Nous avons reçu des témoignages, notamment au début, de ceux qui ont aidé le NPD à rédiger ce projet de loi. Nous leur avons demandé dans quelle mesure ils avaient aidé Mme Duncan à rédiger le projet de loi, et pour quelles raisons.
Monsieur le président, nous avons eu la surprise d'entendre tout le monde, sauf les ONG, dire que ce projet de loi est mauvais et dangereux car il créera de l'incertitude dans toute l'industrie et risque d'abroger rétroactivement tous les permis.
Nous avons appris qu'il risque de remettre en question l'existence même d'Hydro-Québec. Nous avons recueilli l'opinion de la marine marchande, de la Chambre de commerce du Canada et de juristes, et tous, à part les ONG, nous ont dit que ce projet de loi n'est pas récupérable et ne doit pas être adopté.
Certains des arguments avancés par les témoins se retrouvent dans la motion. En fait, on en retrouve la quasi-totalité. La motion est donc pertinente et tout à fait légitime.
Nous avons aussi entendu dire que l'Ontario et le Québec ont déjà une législation concernant une charte des droits environnementaux. Leur législation comprend certaines restrictions reflétant ce que les Québécois et les Ontariens estiment représenter une approche équilibrée à ce sujet.
Les réserves que suscite le projet de loi de la coalition… je l'appelle projet de loi de la coalition, monsieur le président, parce que, malheureusement, chaque membre de la coalition l'appuie, même, ce qui est particulièrement étrange, les membres du Bloc.
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C'est le rappel au Règlement portant non pas sur l'accusation que l'intervention de M. Warawa était irrecevable parce qu'il avait employé le mot « coalition » et aurait fait des procès d'intention. Ce que je veux dire, c'est que, normalement, le mot « coalition » désigne simplement un groupe de personnes unies par une cause commune.
Bien sûr, aujourd'hui, à cause d'événements intervenus dans cette Chambre, le mot a un sens plus sectaire désignant un vote commun du Bloc, des Libéraux et du NDP pour atteindre certains objectifs communs. Certes, il a pu arriver qu'un parti d'opposition vote à l'occasion avec le gouvernement, et j'entends déjà les députés d'en face, s'ils perdent un vote, s'écrier que les Conservateurs sont en coalition avec tel ou tel parti.
C'est donc à l'évidence un mot politiquement chargé. Dans un sens, chacun aimerait peut-être pouvoir faire un rappel au Règlement chaque fois que quelqu'un emploie un mot politiquement chargé. Cela dit, quoi que nous pensions du sectarisme politique, je ne pense pas que ce soit un sujet justifiant un rappel au Règlement.
Très franchement, si l'on voulait interdire toute terminologie sectaire, je m'y opposerais farouchement car il m'est souvent arrivé d'être la cible de critiques lorsque je faisais des remarques partisanes. Je pense qu'il faut appliquer la même règle à tout le monde.
Donc, quoi qu'on pense des termes sectaires, le rappel au Règlement n'est pas recevable.
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Bien. Voici ma décision, en deux parties.
Je vous lis d'abord un extrait du troisième chapitre de O'Brien and Bosc :
Comme l'a indiqué le Président Milliken en 2003 :
La présidence décourage les députés de désigner les personnes par leur nom dans leurs discours s’ils disent du mal de ces dernières car, le privilège parlementaire s’appliquant à ce qu’ils disent, leurs propos portant atteinte à la réputation d’une personne ou à la personne elle-même pourraient être publiés et protégés par le privilège parlementaire, empêchant la personne visée d’intenter la moindre action à l’égard de ces déclarations
Nous ne voulons désigner personne et, si M. Warawa avait désigné quelqu'un en particulier, son intervention aurait été irrecevable.
Toutefois, je lis aussi dans le même ouvrage, sur L'importance de la liberté de parole », que :
La liberté de parole permet aux députés de formuler librement toute observation à la Chambre ou en comité en jouissant d’une complète immunité de poursuite criminelle ou civile. Cette liberté est essentielle à la conduite efficace des travaux de la Chambre. Elle permet aux députés de faire, à propos d’organismes ou de personnes de l’extérieur, des déclarations ou des allégations qu’ils hésiteraient peut-être à faire sans la protection du privilège. Bien qu’elle soit souvent critiquée, la liberté dont jouit le député de formuler des allégations qu’il croit sincèrement fondées, ou qui, selon lui, mériteraient à tout le moins de faire l’objet d’une enquête, est fondamentale. La Chambre des communes ne saurait mener efficacement ses travaux si les députés ne pouvaient pas s’y exprimer en toute liberté et y formuler des critiques sans devoir en rendre compte à des organismes de l’extérieur. Il n’y aurait pas de liberté de parole si tout devait être prouvé avant même d’être exprimé. En 1984, dans une décision sur une question de privilège, le Président Bosley a affirmé : « Les députés ont le privilège absolu d’intervenir à la Chambre ou aux comités et il serait très difficile de juger qu’une déclaration faite sous le couvert de l’immunité parlementaire constitue une violation des privilèges ».
Donc, sur la base de cette décision, je vais permettre à M. Warawa de continuer, à condition que ses paroles soient empreintes de respect et ne portent atteinte à la réputation de personne. Il a le droit de s'exprimer et, je pense, d'employer le mot « coalition ».
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Merci, monsieur le président.
Je ne veux nuire à la réputation de personne. Comme je l'ai déjà dit, je respecte chacun de mes collègues d'en face. Je ne suis tout simplement pas d'accord avec eux lorsqu'ils appuient ensemble un très mauvais projet de loi qui nuira au Canada et lui causera du tort rétroactivement.
Nous avons entendu les témoins nous dire que n'importe quelle installation, comme celles d'Hydro-Québec, pourrait être attaquée au titre de cette loi. Je parle d'installations qui ont obtenu des permis légitimes et dans lesquelles des milliards de dollars ont été investis, année après année. Je crois qu'on avait parlé dans les témoignages de 14 années pour faire construire ces installations.
Durant ces 14 années, il y a des consultations, des rencontres avec des Premières nations, avec des scientifiques, avec des ONG, avec des gouvernements, et ensuite des propositions. Après des années et des années d'examen critique, il y a l'argent qu'il faut investir pour construire ces installations. Constater ensuite que tout cela peut être menacé…
Sans vouloir montrer faire de procès d'intention à qui que ce soit, j'ai peine à comprendre comment les membres du Bloc… pas les gens que je vois en face de moi, que je respecte. C'est leur position. Ils font partie du Bloc québécois et sont prêts à appuyer un texte de loi susceptible de miner les fondements mêmes du Québec
Je suis tellement heureux d'avoir à côté de moi le député…
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Merci, monsieur le président.
Je vais faire tout mon possible pour être respectueux.
Je m'attends à ce que le Bloc appuie ce texte étant donné la manière dont il a voté et s'est exprimé jusqu'à présent. Maintenant, si je reçois de mes collègues d'en face — que je respecte, je le répète — l'indication qu'ils vont s'opposer à ce texte, tant mieux. Le problème est que je n'en ai pas encore reçu. J'espère que la sagesse prévaudra, qu'ils défendront le Québec et qu'ils voteront contre ce projet de loi.
Nous allons bientôt voter sur cette motion. La chose à faire est de rejeter le projet de loi. Qui a dit cela? Eh bien, tous les témoins qui sont venus devant ce comité, comme l'Association canadienne de l'hydroélectricité, à qui l'on avait demandé si le projet de loi pourrait être modifié. Elle avait formulé des recommandations mais on lui avait demandé si le projet de loi devait être rejeté ou modifié.
Le procès-verbal montrera que c'est vous qui aviez posé cette question, monsieur le président. Je pense qu'elle était pertinente. A la fin du témoignage de cette association, vous lui avez demandé si elle voulait que le projet de loi soit modifié ou soit rejeté.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens en fait à remercier M. Bigras car, quelle que soit la manière dont il l'a dit, le résultat est que j'ai réussi à trouver le passage pertinent, et je vais le lire textuellement, et même avec son invitation. Je le remercie de son interruption.
Évidemment, nous avons eu une interruption d'une heure à la Chambre causée par le Bloc, ce qui nous a empêché de faire ce que nous étions censés faire. Leur mauvaise foi a causé la tenue d'un vote à la Chambre et j'ai eu le temps de me préparer pour ce qui suit.
Dans son témoignage — on peut le trouver dans les bleus —, M. Matthew Firth a dit ceci :
Il y a des membres de notre syndicat dans toutes les provinces — dans aucun territoire, mais dans toutes les provinces — y compris au Québec: des travailleurs du domaine de l'hydroélectricité, des travailleurs des soins de santé et des travailleurs municipaux dans toute la province de Québec. Je ne sais pas exactement combien il y a de membres au Québec.
M. Ouellet lui a posé une question et j'ai alors invoqué le Règlement en disant :
Je n'ai pas bien entendu. Est-ce que le témoin a dit qu'il représente des gens à Hydro-Québec?
Ce à quoi M. Ouellet a répondu :
Oui. Écoutez bien et vous allez entendre.
Ce n'est pas un rappel au Règlement. Il n'écoute pas.
Le président a dit :
Je pense qu'il y a un problème d'interprétation.
Nous avons donc très clairement entendu Matthew Firth, de l'Association canadienne de l'hydroélectricité — et nous avons entendu M. Ouellett — dire qu'il représente Hydro-Québec.
Une voix: [Inaudible]
M. Mark Warawa: J'ai dit :
Est-ce que le témoin a dit qu'il représente des gens à Hydro-Québec?
M. Ouellet a dit « oui ».
Monsieur le président, nous avons aussi entendu M. Jacob Irving, à qui vous avez posé cette question :
Je voudrais seulement obtenir des éclaircissements en ma qualité de président. Dans votre allocution et dans vos réponses, vous avez clairement exprimé vos réserves à l'égard du projet de loi. L'Association canadienne de l'hydroélectricité préférerait-elle que le projet de loi soit retiré ou qu'il soit amendé?
M. Irving a répondu :
Le projet de loi pourrait probablement être amendé, mais ça dépend. Idéalement, il faudrait que les amendements apportés au projet de loi tiennent compte de l'ensemble de nos préoccupations, et alors tout serait réglé. Mais si ces amendements ne sont pas apportés, je crois que le retrait du projet de loi serait le choix logique à faire.
Voici donc ce que nous ont dit les témoins : le projet de loi sera-t-il adéquatement modifié ou aura-t-il des conséquences imprévues? Ce que j'ai entendu, c'est que le projet de loi , intitulé Charte canadienne des droits environnementaux, est tout sauf ça. C'est un cheval de Troie menant à une attaque contre les droits des entreprises, des Canadiens. Ce sera une attaque contre les droits à l'équité, contre la règle de droit. Ce sera une attaque contre les permis. Ce sera une attaque contre la confiance des entreprises canadiennes qui constateront que tout ce qu'elles font risque de les exposer à des poursuites en justice. Ce sera le règne de l'incertitude et, partant, la perte d'investissements.
Donc, les conséquences de ce cheval de Troie… appelé projet de loi C-469. Le fait est qu'aucun des témoins, à part les ONGE, n'approuve ce projet de loi. Leur toute première recommandation est qu'il soit retiré.
Tel est donc le but de la motion. Comme je l'ai dit, les arguments figurant dans ma motion sont ceux qui ont été présentés par un conseiller juridique des témoins et que j'ai intégrés. Je pense que nos arguments sont tout à fait valides. Je crois qu'ils sont exacts.
Certes, tout le monde ne partage peut-être pas mon avis. D'aucuns sont peut-être prêts à courir le risque en croyant qu'ils pourront modifier adéquatement le projet de loi C-469.
Monsieur le président, nous allons bientôt nous pencher sur toute une série d'amendements. Certains nous ont été communiqués à 14 h 13 aujourd'hui. Par souci d'équité, je ne pense pas qu'on devrait nous remettre des amendements juste au début de la séance. Comment pouvons-nous nous préparer pour des amendements du Parti libéral qui nous arrivent par courriel à 14 h 13?
Monsieur le président, nous avons…
Y a-t-il un rappel au Règlement?
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Exact. J'ai vu ceux du Bloc et du NPD.
L'auteur du projet de loi est Mme Duncan... avec les ONGE. Si je ne me trompe, elle a 17 amendements.
Comment un projet de loi pour lequel on propose un aussi grand nombre d'amendements… Comment cela peut-il donner confiance aux témoins? Comment les Canadiens pourront-ils avoir confiance si un projet de loi comme celui-ci est adopté?
L'une des premières exigences concernant n'importe quel règlement, permis ou loi sur l'environnement est de consulter les Premières nations. Y a-t-il eu consultation ou contribution des Premières nations? Non. Aurait-il dû y en avoir? Absolument.
Si les Premières nations sont touchées par ce projet de loi — si ce mauvais projet de loi est approuvé et adopté par le Sénat — sans avoir été consultées, résistera-t-il à une contestation au titre de la Constitution? À mon avis, tout cela est bien mal engagé. On n'aurait pas dû foncer sans tenir les consultations voulues.
Je suis d'ailleurs surpris de constater que le NPD semble prêt à l'adopter malgré l'absence de consultations. C'est pourtant ce que nous avons vu aujourd'hui.
Ce projet de loi est-il récupérable, monsieur le président? Devrions-nous essayer de réparer ce mauvais projet de loi, un projet de loi à l'américaine de « législation par contentieux », un projet de loi de « mort aux sables bitumineux de l'Alberta », un projet de loi de « mort à Hydro-Québec »? Non.
Ce projet de loi est un cheval de Troie. C'est un mauvais projet de loi. Il n'est pas récupérable. Quelle est la solution? Son retrait.
Voilà ce que j'avais à dire.
:
Merci, monsieur le président.
Je trouve triste qu'on recommence à faire de l'obstruction systématique au moment où on commence à étudier ce projet de loi. On n'en a pas encore parlé. Le rejeter comme cela, sans en avoir encore parlé, me semble irresponsable de la part des parlementaires. Selon moi, notre travail de parlementaires est d'évaluer les projets de loi, et ce, d'une façon juste et raisonnable. À vouloir l'envoyer comme cela, le rejeter totalement, on ne fait pas notre travail, selon moi. Une telle motion pourrait être présentée par M. Warawa par la suite, si on n'a pas pu l'amender selon ses critères. Au moins, qu'on essaie de l'amender en fonction des demandes de chacun.
Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que l'ensemble des témoins ont affirmé qu'il fallait rejeter ce projet loi. Certains témoins ont dit cela, monsieur le président, en raison de leurs intérêts, naturellement. On pouvait très bien s'en rendre compte. Il n'empêche que la plupart des témoins ont dit que c'était un bon projet de loi ou un projet de loi qu'il fallait amender. Il me semble que nous sommes là pour cela.
Des amendements sont proposés, et certains d'entre eux sont même proposés par le NPD. Il me semble que, d'une façon très correcte, on devrait les étudier sans essayer de prolonger le délai ou de prendre trop de temps pour écoeurer tout le monde avec ce projet de loi. En tant que parlementaires sérieux, nous devrions revoir les amendements un à un. Si après qu'on ait fait un travail sérieux, ce pour quoi il a été élu, M. Warawa trouve encore que le projet de loi est inacceptable, il proposera sa motion. Selon moi, en premier lieu, il est logique de déterminer si ce projet de loi est amendable ou non. Je dis oui.
Lors le débat à ce sujet,
[Français]
les membres du Bloc québécois ont dit qu'il était nécessaire de
[Traduction]
se pencher sur ces amendements.
Les amendements du Bloc ont été déposés et m'ont été remis. S'ils n'ont pas été déposés, on en a au moins reçu le préavis. Disons que le préavis a été donné.
J'ai examiné les amendements du Bloc et j'estime, en réponse à ceux qui se demandent si l'on pourrait résoudre ces problèmes au moyen d'amendements, qu'il m'appartient de dire qu'après avoir examiné les amendements dont j'ai reçu le préavis, ma conclusion est qu'ils ne résolvent par les problèmes que j'ai soulevés.
M. Bernard Bigras: Je demanderais...
:
Au sujet du rappel au Règlement, M. Bigras.
Une voix: Il intervient au sujet du rappel au Règlement.
Le président: Vous avez raison mais je vais rendre ma décision.
Je n'ai pas besoin d'entendre d'autres rappels au Règlement.
Comme il y a des amendements qui n'ont pas encore été proposés, nous ne pouvons pas engager de débat sur une chose dont nous ne sommes pas saisis. Nous avons reçu un préavis mais ils n'ont pas encore été déposés et vous ne pouvez donc pas intervenir au sujet d'une motion dont nous ne sommes pas encore saisis.
Nous nous pencherons bientôt sur des propositions d'amendement du projet de loi. Pour le moment, nous parlons de la motion de M. Warawa concernant son retrait et je vous demande donc de ne pas parler des amendements.
Comme je l'avais dit à Mme Murray lors de la dernière réunion, tant qu'ils ne sont pas proposés, on ne peut pas en débattre.
:
Je respecte votre décision, monsieur le président, et mes remarques seront donc très générales. À mon avis, les problèmes que ce projet de loi de politique environnementale judiciaire causera au Québec et aux autres provinces ne sauraient être résolus au moyen d'amendements, quels qu'ils soient. Le projet de loi entravera foncièrement les projets que les provinces désirent encourager, dont ceux du Québec et d'Hydro-Québec.
Cela m'amène au point suivant, qui est que ce projet de loi est si fatalement vicié dans un si grand nombre de domaines qu'il est à mon avis impossible d'en envisager la rédemption par amendement. D'ailleurs, le fait que nous ayons déjà reçu un si grand nombre d'amendements renforce mon opinion que c'est un texte fatalement vicié. Ça finira par être une création de Frankenstein si l'on essaye d'y greffer tous ces amendements.
Je veux mentionner deux choses illustrant les caractéristiques fatales de ce projet de loi. Je vais d'abord mentionner un problème très spécifique mais extrêmement important, et ensuite plusieurs thèmes que l'on retrouve partout dans le texte.
Pour ce qui est du problème spécifique, j'attire votre attention sur la définition du « principe de prudence » qu'on trouve à la page 5 de ce projet de loi de politique environnementale judiciaire. Je veux signaler que la définition est incohérente, et je pense que c'était délibéré, car elle ne concorde pas avec toutes... Veuillez m'excuser, « toutes » est peut-être excessif. Elle ne concorde avec la plupart des autres définitions acceptées du principe de prudence.
Je n'en donne pour preuve que la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, qui contient au principe 15 un commentaire...
Je vais tenter de satisfaire la curiosité de Mme Duncan au sujet de la pertinence du principe de prudence eu égard à la motion de M. Warawa, puisque les troisième et quatrième arguments de sa motion portent sur le fait que ce projet de loi ne respecte pas l'équilibre des piliers sociaux, économiques et environnementaux du développement durable et qu'il empiète sur des aspects existants des lois et politiques fédérales, ce qui prête à redondances ou conflits.
Je constate que mon argumentation devra être un peu plus détaillée que je ne l'avais prévu. Quoi qu'il en soit, le principe de prudence, et la distinction fondamentale entre cette loi et la plupart des autres formulations du principe de prudence, concerne la question de mesures efficientes et de la prévention de la dégradation de l'environnement.
Sous cet angle, le principe de prudence énoncé dans cette loi ne permet pas d'assurer l'équilibre adéquat entre les piliers sociaux, économiques et environnementaux du développement durable. Deuxièmement, il empiète sur les lois et politiques fédérales existantes, ce qui est une source de redondance ou de conflit puisque le principe de prudence est énoncé dans d'autres domaines de législation fédérale.
Après cette réponse que j'espère succincte à la question de Mme Duncan, j'étais sur le point de lire le principe 15 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, que voici :
Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement.
Il faut comparer ce principe à la disposition pertinente du projet de loi dont nous sommes saisis, dont on a omis toute référence à la notion de coût et d'efficience et où l'on parle de mesures destinées à protéger l'environnement plutôt que de mesures visant à prévenir la dégradation de l'environnement. De ces deux choses, celle qui me trouble le plus est l'absence de référence à la notion de coût et d'efficience, symptôme de l'échec de ce projet de loi à équilibrer les piliers sociaux, économiques et environnementaux du développement durable, comme il est dit dans la motion de M. Warawa.
À part cela, cependant, on trouve également dans la Loi canadienne de 1999 sur la protection de l'environnement, dans le préambule, une définition du principe de prudence dont on s'est inspiré pour la Déclaration de Rio :
... si bien qu’en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement;
On me dit qu'il y a une définition similaire dans la Loi sur les espèces en péril, la Loi fédérale sur le développement durable et la Loi sur les produits antiparasitaires. Donc, dans ce projet de loi dont nous sommes saisis, on introduit une définition différente du principe de prudence, ce qui m'amène évidemment à appuyer le quatrième argument de M. Warawa, qui est que ce projet de loi occasionne des chevauchements avec des textes législatifs et politiques fédéraux en place, d'où des redondances ou, dans ce cas, des conflits.
La raison pour laquelle je m'arrête à cet argument est que mes recherches m'ont montré que, lors de la conférence de Rio où cette déclaration a été adoptée, et dans le cadre des débats entourant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, d'aucuns s'opposaient à l'insertion des critères de coût et d'efficience. Je me suis même laissé dire que cela avait causé des étincelles. Toutefois, après un débat sérieux et la réalisation que l'on se doit de tenir compte des coûts — bien que l'on aimerait tous pouvoir dire qu'il faut protéger l'environnement à n'importe quel coût, même si ça doit nous ramener aux igloos et aux traîneaux à chiens —, nous devons tenir compte des coûts et, par conséquent, après mûre réflexion, on a ajouté presque partout la notion de mesures efficientes.
Je suppose que les rédacteurs de ce projet de loi étaient au moins aussi bien informés que moi de ces questions et qu'ils ont donc probablement choisi délibérément de laisser cette notion de côté.
C'est l'une de mes préoccupations mais, franchement, ce projet de loi est truffé de dispositions tout aussi préoccupantes. Je vais mentionner trois thèmes généraux qui me semblent répréhensibles.
L'un d'entre eux est celui qui est mentionné au quatrième argument de la motion de M. Warawa, concernant les redondances ou les conflits. Permettez-moi de revenir à certains des témoignages de l'autre jour.
Je n'ai pas le compte rendu sous les yeux et je vais donc essayer de paraphraser ce que nous a dit M. Joseph Melaschenko, des services juridiques d'Environnement Canada, qui a déclaré, si je me souviens bien, qu'il y a un certain chevauchement entre la Déclaration canadienne des droits et ce projet de loi dans la mesure où celle-ci impose déjà au ministre de la Justice l'obligation d'examiner la concordance des textes de loi et règlements du gouvernement avec la Déclaration. Si ce projet de loi est adopté avec l'amendement proposé à la Déclaration canadienne des droits, il contiendra aussi le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
Donc, en ce qui concerne un environnement sain et écologiquement équilibré, il y aura un chevauchement puisque le vérificateur général, au titre de l'article 26 du projet de loi, sera tenu d'examiner les projets de loi et textes réglementaires du gouvernement pour voir s'ils sont compatibles avec le projet de loi, c'est-à-dire avec le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré, alors que, selon la Déclaration canadienne des droits, qui intégrera désormais la même exigence, le ministre de la Justice devra faire la même chose.
Scott Vaughan, du bureau du vérificateur général, s'est également exprimé sur les responsabilités qui incomberont à son bureau en vertu de ce projet de loi et il a formulé des réserves à cet égard. Je crois comprendre qu'il a dit que, même s'il est important d'assurer la conformité des textes réglementaires, c'est une responsabilité qui appartient selon lui au gouvernement et non pas au vérificateur général ou, s'exprimant en son propre nom, au commissaire.
De fait, il a dit qu'il existe déjà des mécanismes destinés à assurer la conformité et la prise en considération de l'incidence environnementale des politiques et programmes du gouvernement. Par exemple, chaque proposition de texte réglementaire soumise à l'approbation du gouvernement doit déjà être accompagnée d'une évaluation de l'incidence environnementale comprenant diverses analyses et un justificatif, ce qui vaut également de l'évaluation environnementale stratégique des propositions de politiques, de plans et de programmes. Tout comme M. Melaschenko, il a souligné le rôle de Justice Canada comme agence centrale chargée de fournir des avis sur toutes les questions de droit.
Certes, on peut bien dire ici que ça nous importe peu qu'il y ait de organismes payés par le gouvernement qui feront le même travail mais, en réalité, ce projet de loi est truffé de telles redondances. Or, je pense que nous avons le devoir envers les Canadiens de ne pas adopter de textes législatifs entraînant un dédoublement d'efforts.
Le deuxième thème…