loi réglerait qu'on n'est pas en train de régler en ce moment? Y a-t-il des problèmes qui se posent au Canada et qui seraient réglés par le projet de loi, ou est-ce que c'est simplement de façon générale que vous appuyez le projet de loi?
    J'ai cité divers classements, et je ne pense pas que le projet de loi va nous propulser au premier rang de ces classements. J'ai présenté ces indices plutôt pour mettre notre situation en contexte. Il y a évidemment place à l'amélioration. Est-ce que le projet de loi va être une panacée? Peut-être pas, mais il ne va certainement pas nuire.
    L'un des avantages du projet de loi, c'est qu'il pourrait mobiliser davantage de citoyens dans le cadre du débat sur l'environnement. Dans un sens, je le vois comme étant parallèle à la loi sur la santé et la sécurité au travail, en vertu de laquelle les travailleurs de toutes les provinces et de tous les territoires, et aussi ceux qui relèvent du gouvernement fédéral, ont le droit de savoir, le droit de participer et le droit de refuser d'effectuer un travail dangereux.
    Je vois des parallèles entre cette loi et ce à quoi le projet de loi pourrait mener. Le projet de loi porte sur le droit de connaître les enjeux environnementaux et le droit de participer, ce qui est tout à fait comparable à la loi sur la santé et la sécurité au travail.
    Si nous accordons ces droits aux travailleurs sur le lieu de travail, alors pourquoi ne pas accorder aussi ce privilège aux citoyens? Je pense que cela aurait pour effet de les mobiliser plus pleinement.
    Pour en revenir à la première question, vous avez indiqué que nous nous classons plutôt mal par rapport aux autres. Il y a d'autres classements qui l'indiquent aussi. Le régime d'écoulement de l'eau est menacé. La qualité de l'air est menacée, surtout dans certaines régions du pays, et ainsi de suite, et il se dégage une impression de perte plutôt que de gain. Il y a des gens qui diraient que c'est le prix à payer pour la croissance économique.
    Je pense que notre point de vue, ce serait qu'il n'y a pas nécessairement de compromis à faire. Il y a une conciliation qui doit se faire, et, s'il était adopté, le projet de loi, avec d'autres mesures de protection environnementales, nous ferait perdre des emplois à court terme. Notre idée, ce serait qu'à long terme, il y aurait plus d'emplois, que nous devons nous forcer à l'envisager et que nous devons adopter certains des comportements qui vont nous rendre plus efficients.
    Notre empreinte carbone est énorme. C'est comme si nous marchions avec des chaussures de taille 17. Notre empreinte aquatique est grosse — il y a des gens qui disent qu'elle est deux à trois fois plus grosse que celle qui serait durable compte tenu de nos bassins hydrologiques et de nos aquifères et ainsi de suite.
    Au bout du compte, ça signifie qu'il faut prendre des décisions. Que ce soit dans les sables bitumineux ou ici, nous allons peut-être devoir ralentir le rythme de développement. Nous devons prendre certaines mesures, mais toujours, je crois, en gardant en tête qu'il faut une conciliation adéquate.
    Je veux simplement revenir à votre organisation et à vos membres. Croyez-vous que les gens sont prêts à accepter cette idée? Prêts à accepter le fait que nous devons tenir compte de l'environnement, c'est-à-dire de ce que nous allons léguer à nos enfants, quand vient le temps de prendre ces décisions? Et il ne s'agit pas simplement de trouver un argument économique fort qui permette d'y aller et de saccager l'environnement.
(1550)
    Monsieur Firth, il va falloir que vous répondiez rapidement, parce que le temps accordé à M. Kennedy est écoulé.
    Oui, nos membres sont prêts.

[Français]

    Monsieur Bigras, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie notre témoin pour son mémoire et sa présentation.
    Je suppose qu'essentiellement, le syndicat que vous représentez s'intéresse aux articles 24 et 25 du projet de loi. Selon moi, ce sont des dispositions fort importantes pour votre organisation. On parle ici de la protection des dénonciateurs.
    Il y a quelques années, le gouvernement a déposé une loi visant à protéger les fonctionnaires au sein de la fonction publique. Je crois comprendre que les articles 24 et 25 du projet de loi sont fondamentaux pour vous, mais je veux m'en assurer. À l'article 25, on dit ceci:
    (2) Est réputé avoir pris des mesures de représailles contre un employé, l’employeur qui l’a congédié, pénalisé, intimidé ou harcelé ou a exercé des mesures disciplinaires ou coercitives à son égard, ou qui a tenté de l’intimider, de le harceler ou d’exercer des mesures coercitives à son égard.
     (3) Pour l’application du présent article, l’employeur a pris des mesures de représailles pour un motif illicite lorsque l’employé a, de bonne foi, pris ou tenté de prendre l’une des mesures ci-après afin de protéger l’environnement [...]
     Vous estimez, nonobstant les lois existantes, avoir besoin des articles 24 et 25 pour protéger vos fonctionnaires. Est-ce bien ce que vous avez laissé entendre lors de votre intervention aujourd'hui?

[Traduction]

    Oui, je dirais que les articles 24 et 25 au sujet des dénonciateurs sont importants, mais notre appui au projet de loi n'est pas limité simplement à ces deux dispositions. En fait, il englobe la majeure partie du projet de loi. Nous nous plaisons à penser que le SCFP est un syndicat très engagé sur le plan social et très progressiste, ce qui signifie que notre travail dépasse le genre de choses comme la protection essentielle des travailleurs que les gens associent normalement aux syndicats.
    Nous sommes également intéressés à accroître la qualité de vie de nos membres dans l'ensemble, ce qui va au-delà du lieu de travail et touche nos collectivités et notre environnement naturel. Ainsi, les articles 24 et 25 sont importants, mais c'est le cas aussi de nombreuses autres dispositions du projet de loi.

[Français]

    Avez-vous des exemples à nous soumettre de fonctionnaires fédéraux d'Environnement Canada ou de Santé Canada — probablement plus spécifiquement d'Environnement Canada — qui, au cours des dernières années, auraient été victimes de menaces de congédiement, de représailles, d'intimidation ou de harcèlement dans l'exercice de leurs fonctions, en l'occurrence pour avoir voulu faire appliquer les lois et les règlements existants? En ce qui concerne certains rapports propres à Environnement Canada, des cadres intermédiaires seraient intervenus auprès d'employés de ce ministère et d'ailleurs pour leur dire de ne pas transmettre cette information au public.
    J'aimerais savoir si, au cours des cinq ou six dernières années, certains fonctionnaires d'Environnement Canada ou de Santé Canada ont été victimes d'intimidation, de harcèlement ou de menaces de congédiement pour avoir voulu favoriser la divulgation au public de renseignements relatifs à l'environnement.

[Traduction]

    J'imagine que la réponse la plus prudente, c'est non. Je ne peux pas donner des exemples parce que nous ne représentons pas les travailleurs de Santé Canada et d'Environnement Canada, premièrement. Ces travailleurs sont représentés par l'Alliance de la fonction publique plutôt que par le SCFP. Alors non, nos membres n'ont pas été touchés par ça.
(1555)

[Français]

    D'accord.
    Au bas de la page 4 de la version française de votre document, on peut lire ceci:
Enfin, la modification proposée à la Charte canadienne des droits et libertés pour assurer la cohérence avec une charte des droits environnementaux s’inscrit dans une perspective plus globale [...]
    J'essaie de comprendre votre intervention. Une modification à la Charte canadienne des droits et libertés peut être faite par l'entremise d'un amendement constitutionnel. Par contre, je ne pense pas que ce soit l'objet du projet de loi qui se trouve devant nous. Nous ne l'interprétons peut-être pas de la même façon, mais je ne pense pas que ce projet de loi puisse modifier la Charte canadienne des droits et libertés.

[Traduction]

    Peut-être que le terme « modification » n'était pas le bon. Je ne sais plus de quel article du projet de loi il s'agit. C'est vers la toute fin. Par « globale », j'imagine que je voulais dire étendre la définition, la rendre plus générale en y intégrant des considérations d'ordre environnemental. C'est cependant seulement dans ce sens que j'ai utilisé le mot « globale ».

[Français]

    Selon vous, l'article 23, qui vise à établir des recours civils contre certaines personnes morales, pourrait-il avoir des conséquences économiques de même que des répercussions sur vos travailleurs? Ne craignez-vous pas que cet article ait comme conséquence d'empêcher la réalisation de projets et, en fin de compte, d'incommoder certains de vos membres?

[Traduction]

    Pas si les actions intentées sont... Et je ne suis pas même tout à fait sûr de ce que serait le processus. Ce serait le rôle du commissaire que d'évaluer ces actions, faute d'un terme plus adéquat. Cependant, je crois qu'il y a des exemples d'autres administrations qui ont adopté une loi et au sein desquelles on a pu constater que les tribunaux ne sont pas inondés par les recours frivoles en vertu de cette loi. Ce n'est donc pas quelque chose qui nous fait peur.

[Français]

    Monsieur Bigras, votre temps est écoulé.
    Madame Duncan, c'est à vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Firth, merci beaucoup de votre exposé et de vos réponses très réfléchies. Je sais que vous n'êtes pas juriste et qu'il est parfois difficile d'essayer de formuler un avis juridique sur un projet de loi qui est assez complexe sur le plan juridique. Je pense que la tentative que vous avez faite à cet égard est admirable, alors merci de vos efforts.
    J'apprécie vraiment l'approche que votre syndicat a adoptée dans le mémoire. C'est beaucoup plus une approche en quelque sorte générale et globale. J'apprécie aussi vraiment les efforts déployés par votre syndicat et par d'autres représentants syndicaux du comité de l'environnement du Congrès du travail du Canada pour réagir au projet de loi. Je suis vraiment très reconnaissant.
    D'après ce que je comprends, les membres de votre syndicat s'intéressent particulièrement au projet de loi parce qu'il renforcerait les engagements du gouvernement du Canada à l'égard du principe de précaution. Je me demandais si vous aimeriez parler davantage de cet aspect du projet de loi.
    Oui, certainement, je serais heureux de le faire, et merci. Je ne suis évidemment pas juriste.
    Je pense que le fait que le principe de précaution fasse partie intégrante du projet de loi est une chose que nous sommes particulièrement contents de voir. Dans un sens, encore une fois, le projet de loi intègre en quelque sorte une chose que nous appuyons, toujours du point de vue de la santé et de la sécurité au travail. Une chose que nous visons en quelque sorte lorsque nous examinons les dangers qui existent sur les lieux de travail, c'est l'adoption d'une approche axée sur le principe de précaution. Plutôt que d'adopter le point de vue de l'évaluation des risques, qui, essentiellement, vise à déterminer l'ampleur du risque acceptable, le principe de précaution nous dicte d'agir de façon à causer le moins de préjudice possible, et, ce faisant, d'envisager toute la gamme des solutions de rechange possible pour prévenir et réduire au minimum les préjudices.
    Je réfléchissais au principe de précaution ce matin, en fait, d'un point de vue philosophique, si l'on veut. Il serait possible de l'envisager comme suit: lorsqu'on examine un projet de développement ou une quelconque forme d'entreprise commerciale, on n'investit pas avant d'être tout à fait convaincu, données à l'appui, que l'entreprise sera rentable. Au moment de se lancer, on a une assez bonne idée de la possibilité de rentabilité de l'entreprise. Je me demandais pourquoi nous ne pouvons pas appliquer le même genre de raisonnement au préjudice environnemental. Je pense que c'est exactement ce que le principe de précaution fait. Si on a une assez bonne idée du fait qu'un quelconque préjudice va découler de l'action, on peut interrompre cette action pour atténuer le préjudice et le réduire au minimum en envisageant différentes solutions de rechange.
    J'ai fait allusion au fondement du principe de précaution qui relève de la santé au travail. En fait, ça remonte à beaucoup plus loin que ça. Le principe de précaution a en fait vu le jour dans le domaine de la santé publique. Si vous me permettez, je vais donner une petite leçon d'histoire.
    Je ne sais pas si l'un d'entre vous connaît l'histoire du Dr Percival Pott, qui était médecin spécialiste de la santé publique à Londres, en Angleterre, à la fin du XVIIIe siècle. C'est là que se trouve l'origine de ce que nous appelons le principe de précaution, qui est habituellement associé aux mesures environnementales, mais qui, en fait, a été adopté à partir de la santé publique.
    Il y a eu une épidémie de choléra à Londres à la fin du XVIIIe siècle dans le quartier où ce médecin travaillait. C'était dans le secteur industriel de Londres. Les maisons étaient infectées les unes après les autres, à l'exception, dans tout Londres, d'un immeuble dans ce quartier, qui était une brasserie. Le Dr Pott ne disposait pas de la technologie médicale du XXIe siècle, mais il a remarqué que tous les résidents de ce quartier puisaient leur eau au même puits public. Il y avait un robinet ou une fontaine ou quelque chose d'autre, ce qu'on utilisait à l'époque. Il est donc intervenu, sans savoir que c'était la cause, et il a coupé l'approvisionnement en eau du quartier. Le nombre de cas de choléra a ensuite diminué considérablement. C'est ce qui est considéré comme étant l'origine du principe de précaution.
    Cela laisse aussi croire qu'il faudrait boire de la bière plutôt que de l'eau, je suppose.
    Des voix: Oh, oh.
    M. Firth:Cette idée, encore une fois, a été adoptée à partir de la santé publique et appliquée à la santé et à la sécurité au travail. Dans le cadre du projet de loi, le principe est adopté comme approche à l'égard des enjeux environnementaux. C'est donc une chose à laquelle le SCFP tient, en ce sens.
(1600)
    Merci beaucoup.
    En fait, c'était vraiment un bon exposé, parce que je sais d'après mon étude en droit environnemental que l'origine du droit environnemental, y compris celui de l'échelon fédéral, c'est le droit relatif à la santé publique. C'est dans ce domaine qu'a été créé notre premier ministère de l'Environnement. Il est donc plus logique que les gens qui travaillent dans le domaine de la santé publique et de la sécurité au travail contribuent au développement futur.
    Vous avez pas mal parlé du concept de transition équitable et du droit des travailleurs de participer à la prise de décisions en matière d'environnement. Je me demandais si vous pouviez parler un peu plus de la façon dont les droits et les occasions engendrés par le projet de loi pourraient accroître le droit des travailleurs de participer aux décisions concernant l'environnement en dehors de leur lieu de travail immédiat. Comment une transition équitable peut-elle jouer un rôle dans le passage à une économie plus propre ou à une considération plus grande de la protection de l'environnement dans la prise de décisions au chapitre de l'énergie et du développement?
    J'imagine que la réponse simple et courte, c'est que, si des programmes de transition équitable sont en place, les travailleurs seront beaucoup plus enthousiastes à l'égard de l'écologisation de l'économie. Dans les programmes de transition équitable, l'idée fondamentale, c'est que les travailleurs qui sont touchés par les changements dans l'industrie attribuables aux améliorations sur le plan environnemental ou peu importe, plutôt que d'être mis à la porte sans aucune protection, seraient traités de façon beaucoup plus équitable. Ils pourraient participer à des programmes de recyclage, par exemple, et trouver un emploi dans un lieu de travail plus écologique et plus propre.
    Pour ce qui est de l'accroissement de la participation, ça revient à ce que je disais au sujet des parallèles à tracer entre le droit de la santé et de la sécurité au travail et ce qui est proposé dans le cadre du projet de loi. Parce que nos membres savent qu'ils sont protégés ou qu'ils ont certains droits qui leur sont conférés par le droit de la santé et de la sécurité au travail, leur désir de participer augmente. S'ils savaient qu'ils ont les mêmes droits dans le cadre du projet de loi, je pense que leur volonté de participer s'accroîtrait.
    Je ne veux pas que les gens pensent que l'environnement est le point le plus important au programme du SCFP, mais quelque chose du genre qui encourage la participation citoyenne à la prise de décisions en matière d'environnement ne pourrait qu'accroître la participation de nos membres à ce processus.
    Comme je l'ai dit déjà, le SCFP — tant l'organisation que nos membres — voit au-delà des salaires et des avantages sociaux et fait différentes choses pour améliorer notre qualité de vie. Ça touche l'amélioration de la protection environnementale, l'air de l'atmosphère que nous respirons et tout le reste.
(1605)
    Merci. Votre temps est écoulé, madame Duncan.
    Monsieur Warawa, vous avez la dernière tranche de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Firth, d'être ici. Vous avez mentionné le fait que vous représentez 600 000 membres du SCFP et que vous aimeriez améliorer la qualité de vie de vos membres. Comment avez-vous déterminé la position de vos membres à l'égard du projet de loi C-469?
    Je n'ai pas parlé à chacun des 600 000 membres, si c'est la question que vous me posez.
    Y a-t-il eu de quelconques consultations pour déterminer leur position quant au projet de loi C-469?
    Oui, il y en a eu.
    La structure du SCFP comprend un comité de l'environnement formé de représentants des travailleurs de différentes régions du pays. Le projet de loi leur a été présenté, et leurs suggestions ont été recueillies pour la rédaction du mémoire. En ce sens, ces gens sont des représentants des travailleurs sur le plan environnemental de chacune des différentes provinces et divisions que nous représentons. Leur tâche est de conseiller le personnel du bureau national du comité.
    Donnez des réponses courtes, s'il vous plaît, parce que le temps dont je dispose est limité.
    Ce sont des membres qui assurent la liaison. Ce sont de vrais travailleurs qui ont lu le projet de loi et le mémoire et qui ont formulé des suggestions.
    Pour ce qui est des 600 000 membres en tant que tels, il n'y a pas eu de sondage. Ce sont de petits groupes qui ont été consultés. Est-ce exact?
    Oui.
    Avez-vous demandé un avis juridique?
    Non.
    Ce n'est que l'avis de ces gens.
    S'agit-il de professionnels comme des scientifiques ou des juristes, ou s'agit-il de membres en général?
    Il s'agit de membres en général, mais notre syndicat est formé de...
    Est-ce que ce sont des scientifiques?
    Dans certains cas, oui. Certains de nos membres travaillent dans le domaine des ressources naturelles, par exemple.
    Quelle proportion des gens qui ont formulé cet avis sont des scientifiques?
    Vous savez... pas la majorité.
    Ya-t-il eu des propositions de modifications du projet de loi C-469?
    Il n'y en a pas eu, sauf ce que j'ai dit au sujet du renforcement de l'interdiction des représailles.
    Vous avez utilisé le terme « citoyen » à plusieurs reprises. Dans le projet de loi C-469, c'est le terme « résident » qui est utilisé. Seriez-vous en faveur de la contestation rétroactive par un résident d'un règlement ou d'un permis en vigueur?
    Comprenez-vous ma question?
    Je comprends un peu.
    Je vais vous donner un exemple: un permis est délivré pour l'exploitation des sables bitumineux ou un permis est délivré à Hydro-Québec. Ce sont des installations existantes.
(1610)
    Je pense que, dans ce cas, j'aurais peut-être besoin d'un avis juridique avant de répondre à la question.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Vous avez la parole, madame Duncan.
    Le projet de loi ne contient aucune disposition de contestation d'un permis; la contestation concerne l'application.
    Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, monsieur le président.
    C'est un point de débat. Monsieur Warawa, vous avez la parole.
    Merci.
    Nous avons entendu des témoins, des juristes réputés, qui nous ont dit que le projet de loi C-469 empiète sur les compétences provinciales en matière d'environnement et engendrerait une hausse spectaculaire du nombre de poursuites judiciaires. Certains des groupes spéciaux qui ont témoigné devant nous en faveur du projet de loi C-469 l'envisageaient comme un puissant d'outil d'intimidation, et, même s'il n'y aurait pas nécessairement d'action en justice, il y aurait une menace.
    Nous avons entendu des gens d'affaires. Les affaires créent de l'emploi. Ils ont dit que l'incertitude découlant de la possibilité que même des lois en vigueur soient contestées — des permis pourraient être contestés, tout pourrait l'être — supprimerait toute forme de certitude. Avec la perte de certitude, il y a toujours une autre possibilité d'appel pour tout résident et à l'égard de n'importe quelle installation, ce qui engendrerait une perte d'investissement, laquelle engendrerait une perte d'emploi, ce qui créerait de l'incertitude pour les travailleurs et une perte de protection pour ceux-ci.
    Je vais revenir à mon exemple d'un permis en vigueur pour l'exploitation des sables bitumineux ou pour Hydro-Québec. Si le projet de loi C-469 accordait à tout résident du Canada le pouvoir de lancer un processus d'appel sans fin, voudriez-vous qu'il soit modifié de façon à permettre un équilibre?
    Je ne pense pas que ce soit le cas, d'abord.
    Êtes-vous juriste?
    Non, je ne suis pas juriste. Si vous me laissez terminer, je vais répondre à la question.
    Monsieur Warawa, laissez-le terminer.
    Je pourrais vous renvoyer la question, en un sens, et vous dire que je sais qu'il y a d'autres pays dans le monde qui ont inscrit les droits environnementaux dans leur...
    Monsieur le président, le témoin est ici pour répondre aux questions, pas pour poser des questions.
    Je pense qu'il essaie de répondre à votre question, monsieur Warawa.
    Comme je l'ai dit, et comme je pense que tout le monde ici le sait très bien, des dizaines d'autres pays ont adopté des lois semblables; à titre d'exemple, en France, pays qui a intégré des droits environnementaux dans sa constitution, ça n'a pas anéanti la croissance économique.
    Avez-vous comparé la loi adoptée en France et le projet de loi C-469?
    Non, pas précisément, ligne par ligne.
    Alors pourquoi prenez-vous la France comme exemple?
    J'ai pris cet exemple parce que, comme je l'ai dit, vous semblez laisser entendre qu'une multitude d'actions en justice vont en découler. La France a prévu des mesures dans sa constitution depuis quatre ou cinq ans, et ça ne s'est pas produit en France.
    Nous avons entendu lundi des témoins qui nous ont dit que les gens doivent connaître le droit. Êtes-vous d'accord avec ça?
    Oui.
    Croyez-vous qu'un respect de la primauté du droit s'impose?
    Oui.
    Croyez-vous que le projet de loi engendrerait un manque de clarté? C'est ce que nous avons entendu les témoins dire: que le projet de loi C-469 créerait un manque de clarté, parce que des lois et des permis en vigueur pourraient être contestés.
    Excusez-moi, quelle est la question? Est-ce que je pense que le projet de loi créerait un manque de clarté?
    Seriez-vous d'accord pour dire que le projet de loi C-469 engendrerait un manque de clarté?
    Non, je ne serais pas d'accord.
    Pourquoi?
    Je ne le trouve pas ambigu, si c'est ce que vous me demandez.
    Seriez-vous d'accord pour dire que le projet de loi C-469 imposerait des intérêts privés à tous les Canadiens?
    Est-ce que je serais d'accord avec ça? Non. Je ne suis pas sûr de savoir ce que vous voulez dire par « des intérêts privés ».
    Essentiellement, quiconque, tout résident du Canada... Saviez-vous que ce que le projet de loi dit, c'est « tout résident », ce qui ne désigne pas nécessairement un Canadien? Le saviez-vous?
    J'utilisais le terme « citoyen »; vous, vous dites « résident ». D'accord.
    Connaissez-vous le contenu du projet de loi?
    Oui.
    Tout résident pourrait donc intenter une action à l'égard de toute loi, de tout permis. Croyez-vous que cela devrait être possible?
    Est-ce que je crois que toute action intentée par tout résident devrait avoir lieu? Est-ce que c'est ça la question?
    Croyez-vous que les résidents devraient avoir ce droit?
    Vous me demandez s'ils devraient avoir le droit...
    Après des années de consultation, nous créons un permis ou une loi. Croyez-vous qu'une loi mise en place après des années de consultation auprès des Premières nations, des environnementalistes, des syndicats et des législateurs devrait pouvoir être infirmée, bloquée ou contestée par quiconque...
(1615)
    Monsieur Warawa, votre temps est écoulé.
    Monsieur Firth, vous pouvez répondre à la question.
    C'est une question qui fait peur. Je n'essaie pas d'y échapper, mais peut-être que ce serait mieux que ce soit l'avocat du SCFP qui y réponde, plutôt que moi, parce que, comme cela a été mentionné deux ou trois fois déjà, je ne suis pas juriste. Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Cependant, comme je l'ai dit, les éléments probants semblent porter à croire que cette ruée vers les tribunaux à la suite de l'adoption du projet de loi n'aurait pas lieu. C'est l'idée que j'essayais d'illustrer par l'exemple de la France.
    Le temps est écoulé. Nous allons passer à la prochaine série de questions.
    Monsieur Firth, vous avez fait allusion à l'ordre du SCFP. Si vous voulez présenter une réponse écrite à cette question, je vous encouragerais à le faire rapidement, puisque nous allons commencer l'étude article par article mercredi prochain.
    Là-dessus, nous allons passer au tour de questions de cinq minutes.
    Vous avez un rappel au Règlement à faire, monsieur Blaney?
    Il s'agit d'un point d'information.
    Non, je n'admettrai pas de point d'information. Vous aurez votre tour.
    Monsieur Scarpaleggia, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Firth, votre titre est agent principal, Santé, sécurité et environnement. Quelle proportion de votre travail ou quelle proportion de ce qui menace le bien-être d'un travailleur a trait aux dangers sur les lieux de travail par rapport à ce qui se passe dans l'environnement en général? Évidemment, il n'y a pas de chiffres précis. J'essaie simplement de me faire une idée.
    Comprenez-vous ma question?
    Oui, je la comprends. Environ 25 p. 100 de mon travail concerne la santé et la sécurité au travail et 75 p. 100, l'environnement.
    Lorsque vous parlez de travail lié à l'environnement, qu'est-ce que vous englobez?
    Il s'agit en grande partie de choses comme des mesures environnementales simples que nous prenons dans le milieu de travail. Nous négocions par exemple des dispositions relatives à l'environnement dans le cadre des conventions collectives. Nous mettons en place des comités de l'environnement sur le lieu de travail, des intendants de l'environnement, des politiques environnementales au travail, des...
    Je comprends.
    Vous parlez de l'environnement dans un sens en quelque sorte restreint, je suppose. Est-ce que ce genre de choses seraient visées par le projet de loi? Lorsque nous parlons du projet de loi, il s'agit de l'environnement en général, de la qualité de l'air et des dommages causés par l'industrie dans l'environnement naturel.
    Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire. J'essaie de comprendre si le mot « environnement » dans votre titre a davantage trait à l'environnement de travail, qui n'est pas visé par le projet de loi, plutôt qu'à la pollution dont nous constatons l'existence dans l'environnement en général.
    Non, je ne suis pas d'accord avec vous. Je ne...
    Je ne dis pas que c'est mon point de vue. Je vous demande simplement s'il est possible d'envisager la chose ainsi.
    C'est un peu à ça que je voulais en venir dans ma première réponse. J'examinais des mesures prises dans le lieu de travail, mais c'est là que nous commençons avant d'aller plus loin, pour aborder des considérations d'ordre environnemental plus générales comme organisation.
    Comme des particules en suspension dans l'air ou la pollution dans l'eau qui circule dans les édifices gouvernementaux ou autour de ceux-ci?
    Pour ce qui est des enjeux environnementaux en général, l'eau, les changements climatiques, assurément, nous nous occupons de ces domaines, mais, en ce qui concerne les particules en suspension, je ne sais pas à quel point vous voulez que je sois précis pour ce qui est de la nature de...
    Ça va. Je comprends mieux le travail que vous faites maintenant.
    Vous avez parlé du dossier très mauvais du Canada sur le plan environnemental, comparativement aux autres pays. Vous avez cité un chiffre. Nous sommes 156e... Vous rappelez-vous quel était ce chiffre?
    Il s'agit de l'indice relatif aux changements climatiques, qui touche environ 57 pays.
    Sur le plan de la santé et de la sécurité au travail, où nous classons-nous à l'échelle mondiale?
    Je ne sais pas quel est notre rang précisément, mais je pense qu'il est probablement plus élevé que ça.
    Certains témoins qui sont venus comparaître devant le comité ont dit que l'une de leurs principales objections par rapport au projet de loi, c'est que nous disposons déjà d'un processus démocratique de création de lois et de règlements en matière d'environnement. Ces gens et le reste de la société fonctionnent dans le cadre de ce processus, et ils ont l'impression que le projet de loi est comme un mécanisme secondaire pour l'application du droit à l'extérieur du processus démocratique. Ils ont formulé une objection de principe à cet égard. Comment voyez-vous cela?
(1620)
    Non, je n'y vois rien de mal. Il me semble que le projet de loi est présenté par les voies normales, non?
    Oui, mais vu la façon dont il est rédigé, par exemple, selon moi, il confère à un résident ou à un citoyen ou à qui que ce soit d'autre le pouvoir d'intenter une action civile contre une entreprise qui se conforme aux lois ou aux règlements adoptés démocratiquement — peut-être pas dans un système démocratique parfait, mais adoptés démocratiquement de toute façon. Je veux évaluer votre réaction à cet argument.
    Ça ressemble à une question du genre de celle qui a été posée juste avant, et le président m'a conseillé de présenter un avis juridique rédigé par l'avocat du SCFP, alors je vais...
    D'accord, très bien.
    Votre temps est écoulé.
    Je vous encourage bel et bien, monsieur Firth, si vous êtes plus à l'aise de demander à votre avocat de préparer une réponse au nom du SCFP, et je précise que ce serait la façon adéquate de répondre aux questions posées.
    Poursuivons... Monsieur Calkins, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne sais pas si cette question vous a été posée directement, monsieur Firth. Est-ce que votre comité, votre direction a tenu une quelconque consultation ou demandé un avis juridique en ce qui concerne l'incidence que pourrait avoir le projet de loi sur la composition de votre syndicat? Avez-vous demandé un deuxième...
    Personne ne l'a fait? Vous n'avez donc pas réalisé d'étude pour déterminer si...
    Non.
    ... les répercussions du projet de loi, s'il était adopté... quelles répercussions cela aurait sur la composition de votre syndicat?
    Non.
    Non? D'accord.
    Je vais reprendre certains des chiffres que vous avez cités et simplement faire quelques comparaisons, et je vais vous poser quelques questions.
    Vous avez dit que le Canada s'était classé au 46e rang sur 163 pays, avec une note de 66,4 sur... Il s'agit de l'étude réalisée à l'Université Yale...
    Oui.
    ... à laquelle vous avez donné un C. Vous avez dit que ça nous place au milieu du groupe.
    Eh bien, en fait, 46 sur 163, c'est le 72e centile. Même si vous utilisez une moyenne ou une médiane, ça veut dire que nous sommes bien au-dessus du milieu du groupe, qui se situerait vers le 81e ou le 82e centile, j'imagine.
    Nous sommes derrière des pays en développement comme le Mexique et la Roumanie. D'après le Fonds monétaire international, le PIB du Mexique est de 13 000 $, et celui de la Roumanie, de 11 000 $. Affirmez-vous que le Canada devrait peut-être ralentir son économie en fonction de considérations d'ordre environnemental et s'orienter vers un PIB semblable à celui du Mexique et de la Roumanie?
    Non, je...
    Non, je n'ai pas terminé, monsieur Firth. Je vais juste continuer.
    Selon l'indice de corruption, le Canada est 8e sur 149, ce qui signifie que nous respectons plutôt bien la primauté du droit au pays. Si vous jetez un coup d'œil du côté du Mexique, le pays est 69e sur 149, tandis que la Roumanie est 53e.
    J'imagine que vous n'affirmez probablement pas que nous devrions les suivre sur ce plan en particulier, mais que nous devrions les suivre sur le plan environnemental. Est-ce exact?
    Non. En fait, ce que j'essaie de dire, c'est que, vu notre situation économique dans le monde, nous devrions occuper un rang beaucoup plus élevé. C'est l'idée toute simple que je proposais.
    Regardez du côté des pays qui occupent les premiers rangs dans ce tableau. Ce sont ces pays que nous devrions côtoyer.
    Eh bien, ce sont eux que nous côtoyons lorsqu'il s'agit de choses comme le respect de la primauté du droit et lorsqu'il s'agit de choses comme la corruption, ou encore de choses comme le PIB. Je veux dire, nous sommes devant la Suède et à peu près à égalité avec la Suisse. Nous sommes essentiellement insurpassés lorsqu'il s'agit du respect de la primauté du droit. Nous avons déjà des lois très détaillées qui portent sur les facteurs environnementaux. Je ne comprends donc pas l'idée qui est proposée.
    Je vais cependant vous poser une question, et cette question a trait à la Fédération maritime du Canada, dont les représentants sont venus témoigner devant le comité. Ils parlent du projet de loi. Je vous fais grâce des détails, mais ils disent:
Compte tenu de ce que je viens de dire, nous suggérons respectueusement que si votre intention n'est pas que les recours prévus par le projet de loi C-469 soient applicables aux normes et à la conformité réglementaires — les articles 16 et 23 respectivement —, il faudrait le dire explicitement. Nous avons suggéré un libellé en ce sens dans notre mémoire.
    Mme Duncan est intervenue, dans une tentative de rappel au Règlement pour essayer de dire essentiellement — peut-être n'a-t-elle pas lu son propre projet de loi — qu'il ne s'applique pas aux permis. Pourtant, l'article 19...
(1625)
    Excusez-moi, monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Madame Duncan invoque le Règlement.
    Il ne sert à rien d'être insultant.
    Je ne le suis pas; je me pose des questions, c'est tout. Je pensais que l'auteur du projet de loi en connaîtrait le libellé.
    Lisez le projet de loi.
    L'alinéa 19(2)a) dit « suspendre ou annuler tout permis ou autorisation délivré au défendeur ou le droit de celui-ci d'obtenir ou de détenir un permis ou une autorisation » pour toute entreprise pouvant être contestée selon le reste des critères qui figurent à l'article 16 du projet de loi, ce qui placerait des projets ayant déjà été autorisés — des projets déjà en cours — dans une situation périlleuse, si le projet de loi était adopté. L'adoption du projet de loi placerait également les permis ou les projets proposés qui auraient été soumis à un quelconque organisme de réglementation dans une situation périlleuse.
    Croyez-vous vraiment que vos membres, les 600 000 travailleurs que vous représentez seraient en faveur du projet de loi s'ils connaissaient la gravité des conséquences que pourrait avoir le projet de loi?
    Je pense que c'est la troisième fois qu'on me pose le même genre de questions, et j'ai déjà répondu à cette question.
    Il vous reste environ une minute.
    J'ai terminé, merci.
    D'accord. Merci, monsieur Calkins.
    Il nous reste environ quatre minutes. Monsieur Ouellet, vous pouvez utiliser une partie de ce temps, puis nous allons suspendre la séance.
    Je vais vous accorder environ trois minutes, monsieur Ouellet.

[Français]

    Merci d'être venu témoigner. Votre approche du projet de loi est très intéressante. D'autres personnes vous ont bien fait sentir que certains témoins que nous avons reçus à la dernière séance ont posé des questions beaucoup plus dures que les vôtres au sujet de ce projet de loi.
    Vos 600 000 membres proviennent-ils de toutes les provinces? S'il y en a au Québec, comment s'appellent-ils? Quels sont leurs métiers?

[Traduction]

    Il y a des membres de notre syndicat dans toutes les provinces — dans aucun territoire, mais dans toutes les provinces — y compris au Québec: des travailleurs du domaine de l'hydroélectricité, des travailleurs des soins de santé et des travailleurs municipaux dans toute la province de Québec. Je ne sais pas exactement combien il y a de membres au Québec.

[Français]

    Ce n'est pas nécessaire. Je ne veux pas savoir cela. J'aimerais savoir si vous avez consulté...

[Traduction]

    J'invoque le Règlement; je n'ai pas bien entendu. Est-ce que le témoin a dit qu'il représente des gens à Hydro-Québec?
    Oui. Écoutez bien, et vous allez entendre.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement. Il n'écoute pas.
    Je pense qu'il y a un problème d'interprétation.
    Monsieur Ouellet, vous avez la parole.

[Français]

    Avez-vous consulté vos membres du Québec au sujet de ce projet de loi? Avez-vous reçu l'opinion des gens qui travaillent au sein de votre organisation à cet égard?

[Traduction]

    C'est la réponse que j'ai donnée à la dernière question: les travailleurs qui ont été consultés étaient des membres du comité national de l'environnement du SCFP, dont deux membres du Québec. Alors oui, ils ont été consultés.

[Français]

    D'accord. Comme je ne le vois pas dans le résumé que vous faites des discussions, j'aimerais savoir si la question de la compétence provinciale a été mentionnée. Les gens qui travaillent au sein de votre organisation syndicale étaient-ils conscients qu'il pouvait y avoir un problème de compétence entre le ministère de l'Environnement d'une province et le gouvernement fédéral au sujet de ce projet de loi?

[Traduction]

    Pour ce qui est des consultations, ils savaient que le projet de loi n'avait trait qu'à la compétence fédérale.

[Français]

    D'accord.
    Me reste-t-il du temps?

[Traduction]

    Ça fait trois minutes maintenant.
    D'accord, il me reste une minute.
    Non. Je vous ai donné trois minutes. Il ne reste qu'une minute avant l'heure, et nous devons changer de témoins. Je vais interrompre la séance pour que nous soyons dans les temps.
    Désolé, monsieur Ouellet.
    Monsieur Firth, merci beaucoup d'avoir témoigné au nom du SCFP. Si l'avocat du SCFP peut nous fournir une réponse aux deux ou trois questions qui ont été posées, nous en serions reconnaissants.
    Je vais suspendre la réunion brièvement pour que nous puissions changer de témoins.
    La séance est suspendue.
(1625)

(1630)
    La séance est ouverte.
    Nous accueillons maintenant les témoins qui sont venus pour la deuxième heure: les représentants de l'Association canadienne de l'hydroélectricité. M. Jacob Irving, président, et M. Ian Kerr, vice-président chargé du développement des opérations canadiennes des Services Énergie renouvelable Brookfield se joignent à nous.
    Nous allons vous céder la parole. Si vous pouviez faire votre déclaration initiale en moins de 10 minutes, nous vous en serions reconnaissants. Ça nous laisserait plus de temps pour la conversation qui aura lieu ensuite.
    Monsieur Irving.

[Français]

    Je suis bilingue, mais ma première langue étant l'anglais, j'aimerais faire ma présentation en anglais. Ensuite, je pourrai répondre à vos questions en français.

[Traduction]

    Encore une fois, merci, monsieur le président.
    Je m'appelle Jacob Irving, et je suis président de l'Association canadienne de l'hydroélectricité. Je suis accompagné de Ian Kerr, vice-président du développement des Services Énergie renouvelable Brookfield, membre de l'Association canadienne de l'hydroélectricité et promoteur et exploitant privé de projets d'hydroélectricité un peu partout au Canada.
    L'Association canadienne de l'hydroélectricité ou ACH est l'association nationale du secteur qui représente les intérêts de l'industrie de l'hydroélectricité. Nos membres sont des producteurs d'hydroélectricité, des fabricants, des promoteurs, des cabinets d'ingénieurs, des organisations et des personnes. Les membres de l'ACH sont à l'origine de plus de 95 p. 100 de la production d'hydroélectricité au Canada. L'hydroélectricité compte pour 60 p. 100 de l'électricité produite au Canada, ce qui fait de notre système de génération d'énergie l'un des plus propres et des plus renouvelables du monde. Nous pourrions plus que doubler la capacité actuelle de production d'hydroélectricité, ce qui offre au Canada une excellente occasion de lutter contre la pollution de l'air, les changements climatiques et le réchauffement de la planète. Le Canada produit de l'hydroélectricité depuis plus de 120 ans. Nous sommes des pionniers et des chefs de file à l'échelle mondiale dans ce domaine, et notre avenir est encore plus prometteur que notre passé.
     J'aimerais vous parler du projet de loi C-469 du point de vue d'une industrie de production d'électricité propre et renouvelable, dans laquelle l'intendance environnementale figure toujours parmi les principales préoccupations. Il est important de mentionner dès le départ que nous sommes en faveur de bon nombre des buts et intentions du projet de loi. Nous croyons que l'objectif du projet de loi est louable; cependant, nous avons d'importantes réserves quant à des détails et à des aspects procéduraux du texte législatif proposé.
    L'ACH croit que le projet de loi C-469 nuirait au système actuel de réglementation environnementale que nous avons adopté et amélioré au prix d'efforts si grands et pourrait même le détruire. Nous avons peur que, sans amendements importants, le projet de loi engendre un niveau d'incertitude inadmissible, constitue une invitation à intenter des poursuites judiciaires improductives et vexatoires et réduise la capacité de l'industrie de participer proactivement à de nouvelles initiatives d'intendance environnementale. Au bout du compte, l'adoption du projet de loi nuirait au développement de sources d'énergie propres et renouvelables et non seulement de l'hydroélectricité, mais aussi d'autres sources renouvelables comme l'énergie éolienne et l'énergie solaire. Ces sources d'énergie renouvelable et propre figurent parmi les meilleures options qui s'offrent au Canada pour lutter contre la pollution de l'air et les changements climatiques.
    Le défi le plus difficile à relever pour réaliser le potentiel hydroélectrique du Canada, c'est la quantité de règlements avec lesquels nous devons composer à l'échelon provincial comme à l'échelon fédéral. Il faut déjà de 8 à 14 ans pour mettre sur pied un projet de production d'hydroélectricité. Nous devons consacrer une bonne partie de ce temps à nous assurer que les projets respectent les objectifs environnementaux de différentes lois fédérales et provinciales. C'est intéressant lorsqu'on pense que des projets de génération d'énergie thermique qui sont non renouvelables et dont les émissions sont plus importantes peuvent généralement être mis sur pied en trois à cinq ans au Canada, puisque la réglementation est moins stricte dans ce domaine.
    Un nouveau projet de production d'hydroélectricité prend jusqu'à 14 ans pour l'obtention des permis, la construction et l'autorisation. Une fois franchies toutes les étapes de la réglementation environnementale rigoureuse qui est en vigueur, l'exploitation du projet commencerait dans un nouveau contexte encore plus incertain. Si le projet de loi C-469 était adopté dans sa version actuelle, tous les permis et les autorisations qui ont pris jusqu'à 14 ans à obtenir ne seraient maintenant plus fiables, et une toute nouvelle possibilité de contestation juridique existerait. Pour les promoteurs de projets hydroélectriques, c'est vraiment un scénario où les choses vont de mal en pis. En fait, c'est notre engagement à l'égard des principes environnementaux qui nous pousse à demander au comité d'examiner attentivement le projet de loi C-469 et toutes ses conséquences. Nous maintenons que le but énoncé du projet de loi est conforme aux régimes réglementaires existants, mais que les mécanismes ne le sont fondamentalement pas.
    C'est dans ce contexte que j'aimerais formuler quelques commentaires généraux sur nos préoccupations dominantes au sujet du projet de loi. L'une des raisons pour lesquelles nous pouvons affirmer en toute confiance que l'ACH appuie l'intention et les buts du projet de loi, c'est que le régime réglementaire actuel fait déjà la promotion d'une prise de décisions responsable sur le plan environnemental et reflète bon nombre de ses principes. Les principes de précaution, les principes de développement durable et les principes de pollueur payeur, par exemple, sont intégrés à beaucoup des lois existantes et se diffusent dans l'ensemble du régime réglementaire fédéral en matière d'environnement. Nous sommes d'avis qu'il est préférable de consacrer l'énergie et les ressources à l'amélioration des lois existantes, comme la Loi sur les espèces en péril et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, plutôt que d'adopter une approche entièrement nouvelle en matière de protection et d'amélioration de l'environnement. L'adoption du projet de loi modifierait complètement la façon dont nous abordons la réglementation environnementale au Canada.
     L'ACH a des préoccupations importantes concernant plusieurs des mécanismes proposés. Le changement le plus profond qui serait peut-être apporté au système réglementaire actuel serait le fait que, après l'adoption du projet de loi C-469, les tribunaux devraient statuer dans le cadre de poursuites relatives à la protection de l'environnement intentées contre le gouvernement fédéral, d'actions civiles concernant l'environnement et de révisions judiciaires ayant trait à la protection de l'environnement. Nous sommes très préoccupés par le fait que le régime de réglementation environnementale décrit plus haut serait essentiellement contourné, la décision finale étant laissée entre les mains des tribunaux fédéraux et de particuliers qui intentent des poursuites.
(1635)
    Monsieur Irving, puis-je vous demander de ralentir un peu pour que les interprètes puissent vous suivre?
    Certainement. Désolé.
    Nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une régression du droit environnemental pour les raisons suivantes:
    Le pouvoir décisionnel est enlevé aux experts d'organismes comme Environnement Canada, Pêches et Océans Canada et Ressources naturelles Canada et conféré aux juges. Les paramètres de la révision judiciaire prévue dans le projet de loi ne tiennent pas compte du fait que la prise de décisions exige un équilibre précis entre les considérations d'ordre environnemental, économique et social et qu'il appartient aux parlementaires et fonctionnaires de trouver cet équilibre, pas aux juges.
    En outre, nous sommes préoccupés par le fait que le projet de loi fait fi de l'équilibre précis et de la reconnaissance au chapitre de la compétence partagée entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral en matière d'environnement en conférant ce pouvoir aux tribunaux fédéraux. Nous nous attendons à ce que le fait de permettre à toute entité ou à tout résident du Canada de faire appel aux tribunaux fédéraux va ouvrir la porte à des contestations juridiques vexatoires, obstructionnistes et interminables.
    Enfin, le fait d'accorder aux tribunaux fédéraux le pouvoir de suspendre ou d'annuler un permis ou une autorisation et de rendre les injonctions beaucoup plus faciles à obtenir pourrait avoir des répercussions importantes et profondes sur la fiabilité de l'approvisionnement en hydroélectricité du Canada. Cela aura des conséquences négatives pour les consommateurs et les entreprises du Canada.
    Selon nous, il n'y a pas suffisamment de mécanismes de protection pour garantir que des poursuites judiciaires antagonistes ne sont pas intentées à l'égard de projets. D'une façon ou d'une autre, nous croyons que ces changements ne devraient pas être acceptés simplement parce qu'il est évident que les intentions derrière le projet de loi sont bonnes. L'ACH recommanderait au comité d'examiner attentivement l'analyse juridique des effets de ces changements sur les ressources judiciaires.
    Je ne suis pas juriste, mais les membres de mon association m'ont avisé du fait qu'un problème très grave découle de l'ensemble de la partie 2 du projet de loi C-469. Même si le titre de cette partie est « Révision judiciaire », ce n'est pas vraiment ça. L'article 16 de la partie 2 prévoit une action en protection de l'environnement et permet au plaignant de prouver le bien-fondé de sa cause selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie que chaque fois qu'une personne ou qu'une entité n'est pas d'accord avec une autorisation ou un permis dans le cadre de toute loi environnementale, elle peut déposer une demande dont découlera un procès pour déterminer si les tribunaux sont d'accord avec le gouvernement quant à son action ou son inaction.
    Dans le cadre d'une révision judiciaire, le tribunal détermine si le responsable a agi dans le cadre des pouvoirs que lui confère la loi et s'il a une compréhension adéquate de la loi. Dans le cas d'une action, d'après les dispositions du projet de loi C-469, une personne ou une entité pourrait attaquer une décision en fonction d'un tout nouveau critère qui est vague même si la décision était conforme à la loi applicable. Les tribunaux exercent actuellement d'importants pouvoirs de révision judiciaire à l'égard de la prise de décisions par des organismes. Tout cela se combine pour donner lieu à un changement fondamental dans l'application du droit administratif et dans toute l'approche du Canada en matière d'intendance environnementale. La nature de cette démarche qui apporte un changement marqué exige une réflexion plus approfondie que celle qui a été faite à mon avis. Il y a évidemment des enjeux complexes qu'il faut demander à des experts du domaine juridique de mieux analyser.
    Permettez-moi cependant de revenir à la préoccupation fondamentale de l'Association canadienne de l'hydroélectricité. Selon notre interprétation du projet de loi, aucune entreprise, aucune industrie, petite ou grande, ne pourrait être exploitée en sûreté et sachant qu'il n'y a pas de danger, même si elle se conforme tout à fait aux lois en général et a obtenu les permis et les licences requis. Une action peut quand même être intentée devant les tribunaux fédéraux, et la conformité avec les exigences en matière de permis et licences n'est pas un moyen de défense. Peu importe si ces permis et licences ont été délivrés dans le cadre des lois fédérales, provinciales ou territoriales. Nous croyons que cela fait en sorte que le projet de loi C-469 présente une différence importante par rapport aux autres administrations qui ont adopté une charte des droits environnementaux.
    La Charte des droits et libertés du Québec, par exemple, qui précise que tous ont le droit de vivre dans un environnement sain, contient une présomption selon laquelle ce droit est respecté, que les autorisations environnementales et les permis requis aient été obtenus ou non. Elle ne permet pas à des personnes de contester les permis en soi et évite ainsi les éventuelles poursuites judiciaires vexatoires que le projet de loi C-469 pourrait permettre. Nous sommes d'avis que ce genre de mécanisme de protection nécessaire fait défaut dans le projet de loi C-469.
    Pour terminer, j'aimerais répéter que les intentions derrière le projet de loi, comme nous les comprenons, sont louables du point de vue de la protection de l'environnement. Comme je l'ai déjà mentionné, l'ACH est une association composée de promoteurs qui abordent leurs responsabilités en matière d'environnement et s'en acquittent avec le plus grand sérieux. Encore une fois, l'ACH valorise les intentions et les buts qui orientent le texte législatif proposé. Le projet de loi C-469 pourrait offrir davantage de mécanismes procéduraux pour permettre à plus de gens de participer aux initiatives de protection de l'environnement, mais, d'un point de vue concret, il est destiné à reproduire et à remplacer sur le plan fonctionnel de nombreux aspects des lois et des politiques fédérales en vigueur.
    En outre, selon l'ACH, le projet de loi fait passer de façon inadéquate le pouvoir de prise de décisions en matière d'environnement des organes exécutif et législatif du gouvernement à l'organe judiciaire tout en introduisant une série de termes et de concepts ambigus dans un régime environnemental déjà complexe.
(1640)
    Du point de vue des producteurs d'hydroélectricité du Canada, l'adoption du projet de loi engendrerait une très grande incertitude quant à l'exploitation de nos installations. Nos membres seraient dissuadés d'entreprendre des programmes ou de prendre des mesures qui auraient un effet global positif sur les écosystèmes. À la place, les promoteurs seraient poussés à se concentrer seulement sur la réduction de répercussions précises liées directement à leurs activités. En outre, le projet de loi présente un risque important de nuire au développement futur de la production d'électricité propre et renouvelable, ce qui priverait les Canadiens de méthodes éprouvées de lutte contre la pollution de l'air et les changements climatiques.
    Aucune forme de développement énergétique n'est parfaite, mais je suis convaincu que l'hydroélectricité est la meilleure option pour le Canada. Du point de vue tant socioéconomique qu'environnemental, l'hydroélectricité peut offrir un bénéfice net et durable au Canada. Les promoteurs de projets de production d'hydroélectricité sont naturellement préoccupés par toute mesure qui pourrait compliquer encore davantage le développement hydroélectrique, le bloquer, le retarder, le reporter ou l'empêcher complètement, et nous croyons que les Canadiens devraient être préoccupés eux aussi. C'est pour cette raison que, même si nous respectons les buts et l'intention du projet de loi C-469, nous devons exprimer des préoccupations importantes à l'égard du changement institutionnel et des conséquences négatives qu'il pourrait avoir.
    Merci beaucoup, et je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
    Merci, monsieur.
    Nous allons faire un tour de questions de sept minutes qui commencera, encore une fois, par M. Kennedy.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre témoignage. J'aime bien quand les gens parlent vite. Nous sommes pressés par le temps, mais je pense que vous allez constater que vous avez plus qu'assez de temps pour préciser vos pensées.
    Je veux parler un peu de ce qui est au cœur de votre exposé, c'est-à-dire l'idée selon laquelle tout va bien et il n'y a rien d'autre à faire. D'autres témoins nous ont dit que 160 des 192 pays du monde disposent d'une quelconque forme de cadre pour la protection des droits environnementaux. Je présume que ce sont des endroits où vos membres exploitent aussi des installations ou sont peut-être en compétition avec d'autres installations. Je me demande s'il y a quelque chose de particulier au sujet du cadre, comparativement à certains autres, dont certains semblaient être dotés d'un fondement juridique constitutionnel et donc hiérarchisé. En quoi le cadre que nous examinons est-il beaucoup plus complexe, plus coûteux et inacceptable, comme vous semblez le dire à vos membres?
    Merci de la question.
    Je pense que nos membres se concentrent sur l'amélioration constante de la nature du régime réglementaire et législatif en matière d'environnement, et je pense que bon nombre d'entre eux n'affirmeraient jamais que nous sommes en quoi que ce soit complaisants. La protection de l'environnement est un enjeu qui évolue, et nous devons demeurer vigilants à cet égard. Nos membres sont pleinement engagés à ce chapitre.
    Lorsque vous dites qu'il y a de nombreux autres pays dans le monde qui ont ce genre de protection ou de loi, c'est vrai, d'après ce que nous savons, et il y en a même à l'échelle provinciale; comme on l'a mentionné, la province de Québec, à l'échelon provincial, a une composante environnementale dans sa Charte des droits et libertés.
    La différence, c'est que, à la lumière de notre interprétation et de notre examen du projet de loi, nous ne pensons pas qu'il y a suffisamment de mécanismes de protection pour empêcher des tentatives obstructionnistes appuyées sur des poursuites judiciaires dont nos projets ou d'autres projets pourraient faire l'objet, et c'est cette partie qui nous préoccupe le plus, je crois, dans ce projet de loi. Dans le contexte du Québec, comme je l'ai mentionné, il y a une disposition qui prévoit qu'on peut contester, mais pas les permis délivrés, par exemple. On peut contester d'autres aspects. Les entreprises qui sont membres de notre association tiennent leurs activités dans ce contexte. Ils sont à l'aise dans ce contexte. Cependant, certaines de ces choses semblent manquer dans le projet de loi.
(1645)
    Merci d'attirer notre attention sur la question.
    Si vous croyez que le projet de loi comporte un potentiel d'obstruction, y a-t-il des régimes où vous avez constaté que c'est le cas, autrement dit, où vous savez que ce genre de dispositions va susciter ce comportement? Je sais que vous dites qu'au contraire le Québec l'empêche.
    Je peux comprendre l'argument commercial — vous ne voulez pas que tout soit ralenti, reporté et ainsi de suite. Cependant, si nous devons nous acquitter de nos obligations sur le plan environnemental à l'égard de la prochaine génération, la meilleure façon de comprendre ça, c'est que nous volons une génération si nous polluons l'eau, l'air et les terres et que cette génération les reçoit sous une forme endommagée. C'est ça, le développement durable. La plupart de vos membres seraient probablement d'accord. La question est donc la suivante: qu'est-ce que ça ajoute ou enlève à notre réflexion sur ce genre de choses? Invariablement, nous devrons ralentir pendant suffisamment longtemps pour comprendre ça, et il est affirmé ici que le projet de loi servira à boucher les trous. Il servira à boucher les trous là où nous ne disposons d'aucune protection.
    Avez-vous des exemples qui nous pousseraient à croire que ce genre de dispositions va engendrer un comportement obstructionniste? Je vais ajouter une deuxième question de façon que vous puissiez simplement répondre. Si vous voulez que nous améliorions constamment ce qui existe déjà, selon votre association, où sont les lacunes à combler qui existent dans la protection de l'environnement? Quelles sont les lois et les autres choses que vous aimeriez que nous examinions comme solution de rechange pour combler certaines des lacunes?
    Je ne peux pas dire que c'est pour le compte de l'Association canadienne de l'hydroélectricité que j'ai fait un examen global de la situation dans différentes provinces de la façon approfondie que vous décrivez. Je ne pourrais donc pas vous fournir au pied levé les exemples que vous cherchez. Ian pourrait peut-être vous donner des exemples se rapportant aux activités mondiales d'Énergie renouvelable Brookfield. Bien sûr, nombre de nos exploitants, comme vous le savez, exercent leurs activités à l'échelle provinciale, alors ils ne peuvent pas vraiment tirer parti de l'expertise internationale découlant de la réalisation de projets hydroélectrique partout dans le monde. En général, Hydro-Québec réalise des projets au Québec, Manitoba Hydro réalise des projets au Manitoba, etc.
    À notre avis, le projet de loi pourrait donner lieu à ce genre de choses. Alors, je crois que ces préoccupations sont légitimes. On parle ici d'une loi qui est proposée, d'un projet de loi qui, par définition, s'appuie sur des hypothèses quant aux résultats d'une telle démarche. On parle d'une mesure législative qui est proposée. Bien évidemment, nous sommes alors amenés à conjecturer nous aussi. Or, il n'est pas dans nos habitudes de conjecturer. Mais il s'agit ici d'un projet de loi qui est proposé, et nous essayons d'envisager certaines des répercussions possibles que nous jugeons préoccupantes. Alors, je crois que, de façon générale, c'est ce qui explique en grande partie pourquoi nous faisons de tels commentaires.
    Quant à la deuxième question, à savoir les améliorations que nous voudrions voir apporter et les aspects que nous voudrions améliorer dans les lois environnementales, je dirais que, ayant témoigné devant le comité par le passé dans le cadre de l'examen de la Loi sur les espèces en péril et l'examen après sept ans de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, ce sont toutes des choses qui encouragent beaucoup notre industrie. Nous apprécions le fait que nombre de ce que j'appellerais les « nouvelles » lois environnementales qui ont été adoptées — encore une fois la Loi sur les espèces en péril et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale — prévoient des examens de suivi qui tiennent compte du fait qu'il s'agit d'un tout nouveau domaine et que nous devons tous nous réunir de temps à autre — tous les cinq ou sept ans — pour évaluer les conséquences voulues et non voulues de ces lois.
    Par conséquent, je crois que le fait d'axer nos efforts sur cet aspect, comme nous l'avons fait par le passé, est très productif et très utile à cet égard. Nous croyons que nous avons pu apporter certains changements, certains changements pratiques au chapitre de l'application des lois, et nous avons aussi eu la chance d'exprimer au comité nos préoccupations sur le plan législatif par le passé. Alors, je dirais que c'est à cet endroit que nous avons eu une belle occasion d'apporter de grandes améliorations.
(1650)
    Votre temps est écoulé.

[Français]

    C'est à vous, monsieur Bigras.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout d'abord, je tiens à remercier les gens de l'association de leur témoignage en comité. Cela nous éclaire sur la portée du projet de loi. En début d'intervention, vous avez dit que les objectifs du projet de loi étaient louables, et on le pense aussi. Or, en même temps, il semble y avoir un problème en ce qui concerne sa portée. Dès le début des témoignages devant le comité, certains intervenants ont eu tendance à comparer ce projet de loi à ce qui existe dans certaines provinces. On nous a parlé de la loi au Québec, de la charte de l'Ontario, du Yukon. Il semble que plus on avance, plus la comparaison est facile, mais dans les faits, les portées ne sont pas les mêmes.
    Je vais commencer par l'article 9 du projet de loi, qui accorde le droit à un environnement sain. Je lis le paragraphe 9(1) du projet de loi C-469:
    9. (1) Tout résident canadien a droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
    Cependant, l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec dit, à la section III.1 portant sur le droit à la qualité de l'environnement:
Toute personne a droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations et les autorisations délivrées en vertu de l'un ou l'autre des articles [...]
    J'insiste sur ce dernier point, car c'est probablement important pour vous.
    Ainsi, est-il faux de prétendre que la portée du projet de loi que nous avons devant nous n'est pas la même que la portée de la loi québécoise, puisqu'il existe des balises dans les lois provinciales, ce que ne comporte pas le projet de loi?
    En fait, c'est précisément cela. Le projet de loi que nous avons ici et la loi actuelle dans la province de Québec diffèrent un peu. La grande différence, c'est que la loi québécoise comporte une mesure de certitude pour les promoteurs de projets hydroélectriques et pour d'autres projets aussi.
    Selon nous, c'est là la grande différence. Il y a un peu de rigueur dans cette approche, et cela donne aux gens l'occasion de s'engager un peu plus dans les politiques environnementales au palier provincial. Par ailleurs, cela donne aux entrepreneurs la certitude nécessaire pour être en mesure d'entreprendre un projet hydroélectrique, minier ou autre.
    Je veux insister sur un autre volet qui concerne les actions civiles, c'est-à-dire le paragraphe 23(1) du projet de loi, qui se lit comme suit:
    23. (1) Tout résident du Canada [...] peut exercer un recours devant les [tribunaux] de la province en cause en vue d’assurer la protection de l’environnement en intentant une action civile contre une personne qui a contrevenu, ou est susceptible de contrevenir, à une loi [...]
    On précise bien les mots « ou est susceptible de contrevenir, à une loi ».
    Encore ici, je fais un parallèle entre le projet de loi et la Charte des droits environnementaux de l'Ontario. Au paragraphe 84(1), qui porte sur le droit d'action, on dit ce qui suit:
    [...] toute personne qui réside en Ontario peut intenter contre cette personne une action relative à l'atteinte devant le tribunal et a droit à un jugement si elle obtient gain de cause.
    Cependant, l'article 83 de la charte précise que l'article 84 ne s'applique qu'à l'égard des contraventions à une loi. Ça ne parle pas des personnes susceptibles de contrevenir à une loi. Donc, il faut qu'il y ait contravention à la loi pour pouvoir entreprendre ou intenter contre une personne une action relative à l'atteinte devant un tribunal.
    Donc, n'est-ce pas là une autre balise prévue dans la charte de l'Ontario, mais qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi C-469?
(1655)
    Je comprends de cette analyse que c'est une autre mesure de certitude qu'il nous faut pour promouvoir des projets. Si on rend cela trop difficile et s'il y a trop d'incertitude dans la façon dont nous allons planifier nos projets, ce sera plus difficile de créer des projets énergétiques qui pourraient aider à la lutte contre les gaz à effet de serre et autres problèmes du genre. C'est quelque chose qui n'est pas considéré.
    Si le parrain ou la marraine du projet de loi décidait de le modifier de façon à intégrer des balises et des garde-fous comme les provinces ont décidé de le faire, seriez-vous plus susceptible de nous recommander un vote en faveur du projet de loi? Le seriez-vous si vous aviez une certaine garantie à l'égard non seulement des deux éléments que je viens de vous mentionner, mais aussi d'autres que je n'ai pas eu le temps d'aborder, faute de temps?
    De toute évidence, nous sommes capables de créer des projets dans les provinces où s'applique un pareil type de lois et de mesures. D'un point de vue logique, si on devait adopter quelque chose au palier fédéral qui contienne ce type de mesures préventives, ce serait plus facile d'être encore plus favorable à ce qu'on étudie présentement.
    Je n'ai plus de questions, monsieur le président.
    Merci.

[Traduction]

    Madame Duncan.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages.
    Monsieur Irving, en préparant votre allocution, vous êtes-vous renseigné au sujet des autres lois environnementales du gouvernement fédéral? Savez-vous que nombre des droits et possibilités accordés en vertu du projet de loi C-469 le sont déjà aux termes de la LCPE?
    Par exemple, l'article 22 permet aux particuliers d'intenter une action en protection de l'environnement. L'article 39 autorise une personne à demander une injonction. L'article 40 autorise une personne à intenter une action en dommages-intérêts, ce que ne permet pas le projet de loi C-469. Il exclut le recouvrement de dommages-intérêts et n'autorise que la demande d'une ordonnance de restauration, entre autres choses. L'article 17 de la LCPE autorise un résident — pas un citoyen — à demander une enquête.
    Souhaitez-vous qu'on modifie aussi ces lois pour révoquer les droits que confère la LCPE?
    Non, nous ne demandons pas ce genre de modifications. D'ailleurs, nous ne contestons pas les dispositions du projet de loi qui se trouvent également dans les lois existantes. C'est le projet de loi dans son ensemble qui nous donnera du fil à retordre après que nous aurons reçu nos permis, après que nous nous serons conformés à toutes les lois existantes avec lesquelles nous devons composer et auxquelles nous sommes assujettis.
    Le projet de loi prévoit des recours après coup qui auront aussi pour conséquence possible de retarder nos projets, et nous croyons sincèrement qu'il pourrait donner lieu à des tactiques obstructionnistes. Comme je l'ai mentionné plus tôt, sous le régime législatif actuel, le processus que nous devons suivre dure de huit à quatorze ans. Nous respectons ces lois. Nous réussissons effectivement à réaliser des projets sous ce régime. Mais s'il existe des recours après coup, nous nous demandons dans quelle mesure cela pourrait retarder nos projets. Nous croyons que le projet de loi fournit toutes sortes de nouveaux moyens d'occasionner des retards. C'est ce qui nous préoccupe.
(1700)
    Donc, si j'ai bien compris, vous ne vous opposez pas à ce que ces droits soient conférés aux citoyens en vertu de la LCPE; vous contestez simplement le fait que ces droits soient accordés en vertu d'autres lois environnementales.
    Pouvez-vous donner au comité des exemples d'actions futiles ou vexatoires qui ont été intentées contre des exploitants, disons, en Colombie-Britannique, au Manitoba, au Yukon ou au Québec, où les exploitants doivent se conformer à une charte des droits environnementaux?
    Non, je n'ai pas d'exemples à vous donner. Mais, encore une fois, la façon dont nous interprétons et comprenons ces lois est très différente de la façon dont nous interprétons et comprenons le projet de loi que nous étudions aujourd'hui. C'est pour cette raison que nous émettons ce genre d'hypothèses.
    J'imagine que j'attends encore de savoir quels sont les détails différents.
    L'une des choses que je voudrais porter à votre attention, à l'égard de la réponse que vous avez donnée à la question posée par mon collègue M. Bigras, c'est que, en fait, le projet de loi dont nous sommes saisis, que vous commentez, limite bel et bien le champ d'application de la loi, très précisément l'article 8. Je vous inviterais à jeter un coup d'oeil à ce que dit cet article:
Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux décisions émanant d’une source d'origine fédérale et à celles concernant le territoire domanial ou les entreprises fédérales.
    Par conséquent, le champ d'application du projet de loi est très limité, ce qui devrait vous rassurer un peu.
    Vous avez toutefois soulevé un point qui a été soulevé aussi par d'autres représentants de l'industrie. Vous avez déclaré que les tribunaux n'ont pas la compétence pour évaluer des données scientifiques. Est-ce que vous insinuez que les tribunaux sont également incapables d'évaluer des données environnementales, même lorsqu'il s'agit d'une poursuite intentée en vertu de lois environnementales?
    Je ne crois pas que nous ayons dit qu'ils étaient incapables d'évaluer ce genre de données. Nous disons que nous croyons qu'il est plus approprié que le processus décisionnel dans ce domaine relève des organes parlementaires qui ont été créés par le Parlement et qui font partie de la fonction publique. Au cours des dernières années, le gouvernement a mis sur pied des organismes professionnels en réaction aux exigences prévues dans les lois qui sont entrées en vigueur, par exemple l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et d'autres organismes semblables. Nous croyons que ces organismes ont l'expertise et les ressources nécessaires pour rendre les meilleures décisions possibles.
    Donc, vous croyez que toutes les demandes de révision judiciaire devraient être transmises aux scientifiques du gouvernement, pas aux tribunaux?
    Je ne dis pas « toutes les demandes ». Ce que nous disons, c'est que, dans ce cas, nous croyons que le régime actuel prévoit les mécanismes de protection et d'application des règlements qui permettent déjà à notre industrie d'avoir la certitude dont elle a besoin.
    J'essaie seulement d'avoir des éclaircissements. Vous dites que vous n'allez pas demander qu'on abroge les dispositions identiques qui se trouvent dans la LCPE, et, pourtant, vous ne croyez pas que ces dispositions — disons, le droit qu'a un citoyen de demander une enquête s'il soupçonne qu'une infraction a été commise ou de demander une révision judiciaire s'il croit qu'une loi environnementale n'est pas appliquée correctement par un organisme — devraient se trouver dans d'autres lois environnementales? Vous ne croyez pas qu'un citoyen devrait avoir le droit de s'adresser aux tribunaux dans de tels cas ou de demander une enquête à l'égard d'une possible violation des lois environnementales?
    Ce n'est vraiment pas le rôle de notre industrie de donner notre avis sur les circonstances dans lesquelles les gens devraient pouvoir s'adresser aux tribunaux.
    Je ne parlais pas des tribunaux, monsieur. Je parlais du droit de demander une enquête. Vous avez contesté le projet de loi, alors je vous pose la question suivante: êtes-vous en faveur de certaines des dispositions du projet de loi, par exemple celles qui prévoient qu'un résident a le droit de présenter une demande d'enquête à l'égard d'une possible infraction?
    Si j'ai bien compris, c'est lorsque l'on demande au ministre de mener une enquête. S'agit-il bien de cette disposition du projet de loi?
    Cette disposition du projet de loi confère à une personne le droit — ce qui est également le cas dans la LCPE — de demander une enquête lorsqu'elle a reçu des informations qui lui permettent de croire qu'on aurait enfreint une loi environnementale fédérale.
    Non, nous ne demandons pas que la LCPE soit modifiée. Mais nous trouvons que, par comparaison avec la LCPE, le projet de loi nous laisse davantage dans l'incertitude.
    Les exploitants de votre industrie croient-ils qu'il ne faudrait jamais leur imposer d'exigences environnementales?
    Par exemple, hier soir, un expert américain m'a dit que le Corps of Engineers de l'armée des États-Unis visite les barrages hydroélectriques pour déterminer s'il serait possible de les faire fonctionner d'une façon plus respectueuse de l'environnement, mais sans en suspendre les activités. Êtes-vous contre l'idée de réexaminer les approbations environnementales pour faire en sorte que ce genre d'ouvrages fonctionnent d'une façon plus respectueuse de l'environnement?
(1705)
    Non.
    De telles dispositions sont déjà en place dans les provinces du Canada avec lesquelles je fais affaire.
    Pourriez-vous nous donner un exemple de nature législative qui montre l'importance d'un tel droit?
    Dans les dispositions concernant les approbations aux termes de la Loi sur les pêches, par exemple, il y a une exigence qu'on appelle la gestion adaptative. Il s'agit habituellement de conditions d'approbation qui obligent le promoteur à recourir à une approche de gestion adaptative à l'égard des paramètres pour lesquels il existe une certaine incertitude au moment de l'approbation, de sorte que, à mesure que les répercussions sur l'environnement sont mieux comprises pendant l'exploitation de l'ouvrage...
    D'accord, vous êtes totalement...
    Merci. Votre temps est écoulé.

[Français]

    Monsieur Blaney, c'est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Irving et monsieur Kerr, je vous remercie d'avoir accepté de venir comparaître dans des délais aussi courts.
    Cet après-midi, vous venez de confirmer mes pires appréhensions vis-à-vis du projet de loi que notre comité étudie en ce moment. On ne peut pas vous reprocher d'exploiter des énergies fossiles et d'être des pollueurs qui ont les deux mains dans le pétrole ou dans le gaz de schiste, qu'on retrouve au Québec. Bien que j'aie beaucoup de respect pour ces deux industries, il faut reconnaître qu'elles n'auront pas nécessairement aussi bonne presse.
    En fait, vous êtes chef de file des industries dans le domaine des énergies renouvelables au pays. L'hydroélectricité est la plus grande richesse que nous ayons, en particulier au Québec.
    Votre témoignage est clair comme de l'eau de roche, si vous me permettez l'expression. Vous n'y allez pas de main morte. Vous dites déjà que ce projet de loi pourrait compromettre la réalisation de projets hydroélectriques. On sait qu'on en a plusieurs en cours au Québec et qu'on souhaite en avoir d'autres. Vous dites que ça prend normalement de 8 à 14 ans et que ça créerait une incertitude. Sauf erreur, vous dites que ça pourrait prolonger cette période de temps. Vous ai-je bien compris?
    C'est ce que nous comprenons des dispositions de ce projet de loi. C'est une nouvelle mesure d'incertitude, une nouvelle façon de ralentir les projets. Nous ne sommes pas opposés à des changements ou à des améliorations dans la façon de traiter l'environnement. Par contre, nous ne sommes pas absolument certains que cette façon de faire atteindra cet objectif. Cela risque plutôt de ralentir la plupart de nos projets.
    En effet, vous avez été très clair lors de votre allocution. Vous dites que ça augmente le niveau d'incertitude et les risques de poursuites, et que ça vous empêche de jouer votre rôle de stewardship, comme vous le disiez. Je traduirais ce terme par le mot « champion » en ce qui a trait à la surveillance du développement des projets.
    Ma perception de ce projet, surtout comme Québécois, est que les néo-démocrates semblent essayer de passer un sapin au Québec. Écoutez, il semble clair que ça empiète dans les champs de compétence provinciale. On l'a démontré tantôt, ce projet de loi a une portée démesurée et je trouve cela extrêmement préoccupant.
    J'aimerais vous entendre commenter cet extrait du mémoire de la Fédération maritime du Canada qu'un représentant industriel est venu nous présenter:
[...] nous sommes inquiets que le projet C-469 permette à n’importe qui de contester n’importe quand la validité de n’importe quelle norme réglementaire, court-circuitant ainsi le processus réglementaire existant et provocant l'incertitude en matière réglementaire.
     Comme le mentionnait mon collègue Blaine Calkins, depuis des décennies, on a travaillé à mettre en place un cadre réglementaire environnemental extrêmement sévère et très complexe. Maintenant, on arrive avec une nouvelle pièce qui crée une espèce de twilight zone. Dans ce scénario, tout est possible. Ma foi, en fin de compte, cela crée un risque potentiel pour les promoteurs comme vous qui veulent réaliser des projets de développement durable.
    Comment réagissez-vous à cette situation? Est-ce que ça peut nuire aux investissements? Est-ce que ce projet de loi pourrait compromettre le financement de projets de développement durable?
(1710)
    C'est un peu notre impression. Il y a de l'incertitude, et c'est pourquoi je dis que ça pourrait empêcher nos autres efforts de promotion de l'amélioration de l'environnement. Notre industrie, en particulier, a de bons exemples, partout où nous avons adopté différentes mesures pour améliorer l'environnement. Nous savons bien que nos activités de développement ont des conséquences et qu'il faut faire beaucoup de choses conformément à des règlements. Il faut aussi adopter d'autres mesures pour améliorer la situation en dehors même des règlements.
    Le problème est que ça coûte de l'argent, bien sûr, et que ça requiert et détourne des ressources. C'est une chose qu'on prend au sérieux et envers laquelle nous nous sommes engagés. Si on crée un nouveau champ d'incertitude par un projet de loi, ça va nous forcer à réévaluer ce que nous faisons en plus, et peut-être nous amener à nous demander si nous devrions être impliqués à cet égard. En effet, en faisant de telles choses, on pourrait se poser des questions...
    Monsieur Irving, je m'excuse de vous interrompre, mais je vois que le temps file.
    Un avis juridique nous a été remis en début de semaine. Cet avis nous indique que ce projet va à l'encontre du développement durable puisque celui-ci constitue un équilibre entre l'économie et l'environnement. Vous êtes en quelque sorte un champion canadien du développement durable. Êtes-vous d'avis que ce projet de loi crée un déséquilibre puisqu'il vient empêcher le soutien économique nécessaire pour réaliser des projets de développement durable?
    C'est le risque qu'on court et c'est pourquoi nous sommes très contents de vous parler aujourd'hui.
    Monsieur le président, vous m'avez indiqué que mon temps achevait, alors je termine mon intervention.
    Pour conclure, vous avez dit que ce projet de loi était extrêmement dommageable et dévastateur en ce qui a trait aux projets de développement durable, n'est-ce pas? Vous l'avez dit en anglais. Est-ce que je traduis bien votre pensée?
    Oui, ça risque d'être ce qui va arriver si ce n'est pas modifié.
    Parfait, merci beaucoup.
    J'ai terminé.
    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Scarpaleggia, vous pouvez commencer la série d'interventions de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'essaie de savoir si le projet de loi peut donner lieu à la suspension d'un permis. Si je ne me trompe pas, Mme Duncan a dit que ce n'était pas possible, mais quelqu'un d'autre a dit que cela pouvait arriver. Je crois que j'ai trouvé la disposition qui porte sur la suspension ou l'annulation d'un permis : c'est le paragraphe 19(2).
    Toutefois, un avocat m'a expliqué que, en fait, cette disposition devrait être retirée, car elle n'a pas vraiment de sens, étant donné que nous parlons de la révision judiciaire d'une décision du gouvernement du Canada, et, dans cette disposition, on fait plutôt allusion à des défendeurs autres que le gouvernement du Canada. De toute façon, je vais proposer de retirer cette disposition.
    Monsieur Irving, si nous retirions cette disposition, seriez-vous plus rassuré?
    Selon les analyses que m'ont fournies les membres de l'association, je dirais que cela nous rassurerait davantage.
    C'est bon à savoir.
    L'autre amendement que je vais proposer, c'est de retirer le paragraphe 23(3), qui suscite beaucoup d'inquiétudes chez les membres de l'industrie qui ont communiqué avec nous au sujet du projet de loi. Ce paragraphe dit que le fait que l'activité était autorisée par une loi ou par un règlement ne constitue pas un moyen de défense dans une action civile. Autrement dit, si je comprends bien, le fait de retirer cette disposition lèverait une grande partie de l'incertitude. Les membres de l'industrie ont l'impression que, même s'ils se conforment aux lois et aux règlements, ils sont tout de même vulnérables. Croyez-vous que, si nous enlevons cette disposition, cela rendra le projet de loi plus acceptable à vos yeux?
(1715)
    Oui, c'est une autre disposition qui complique les choses.
    Merveilleux.
    En ce qui concerne les poursuites futiles, croyez-vous qu'il existe une protection suffisante? Je suis persuadé qu'on vous a déjà posé cette question, mais peut-être que vous pourriez y répondre de nouveau. Croyez-vous qu'il existe une protection suffisante contre les poursuites futiles dans le projet de loi sous sa forme actuelle?
    Non, selon notre analyse, le projet de loi n'offre pratiquement aucune protection. Nous avons l'impression que le projet de loi vise à encourager les gens à intenter plus d'actions au nom de la protection ou de l'amélioration de l'environnement.
    Pourtant, le paragraphe 21.(1) semble dire que les personnes ayant intenté une poursuite futile ou vexatoire ou équivalant à du harcèlement peuvent se voir ordonner de payer les dépens.
    Oui, mais nous craignons que l'incertitude causée par la durée excessive des procédures judiciaires ait une incidence négative sur nos projets.
    Vous devrez peut-être aller en cour et payer un avocat, mais vous représentez de grandes entreprises qui ont les moyens de se défendre.
    De plus, vous sous-estimez peut-être les ONG vouées à la protection de l'environnement. Je ne crois pas qu'elles ont intérêt à intenter des poursuites futiles et à payer des frais juridiques. Ces ONG n'ont pas beaucoup d'argent. Elles ont donc tendance à choisir des causes qui peuvent être gagnées et qui feront jurisprudence.
    Je crois qu'il y a un problème avec la disposition se rapportant à l'action civile. En effet, cette disposition ne renvoie pas à l'article 21. Alors, je vais proposer un amendement visant à ajouter un renvoi à l'article 21 dans la disposition concernant l'action civile. Cela vous procurerait une certaine protection supplémentaire. J'imagine que cela vous rassurerait davantage.
    Les améliorations sont toujours les bienvenues.
    Toutefois, dans notre cas, le problème n'est pas tant d'avoir à payer pour aller devant les tribunaux. C'est plutôt la durée des procédures judiciaires et l'incertitude qui en découle. Pour ce qui est de prédire qui intenterait une poursuite contre nous, nous ne pouvons pas le savoir. Je n'essaie pas de préjuger quoi que ce soit à ce chapitre.
    Le temps est écoulé. Le temps passe si vite lorsqu'on s'amuse.
    Monsieur Armstrong, c'est à vous.
    Merci, monsieur Irving, de votre allocution. Je l'ai trouvé intéressante. Elle va dans le sens des vues exprimées par plusieurs des témoins que nous avons entendus.
    Je viens des provinces atlantiques, et nous nous plaisons à croire que les provinces atlantiques carbureront à l'énergie renouvelable dans deux ou trois décennies. Êtes-vous d'accord pour dire que ma région offre un potentiel immense en énergie renouvelable?
    Oui, nous avons des membres qui travaillent pour Nalcor, société d'État qui exploite toutes les formes d'énergie à Terre-Neuve, et plus particulièrement l'énergie hydroélectrique. Terre-Neuve a un potentiel hydroélectrique gigantesque. Beaucoup de gens le savent. Je crois qu'il y a là des possibilités excitantes dont bon nombre de personnes pourraient tirer profit.
    Bien évidemment, vous connaissez le projet du cours inférieur du Churchill, qui présente probablement l'un des plus grands potentiels de production d'énergie propre, d'énergie perpétuelle, dans le pays pour la prochaine génération. Êtes-vous d'accord avec moi sur ce point?
    De toute évidence, nous avons constaté que ce projet recèle un énorme potentiel et serait très profitable.
    Croyez-vous que, si le projet de loi est adopté sans amendement, sous sa forme actuelle, le projet pourrait être contrecarré par le fait qu'une personne, en Alberta, par exemple, en Colombie-Britannique ou en Ontario ou dans une autre province, décide de s'en mêler, ce qui retarderait l'exploitation de cette énergie verte dans les provinces atlantiques?
(1720)
    Je crois comprendre que oui, ce projet de loi laisse vraiment le champ libre aux gens qui veulent contester après coup les permis ou les autorisations qui ont été délivrés. Et je ne vois rien qui pourrait empêcher une personne de le faire, quel que soit l'endroit où elle vit au Canada.
    La disposition dit « tout résident ». Croyez-vous qu'un étranger qui réside au Canada pourrait essayer de saboter le projet du cours inférieur du Churchill, dans les provinces atlantiques?
    C'est un aspect intéressant auquel je n'avais en fait pas pensé. Oui, « résident » semble être un mot problématique.
    Si vous travailliez pour un autre producteur d'énergie qui anticiperait la concurrence que lui livrerait le projet du Churchill au cours des 25, 30 ou 40 prochaines années... Croyez-vous que l'adoption de ce projet de loi pourrait amener un producteur d'énergie étranger à inciter des résidents à contester le projet? Je ne dis pas que cela arrivera, mais est-ce qu'un tel scénario serait possible si le projet de loi était adopté sans amendement?
    À vrai dire, cette question est probablement liée à la dernière question. Vous savez, lorsqu'on parle des poursuites vexatoires, un tel scénario est possible. J'ai pris connaissance de certains des commentaires formulés par des représentants de la Chambre de commerce du Canada plus tôt cette semaine, et il me semble qu'une telle situation pourrait se produire.
    Des gens pourraient se servir à mauvais escient du projet de loi — sous sa forme actuelle — pour saboter des projets d'exploitation d'une énergie propre, verte et perpétuelle et contraindre le Canada à tirer son énergie des combustibles fossiles.
    Cela ressemble en effet à un exemple de poursuite vexatoire.
    Au bout du compte, ce projet de loi pourrait, à long terme, causer du tort à l'environnement plutôt que de contribuer à le protéger.
    Ce qui nous préoccupe constamment à l'Association canadienne de l'hydroélectricité, c'est notre capacité à produire une énergie propre et renouvelable pour lutter contre les changements climatiques et la pollution de l'air à l'échelle de la planète. Je crois que ce que vous dites n'est pas entièrement déraisonnable.
    Merci.
    Je vais laisser le reste de mon temps à mon collègue, M. Calkins.
    Merci.
    Si vous avez jeté un coup d'œil au témoignage précédent, vous savez quelle est la question que je vais vous poser, car je l'ai posée plusieurs fois.
    J'ai déjà siégé au Comité permanent des pêches et des océans. Il y a quelques années, deux ou trois membres du Bloc québécois qui siégeaient à ce comité ont invité des membres de la Première nation de Chisasibi à faire part au comité des dommages écologiques énormes qui auraient été causés sur la côte Est de la Baie James en conséquence des projets hydroélectriques réalisés dans cette région. Les représentants ont dit que la zostère a disparu, que les oiseaux migrateurs ne se posent plus dans cette région et que les poissons et les autres espèces aquatiques indigènes ont changé.
    Si le projet de loi était adopté sous sa forme actuelle, selon le critère qui est prévu à l'article 16 — à savoir la prépondérance des probabilités — et les alinéas de l'article 19 — qui se rapportent aux pouvoirs de la Cour fédérale —, interprétez-vous les alinéas 19(1)b) et e) ainsi que 19(2)a) et b) de la même façon que moi? Si la Première nation trouvait un juge qui partageait son point de vue, le juge pourrait ordonner la suspension et la révocation d'un permis délivré à Hydro-Québec des années auparavant. D'après ce que je lis ici, un juge pourrait « suspendre ou annuler tout permis ou autorisation », « ordonner au défendeur de fournir une garantie financière », « ordonner au défendeur de restaurer ou de rétablir l'environnement, en tout ou en partie » ou « accorder une injonction en cessation de la contravention ».
    Croyez-vous que de telles décisions pourraient être rendues si le projet de loi était adopté?
    Je crois que c'est certainement l'un des problèmes que nous avons relevés et que M. Irving a fait ressortir dans son allocution. C'est une préoccupation importante. À l'heure actuelle, étant donné que la réalisation des projets hydroélectriques s'étend sur une longue période, qu'il y a beaucoup de risques associés au fonctionnement des ouvrages hydroélectriques et que ces projets exigent beaucoup d'investissements, très peu d'organisations disposent des ressources techniques et financières voulues pour construire et exploiter ces ouvrages.
    Je crois que l'accroissement des risques qui sont déjà liés à l'exploitation de ce genre d'installations rétrécirait encore plus ce groupe et éliminerait certainement des joueurs du bassin de concurrents.
    Merci.
    Merci, monsieur Calkins. Votre temps est écoulé.

[Français]

    C'est votre tour, monsieur Ouellet.
    Je cède ma place à M. Bigras.
    Alors, allez-y, monsieur Bigras.
    Merci, monsieur le président.
    En réponse à des questions que j'ai posées, Mme Duncan a pris la peine de spécifier que le champ d'application de son projet de loi était strictement fédéral. Or, à la suite de l'analyse du projet de loi, estimez-vous qu'il y a des intrusions dans les champs de compétence des provinces?
    À l'article 23, qui prévoit un recours en action civile, il est bien écrit ceci:
    23. (1) Tout résident du Canada ou toute entité peut exercer un recours devant les cours supérieures de la province en cause en vue d’assurer la protection de l’environnement en intentant une action civile contre une personne qui a contrevenu, ou est susceptible de contrevenir [...]
    N'y a-t-il pas ici une intrusion dans les champs de compétence des provinces? Il me semble que les questions civiles relèvent habituellement des provinces.
(1725)
    Selon nous, si les cours fédérales obligent le gouvernement fédéral à apporter des changements plus substantiels à nos projets établis dans les provinces, il risque évidemment d'y avoir des frictions entre la province concernée et le gouvernement fédéral. En termes constitutionnels, la gestion des ressources naturelles relève des provinces. Si les cours fédérales obligent le gouvernement fédéral à exercer plus de pouvoirs, de nouveaux pouvoirs ou encore des pouvoirs pouvant être perçus comme nouveaux, ça risque de causer des tensions. On prévoit cette possibilité.
    D'accord.
    Je n'ai pas d'autres questions.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Preston, c'est à votre tour.
    Je n'ai rien à ajouter, merci.
    Vous pouvez céder votre temps à M. Calkins, si vous le voulez.
    Oui, allez-y.
    Ce serait très apprécié. Merci, Joe.
    Pour revenir sur certains des points qui ont été abordés, je crois que ce point a peut-être déjà été soulevé, mais je constate que le projet de loi comporte d'autres lacunes, sans oublier qu'il est propice à toutes formes de militantisme judiciaire. Ce projet de loi est vanté et encensé par des députés qui, selon moi, prennent tous plaisir à retourner dans leur coin de pays et à brandir ce projet de loi en annonçant que nous avons enfin une charte des droits environnementaux. Mais ce projet de loi ne vise pas à protéger l'environnement; il vise à protéger les droits des environnementalistes. À mon avis, le projet de loi fausse l'équilibre du développement durable, comme l'ont mentionné certains de mes collègues du Parti libéral, et d'un avenir durable.
    Les trois piliers du développement durable sont les facteurs sociaux, les facteurs économiques et les facteurs environnementaux. Croyez-vous que le projet de loi fausse l'équilibre entre ces trois piliers?
    J'ignore à quel point le projet de loi fausse l'équilibre entre ces trois piliers. Je présume qu'il favorise peut-être le côté social. Je crois que c'est pour cette raison que nous avons été témoins de certaines pratiques obstructionnistes et de poursuites vexatoires dans des régions en particulier. Nous exploitons non seulement l'énergie hydroélectrique, mais également l'énergie éolienne. Dans le cas des projets d'exploitation de l'énergie éolienne en Ontario, nous avons certainement été témoins de comportements obstructionnistes qui favorisaient peut-être le côté social, même si les promoteurs de ces projets avaient réalisé des études environnementales, sociales et économiques exhaustives pour se conformer à nombre des exigences actuelles en matière de processus et d'évaluations.
    Comme certains des députés autour de cette table ont déjà fait remarquer que certaines des dispositions du projet de loi existent déjà dans d'autres lois, cela ne témoigne-t-il pas de la redondance et de l'inutilité du projet de loi qui est proposé?
    Encore une fois, selon l'expérience que j'ai eue dans diverses administrations canadiennes, je n'ai pas encore vu de situations où des préoccupations légitimes n'ont pu être exprimées ni prises en considération dans le cadre des processus d'approbation actuels.
    Je crois que, si le projet de loi était adopté, il servirait les intérêts des entreprises concurrentes. Si je ne me trompe pas, nous avons déjà brièvement discuté de cet aspect à cette table, mais je crois que, si un exploitant d'énergie solaire se voit refuser par le gouvernement fédéral, ou d'autres ordres de gouvernement, un permis ou une subvention en capital, et, disons qu'un promoteur de projet éolien ou hydroélectrique obtient ce permis ou cette subvention, est-il possible que le projet de loi constitue le moyen idéal pour l'exploitant d'énergie solaire d'essayer de faire suspendre ce permis et d'obtenir une injonction pour des motifs purement concurrentiels?
    Si le projet de loi était adopté, à quel point serait-il facile de faire une telle démarche, vu la nature des critères qui seraient appliqués? Le principal critère est la prépondérance des probabilités, et il n'est pas très difficile d'y satisfaire. Par conséquent, à quel point serait-il facile d'obtenir une injonction temporaire ou d'interrompre la mise en oeuvre d'un projet?
(1730)
    Selon notre interprétation du projet de loi et les conseils qui nous ont été donnés, je crois que ce serait très facile. Il semble qu'un tel scénario pourrait très probablement se produire.
    Merci, monsieur Calkins. Votre temps est écoulé, tout comme le temps que nous avions prévu pour cette réunion.
    Je voudrais seulement obtenir des éclaircissements en ma qualité de président. Dans votre allocution et dans vos réponses, vous avez clairement exprimé vos réserves à l'égard du projet de loi. L'Association canadienne de l'hydroélectricité préférerait-elle que le projet de loi soit retiré ou qu'il soit amendé?
    Le projet de loi pourrait probablement être amendé, mais ça dépend. Idéalement, il faudrait que les amendements apportés au projet de loi tiennent compte de l'ensemble de nos préoccupations, et alors tout serait réglé. Mais si ces amendements ne sont pas apportés, je crois que le retrait du projet de loi serait le choix logique à faire.
    Monsieur Kerr.
    Je voudrais juste ajouter que les amendements que nous jugeons nécessaires pour rendre le projet de loi acceptable et pour obtenir les résultats voulus seraient considérables.
    Je vous remercie beaucoup d'avoir témoigné aujourd'hui au nom de l'Association canadienne de l'hydroélectricité. Monsieur Irving et monsieur Kerr, vos déclarations nous aideront dans nos décisions lorsque nous étudierons le projet de loi, article par article, la semaine prochaine.
    Sur ce, j'aimerais que quelqu'un propose la levée de la séance, s'il vous plaît.
    Une voix: Je la propose.
    Le président: La séance est levée.
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