:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de témoigner devant le comité aujourd’hui pour discuter du projet de loi . Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Anne-Marie Smith, conseillère juridique principale.
Nous avons étudié avec intérêt le projet de loi C-469, particulièrement les articles qui établissent de nouvelles responsabilités pour le Bureau du vérificateur général et le commissaire. Les articles 13 et 14 du projet de loi décrivent deux nouvelles responsabilités administratives possibles pour mon bureau. Dans les deux articles, ces nouvelles responsabilités attribuées au commissaire englobent la transmission de la demande d'examen ou d'enquête d'un résident canadien ou d'une entité au ministère responsable, et prévoient que servions en quelque sorte de bureau central. Nous pourrions alors exercer cette fonction.
[Traduction]
Comme les membres du comité le savent peut-être, le commissaire joue déjà le rôle de bureau central de transmission dans le cas des pétitions en matière d'environnement. En effet, mon bureau fait le suivi des pétitions reçues et signale au Parlement les questions soulevées et fait part de la rapidité avec laquelle les ministères répondent.
Reportons-nous à l'article 26. Si nous comprenons bien, celui-ci exigerait du vérificateur général du Canada qu'il examine tous les nouveaux règlements et projets de loi fédéraux présentés à la Chambre des communes afin de déterminer s'ils sont incompatibles avec les fins et dispositions du projet de loi . Nous avons des préoccupations au sujet de ces responsabilités. Bien que l'objectif d'assurer l'uniformité des règlements soit important, nous sommes d'avis que cette fonction incombe au gouvernement plutôt qu'au BVG. En fait, il existe déjà des mécanismes conçus pour assurer l'uniformité et pour prendre en compte les incidences environnementales des politiques et des programmes du gouvernement.
Par exemple, toute proposition de règlement soumise à l'approbation du gouvernement doit être accompagnée du résumé de l'étude d'impact de la réglementation. Chaque résumé doit par ailleurs comprendre différentes analyses ainsi qu'une justification avant la mise en oeuvre. Un autre exemple est l'évaluation environnementale stratégique des projets de politiques, de plans et de programmes.
Le comité voudra peut-être examiner ces mécanismes de même que le rôle du ministère de la Justice. Ce ministère est l'organisme central responsable de fournir des avis au sujet de toutes les questions juridiques, y compris en ce qui a trait à la constitutionnalité des initiatives et des activités du gouvernement.
[Français]
Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. C'est avec plaisir que nous répondrons aux questions des membres du comité.
Merci.
:
C'est un plaisir, monsieur le président, que d'être ici aujourd'hui. En fait, je suis très heureux de comparaître devant le comité parce que la Charte canadienne des droits environnementaux reflète de nombreuses expériences que nous avons vécues en Ontario avec notre propre charte.
Le commissaire à l'environnement de l'Ontario, qui est nommé par l'Assemblée législative, est chargé de surveiller et de produire des rapports publics sur la conformité du gouvernement à la Charte des droits environnementaux de l'Ontario ou, comme nous l'appelons, à la CDE. À titre de commissaire à l'environnement de l'Ontario depuis plus de 10 ans, j'aimerais, à partir de mon expérience sur la CDE de l'Ontario, émettre certains propos qui pourraient s'avérer utiles à l'examen du projet de CCDE.
Je crois que le projet de CCDE pourrait devenir un texte de loi important et positif. Depuis son entrée en vigueur en 1994, la CDE de l'Ontario a permis d'accroître la responsabilisation, la transparence et la participation du public au processus décisionnel en matière environnementale et, en dernier ressort, d'améliorer la protection environnementale de la province. À mon avis, le projet de loi est porteur de nombreux avantages similaires — au chapitre de la responsabilisation, de la transparence, de la participation du public et de la protection environnementale de la province — à l'échelle fédérale.
En ce qui a trait à l'examen des projets de loi et des règlements par le commissaire, le projet de CCDE exigerait que le vérificateur général, par l'entremise du commissaire à l'environnement et au développement durable, étudie tous les projets de loi et règlements pour les harmoniser aux fins de la CCDE. À l'aide des dispositions comparables de la CDE de l'Ontario — en vertu desquelles le CEO est tenu d'examiner la conformité des décisions gouvernementales aux dispositions de l'Ontario et de formuler des commentaires à cet égard —, le CEO, mon bureau, s'est imposé comme un acteur important, indépendant et impartial dans le débat public sur les questions environnementales. Ces interventions ont ouvert la voie à l'amélioration de la prise de décisions en matière d'environnement.
Quant à l'accès à l'information et à la participation du public au processus décisionnel en matière d'environnement, le projet de CCDE requiert du gouvernement fédéral qu'il fournisse au public des renseignements sur les décisions importantes qui touchent l'environnement et qu'il permette à la population de participer au processus décisionnel en matière d'environnement. En Ontario, le degré élevé de participation du public au processus décisionnel en matière d'environnement, autorisé en vertu de la CDE de l'Ontario, constitue l'une des plus grandes réussites de cette loi. Désormais, les ministres provinciaux publient chaque année des milliers d'avis publics relatifs aux décisions environnementales envisagées ou définitives, y compris des liens pratiques vers des documents d'information, dans un registre de la protection de l'environnement en ligne réservé à cette fin. Ce registre permet également à la population de transmettre aux ministres des commentaires qui éclaireront leur prise de décisions définitives.
En publiant dans le registre de la protection de l'environnement des propositions de lois, de règlements et de textes importants sur le plan environnemental, dans le but d'informer le public et de recueillir ses commentaires, le gouvernement a accru la transparence et la responsabilisation de son processus décisionnel; ce faisant, il a amélioré la prise de décisions en matière d'environnement et, dans bien des cas, il a favorisé l'adhésion du grand public à ses décisions.
Même si le texte du projet de loi comprend les principales composantes de la participation du public — soit l'accès à l'information et la possibilité d'une participation efficace du public —, j'encourage fortement l'utilisation d'un registre unique réservé à cette fin, comme c'est le cas en Ontario, dans le but, d'une part, d'optimiser l'accès de la population aux propositions et aux décisions gouvernementales, et d'autre part, d'instaurer des normes minimales obligatoires en matière de consultation.
Pour ce qui est du droit de demander l'examen d'une politique, d'un règlement ou d'une loi du gouvernement fédéral, le projet de CCDE conférera à un membre du public le droit de demander l'examen d'une politique, d'un règlement ou d'une loi du gouvernement fédéral. La CDE de l'Ontario comporte un droit comparable, mais elle exige que deux personnes en fassent la demande. Je suis d'avis que cette exigence favorise la présentation de demandes réfléchies et bien documentées.
En Ontario, on compte de 10 à 25 demandes d'examen chaque année. Ces demandes inspirent des pistes de réflexion et de nouvelles perspectives qui n'auraient peut-être pas été explorées dans le cadre des discussions habituelles entre fonctionnaires et intervenants. Environ 13 p. 100 des demandes présentées donnent lieu à une intervention directe, soit l'examen ou l'amélioration de la loi, du règlement ou de la politique visés. En outre, même si aucun examen officiel ne donne suite à une demande, il n'est pas rare que cette demande contribue néanmoins à faire avancer un dossier, à approfondir la question soulevée ou à déclencher une intervention indirecte.
En ce qui concerne le droit de demander une enquête, le projet de CCDE conférerait au public le droit de demander une enquête gouvernementale sur une infraction apparente à une loi environnementale fédérale. La CDE de l'Ontario comporte également un droit semblable, qui autorise deux personnes à demander une enquête. En Ontario, on a compté 10 à 20 demandes d'enquête du genre chaque année, dont environ 36 p. 100 ont donné lieu à des enquêtes qui ont entraîné la prise de mesures d'exécution. Le CEO a remarqué que, même lorsque le gouvernement rejetait une demande d'enquête, il en découlait souvent une intervention indirecte.
Je suis d’avis que ce droit constitue un précieux outil. Les ressources humaines et financières affectées à l’inspection régulière de toutes les installations réglementées étant restreintes, cet outil confère au public le pouvoir de dénoncer les infractions environnementales éventuelles. Ce droit a d’ailleurs permis de découvrir nombre d’infractions en Ontario, qui n’auraient jamais été dénoncées autrement.
Au sujet des actions en justice, le projet de CCDE donnerait au public l’accès à des recours judiciaires supplémentaires. Premièrement, la CCDE ferait en sorte qu’un résident préoccupé ne se voit pas interdire de comparaître devant les tribunaux dans des affaires environnementales, au seul motif qu’il n’a pas d’intérêt juridique privé ou particulier dans l’affaire. Deuxièmement, la CCDE permettrait au public de demander un examen judiciaire à l’égard de toute action ou omission du gouvernement qui a causé, ou est susceptible de causer, en tout ou en partie, un préjudice environnemental grave. Troisièmement, le projet de CCDE conférerait le droit d’engager une poursuite civile contre une personne ayant commis une infraction à une loi ou à un règlement fédéral qui a causé, ou est susceptible de causer, un préjudice environnemental grave.
La CDE de l’Ontario offre au public un ensemble distinct mais comparable de droits découlant de la loi. Nous avons des droits d'appel. Si le titulaire d’un acte possède déjà un droit d’appel, la CDE de l’Ontario confère aux tierces parties le droit de demander la permission au tribunal concerné d’interjeter appel d’une décision prise par un ministre sur certains textes importants en matière d’environnement. On n’accordera cette permission que si les demandeurs parviennent à montrer de façon probante qu’ils ont un intérêt dans la décision en question, qu’aucune personne raisonnable n’aurait pu prendre une telle décision et que la décision pourrait causer un préjudice grave à l’environnement.
Concernant les allégations de nuisance publique, la CDE de l’Ontario confère aux membres du public le droit d’intenter une poursuite pour cause de pertes économiques ou personnelles directes découlant d’une nuisance publique préjudiciable à l’environnement, et ce, sans l’approbation du procureur général — en Ontario, avant l’ajout de cette disposition, toute allégation de nuisance publique devait être présentée par le procureur général ou autorisée par lui.
À propos des allégations d’atteinte à une ressource publique, la CDE de l’Ontario confère au public le droit de poursuivre toute personne qui a commis, ou qui est sur le point de commettre, une infraction à une loi, à un règlement ou à un texte environnemental qui a porté, ou qui portera, atteinte à une ressource publique.
On a intenté très peu de ces actions en justice en Ontario. On y a fait appel avec parcimonie, bien que la population ait participé activement aux autres mécanismes — en commentant les propositions gouvernementales et en présentant des demandes d’examen et d’enquête. Depuis l’entrée en vigueur de la CDE de l’Ontario, il y a 16 ans, la province n’a connu qu’une seule allégation de nuisance publique — en outre, la nuisance publique n’était qu’un des nombreux motifs sur lesquels reposait la poursuite dans cette affaire — et qu’une seule poursuite en justice en vertu des dispositions sur l’atteinte à une ressource publique de la CDE. Qui plus est, à peine cinq à dix demandes de permission d’interjeter appel sont remplies chaque année. Il est donc clair que les actions en justice ne servent qu’en dernier recours.
Pour ce qui est des frais juridiques, en vertu du projet de CCDE, un tribunal ne pourrait ordonner au demandeur d’un examen judiciaire de payer les frais juridiques que si l’action est jugée frivole, vexatoire ou harcelante. Dans certaines circonstances, le projet de CCDE autoriserait également le tribunal à accorder à un demandeur des honoraires d’avocat ou une avance de dépens. J'appuie fermement ces dispositions. Je suis d’avis, comme j'en ai fait part dans deux instances judiciaires distinctes, que les effets paralysants de la possibilité d’adjudication de frais représentent une entrave importante aux litiges d’intérêt public. Le projet de CCDE devrait contribuer à lever cet obstacle aux affaires judiciaires environnementales valables en droit.
En conclusion, j’aimerais réitérer que, selon moi, le projet de CCDE constitue un texte de loi important et positif, dont l’adoption renforcerait la responsabilisation et la transparence du gouvernement, de même que la participation du public au processus décisionnel en matière d’environnement. Il favoriserait une prise de décisions éclairées et, ce faisant, une protection accrue de l’environnement pour les générations futures.
Merci.
:
Merci beaucoup pour cette question.
Je pense que vous pouvez constater le contraste entre le mandat de M. Miller et le nôtre, au BVG.
Grosso modo, la plupart des rapports que nous déposons au Parlement se fondent sur des garanties, ce qui signifie que nous n'allons pas nous prononcer avant d'être absolument certains de ce que nous avançons. Ces garanties reposent sur l'état d'avancement des dossiers à une date donnée. Par conséquent, si nous essayons de spéculer, par exemple, ou de réaliser une évaluation prospective sur ce qui pourrait constituer une incohérence potentielle dans la réglementation...
Chose certaine, nous allons faire tout ce que dicte le Parlement, mais il me semble, et c'est ce que j'essayais de dire, qu'il y a déjà des mécanismes en place au gouvernement. Je pense qu'on peut assurément les renforcer et les clarifier. En ce qui concerne l'évaluation environnementale stratégique, il y a une nouvelle directive du Cabinet qui exige que les ministres assurent l'uniformité de toutes les politiques à l'échelle du gouvernement ainsi que dans le contexte des objectifs environnementaux et du développement durable. Et il y en a d'autres, notamment l'étude d'impact de la réglementation, dont j'ai parlé plus tôt.
En revanche, si, par exemple, nous avions effectué cette évaluation prospective des répercussions potentielles, il serait important que le Parlement puisse s'en remettre au BVG pour savoir si le gouvernement a pris les mesures qui s'imposent. Nos recommandations sont, par définition, axées sur l'avenir. Si nous relevons un problème, nous allons formuler des recommandations au gouvernement dans l'espoir qu'il le règle. Nous allons de nouveau effectuer une vérification et donner des précisions au Parlement pour savoir si la situation est acceptable. Si elle ne l'est pas, il faudra trouver un moyen d'y remédier. Le gouvernement devra préciser les mesures qu'il compte prendre.
Donc, même s'il y a double emploi dans une certaine mesure, mon bureau et celui de M. Miller ont des mandats distincts.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens également à remercier les témoins qui sont venus s’exprimer sur mon projet de loi. Je vous suis très reconnaissante des efforts que vous avez mis dans vos témoignages et analyses.
J’aimerais aussi féliciter les deux bureaux pour leur travail. Les oreilles du commissaire Vaughan doivent probablement lui bourdonner avec tous les compliments que je lui adresse. Je félicite aussi le bureau de l’Ontario. Après 15 ans, je pense qu’il a démontré qu’il joue un rôle inestimable. Merci pour votre bon travail.
Ma première question s’adresse au commissaire Vaughan. Tout d’abord, je vous remercie pour les arguments que vous avez fait valoir, au point 3, au sujet de l’absence d’incohérences.
Concernant le point 5, j’aimerais examiner un peu votre mandat pour savoir ce que vous pensez d’un argument selon lequel il n'y aurait pas d'incompatibilités. Les propos de M. Miller m'ont inspiré un argument auquel je n'avais pas pensé.
De toute évidence, je parle ici des diverses entités qui peuvent être mandatées en vertu de différents textes de loi. Le mandat principal du commissaire à l’environnement et au développement durable lui est conféré par la Loi sur le vérificateur général. Cependant, au fil des années, le commissaire a vu la portée de son mandat s’élargir aux termes de nombreux autres textes de loi.
Évidemment, on peut toujours dire que le fait que le bureau du commissaire relève du vérificateur général fera en sorte qu'on adoptera une approche de continuité plutôt qu'une approche distincte qui serait celle du commissaire à l'environnement. Je pense que c'est très intéressant.
Monsieur Vaughan, je me suis penchée sur un certain nombre de lois qui régissent votre mandat. Il me semble que votre mandat actuel est déjà tourné vers l’avenir, de sorte que vous ne vous contentez pas d’attendre que le gouvernement agisse. Cela s’apparente à la disposition prévue à l’article 26 de la CCDE. Permettez-moi de donner quelques exemples.
Tout d'abord, le paragraphe 9(4) de la Loi fédérale sur le développement durable habilite votre bureau à faire l’examen et à présenter ses observations sur la question de savoir si les cibles et les stratégies de mise en œuvre peuvent être évaluées avant l’approbation finale du Cabinet. Encore une fois, les recommandations sont prospectives de sorte que des changements peuvent être apportés avant que le Cabinet rende sa décision finale.
Ensuite, aux termes des articles 21.1 et 23 de la Loi sur le vérificateur général, le commissaire a pour mission d’assurer le contrôle des progrès accomplis dans la voie du développement durable — et d’en faire rapport — et d’examiner toute une série de facteurs qui reflètent la charte des droits environnementaux. C’est donc axé sur l’avenir.
Enfin, en vertu de l’article 10.1 de la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, au moins tous les deux ans, le commissaire à l’environnement et au développement durable doit préparer un rapport à l’intention du Parlement renfermant notamment une analyse des progrès réalisés par le Canada pour respecter ses engagements ainsi que toutes autres observations et recommandations sur toute question qu’il estime pertinente.
N’est-ce pas raisonnable de vérifier, dans le cadre de ces analyses, si le gouvernement a exercé son pouvoir discrétionnaire d'adopter des lois et des règlements, ou même de se pencher sur le développement durable, la protection de l’environnement et ainsi de suite, en vertu de sa Loi d’exécution du budget? N’est-ce pas ce que vise l’article 26?
Je suis désolée si ma question est compliquée.
Merci aux témoins de votre présence.
À la lumière des témoignages de cet après-midi, il est évident que les attributions et les mandats des deux bureaux, celui du commissaire fédéral à l'environnement et celui de M. Miller, sont tout à fait différents. Je vais m'arrêter au volet fédéral. Merci, monsieur Miller, pour vos commentaires.
Le vérificateur général et le commissaire à l'environnement et au développement durable procurent aux parlementaires des recommandations objectives et indépendantes sur les efforts du gouvernement fédéral pour protéger l'environnement et favoriser le développement durable.
Monsieur Vaughan, vous avez parlé de la Stratégie fédérale de développement durable. C'est une loi très importante. Tout ce qui se fait dans l'administration fédérale est désormais examiné sous la loupe du développement durable, lequel repose sur trois piliers: ceux des incidences économiques, des incidences sociales et des incidences sur l'environnement, le gouvernement essayant de préserver l'équilibre entre les trois. Mes questions vont utiliser une nouvelle loupe, celle de la Charte des droits environnementaux.
Maintenant, utilisons-nous la loupe du développement durable ou celle qui sert à vos audits ou vérifications, c'est-à-dire la Charte des droits environnementaux? Quel regard utilisons-nous? Quel est le point de vue dominant? Est-ce que toutes les lois seront examinées sous le filtre de la Charte des droits environnementaux?
Depuis deux semaines environ, nous entendons des témoignages. Dans les deux ou trois premières séances, nous avons surtout entendu des organismes non gouvernementaux, qui ont utilisé un certain nombre de fois l'image du bâton et de la carotte. Ils voulaient une loi, comme le projet de loi , qui servirait de bâton afin d'encourager vivement le gouvernement à aller dans une certaine direction. La question des procédures judiciaires est revenue maintes fois sur le tapis. On a demandé si, probablement, elles s'intensifieraient. M. Miller en a parlé rapidement. D'après l'un de ces témoins, Jamie Kneen, l'intérêt de la menace de procédures judiciaires, c'est d'être un très puissant incitatif.
Je pense que la plupart d'entre nous ont compris que le nombre de poursuites intentées contre le gouvernement n'augmenterait pas nécessairement mais que ce serait un incitatif très puissant pour le faire aller dans une certaine direction.
J'avais alors demandé si le bâton, ce n'était pas la menace de l'adoption d'une loi. Il m'avait répondu: « Je crois que oui ».
Après les ONG, nous avons entendu l'industrie — la Chambre de commerce, l'entreprise — et nous avons entendu parler du frisson que le projet de loi pouvait provoquer, par la menace de procédures judiciaires, encore une fois. Nous avons reçu une lettre du Conseil patronal de l'environnement du Québec, dans laquelle il se dit préoccupé par le fait que le projet de loi ne définit aucune borne, qu'il ne fixe aucune limite. Dans le témoignage précédent, l'incertitude était illimitée, qu'il n'y avait aucune fin aux recours, qui pourraient s'éterniser et que tout résident pourrait intenter des poursuites. Je pense donc que cela a constitué un sujet de préoccupation chez les membres du comité.
Y a-t-il des limites ou n'y en a-t-il pas? S'il n'y en a pas, l'incertitude risquerait d'être illimitée, de même que les investissements perdus.
C'était ce que le Conseil patronal voulait nous dire dans la conclusion de sa lettre:
Ce projet de loi remet en question l'habilité du gouvernement fédéral d'autoriser légalement des projets ou actions susceptibles d’avoir des impacts environnementaux et accorde des pouvoirs d'ordonnance très larges aux tribunaux. Il comporte de nombreux concepts flous comme, par exemple, un droit à un environnement sain et écologiquement équilibré qui n'est pas balisé contrairement à ce que l'on retrouve dans la législation québécoise, par exemple.
Monsieur le président, combien me reste-t-il de temps?
:
Merci, monsieur le président.
Bon après-midi. C'était très intéressant pour nous, du ministère de la Justice, d'écouter les commentaires des commissaires qui ont comparu avant nous cet après-midi. J'espère qu'on pourra vous aider à répondre à d'autres questions qui ont été soulevées.
[Traduction]
M. Bezan nous a déjà présentés, mes collègues MM. Nielsen et Melaschenko et moi-même. Une fois encore, nous sommes heureux de comparaître devant vous pour répondre à vos questions.
[Français]
Je dirais plus expressément en ce qui concerne la modification corrélative à la Déclaration canadienne des droits, qui, vous le saurez, est d'intérêt spécial au ministère de la Justice. M. Melaschenko et moi allons aussi pouvoir répondre aux questions factuelles sur les lois environnementales actuelles ou sur d'autres sujets pertinents au projet de loi déposé devant vous.
Comme vous le savez, à titre d'avocats du ministère de la Justice, nous ne pouvons pas aviser le comité ni sur les modifications possibles apportées au projet de loi ni sur toute question qui pourrait être couverte par le secret professionnel de l'avocat et de son client.
[Traduction]
Compte tenu de l’intérêt particulier du ministère, soit la modification à la Déclaration canadienne des droits, je vais maintenant en traiter expressément.
Nous comprenons la modification proposée comme suit. En adoptant cette modification corrélative à la Déclaration canadienne des droits, le Parlement — pour utiliser le libellé de la Déclaration canadienne des droits — reconnaît et déclare qu’a existé et continuera d’exister le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré et le droit de ne s’en voir privé que par l’application régulière de la loi.
Le Parlement ordonnerait — encore une fois en utilisant le libellé de la Déclaration canadienne des droits — que toute loi du Canada, à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
Enfin, le Parlement ordonnerait au ministre de la Justice d’examiner chaque règlement déposé auprès du greffier du Conseil privé pour enregistrement conformément à la Loi sur les textes réglementaires et chaque projet de loi déposé ou présenté à la Chambre des communes par un ministre de la Couronne, afin d’établir si l’une ou l’autre de leurs dispositions sont incompatibles avec le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré, et de rapporter toute incompatibilité à la Chambre des communes à la première occasion.
[Français]
Avec cette compréhension de la modification corrélative, il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Je n'ai pas de question à poser à mon collègue M. Woodworth.
Je ne sais pas si c'est parce que le film Harry Potter vient de sortir, mais j'ai de plus en plus l'impression qu'on joue à l'apprenti sorcier avec ce projet de loi.
Je veux saluer nos témoins.
Je n'ai pas de formation juridique, mais en même temps que vous livriez votre témoignage, un document nous a été remis par le Conseil patronal de l'environnement du Québec dans lequel il y a vraiment des déclarations chocs que je veux partager avec vous. Il y en a une qui traite de l'article 22 et qui stipule ce qui suit:
Le CPEQ note de plus qu’une telle érosion des principes judiciaires de base serait susceptible d’ébranler tous les fondements de notre système de droit et pourrait ouvrir la porte à des précédents qui pourraient se répéter dans d’autres domaines.
Comme on dit en bon québécois, « ça fesse dans le dash ». Vous avez dit que ce sera au tribunal de trancher.
[Traduction]
Beaucoup de choses seraient laissées à la discrétion des tribunaux.
[Français]
Je sais que vous avez un droit de parole limité, cet après-midi. Je ne veux pas vous amener là où vous ne pouvez pas aller, mais je peux vous dire que personnellement, ce projet de loi m'amène à un endroit où je ne veux pas aller, c'est-à-dire dans des situations qui font en sorte de créer du nouveau droit. Ce que j'ai appris cet après-midi, c'est que non seulement ce pourrait être en matière d'environnement, mais également dans d'autres champs de compétence.
Avez-vous comparé le projet de loi qui vous est présenté, et sur lequel nous nous penchons, au projet de loi des institutions? Plus tôt, le commissaire à l'environnement de l'Ontario nous a dit que c'est vrai qu'il y a des recours civiques, mais cela n'a aucune commune mesure avec ce qui est proposé dans le projet de loi.
Je reviens au Conseil patronal de l'environnement du Québec et je donnerai des exemples qui ont cours au Québec. Dans la Charte québécoise des droits et libertés, l'article 46.1 consacre le droit pour toute personne de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. Cela ressemble au principe substantiel du projet de loi que l'on a devant nous, soit le droit de vivre dans un environnement sain, mais en le balisant et en utilisant l'expression: « dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi ». Il en est de même pour la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection, qui consacre le droit pour chaque personne d'avoir accès à l'eau potable, que ce soit pour son alimentation ou son hygiène, mais dans les conditions et les limites définies par la loi.
Finalement, ce qu'on dit, c'est que le projet de loi qui nous est présenté ne comporte pas de mais, pas de balises. Le gouvernement fédéral, à titre de fiduciaire de l'environnement, aurait l'obligation de protéger ce droit non balisé. L'absence de balises crée donc un environnement d'incertitude constante où les autorisations et permissions accordées aux entreprises ainsi que le respect des lois et règlements en vigueur deviennent presque accessoires. Les lois sur l'environnement deviennent accessoires dans le domaine de l'environnement.
Monsieur le président, pensez-vous que je peux obtenir des commentaires qui respectent les champs de compétence de nos avocats?