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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 044 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 31 janvier 2011

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Il s'agit de la 44e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Pour les fins du compte rendu, nous sommes le lundi 31 janvier 2011. Bonne année à tous. Je suis heureux d'être de retour.
    À titre d'information, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 6 décembre 2010, nous examinons le projet de loi C-54, Loi modifiant le Code criminel (infractions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants).
    D'ordinaire, nous commençons notre étude en entendant le témoignage du ministre. Malheureusement, comme il n'était pas disponible avant mercredi, je me suis permis de faire comparaître quatre témoins aujourd'hui.
    Nous accueillons tout d'abord Mme Ellen Campbell et M. Sanderson Layng, du Canadian Centre for Abuse Awareness. Je vous souhaite la bienvenue.
    Nous entendrons ensuite le témoignage de M. Scott Naylor, inspecteur-détective de la Police provinciale de l'Ontario. Bienvenue.
    Nous accueillons également M. Brian Rushfeldt, qui représente la Coalition de l'action pour la famille au Canada. Bienvenue.
    Et pour finir, nous entendrons Mme Catherine Dawson, qui vient d'Abbotsford, mon coin de pays. Je crois comprendre que vous êtes ici à titre personnel, mais vous pouvez certainement parler de l'organisme auquel vous êtes associée.
    Notre premier témoin est la représentante du Canadian Centre for Abuse Awareness. Allez-y s'il vous plaît, madame Campbell.
    Tout d'abord, je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Ensuite, je ne peux pas ôter mon chapeau, car j'ai une tête à chapeau.
    Je suis ici avant tout en tant que victime d'agressions sexuelles. Je suis un exemple de ce qui arrive aux enfants qui en sont victimes. C'est extraordinaire que vous preniez enfin des mesures à cet égard.
    J'ai été victime d'agressions sexuelles au cours de mon enfance, ce qui a détruit ma vie. Il y a environ 20 ans, j'ai failli m'enlever la vie. Dieu soit loué, je suis ici aujourd'hui. Après m'en être sortie, j'ai fondé un organisme, le Canadian Centre for Abuse Awareness. Je ne m'attendais pas à ce qu'il se développe, mais je crois que la raison pour laquelle il est devenu ce qu'il est aujourd'hui, c'est qu'il y a beaucoup d'enfants victimes d'agressions sexuelles dans notre société. Les statistiques sont tellement éloquentes, même celles qui sont citées: une fille sur trois et un garçon sur six — qui sont les cas signalés.
    Je constate les torts causés. C'est pourquoi j'ai fondé l'organisme. Nous desservons 200 000 personnes par année et 130 organismes. Nous ne recevons pas de fonds du gouvernement. Nous le faisons uniquement grâce aux dons que nous recevons et aux activités que nous organisons.
    Il y a huit ans, nous avons obtenu une subvention du fonds de la justice pour les victimes afin de tenir des tables rondes sur la protection des enfants par les lois. Il en est découlé un rapport, intitulé Martin's Hope, qui contient 60 recommandations. La première recommandation de tous les organismes, c'est-à-dire les services de police, les avocats de la Couronne, les sociétés d'aide à l'enfance — tous les organismes qui étaient présents —, c'était les peines minimales. Il est absolument crucial que nous imposions des peines minimales aux pédophiles. Dans le rapport, en fait, l'âge du consentement était une de nos recommandations et le gouvernement actuel l'a adoptée. C'est, mot pour mot, la mesure législative qui a été adoptée il y a deux ans. Donc, je vous en remercie également.
    Les gens ne comprennent pas le besoin d'imposer une peine minimale. Je pense, et je crois que la plupart des gens sont de cet avis, que la pédophilie ne se soigne pas — je ne le crois pas — et donc, nous devons protéger les enfants. Je crois que nous devons prendre cela au sérieux. Par exemple, en Floride, si une personne agresse un enfant de moins de 11 ans, on lui impose une peine minimale de 25 ans de prison et ensuite la surveillance électronique; on la condamne à la détention à domicile.
    C'est tellement important. Comme je l'ai dit, je constate les torts causés. Pour les femmes uniquement, cela représente 4 milliards de dollars en soins de santé. Je suis également une ministre du culte; je vais dans les prisons et je suis au service des femmes. Dans nos prisons, 85 p. 100 des femmes ont été victimes d'agressions sexuelles. Le pourcentage est encore plus élevé chez les hommes. C'est cyclique. Nous devons commencer à prendre la question très au sérieux. Je constate les torts causés. J'ai deux messages aujourd'hui de la part de personnes suicidaires. Je suis très ravie que vous preniez enfin des mesures.
    On ne peut pas imposer des peines de quelques mois seulement. Dans notre rapport, nous recommandons une peine minimale de cinq ans pour le proxénétisme d'enfants. Pour la pornographie juvénile, je crois que nous recommandons une peine minimale de deux ans. Je vous encourage à ne pas vous en tenir à quelques mois ou quelques années, s'il vous plaît.
    Ils ont besoin d'aide lorsqu'ils sont en prison, et je suis favorable à ce qu'ils en reçoivent. Nous savons que les hommes et les femmes qui ont été victimes d'agressions sexuelles n'agresseront pas tous nécessairement des gens à leur tour, mais chaque agresseur sexuel a été victime d'agressions sexuelles. Nous devons prendre le problème très au sérieux. La peine minimale est absolument nécessaire — et encore une fois, pour chaque crime.
    Je remarque également que les choses ne s'améliorent pas. Depuis que la pornographie juvénile est devenue répandue, elle incite les gens à commettre des crimes. L'affaire Holly Jones en est un bon exemple. C'était un crime de situation, mais le criminel regardait de la pornographie et il a agi. La pornographie juvénile incite une personne à commettre un crime contre un enfant. Il devrait y avoir une peine minimale même pour les cas de possession de pornographie juvénile.
    Les efforts du gouvernement actuel sont tellement encourageants: je suis ravie que vous preniez des mesures. Nous offrons notre appui. Nous avons une émission à la télévision nationale, que je mets à votre disposition. Nous avons fait la même chose avec l'âge du consentement; nous nous concentrons beaucoup sur la sensibilisation. Nous allons vous appuyer de toutes les façons que nous pouvons: à l'aide de notre émission de télévision, de notre magazine Web. Nous y travaillons déjà. Nous avons déjà recueilli 12 000 noms dans une campagne.
(1535)
    Je sais que le public est très impatient et qu'il surveille ce que vous allez faire. Au nom des victimes, je vous prie de prendre la question au sérieux. Rendez les peines plus sévères: je vous en prie, n'imposez pas des peines minimales d'un mois ou d'un an, mais d'au moins quelques années.
    Merci.
    Monsieur Layng, vouliez-vous ajouter quelque chose? Non?
    Nous allons passer à l'inspecteur-détective, Scott Naylor.
    Merci. En guise d'introduction, je m'appelle Scott Naylor, et je suis le directeur de l'Unité de la pornographie juvénile de la Police provinciale de l'Ontario.
    Je vais lire quelques notes. Bonjour monsieur le président, madame la greffière et collègues du domaine de la justice. Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de discuter du projet de loi C-54, la Loi sur la protection des enfants contre les prédateurs sexuels.
    Selon la Police provinciale de l'Ontario et les membres de la Stratégie provinciale de protection des enfants contre l'exploitation et les agressions sexuelles sur Internet, le projet de loi pourrait bonifier les outils législatifs dont nous disposons à l'heure actuelle pour préserver la sécurité de nos collectivités et de nos citoyens, en particulier des membres les plus vulnérables de notre population, nos enfants. Je vais parler davantage de la stratégie provinciale dans un moment.
    Je considère qu'enquêter sur des cas d'agressions sexuelles d'enfants est l'une des tâches les plus difficiles et les plus déchirantes, mais aussi les plus gratifiantes qu'un policier peut faire. Les membres de l'Unité de la pornographie juvénile de la Police provinciale de l'Ontario et nos partenaires municipaux et gouvernementaux qui enquêtent sur le leurre d'enfants, les agressions sexuelles et l'exploitation sur Internet travaillent excessivement fort pour protéger les enfants et localiser les victimes des activités les plus abominables que l'on puisse imaginer. Il n'y a rien de plus gratifiant que de pouvoir assurer la sécurité de nos enfants et de les sortir de la souffrance, de la violence et de l'exploitation que les cyberprédateurs leur font subir.
    Le leurre d'enfant, l'exploitation sexuelle et les agressions sexuelles sur Internet, c'est ce qu'on appelle du crime organisé, point à la ligne. La Stratégie provinciale de protection des enfants contre l’exploitation et les agressions sexuelles sur Internet a été créée afin de donner suite à une demande formulée par le gouvernement de l’Ontario, qui souhaitait que la police élabore une stratégie provinciale coordonnée pour lutter contre la cybercriminalité visant les enfants. La stratégie a comme objectif d’aider la province à contrer ce fléau grandissant en formant une équipe unie et cohérente plutôt que de demander à chacun des services de police municipaux de mettre au point différentes méthodes pour combattre la pornographie juvénile, le leurre d’enfants et les agressions sexuelles d’enfants sur Internet.
    Par la suite, les services de police de l’Ontario, par l'intermédiaire de l’Association des chefs de police de l’Ontario et de la Police provinciale de l’Ontario, ont conçu une démarche méthodique globale et axée sur les victimes pour prévenir l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet. La stratégie provinciale vise une gestion efficace et complète du dossier: lancement d'une enquête, arrestation et prise en charge des délinquants, poursuites et condamnation, repérage et aide aux victimes, ainsi que campagnes de prévention et de sensibilisation.
    Avant la mise en oeuvre de la stratégie provinciale, il n’y avait aucun mécanisme en place pour assurer la coordination essentielle des activités de renseignements, des activités de soutien aux enquêtes et la transmission des renseignements. L’Unité de la pornographie juvénile de la Police provinciale de l’Ontario dirige et administre la stratégie provinciale. La stratégie fait intervenir 54 policiers de la Police provinciale de l’Ontario et 18 services de police municipaux, ainsi que des représentants du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l’Ontario et du ministère du Procureur général de l’Ontario, y compris deux procureurs de la Couronne désignés et un coordonnateur des services aux victimes. D’autres services de police municipaux de l’Ontario participent en collaborant aux enquêtes et en procédant à des arrestations dans leur collectivité respective.
    Je peux dire sans hésiter que les enquêteurs assignés à ce rôle font partie des policiers les plus dévoués et les plus professionnels qui existent. Un seul objectif les unit: empêcher les cyberprédateurs d’entraîner les enfants dans des situations dangereuses.
    Depuis récemment, nos enquêtes nécessitent également la coopération et la participation d’organismes d’application de la loi du Canada et d’organismes comme Interpol à l’échelle internationale, ainsi que de pays européens, asiatiques et sud-américains. Ces activités mondiales concordent avec la façon dont les activités commerciales légitimes sont menées aujourd’hui en Ontario et au Canada. La seule chose, c’est que les criminels sans frontières ne s’échangent pas de la marchandise, mais bien des êtres humains — des enfants de l’Ontario, du Canada et de partout au monde, des enfants de nos collectivités.
    Le danger de leurre d’enfants, d’exploitation sexuelle et d’agressions sexuelles est tellement omniprésent sur Internet que le succès des enquêtes dépend de l’excellence du travail des policiers et des partenariats entre les différentes autorités. La collaboration avec nos partenaires du domaine de la justice est également essentielle pour traduire les criminels devant la justice. De plus, il est important d’avoir des partenaires forts qui sont unis par le même objectif, celui de s’assurer d’amener les victimes dans un milieu sécuritaire et de leur fournir l’aide et les services dont ils ont besoin et qu’ils méritent.
    Les liens que nous entretenons avec nos organismes partenaires sont plus forts que jamais. Je veux souligner que nous sommes ravis que les paliers supérieurs du gouvernement nous appuient en nous fournissant les ressources et les outils législatifs dont nous avons besoin. Nous pourrions toujours en avoir plus à notre disposition, mais votre appui est essentiel à notre réussite. Cependant, il reste du chemin à faire.
(1540)
    Le nombre de cas relevé au cours de la dernière année en témoigne. D’août 2006 à décembre 2010, les membres de la stratégie provinciale ont mené 11 537 enquêtes et ont porté 3 897 accusations contre 1 303 personnes. L’âge des gens accusés de ces actes ignobles, qui sont surtout des hommes, varie de la mi-adolescence à la soixantaine passée. Aussi stupéfiants que ces chiffres peuvent l’être, je suis également en mesure de dire qu’à la suite de nos enquêtes de 2010 et du début de l’année actuelle, 121 victimes ont été localisées et sauvées, ce qui signifie qu'un plus grand nombre d’enfants ont été sauvés de situations dangereuses.
    En tant que personne qui travaille aux enquêtes, je suis ici pour appuyer le projet de loi C-54. Le projet de loi ajoute des infractions pour lesquelles les policiers peuvent porter des accusations liées au fait de mettre à la disposition des enfants du matériel sexuellement explicite et à l’utilisation d'outils de télécommunication comme Internet pour arriver à commettre des infractions d’ordre sexuel contre les enfants. En général, les enquêteurs savent déjà que ces deux types d'infraction sont des facteurs potentiels dans la plupart des cas d’agression sexuelle d’enfants qui sont déjà sous enquête. Toutefois, elles ne sont considérées que comme des facteurs aggravants pour l'instant. Même si les nouvelles infractions risqueraient de faire augmenter le temps consacré aux enquêtes ou aux mises en accusation, ces mesures législatives sont absolument nécessaires, et la Police provinciale de l’Ontario croit qu’elles serviront à mieux protéger les plus vulnérables, nos enfants. La nouvelle infraction sur le matériel sexuellement explicite transforme en infraction ce qui est considéré comme un facteur aggravant dans une peine, ce qui est aussi lié aux peines minimales obligatoires. La Police provinciale de l’Ontario appuie la création de cette infraction, étant donné que le matériel pornographique est souvent l’un des outils les plus utilisés pour initier les enfants.
    En ce qui concerne la deuxième nouvelle infraction, en raison de l’évolution de la technologie, Internet devient l’un des moyens les plus utilisés pour leurrer des enfants dans l’unique but de les agresser sexuellement. Étant donné que ces facteurs sont déjà pris en considération dans bien des enquêtes sur des cas d’agression sexuelle, le temps supplémentaire qu'il faudra consacrer à l’enquête sera minime. Bien que cette infraction puisse mener à de nouvelles enquêtes où des allégations d’agression sexuelle n’ont pas encore été faites, on ne prévoit pas que ce sera souvent le cas, et l’infraction donne une meilleure protection à nos enfants et à nos jeunes. La Police provinciale de l’Ontario appuie les peines minimales accrues pour les infractions commises contre les enfants, ce qui élimine les peines d’emprisonnement avec sursis.
    La première étape essentielle pour décourager les agresseurs de s’en prendre à nos enfants, surtout ceux qui sont parents ou qui sont responsables d’enfants par lien de parenté, c'est d'adopter des mesures dissuasives rigoureuses. La Police provinciale de l’Ontario approuve les nouvelles mesures, qui obligeraient les juges à envisager des conditions qui empêcheraient les agresseurs sexuels d’enfants présumés ou reconnus coupables ou condamnés d’être en contact avec des enfants sans supervision et d’utiliser Internet sans supervision, lorsqu’il émet un engagement à de telles personnes. Cette modification législative permet de porter des accusations dans tout cas de violation de cette condition. De plus, elle oblige la cour à imposer des conditions visant à restreindre l’utilisation d’Internet ou les contacts avec des enfants sans supervision après avoir reçu les renseignements. Il n’y a pas si longtemps, on a adopté une directive assez semblable qui obligeait les juges de tribunal de la famille à tenir compte des antécédents de violence familiale avant de prendre toute décision sur la garde ou l’accès.
    Les lois ne régleront pas à elles seules le problème, et nous le savons. En Ontario, la police provinciale, la collectivité policière, et les partenaires médiatiques ont également aussi profité de bien des occasions de poursuivre l’autre objectif parfois oublié de l'initiative : sensibiliser les enfants, les parents, les gardiens et les parents-substituts. Nous n’avons pas honte de recourir aux médias pour les atteindre, et nous avons bien réussi à le faire au cours des quatre dernières années. Parmi nos partenaires du secteur privé qui nous aident à protéger les enfants du danger, il y a les médias traditionnels : YTV a, par exemple, un volet éducatif qui offre des jeux interactifs sur la sécurité sur Internet et des annonces promotionnelles. Plus de 8,75 millions de personnes ont regardé les dessins animés éducatifs et les messages d'intérêt public sur la sécurité sur Internet produits par le canal. Plus de 54 000 jeunes ont joué au premier jeu sur la sécurité sur Internet. Un deuxième jeu sera lancé sur le site Web de YTV la semaine prochaine à l’occasion de la Journée internationale de la sécurité sur Internet qui aura lieu le 8 février.
(1545)
    Les médias sociaux font également partie de nos partenaires. Facebook Canada nous a récemment aidés dans l'amélioration de l'alerte Amber de l'Ontario pour faire en sorte que lorsqu'un enfant disparaît, un plus grand nombre de gens en soient informés.
    Mesdames et messieurs, nous sommes tous déterminés à empêcher des agressions contre les enfants de se produire, de nos enquêteurs qualifiés à notre personnel de soutien technique, en passant par nos agents de première ligne qui exécutent des mandats et les enquêteurs qui sont appelés à visionner des milliers d'images horribles. Nous comptons aussi sur nos enquêteurs et nos agents des services communautaires pour donner de l'espoir en sensibilisant davantage les gens.
    Je remercie encore une fois les membres du comité de l'occasion qu'ils nous donnent d'exprimer nos opinions et de donner nos suggestions en tant que gens de première ligne qui luttent contre les cyberprédateurs et de nous donner l'occasion de faire des observations sur les nouveaux outils que nous aurons peut-être à notre disposition pour protéger nos enfants et nos collectivités. Je vous souhaite tout le succès voulu au cours de vos séances sur le projet de loi C-54.
    Je vais conclure en vous disant ceci: chaque enfant compte, peu importe d'où il vient.
    Merci.
(1550)
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Rushfeldt. Vous disposez de 10 minutes.
    Merci à vous, monsieur le président, et merci aux membres du comité. Je vous remercie de me donner l'occasion aujourd'hui de vous communiquer des renseignements qui, je l'espère, vous seront utiles pour votre étude du projet de loi C-54.
    Au cours des 10 dernières années, la Coalition de l'action pour la famille au Canada a travaillé fort et a demandé que les enfants soient mieux protégés des pédophiles. Nous avons participé activement aux activités du groupe de pression sur l'âge du consentement.
    J'aimerais féliciter le gouvernement, et j'inclus tous les partis, pour son travail et pour le fait qu'il admette que les dispositions législatives sur la pornographie juvénile, comme on l'appelle dans le Code criminel, doivent être mises à jour et modifiées. Toutefois, je dois dire que nous sommes déçus de certains éléments du projet de loi C-54. Le premier élément, sur lequel je vais me concentrer, c'est essentiellement l'article 163.1 du Code criminel.
    Le premier problème majeur, c'est qu'il ne traite pas du tout du problème que pose l'utilisation du terme « pornographie juvénile ». Ce terme établit pour nous, pour vous en tant que législateurs, pour les tribunaux, pour les juges et pour toute autre personne la façon dont nous concevons les crimes horribles d'agression sexuelle d'enfants, qui sont sans défense.
    Le terme « pornographie juvénile » est extrêmement dénué de sens et c'est en fait un terme trompeur en ce qui a trait à ce type de crime. Comme un agent d'exécution de la loi me l'a dit, il ne s'agit pas d'images pornographiques, mais bien d'images de viols et d'agressions. Ce sont des images d'exploitation sexuelle et d'agression sexuelle.
    Selon des recherches, parmi les gens qui ont été arrêtés pour possession de matériel pornographique, 39 p. 100 avaient des images d'enfants âgés de 3 à 5 ans et 83 p. 100 de ces gens avaient des images d'enfants âgés de 6 à 12 ans. Et, ce qui est peut-être le crime le plus horrible de tous, 80 p. 100 des images que les gens accusés, arrêtés ou condamnés possédaient montraient des garçons et des fillettes qui se faisaient pénétrer.
    Permettez-moi de citer un article de CIRCAMP, un réseau d'organismes d'application de la loi européens, dont Europol, qui a été fondé par la Commission européenne:
    Une image sexuelle d'un enfant est considérée comme de l'agression ou de l'exploitation et ne devrait jamais être décrite comme de la pornographie. La pornographie est un terme utilisé pour les adultes qui ont des activités sexuelles consensuelles dont la représentation est distribuée légalement aux gens pour leur plaisir sexuel. Ce n'est pas le cas des images d'agression sexuelle contre des enfants. Elles montrent des enfants qui ne peuvent pas consentir et qui ne le feraient pas et qui sont victimes d'un crime.
    J'ai remis quelques documents à la greffière...
    Monsieur Rushfeldt, pourrais-je seulement vous demander de parler un peu plus lentement, s'il vous plaît, pour permettre à nos interprètes de vous suivre?
    D'accord.
    J'ai remis à la greffière deux documents pour la traduction qui appuient cette idée, y compris l'article du CIRCAMP. Pour les fins de votre étude, j'ai également inclus un rapport, que vous recevrez à un moment donné si vous le voulez, de INHOPE, un organisme européen similaire à Cybertip au Canada. Je vous incite à lire les trois premières pages de ce rapport, qui porte sur la désignation, la description et la définition de « matériel d'exploitation sexuelle d'enfants ».
    Il y a un an à peine, le Bureau de l'ombudsman fédéral a publié le rapport Chaque image, chaque enfant, et j'espère que vous l'utiliserez, car c'est un rapport canadien actuel. La première recommandation de ce rapport de 50 pages consiste à changer le terme « pornographie juvénile », que l'on retrouve dans le Code criminel. Malheureusement, le projet de loi C-54 n'en fait pas mention. À mon avis, il ne fait aucun doute que le projet de loi devrait vraiment traiter de cette question, car il traite de certains autres aspects de l'article 163.1 du Code criminel.
    Je veux maintenant parler de ce qui constitue selon moi un autre problème du projet de loi C-54: il ne traite pas du tout du crime le plus odieux dont traite l'article 163.1, c'est-à-dire la production de pornographie juvénile. D'après l'article 163.1 et les paragraphes en vigueur, la peine minimale actuelle infligée à une personne qui produit de la pornographie juvénile n'est que de un an lorsqu'elle est déclarée coupable d'un acte criminel, et la peine minimale infligée à une personne qui a commis un viol, agressé un enfant, produit de la pornographie ou fait des images montrant l'exploitation sexuelle d'enfants n'est que d'un horrifiant 90 jours lorsqu'elle est déclarée coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité.
    Votre comité, la Chambre des communes et le Sénat ont récemment reconnu la nécessité de prendre des mesures concernant le problème de la traite de personnes âgées de moins de 18 ans. Comme vous le savez, le projet de loi C-268, qui inflige une peine obligatoire de cinq ans aux gens qui font la traite de mineurs, a été adopté. Je crois que si nous convenons que la traite d'une personne mineure est un crime scandaleux qui nécessite une peine de cinq ans, je trouve très troublant que nous acceptions qu'on inflige une peine de seulement 90 jours pour une personne qui a agressé, violé ou exploité sexuellement un enfant pour produire du matériel ignoble.
    À mon avis, en omettant de traiter du paragraphe de l'article 163.1 qui porte sur la production de pornographie juvénile, on commet une grave injustice à l'égard des Canadiens et certainement des victimes. On sait que lorsque les auteurs de ce type de crime sont traduits devant la justice, si justice est faite, cela peut contribuer à la guérison des victimes. Malheureusement, en raison du type de peines que nous avons à l'heure actuelle, et en fait, je parle même de celles proposées par le projet de loi C-54, je ne crois pas que la justice soit bien servie au Canada dans ces conditions.
    Si nous comparons les peines du Canada à celles de certains autres pays, il n'est pas étonnant que la GRC dise que le Canada est devenu une destination pour les pédophiles. Aux États-Unis, les personnes reconnues coupables de production — de production — de pornographie juvénile se voient imposer une peine obligatoire de 15 ans, jusqu'à un maximum de 30 ans. Pour les personnes reconnues coupables de possession de pornographie juvénile, la peine minimale est de cinq ans, et peut aller jusqu'à un maximum de 20 ans. Comparez cela à la peine minimale de 14 jours pour possession de pornographie juvénile ici au Canada. J'espère que dans le cadre de votre étude du projet de loi, vous vérifierez si des juges de notre pays ont déjà imposé des peines maximales pour des crimes sexuels mettant en cause un enfant, en vertu de l'article 163.
    Je veux également dire quelque chose au sujet des peines obligatoires dont traite le projet de loi C-54 concernant les deux paragraphes de l’article 163.1, qui portent sur la possession et la distribution de pornographie juvénile. Je pourrais vous donner un grand nombre d’exemples de peines injustes qui ont été établies au Canada, en particulier celles imposées pour possession et distribution, où des criminels subissent une peine de 14 jours seulement, parfois un peu plus, qu’ils purgent souvent pendant les fins de semaine, ou d’autres exemples de conditions insignifiantes.
    Selon des rapports de recherche et de statistiques, 85 p. 100 des gens qui possèdent et qui regardent de la pornographie vont finir par agresser sexuellement une personne mineure à un moment donné. Un autre rapport parle plutôt de 40 p. 100. Même si nous décidons de nous fier au plus bas pourcentage, 40 p. 100, nous mettons tout de même un nombre inacceptable d’enfants en danger. À l’heure actuelle, nos peines maximales sont comparables à celles de pays comme l’Australie et le Royaume-Uni, mais nos peines minimales demeurent scandaleusement faibles.
(1555)
    Nous sommes ravis que le projet de loi C-54renforce des peines et qu’il ajoute de nouveaux articles, mais nous sommes préoccupés principalement par le fait que les peines minimales obligatoires sont toujours très faibles. Nous ne croyons pas que les modifications suffiront à assurer la sécurité des enfants.
    De plus, le projet de loi C-54 n’alourdit pas vraiment la peine minimale pour distribution. La peine minimale est présentement de un an, et il n’y aura pas de changement.
    Il est clair que des changements doivent être apportés au projet de loi C-54 pour protéger adéquatement nos enfants sans défense et leur garantir une véritable justice. Toutefois, nous reconnaissons que c’est un bon début, et je veux féliciter le gouvernement de présenter ce projet de loi. Je crois que ce sont les premières modifications qu’on apporte à cet article du Code criminel depuis bien des années. Je crois que le Code criminel accuse un sérieux retard par rapport aux technologies d'aujourd'hui.
    J’aimerais conclure en vous disant que notre première recommandation consiste à améliorer la terminologie du Code criminel — modifier le terme « pornographie juvénile ». Nous pourrions proposer, « matériel d'exploitation sexuelle d'enfants », comme d’autres régions du monde l’ont fait et proposé.
    Ma deuxième recommandation consiste à imposer des peines obligatoires. Nous aimerions voir une peine obligatoire de trois ans pour accès ou possession, de cinq ans pour distribution et de sept à dix ans pour production. Nous utilisons un principe similaire et analogue à celui que nous utilisons pour les meurtres au premier degré. Il s’agit d’actes délibérés, planifiés et exécutés contre les enfants. Ils ne se produisent pas par hasard. Les gens qui commettent ces actes le font de façon mûrement réfléchie.
    Nous croyons que l’incarcération est essentielle. Je sais qu’il y a des gens — il y en a probablement ici — qui sont contre les peines obligatoires. Cependant, dans toutes les discussions que nous avons eues avec des gens partout au Canada, personne n’a proposé de meilleures méthodes que l’incarcération des gens qui commettent ces crimes. Nous ne pouvons tout simplement pas protéger les enfants tant que ces gens errent dans nos collectivités.
    D’après notre évaluation d’un grand nombre de cas au Canada, il est devenu évident que les peines ne protègent pas les enfants des délinquants sexuels. Je vous demande de prendre les mesures nécessaires, en votre qualité de législateurs, pour faire en sorte que l’on retire les prédateurs de notre société pour une période qui soit équilibrée par rapport au crime commis.
    En tant qu’ancien travailleur social qui a travaillé dans certains domaines comme la toxicomanie, j’ajouterais qu’une peine de 90 jours n’est pas suffisante pour traiter et aider un agresseur sexuel d’enfants. On ne peut pas traiter adéquatement la personne en 90 jours.
    Je parle au nom des 84 500 Canadiens qui, au cours des quatre derniers mois, ont signé une pétition que la Chambre des communes recevra d’ici quelques semaines. Toutes ces personnes vous demandent qu’en tant que législateurs, vous preniez rapidement des mesures décisives pour corriger la partie du Code criminel qui est désuète et inadéquate en raison d’Internet et de la hausse vertigineuse du nombre de crimes sexuels commis à l’égard des enfants au Canada et dans le monde entier.
    Étant donné que, si je me fie à ce que j’ai encore entendu durant la période des questions à la Chambre des communes, il pourrait y avoir des élections, nous vous demandons de le faire rapidement. J’espère que le projet de loi retournera en Chambre et qu’il sera adopté avant qu’il y ait des élections, car il est clair que nos enfants sont plus importants — et suffisamment importants. Je sais que pour l’affaire Homolka, vous avez adopté le projet de loi sur la réhabilitation en deux jours et qu’il est donc possible d’adopter un projet de loi comme celui-là en Chambre d’ici deux à cinq semaines. Je demande à tous les partis de collaborer à cet égard.
    Je vous remercie d’avoir écouté nos commentaires et d’avoir accepté notre mémoire et nos documents de référence.
(1600)
    Merci.
    Nous passons maintenant à Catherine Dawson. Vous disposez de 10 minutes.
    En guise d’introduction, je m’appelle Catherine Dawson, je participe à la formation des policiers et je travaille dans le domaine de la criminologie depuis plus de 10 ans. Je fais des recherches dans le domaine des infractions commises sur Internet, surtout celles qui mettent en cause des enfants. Je suis membre du Conseil sectoriel de la police et de la Society for the Policing of Cyberspace, et je suis associée de recherche à l’Université de la vallée du Fraser. De plus, je siège au comité de défense de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, et je fais du bénévolat au service d’aide aux victimes du Service de police d'Abbotsford. Je vous remercie beaucoup de m’avoir invitée à comparaître aujourd’hui.
    J’aimerais commencer par présenter des faits. En 2010, j’ai mené un projet de recherche pancanadien qui consistait à examiner la hausse exponentielle des crimes d’exploitation commis sur Internet, ou grâce à Internet, contre des enfants au Canada et ailleurs. Accéder à des images d’enfants exploités sexuellement — sous-évaluées en quelque sorte par l’utilisation du terme « pornographie juvénile » — leurrer des enfants, faire la traite des enfants et voyager dans le but de les agresser sexuellement sont des crimes de plus en plus faciles à commettre en raison des technologies modernes et omniprésentes partout sur la planète, surtout Internet. Dans le cadre de ma recherche, j’ai conclu entre autres que le droit pénal canadien et les lignes directrices sur la détermination de la peine n’ont pas suffisamment évolué en ce qui concerne l’enquête, la prévention et les répercussions de ces crimes ou les mesures à prendre à l’égard des auteurs de ces crimes. J’ai terminé l’étude en faisant un certain nombre de recommandations visant à modifier tant les politiques que les pratiques, et je le ferai encore aujourd’hui.
    Le crime : on a découvert qu’environ 5 millions d’images d’enfants exploités sexuellement, qui mettent en cause 400 000 enfants, circulent sur Internet. Selon la recherche de Cybertip Canada, près de 60 p. 100 des images qu’ils ont regardées présentent des enfants âgés de moins de 8 ans et près de 10 p. 100 sont des bébés et des tout-petits. Bon nombre de ces images, que j’ai vues, sont des images de torture et d’asservissement. À titre d’exemple récent qui montre l’étendue du problème, un homme qui a été arrêté en Colombie-Britannique le mois dernier avait plus de un million d’images sexuellement explicites d’enfants dans toute une variété de différents appareils de communication, dont son ordinateur.
    De quelle façon ces agresseurs utilisent-ils Internet? Selon ma recherche, ils l’utilisent de quatre façons principales pour exploiter et agresser les enfants. Premièrement, ils distribuent des images et des vidéos d’exploitation sexuelle, qu’on appelle aussi de la pornographie juvénile. Deuxièmement, ils localisent des enfants dans le but de les agresser sexuellement, de planifier un voyage à l’étranger pour commettre des crimes sexuels — c’est ce qu’on appelle communément le « tourisme sexuel » — ou ils leurrent des enfants dans le but de les rencontrer en personne plus près de chez eux. Troisièmement, ils ont des discussions à caractère sexuel inappropriées avec des enfants, y compris sur des sites de réseaux sociaux. Quatrièmement, ils communiquent avec des gens animés par les mêmes idées qu’eux.
    Il appert que les agresseurs communiquent avec des gens animés par les mêmes idées qu’eux sur Internet pour tenter de normaliser leur comportement et bien entendu pour avoir accès à leur collection. De plus, ils apprennent de nouvelles méthodes, comme le chiffrement, pour éviter d’être repérés.
    Selon une recherche menée par Rodriguez qui est controversée, mais qui donne à réfléchir, une forte proportion de gens qui regardent de la pornographie juvénile commettent ou commettront des agressions. Selon d’autres recherches, au moins 80 p. 100 des gens qui achètent de la pornographie juvénile sont des agresseurs d’enfants. En outre, beaucoup de recherches indiquent qu’à force de regarder de la pornographie, on peut développer une dépendance.
    Je crois qu’on doit enlever aux agresseurs qui agissent au moyen des communautés cybernétiques de pédophiles la satisfaction immédiate de partager des dossiers entre eux et d’y avoir facilement accès de façon anonyme. Pour empêcher l’augmentation constante du nombre de crimes, on doit débrancher les agresseurs qui rôdent sur Internet et qui suivent des enfants.
    Selon des recherches canadiennes, il y a 750 000 pédophiles en ligne à tout moment, et on constate que les agresseurs sexuels font souvent beaucoup de victimes. Les agresseurs qui regardent des images d’exploitation d’enfants ont souvent des milliers d’images dans leur collection qu’ils ont depuis des années et qui viennent d’un bon nombre de sources.
(1605)
    En plus de la première agression sexuelle, chaque fois qu'un crime violent est filmé ou diffusé en temps réel au moyen d'une cybercaméra ou d'une vidéo, qu'une image est téléchargée ou qu'elle est vue, c'est un autre crime qui est commis et la victime est à nouveau exploitée et victimisée.
    Je vous fais part de mes observations sur la détermination de la peine. Les sentences devraient refléter une approche raisonnée et éclairée qui inclut le respect de la victime, l'appréciation de la gravité des conséquences du crime et la reconnaissance de l'évolution constante de la technologie et du paysage social. La peine minimale, telle qu'elle existe aujourd'hui au Canada, ne permet pas d'atteindre ces objectifs. Je dirais qu'elle ne prend pas en considération les répercussions réelles et souvent permanentes des infractions sur les victimes.
    Les données montrent que souvent les délinquants sexuels de contact, ceux qui utilisent Internet pour produire des images et des vidéos, ne sont pas des inconnus. Il y a peu d'études sur les répercussions sur les enfants victimes d'agression et d'exploitation sexuelles dans leur foyer. Ethel Quayle, l'une des plus prestigieuses chercheuses au monde dans ce domaine, dit que le processus de production de pornographie juvénile est un outil d'apprentissage pour préparer l'enfant à se désensibiliser aux demandes sexuelles et à l'encourager à trouver normales des activités inappropriées.
    Santé Canada a identifié plus d'une douzaine d'effets visibles de violence faite aux enfants, notamment des excès de colère ou d'agressivité anormalement intenses. Ces effets ont des répercussions à long terme sur les enfants, leur famille et leur communauté.
    Les lignes directrices pour la détermination de la peine doivent comporter des normes sociétales réalistes. Sous couvert des lignes directrices de peine minimale actuelles, les criminels ayant commis des milliers de fois des infractions relatives à la pornographie juvénile peuvent en fait recevoir une peine minimale de 14 jours. La peine minimale imposée pour des contacts sexuels avec un enfant de moins de 14 ans est aujourd'hui la même. À mon avis, cette peine ne vise aucun objectif réaliste et j'ajouterais qu'aucun Canadien raisonnable n'accepterait que cette peine est proportionnelle à la possession et au visionnement d'images de crimes sexuels commis contre des enfants.
    En outre, la peine minimale actuelle n'arrive même pas à offrir une petite chance de réadaptation, car les peines devraient offrir à l'agresseur une possibilité raisonnable de changer. Les données statistiques sur les personnes reconnues coupables qui ont des troubles de toxicomanie ou une propension à la dépendance sont bien documentées ailleurs. Les peines minimales sont trop courtes pour donner un traitement cognitif ou une possibilité de récupération. Des peines plus longues signifieraient des programmes communautaires plus longs et l'interdiction d'accès aux ordinateurs et à Internet comme condition à la libération conditionnelle ou à la probation.
    Aujourd'hui, en Colombie-Britannique, sous couvert d'une peine minimale de 18 mois, il est possible d'obtenir la libération conditionnelle de jour en répondant à de nombreuse conditions au bout de trois mois et la libération conditionnelle totale au bout de six mois, mais le restant de la peine sera purgé sous surveillance dans la communauté jusqu'à la date d'expiration du mandat. Ce serait, à mon avis, une solution plus efficace qui permettrait d'exercer une meilleure surveillance et offrirait un choix de programmes.
    Ce qui m'amène à mes recommandations en faveur de nouvelles lignes directrices pour la détermination de la peine minimale et qui reposent sur la conviction que ces nouvelles lignes directrices répondront mieux aux besoins des victimes, des agresseurs et du public.
    Des peines plus longues et des sentences plus sévères renforceront la considération et le respect à l'égard de la victime. En fait, une recherche est actuellement faite au Canada sur les répercussions sur les victimes de pornographie juvénile. Cette recherche, qui est menée au Canada, devrait être publiée très prochainement.
    Les chances de réhabilitation de l'agresseur sont multipliées s'il purge une peine plus longue sans possibilité de libération conditionnelle ni de probation. Une communauté, réelle ou sur Internet, où les enfants élargissent leurs connaissances et participent à des jeux est plus sûre quand les agresseurs n'y ont pas accès.
(1610)
    Je crois que le public a beaucoup plus confiance au système judiciaire quand le Code criminel et les lignes directrices pour la détermination de la peine reflètent la réalité du monde actuel.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons passer aux questions posées par les membres du comité. Nous commençons par M. Murphy qui dispose de sept minutes.
    Merci monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je tiens à dire que nous sommes, de ce côté-ci, ravis de voir un projet de loi tel que celui-ci et nous sommes très largement en faveur de ce qu'il propose. Nous sommes ici... Nous venons de célébrer notre cinquième anniversaire et nous n'avions pas vu ce projet de loi auparavant. Le projet de loi C-46 était un précurseur qui faisait état de certains des pouvoirs d'enquête mentionnés par M. Naylor, mais dans l'ensemble, nous n'avions pas vu grand-chose dans ce domaine. Donc, voilà que cinq ans après nous nous attaquons à ce problème.
    Pour faire un historique, vous savez que des gouvernements libéraux précédents y ont ajouté, me semble-t-il, neuf infractions, des peines minimales obligatoires. Donc, il ne faudrait pas que ce projet de loi fasse l'objet de partisanerie. Il faudrait qu'il nous permette de nous rendre compte que la société a évolué de manière plus exponentielle... Les criminels sont plus sophistiqués et il existe une pléthore de crimes par rapport auxquels le Code criminel accuse beaucoup de retard. Je pense que nous pouvons être au moins d'accord là-dessus.
    Certains concepts m'intéressent vivement. Il n'y a pas assez de temps pour en parler. La définition de documents liés à l'exploitation sexuelle d'enfants est un de ces concepts. Le projet de loi donne une définition qui penche plutôt sur des productions explicites du point de vue sexuel pour les deux nouvelles infractions, et je félicite le ministère de la Justice, pour ces deux nouvelles infractions et la façon dont elles ont été rédigées. Normalement, nous invitions d'abord le ministre, puis les fonctionnaires du ministère de la Justice, mais nous ferons cela mercredi. J'en arrive à ma première question: pensez-vous, monsieur Rushfeldt que l'on puisse associer des documents liés à l'exploitation sexuelle d'enfants aux productions explicites du point de vue sexuel? C'est la question que je vous pose.
    Je sais comment ça se passe — nous manquons souvent de temps —, je vais donc poser mes deux questions.
    Dans un domaine différent, madame Dawson, ce que vous défendez me paraît tout à fait logique, franchement, pourtant certains de vos propos semblent être en faveur de la conservation des peines d'emprisonnement avec sursis. Il y a des années que l'on nous dit que les peines d'emprisonnement avec sursis, telles qu'elles sont aujourd'hui, permettent aux juges de fixer une peine qui, franchement, impose plus de conditions au délinquant, dans le but de le réhabiliter ou de le traiter, que n'imposerait une libération conditionnelle et cela est encore plus vrai vers la fin d'un emprisonnement, où par exemple une personne purge une peine de 90 jours et elle est libre.
    Donc, quand M. Rushfeldt aura répondu à ma question, pourriez-vous me dire si vous pensez que les peines d'emprisonnement avec sursis devraient être supprimées totalement ou me dire quel instrument envisagez-vous, à l'exception de peines plus longues, pour les conditions relatives à la communauté, au traitement, pour concrétiser vos très sages recommandations concernant la mise en dépôt pendant 90 jours d'un agresseur qui a un problème — je pense que c'est ce qu'ont dit un certain nombre de personnes — et qui se retrouve dans la rue sans que l'on ait éliminé le danger qu'il représente et le risque qu'il pose à la société.
    Nous pourrions entendre M. Rushfeldt pendant deux ou trois minutes, puis Mme Dawson prendra le relais.
(1615)
    En réponse à la question visant à savoir si la définition pourrait inclure des productions explicites du point de vue sexuel. Je dirais oui en me fondant sur les références, les ajouts et les modifications du projet de loi C-54. Le fait de changer la terminologie ne change pas vraiment la définition. C'est un changement de terminologie qui me paraît essentiel, mais la définition à l'article 163.1 pourrait être étendue au commencement. Elle me semble un peu périmée, peut-être, ou minimale, et je pense qu'elle peut être « polyvalente » et couvrirait peut-être alors certaines de vos suggestions.
    Je suis désolée, je n'ai pas étudié les peines d'emprisonnement avec sursis, par conséquent, je me sens mal placée pour répondre, mais je dirais que lorsque je réfléchis à la loi et particulièrement à ce projet de loi, je pense qu'il devrait y avoir un équilibre et je crois que les victimes et les agresseurs devraient voir cet équilibre.
    J'aimerais poser une question à M. Naylor.
    Inspecteur Naylor, je suis particulièrement intéressé par vos observations sur l'utilisation des télécommunications pour se préparer à commettre une infraction sexuelle. Je me suis souvenu du projet de loi C-46 et des pouvoirs d'enquête qu'il comportait. Ce projet de loi a été, bien sûr, mis aux oubliettes à cause de la prorogation, de la politique, etc., mais je pense que vous avez dit que l'on pourrait toujours utiliser plus de moyens.
    La plupart des membres du comité, qui sont ici depuis pas mal de temps, aimeraient savoir ce qu'ils pourraient faire de plus pour aider la police. Je suppose que vous allez mentionner l'accès aux télécommunications et leurs écoutes, la responsabilité du fournisseur de services Internet à donner des renseignements, ce qui fait aussi partie des propositions d'un autre projet de loi que nous avons étudié. Que vouliez-vous dire? Vous rappelez-vous avoir dit que nous pourrions utiliser plus de moyens?
    C'est exactement ce que je voulais dire. Avec les fournisseurs de services Internet auxquels nous avons affaire maintenant, nous avons les mains liées pour faire notre travail — des demandes pour assurer l'application de la loi, des mandats, etc., — et trouver les auteurs de ces infractions ou qui est derrière ces infractions. Notre travail serait facilité si la loi était modifiée et si la police était aidée dans ces enquêtes techniques, et ce, sans violer les droits des citoyens. Si des modifications étaient apportées à la loi pour nous aider, notre travail serait beaucoup plus facile.
    Savez-vous de quoi je parle en faisant référence au projet de loi C-46? Vous en souvenez-vous? Est-ce que ce projet de loi contenait tous les outils dont vous avez besoin?
    C'était un bon projet de loi, à mon avis. Sûrement.
    D'accord. J'ai posé mes questions. Merci.
    Merci.
    La parole est à M. Ménard pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Nos témoins sont venus nous parler d'un sujet très large. Vous aviez l'air extrêmement bien préparé. J'aurais aimé l'être autant. Si j'avais reçu vos textes à l'avance, j'aurais pu les lire. Vous nous fournissez beaucoup de statistiques que je n'ai pas le temps de noter. On ne vous l'a peut-être pas dit, mais les membres du comité apprécient recevoir les textes à l'avance. La GRC le fait souvent quand elle comparaît. Ses représentants nous envoient leurs textes à l'avance. On peut les lire et poser des questions plus précises et plus intelligentes.
    Certaines choses m'ont frappé. Madame Campbell, j'ai cru comprendre que vous aviez en votre possession une liste de 12 000 noms. Je n'ai pas compris de quelles sortes de noms il s'agissait. S'agit-il de noms d'abuseurs?

[Traduction]

    Non, il y a des gens qui veulent voir un changement. Quand nous étudions l'âge du consentement, nous avons fait une grande campagne de sensibilisation auprès du public. C'est notre travail. Nous avons donc approché la communauté pour avoir des noms.

[Français]

    D'accord. Ce que vous avez est une sorte de pétition.
(1620)

[Traduction]

    Oui. Ce n'est pas signé. Nous avons des votes, mais nous venons tout juste de commencer.

[Français]

    J'aimerais connaître votre opinion à vous tous.
    Dans quel éventail d'âge situez-vous l'enfance quand on parle de pornographie infantile? Si je traduis en français child pornography, c'est « pornographie infantile ». Entre quel et quel âge parle-t-on de pornographie infantile?

[Traduction]

    Je peux peut-être répondre.
    Premièrement, je vous prie de m'excuser de ne pas vous avoir remis une version française de notre document. J'étais à l'étranger quand j'ai reçu la convocation et je ne suis arrivé que samedi en fin de matinée. Je l'ai donc soumise et je suis désolé qu'elle ne soit pas disponible aujourd'hui.
    Le Code criminel fixe actuellement la pornographie juvénile à moins de 18 ans. Je suis sûr que le détective aura quelque chose à dire à ce sujet. Nous avons parlé à un certain nombre de policiers qui disent tout simplement qu'il est difficile d'essayer de régler tous les cas des enfants âgés de moins de 18 ans parce qu'il y en a trop. Il est parfois impossible de dire que quelqu'un a 16 ans. Ont-ils 18, 19 ou 16 ans? Mais, bien évidemment, les enquêteurs peuvent reconnaître un enfant prépubertaire. Assurer au moins la protection des enfants prépubertaires serait avantageux pour notre pays et d'autres pays, quoique j'ai des sentiments partagés car nous ne pourrons pas protéger certains enfants plus âgés. Mais la question de leur âge légal se pose et place les tribunaux dans une situation difficile.

[Français]

    C'est également ce qu'il y a de plus horrible et qui soulève généralement le plus d'indignation dans le grand public. Quand des personnes sont rendues à l'âge de l'adolescence, surtout chez les jeunes filles, elles ont souvent le désir de se vieillir. On considère qu'il est plus normal que quelqu'un soit séduit par une jeune fille qui a les attributs d'une femme que quelqu'un qui est excité par un enfant pré-pubère, comme vous le dites.

[Traduction]

    Je suis en partie d'accord avec vous à ce sujet. Cependant, selon beaucoup de témoignages, il est clair que les pédophiles s'intéressent maintenant à des enfants plus jeunes. En fait, le nombre de très jeunes enfants victimes d'abus sexuel a considérablement augmenté. Je crois que quelqu'un a dit qu'il y a même des bébés sur Internet et qu'ils sont très prisés par certaines de ces personnes.
    On peut toujours en discuter, mais je pense qu'une partie de la solution est d'imposer à nouveau au délinquant le fardeau de la preuve. Si le délinquant dit « Je croyais qu'elle avait 14 ans » ou « Je croyais qu'il avait 15 ans », ce ne serait pas une défense suffisante. Je pense que le Code criminel contient déjà une très bonne défense pour cette situation. C'est peut-être un domaine qui mérite d'être étudié une nouvelle fois afin d'empêcher les délinquants de présenter ce genre de défense.

[Français]

    Vous semblez tous extrêmement convaincus qu'une sentence minimale joue un rôle important pour dissuader ceux qui ont des tendances pédophiles de passer à l'action.
    Pour ce qui est des pays que vous avez déjà comparés, une étude a déjà été faite au ministère de la Justice établissant que, dans tous ces pays, on avait constaté qu'en général les sentence minimales — j'ai vu l'étude, mais je ne me souviens même pas qu'on ait mentionné les crimes sexuels — n'avaient aucun effet sur la criminalité.
    Avez-vous de la documentation et des études sérieuses qui auraient été faites démontrant que les sentences minimales ont effectivement un impact? Ce que je me demande toujours c'est ceci. Après les sentences minimales, que fait-on avec la personne qui sort de prison, qui n'a pas d'emploi, qui n'a rien?
    En contrepartie, avec la libération conditionnelle, comme le mentionnait mon collègue tout à l'heure, le juge ne rend pas la sentence qu'il pourrait rendre. Il informe cependant l'accusé de la sentence qu'il a le droit de rendre. Il lui impose des conditions et, dans des cas moins graves, il peut imposer des conditions qui vont assurer que la personne, tout en continuant d'occuper son emploi et en s'occupant de sa famille, pourrait être rétablie dans la société.
    Si vous lui enlevez son emploi pendant un an ou un an et demi, vous désorganisez complètement sa vie et j'ai l'impression qu'il va plutôt s'ancrer dans son vice au lieu de s'orienter vers autre chose.
    Avec la sentence suspendue, le juge dit que si la personne ne respecte pas les conditions, on la ramènera devant lui et il pourra imposer la sentence très sévère que la loi lui permet.
    On a vu pendant des années que c'était un bon régime pour bien d'autres crimes. Ne croyez-vous pas que cela pourrait être aussi un bon régime pour des délinquants qui ne sont pas encore très impliqués dans la pornographie?
(1625)

[Traduction]

    Malheureusement le temps dont nous disposons pour cette série de questions est déjà écoulé. Vous pourrez revenir à cette question au cours de la deuxième série de questions.
    La parole est à M. Comartin pour sept minutes.
    Merci monsieur le président.
    Et merci aux témoins d'être ici.
    Monsieur Rushfeldt, si je peux commencer par vous, vous avez dit au sujet du changement de la terminologie qu'il y avait eu des avant-projets. Est-ce qu'un pays a adopté le projet de loi pour s'en servir comme outil principal contre ce type de documentation?
    En fait, un des États australiens l'a adopté. Permettez-moi de voir si j'ai quelque chose à ce sujet. Sinon, je demanderai à mon adjoint, Nathan Cooper, qui est assis au coin au fond de la salle, de...
    Est-ce l'un des États de l'Australie?
    Oui, l'un des États de l'Australie l'a adopté. Le document de l'Europe le mentionne aussi.
    Savez-vous s'il a été adopté par un pays européen?
    Je ne sais s'il a été adopté en Europe. En tout cas, pas pour le moment, à ma connaissance.
    Avez-vous connaissance d'études montrant si le projet de loi a été efficace dans l'État australien qui l'a adopté? Et c'est une question à deux volets. D'abord, a-t-il fait l'objet d'une contestation devant les tribunaux? Ensuite, si ce n'est pas le cas, a-t-il été efficace, par opposition à la terminologie que nous avons utilisée dans le contexte de la pornographie juvénile?
    Je ne peux pas répondre à cette question. Je n'ai pas vu de données. Je ne sais pas exactement quand elle a été changée. Il me semble qu'il y a très peu de temps, il n'y a donc peut-être pas encore de données à ce sujet.
    D'accord.
    En ce qui concerne l'approche, avez-vous eu des discussions avec le ministère de la Justice visant à adopter cette approche plutôt que la terminologie qu'ils ont utilisée dans le projet de loi C-54?
    Il y a plus d'un an, nous avons fait un exposé au ministère de la Justice dans lequel cela faisait partie des propositions au sujet de la terminologie.
    C'était la première recommandation du rapport Chaque image, chaque enfant publié par l'ombudsman. Nous en avons aussi parlé avec un certain nombre de policiers et estimé que le changement de terminologie donne le ton. Le terme « pornographie » qui est généralement accepté dans la société canadienne, dans la société nord-américaine, et probablement dans le monde entier, donne le ton. Les gens ont tendance à croire que si le mot « pornographie » s'y trouve, ce n'est donc pas si mal. Des personnes bien intentionnées que j'ai rencontrées dans des réunions à travers le Canada m'ont demandé de confirmer que la loi n'interdisait pas l'usage du mot « pornographie ». J'avais probablement un visage sans expression quand j'ai regardé les premières personnes qui m'ont demandé cette confirmation en pensant comment pouvaient-elles ignorer que la loi ne l'interdisait pas.
    C'est ce à quoi nous sommes confrontés. La loi inspire vraiment la façon dont les Canadiens perçoivent certaines choses. Et je pense que le mot « pornographie » ne rend vraiment pas justice aux victimes. Manifestement, le Code criminel, la définition, la détermination de la peine, et ainsi de suite n'en seront pas changés, ce qui change c'est la façon dont notre société jugera ce genre d'acte commis contre des enfants sans défense. C'est ça qui est important, à mon avis.
    La différence essentielle est l'attention qui est portée au caractère abusif de la conduite, que ce soit au niveau de la documentation ou à celui de la conduite physique. C'est la logique derrière le projet de loi par opposition à la perception de la pornographie dans notre société de manière plus générale.
    Je pense que c'est cela, oui. On en revient à ce qui s'est vraiment passé au moment du crime, pas à la perception que quelqu'un a de quelque chose. Mais c'est ce qui se passe lors d'un crime.
    Je pense que si nous avions fait cela et si vous, les législateurs, le faisiez, le public canadien s'exclamerait: « Bravo, nous constatons que des mesures sont vraiment prises pour lutter d'une manière positive contre ce crime odieux. » Je pense que c'est ce que les Canadiens attendent vraiment.
(1630)
    C'est un peu comme lorsque nous avons commencé à délaisser le terme « viol », étant donné qu'il avait une connotation sexuelle, pour parler plutôt d'infractions d’ordre sexuel, d'agressions, en les traitant toutes comme des agressions sexuelles. Il s'agit du même concept, n'est-ce pas?
    Je crois que oui. Je pense que oui jusqu'à un certain point, mais je sais que certains des pédophiles qui commettent un crime sexuel contre un enfant sont accusés d'infraction d'ordre sexuel, ce qui est une bonne chose. En effet, pour l'instant, s'ils étaient seulement accusés d’une infraction relative à la pornographie, les peines encourues seraient négligeables. Cet article au complet serait, d'une certaine façon, sans grande importance. Je pense donc qu'élever ou améliorer — je ne suis pas certain du mot approprié — le niveau de l'article relatif à la pornographie pourrait être utile.
    Inspecteur Naylor, je pense, comme M. Murphy, que le Comité de la justice a travaillé sur ces mesures législatives il y a environ six ans. Je crois que nous avions entendu des représentants de la GRC et de la Police provinciale de l’Ontario. La grande majorité du matériel et des victimes — je ne parle pas des victimes de son usage, mais des enfants qui ont été exploités pour produire le matériel — viennent d'un autre pays. En fait, je pense que l'officier de la GRC avait déclaré à ce moment-là qu'au cours de l'année précédente, on n'avait pu recenser qu'un seul cas pour lequel le matériel avait été produit au Canada. Depuis, selon mon évaluation, j'ai affaire à quatre ou cinq cas par année, en moyenne; je pense, honnêtement, que c'est dû en partie à la loi qui a été adoptée, mais aussi en raison du travail que la Police provinciale de l'Ontario et d'autres corps de police accomplissent.
    J'ai rapporté les faits. Je me demande maintenant si vous pourriez me dire s'ils sont exacts. Nous avions l'impression que 50 p. 100 du matériel venait des États-Unis, qu'il y était produit, et qu'environ 35 à 40 p. 100 était surtout produit dans les pays de l'ancien Rideau de fer, c'est-à-dire en Europe centrale et en Europe de l'Est, et jusqu'en Asie, la mafia russe y jouant un rôle de premier plan. Il semble que ce sont les statistiques dont nous disposons, y compris un petit nombre de cas au Canada et quelques autres répartis ailleurs dans le monde. Est-ce une bonne description de la situation actuelle?
    Non, je dois exprimer mon désaccord. Avec l'arrivée d'Internet, des réseaux sociaux et des appareils portatifs, la production de pornographie juvénile est maintenant à la hausse, considérablement à la hausse.
    En ce qui a trait à nos responsabilités, c'est-à-dire d'abord protéger nos propres enfants, j'essaie seulement de me faire une idée du nombre de victimes associées à ce matériel qui résident au Canada comparativement à d'autres pays. Je ne suis pas en train de dire que nous n'allons rien faire pour protéger les enfants qui vivent ailleurs, mais je voulais seulement qu'on me donne une idée du nombre d'enfants qui résident au pays et du nombre d'enfants qui vivent ailleurs.
    On m'a fourni quelques statistiques; en ce qui a trait à la stratégie provinciale, ici en Ontario, nous avons secouru 121 victimes, tous des enfants, au cours de la dernière année et demie. Je parle de 121 victimes de pornographie juvénile — ces enfants ont été exploités pour produire de la pornographie juvénile.
    Tous en Ontario?
    Tous en Ontario.
    Merci.
    Nous allons maintenant laisser la parole à M. Dechert pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs, merci beaucoup d'être ici aujourd'hui et de nous faire partager votre témoignage, auquel nous accordons une grande valeur, sur cet important projet de loi que nous étudions. À mon avis, votre expertise est d'une grande aide. En tant que membre de ce comité, je pense que les témoignages que j'ai entendus aujourd'hui font partie des témoignages les plus éclairés, variés et connaisseurs sur n'importe lequel des projets de loi que nous avons étudiés récemment, et je veux vraiment vous en remercier.
    J'aimerais commencer par Mme Campbell.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier d'avoir partagé votre histoire empreinte de bravoure avec nous aujourd'hui. Je sais que vous devez trouver très difficile d'être ici. Je pense que je peux parler au nom de toutes les personnes présentes pour vous dire que nous compatissons avec vous face aux épreuves que vous avez traversées et que nous espérons qu'aucun autre enfant n'aura à souffrir comme vous.
    Je veux vous remercier d'avoir créé un organisme dont le but est d'aider d'autres enfants victimes d'agressions sexuelles. Je sais que vous et vos collègues accomplissez un excellent travail pour protéger les enfants du Canada et d'ailleurs dans le monde. Je ne peux pas vous en remercier assez.
    Mme Ellen Campbell: Merci.
    M. Bob Dechert: J'aimerais vous demander si vous croyez, par votre expérience de travail avec des enfants victimes d'agressions sexuelles, que l'adoption du projet de loi C-54 contribuerait à protéger les enfants? Deuxièmement, pourriez-vous nous donner quelques exemples — sans utiliser, évidemment, les noms provenant de cas dont vous êtes au courant —, pour lesquels vous pourriez nous dire si vous pensez que les enfants qui ont été victimes d'abus auraient pu y échapper si ces dispositions avaient été en vigueur à ce moment-là?
(1635)
    Bien sûr. Je devrais aussi préciser d'abord que nous travaillons surtout avec des survivants adultes. Nous travaillons en collaboration avec la Société d'aide à l'enfance et avec d'autres organismes qui s'occupent des enfants, et je suppose que j'ai oublié de préciser une chose que je trouve vraiment importante: nous parlons ici de prévention, ce qui est extrêmement important, mais l'autre aspect tout aussi important est la valeur pour les victimes.
    Martin Kruze est un bon exemple. Je pense que la plupart d'entre vous se souviennent que Martin Kruze a levé le voile sur les évènements du Maple Leaf Gardens. Il a été le premier à déclarer publiquement qu'il avait été sexuellement agressé à cet endroit. À l'instar de Martin, plus d'une centaine d'hommes ont fait la même chose, et nous les aidons toujours. En effet, 13 ans plus tard, de nouveaux cas relatifs à cette affaire sont toujours rapportés.
    Gordon Stuckless, l'agresseur de Martin, a écopé de deux ans moins un jour, si vous vous souvenez, et Martin s'est ensuite suicidé. Il a dit: « Est-ce que c'est tout ce que ma vie vaut? Deux ans moins un jour? »
    Je prie donc aussi les membres du comité de penser au message que vous communiquez aux victimes, car il y a beaucoup de victimes qui sont des enfants. Est-ce que je peux vous parler d'un cas dont je m'occupe personnellement? Non. Nous ne faisons pas du travail de première ligne, mais je suis certaine que les organismes avec lesquels nous travaillons pourraient vous en fournir un grand nombre. Je constate les dégâts sur les adultes. J'espère... Je ne peux pas aller plus en détail.
    Mais l'autre chose dont j'ai oublié de parler — et cela rejoint votre question — a trait à ce qui arrive lorsque les contrevenants sont relâchés. Je sais que ce n'est pas le sujet de la discussion d'aujourd'hui, mais nous avons besoin de la surveillance électronique à ce moment-là, parce que... Vous vous inquiétez de ce qui arrive après leur remise en liberté; nous devons les surveiller, car ils récidivent. Vous pouvez les relâcher avec les conditions que vous voulez, mais les statistiques montrent qu'ils récidivent.
    C'est pourquoi je suppose qu'à notre avis, une peine minimale envoie d'abord un message clair, mais aussi démontre ouvertement aux victimes que leur vie vaut quelque chose. J'espère que cela répond à votre question.
    Je vous remercie beaucoup de votre réponse.
    J'aimerais poser une question à M. Rushfeldt.
    Monsieur Rushfeldt, comme vous le savez probablement déjà, l'opposition et d'autres gens critiquent souvent le gouvernement en soutenant que les peines minimales obligatoires que nous inscrivons dans diverses mesures législatives augmentent les coûts relatifs aux prisons et à l'emprisonnement au Canada. Que pensez-vous de l'augmentation des coûts liés à l'incarcération de contrevenants en raison des peines minimales obligatoires proposées dans le projet de loi C-54?
    Je n'ai vraiment pas calculé les sommes que cela représente, mais j'ai consulté quelques données et j'ai fait des lectures à ce sujet. Il n'est pas toujours possible de prouver les conclusions des recherches en sciences sociales, mais je pense réellement qu'on mentionnait à quel point les actes criminels coûtent cher à l'État en soins de santé, en counselling, en perte de production et en suicide. Je pense que si nous pouvions effectuer le bilan, c'est-à-dire comparer le ratio coûts-avantages, nous pourrions voir qu'il ne coûte pas plus cher à l'État de les garder en prison plus longtemps que de les remettre en liberté et leur permettre ainsi de récidiver.
    On a bien sûr soulevé le fait, et je pense que c'est un bon point, qu'incarcérer les contrevenants assez longtemps pour qu'ils puissent recevoir de l'aide et réintégrer la société posait un problème. À ce sujet, je sais que M. Ménard a soulevé le problème posé par leur absence du monde du travail, etc. Par ailleurs, si nous ne les incarcérons pas assez longtemps pour tenter de les réformer, un bon nombre d'entre eux, comme les statistiques semblent l'indiquer, vont récidiver dès leur remise en liberté. C'est alors le public qui écope, en raison des répercussions sur les victimes ou sur les survivants.
    Je ne sais donc pas si on peut déterminer une somme précise, mais je...
(1640)
    Je ne vous demande pas de me dire combien cela coûterait, mais de me dire ce que vous pensez de la valeur d'une augmentation des coûts, en supposant qu'il y en ait une. Pensez-vous que le jeu en vaudrait la chandelle?
    Je pense qu'il vaudrait vraiment la peine d'investir cet argent, car lorsque je parle avec les victimes, surtout dans le cas des victimes de pornographie, elles me disent que le crime ne s'arrête pas à l'arrestation du coupable. Les photos, comme on vient de nous le dire, continuent de circuler pendant des années. On peut lire, dans ce rapport de l'ombudsman du Canada, des témoignages à cet effet; par exemple, des jeunes maintenant âgés de 19 ans, victimes à l'âge de six ans, se sentent encore comme des victimes, car ils ne peuvent pas se trouver en public sans se demander si les personnes qu'ils rencontrent ont vu leurs photos, car elles se trouvent toujours dans Internet.
    Je pense donc que les dépenses encourues sont justifiées, même si elles ne permettaient de soustraire qu'un enfant à l'abus.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Lee pour cinq minutes.
    J'ai une question pour l'inspecteur Naylor à propos des méthodes utilisées. Je sais que vous avez une bonne expérience dans les méthodes utilisées pour enquêter et accuser, juger et condamner les individus qui sont récidivistes ou qui sont — comment pourrais-je les appeler — disons des utilisateurs et des trafiquants de pornographie juvénile. Et comme je peux le constater en lisant les journaux, ces méthodes ont bien réussi au cours des dernières années. Mais avez-vous eu le temps de bien examiner l'article 172.2 du projet de loi? Il s'agit de l'article qui ressemble à un cadre de travail destiné à une enquête. Je vais me permettre de parler de « piège », parce que d'après ma lecture, c'est possible. Vous souvenez-vous de cet article?
    Non, je ne m'en souviens pas.
    D'accord. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette avec les détails techniques, mais on y trouve une présomption à propos de l'âge de la victime. Ainsi, l'accusé ne peut plus se défendre en disant qu'il ou elle ignorait l'âge de la victime. Ensuite, on peut lire que — et cela y figure pour la police — « le fait que la personne avec qui l’accusé s’est entendu ou a fait un arrangement était un agent de la paix ou une personne qui a agi sous la direction d’un agent de la paix ne constitue pas un moyen de défense contre une accusation fondée sur les alinéas précédents ». En effet, l'accusé ne peut pas alléguer, pour sa défense, que la victime n'était pas une personne réelle.
    On parle ici de tromper une jeune personne, de communiquer et de faire des arrangements avec elle. Nous voulons tous que cela cesse. Nous voulons que ce soit impossible à accomplir. Mais il semble que cette situation crée un scénario dans lequel il n'existe aucune victime, réelle ou potentielle, et qu'il n'existe aucun moyen de défense possible en ce qui a trait à la connaissance de l'âge de l'inexistante victime. Et les policiers disposent manifestement d'outils et d'une immunité qui leur permettent de faire quelque chose de ce genre, c'est-à-dire de mentir à quelqu'un au téléphone ou dans Internet. Même si la personne n'existait pas, l'accusé ne peut pas se défendre en disant qu'il n'y avait pas de victime.
    Avez-vous, dans votre travail, employé cette méthode, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de victime, qu'il n'y a pas eu de crime en soi — rien n'est arrivé, aucun rendez-vous ou entretien téléphonique?
    C'est en fait une technique qu'on utilise quotidiennement lorsqu'il s'agit de mener des enquêtes qui nécessitent une infiltration. Des policiers se font passer, dans Internet, pour des filles et des garçons fictifs âgés de huit, neuf, dix ou onze ans. L'objectif est d'attirer et de démasquer les individus typiques qui, dans certaines régions, essaient d'attirer ces enfants — qu'il s'agisse d'un policier banalisé ou d'un enfant — afin qu'ils participent à leurs crimes sexuels.
    Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'y a aucun doute, absolument aucun, que la personne à l'autre bout de la ligne, l'inconnu qui communique avec le policier banalisé, connaît l'âge et le sexe de son interlocuteur.
(1645)
    Vous nous assurez en dehors de tout doute que personne ne pourrait être mêlé par hasard à l'un de ces scénarios?
    J'en suis absolument certain.
    D'accord. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Monsieur Ménard, avez-vous une autre question? Voulez-vous avoir un autre tour?
    Monsieur Ménard, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je me demande si vous avez bien compris la fin de la question que je vous posais sur ce qu'on appelait les « sentences suspendues ». Malheureusement, le terme a changé. Dans le Code criminel, on parle de « libération conditionnelle ».
    C'était tellement bien expliqué quand on parlait de « sentences suspendues ». Le juge avait le pouvoir de ne pas rendre la sentence qu'il pouvait rendre et d'imposer à quelqu'un des conditions. Dans des cas comme ceux-ci, cela pouvait être un traitement, le fait de garder son emploi, d'imposer des conditions à ses déplacements et ainsi de suite.
    En fait, ce sont toutes sortes de conditions qui pourraient être utiles pour faire en sorte que cette personne soit découragée de continuer à faire ce qu'elle voulait faire. Si cette dernière ne respecte pas ces conditions, elle est ramenée devant le juge qui peut imposer la sentence qu'il a suspendue et expliquer à la personne la portée de sa décision.
    Ne croyez-vous pas que dans ce domaine, il y a des cas graves, des cas moins graves et des gens qui sont plus impliqués que d'autres dans le vice. Dans les cas les moins graves, cela peut être effectivement une meilleure solution que de lui imposer une longue sentence de prison puisqu'il faut, comme vous le dites, que la sentence soit longue pour entreprendre un traitement.

[Traduction]

    Puis-je répondre?
    J'avancerais, quoique je ne dispose pas des faits, que la centaine d'enfants et plus qui ont été secourus en Ontario l'ont été dans leur foyer. C'est là que le matériel aurait été produit. Ils ont été agressés sexuellement par des gens qui n'étaient pas des étrangers, mais leur oncle, leur gardien — il s'agissait surtout d'hommes, mais dernièrement, certains contrevenants étaient aussi des femmes. L'infraction, donc, s'est produite dans le foyer. Il pourrait s'agir d'un foyer dans lequel la personne qui reçoit une libération conditionnelle pourrait retourner, ou non, selon ses conditions. Cette situation a déjà dégénéré dans le passé.
    Un des effets d'une condamnation est d'enlever le contrevenant du foyer dans lequel il se trouvait en même temps que la victime. Je pense que, dans le cas d'une agression sexuelle, c'est le moins qu'on puisse espérer.
    Je ne sais pas trop... Je suis désolée, je ne partage pas l'opinion selon laquelle il y a des infractions bénignes et d'autres plus graves, car mes recherches montrent que le visionnement de pornographie juvénile ou de n'importe quel type de pornographie crée une dépendance, le jour comme la nuit. Il se crée une telle dépendance que les contrevenants y succombent très rapidement. Ils passent alors la plus grande partie de leurs nuits à naviguer dans Internet, etc. Donc, vraiment, s'il existe une méthode qui permet de les démasquer assez tôt dans le processus pour briser cette dépendance ou la réorienter, je dirais qu'il s'agit d'une issue positive.
    Mais je crois que retirer le contrevenant du foyer de la victime est absolument essentiel.
    Je peux intervenir, monsieur le président?
    Oui, allez-y.
    Une des préoccupations que vous soulevez fait partie des raisons pour lesquelles nous recommandons l'adoption de différents niveaux de peines pour la possession, la distribution et la production, car les infractions sont différentes. Nous savons que, dans certains cas, une personne peut être en possession d'une centaine d'images, quoique la majorité de ceux qui se font prendre sont en possession de milliers, voire de millions d'images. Notre recommandation tient compte de cela.
    Vous avez également soulevé la question des éléments dissuasifs. Je ne crois pas que l'on puisse considérer les peines obligatoires comme des éléments dissuasifs. Elles n'ont pas cet effet. Je n'en ai pas la preuve, mais c'est mon opinion. Vous dites que d'autres partagent aussi cette opinion. Je crois que c'est davantage une question de protéger les innocents qu'une question de dissuasion. La protection des innocents devrait être notre priorité. Il revient à la société de protéger ceux qui sont incapables de le faire eux-mêmes. De toute évidence, les enfants victimes d'agression sont totalement sans défense, que l'agresseur soit un oncle, une tante ou un étranger.
    Oui, les juges devraient avoir plus de latitude, mais je crois que cette latitude doit être limitée. D'ailleurs, nous avons un cas à Winnipeg, au Manitoba, où un homme condamné à 30 mois de prison en a appelé de la décision du tribunal, prétextant que sa peine était plus sévère que celle que la plupart des autres ayant commis le même crime avaient reçue. Le juge de la Cour d'appel s'est fondé sur la jurisprudence pour rendre sa décision et a réduit la peine du contrevenant à 18 mois. La jurisprudence nous dit que la peine ne peut pas être aussi sévère. Alors, je crois qu'il faut aussi faire attention à ce chapitre. Des normes ont été établies, et il faut les respecter.
(1650)
    Merci.
    Monsieur Woodworth.
    J'aimerais aussi remercier tous nos témoins d'être venus aujourd'hui. Nous, les députés, nous sommes ici presque tous les jours, alors c'est facile pour nous. Je suis conscient de l'effort que vous avez déployé pour présenter vos mémoires et de l'attention que vous avez accordée à cet exercice.
    Je vous encourage à continuer de vous faire entendre. Des témoins viennent constamment nous dire le contraire, soit que les taux de criminalité sont en baisse, alors, pourquoi s'inquiéter? Les éléments de preuve que vous nous présentez aujourd'hui confirment que le gouvernement a raison de dire qu'il faut agir et que les améliorations visées et équilibrées du système de justice pénale qu'il propose sont nécessaires.
    M. Rushfeldt a parlé des cours d'appel. En décembre dernier, la Cour d'appel de l'Alberta aurait dit que, à cause de la grande discrétion dont jouissent les juges au chapitre de la détermination de la peine, la recherche de peines équitables est au mieux une loterie, et au pire un mythe. Elle a dit également que le système actuel pousse inévitablement les procureurs et les avocats de la défense à chercher un juge qui imposera le genre de peine qu'ils recherchent.
    C'est ce genre de problèmes que le gouvernement tente de régler avec les peines minimales obligatoires.
    Madame Campbell, votre organisme compte-t-il des membres au Québec?
    Non.
    Et, le vôtre, monsieur Rushfeldt?
    Oui.
    La raison pour laquelle je vous demande cela, c'est que j'ai entendu certains députés fédéraux dire que les Québécois sont différents et qu'ils sont contre les peines minimales obligatoires, même lorsqu'il est question d'inceste ou d'agression sexuelle grave sur des mineurs de moins de 16 ans. J'ai de la difficulté à croire cela. Est-ce que c'est ce que vous disent vos membres du Québec?
    Nous n'avons pas trié par province le nom des quelque 85 000 membres qui ont signé les pétitions. Ils viennent de partout au pays. Donc, malheureusement, je ne peux pas vraiment vous dire si nos membres du Québec ont une opinion différente de ceux du reste du Canada.
    Je connais personnellement quelques-uns de nos membres du Québec — je les connais un peu. J'ai du mal à croire qu'ils s'opposeraient à des peines obligatoires pour ceux qui agressent des enfants sans défense. Mais ça, c'est mon opinion.
(1655)
    Je suis d'accord avec vous.
    J'aimerais poser une dernière question. Ensuite, je partagerai le temps de parole qu'il me reste, s'il y a lieu, avec M. Norlock.
    Madame Campbell, un peu plus tôt, un de mes collègues a demandé à M. Rushfeldt quels seraient les coûts supplémentaires liés à l'augmentation du nombre d'incarcérations. On entend souvent les mêmes choses: c'est trop coûteux; ça importe peu qu'ils aient commis de l'inceste ou une agression sur un mineur de moins de 16 ans; les peines minimales obligatoires ne font qu'emplir les prisons, et nous n'avons pas les moyens de supporter ces coûts. Alors, je me demande si vous voulez... Quelle est votre opinion à ce sujet?
    Je suis tout à faire d'accord avec mon collègue que tout va s'équilibrer, en raison des coûts associés aux soins médicaux... Je ne peux pas vous dire combien de gens suivent une thérapie, sont dépressifs, reçoivent des soins hospitaliers, ont perdu leur emploi — nous intervenons beaucoup en milieu de travail. Alors, je crois que la hausse des coûts d'incarcération sera contrebalancée par la réduction des coûts des soins médicaux qui ceux-ci sont si élevés.
    Mais je continue de croire qu'il faut revenir à la valeur de l'enfant — comment peut-on attribuer une valeur à un enfant? Il faut les protéger. Il faut trouver une façon d'en faire une priorité. Il faut investir dans la protection des enfants.
    Encore une fois, ces gens... J'ignore les chiffres exacts — mes collègues sont bien meilleurs que moi avec les statistiques —, mais je sais que, lorsqu'un pédophile se fait prendre, il a déjà sévi une vingtaine de fois, ou quelque chose du genre. Alors, il faut l'éloigner de la société et l'emprisonner. Je vous en prie, si vous libérez ce criminel, placez-le sous surveillance électronique.
    Merci beaucoup. M. Norlock aura l'occasion d'intervenir au prochain tour.
    Madame Mendes, vous aviez une question? Alors, passons à M. Lee.
    J'aurais juste un commentaire à formuler, monsieur le président, et je céderai ensuite la parole à mon collègue, M. Lee.
    Je me demande si quelqu'un ici a entendu parler du livreThe Kindness of Strangers. Vous l'avez lu? Je vous le recommande fortement. C'est un livre très troublant sur la pornographie infantile et la violence faite aux enfants par des membres de leurs familles. En plus de faire des recommandations, l'auteure se penche sur le problème de la violence faite aux enfants par un membre de leurs familles ou des gens qu'ils connaissent.
    Un des points soulevés par l'auteure, c'est que les écoles sont le meilleur endroit pour déceler quels enfants sont victimes de violence pour ensuite dénoncer leurs agresseurs. On parle beaucoup du travail des policiers qui enquêtent sur ces cas, mais bien souvent, les meilleurs détectives dans de pareilles situations, ce sont les enseignants. Ils sont les mieux placés pour fournir des renseignements sur les enfants et contribuer à l'arrestation et l'incarcération des agresseurs.
    C'est ce que j'avais à dire sur le sujet. Je vais maintenant céder la parole à M. Lee.
    Merci.
    Ce projet de loi propose de remplacer l'article du Code criminel portant sur les actions indécentes. L'article n'a rien à voir avec, entre autres, la pornographie infantile et le leurre. Il fait référence à quiconque volontairement commet une action indécente dans un endroit public avec l'intention d'insulter ou d'offenser quelqu'un.
    Selon vos connaissances ou d'après votre expérience, y a-t-il un lien entre les actions indécentes et le problème de la pornographie infantile sur lequel nous tentons, soi-disant, de légiférer? Quelqu'un aurait une opinion sur le sujet? Cette proposition me semble un peu hors contexte, mais je ne voudrais certainement pas la rejeter. Je me demande simplement s'il y a un lien.
    Je crois que tout comportement sexuel inapproprié auquel l'enfant est exposé modifie son attitude à l'égard du comportement sexuel. Selon mes recherches, beaucoup de pédophiles sexualisent des enfants et les placent en situation de relations sexuelles entre eux pour montrer à d'autres enfants que c'est normal.
    Je crois qu'on veut faire référence à la masturbation en public. À mon avis, ce qui se produit normalement — et je crois que c'est le point qu'on tente de faire —, c'est que, après un certain temps, l'enfant vient à penser qu'il n'y a rien de mal à poser un tel geste, que c'est normal.
    Je m'opposerais totalement à ce qu'on retire cet article du projet de loi.
    Le président: Monsieur Norlock.
(1700)
    Merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
    J'ai voulu me faire élire comme député fédéral pour trois raisons. L'une d'elles, c'est que, au cours de ma carrière de 30 ans comme policier et gendarme de la cour dans trois juridictions, j'ai entendu des juges prononcer des peines qui, à mon avis, auraient dû être plus sévères, et j'ai remarqué que certaines lois avaient besoin d'une mise à jour. C'est certainement le cas pour celle-ci.
    J'aimerais d'abord vous raconter une anecdote. C'est probablement la principale raison pour laquelle je me suis lancé en politique. C'est l'histoire d'un père, de sa relation incestueuse avec trois de ses quatre filles et de la peine qu'on lui a infligée pour ses actes. En passant, ces filles, plus tard, se sont mariées... Mais c'est une longue histoire et elles ont dû se soumettre à des années de thérapie. La peine: six ans de prison et six ans de probation. L'homme a reçu cette peine « sévère », selon le juge, parce qu'il était policier. Aux États-Unis, il aurait probablement reçu une peine de 60 ans. Bon, je ne dis pas qu'une peine de 60 ans aurait été plus appropriée, mais je sais très bien — puisque je connais les détails de l'affaire — que six ans, ce n'était pas assez.
    Je vais vous poser quelques questions et, en raison du peu de temps que nous avons, je vous demanderais, sans répondre simplement par oui ou par non — ce n'est pas toujours possible de bien répondre à une question par oui ou par non —, de répondre brièvement pour permettre à tout le monde d'intervenir.
    Je ne crois pas que l'on puisse guérir la pédophilie, mais j'aimerais entendre votre point de vue sur le sujet. Avec toute votre expérience dans le domaine de l'application de la loi, de la défense des enfants ou de la criminologie, croyez-vous qu'il soit possible de guérir un pédophile?
    Commençons par Mme Campbell.
    Pas du tout. Je crois que la pédophilie est ce que l'on appelle un crime de situation. Une fois qu'un pédophile a sévi... Avec toute mon expérience et mes connaissances... Brièvement, je connais une situation où des pédophiles devaient rendre compte de leurs gestes dans le cadre d'un groupe de soutien qui se réunissait une fois par semaine pendant huit semaines. Dès que le groupe de soutien a été terminé, tous les participants ont commis un autre acte de pédophilie. Alors, non, je ne crois pas que l'on puisse guérir un pédophile.
    D'après mon expérience en tant que travailleur social et les études que j'ai lues, je dirais probablement que non, mais je considère que nous devons au moins leur donner une chance de reprendre leur vie en main durant leur incarcération.
    D'une part, je suis d'avis que lorsqu'une personne éprouve une attirance sexuelle pour des enfants, elle ne pourra jamais s'en défaire, mais d'autre part, je crois aussi que dans le cadre de programmes d'intervention communautaire tels que des cercles de responsabilité, il est possible, avec plus ou moins de succès, de surveiller et de gérer un délinquant sexuel dans la communauté.
    Merci.
    En commençant par Mme Dawson, et ainsi de suite, croyez-vous que les pédophiles savent qu'ils commettent un crime? Selon vous, sont-ils conscients que leurs actes sont illégaux et immoraux — autrement dit, socialement inacceptables?
    Une étude qui a été publiée au Royaume-Uni l'an dernier a révélé que la personne moyenne qui distribuait du matériel de pornographie juvénile dans ce pays était âgée de 38 ans et appartenait à la collectivité de la TI ou avait suffisamment de connaissances en matière de programmes et de logiciels pour chiffrer ses données de manière à les rendre inintelligibles. On ne parle pas ici d'une personne ayant un trouble d'ordre mental.
    Je pense que ces individus savent que ce qu'ils font est mal, mais je ne peux pas me prononcer sur le plan moral.
    Je n'ai pas le moindre doute qu'ils savent qu'il n'est pas légal d'agir ainsi. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils essaient d'effacer toute trace suspecte.
    Quant à savoir s'ils considèrent leurs actes comme étant immoraux, tout ce que je sais, c'est qu'à leurs yeux, le Canada est un assez bon pays où vivre étant donné que les peines ne sont pas trop sévères, contrairement au Cambodge, où vous écoperez probablement de 15 années de prison, ou aux États-Unis, où vous purgerez 50 ou 60 ans pour de multiples infractions.
    Je pense néanmoins qu'à certains égards, ils savent que c'est immoral, mais en même temps, ce que nous voyons aujourd'hui est en quelque sorte le résultat des peines que nous imposons et du traitement que nous réservons à ces criminels au Canada.
    Je suis d'accord. Comme je côtoie souvent ces gens dans le cadre de mon travail, je pense que ces délinquants communiquent avec des gens animés par les mêmes idées qu’eux, et comme mon collègue l'a dit, ils essaient de normaliser leur comportement.
    En ce qui a trait à la dissuasion, pour avoir intercepté de ces gens et discuté avec eux, je peux vous dire que lorsqu'ils apprennent que la police emploie une nouvelle technique, cela fait le tour du monde rapidement. Ce sera la même chose s'ils apprennent qu'on renforce les peines d'emprisonnement ou qu'on impose des peines minimales obligatoires.
    Il ne s'agit pas de dissuader la personne qui est accusée, mais plutôt tous ceux qui communiquent sur ces réseaux de clavardage ou ces forums.
    Qu'ils soient conscients ou non du fait que leurs actes sont immoraux, je ne pourrais vous dire. Toutefois, ils savent très bien qu'ils sont illégaux.
(1705)
    Je pense que je partage son avis. Ils savent que c'est illégal; sinon, ils ne se cacheraient pas pour le faire. Il y a d'ailleurs des livres à ce sujet comme « Men loving boys loving men », vers lesquels ils se tournent pour obtenir du soutien et se convaincre que ce qu'ils font est bien. Il y a aussi une certaine proportion de ces criminels qui cherche de l'aide et veut changer.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Petit. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Je remercie tous les témoins d'être venus nous rencontrer cet après-midi. Vos témoignages sont quand même assez impressionnants.
    Madame Campbell, je veux vous poser une question mais je vais d'abord vous dire une chose.
    Quand on parle de pédophiles, on s'imagine toujours que ce sont des gens, comme le disait Mme Dawson, qui ont peut-être un problème d'ordre mental. Or, on les retrouve chez les acteurs, les journalistes, les professeurs et les entraîneurs de hockey qui ont abusé de nos enfants. Je vous parle de cas que j'ai connus, de cas que nous connaissons et de cas à venir.
    Actuellement, au Québec, on a des cas d'inceste. Un jeune enfant de 18 mois a été victime d'inceste. On a ça présentement. On a des cas d'acteurs de la télévision qui ont des émissions pour enfants et qui ont fait de la pornographie juvénile.
     Je viens du Québec. Ne vous imaginez pas qu'on est tous pareils. On est quand même capables de voir aussi une différence.
    Voici ce que j'essaie de vous demander. Vous avez regardé le projet de loi. On essaie d'augmenter ce qu'on appelle les peines minimales obligatoires, les PMO, concernant l'inceste, la bestialité, le leurre par Internet, l'exhibitionnisme, l'agression sexuelle contre une personne âgée de moins de 16 ans, l'agression sexuelle armée contre une personne de moins de 16 ans — on parle toujours d'enfants, à ce moment-là, selon le Code — et l'agression sexuelle grave contre une personne âgée de moins de 16 ans.
    D'après-vous, en regardant ces actes criminels, est-ce logique de voir à ce que l'emprisonnement obligatoire soit augmenté ou prévu pour ces cas? On parle d'inceste, qui est le cas le plus fréquent.
    D'après-vous, est-on sur la bonne voie? Vous avez été une victime. Quand on a été victime, on sait ce qui se passe. D'après-vous, est-on corrects d'augmenter les peines d'emprisonnement dans des cas semblables?

[Traduction]

    Absolument. Tout crime commis contre un enfant, qu'il s'agisse de pornographie juvénile ou du pire des crimes, mérite une peine minimale. On envoie un message aux auteurs de ces crimes et c'est un baume pour les victimes. C'est la meilleure chose que vous puissiez faire pour les gens que je côtoie et pour moi. Personne ne semble être préoccupé par ce qui arrive aux victimes. Par conséquent, oui, on doit absolument imposer une peine minimale.
    Par ailleurs, d'après mon expérience, et malgré tout le respect que j'ai pour M. Norlock, lorsque les juges jouissent d'un pouvoir discrétionnaire, ils n'imposent jamais les peines maximales. Je ne crois pas avoir déjà vu un juge infliger une peine maximale. Par conséquent, j'aime le fait qu'il y ait une peine minimale et que les juges n'aient pas d'autre option, car, selon moi, ils sont beaucoup trop indulgents face à la criminalité. C'est mon avis.

[Français]

    Je vais adresser l'autre question à M. Rushfeldt. Je vais vous adresser une question précise.
    Au Québec, on se spécialise dans la réhabilitation. Malgré cela, tous les jours, si vous regardez nos journaux, on a des cas d'inceste et de pornographie juvénile. Tous les jours, Il y a des cas comme ceux-là devant nos tribunaux. Nos avocats font beaucoup d'argent avec cela.
    On est obligés, après cela, de soutenir les victimes qu'on devra, comme le disait Mme Campbell, soigner toute leur vie. On a des problèmes de drogue, d'alcool et de suicide. Nous sommes pris avec ces problèmes. Ce n'est pas le prisonnier qui est pris avec cela, c'est nous.
    D'après-vous, pour ce qui est des peines minimales obligatoires qui vont retirer ces gens de la circulation et qui vont protéger nos enfants, vaut-il la peine de les augmenter dans les cas que j'ai énumérés précédemment?

[Traduction]

    Tout à fait, je suis favorable en principe à ce qui est proposé ici. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne crois pas qu'on impose des peines assez sévères. Surtout quand on sait que le nombre de crimes sexuels commis à l'endroit d'enfants explose — et je pense que l'inspecteur nous l'a confirmé —, nous devons absolument agir pour mettre fin à ce fléau.
    Nous savons que les thérapies peuvent aider certains d'entre eux. Nous savons aussi que beaucoup trop d'entre eux récidivent lorsqu'ils sont dans la communauté. On a trop souvent affaire à des auteurs de multiples infractions et à des récidivistes.
    Après y avoir réfléchi et en avoir discuté avec plusieurs personnes, j'en ai conclu que l'incarcération était la seule option dans ces cas pour la simple et bonne raison qu'il n'y en a pas d'autres. Évidemment, cela engendrera des coûts, mais il faut penser qu'à long terme, ces enfants que nous aurons protégés n'auront pas besoin de consultations, de thérapies ou de médicaments contre la dépression.
    Par conséquent, selon moi, l'accroissement des peines pour ce genre de crimes est sans contredit un investissement très judicieux.
(1710)
    Merci.
    En temps normal, ce serait au tour de M. Rathgeber.
    Permettez-vous... ?
    Très bien. Monsieur Dechert, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Rushfeldt, dans votre déclaration, vous nous avez implorés d'adopter rapidement ce projet de loi. Depuis quelques semaines, comme vous le savez, les rumeurs d'élections au printemps sont persistantes. Évidemment, la perte de confiance du gouvernement surviendrait avec le dépôt du budget.
    Par conséquent, recommanderiez-vous à tous les partis de collaborer pour faire en sorte que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible à la Chambre et au Sénat avant la tenue d'un vote sur le budget?
    Je ne connais pas vraiment le processus, à savoir si le projet de loi doit être adopté au Sénat.
    M. Bob Dechert: Il le doit.
    M. Brian Rushfeldt: Bien sûr, j'aimerais que cette mesure soit adoptée aussi rapidement que possible pour prendre force de loi, car je considère que c'est primordial pour tous les enfants qui, d'ici à d'éventuelles élections — et d'une certaine façon, l'issue des élections m'importe peu...
    Sachez que s'il y a des élections, on doit recommencer à zéro.
    En effet, et si l'on doit tout recommencer, il faudra des mois, voire des années avant que cela ne se concrétise. Je pense qu'un député a dit plus tôt que cela faisait déjà cinq ans que le gouvernement conservateur était au pouvoir et qu'on commençait à peine à voir les choses bouger. Pensez au nombre d'enfants qui seront abusés pendant une, deux, voire cinq autres années. Nous ne pouvons pas nous le permettre.
    Je ne voudrais pas nécessairement qu'il garde sa forme actuelle, parce que j'estime qu'on ne sévit pas assez, mais chose certaine, je voudrais qu'on adopte une mesure législative plus rigide avant la tenue des élections.
    Nous devons agir rapidement.
    M. Brian Rushfeldt: Oui.
    M. Bob Dechert: Madame Campbell, avez-vous quelque chose à dire sur l'urgence de présenter cette mesure législative?
    Je suis tout à fait d'accord. Juste au moment où l'on se parle, selon vous, combien y a-t-il d'enfants qui sont torturés et violés? Beaucoup trop. Il est donc urgent de prendre des mesures. Je vous encourage donc fortement à... et n'hésitez surtout pas à solliciter notre aide, sous quelque forme que ce soit, pour sensibiliser les gens.
    D'accord, merci.
    Inspecteur Naylor, comme vous le savez, le projet de loi C-54 propose la création de deux nouvelles infractions relatives à l'exploitation des enfants au moyen d'Internet. Aux termes du projet de loi, commet une infraction quiconque fournit du matériel sexuellement explicite à un enfant en vue de faciliter la perpétration à son égard d'une infraction d'ordre sexuel; et commet une infraction quiconque utilise un moyen de télécommunication, y compris Internet, pour s'entendre avec une personne ou faire un arrangement avec elle pour perpétrer une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant.
    Premièrement, considérez-vous que la création de ces deux infractions est nécessaire? Cela va-t-il contribuer davantage à protéger nos enfants, et si oui, selon votre expérience, pourriez-vous nous donner quelques exemples?
    Absolument, particulièrement en ce qui concerne la première infraction — et je vais revenir aux propos du député sur les actions indécentes. Je vais vous épargner les pires choses que j'ai vues. Lorsqu'il s'agit de leurre d'enfants par Internet, sachez que ce n'est qu'une question de secondes avant que quelqu'un s'expose de façon inappropriée devant une caméra web.
    Dans ces cas, nous avons toujours porté des accusations d'action indécente. Ce changement, introduit par le projet de loi, permet de donner un nom à l'accusation et renforce ainsi la loi. Cela aide énormément les policiers, qui ont maintenant une définition précise de l'infraction en question.
    En ce qui a trait à la deuxième infraction, ces individus typiques proposent souvent à leurs enfants de s'adonner à des activités sexuelles. Au fond, ils demandent à leurs enfants de se prostituer. Tant qu'un acte n'a pas été commis, cela ne constitue pas une infraction. Par conséquent, en vertu de ce projet de loi, le simple fait de s'entendre avec une personne ou de faire un arrangement avec elle sera considéré comme une infraction. Sur le plan des enquêtes, cela ajoute donc plus de mordant à la loi.
(1715)
    D'accord, merci.
    Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?
    Il vous reste une minute.
    Merci.
    Madame Dawson, vous avez indiqué plus tôt que lorsque la peine ne correspond pas au crime, c'est la confiance du public envers le système de justice qui est minée. J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus et que vous nous disiez en quoi les peines minimales obligatoires prévues dans ce projet de loi pourraient accroître la confiance du public dans le système de justice.
    Si vous écoutiez ou lisiez des rapports anecdotiques ou si vous travailliez dans un bureau d'aide aux victimes comme je le fais en tant que bénévole, vous sauriez ce qui a influencé l'opinion des gens sur la justice au Canada. Si vous effectuez des recherches sur Internet et que vous entrez en contact avec des gens qui leurrent des enfants, vous verrez rapidement qu'ils considèrent le Canada comme un havre de paix.
    Je pense qu'en transmettant le message — et en le répandant — que le Canada renforce ses peines et impose des peines d'emprisonnement, on dissuadera les délinquants. Non seulement on reconnaîtra les victimes, mais on redonnera aussi confiance au public qui verra que nous prenons la chose au sérieux.
    Monsieur Rushfeldt, avez-vous quelque chose à dire sur l'incidence que pourrait avoir l'accroissement des peines sur la confiance du public envers le système de justice?
    Oui. Manifestement, plus nous avons d'information sur ces questions... Et nous en entendons parler toutes les semaines. En fait, en janvier dernier, 32 hommes ont été accusés en Ontario; et quelques mois plus tard, il y en a eu 28 autres. La police fait un travail remarquable partout au pays. Au Canada, on a des cas chaque jour ou presque.
    Il y a tellement de gens qui me demandent ce que le gouvernement, et pas nécessairement les conservateurs, fait pour mettre fin à ces activités, parce que quand on regarde les chiffres, on se rend compte qu'il y a une explosion de ces crimes partout au pays. Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, il y a des avocats... et toutes sortes de gens... on ne vise pas une catégorie de gens en particulier. La confiance des gens envers le gouvernement et le système de justice est forcément ébranlée lorsqu'ils voient qu'on ne fait pas grand-chose pour remédier à la situation.
    Il y a deux semaines, un homme a été arrêté au Cambodge. Il fait face à 13 années d'emprisonnement s'il retourne dans ce pays. Toutefois, il vit désormais au Canada et le juge a éliminé toute restriction à son égard. Évidemment, il ne doit pas retourner au Cambodge, mais ici, il n'est soumis à aucune condition. Il jouit de son entière liberté et il a abusé de je ne sais combien d'enfants en Asie.
    Merci.
    Nous avons maintenant terminé. Je tiens à remercier tous les témoins. Ce fut une séance très instructive. Malgré vos divers points de vue, vous avez réussi à transmettre un message clair. Merci à vous tous.
    Nous allons maintenant laisser partir nos témoins.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Pour revenir à ma question au sujet de la situation en Australie, ce serait bien que M. Rushfeldt puisse transmettre ces renseignements à notre greffière, qui nous les distribuera par la suite.
    Très bien.
    Monsieur Rushfeldt, vous n'avez qu'à communiquer avec Mme Burke, la greffière du comité.
    Je n'y manquerai pas.
    Merci. Vous pouvez maintenant partir.
    J'aimerais parler un peu de ce qui nous attend.
    Mercredi, nous accueillons le ministre de la Justice et des représentants du ministère dans le cadre de notre étude sur le projet de loi. Le lundi suivant, nous allons entendre trois témoins, toujours sur ce projet de loi. Et ensuite, nous allons proposer d'entreprendre l'étude article par article.
    Nous n'avons rien d'autre de prévu par la suite, alors je propose que nous tenions une réunion du comité de direction ce jeudi. Je crois que vous en avez déjà été avisés. Nous devons décider sur quels projets de loi nous voulons nous pencher. Il y a la possibilité d'étudier les projets de loi C-16 et C-4; le projet de loi S-10 devrait également nous être renvoyés très bientôt. Et il reste l'étude sur le crime organisé. Je m'attends donc à ce que le comité de direction fasse des propositions en ce sens.
    La séance est levée.
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