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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 036 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 22 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette 36e séance du comité. Nous poursuivons notre étude sur le projet de loi C-469, Loi portant création de la Charte canadienne des droits environnementaux.
    Comme l'indique l'ordre du jour, j'ai divisé la séance en deux parties. Au cours de la première heure, nous allons entendre une personne que le comité connaît très bien, Scott Vaughan, commissaire à l'environnement et au développement durable. Il est accompagné d'Anne Marie Smith, conseillère juridique. Ils relèvent tous deux du Bureau du vérificateur général du Canada.
    Le commissaire à l'environnement de l'Ontario, Gord Miller, se joindra également à nous.
    Soyez les bienvenus.
    Monsieur Vaughan, vous pouvez maintenant faire votre déclaration, mais je vous prierais de vous en tenir à dix minutes.
    Merci.

[Français]

    Je vous remercie de nous donner l'occasion de témoigner devant le comité aujourd’hui pour discuter du projet de loi C-469, Loi portant création de la Charte canadienne des droits environnementaux. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Anne-Marie Smith, conseillère juridique principale.
    Nous avons étudié avec intérêt le projet de loi C-469, particulièrement les articles qui établissent de nouvelles responsabilités pour le Bureau du vérificateur général et le commissaire. Les articles 13 et 14 du projet de loi décrivent deux nouvelles responsabilités administratives possibles pour mon bureau. Dans les deux articles, ces nouvelles responsabilités attribuées au commissaire englobent la transmission de la demande d'examen ou d'enquête d'un résident canadien ou d'une entité au ministère responsable, et prévoient que servions en quelque sorte de bureau central. Nous pourrions alors exercer cette fonction.

[Traduction]

    Comme les membres du comité le savent peut-être, le commissaire joue déjà le rôle de bureau central de transmission dans le cas des pétitions en matière d'environnement. En effet, mon bureau fait le suivi des pétitions reçues et signale au Parlement les questions soulevées et fait part de la rapidité avec laquelle les ministères répondent.
    Reportons-nous à l'article 26. Si nous comprenons bien, celui-ci exigerait du vérificateur général du Canada qu'il examine tous les nouveaux règlements et projets de loi fédéraux présentés à la Chambre des communes afin de déterminer s'ils sont incompatibles avec les fins et dispositions du projet de loi C-469. Nous avons des préoccupations au sujet de ces responsabilités. Bien que l'objectif d'assurer l'uniformité des règlements soit important, nous sommes d'avis que cette fonction incombe au gouvernement plutôt qu'au BVG. En fait, il existe déjà des mécanismes conçus pour assurer l'uniformité et pour prendre en compte les incidences environnementales des politiques et des programmes du gouvernement.
    Par exemple, toute proposition de règlement soumise à l'approbation du gouvernement doit être accompagnée du résumé de l'étude d'impact de la réglementation. Chaque résumé doit par ailleurs comprendre différentes analyses ainsi qu'une justification avant la mise en oeuvre. Un autre exemple est l'évaluation environnementale stratégique des projets de politiques, de plans et de programmes.
    Le comité voudra peut-être examiner ces mécanismes de même que le rôle du ministère de la Justice. Ce ministère est l'organisme central responsable de fournir des avis au sujet de toutes les questions juridiques, y compris en ce qui a trait à la constitutionnalité des initiatives et des activités du gouvernement.

[Français]

    Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. C'est avec plaisir que nous répondrons aux questions des membres du comité.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur le commissaire. Nous vous sommes très reconnaissants.
    Monsieur Miller, nous vous souhaitons la bienvenue à cette discussion. Nous espérions justement recevoir des représentants des provinces où une charte des droits environnementaux est en vigueur. Nous sommes donc heureux de vous accueillir comme représentant de l'Ontario.
    C'est un plaisir, monsieur le président, que d'être ici aujourd'hui. En fait, je suis très heureux de comparaître devant le comité parce que la Charte canadienne des droits environnementaux reflète de nombreuses expériences que nous avons vécues en Ontario avec notre propre charte.
    Le commissaire à l'environnement de l'Ontario, qui est nommé par l'Assemblée législative, est chargé de surveiller et de produire des rapports publics sur la conformité du gouvernement à la Charte des droits environnementaux de l'Ontario ou, comme nous l'appelons, à la CDE. À titre de commissaire à l'environnement de l'Ontario depuis plus de 10 ans, j'aimerais, à partir de mon expérience sur la CDE de l'Ontario, émettre certains propos qui pourraient s'avérer utiles à l'examen du projet de CCDE.
    Je crois que le projet de CCDE pourrait devenir un texte de loi important et positif. Depuis son entrée en vigueur en 1994, la CDE de l'Ontario a permis d'accroître la responsabilisation, la transparence et la participation du public au processus décisionnel en matière environnementale et, en dernier ressort, d'améliorer la protection environnementale de la province. À mon avis, le projet de loi C- 469 est porteur de nombreux avantages similaires — au chapitre de la responsabilisation, de la transparence, de la participation du public et de la protection environnementale de la province — à l'échelle fédérale.
    En ce qui a trait à l'examen des projets de loi et des règlements par le commissaire, le projet de CCDE exigerait que le vérificateur général, par l'entremise du commissaire à l'environnement et au développement durable, étudie tous les projets de loi et règlements pour les harmoniser aux fins de la CCDE. À l'aide des dispositions comparables de la CDE de l'Ontario — en vertu desquelles le CEO est tenu d'examiner la conformité des décisions gouvernementales aux dispositions de l'Ontario et de formuler des commentaires à cet égard —, le CEO, mon bureau, s'est imposé comme un acteur important, indépendant et impartial dans le débat public sur les questions environnementales. Ces interventions ont ouvert la voie à l'amélioration de la prise de décisions en matière d'environnement.
    Quant à l'accès à l'information et à la participation du public au processus décisionnel en matière d'environnement, le projet de CCDE requiert du gouvernement fédéral qu'il fournisse au public des renseignements sur les décisions importantes qui touchent l'environnement et qu'il permette à la population de participer au processus décisionnel en matière d'environnement. En Ontario, le degré élevé de participation du public au processus décisionnel en matière d'environnement, autorisé en vertu de la CDE de l'Ontario, constitue l'une des plus grandes réussites de cette loi. Désormais, les ministres provinciaux publient chaque année des milliers d'avis publics relatifs aux décisions environnementales envisagées ou définitives, y compris des liens pratiques vers des documents d'information, dans un registre de la protection de l'environnement en ligne réservé à cette fin. Ce registre permet également à la population de transmettre aux ministres des commentaires qui éclaireront leur prise de décisions définitives.
    En publiant dans le registre de la protection de l'environnement des propositions de lois, de règlements et de textes importants sur le plan environnemental, dans le but d'informer le public et de recueillir ses commentaires, le gouvernement a accru la transparence et la responsabilisation de son processus décisionnel; ce faisant, il a amélioré la prise de décisions en matière d'environnement et, dans bien des cas, il a favorisé l'adhésion du grand public à ses décisions.
    Même si le texte du projet de loi C-469 comprend les principales composantes de la participation du public — soit l'accès à l'information et la possibilité d'une participation efficace du public —, j'encourage fortement l'utilisation d'un registre unique réservé à cette fin, comme c'est le cas en Ontario, dans le but, d'une part, d'optimiser l'accès de la population aux propositions et aux décisions gouvernementales, et d'autre part, d'instaurer des normes minimales obligatoires en matière de consultation.
    Pour ce qui est du droit de demander l'examen d'une politique, d'un règlement ou d'une loi du gouvernement fédéral, le projet de CCDE conférera à un membre du public le droit de demander l'examen d'une politique, d'un règlement ou d'une loi du gouvernement fédéral. La CDE de l'Ontario comporte un droit comparable, mais elle exige que deux personnes en fassent la demande. Je suis d'avis que cette exigence favorise la présentation de demandes réfléchies et bien documentées.
    En Ontario, on compte de 10 à 25 demandes d'examen chaque année. Ces demandes inspirent des pistes de réflexion et de nouvelles perspectives qui n'auraient peut-être pas été explorées dans le cadre des discussions habituelles entre fonctionnaires et intervenants. Environ 13 p. 100 des demandes présentées donnent lieu à une intervention directe, soit l'examen ou l'amélioration de la loi, du règlement ou de la politique visés. En outre, même si aucun examen officiel ne donne suite à une demande, il n'est pas rare que cette demande contribue néanmoins à faire avancer un dossier, à approfondir la question soulevée ou à déclencher une intervention indirecte.
    En ce qui concerne le droit de demander une enquête, le projet de CCDE conférerait au public le droit de demander une enquête gouvernementale sur une infraction apparente à une loi environnementale fédérale. La CDE de l'Ontario comporte également un droit semblable, qui autorise deux personnes à demander une enquête. En Ontario, on a compté 10 à 20 demandes d'enquête du genre chaque année, dont environ 36 p. 100 ont donné lieu à des enquêtes qui ont entraîné la prise de mesures d'exécution. Le CEO a remarqué que, même lorsque le gouvernement rejetait une demande d'enquête, il en découlait souvent une intervention indirecte.
(1540)
    Je suis d’avis que ce droit constitue un précieux outil. Les ressources humaines et financières affectées à l’inspection régulière de toutes les installations réglementées étant restreintes, cet outil confère au public le pouvoir de dénoncer les infractions environnementales éventuelles. Ce droit a d’ailleurs permis de découvrir nombre d’infractions en Ontario, qui n’auraient jamais été dénoncées autrement.
    Au sujet des actions en justice, le projet de CCDE donnerait au public l’accès à des recours judiciaires supplémentaires. Premièrement, la CCDE ferait en sorte qu’un résident préoccupé ne se voit pas interdire de comparaître devant les tribunaux dans des affaires environnementales, au seul motif qu’il n’a pas d’intérêt juridique privé ou particulier dans l’affaire. Deuxièmement, la CCDE permettrait au public de demander un examen judiciaire à l’égard de toute action ou omission du gouvernement qui a causé, ou est susceptible de causer, en tout ou en partie, un préjudice environnemental grave. Troisièmement, le projet de CCDE conférerait le droit d’engager une poursuite civile contre une personne ayant commis une infraction à une loi ou à un règlement fédéral qui a causé, ou est susceptible de causer, un préjudice environnemental grave.
    La CDE de l’Ontario offre au public un ensemble distinct mais comparable de droits découlant de la loi. Nous avons des droits d'appel. Si le titulaire d’un acte possède déjà un droit d’appel, la CDE de l’Ontario confère aux tierces parties le droit de demander la permission au tribunal concerné d’interjeter appel d’une décision prise par un ministre sur certains textes importants en matière d’environnement. On n’accordera cette permission que si les demandeurs parviennent à montrer de façon probante qu’ils ont un intérêt dans la décision en question, qu’aucune personne raisonnable n’aurait pu prendre une telle décision et que la décision pourrait causer un préjudice grave à l’environnement.
    Concernant les allégations de nuisance publique, la CDE de l’Ontario confère aux membres du public le droit d’intenter une poursuite pour cause de pertes économiques ou personnelles directes découlant d’une nuisance publique préjudiciable à l’environnement, et ce, sans l’approbation du procureur général — en Ontario, avant l’ajout de cette disposition, toute allégation de nuisance publique devait être présentée par le procureur général ou autorisée par lui.
    À propos des allégations d’atteinte à une ressource publique, la CDE de l’Ontario confère au public le droit de poursuivre toute personne qui a commis, ou qui est sur le point de commettre, une infraction à une loi, à un règlement ou à un texte environnemental qui a porté, ou qui portera, atteinte à une ressource publique.
    On a intenté très peu de ces actions en justice en Ontario. On y a fait appel avec parcimonie, bien que la population ait participé activement aux autres mécanismes — en commentant les propositions gouvernementales et en présentant des demandes d’examen et d’enquête. Depuis l’entrée en vigueur de la CDE de l’Ontario, il y a 16 ans, la province n’a connu qu’une seule allégation de nuisance publique — en outre, la nuisance publique n’était qu’un des nombreux motifs sur lesquels reposait la poursuite dans cette affaire — et qu’une seule poursuite en justice en vertu des dispositions sur l’atteinte à une ressource publique de la CDE. Qui plus est, à peine cinq à dix demandes de permission d’interjeter appel sont remplies chaque année. Il est donc clair que les actions en justice ne servent qu’en dernier recours.
    Pour ce qui est des frais juridiques, en vertu du projet de CCDE, un tribunal ne pourrait ordonner au demandeur d’un examen judiciaire de payer les frais juridiques que si l’action est jugée frivole, vexatoire ou harcelante. Dans certaines circonstances, le projet de CCDE autoriserait également le tribunal à accorder à un demandeur des honoraires d’avocat ou une avance de dépens. J'appuie fermement ces dispositions. Je suis d’avis, comme j'en ai fait part dans deux instances judiciaires distinctes, que les effets paralysants de la possibilité d’adjudication de frais représentent une entrave importante aux litiges d’intérêt public. Le projet de CCDE devrait contribuer à lever cet obstacle aux affaires judiciaires environnementales valables en droit.
    En conclusion, j’aimerais réitérer que, selon moi, le projet de CCDE constitue un texte de loi important et positif, dont l’adoption renforcerait la responsabilisation et la transparence du gouvernement, de même que la participation du public au processus décisionnel en matière d’environnement. Il favoriserait une prise de décisions éclairées et, ce faisant, une protection accrue de l’environnement pour les générations futures.
    Merci.
(1545)
    Merci, monsieur Miller.
    Nous allons commencer par un premier tour de sept minutes, et c'est M. Kennedy qui ouvre le bal.
    Merci à vous deux pour ces exposés et pour le travail que vous accomplissez.
    Monsieur Vaughan, pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions? Je ne voudrais pas paraphraser, mais il semble que vous avez laissé entendre que le nouveau rôle qu'on veut attribuer au Bureau du vérificateur général ne fait pas double emploi. J'aimerais que vous nous donniez plus d'explications à ce chapitre.
    Autrement dit, l'objectif de cette mesure législative — et son auteure pourrait nous en parler plus tard — est l'indépendance, et une opinion indépendante sur la qualité du travail accompli. Nous savons tous qu'il y a d'autres efforts et responsabilités qui incombent aux sous-ministres fédéraux. Il y a une directive ministérielle, de même que la nouvelle initiative en matière de développement durable, mais je pense que, de façon générale, en ce qui concerne l'application du projet de loi, nous n'avons pas réussi aussi bien qu'on l'espérait.
    Pourriez-vous nous en parler brièvement pour nous donner une petite idée de l'aspect pratique?
    Merci beaucoup pour cette question.
    Je pense que vous pouvez constater le contraste entre le mandat de M. Miller et le nôtre, au BVG.
    Grosso modo, la plupart des rapports que nous déposons au Parlement se fondent sur des garanties, ce qui signifie que nous n'allons pas nous prononcer avant d'être absolument certains de ce que nous avançons. Ces garanties reposent sur l'état d'avancement des dossiers à une date donnée. Par conséquent, si nous essayons de spéculer, par exemple, ou de réaliser une évaluation prospective sur ce qui pourrait constituer une incohérence potentielle dans la réglementation...
    Chose certaine, nous allons faire tout ce que dicte le Parlement, mais il me semble, et c'est ce que j'essayais de dire, qu'il y a déjà des mécanismes en place au gouvernement. Je pense qu'on peut assurément les renforcer et les clarifier. En ce qui concerne l'évaluation environnementale stratégique, il y a une nouvelle directive du Cabinet qui exige que les ministres assurent l'uniformité de toutes les politiques à l'échelle du gouvernement ainsi que dans le contexte des objectifs environnementaux et du développement durable. Et il y en a d'autres, notamment l'étude d'impact de la réglementation, dont j'ai parlé plus tôt.
    En revanche, si, par exemple, nous avions effectué cette évaluation prospective des répercussions potentielles, il serait important que le Parlement puisse s'en remettre au BVG pour savoir si le gouvernement a pris les mesures qui s'imposent. Nos recommandations sont, par définition, axées sur l'avenir. Si nous relevons un problème, nous allons formuler des recommandations au gouvernement dans l'espoir qu'il le règle. Nous allons de nouveau effectuer une vérification et donner des précisions au Parlement pour savoir si la situation est acceptable. Si elle ne l'est pas, il faudra trouver un moyen d'y remédier. Le gouvernement devra préciser les mesures qu'il compte prendre.
    Donc, même s'il y a double emploi dans une certaine mesure, mon bureau et celui de M. Miller ont des mandats distincts.
    Je vous remercie pour votre réponse.
    Monsieur Miller, je vous souhaite la bienvenue. Je suis ravi de vous revoir dans un différent contexte.
    Je vous remercie de votre témoignage. Je pense que c'est très important. Vous avez l'un des plus vastes mandats de tous les gouvernements provinciaux qui disposent d'une telle charte. Toutefois, il existe des différences entre la CDE de l'Ontario et le projet qu'on étudie actuellement.
    Certains observateurs nous ont dit que le mécanisme de mise en oeuvre ici était plus strict que celui de l'Ontario. Je pense que vous avez fait des remarques très pertinentes lorsque vous avez parlé des différences dans le fonctionnement, des leçons que vous avez tirées, des attentes, etc.
    Observez-vous des différences importantes? Certains témoins nous ont dit qu'on allait trop loin, si je peux me permettre de généraliser, et qu'il y a de nouveaux pouvoirs et de nouveaux éléments dont les résultats pourraient nous surprendre.
(1550)
    C'est intéressant; la façon dont je perçois votre projet... en fait, je considère qu'il y a une énorme différence entre le bureau du commissaire fédéral et le mien relativement à la structure et à la façon dont nous faisons rapport au Parlement ou à l'Assemblée législative.
    Je suis d'avis que les dispositions du présent projet de loi fournissent de très bons éléments, notamment la participation du public au processus décisionnel et sa capacité de renforcer le rôle du commissaire fédéral à l'environnement et au développement durable, en ce sens que les demandes d'examen et d'enquête permettent au public d'avoir un lien plus direct et intime avec son bureau, comme c'est le cas avec le mien.
    Je ne crois pas que cela change fondamentalement la structure principale et la différence qui existe entre nos deux bureaux, le bureau du commissaire fédéral étant principalement responsable des vérifications et le mien des politiques. Toutefois, la participation du public, selon moi, apporte son lot d'avantages. Sauf tout le respect que je vous dois, même si la fonction de vérificateur a toujours été extrêmement utile, elle ne fait pas beaucoup intervenir le public. Par conséquent, de cette façon, la participation du public constituera une amélioration, à mon avis, sans toutefois miner la structure ni l'objectif du modèle avec lequel on travaille.
    Afin que les choses soient bien claires, d'après votre expérience, vous ne considérez pas que cette loi contient des éléments nouveaux et audacieux?
    En fait, la couverture des coûts prévue dans le projet de loi constitue une mesure nouvelle et audacieuse. De toute évidence, c'est avant-gardiste. L'inverse, c'est-à-dire l'attribution des dépens dans les poursuites devant les tribunaux, a été utilisée de façon punitive, à mon avis, en Ontario. Cela devient punitif non seulement en raison de l'ampleur des dépens, mais aussi parce qu'il devient très coûteux de contester la possibilité d'adjuger les dépens.
    Par conséquent, grâce à ce projet de loi, vous dissipez les préjugés et rendez le processus plus favorable à ceux qui présentent des cas légitimes.
    Je considère qu'il s'agit là d'une initiative avant-gardiste. Je vous félicite de la considérer parce que c'est un élément très intéressant et dynamique. J'aimerais qu'elle soit établie en Ontario.
    Les autres mesures se comparent à celles que nous avons prises et ajoutées au rôle existant. Selon moi, ce ne sont pas des mesures radicales, mais elles sont tout de même très utiles.
    En quelques secondes, pourriez-vous me dire, sur une échelle de 1 à 10, à quel point il est important d'éliminer cet effet paralysant associé à la participation du public?
    C'est très important, parce que cela prend de plus en plus de place dans mes activités quotidiennes.
    Ce serait donc un huit?
    Je donnerais un 9 sur 10.
    D'accord. Merci.
    Merci.

[Français]

    C'est à votre tour, monsieur Bigras.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs les commissaires.
    Monsieur Vaughan, lors de sa comparution, le 17 novembre, l'Association des armateurs canadiens a déposé un mémoire. À la page 4 de ce mémoire, les armateurs ont indiqué que les articles 14 et 16 du projet de loi les inquiétaient beaucoup, et je les cite:
[...] l’organisme redoute aussi que les articles 14 et 16, tels que proposés, ne sapent le processus de pétition en vigueur en matière d’environnement prévu en vertu de la Loi sur le vérificateur général.
    Les articles 14 et 16 constituent tout ce qui touche aux enquêtes.
    Partagez-vous l'avis de l'Association des armateurs canadiens à l'effet que ces articles 14 et 16 du projet de loi viennent saper le processus de pétition prévu en vertu de la Loi sur le vérificateur général?
    Non pas du tout. Nous avons examiné les articles 13 et 14 et, comme je l'ai mentionné au début de mon discours, je pense qu'il y a des accords entre le processus de pétition environnementale qui existe maintenant au BVG et les systèmes qui ont été proposés dans ce projet de loi.
    En fait, je n'ai pas de préoccupations par rapport à la compatibilité des systèmes qui existent maintenant et ce qui est proposé dans le projet de loi.
(1555)
    Ma deuxième question s'adresse à M. Miller.
    Vous connaissez fort probablement le processus de pétition fédéral prévu en vertu de la Loi sur le vérificateur général. Vous avez, de votre côté, aussi un processus d'enquête. Comment compareriez-vous les deux processus mis en place?

[Traduction]

    Je dirais que la CDE de l'Ontario confère un droit comparable, mais elle exige que deux personnes en fassent la demande. Elles doivent fournir des preuves. Leur demande ne doit pas nécessairement établir une preuve prima facie, mais elle doit renfermer des preuves. La décision revient ensuite au ministère responsable de l'application de la loi. Le ministère dispose de 60 jours pour indiquer s'il compte effectuer ou non cette enquête. Si sa réponse est négative, il doit la justifier, et ses motifs sont soumis à mon examen indépendant.
    Il s'agit donc d'un mécanisme d'intervention plus officiel et structuré. Il vise précisément ce qui pourrait être considéré comme une infraction provinciale potentielle. Je suis d'avis qu'il est plus rigoureux que le processus de pétition, d'après ce que je comprends, où les gens peuvent exprimer leurs préoccupations et où le fardeau de la preuve n'est pas lourd, étant donné que les gens sont possiblement moins bien informés. Ils peuvent vouloir dénoncer des choses qui clochent, selon eux... il n'y a pas de rigueur, par conséquent, la réponse du ministère peut ne pas être aussi rigoureuse.
    Il se peut que le Bureau du vérificateur général se prononce là-dessus, mais encore une fois, la communication de l'information n'est pas aussi rigoureuse parce qu'elle n'est pas aussi structurée. Je considère que notre système est plus structuré et, par le fait même, qu'il donne de meilleurs résultats, même si la réponse du ministère est négative et qu'il fournit de bons motifs pour ne pas procéder à une enquête.

[Français]

    Je m'adresse toujours à M. Miller. Ma prochaine question porte sur l'article 23 du projet de loi, concernant l'action civile. Vous nous indiquez avec justesse, au point 6 de votre mémoire, que « Le projet de CCDE donnerait au public l’accès à des recours judiciaires supplémentaires. » Un peu plus loin, vous mentionnez que « La CDE de l’Ontario offre au public un ensemble distinct mais comparable de droits découlant de la loi ». Vous faites un parallèle entre les actions civiles de l'Ontario et les actions fédérales.
    L'Association canadienne des produits pétroliers nous a soumis un avis juridique dont je cite un extrait de la page 6:
Contrairement aux dispositions semblables de la LCPE et de la Charte des droits environnementaux de 1993 de l’Ontario, il n’est pas nécessaire de demander enquête avant d’intenter une action en protection de l’environnement ou une action civile en vertu du projet de loi C-469.
    Donc, vous dites que c'est comparable, mais en même temps, les gens de l'industrie disent que ce ne l'est pas. Donc, comment pouvez-vous en venir à dire qu'en matière judiciaire, il y a un ensemble distinct mais comparable de mesures découlant de la loi?

[Traduction]

    J'irais jusqu'à dire que j'ai peut-être un peu exagéré quand j'ai dit que c'était comparable. Je voulais simplement dire, de façon générale, que les mesures législatives confèrent toutes deux au public le droit d'intenter des poursuites.
    En fait, pour que ce soit bien clair, et je vous remercie pour votre question, sachez qu'on peut facilement les dissocier car elles sont très différentes. Les poursuites civiles proposées dans la Charte provinciale des droits environnementaux visent principalement les allégations de nuisance publique, qui sont énoncées dans la common law et qui sont largement reconnues. Cela libère donc le procureur général, étant donné qu'il n'a plus à donner son approbation.

[Français]

    C'est exact.

[Traduction]

    Ensuite, il y a les allégations d’atteinte à une ressource publique, qui sont assez différentes de ce qui se trouve dans votre projet de loi. La seule ressemblance, c'est que ces allégations constituent toutes deux des poursuites civiles qui peuvent être engagées.
(1600)

[Français]

    Selon ce que je comprends, contrairement au projet de loi qui se trouve devant nous, en vertu de la charte de l'Ontario, il faut qu'il y ait eu enquête pour pouvoir intenter des actions au civil. N'est-ce pas, au fond, ce qui explique...?

[Traduction]

     Il s'agit d'une demande d'enquête.

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Il doit y avoir une demande d'enquête, qui peut être rejetée.

[Français]

    Mais admettez-vous que dans la charte de l'Ontario, il y a pas mal plus de balises que dans le projet de loi C-469, même si l'esprit de la loi est effectivement le même? On reconnaît que l'esprit de la loi est le même — ouverture au public, capacité d'entreprendre des actions au civil —, mais finalement, la charte de l'Ontario comporte davantage de balises que le projet de loi C-469.

[Traduction]

    Je suis d'accord. Veuillez m'excuser, si je n'ai pas été clair. Je partage votre point de vue. Il y a davantage de paramètres. Son application est plus restrictive.
    Au moment de l'élaboration, on visait à... si vous revoyez ce qui s'est dit au moment de la rédaction de la charte, le droit d'intenter des poursuites et les éléments du projet de loi donnant lieu à des poursuites ne devaient être utilisés qu'en dernier recours, uniquement pour donner plus de rigueur aux autres dispositions. En fait, c'est ce qui est arrivé en Ontario.

[Français]

    Merci. Votre temps est écoulé.
    Ms. Duncan.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je tiens également à remercier les témoins qui sont venus s’exprimer sur mon projet de loi. Je vous suis très reconnaissante des efforts que vous avez mis dans vos témoignages et analyses.
    J’aimerais aussi féliciter les deux bureaux pour leur travail. Les oreilles du commissaire Vaughan doivent probablement lui bourdonner avec tous les compliments que je lui adresse. Je félicite aussi le bureau de l’Ontario. Après 15 ans, je pense qu’il a démontré qu’il joue un rôle inestimable. Merci pour votre bon travail.
     Ma première question s’adresse au commissaire Vaughan. Tout d’abord, je vous remercie pour les arguments que vous avez fait valoir, au point 3, au sujet de l’absence d’incohérences.
    Concernant le point 5, j’aimerais examiner un peu votre mandat pour savoir ce que vous pensez d’un argument selon lequel il n'y aurait pas d'incompatibilités. Les propos de M. Miller m'ont inspiré un argument auquel je n'avais pas pensé.
    De toute évidence, je parle ici des diverses entités qui peuvent être mandatées en vertu de différents textes de loi. Le mandat principal du commissaire à l’environnement et au développement durable lui est conféré par la Loi sur le vérificateur général. Cependant, au fil des années, le commissaire a vu la portée de son mandat s’élargir aux termes de nombreux autres textes de loi.
    Évidemment, on peut toujours dire que le fait que le bureau du commissaire relève du vérificateur général fera en sorte qu'on adoptera une approche de continuité plutôt qu'une approche distincte qui serait celle du commissaire à l'environnement. Je pense que c'est très intéressant.
     Monsieur Vaughan, je me suis penchée sur un certain nombre de lois qui régissent votre mandat. Il me semble que votre mandat actuel est déjà tourné vers l’avenir, de sorte que vous ne vous contentez pas d’attendre que le gouvernement agisse. Cela s’apparente à la disposition prévue à l’article 26 de la CCDE. Permettez-moi de donner quelques exemples.
    Tout d'abord, le paragraphe 9(4) de la Loi fédérale sur le développement durable habilite votre bureau à faire l’examen et à présenter ses observations sur la question de savoir si les cibles et les stratégies de mise en œuvre peuvent être évaluées avant l’approbation finale du Cabinet. Encore une fois, les recommandations sont prospectives de sorte que des changements peuvent être apportés avant que le Cabinet rende sa décision finale.
     Ensuite, aux termes des articles 21.1 et 23 de la Loi sur le vérificateur général, le commissaire a pour mission d’assurer le contrôle des progrès accomplis dans la voie du développement durable — et d’en faire rapport — et d’examiner toute une série de facteurs qui reflètent la charte des droits environnementaux. C’est donc axé sur l’avenir.
    Enfin, en vertu de l’article 10.1 de la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, au moins tous les deux ans, le commissaire à l’environnement et au développement durable doit préparer un rapport à l’intention du Parlement renfermant notamment une analyse des progrès réalisés par le Canada pour respecter ses engagements ainsi que toutes autres observations et recommandations sur toute question qu’il estime pertinente.
    N’est-ce pas raisonnable de vérifier, dans le cadre de ces analyses, si le gouvernement a exercé son pouvoir discrétionnaire d'adopter des lois et des règlements, ou même de se pencher sur le développement durable, la protection de l’environnement et ainsi de suite, en vertu de sa Loi d’exécution du budget? N’est-ce pas ce que vise l’article 26?
    Je suis désolée si ma question est compliquée.
(1605)
    Non, au contraire. Je pense que l’honorable députée a soulevé des questions importantes. Merci beaucoup.
    Je vais revenir sur ces exemples, et peut-être que cela va vous éclairer sur notre travail et le moment choisi pour intervenir. La députée a raison de dire que la SFDD exigeait que nous formulions des observations à l’avance. Pour vous donner une idée de ce à quoi ressemble la lettre que j’ai envoyée au ministre en juin, en vertu des obligations légales dont j’ai été investi, nous avons mené une évaluation des cibles, des objectifs et des initiatives de l’ébauche de la stratégie. Nous devions examiner ce que le gouvernement avait rendu public en mars, soit les huit objectifs, les 23 cibles et les 2 200 initiatives existantes. Nous avons demandé si nous pouvions les évaluer — à partir de ce que nous savions — et il s’est avéré que nous ne pouvions pas vraiment le faire étant donné que seulement 30 p. 100 des cibles et 5 p. 100 des stratégies de mise en œuvre renfermaient suffisamment d’information.
    Voilà donc une partie de notre travail. La députée a tout à fait raison; nous pourrions examiner un plan gouvernemental qui, par définition, est tourné vers l'avenir, et analyser chacun des éléments de ce plan afin de déterminer s’ils ont une base de référence et un échéancier, ou encore si on connaît la situation actuelle, les mesures à prendre et les moyens d’y parvenir, de même que la façon de faire rapport des succès ou des échecs.
    Et ne pourriez-vous pas aussi vous informer sur l'existence d'un calendrier et d'un échéancier des projets de réglementation?
    Et, dans ce contexte, donc, sur toute mesure de promotion de la politique de développement durable du gouvernement, qu'il s'agisse de sa politique budgétaire, de règlements, de programmes ou d'autres initiatives qui correspondent effectivement ou potentiellement avec le travail que nous faisons. Ensuite, en parlant des règlements en vigueur, nous dirions — en revenant, encore une fois, à un examen rétrospectif plutôt que prospectif — que, si la politique n'est pas mise en oeuvre, le gouvernement ne semble pas les respecter. Cependant, l'examen prospectif, à son tour, porte sur autre chose.
    Je conviens de la pertinence de votre observation sur l'article 21 de la Loi sur le vérificateur général, qui représente certainement un progrès vers la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto ainsi qu'un progrès vers la mise en oeuvre. Notre rapport de 2009 sur la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto devait porter sur les réalisations jusqu'à ce jour. Nous avons pris bien soin d'affirmer qu'on ne pouvait pas conjecturer ce qui surviendrait durant toute la période d'application du Protocole de Kyoto jusqu'en 2012. Nous ne hasarderions pas d'hypothèses sur ce à quoi ressemblera l'après-Kyoto.
    D'accord.
    En tout cas, je vous remercie de votre réponse très astucieuse et si rapide à ma question complexe.
    M. Scott Vaughan: Je suis désolé de l'avoir étirée.
    Mme Linda Duncan: Monsieur Miller, merci beaucoup de votre témoignage.
    Une partie très importante du projet de loi que j'ai déposé permet au public de participer à la prise de décisions en matière d'environnement, et cette volonté transparaît dans un certain nombre de dispositions. C'est une conviction de mes 40 ans de vie professionnelle, vu le peu d'occasions où le public a l'occasion de participer à la prise de décisions. Je le souligne particulièrement parce que, bien sûr, j'ai été la première responsable de la loi et de son application pour la commission de l'environnement de l'ALENA, où le Canada et l'Alberta ainsi que, je pense, le Québec et peut-être le Manitoba se sont officiellement engagés à publier des préavis et à organiser des consultations préalables sur toute nouvelle loi ou politique en matière d'environnement.
    Je me demande donc si vous pouvez nous en dire un peu plus à ce sujet. D'autres témoins nous ont dit en quoi cette partie du projet de loi de l'Ontario s'était révélée constituer, d'après eux, un véritable nouveau droit et offrir des occasions nouvelles.
    Madame Duncan, votre temps est écoulé.
    Monsieur Miller, je vous serais reconnaissant de répondre brièvement.
    Je dirais, pour répondre rapidement que, oui, en ce qui concerne le registre environnemental, la capacité de réponse du public a évolué rapidement et que des ministères prévenants en tirent profit, à différentes étapes, pour connaître très rapidement les craintes du public, grâce à la publication de projets de propositions et d'autres types de projets avant leur présentation sous une forme définitive. Ainsi, ils sont en mesure de reconnaître les problèmes et de les détourner bien avant que l'imprévisible ne survienne. Je pense donc que le processus a été très utile pour les bureaucrates qui essaient de faire leur travail, pour les députés qui essaient de faire adopter les lois et, indéniablement, pour le public.
    Mme Linda Duncan: Merci.
    Merci.
    Monsieur Warawa, pouvez-vous nous conduire jusqu'à la fin de cette première série de questions?
    Merci aux témoins de votre présence.
    À la lumière des témoignages de cet après-midi, il est évident que les attributions et les mandats des deux bureaux, celui du commissaire fédéral à l'environnement et celui de M. Miller, sont tout à fait différents. Je vais m'arrêter au volet fédéral. Merci, monsieur Miller, pour vos commentaires.
    Le vérificateur général et le commissaire à l'environnement et au développement durable procurent aux parlementaires des recommandations objectives et indépendantes sur les efforts du gouvernement fédéral pour protéger l'environnement et favoriser le développement durable.
     Monsieur Vaughan, vous avez parlé de la Stratégie fédérale de développement durable. C'est une loi très importante. Tout ce qui se fait dans l'administration fédérale est désormais examiné sous la loupe du développement durable, lequel repose sur trois piliers: ceux des incidences économiques, des incidences sociales et des incidences sur l'environnement, le gouvernement essayant de préserver l'équilibre entre les trois. Mes questions vont utiliser une nouvelle loupe, celle de la Charte des droits environnementaux.
    Maintenant, utilisons-nous la loupe du développement durable ou celle qui sert à vos audits ou vérifications, c'est-à-dire la Charte des droits environnementaux? Quel regard utilisons-nous? Quel est le point de vue dominant? Est-ce que toutes les lois seront examinées sous le filtre de la Charte des droits environnementaux?
    Depuis deux semaines environ, nous entendons des témoignages. Dans les deux ou trois premières séances, nous avons surtout entendu des organismes non gouvernementaux, qui ont utilisé un certain nombre de fois l'image du bâton et de la carotte. Ils voulaient une loi, comme le projet de loi C-469, qui servirait de bâton afin d'encourager vivement le gouvernement à aller dans une certaine direction. La question des procédures judiciaires est revenue maintes fois sur le tapis. On a demandé si, probablement, elles s'intensifieraient. M. Miller en a parlé rapidement. D'après l'un de ces témoins, Jamie Kneen, l'intérêt de la menace de procédures judiciaires, c'est d'être un très puissant incitatif.
    Je pense que la plupart d'entre nous ont compris que le nombre de poursuites intentées contre le gouvernement n'augmenterait pas nécessairement mais que ce serait un incitatif très puissant pour le faire aller dans une certaine direction.
    J'avais alors demandé si le bâton, ce n'était pas la menace de l'adoption d'une loi. Il m'avait répondu: « Je crois que oui ».
    Après les ONG, nous avons entendu l'industrie — la Chambre de commerce, l'entreprise — et nous avons entendu parler du frisson que le projet de loi C-469 pouvait provoquer, par la menace de procédures judiciaires, encore une fois. Nous avons reçu une lettre du Conseil patronal de l'environnement du Québec, dans laquelle il se dit préoccupé par le fait que le projet de loi ne définit aucune borne, qu'il ne fixe aucune limite. Dans le témoignage précédent, l'incertitude était illimitée, qu'il n'y avait aucune fin aux recours, qui pourraient s'éterniser et que tout résident pourrait intenter des poursuites. Je pense donc que cela a constitué un sujet de préoccupation chez les membres du comité.
    Y a-t-il des limites ou n'y en a-t-il pas? S'il n'y en a pas, l'incertitude risquerait d'être illimitée, de même que les investissements perdus.
    C'était ce que le Conseil patronal voulait nous dire dans la conclusion de sa lettre:
Ce projet de loi remet en question l'habilité du gouvernement fédéral d'autoriser légalement des projets ou actions susceptibles d’avoir des impacts environnementaux et accorde des pouvoirs d'ordonnance très larges aux tribunaux. Il comporte de nombreux concepts flous comme, par exemple, un droit à un environnement sain et écologiquement équilibré qui n'est pas balisé contrairement à ce que l'on retrouve dans la législation québécoise, par exemple.
(1610)
    Monsieur le président, combien me reste-t-il de temps?
    Il vous reste trois minutes.
    D'accord.
    Je pense que c'est très important, monsieur le commissaire. Votre responsabilité consiste à effectuer des vérifications de gestion de la performance de l'administration fédérale. Si le projet de loi C-469 met en place un cadre très vague, assorti de pouvoirs presque illimités d'intenter des poursuites contre le gouvernement, à quel point sera-t-il difficile pour vous de vérifier la performance d'une administration qui doit appliquer une loi qui n'assure aucun degré de certitude?
    Comprenez-vous ma question?
(1615)
    Très bien! Merci.
    Je peux dire que mes collègues, consoeurs et confrères font preuve d'imagination quand ils essaient de s'acquitter de leurs vérifications ou d'obtenir des éclaircissements sur le sujet auquel ils s'intéressent. Nous vérifions donc des programmes gouvernementaux dont les objectifs, les échéanciers, la nature et la raison d'être sont vagues. Certains de ces programmes ont toujours existé — ce sont des problèmes hérités du passé.
    Il est plus facile d'effectuer une vérification et de faire rapport au Parlement lorsque les objectifs immédiats ou intermédiaires d'un programme et ses échéanciers sont clairs. S'ils réalisent leurs objectifs, nous fournirons des explications. Dans le cas contraire, nous tenterons des explications et nous avancerons des recommandations pour corriger la situation.
    Mais le vague n'est pas un fait isolé. Nous le constatons dans plusieurs programmes, de sorte qu'il ne serait pas extrêmement exceptionnel, si on peut dire.
    Sous quelle loupe allez-vous examiner ce genre de programme? Est-il possible d'utiliser les deux en même temps? L'une d'elles s'imposerait-elle plus que l'autre?
    Voulez-vous dire le développement durable et l'environnement?
    Oui. La stratégie de développement durable repose sur trois piliers, plutôt qu'un seul.
    Comme vous l'avez dit, la nouvelle Loi fédérale sur le développement durable a été adoptée. La stratégie qui l'accompagne a été publiée le 8 octobre. C'est à partir de cette stratégie que le gouvernement examinera quatre objectifs critiques reliés principalement à la protection de l'environnement.
    Dans nos commentaires au ministre, nous avons fait observer qu'il semblait que l'ébauche de stratégie énumérait les programmes en vigueur concernant l'environnement, et il nous semblait peu clair comment nous pouvions coordonner les trois piliers du développement durable. Nous ne prétendions pas qu'ils n'étaient pas coordonnés, mais les liens entre les trois piliers nous semblaient peu clairs. Nous sommes impatients d'obtenir des éclaircissements à ce sujet, à mesure que la mise en oeuvre ira de l'avant.
    Merci.
    C'est ici que se termine la première série de questions. Nous entreprenons maintenant la série où chaque intervention dure cinq minutes. Nous verrons si nous pouvons faire intervenir deux ou trois membres pendant ce temps. Il nous reste 12 ou 13 minutes. Quelqu'un pourrait alors être interrompu.
    Monsieur Scarpaleggia.
    J'essaie de comprendre un peu mieux cette idée qui consiste à analyser les lois et les règlements pour s'assurer qu'ils sont en harmonie avec les objectifs en matière d'environnement ainsi qu'avec d'autres lois et règlements, pour la protection de l'environnement, etc.
    Si j'ai bien compris, monsieur Vaughan, vous disiez que ce n'était pas vraiment votre rôle d'examiner les lois et règlements à venir et de juger s'ils étaient bons pour l'environnement, tandis que c'est le rôle de M. Miller de le faire, en vertu de la loi qui régit ses fonctions. Il en a le pouvoir et le devoir. Est-ce que j'ai bien compris?
    Pour l'essentiel, c'est bien cela. Comme vous le savez et comme les membres du comité le savent, le rôle du Bureau du vérificateur général est d'examiner la mise en oeuvre et la performance des programmes en vigueur. Il existe une période sur laquelle, trois ou quatre ans après, on ferait le point sur ce qu'ils font. À cet égard, nous faisons ce que le Parlement nous demande de faire.
    Pour revenir à ce que M. Warawa disait...
    Désolé. Allez-y, monsieur Miller.
    Puis-je ajouter une mise au point. Vous n'avez pas tout à fait dit les choses comme elles se passaient.
    Par exemple, si une loi soulève une controverse, je peux m'en mêler. Je peux même, de ma propre initiative, susciter un débat. Mais dès qu'une proposition figure dans le registre environnemental, plus particulièrement en vertu d'une loi, j'observe un devoir de réserve tant qu'elle n'est pas arrivée au bout du processus de consultation et d'étude par les députés et qu'elle n'est pas adoptée. Ce n'est qu'ensuite que je l'examine.
    Comment pouvez-vous l'étudier avant le stade de proposition?
    Je n'examine pas les projets de loi.
    Vous les examinez donc après leur adoption également.
    J'interviens après; dès que le projet de loi se trouve dans le processus législatif, j'observe un devoir de réserve tant que le dossier n'a pas abouti.
    D'accord.
    J'aimerais revenir à la remarque de M. Warawa selon laquelle la Loi fédérale sur le développement durable exige que le gouvernement analyse ses programmes, ses mesures, ses lois et ses règlements selon un certain parti pris pour l'environnement.
    Monsieur Vaughan, vous me corrigerez si je me trompe, mais vous semblez dire que votre rôle dans la vérification des plans dont nous parlons est vraiment suffisant, parce que vous apportez un point de vue indépendant à ces plans et que, en conséquence, vous allez déjà agir en fonction de la loi en question. Est-ce exact?
(1620)
    C'est exact, effectivement.
    D'accord.
    La question des poursuites civiles ne me paraît pas tout à fait claire. Il existe déjà un droit d'intenter des poursuites civiles, ici au Canada, n'est-ce pas? Quelqu'un peut traîner un organisme privé devant les tribunaux pour avoir enfreint une loi du domaine de l'environnement, etc. Cela se peut. Alors, pourquoi parler de poursuites civiles dans le projet de loi, si ce droit existe déjà?
    On me dit qu'un procureur général peut suspendre une poursuite civile au Canada. Le pourrait-il si elle est intentée en vertu de l'article 23? Ou, au contraire, l'article 23 l'en empêcherait-il en ayant préséance?
    L'industrie, voyez-vous, s'est adressée à nous, très préoccupée par l'article sur les poursuites civiles. J'estime que la disposition la rend vulnérable alors que, en fait, le droit d'intenter des poursuites privées existe déjà au Canada. Elle prétend que si les lois et les règlements en matière d'environnement ne sont pas suffisamment contraignants, c'est la faute du gouvernement et c'est à lui de régler le problème. Elle pense que l'examen judiciaire des politiques du gouvernement est une bonne idée, mais elle préfère que nous la laissions en dehors de cela et que nous réglions ces problèmes dans des instances démocratiques.
    Monsieur le président, je sais que les prochains témoins sont de Justice Canada.
    D'accord.
    J'aimerais vous aider, mais je ne suis pas avocat. Cela déborderait nos...
    Non, tout va bien. Je vous prie de m'excuser.
    Êtes-vous d'accord, monsieur Miller, que l'on ne devrait pas laisser à l'initiative de chaque Canadien les poursuites civiles, mais à celle des victimes d'actions commises par une personne physique ou morale?
    Il faut revenir à la définition. Elle n'est pas limitative en ce qui concerne une atteinte à une ressource publique. C'est probablement l'élément le plus pertinent, dans les circonstances. Nous ne parlons pas de victimes économiques. Laissons cela de côté. L'équivalent le plus rapproché est le fait d'invoquer une atteinte à une ressource publique. N'importe qui peut le faire, mais les remèdes énumérés avec force détails sont très restrictifs. On ne peut pas profiter, sur les plans personnel et financier, d'une telle poursuite. On ne peut demander au tribunal que des remèdes centrés sur l'environnement.
    Le traitement que nous accordons est très strict. En ce qui nous concerne, les plaignants doivent pourvoir à leurs propres moyens, parce qu'on ne leur verse pas d'avance. Ils peuvent intenter une poursuite dans laquelle ils demandent au tribunal d'arrêter telle action ou de faire telle chose.
    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Armstrong.
    Je remercie les témoins pour leurs exposés et leur présence.
    Monsieur Vaughan, vous avez un peu parlé du fait que votre mandat pouvait ne pas être aussi directif que vous l'auriez aimé, parfois avec le résultat que vous et votre personnel, vous devez vous adapter. Est-ce juste?
    Désolé, je n'ai probablement pas été clair.
    Notre mandat est très clair. Je pense que votre honorable collègue voulait savoir si nous vérifiions toujours des programmes ou des choses de ce genre qui étaient absolument claires. J'aurais souhaité que la réponse soit toujours affirmative, mais, parfois, les choses sont moins claires. En revanche, notre mandat, lui, est absolument clair sur ce que le Bureau du vérificateur général entreprend.
    Actuellement, les citoyens peuvent-ils vous demander de surveiller le respect de la loi grâce à des vérifications de gestion et à l'examen des réponses données aux pétitions?
    Les citoyens, grâce au processus de pétition en matière d'environnement, peuvent écrire au vérificateur général par l'entremise de notre bureau. Ils peuvent poser des questions ou faire part de leurs préoccupations à n'importe quel ministre fédéral, dans tous les domaines de compétences fédérales ayant un lien avec l'environnement et le développement durable. Les ministres sont tenus par la loi de leur répondre dans un délai de 120 jours.
    La même disposition s'applique-t-elle aux résidents du Canada? Jouissent-ils des mêmes privilèges que les citoyens canadiens?
    Dans la loi, il est question d'« un résident du Canada ».
    D'accord.
    Depuis 1995, combien de fois le processus de pétition en matière d'environnement a-t-il servi?
    Il a servi environ 350 fois en tout.
    Avez-vous reçu des commentaires sur son fonctionnement ou son efficacité?
(1625)
    Mon prédécesseur a réalisé une évaluation en 2007, dans laquelle il a notamment conclu qu'il s'agissait d'un outil important qui permettait aux Canadiens d'obtenir des réponses directement auprès des ministres fédéraux. L'outil ou le processus n'était toutefois pas bien connu. C'est d'ailleurs toujours le cas, selon moi, mais c'est un élément important du processus démocratique de reddition de comptes.
    En outre, si je peux dire quelque chose qui a un lien avec les propos de M. Miller, je considère que les chiffres importent moins que le fait que chacune de ces pétitions constitue une démarche entreprise par un résident canadien pour comprendre, chercher et poser des questions touchant directement les responsabilités fédérales. Nous avons fourni un guide pour les y aider. Nous traitons donc chacune de ces pétitions avec tout le sérieux qu'elles méritent.
    Merci.
    Le projet de loi dont nous sommes saisis et au sujet duquel vous avez été appelés à témoigner reprend-il des éléments de la loi que vous administrez?
    Il faudrait formuler des hypothèses sur ce qui pourrait se produire dans l'avenir si le projet de loi est adopté.
    S'il était adopté dans sa forme actuelle.
    Oui.
    Il pourrait y avoir des chevauchements. Si le projet de loi devient une loi du Canada, sachez que les lois fédérales actuelles comprennent des obligations à cet égard. Ainsi, le processus de pétitions en matière d'environnement permet aux résidents canadiens de soumettre leurs questions ou leurs préoccupations concernant les lois et règlements en vigueur. Si le projet de loi est adopté, il pourrait empiéter sur le champ d'application de la Loi sur le vérificateur général en ce qui concerne le processus de pétition en matière d'environnement.
    Il pourrait donc y avoir un chevauchement. Mais d'après ce que je comprends, le processus comporte deux aspects différents aux termes des articles 13, 14 et 15. Il y a un processus d'enquête, qui serait légèrement différent. C'est différent; ce pourrait être inclus, mais c'est un processus différent ou plus précis que celui prévu dans la Loi sur le vérificateur général.
    Craignez-vous que ces chevauchements alourdissent la bureaucratie et, par conséquent, retardent des projets ou fassent augmenter le nombre de recours devant les tribunaux?
    Nous n'avons pas réalisé d'analyse, nous contentant de voir si notre capacité interne nous permettrait d'assumer une charge accrue en raison du projet de loi. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, il existe des similitudes, et les ressources dont dispose actuellement le Bureau du vérificateur général nous permettrait de répondre à la demande.
    D'accord, merci.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Ouellet, vous avez trois minutes à votre disposition.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Vaughan et monsieur Miller, d'être venus.
    Monsieur Miller, vous avez dit tout à l'heure que le CDE de l'Ontario comporte un droit comparable. C'est ce que je voudrais voir: la question des compétences. Si vous dites qu'il y a des choses comparables, comment voyez-vous, dans ce cas, le comportement d'un citoyen face à deux lois, l'une de compétence fédérale et l'une de compétence provinciale, qui en somme demandent à peu près la même chose? Qu'est-ce que le citoyen ferait et que lui conseilleriez-vous de faire? Devrait-il utiliser la loi de l'Ontario ou la loi fédérale?

[Traduction]

    Eh bien, notre loi est assurément assujettie aux lois de la province dans les sphères de compétences provinciales. Nous recevons assez régulièrement des demandes concernant la Loi sur les pêches fédérale, des demandes que nous devons maintenant refuser en expliquant simplement qu'il s'agit d'une loi fédérale qui ne s'applique pas.
    En fait, la loi que nous administrons et conformément à laquelle nous agissons doit en fait être une mesure légale. Les règlements doivent prévoir quelque chose qui s'applique à moi. Actuellement, 14 ministères sont assujettis à la loi... et à je ne sais bien d'autres mesures législatives. Dans les divers ministères, ce ne sont peut-être pas toutes les dispositions qui seraient...
    La situation est donc très bien définie dans notre province, et nous considérons qu'il n'y aurait aucun chevauchement.

[Français]

    Mais, du côté fédéral, ne voyez-vous pas qu'il y aurait une introduction dans vos compétences? Ne croyez-vous pas qu'il y aurait, en vertu de ce projet de loi C-469, une introduction possible dans vos compétences provinciales?

[Traduction]

    Je travaille dans ce domaine depuis plus de 30 ans et je ne peux détecter qu'un endroit où il pourrait y avoir un chevauchement: dans les dispositions de la Loi sur les pêches. Il serait possible d'intenter deux types de poursuites en cas de déversement de substance nocive — pour reprendre le terme figurant dans la loi fédérale — dans des eaux où vivent des poissons. On pourrait s'adresser à moi en vertu de la Loi sur les ressources en eau de l'Ontario et théoriquement passer par l'entremise du commissaire fédéral aux termes de la Loi sur les pêches.
    Mis à part ces deux lois, la distinction est claire entre les sphères de compétences, et je vois aucun autre domaine pouvant donner lieu à un conflit. Un grand nombre des dispositions ne s'appliquent qu'au domaine de compétences fédérales, où nos lois ne s'appliquent pas.
(1630)

[Français]

    Croyez-vous qu'il serait intéressant de mettre, afin de respecter les compétences provinciales, cette possibilité de conflit entre la compétence fédérale et les compétences provinciales?

[Traduction]

    Je crois que ce serait pertinent. Pendant des années, j'ai cherché à clarifier la question concernant la Loi sur les pêches, à une époque où la distinction était beaucoup plus vague. La situation est bien plus claire aujourd'hui.
    Vous pourriez, par exemple, ajouter une disposition indiquant qu'en ce qui concerne les questions qui relèvent de la Loi sur les pêches, il faut choisir entre la loi fédérale et la loi provinciale — souvenez-vous, ce ne sont pas toutes les provinces qui ont les mêmes lois que nous. Ce serait une manière raisonnable de procéder, qui rendrait certainement la situation bien plus claire pour nous.
    Merci beaucoup.
    L'heure se termine, et nous devons maintenant entendre d'autres témoins.
    Je tiens à remercier le commissaire Vaughan et Mme Smith, du Bureau du vérificateur général, ainsi que le commissaire Miller, du gouvernement de l'Ontario, d'avoir comparu et de nous avoir donné leur avis sur le projet de loi C-469.
    La séance est suspendue.
    Nous reprenons la séance.
    Nous commençons la deuxième heure de notre étude sur le projet de loi C-469, Loi portant création de la Charte canadienne des droits environnementaux.
    Nous entendrons Eric Nielsen, avocat, Section des politiques de droit public, du ministère de la Justice, et Kathleen Roussel, avocate générale principale et directrice générale, Services juridiques, à Environnement Canada. Elle est accompagnée de Joseph Melaschenko, conseiller juridique dans le même service.
    Je vous remercie de comparaître.
    Madame Roussel, pourriez-vous ouvrir le bal avec votre exposé?

[Français]

    Bon après-midi. C'était très intéressant pour nous, du ministère de la Justice, d'écouter les commentaires des commissaires qui ont comparu avant nous cet après-midi. J'espère qu'on pourra vous aider à répondre à d'autres questions qui ont été soulevées.

[Traduction]

    M. Bezan nous a déjà présentés, mes collègues MM. Nielsen et Melaschenko et moi-même. Une fois encore, nous sommes heureux de comparaître devant vous pour répondre à vos questions.

[Français]

    Je dirais plus expressément en ce qui concerne la modification corrélative à la Déclaration canadienne des droits, qui, vous le saurez, est d'intérêt spécial au ministère de la Justice. M. Melaschenko et moi allons aussi pouvoir répondre aux questions factuelles sur les lois environnementales actuelles ou sur d'autres sujets pertinents au projet de loi déposé devant vous.
    Comme vous le savez, à titre d'avocats du ministère de la Justice, nous ne pouvons pas aviser le comité ni sur les modifications possibles apportées au projet de loi ni sur toute question qui pourrait être couverte par le secret professionnel de l'avocat et de son client.
(1635)

[Traduction]

    Compte tenu de l’intérêt particulier du ministère, soit la modification à la Déclaration canadienne des droits, je vais maintenant en traiter expressément.
     Nous comprenons la modification proposée comme suit. En adoptant cette modification corrélative à la Déclaration canadienne des droits, le Parlement — pour utiliser le libellé de la Déclaration canadienne des droits — reconnaît et déclare qu’a existé et continuera d’exister le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré et le droit de ne s’en voir privé que par l’application régulière de la loi.
    Le Parlement ordonnerait — encore une fois en utilisant le libellé de la Déclaration canadienne des droits — que toute loi du Canada, à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
    Enfin, le Parlement ordonnerait au ministre de la Justice d’examiner chaque règlement déposé auprès du greffier du Conseil privé pour enregistrement conformément à la Loi sur les textes réglementaires et chaque projet de loi déposé ou présenté à la Chambre des communes par un ministre de la Couronne, afin d’établir si l’une ou l’autre de leurs dispositions sont incompatibles avec le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré, et de rapporter toute incompatibilité à la Chambre des communes à la première occasion.

[Français]

    Avec cette compréhension de la modification corrélative, il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous effectuerons maintenant un autre tour de sept minutes.
    Madame Murray, vous avez la parole.
    Je vous remercie de témoigner pour nous aider à comprendre le point de vue du ministère de la Justice.
    Je veux connaître votre opinion sur un point qu'un des membres du comité a soulevé ici, dans une motion. Il y a un avis de motion à ce sujet. Ce que j'aimerais savoir, c'est si, d'un point de vue juridique, vous considérez qu'il y a un problème à escamoter les processus réglementaires en place et à créer ainsi une incertitude au chapitre de la réglementation.
    Je commencerai par dire qu'aucun d'entre nous ne vous dira qu'il existe un problème. Tout dépend des choix stratégiques que les parlementaires peuvent effectuer. Nous pouvons toutefois mettre en lumière certains chevauchements.
    Je demanderais à M. Melaschenko de traiter plus particulièrement d'une question soulevée par le commissaire Vaughan concernant l'article 26, car je crois qu'il y aurait de toute évidence un chevauchement entre...
    M. Warawa invoque le Règlement.
    Monsieur le président, j'aimerais savoir si la question de Mme Murray est recevable. Je crois que non.
    Elle s'est référée à un avis de motion qui n'a pas été déposé et qui n'est pas encore public.
    La question est effectivement irrecevable. Je vous demanderais donc d'en poser une autre, madame Murray.
    Merci, monsieur le président. Veuillez m'excuser.
    Dans les témoignages précédents, il a été question de chevauchements potentiels avec diverses lois. D'après ce que j'ai compris, il pourrait y en avoir avec la Loi sur les pêches. Craignez-vous qu'il existe d'autres domaines dans lesquels nous pourrions empiéter sur les champs de compétences et les lois provinciales?
    Il faudrait probablement prendre le temps de discuter un peu du chevauchement relatif au mandat du procureur général, à l'article 26. Je commencerai toutefois par répondre à votre question de manière plus générale.
    Il ne fait aucun doute qu'occasionnellement — en raison de la nature commune des compétences prévues dans la Constitution en matière d'environnement —, certains actes pourraient constituer des infractions selon les lois tant fédérales que provinciales. Je n'entends pas par là qu'il existe nécessairement des chevauchements entre les dispositions. Cependant, dans certaines circonstances, un citoyen pourrait porter plainte devant les gouvernements fédéral et provincial. À vous de juger si cette situation poserait un problème.
(1640)
    Merci.
    L'un des membres du comité a demandé si la mesure législative alourdirait beaucoup la bureaucratie et la charge de travail dans les ministères. En vous fiant à votre étude du projet de loi, que répondriez-vous à cette question?
    Je ne veux pas donner l'impression de vouloir esquiver votre question, mais je crois que cela laisse énormément place aux suppositions. Le projet de loi ouvre certainement la porte à de nouvelles poursuites contre le gouvernement et prévoit de nouveaux recours qui n'existaient pas avant, particulièrement en ce qui concerne les demandes d'enquête et l'examen des lois.
    Le projet de loi comprend-il de nouvelles obligations à l'intention du gouvernement et peut-être de nouvelles dispositions? Certainement. Mais pour l'heure, on ne peut qu'émettre des hypothèses sur la quantité de travail que cela représente.
    Il existe des dispositions bien connues sur les demandes d'enquête, qui figurent dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Ce type de demande est assez rare, mais j'ai travaillé cinq ans dans le domaine de l'environnement et j'en ai vu deux ou trois. Je ne peux donc dire s'il y en aurait beaucoup plus.
    D'après ce que j'ai compris des propos du commissaire à l'environnement de l'Ontario, ce projet de loi pourrait avoir des effets favorables au chapitre de la participation du publique et de la transparence. Il ne semble toutefois pas révolutionner notre approche en matière de protection de l'environnement.
    Cependant, nous avons reçu, la semaine dernière, un mémoire dont je vous lirai le passage suivant: « Il changerait fondamentalement la nature de la protection de l’environnement au Canada, augmenterait l’incertitude [et] provoquerait des litiges ».
    Selon vous, le projet de loi changerait-il fondamentalement la nature de la protection de l'environnement au Canada?
    Je ne suis pas certaine de comprendre ce que l'on entend par la nature de la protection de l'environnement; je ne sais donc pas si je peux vous bien répondre. La mesure législative comprend certainement des recours qui n'existaient pas auparavant et de nouveaux mécanismes pour obtenir de l'information. Dans certains cas, il s'agit de processus déjà existants, comme les registres de renseignements sur l'environnement, qui sont prévus dans plusieurs autres lois fédérales.
    J'aimerais aussi connaître votre opinion sur les propos du commissaire à l'environnement, qui a affirmé — en parlant de l'article 26, je crois — que son bureau devrait accomplir des tâches qui ne sont habituellement pas les siennes. L'un des membres du comité a énuméré quelques lois en vertu desquelles le bureau du commissaire aurait à formuler des observations prospectives sur les impacts environnementaux potentiels.
    Qu'en pense le ministère de la Justice?
    Je demanderai à mon collègue de répondre, car je crois qu'il y a de toute évidence un chevauchement avec le mandat du ministre de la Justice.
    Oui, il y a un certain chevauchement, car en vertu de la Déclaration canadienne des droits, le ministre de la Justice doit maintenant examiner les projets de loi et les règlements du gouvernement pour en assurer la compatibilité avec la déclaration.
    Si le présent projet de loi est adopté et que la Déclaration canadienne des droits est modifiée, cette dernière fera mention du « droit à un environnement sain et écologiquement équilibré ». C'est là que se trouve le chevauchement, car selon l'article 26 du projet de loi, le vérificateur général devra examiner les lois et les règlements pour en assurer la compatibilité avec cette mesure législative, où il est également question du droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
    Si le projet de loi est adopté, le ministre de la Justice et le vérificateur général effectueraient tous les deux le même examen.
    Le ministre de la Justice a-t-il déjà étudié des questions concernant la protection de l'environnement et le droit à un environnement sain lorsqu'il examinait des projets de loi en vertu de la Déclaration canadienne des droits?
    Je dirais que non, car ce droit ne figure pas dans la déclaration pour l'instant.
    Merci.
    C'était tout le temps que nous avions.

[Français]

    Monsieur Bigras, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins pour leur présence ici.
    Je commencerai par l'article 9, qui vient préciser ce droit à un environnement sain. On dit, au paragraphe 9(1):
    9. (1) Tout résident canadien a droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
    Je sens qu'un genre de concept plutôt flou de droit est amené, sans référence. Or, des provinces ont mis en place ce même système. Je pense à la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec qui, à l'article 19.1, indique ce qui suit concernant le droit à la qualité de l'environnement:
19.1. Toute personne a droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations [...]
    Quelle est la conséquence de l'absence de référence à une loi fédérale. Quelle est la conséquence de ne pas avoir de balises? On dit qu'il existe un droit, mais ce droit ne se réfère pas à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ou à toute autre loi. Quelle est la différence entre laisser l'article tel quel ou préciser « dans la mesure des lois existantes »?
(1645)
    M. Melaschenko a fait une étude plutôt comparative. Donc, si vous avez des questions sur ce sujet, je lui laisserai le soin d'y répondre. Je vais commencer par vous donner une réponse un peu plus générale.
    Je vous accorde que le paragraphe 9(1) est tout de même large dans sa portée. Malgré cela, il faut le lire en considérant quels recours la loi prévoit par la suite pour les résidents. À sa lecture, je dirais qu'il s'agit sans doute des recours prévus aux articles 10 à 23. Dans le fond, c'est sans doute comme ça qu'on voudrait l'interpréter. On voudrait lire l'article 9 à la lumière des recours qui sont ensuite prévus par la loi. Je suis toutefois d'accord que ce serait plus facile si c'était précisé dans l'article.
    D'accord. Votre collègue veut-il ajouter un commentaire?

[Traduction]

    À première vue, je dirais que vous avez raison. Si je vous ai bien compris, c'est une balise qui ne figure pas à l'article 9; c'est dans la Loi sur la qualité de l'environnement et, comme vous le savez probablement, dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec qu'elle se trouve.

[Français]

    Ma deuxième question porte sur le paragraphe 23(1), où on indique ce qui suit:
    23. (1) Tout résident du Canada ou toute entité peut exercer un recours devant les cours supérieures de la province en cause en vue d’assurer la protection de l’environnement en intentant une action civile contre une personne qui a contrevenu, ou est susceptible de contrevenir, à une loi fédérale ou à un règlement pris en vertu d'une loi fédérale [...]
    Vous me le direz si je me trompe, mais ce recours devant des cours supérieures de la provinces constitue-t-il une référence qu'on voit souvent dans les lois fédérales? Il me semble que les aspects civils relèvent des provinces. Est-ce usuel? Est-ce qu'on a l'habitude de voir cela? Est-ce qu'on voit souvent cela dans des lois fédérales?
    Je m'en tiendrai aux lois que je connais. Ce n'est peut-être pas quelque chose qu'on voit très souvent, malgré que dans les lois qui traitent de poursuites contre le fédéral, sauf en ce qui concerne le champ d'application de la Cour fédérale, ce sont quand même les cours supérieures des provinces. Les litiges civils, c'est évident, sont normalement traités dans les cours supérieures.
    Oui, c'est clair.
    Normalement, on n'a pas besoin de le dire.
    On n'a pas besoin de le dire dans une loi fédérale. Ne s'agit-il pas d'une ingérence?
    Je pense que c'est une question de précision, qui n'était peut-être pas nécessaire.
    Mais ce n'est pas usuel.
    Ce n'est pas usuel de le voir, non.
    Ma deuxième question se rapporte davantage au paragraphe 16(1) du projet de loi, où on indique ce qui suit:
    16. (1) Tout résident du Canada ou toute entité peut exercer un recours devant la Cour fédérale [...]
     Ce type de recours peut être intenté à l'encontre de toute action ou omission qui a causé ou qui est susceptible de causer, tout ou en partie, un préjudice environnemental grave, sans même que la partie visée n'ait le droit d'être entendue.
    Est-ce un manquement au principe de justice naturelle?
    Je pense que vous me demandez un avis juridique que je ne peux pas vous donner.
    Mais est-ce la norme? Cela changerait-il le droit à ce type de recours?
(1650)
    Il y a dans les lois, de temps à autre, surtout en matière d'injonction, des possibilités d'avoir une injonction sans que la partie adverse soit représentée. On voit cela, normalement, en cas d'urgence, et la partie contre laquelle l'injonction est donnée a normalement un genre d'appel ou de révision possible.
    Donc, ce n'est pas une chose qui n'existe pas dans notre corpus de loi. On le voit peut-être moins souvent et, normalement, dans des situations assez précises.
    Croyez-vous qu'une omission qui a causé ou qui est susceptible de causer, en tout ou en partie, un préjudice environnemental revêt un caractère d'urgence?
    Sans faits, je ne peux pas vous répondre. Je n'ai pas d'exemple en tête, présentement.
    Qui déterminerait de la susceptibilité de causer...? N'y a-t-il pas là un flou?
    Ce sera au tribunal de trancher à savoir si c'est quelque chose qui est dans ce que la loi prévoit et ce que ça leur permet de poser comme action.
    Je n'ai plus de questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Il y a longtemps que nous n'avions pas entendu des témoins du ministère. Je citerai un passage du chapitre 20 de l'ouvrage d'O'Brien et Bosc, à la page 1068:
Une attention particulière est accordée à l’interrogation de fonctionnaires. L’obligation faite aux témoins de répondre à toutes les questions posées par un comité doit être mise en équilibre avec le rôle que jouent les fonctionnaires lorsqu’ils donnent des avis confidentiels à leur ministre. La tradition veut qu’on envisage ce rôle par rapport à la mise en oeuvre et à l’exécution de la politique gouvernementale plutôt qu’à la détermination de celle-ci. En conséquence, les comités ont dispensé les fonctionnaires de commenter les décisions stratégiques prises par le gouvernement. En outre, les comités acceptent ordinairement les raisons données par un fonctionnaire pour refuser de répondre à une question précise supposant l’expression d’un avis juridique, pouvant être considérées comme en conflit avec leur responsabilité envers leur ministre...
    J'excuserai donc Mme Roussel d'avoir répondu aux questions de M. Bigras. Je tenais simplement à rappeler à tous les responsabilités des fonctionnaires.
    Sur ce, je laisse la parole à Mme Duncan.
    Je présumerai simplement que cette directive ne s'applique pas à moi.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Linda Duncan: Enfin, vous n'avez pas fait ce rappel parce que vous avez peur de ce que je pourrais dire.
    Non, je faisais tout bonnement suite aux questions de M. Bigras.
    Non, non, c'est parfait. Je ne fais que vous taquiner.
    Ce sont de bonnes questions, mais on ne s'attend pas à ce qu'on y réponde.
    D'accord.
    Monsieur Melaschenko, je m'oppose à votre réponse au sujet du chevauchement possible concernant le pouvoir ou la responsabilité du ministère de la Justice d'analyser la compatibilité avec la Déclaration canadienne des droits. A priori, ça va. En effet, ce serait bien qu'il arrive à faire ce travail. Il faudra peut-être suivre cela de près.
    Cependant, l'article 26 porte sur l'incompatibilité avec la Charte canadienne des droits environnementaux, et non avec la Déclaration canadienne des droits. Ne serait-il pas exact de dire qu'il ne s'agit pas nécessairement d'un chevauchement? Peut-être que ce l'est dans le cas de l'article 28, mais certainement pas pour le reste du projet de loi. Cette responsabilité n'est soulevée nulle part ailleurs dans le texte.
    Je ne dis pas que le rôle du ministère de la Justice consiste à vérifier la compatibilité, notamment. J'espère que ce sera le cas lorsque des mesures législatives seront déposées. Mais j'aimerais obtenir des précisions de votre part à ce sujet.
    Merci. C'est une question légitime.
    Le projet de loi C-469 et la Déclaration canadienne des droits reconnaîtraient tous le deux ce droit à un environnement sain et écologiquement équilibré. Ce que je voulais dire, c'est qu'il y a un certain chevauchement sur le plan de l'objet.
    Oui, et votre point est légitime. Merci de me l'avoir signalé.
    Je ne veux pas voler la question de M. Scarpaleggia, mais je crois que je vais tout de même la poser, car personne ne me l'a posée lorsque j'ai présenté mon projet de loi. Je veux vous donner l'occasion d'apporter des précisions, et M. Scarpaleggia pourra intervenir dans la foulée.
    Certains membres du comité et certains témoins ne semblent pas bien comprendre la différence entre le droit à la poursuite civile et le droit à la poursuite privée, deux droits distincts. Le procureur général a le pouvoir de suspendre une poursuite privée. Mais ce projet de loi ne porte pas sur le droit à la poursuite privée, mais bien sur la qualité pour intenter une poursuite civile — l'action en protection de l'environnement — et la révision judiciaire.
    Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet? N'est-il pas vrai aussi que les règles relatives à la qualité pour intenter une poursuite civile sont liées à la common law, à la jurisprudence, et dans bien des cas, à la législation? La Loi sur la protection de l'environnement stipule que les citoyens ont cette qualité. D'ailleurs, elle le précise pour éviter que les citoyens aient à en débattre devant les tribunaux.
(1655)
    D'abord, je suis d'accord avec la prémisse de votre question. Dans le cas des poursuites privées, le procureur général a le pouvoir d'intervenir soit pour suspendre la poursuite, soit pour la diriger au nom du poursuivant privé. Dans le cas des poursuites civiles, qu'il s'agisse de révision judiciaire, au terme du projet de loi ou d'une poursuite au sens large, le procureur général ne peut intervenir que s'il est un des plaideurs.
    En ce qui concerne le principe de la qualité requise, certaines lois contiennent des dispositions à cet égard, mais c'est généralement codifié dans la jurisprudence et la common law.
    Merci.
    Plusieurs témoins ont parlé de la portée du projet de loi. Des membres du comité craignent que celle-ci ne soit pas suffisamment claire. Si vous avez entendu les questions posées aux témoins précédents, vous conviendrez que cette crainte saute aux yeux. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet. J'imagine que vous ne pouvez pas donner de conseils juridiques, mais le comité pourrait tenir compte de votre opinion.
    Si j'ai bien compris, en raison du libellé du projet de loi... nos lois sont libellées différemment de celles du Québec qui précisent la portée de la loi dans chacun de ses articles. N'est-il pas fréquent dans les lois de la common law, si je peux m'exprimer ainsi, au fédéral et dans les autres provinces, de préciser la portée d'un projet de loi au début de celui-ci?
    D'ailleurs, l'article 8 précise immédiatement la portée du projet de loi en précisant que « la présente loi s’appliquent aux décisions émanant d’une source d’origine fédérale et à celles concernant le territoire domanial ou les entreprises fédérales ». Le paragraphe 9(2) précise ensuite l'obligation du gouvernement du Canada dans son champ de compétence. L'article 13 porte sur l'examen de textes fédéraux, et l'article 14, sur les lois fédérales.
    En fait, n'y a-t-il pas de nombreuses mesures dans ce projet de loi qui en établissent le cadre et la portée?
    Je ne peux pas vous répondre directement, car cela se rapprocherait du conseil juridique, mais je crois pouvoir répondre au moins à la première partie de votre question.
    Il n'est pas inhabituel dans les projets de loi fédéraux, notamment lorsqu'il y a chevauchement des compétences fédérales et provinciales, de préciser dans les premiers articles le cadre du pouvoir fédéral. Dans les lois sur l'environnement, notamment, on fait souvent référence, entre autres, aux biens fonciers fédéraux ou aux entreprises fédérales.
    En répondant à la deuxième partie de votre question, je vous donnerais des conseils juridiques, alors je vais m'abstenir.
    Oui, c'est difficile de répondre de façon générale.
    Des témoins ont avancé que ce projet de loi provoquerait une grande incertitude juridique, car les citoyens pourraient demander un examen de l'efficacité des lois ou des règlements actuels.
    N'est-il pas vrai qu'un grand nombre de lois fédérales, comme la LCPE et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, prévoient qu'elles-mêmes doivent faire l'objet d'un examen tous les cinq ans? N'est-il pas pratique courante de procéder régulièrement à un examen et une mise à jour des lois? Tout ce que propose ce projet de loi, c'est de permettre au public de jouer un rôle dans ce genre de processus.
    Il n'est pas inhabituel d'inclure dans une loi ce que l'on appelle une exigence de procéder à un examen périodique. À ma connaissance, c'est le Parlement qui procède à cet examen. Par exemple, il y a la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et la Loi sur les espèces en péril qui ont été ou qui seront examinées par le comité.
    Ce qu'il y a de particulier dans ce projet de loi, et je n'ai jamais rien vu de tel au fédéral, c'est qu'il permet au citoyen de demander au ministre d'examiner sa propre loi. Je ne porte pas de jugement sur cet aspect de la mesure législative, mais je crois que c'est sans précédent.
(1700)
    Merci. Votre temps est écoulé, madame Duncan.
    Nous allons maintenant passer à M. Woodworth pour le dernier échange de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup à vous, madame Roussel, et à vous, messieurs, d'être ici aujourd'hui. En tant qu'avocat, c'est toujours agréable pour moi, si je peux m'exprimer ainsi, de voir d'autres avocats venir témoigner, lire la loi et discuter de celle-ci et de ses différentes dispositions.
    Si possible, madame Roussel, j'aimerais vous poser quelques questions sur les articles 19 et 20 du projet de loi qui portent sur les recours. Je veux m'assurer que le comité comprend bien leur fonctionnement.
    D'abord, concernant l'expression « ordonner au défendeur » que l'on retrouve à l'alinéa 19(2)b), le mot « défendeur » doit certainement faire référence au gouvernement du Canada, n'est-ce pas?
    Non.
    D'accord.
    Tous les recours stipulés à l'article 16 ne sont possibles que dans le cadre d'une action intentée contre le gouvernement du Canada. Encore une fois, si l'on regarde uniquement l'alinéa 19(2)b), on peut s'imaginer que, si le gouvernement fédéral intentait une poursuite contre une personne ou une entité, le tribunal pourrait ordonner au défendeur de fournir une garantie financière de l'exécution d'une mesure déterminée.
    Pouvez-vous m'aider à comprendre comment cela fonctionne lorsque le défendeur est le gouvernement du Canada? À qui cette garantie serait-elle fournie?
    Je ne crois pas pouvoir vous être d'une grande utilité sur ce point. Vous comprendrez que je n'ai jamais vu une telle disposition qui ferait en sorte que le gouvernement soit le défendeur. Je ne voudrais pas que ma réponse soit interprétée comme un conseil juridique. Cependant, je présume que, puisqu'il s'agit d'une affaire entre deux parties, le tribunal ordonnerait au gouvernement de fournir une garantie financière à l'autre partie, mais le projet de loi ne le précise pas. Je crois que cela laisserait au tribunal une certaine marge de manoeuvre.
    La garantie pourrait-elle être remise au tribunal?
    Honnêtement, je crois que ce serait à la discrétion du tribunal. Le projet de loi ne le précise pas.
    De façon similaire, en ce qui concerne les alinéas 19(2)c) et d), si le gouvernement du Canada se voit ordonner de verser un montant devant servir à la restauration ou au rétablissement de l'aspect de l'environnement, ou encore à l'amélioration ou à la protection de l'environnement en général, il ne s'accorderait pas à lui-même le montant en question, n'est-ce pas?
    À mon avis, ce n'est pas impossible. Généralement, dans le cadre d'une ordonnance de restauration rendue en vertu d'une loi environnementale, le tribunal précise à qui l'argent doit être versé. Je ne vois rien dans ce projet de loi qui empêcherait le gouvernement de s'accorder le montant à des fins particulières.
    D'accord. Donc, j'imagine que le tribunal devrait ensuite préciser les fins en question. Il ne laisserait pas le gouvernement faire ce qu'il veut avec cet argent alors qu'il est le défendeur.
    J'imagine que oui, mais ce n'est qu'une supposition. J'ignore ce qui se produirait en réalité.
    En vertu de l'alinéa 19(2)d), si le tribunal juge que le gouvernement du Canada a failli à sa responsabilité en tant que fiduciaire de l'environnement et qu'il lui ordonne de verser un montant devant servir à l'amélioration ou à la protection de l'environnement en général, j'imagine que ce ne serait pas au ministère de l'Environnement de verser ce montant, car ce serait comme voler Pierre pour payer Paul. Vous voyez ce que je veux dire?
    Je crois comprendre ce que vous voulez dire. Votre question relève de la politique du gouvernement. Je ne peux y répondre.
    Selon moi, ce serait au tribunal d'établir la politique et de dire au gouvernement: « Bon, vous ne dépensez pas suffisamment en matière d'environnement. Par conséquent, je vous demande d'investir davantage dans l'amélioration ou la protection de l'environnement, même si vous devez puiser dans le budget d'autres ministères. »
    Est-ce une interprétation raisonnable à votre avis?
(1705)

[Français]

    Il me semble que vous avez été clair sur les règles du jeu pour l'opposition. Je vous demanderais d'appliquer les mêmes règles du jeu pour le gouvernement et de ramener mon collège à l'ordre.

[Traduction]

    Monsieur Woodworth, vous pouvez poser les questions que vous voulez, mais je vais permettre à notre témoin de ne pas répondre aux questions qui l'obligerait à prendre position sur une question qui relève de la politique du gouvernement ou qui la placerait en conflit d'intérêts avec le ministère à l'égard de conseils juridiques qu'elle lui a prodigués.
    Je comprends.
    Je ne vous demande pas de vous prononcer sur une question qui relève de la politique du gouvernement ou quoi que ce soit qui vous placerait en conflit d'intérêts. Je vous demande de m'aider à interpréter cet alinéa, si vous le pouvez.
    Je ne crois pas que je puisse vous aider. Étant donné la façon dont le projet de loi a été rédigé, je crois que beaucoup de choses seraient laissées à la discrétion du tribunal. J'ignore si un tribunal se prononcerait sur l'attribution de crédits, monsieur Woodworth.
    Permettez-moi de vous poser une question au sujet de l'alinéa 19(1)f) qui propose d'ordonner au défendeur de prendre certaines mesures préventives. Encore une fois, le mot défendeur fait référence au gouvernement du Canada, n'est-ce pas?
    Oui.
    Connaissez-vous une loi qui permet au tribunal d'ordonner à un gouvernement de prendre des mesures préventives précises en matière d'environnement?
    Non. Cependant, il est juste de dire que les mesure injonctives en common law sont plutôt fréquentes. Je crois que certaines pourraient être appliquées de manière préventive dans ce cas-ci.
    Avez-vous déjà pris connaissance d'une injonction dans laquelle le tribunal ordonne au gouvernement de restaurer ou de rétablir l'environnement, en tout ou en partie, comme le fait l'alinéa 19(1)e)?
    Je n'ai jamais vu une telle ordonnance.
    Croyez-vous qu'en vertu des alinéas 16(1)a), b) et c), le gouvernement du Canada pourrait se faire poursuivre pour ne pas avoir respecté ou mis en oeuvre la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto?
    Vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'en tant que directrice exécutive des Services juridiques à Environnement Canada, j'ai formulé beaucoup de conseils relativement à cette loi. Par conséquent, je ne peux pas répondre à votre question sans trahir le secret professionnel.
    D'accord.
    Selon moi, c'est très possible et c'est probablement l'idée derrière l'article 16. Cet article donnerait lieu à tous les recours dont il est question aux articles 19 et 20 et ordonnerait en réalité la judiciarisation de la politique en matière d'environnement.
    J'imagine qu'il ne me reste plus de temps maintenant.
    Merci, monsieur Woodworth. Je suis convaincu que vous ne ferez pas parvenir de facture aux membres du comité pour vos conseils.
    Monsieur Kennedy, à vous d'amorcer la prochaine série de questions. Les membres disposeront de cinq minutes chacun.
    D'accord, et je vais tenter de ne pas m'interroger moi-même.
    Je tiens à rassurer les témoins que les gens qui travaillent au hansard sont très compétents. Ils ne vous attribueront pas par erreur les commentaires émis récemment.
    J'aimerais parler des différences entre le projet de loi proposé et le cadre dont vous disposez. Vous disposez d'un cadre légal qui provient de diverses sources législatives, et je me demande si vous pouvez nous orienter... Dans votre mémoire, vous parlez des répercussions les plus générales, soit celles liées au renvoi aux dispositions de la Déclaration des droits.
    Je me demande, en fait, si vous pouvez nous éclairer un peu. La déclaration existe depuis des années. Comment sa mise en oeuvre s'est-elle faite au fil des ans? Bien sûr, la charte a primé dans de nombreux domaines importants, mais dans votre déclaration — et ce sera l'objet de ma première question —, vous parlez des répercussions qu'auront les renvois à la charte dans ce projet de loi. Comment seront-ils appliqués? Qu'avons-nous appris par le passé sur le lien légal qu'ont sur le gouvernement les droits stipulés dans la charte?
(1710)
    Je vais laisser à M. Nielsen le soin de répondre à votre question.
    Il y a deux parties de la Déclaration canadienne des droits que l'on peut regarder. À l'article 1, le Parlement mentionne plusieurs droits qui, selon lui, existent et continueront d'exister. C'est à cet article que l'on ajouterait le nouveau droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
    L'article 2 assure la protection de ces droits. Elle stipule que les lois canadiennes doivent être interprétées et appliquées de façon à ne pas violer les droits mentionnés à l'article 1, sinon, un tribunal peut juger ladite loi caduque, ce qui signifie qu'elle ne peut pas être appliquée dans un cas particulier.
    Donc, c'est à la demande d'une personne ou d'une entité qu'un tribunal peut rendre une telle décision? On doit demander au tribunal d'intervenir, c'est cela?
    Cela peut survenir de différentes façons. S'il s'agit d'une procédure judiciaire à laquelle s'appliquent des lois fédérales — un procès au criminel, un examen judiciaire, une poursuite au civil contre la Couronne fédérale dans une cour supérieure provinciale, etc. —, le tribunal doit respecter les dispositions de la Déclaration canadienne des droits...
    Donc, c'est un droit relevant de la compétence des tribunaux. On peut s'en servir comme argument et on peut l'appliquer. Existe-t-il d'autres droits qui figurent dans la déclaration, mais pas dans la charte? Avez-vous des exemples?
    Oui. Le principal, que l'on retrouve au paragraphe 1(a), c'est le droit d'un à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s’en voir privé que par l’application régulière de la loi.
    Et est-ce qu'on y a souvent recours? Ceux qui demandent au tribunal d'intervenir invoquent-ils souvent ces motifs exceptionnels?
    Par le passé, oui. De mémoire, la dernière fois, c'était en 2003 dans l'affaire Authorson plaidée devant la Cour suprême du Canada. Les demandeurs prétendaient qu'une loi en particulier les privait de leurs biens sans une application régulière de la loi. Le tribunal en a jugé autrement.
    Je ne vous demanderai pas de me donner de détails sur cette affaire, mais ce que vous dites, c'est que l'argument n'était pas convaincant.
    Des témoins nous ont fait valoir que certains droits consentis par la charte pourraient primer dans ce cas-ci — le droit à la liberté et... Je ne vais pas me lancer dans des citations. A-t-on évalué quelle serait l'efficacité de ces renvois à la déclaration des droits?
    Je vous pose cette question d'un point de vue purement légal, et qui n'a rien à voir avec la politique du gouvernement. Selon ce que vous savez des autres applications de la déclaration des droits, y a-t-il un risque que certaines des dispositions proposées ici soient annulées par la charte? Est-ce que ce serait vous demander de faire des spéculations?
    Je ne suis pas certain de bien saisir vos inquiétudes. Que voulez-vous dire par annulées par la charte?
    On pourrait se servir d'une disposition de la charte pour dire que le projet de loi contrevient à un droit considéré, disons, plus fondamental.
    Évidemment, le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré serait ajouté uniquement à la Déclaration canadienne des droits, et non à la charte. La charte fait partie de la loi suprême du Canada. Elle régit toutes les lois, y compris la Déclaration canadienne des droits.
    Bon, peut-être faudrait-il que je précise. Un témoin a prétendu qu'une partie de la charte pourrait être utilisée pour annuler l'application du présent projet de loi ou avoir un effet négatif sur cette application.
    Ma question est peut-être un peu trop ésotérique. Je vais laisser tomber.
    Merci, monsieur Kennedy. Votre temps est écoulé.

[Français]

    Monsieur Blaney, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je n'ai pas de question à poser à mon collègue M. Woodworth.
    Je ne sais pas si c'est parce que le film Harry Potter vient de sortir, mais j'ai de plus en plus l'impression qu'on joue à l'apprenti sorcier avec ce projet de loi.
    Je veux saluer nos témoins.
    Je n'ai pas de formation juridique, mais en même temps que vous livriez votre témoignage, un document nous a été remis par le Conseil patronal de l'environnement du Québec dans lequel il y a vraiment des déclarations chocs que je veux partager avec vous. Il y en a une qui traite de l'article 22 et qui stipule ce qui suit:
Le CPEQ note de plus qu’une telle érosion des principes judiciaires de base serait susceptible d’ébranler tous les fondements de notre système de droit et pourrait ouvrir la porte à des précédents qui pourraient se répéter dans d’autres domaines.
    Comme on dit en bon québécois, « ça fesse dans le dash ». Vous avez dit que ce sera au tribunal de trancher.

[Traduction]

    Beaucoup de choses seraient laissées à la discrétion des tribunaux.

[Français]

    Je sais que vous avez un droit de parole limité, cet après-midi. Je ne veux pas vous amener là où vous ne pouvez pas aller, mais je peux vous dire que personnellement, ce projet de loi m'amène à un endroit où je ne veux pas aller, c'est-à-dire dans des situations qui font en sorte de créer du nouveau droit. Ce que j'ai appris cet après-midi, c'est que non seulement ce pourrait être en matière d'environnement, mais également dans d'autres champs de compétence.
     Avez-vous comparé le projet de loi qui vous est présenté, et sur lequel nous nous penchons, au projet de loi des institutions? Plus tôt, le commissaire à l'environnement de l'Ontario nous a dit que c'est vrai qu'il y a des recours civiques, mais cela n'a aucune commune mesure avec ce qui est proposé dans le projet de loi.
    Je reviens au Conseil patronal de l'environnement du Québec et je donnerai des exemples qui ont cours au Québec. Dans la Charte québécoise des droits et libertés, l'article 46.1 consacre le droit pour toute personne de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. Cela ressemble au principe substantiel du projet de loi que l'on a devant nous, soit le droit de vivre dans un environnement sain, mais en le balisant et en utilisant l'expression: « dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi ». Il en est de même pour la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection, qui consacre le droit pour chaque personne d'avoir accès à l'eau potable, que ce soit pour son alimentation ou son hygiène, mais dans les conditions et les limites définies par la loi.
    Finalement, ce qu'on dit, c'est que le projet de loi qui nous est présenté ne comporte pas de mais, pas de balises. Le gouvernement fédéral, à titre de fiduciaire de l'environnement, aurait l'obligation de protéger ce droit non balisé. L'absence de balises crée donc un environnement d'incertitude constante où les autorisations et permissions accordées aux entreprises ainsi que le respect des lois et règlements en vigueur deviennent presque accessoires. Les lois sur l'environnement deviennent accessoires dans le domaine de l'environnement.
    Monsieur le président, pensez-vous que je peux obtenir des commentaires qui respectent les champs de compétence de nos avocats?
(1715)

[Traduction]

    Seulement les éléments avez lesquels vous êtes à l'aise...

[Français]

    On peut certainement vous donner un aperçu comparatif entre l'Ontario, le Québec et ce propose le projet de loi.
    Je vais laisser à M. Melaschenko le soin de répondre à cela.

[Traduction]

    J'ai eu l'occasion de consulter les lois provinciales auxquelles on a fait référence aujourd'hui, y compris des lois du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. Donc, je ferai mes observations dans ce contexte et non en tant qu'expert en droit provincial. J'espère pouvoir répondre à votre question dans une certaine mesure.
    Ce que j'ai remarqué, c'est que les lois de ces quatre provinces et territoires reconnaissent, d'une certaine façon, les droits environnementaux, qui n'ont cependant pas nécessairement la même signification.
    Comment puis-je prétendre une telle chose n'étant pas un expert en droit provincial? D'abord, parce que ces lois sont libellées différemment. Comme on l'a déjà signalé, certaines contiennent des restrictions, notamment celles du Québec.
    Aussi, les dispositions législatives des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et de l'Ontario ne permettent pas de poursuivre le gouvernement pour violation d'un droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
    J'ai également comparé les poursuites civiles. Je peux vous en parler, si vous le voulez, quoiqu'à ce moment-ci, j'ignore si...

[Français]

    Y a-t-il des balises, dans le projet loi qui nous est proposé, par rapport aux projets de loi provinciaux?

[Traduction]

    Encore une fois, je crois que ce serait un jugement de valeur de ma part de dire si ce projet de loi est limité ou non.
    D'accord. J'aurais une autre question.

[Français]

    Pouvez-vous nous parler du droit naturel? On dit que ce projet de loi ne respecterait pas le principe de justice naturelle. Pouvez-vous m'expliquer ce qu'est le principe de justice naturelle?
    Je pense que c'est la première question à laquelle on ne pouvait pas du tout s'attendre. Je vais donc vous donner des principes assez généraux.
    Premièrement, je ne sais pas qui vous a dit cela et d'où ça venait, donc, je n'ai pas de contexte pour la prémisse de votre question. Normalement, quand on parle de principes de justice naturelle, on parle de choses comme la consultation, le droit d'avoir de l'information et de consulter. Aussi, si on demande une décision à quelqu'un, on a le droit de voir le raisonnement derrière sa décision, surtout si on va être privé d'un droit ou d'un permis auquel on aurait eu droit autrement. Ce sont des principes très généraux.
(1720)
    Vous avez répondu à ma question.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Ouellet, la parole est à vous, s'il vous plaît.
    Ma question s'adressera à Mme Roussel. Je ne comprends pas très bien la définition et l'interprétation de l'article 2. Dans la définition, au quatrième paragraphe, on parle d'entreprises fédérales. Par contre, à l'alinéa 2(h), on peut lire ce qui suit:
h) les ouvrages ou entreprises qui, bien qu'entièrement situés dans une province, sont, avant ou après leur réalisation, déclarés par le Parlement d'intérêt général pour le pays ou d'intérêt multiprovincial;
    Avez-vous une idée de ce que peut être un tel projet?
    Je vais vous donner une réponse générale. À notre avis, c'est quelque chose qui ressemble à la Constitution, où il y aurait un pouvoir de déclarer un ouvrage comme étant d'intérêt national. Je vais vous donner un exemple, mais je ne vous dis pas que c'est le cas. Par exemple, si une entreprise fabriquait du pouvoir pour tout le pays — c'est un exemple totalement fictif que je vous donne —, ce serait possible de déclarer qu'il s'agit d'une entreprise d'intérêt général, donc national.
    Je ne suis pas au courant de quoi que ce soit qui ait été déclaré comme appartenant à cette catégorie. Par exemple, il y a le transport, mais c'est normalement couvert un peu plus précisément dans la Constitution.
    Une ligne de transport électrique qui serait dans une province seulement pourrait-elle être perçue comme, éventuellement, pouvant traverser le Canada et, donc, être assujettie dès le départ?
    Je dirais que non. Constitutionnellement, ce serait plus que surprenant parce que, généralement dans la Constitution, les ressources naturelles sont principalement de compétence provinciale.
    J'ai utilisé un exemple particulièrement fictif, mais je pense que l'exemple classique serait l'industrie du transport.
    Un pipeline qui serait uniquement à l'intérieur d'une province donnée pourrait-il être considéré comme étant, avant ou après...?
    Si on présume qu'on ne parle pas d'un édifice fédéral, je dirais non.
    Selon vous, que viennent faire les banques là-dedans? On sait que la régie des banques est de compétence fédérale, mais pas les bâtiments. Ici, on ne parle pas de régie, mais de ce qui peut affecter l'environnement. Or, c'est le bâtiment de la banque, la voûte de la banque, quelque chose de physique. Comment une banque peut-elle, dans ce projet de loi, être déclarée entreprise fédérale?
    Je ne peux pas émettre d'hypothèse sur l'origine de cela, mais je suis d'accord avec vous que le bâtiment, c'est autre chose.
    Ce n'est donc pas parce que la banque relève de la compétence fédérale qu'elle serait automatiquement dans les...
    Je pense qu'il faut différencier la banque de l'édifice dans lequel elle se situe.
    Ça pourrait quand même causer des problèmes juridiques devant une cour. Ça pourrait relever de l'interprétation d'un juge à savoir si c'est fédéral ou non.
    C'est une question d'interprétation de la loi.
    Il y a donc plusieurs éléments qui pourraient devenir des interprétations. Est-ce qu'une entreprise de radiodiffusion, parce qu'elle détient un permis du fédéral, devient automatiquement un élément environnemental?
(1725)
    C'est évident qu'on se replierait sur ce qui existe présentement dans les arrêts existants, sur la jurisprudence existante, pour essayer d'interpréter ce qu'on voit dans le projet de loi et ce qu'on retrouve aussi dans d'autres lois fédérales.
    Donc, si on part de la jurisprudence, un barrage hydroélectrique, vu que l'eau se déplace et sort des provinces, deviendrait automatiquement une entreprise fédérale.
    Je ne pense pas être prête à aller jusque-là. Présentement, c'est évident que la compétence en matière d''eau est une compétence partagée, au Canada, selon que le cours d'eau est limité à une province ou non. Je ne pense pas que le projet de loi va nécessairement changer la jurisprudence accumulée au cours des années de ce côté non plus.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Warawa, vous serez le dernier.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux que Steven Blainey, du Québec, soit ici pour nous faire part de ses craintes concernant l'impact qu'aurait ce projet de loi dans sa province. Malheureusement, il est le seul membre québécois ici aujourd'hui. J'aurais aimé qu'il y en ait d'autres. J'aimerais laisser mon temps de parole à M. Blainey.

[Français]

    Monsieur Blaney.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais compléter ma question de tout à l'heure sur le principe de justice naturelle. Selon le Conseil patronal de l'environnement du Québec, le projet de loi qui est devant nous ne respecte pas certains principes de justice naturelle, comme le droit d'être entendu par une partie susceptible d'être affectée par un recours. Vous avez donc répondu à ma question. Il précisait en outre ce qui suit:
[...] il mine la crédibilité de tous les processus d’autorisation où les intervenants ont l’occasion de se manifester au cours de processus souvent longs et fastidieux. En conséquence, il serait la source d'une grande incertitude juridique puisque toutes les décisions et autorisations du gouvernement fédéral en matière environnementale, légalement prises ou accordées, pourraient être contestées.
    Notre témoin précédent était l'Association canadienne de l'hydroélectricité. Pour faire référence à la question de M. Ouellet, je cherchais dans mes notes la citation tirée de son mémoire. C'est un autre mémoire qui contient un avis juridique assez dévastateur pour le projet de loi et qui nous dit que, normalement, l'élaboration d'un projet hydroélectrique se fait sur un horizon de 7 à 14 ans. Or, selon ces gens, ce projet de loi pourrait faire en sorte que les délais seraient beaucoup plus longs.
    Est-ce que vous partagez ce point de vue, compte tenu, justement, de l'incertitude juridique qui est créée?
    Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre pleinement à cette question, parce que je ne peux pas vous dire qu'on a fait une analyse afin de déterminer comment le projet de loi respecte le processus d'évaluation environnementale, que ce soit fédéral ou provincial. Vous savez de plus que souvent, pour les projets majeurs, il y a des obligations d'évaluation environnementale, autant fédérale que provinciale, qui peuvent allonger le processus d'évaluation.
    Considérons les recours inclus dans le projet de loi et l'interaction possible. Je prends encore des exemples particulièrement fictifs, pour ne pas vous donner d'avis juridique. Si on avait une évaluation environnementale pour un projet de ressource quelconque réquérant une évaluation fédérale ainsi qu'une évaluation provinciale et que le fédéral avait à émettre un permis, c'est évident que l'article 16, selon la lecture qu'on en fait, pourrait enclencher un processus contre le gouvernement fédéral pour l'autorisation qu'il devra émettre pour le projet ou qu'il aura déjà émise.
     Il y a aussi la possibilité, en vertu de l'article 23, qu'une action soit intentée contre le promoteur du projet par une tierce partie si une infraction à une loi fédérale est commise ou s'il y a un risque qu'une telle infranction soit commise. Cela dit, je suis consciente que c'est très hypothétique, que cela ne repose pas sur des faits. Toutefois, c'est quand même possible, dans l'ensemble d'un processus d'évaluation, que des actions soient intentées en vertu de ce projet de loi. Cela ça va-t-il allonger le processus? Je fais une hypothèse.
    Si je comprends bien, n'importe quel projet déclenchant l'intervention de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale est assujetti à cette loi. Est-ce là ce que vous me dites, ou cela touche-t-il d'autres projets aussi?
(1730)
    Ce que je vous dis, c'est que l'article 16 devrait s'appliquer, si on lit le projet de loi, si une autorisation fédérale doit être donnée ou si une action fédérale doit être prise, ce qui est le cas quand il y a une évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
    Cela veut dire qu'une fois qu'un projet a passé toutes les étapes légales, provinciales et fédérales, qu'il a été accepté, n'importe quel citoyen, n'importe qui n'importe quand, comme le dit la Fédération maritime du Canada, peut arriver et dire qu'il pense que ce projet pourrait causer un préjudice environnemental grave, et créer des délais additionnels, voire compromettre la réalisation du projet.
    Quelqu'un pourrait intenter une action contre le gouvernement fédéral pour avoir manqué à ses obligations en vertu de l'article 16, ou intenter une poursuite contre le promoteur du projet en question. C'est possible.
    Êtes-vous d'accord avec moi que, lorsqu'on a des projets d'envergure, que ce soit un projet minier, un projet hydroélectrique, un projet de développement durable, un projet d'exploitation d'une tourbière ou un projet d'éoliennes, c'est sûr que ce sont des projets qui ne recueilleront pas 100 p. 100 des appuis. C'est clair qu'il y aura des gens, par exemple un compétiteur ou une compagnie d'énergie concurrente, qui auront des intérêts différents et qui diront qu'ils aimeraient mieux que ce projet ne se concrétise pas.
    Cet après-midi, le commissaire de l'Ontario nous a dit que l'Ontario a des balises. Si, en stoppant un projet on tire un profit, on ne pourra pas intervenir. Mais dans le projet de loi qui nous est présenté, le compétiteur peut arriver et dire qu'il pense que cela va créer un préjudice environnemental grave, et stopper le projet.
    Je n'irais pas jusqu'à dire que cela va stopper le projet, mais un compétiteur pourrait certainement intenter une action. Ce serait au tribunal, à ce moment-là, de déterminer si les paramètres de la loi ont été respectés ou non.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    J'aimerais remercier tous nos témoins d'être venus ici aujourd'hui. Votre expertise et vos observations ont été très appréciées alors que nous terminons notre étude du projet de loi C-469.
    Monsieur Melaschenko, madame Roussel, monsieur Nielson, merci beaucoup.
    Certains membres du comité n'ont pas encore déposé leurs amendements. Je vous demande de le faire avant demain matin pour que l'on puisse les distribuer et les examiner et permettre au greffier et aux analystes de préparer les trousses. Ainsi, nous pourrons avoir des débats fructueux dans le cadre de l'étude article par article qui débutera mercredi.
    Y a-t-il une motion d'ajournement?
    Merci, monsieur Woodworth.
    C'est tout.
    La séance est levée.
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