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Merci beaucoup de me permettre de prendre la parole devant le comité.
Comme l'a dit le président, je m'appelle Matthew Firth. Je suis agent principal au Service de la santé-sécurité et de l'environnement du Syndicat canadien de la fonction publique, SCFP, le plus grand syndicat du pays, dont l'effectif s'établit à quelque 600 000 membres.
Le président national du SCFP, Paul Moist, voulait rencontrer les membres du comité aujourd'hui, mais il n'a pas pu se présenter puisqu'il est à l'étranger, où il assiste à des réunions de l'Internationale des services publics, ce qui fait que je suis ici pour le remplacer.
Le SCFP est un syndicat socialement engagé, et cet engagement social s'étend à l'environnement. Le SCFP s'efforce d'améliorer dans toute la mesure du possible la qualité de vie de ses membres. En protégeant l'environnement naturel, nous rehaussons la qualité de vie de nos membres et, par extension, celle de tous les Canadiens. Le SCFP appuie donc le projet de loi C-469.
Plus précisément le SCFP contextualise son appui en soulignant le caractère opportun du projet de loi pour l'état de l'environnement naturel mondial et la tendance grandissante à l'enchâssement des droits environnementaux comme réponse aux facteurs de stress écologique.
Ensuite, le SCFP croit en la nécessité du projet de loi. En effet, compte tenu de la faiblesse du dossier du Canada en matière d'environnement, comme le montrent divers indicateurs, ce projet de loi permettra de mieux protéger et même d'enrichir l'environnement naturel.
Enfin, le SCFP insiste sur l'importance de certains points clés du projet de loi qu'il appuie.
À l'heure actuelle, l'environnement naturel du Canada et du monde est précaire. Divers facteurs environnementaux indiquent qu'il faut en accroître la protection, après des décennies de dégradation et d'exploitation des ressources naturelles de la planète. Les changements climatiques, la diminution de la biodiversité, la déforestation, la détérioration de la qualité de l'eau et de l'air, tous ces problèmes et d'autres montrent l'opportunité de mettre en place une charte des droits environnementaux.
Certains indices montrent que le monde se dirige vers un enchâssement des droits de la planète. Par exemple, en avril 2009, l'Assemblée générale des Nations Unies proclamait le 22 avril Journée internationale de la Terre nourricière, une mesure qui faisait un pas de plus que le Jour de la Terre. Parlant de la déclaration, Evo Morales, président de la Bolivie, a affirmé que l'organisme mondial avait « pris une position historique en faveur de la Terre nourricière ». La déclaration de l'ONU énonce que: « La Terre et ses écosystèmes sont notre maison » et qu'« il est nécessaire de promouvoir l'harmonie avec la nature et la Terre ». En outre, le président Morales a qualifié la déclaration de première étape pour faire du XXIe siècle celui « des droits de la Terre nourricière » tout comme le XXe siècle a été celui des droits de la personne.
La prochaine étape sera de profiter de l'occasion pour adopter une déclaration sur une charte des droits environnementaux et sur les droits de la planète. Nous utilisons cet exemple pour montrer que le projet de loi C-469 se situe dans la droite ligne de ce qui semble être une tendance internationale à l'intégration des droits de la personne aux droits écologiques qui assure la prospérité humaine. L'adoption du projet de loi C-469 serait une mesure environnementale progressiste pour le Canada et contribuerait à faire avancer le mouvement vers l'intégration du mieux-être écologique et de la santé à la prospérité sociale et économique, plutôt que de considérer l'environnement naturel et l'économie comme des éléments distincts ou contradictoires, une perspective désuète au XXIe siècle.
Plus près de chez nous, en Ontario, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Québec et dans d'autres provinces canadiennes, des lois ont été adoptées pour assurer les droits environnementaux, tout comme dans des dizaines d'autres pays du monde.
De nombreux indices de rendement de l'environnement montrent que le dossier du Canada en la matière est médiocre. Par exemple, le Yale University Environmental Performance Index 2010 a évalué 163 pays selon 25 indicateurs de rendement dans 10 catégories de politique visant tant la santé environnementale que la vitalité de l'écosystème. Les indicateurs permettent de juger, à l'échelle nationale, la mesure dans laquelle les pays ont atteint leurs objectifs en matière de politique environnementale. Mondialement, le Canada se retrouve au 46e rang sur 163 pays avec un pointage de 66,4 p. 100, ce qui équivaut à un C. Ce classement place le Canada au milieu du groupe, derrière des pays en développement comme le Mexique et la Roumanie, et loin derrière d'autres pays industrialisés comme la Suisse et la Suède. Le Canada s'est bien classé au chapitre de la qualité de l'eau, de l'accès aux services d'assainissement et à l'eau et des niveaux de pollution de l'air intérieur. Mais il n'a pas obtenu la note de passage pour la vitalité de l'écosystème, les pêches, les changements climatiques et la pollution de l'air.
Le Canada fait encore moins bonne figure lorsque les indicateurs environnementaux se limitent, par exemple, aux changements climatiques, qui sont présentement la plus grande menace à la stabilité environnementale.
Le centre de recherche sociale Germanwatch, avec le Climate Action Network International, produit des rapports annuels sur les pays qui sont responsables de plus de 90 p. 100 des émissions de dioxyde de carbone dans le monde liées à l'énergie. Les pays sont évalués en fonction de leurs niveaux d'émissions, de leurs tendances d'émissions et de leurs politiques climatiques nationale et internationale. La politique nationale du Canada sur les changements climatiques a été qualifiée de « très mauvaise » et fait l'objet d'un commentaire précis dans le rapport de 2010. Le rapport mentionne des niveaux d'émissions en hausse au Canada, qui dépassent de 34 p. 100 sa cible établie selon le protocole de Kyoto. Dans l'ensemble, le rapport place le Canada à l'avant-dernier rang, 56e sur 57 pays, un classement qui demeure inchangé par rapport à 2009. Ces résultats montrent que le Canada doit agir pour améliorer son rendement environnemental, ce que le projet de loi C-469 pourrait aider à faire.
Certains aspects précis du projet de loi C-469 contribueront à accroître le rendement environnemental du Canada. Par exemple, il confirme que le gouvernement du Canada a le devoir de protéger l'environnement. Il propose également une démarche multigénérationnelle à long terme en déclarant que les générations futures ont droit à un environnement sain et écologiquement équilibré. En outre, le projet de loi reconnaît la valeur intrinsèque des processus écologiques essentiels, autrement dit que les systèmes naturels sont jugés vitaux, non plus comme une ressource ou une marchandise, mais implicitement et fondamentalement. Ce moment charnière dans la réflexion sur le monde naturel profitera à tous les Canadiens.
Un autre aspect clé du projet de loi est le principe de précaution, considéré comme une base sur laquelle agir pour redresser les torts en environnement. Trop souvent, les mesures prises pour régler des problèmes environnementaux sont restreintes par ce que l'on considère comme étant des preuves contradictoires. Le principe de précaution remédierait à ce problème en permettant d'agir pour préserver l'intégrité du monde naturel simplement parce qu'une menace est très probablement manifeste ou imminente. Une telle démarche est proactive et progressiste. De même, le principe de la justice environnementale décrit dans le projet de loi C-469 offre une vision démocratique du monde naturel.
Le fondement de ce projet de loi est le droit à un environnement sain pour tous les Canadiens, un autre point important que le SCFP appuie. En outre, en assurant la reddition de comptes par la divulgation de l'information sur l'environnement d'une manière raisonnable, rapide et économique, le projet de loi gagne en crédibilité.
Le processus par lequel la loi serait appliquée est aussi crédible: des enquêtes, des révisions judiciaires et, subséquemment, diverses mesures de correction. La disposition du projet de loi sur les représailles pourrait être renforcée si l'on interdisait les représailles de manière à ce qu'aucun employeur ni aucune personne agissant au nom d'un employeur ou en position d'autorité face à un employé de l'employeur ne puisse congédier un employé, lui imposer des mesures disciplinaires, le pénaliser, lui imposer des mesures coercitives ni l'intimider ou le harceler sous prétexte que cet employé a demandé au commissaire de mener une enquête en vertu de la Charte canadienne des droits environnementaux. Une telle disposition assurerait pleinement la protection des travailleurs.
Enfin, la modification proposée à la Charte canadienne des droits et libertés pour assurer la cohérence avec une charte des droits environnementaux s'inscrit dans une perspective plus globale, conforme au mouvement actuel vers l'intégration de l'humanité à l'écologie, comme le soulignent la déclaration de l'ONU sur la Terre nourricière, d'autres lois dans d'autres pays et diverses autres mesures.
En résumé, le projet de loi C-469 élargirait la portée de la protection de l'environnement assurée par le Canada, ce qui améliorerait le dossier de notre pays en matière d'environnement et contribuerait à faire avancer les droits de la planète dans une période de changements écologiques majeurs.
Merci beaucoup de l'occasion qui m'était offerte de prendre la parole devant le comité cet après-midi.
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Pour en revenir à la première question, vous avez indiqué que nous nous classons plutôt mal par rapport aux autres. Il y a d'autres classements qui l'indiquent aussi. Le régime d'écoulement de l'eau est menacé. La qualité de l'air est menacée, surtout dans certaines régions du pays, et ainsi de suite, et il se dégage une impression de perte plutôt que de gain. Il y a des gens qui diraient que c'est le prix à payer pour la croissance économique.
Je pense que notre point de vue, ce serait qu'il n'y a pas nécessairement de compromis à faire. Il y a une conciliation qui doit se faire, et, s'il était adopté, le projet de loi, avec d'autres mesures de protection environnementales, nous ferait perdre des emplois à court terme. Notre idée, ce serait qu'à long terme, il y aurait plus d'emplois, que nous devons nous forcer à l'envisager et que nous devons adopter certains des comportements qui vont nous rendre plus efficients.
Notre empreinte carbone est énorme. C'est comme si nous marchions avec des chaussures de taille 17. Notre empreinte aquatique est grosse — il y a des gens qui disent qu'elle est deux à trois fois plus grosse que celle qui serait durable compte tenu de nos bassins hydrologiques et de nos aquifères et ainsi de suite.
Au bout du compte, ça signifie qu'il faut prendre des décisions. Que ce soit dans les sables bitumineux ou ici, nous allons peut-être devoir ralentir le rythme de développement. Nous devons prendre certaines mesures, mais toujours, je crois, en gardant en tête qu'il faut une conciliation adéquate.
Je veux simplement revenir à votre organisation et à vos membres. Croyez-vous que les gens sont prêts à accepter cette idée? Prêts à accepter le fait que nous devons tenir compte de l'environnement, c'est-à-dire de ce que nous allons léguer à nos enfants, quand vient le temps de prendre ces décisions? Et il ne s'agit pas simplement de trouver un argument économique fort qui permette d'y aller et de saccager l'environnement.
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Oui, certainement, je serais heureux de le faire, et merci. Je ne suis évidemment pas juriste.
Je pense que le fait que le principe de précaution fasse partie intégrante du projet de loi est une chose que nous sommes particulièrement contents de voir. Dans un sens, encore une fois, le projet de loi intègre en quelque sorte une chose que nous appuyons, toujours du point de vue de la santé et de la sécurité au travail. Une chose que nous visons en quelque sorte lorsque nous examinons les dangers qui existent sur les lieux de travail, c'est l'adoption d'une approche axée sur le principe de précaution. Plutôt que d'adopter le point de vue de l'évaluation des risques, qui, essentiellement, vise à déterminer l'ampleur du risque acceptable, le principe de précaution nous dicte d'agir de façon à causer le moins de préjudice possible, et, ce faisant, d'envisager toute la gamme des solutions de rechange possible pour prévenir et réduire au minimum les préjudices.
Je réfléchissais au principe de précaution ce matin, en fait, d'un point de vue philosophique, si l'on veut. Il serait possible de l'envisager comme suit: lorsqu'on examine un projet de développement ou une quelconque forme d'entreprise commerciale, on n'investit pas avant d'être tout à fait convaincu, données à l'appui, que l'entreprise sera rentable. Au moment de se lancer, on a une assez bonne idée de la possibilité de rentabilité de l'entreprise. Je me demandais pourquoi nous ne pouvons pas appliquer le même genre de raisonnement au préjudice environnemental. Je pense que c'est exactement ce que le principe de précaution fait. Si on a une assez bonne idée du fait qu'un quelconque préjudice va découler de l'action, on peut interrompre cette action pour atténuer le préjudice et le réduire au minimum en envisageant différentes solutions de rechange.
J'ai fait allusion au fondement du principe de précaution qui relève de la santé au travail. En fait, ça remonte à beaucoup plus loin que ça. Le principe de précaution a en fait vu le jour dans le domaine de la santé publique. Si vous me permettez, je vais donner une petite leçon d'histoire.
Je ne sais pas si l'un d'entre vous connaît l'histoire du Dr Percival Pott, qui était médecin spécialiste de la santé publique à Londres, en Angleterre, à la fin du XVIIIe siècle. C'est là que se trouve l'origine de ce que nous appelons le principe de précaution, qui est habituellement associé aux mesures environnementales, mais qui, en fait, a été adopté à partir de la santé publique.
Il y a eu une épidémie de choléra à Londres à la fin du XVIIIe siècle dans le quartier où ce médecin travaillait. C'était dans le secteur industriel de Londres. Les maisons étaient infectées les unes après les autres, à l'exception, dans tout Londres, d'un immeuble dans ce quartier, qui était une brasserie. Le Dr Pott ne disposait pas de la technologie médicale du XXIe siècle, mais il a remarqué que tous les résidents de ce quartier puisaient leur eau au même puits public. Il y avait un robinet ou une fontaine ou quelque chose d'autre, ce qu'on utilisait à l'époque. Il est donc intervenu, sans savoir que c'était la cause, et il a coupé l'approvisionnement en eau du quartier. Le nombre de cas de choléra a ensuite diminué considérablement. C'est ce qui est considéré comme étant l'origine du principe de précaution.
Cela laisse aussi croire qu'il faudrait boire de la bière plutôt que de l'eau, je suppose.
Des voix: Oh, oh.
M. Firth:Cette idée, encore une fois, a été adoptée à partir de la santé publique et appliquée à la santé et à la sécurité au travail. Dans le cadre du projet de loi, le principe est adopté comme approche à l'égard des enjeux environnementaux. C'est donc une chose à laquelle le SCFP tient, en ce sens.
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Merci, monsieur le président.
Je suis bilingue, mais ma première langue étant l'anglais, j'aimerais faire ma présentation en anglais. Ensuite, je pourrai répondre à vos questions en français.
[Traduction]
Encore une fois, merci, monsieur le président.
Je m'appelle Jacob Irving, et je suis président de l'Association canadienne de l'hydroélectricité. Je suis accompagné de Ian Kerr, vice-président du développement des Services Énergie renouvelable Brookfield, membre de l'Association canadienne de l'hydroélectricité et promoteur et exploitant privé de projets d'hydroélectricité un peu partout au Canada.
L'Association canadienne de l'hydroélectricité ou ACH est l'association nationale du secteur qui représente les intérêts de l'industrie de l'hydroélectricité. Nos membres sont des producteurs d'hydroélectricité, des fabricants, des promoteurs, des cabinets d'ingénieurs, des organisations et des personnes. Les membres de l'ACH sont à l'origine de plus de 95 p. 100 de la production d'hydroélectricité au Canada. L'hydroélectricité compte pour 60 p. 100 de l'électricité produite au Canada, ce qui fait de notre système de génération d'énergie l'un des plus propres et des plus renouvelables du monde. Nous pourrions plus que doubler la capacité actuelle de production d'hydroélectricité, ce qui offre au Canada une excellente occasion de lutter contre la pollution de l'air, les changements climatiques et le réchauffement de la planète. Le Canada produit de l'hydroélectricité depuis plus de 120 ans. Nous sommes des pionniers et des chefs de file à l'échelle mondiale dans ce domaine, et notre avenir est encore plus prometteur que notre passé.
J'aimerais vous parler du projet de loi C-469 du point de vue d'une industrie de production d'électricité propre et renouvelable, dans laquelle l'intendance environnementale figure toujours parmi les principales préoccupations. Il est important de mentionner dès le départ que nous sommes en faveur de bon nombre des buts et intentions du projet de loi. Nous croyons que l'objectif du projet de loi est louable; cependant, nous avons d'importantes réserves quant à des détails et à des aspects procéduraux du texte législatif proposé.
L'ACH croit que le projet de loi C-469 nuirait au système actuel de réglementation environnementale que nous avons adopté et amélioré au prix d'efforts si grands et pourrait même le détruire. Nous avons peur que, sans amendements importants, le projet de loi engendre un niveau d'incertitude inadmissible, constitue une invitation à intenter des poursuites judiciaires improductives et vexatoires et réduise la capacité de l'industrie de participer proactivement à de nouvelles initiatives d'intendance environnementale. Au bout du compte, l'adoption du projet de loi nuirait au développement de sources d'énergie propres et renouvelables et non seulement de l'hydroélectricité, mais aussi d'autres sources renouvelables comme l'énergie éolienne et l'énergie solaire. Ces sources d'énergie renouvelable et propre figurent parmi les meilleures options qui s'offrent au Canada pour lutter contre la pollution de l'air et les changements climatiques.
Le défi le plus difficile à relever pour réaliser le potentiel hydroélectrique du Canada, c'est la quantité de règlements avec lesquels nous devons composer à l'échelon provincial comme à l'échelon fédéral. Il faut déjà de 8 à 14 ans pour mettre sur pied un projet de production d'hydroélectricité. Nous devons consacrer une bonne partie de ce temps à nous assurer que les projets respectent les objectifs environnementaux de différentes lois fédérales et provinciales. C'est intéressant lorsqu'on pense que des projets de génération d'énergie thermique qui sont non renouvelables et dont les émissions sont plus importantes peuvent généralement être mis sur pied en trois à cinq ans au Canada, puisque la réglementation est moins stricte dans ce domaine.
Un nouveau projet de production d'hydroélectricité prend jusqu'à 14 ans pour l'obtention des permis, la construction et l'autorisation. Une fois franchies toutes les étapes de la réglementation environnementale rigoureuse qui est en vigueur, l'exploitation du projet commencerait dans un nouveau contexte encore plus incertain. Si le projet de loi C-469 était adopté dans sa version actuelle, tous les permis et les autorisations qui ont pris jusqu'à 14 ans à obtenir ne seraient maintenant plus fiables, et une toute nouvelle possibilité de contestation juridique existerait. Pour les promoteurs de projets hydroélectriques, c'est vraiment un scénario où les choses vont de mal en pis. En fait, c'est notre engagement à l'égard des principes environnementaux qui nous pousse à demander au comité d'examiner attentivement le projet de loi C-469 et toutes ses conséquences. Nous maintenons que le but énoncé du projet de loi est conforme aux régimes réglementaires existants, mais que les mécanismes ne le sont fondamentalement pas.
C'est dans ce contexte que j'aimerais formuler quelques commentaires généraux sur nos préoccupations dominantes au sujet du projet de loi. L'une des raisons pour lesquelles nous pouvons affirmer en toute confiance que l'ACH appuie l'intention et les buts du projet de loi, c'est que le régime réglementaire actuel fait déjà la promotion d'une prise de décisions responsable sur le plan environnemental et reflète bon nombre de ses principes. Les principes de précaution, les principes de développement durable et les principes de pollueur payeur, par exemple, sont intégrés à beaucoup des lois existantes et se diffusent dans l'ensemble du régime réglementaire fédéral en matière d'environnement. Nous sommes d'avis qu'il est préférable de consacrer l'énergie et les ressources à l'amélioration des lois existantes, comme la Loi sur les espèces en péril et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, plutôt que d'adopter une approche entièrement nouvelle en matière de protection et d'amélioration de l'environnement. L'adoption du projet de loi modifierait complètement la façon dont nous abordons la réglementation environnementale au Canada.
L'ACH a des préoccupations importantes concernant plusieurs des mécanismes proposés. Le changement le plus profond qui serait peut-être apporté au système réglementaire actuel serait le fait que, après l'adoption du projet de loi C-469, les tribunaux devraient statuer dans le cadre de poursuites relatives à la protection de l'environnement intentées contre le gouvernement fédéral, d'actions civiles concernant l'environnement et de révisions judiciaires ayant trait à la protection de l'environnement. Nous sommes très préoccupés par le fait que le régime de réglementation environnementale décrit plus haut serait essentiellement contourné, la décision finale étant laissée entre les mains des tribunaux fédéraux et de particuliers qui intentent des poursuites.
Nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une régression du droit environnemental pour les raisons suivantes:
Le pouvoir décisionnel est enlevé aux experts d'organismes comme Environnement Canada, Pêches et Océans Canada et Ressources naturelles Canada et conféré aux juges. Les paramètres de la révision judiciaire prévue dans le projet de loi ne tiennent pas compte du fait que la prise de décisions exige un équilibre précis entre les considérations d'ordre environnemental, économique et social et qu'il appartient aux parlementaires et fonctionnaires de trouver cet équilibre, pas aux juges.
En outre, nous sommes préoccupés par le fait que le projet de loi fait fi de l'équilibre précis et de la reconnaissance au chapitre de la compétence partagée entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral en matière d'environnement en conférant ce pouvoir aux tribunaux fédéraux. Nous nous attendons à ce que le fait de permettre à toute entité ou à tout résident du Canada de faire appel aux tribunaux fédéraux va ouvrir la porte à des contestations juridiques vexatoires, obstructionnistes et interminables.
Enfin, le fait d'accorder aux tribunaux fédéraux le pouvoir de suspendre ou d'annuler un permis ou une autorisation et de rendre les injonctions beaucoup plus faciles à obtenir pourrait avoir des répercussions importantes et profondes sur la fiabilité de l'approvisionnement en hydroélectricité du Canada. Cela aura des conséquences négatives pour les consommateurs et les entreprises du Canada.
Selon nous, il n'y a pas suffisamment de mécanismes de protection pour garantir que des poursuites judiciaires antagonistes ne sont pas intentées à l'égard de projets. D'une façon ou d'une autre, nous croyons que ces changements ne devraient pas être acceptés simplement parce qu'il est évident que les intentions derrière le projet de loi sont bonnes. L'ACH recommanderait au comité d'examiner attentivement l'analyse juridique des effets de ces changements sur les ressources judiciaires.
Je ne suis pas juriste, mais les membres de mon association m'ont avisé du fait qu'un problème très grave découle de l'ensemble de la partie 2 du projet de loi C-469. Même si le titre de cette partie est « Révision judiciaire », ce n'est pas vraiment ça. L'article 16 de la partie 2 prévoit une action en protection de l'environnement et permet au plaignant de prouver le bien-fondé de sa cause selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie que chaque fois qu'une personne ou qu'une entité n'est pas d'accord avec une autorisation ou un permis dans le cadre de toute loi environnementale, elle peut déposer une demande dont découlera un procès pour déterminer si les tribunaux sont d'accord avec le gouvernement quant à son action ou son inaction.
Dans le cadre d'une révision judiciaire, le tribunal détermine si le responsable a agi dans le cadre des pouvoirs que lui confère la loi et s'il a une compréhension adéquate de la loi. Dans le cas d'une action, d'après les dispositions du projet de loi C-469, une personne ou une entité pourrait attaquer une décision en fonction d'un tout nouveau critère qui est vague même si la décision était conforme à la loi applicable. Les tribunaux exercent actuellement d'importants pouvoirs de révision judiciaire à l'égard de la prise de décisions par des organismes. Tout cela se combine pour donner lieu à un changement fondamental dans l'application du droit administratif et dans toute l'approche du Canada en matière d'intendance environnementale. La nature de cette démarche qui apporte un changement marqué exige une réflexion plus approfondie que celle qui a été faite à mon avis. Il y a évidemment des enjeux complexes qu'il faut demander à des experts du domaine juridique de mieux analyser.
Permettez-moi cependant de revenir à la préoccupation fondamentale de l'Association canadienne de l'hydroélectricité. Selon notre interprétation du projet de loi, aucune entreprise, aucune industrie, petite ou grande, ne pourrait être exploitée en sûreté et sachant qu'il n'y a pas de danger, même si elle se conforme tout à fait aux lois en général et a obtenu les permis et les licences requis. Une action peut quand même être intentée devant les tribunaux fédéraux, et la conformité avec les exigences en matière de permis et licences n'est pas un moyen de défense. Peu importe si ces permis et licences ont été délivrés dans le cadre des lois fédérales, provinciales ou territoriales. Nous croyons que cela fait en sorte que le projet de loi C-469 présente une différence importante par rapport aux autres administrations qui ont adopté une charte des droits environnementaux.
La Charte des droits et libertés du Québec, par exemple, qui précise que tous ont le droit de vivre dans un environnement sain, contient une présomption selon laquelle ce droit est respecté, que les autorisations environnementales et les permis requis aient été obtenus ou non. Elle ne permet pas à des personnes de contester les permis en soi et évite ainsi les éventuelles poursuites judiciaires vexatoires que le projet de loi C-469 pourrait permettre. Nous sommes d'avis que ce genre de mécanisme de protection nécessaire fait défaut dans le projet de loi C-469.
Pour terminer, j'aimerais répéter que les intentions derrière le projet de loi, comme nous les comprenons, sont louables du point de vue de la protection de l'environnement. Comme je l'ai déjà mentionné, l'ACH est une association composée de promoteurs qui abordent leurs responsabilités en matière d'environnement et s'en acquittent avec le plus grand sérieux. Encore une fois, l'ACH valorise les intentions et les buts qui orientent le texte législatif proposé. Le projet de loi C-469 pourrait offrir davantage de mécanismes procéduraux pour permettre à plus de gens de participer aux initiatives de protection de l'environnement, mais, d'un point de vue concret, il est destiné à reproduire et à remplacer sur le plan fonctionnel de nombreux aspects des lois et des politiques fédérales en vigueur.
En outre, selon l'ACH, le projet de loi fait passer de façon inadéquate le pouvoir de prise de décisions en matière d'environnement des organes exécutif et législatif du gouvernement à l'organe judiciaire tout en introduisant une série de termes et de concepts ambigus dans un régime environnemental déjà complexe.
Du point de vue des producteurs d'hydroélectricité du Canada, l'adoption du projet de loi engendrerait une très grande incertitude quant à l'exploitation de nos installations. Nos membres seraient dissuadés d'entreprendre des programmes ou de prendre des mesures qui auraient un effet global positif sur les écosystèmes. À la place, les promoteurs seraient poussés à se concentrer seulement sur la réduction de répercussions précises liées directement à leurs activités. En outre, le projet de loi présente un risque important de nuire au développement futur de la production d'électricité propre et renouvelable, ce qui priverait les Canadiens de méthodes éprouvées de lutte contre la pollution de l'air et les changements climatiques.
Aucune forme de développement énergétique n'est parfaite, mais je suis convaincu que l'hydroélectricité est la meilleure option pour le Canada. Du point de vue tant socioéconomique qu'environnemental, l'hydroélectricité peut offrir un bénéfice net et durable au Canada. Les promoteurs de projets de production d'hydroélectricité sont naturellement préoccupés par toute mesure qui pourrait compliquer encore davantage le développement hydroélectrique, le bloquer, le retarder, le reporter ou l'empêcher complètement, et nous croyons que les Canadiens devraient être préoccupés eux aussi. C'est pour cette raison que, même si nous respectons les buts et l'intention du projet de loi C-469, nous devons exprimer des préoccupations importantes à l'égard du changement institutionnel et des conséquences négatives qu'il pourrait avoir.
Merci beaucoup, et je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
Je pense que nos membres se concentrent sur l'amélioration constante de la nature du régime réglementaire et législatif en matière d'environnement, et je pense que bon nombre d'entre eux n'affirmeraient jamais que nous sommes en quoi que ce soit complaisants. La protection de l'environnement est un enjeu qui évolue, et nous devons demeurer vigilants à cet égard. Nos membres sont pleinement engagés à ce chapitre.
Lorsque vous dites qu'il y a de nombreux autres pays dans le monde qui ont ce genre de protection ou de loi, c'est vrai, d'après ce que nous savons, et il y en a même à l'échelle provinciale; comme on l'a mentionné, la province de Québec, à l'échelon provincial, a une composante environnementale dans sa Charte des droits et libertés.
La différence, c'est que, à la lumière de notre interprétation et de notre examen du projet de loi, nous ne pensons pas qu'il y a suffisamment de mécanismes de protection pour empêcher des tentatives obstructionnistes appuyées sur des poursuites judiciaires dont nos projets ou d'autres projets pourraient faire l'objet, et c'est cette partie qui nous préoccupe le plus, je crois, dans ce projet de loi. Dans le contexte du Québec, comme je l'ai mentionné, il y a une disposition qui prévoit qu'on peut contester, mais pas les permis délivrés, par exemple. On peut contester d'autres aspects. Les entreprises qui sont membres de notre association tiennent leurs activités dans ce contexte. Ils sont à l'aise dans ce contexte. Cependant, certaines de ces choses semblent manquer dans le projet de loi.
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Merci d'attirer notre attention sur la question.
Si vous croyez que le projet de loi comporte un potentiel d'obstruction, y a-t-il des régimes où vous avez constaté que c'est le cas, autrement dit, où vous savez que ce genre de dispositions va susciter ce comportement? Je sais que vous dites qu'au contraire le Québec l'empêche.
Je peux comprendre l'argument commercial — vous ne voulez pas que tout soit ralenti, reporté et ainsi de suite. Cependant, si nous devons nous acquitter de nos obligations sur le plan environnemental à l'égard de la prochaine génération, la meilleure façon de comprendre ça, c'est que nous volons une génération si nous polluons l'eau, l'air et les terres et que cette génération les reçoit sous une forme endommagée. C'est ça, le développement durable. La plupart de vos membres seraient probablement d'accord. La question est donc la suivante: qu'est-ce que ça ajoute ou enlève à notre réflexion sur ce genre de choses? Invariablement, nous devrons ralentir pendant suffisamment longtemps pour comprendre ça, et il est affirmé ici que le projet de loi servira à boucher les trous. Il servira à boucher les trous là où nous ne disposons d'aucune protection.
Avez-vous des exemples qui nous pousseraient à croire que ce genre de dispositions va engendrer un comportement obstructionniste? Je vais ajouter une deuxième question de façon que vous puissiez simplement répondre. Si vous voulez que nous améliorions constamment ce qui existe déjà, selon votre association, où sont les lacunes à combler qui existent dans la protection de l'environnement? Quelles sont les lois et les autres choses que vous aimeriez que nous examinions comme solution de rechange pour combler certaines des lacunes?
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Je ne peux pas dire que c'est pour le compte de l'Association canadienne de l'hydroélectricité que j'ai fait un examen global de la situation dans différentes provinces de la façon approfondie que vous décrivez. Je ne pourrais donc pas vous fournir au pied levé les exemples que vous cherchez. Ian pourrait peut-être vous donner des exemples se rapportant aux activités mondiales d'Énergie renouvelable Brookfield. Bien sûr, nombre de nos exploitants, comme vous le savez, exercent leurs activités à l'échelle provinciale, alors ils ne peuvent pas vraiment tirer parti de l'expertise internationale découlant de la réalisation de projets hydroélectrique partout dans le monde. En général, Hydro-Québec réalise des projets au Québec, Manitoba Hydro réalise des projets au Manitoba, etc.
À notre avis, le projet de loi pourrait donner lieu à ce genre de choses. Alors, je crois que ces préoccupations sont légitimes. On parle ici d'une loi qui est proposée, d'un projet de loi qui, par définition, s'appuie sur des hypothèses quant aux résultats d'une telle démarche. On parle d'une mesure législative qui est proposée. Bien évidemment, nous sommes alors amenés à conjecturer nous aussi. Or, il n'est pas dans nos habitudes de conjecturer. Mais il s'agit ici d'un projet de loi qui est proposé, et nous essayons d'envisager certaines des répercussions possibles que nous jugeons préoccupantes. Alors, je crois que, de façon générale, c'est ce qui explique en grande partie pourquoi nous faisons de tels commentaires.
Quant à la deuxième question, à savoir les améliorations que nous voudrions voir apporter et les aspects que nous voudrions améliorer dans les lois environnementales, je dirais que, ayant témoigné devant le comité par le passé dans le cadre de l'examen de la Loi sur les espèces en péril et l'examen après sept ans de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, ce sont toutes des choses qui encouragent beaucoup notre industrie. Nous apprécions le fait que nombre de ce que j'appellerais les « nouvelles » lois environnementales qui ont été adoptées — encore une fois la Loi sur les espèces en péril et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale — prévoient des examens de suivi qui tiennent compte du fait qu'il s'agit d'un tout nouveau domaine et que nous devons tous nous réunir de temps à autre — tous les cinq ou sept ans — pour évaluer les conséquences voulues et non voulues de ces lois.
Par conséquent, je crois que le fait d'axer nos efforts sur cet aspect, comme nous l'avons fait par le passé, est très productif et très utile à cet égard. Nous croyons que nous avons pu apporter certains changements, certains changements pratiques au chapitre de l'application des lois, et nous avons aussi eu la chance d'exprimer au comité nos préoccupations sur le plan législatif par le passé. Alors, je dirais que c'est à cet endroit que nous avons eu une belle occasion d'apporter de grandes améliorations.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à remercier les gens de l'association de leur témoignage en comité. Cela nous éclaire sur la portée du projet de loi. En début d'intervention, vous avez dit que les objectifs du projet de loi étaient louables, et on le pense aussi. Or, en même temps, il semble y avoir un problème en ce qui concerne sa portée. Dès le début des témoignages devant le comité, certains intervenants ont eu tendance à comparer ce projet de loi à ce qui existe dans certaines provinces. On nous a parlé de la loi au Québec, de la charte de l'Ontario, du Yukon. Il semble que plus on avance, plus la comparaison est facile, mais dans les faits, les portées ne sont pas les mêmes.
Je vais commencer par l'article 9 du projet de loi, qui accorde le droit à un environnement sain. Je lis le paragraphe 9(1) du projet de loi :
9. (1) Tout résident canadien a droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
Cependant, l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec dit, à la section III.1 portant sur le droit à la qualité de l'environnement:
Toute personne a droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations et les autorisations délivrées en vertu de l'un ou l'autre des articles [...]
J'insiste sur ce dernier point, car c'est probablement important pour vous.
Ainsi, est-il faux de prétendre que la portée du projet de loi que nous avons devant nous n'est pas la même que la portée de la loi québécoise, puisqu'il existe des balises dans les lois provinciales, ce que ne comporte pas le projet de loi?