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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 052 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 7 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

     Je déclare la séance ouverte.
    Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne tient sa 52e séance en ce lundi 7 mars 2011.
    Vous avez devant vous l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui. Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
    Nous entendrons une fois de plus un certain nombre de témoins, répartis en deux groupes. Ils nous aideront dans le cadre de notre examen. Le premier groupe vient du Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes, qui est représenté par Mary Ellen Turpel-Lafond, présidente et originaire de ma province natale, la Colombie-Britannique. Elle est accompagnée de Sylvie Godin, vice-présidente. Bienvenue à vous deux.
    Nous accueillons également Heidi Illingworth, directrice exécutive, qui représente le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes. Nous vous souhaitons la bienvenue.
    De plus, nous attendons Mme Susan Reid, qui devrait bientôt se joindre à nous. Elle enseigne la criminologie et la justice criminelle, et est également directrice du Centre for Research on Youth at Risk de la St. Thomas University.
    Je crois qu'on vous a tous expliqué le processus. Vous disposez de dix minutes pour faire un exposé, après quoi nous passerons à la période de questions.
    Pourquoi ne pas commencer par Mme Mary Ellen Turpel-Lafond?
    Merci, monsieur le président. Bon après-midi, honorables membres du comité. Je m'appelle Mary Ellen Turpel-Lafond, représentante des enfants et des jeunes de la Colombie-Britannique et présidente du Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes.
    Comme vous le savez, je suis accompagnée de Sylvie Godin, de la commission du Québec. Dans les gradins se trouvent également des défenseurs des enfants et des jeunes de toutes les régions du Canada: Bonnie Kocsis, défenseur de la province du Manitoba, certains représentants du bureau des défenseurs des enfants et des jeunes de l'Ontario, Dwight Bishop, commissaire de la Nouvelle-Écosse, ainsi que Carol Chafe et Andrew Nieman, respectivement défenseurs des régions de Terre-Neuve-et-Labrador et du Yukon. Je crois comprendre que Bernard Richard, représentant du Nouveau-Brunswick, arrivera bientôt.
    Nous avons donc une petite délégation avec nous aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de comparaître. Je partagerai avec Sylvie les dix minutes qui nous sont accordées. Elle parlera en français, et moi, surtout en anglais.
    Notre organisation est une alliance des défenseurs des enfants et des jeunes nommés par le gouvernement dans toutes les régions du pays. Neuf des dix membres de l'organisation sont des défenseurs ou des agents indépendants de l'assemblée législative, qui aident les enfants et les jeunes, particulièrement dans le domaine de la justice pénale pour les adolescents où ils sont pour ainsi dire chargés d'un mandat de défense ou d'examen dans leurs provinces ou territoires respectifs. Je sais que certains d'entre eux vous ont déjà présenté des mémoires ou ont témoigné devant vous, notamment M. Bernard Richard et Mme Godin, ainsi que M. Elman. J'ai moi-même déposé un mémoire au nom de la Colombie-Britannique.
    Nous sommes ravis de témoigner aujourd'hui au nom de notre organisme national. Même si nos rôles et les mandats que nous confère la loi varient, nous offrons généralement une forme de soutien direct aux enfants et aux jeunes devant le système de justice et nous employons à améliorer ce dernier pour le bien des enfants et des jeunes. Essentiellement, nos organismes favorisent les dénouements heureux et préconisent de s'appuyer sur les faits probants pour élaborer les politiques. Ils encouragent également l'instauration d'un système de soutien plus inclusif et mieux adapté aux besoins des jeunes, surtout ceux qui sont vulnérables. Nous tentons notamment, dans nos assemblées législatives respectives, d'être les porte-parole de Canadiens qui, en raison de leur âge et de leur situation personnelle, n'ont pas souvent l'occasion de se faire entendre ou d'être représentés dans les processus législatifs ou la prise de décision.
    En participant au conseil, nous détectons les problèmes communs. C'est sur ces travaux que nous nous sommes appuyés pour notre exposé d'aujourd'hui. En effet, forts de notre expérience collective de défenseurs et de notre connaissance de la situation, nous vous recommandons fortement de rejeter le projet de loi C-4 et de réexaminer ses conséquences sur les enfants et les jeunes.
    Actuellement, on reconnaît, dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, que la protection du public et la réinsertion des jeunes sont des objectifs importants et interdépendants, ce dont nous convenons parfaitement. Rien, toutefois, ne nous indique que les modifications que l'on propose d'apporter à la loi auront pour effet de réduire la criminalité chez les jeunes ou de renforcer la sécurité de la population canadienne. Nous comprenons que les crimes violents ont des effets dévastateurs sur les familles, les collectivités et le public en général, et que notre société doit certainement tout faire pour les prévenir. Cependant, même si ces incidents nous désolent, nous ne devons pas réagir en imposant aux adolescents plus de peines d'emprisonnement et de sentences pour adulte. Les recherches prouvent que cette stratégie n'est pas efficace. Dans les pays qui adoptent cette approche, les effets sont habituellement encore pires pour les enfants et les jeunes de tous les milieux, qui sont plus susceptibles de s'engager ou de persister sur la voie du crime.

[Français]

    En effet, la recherche a démontré que la loi actuelle avait fait ses preuves en contribuant à écarter les jeunes des milieux de détention, à réduire le taux de criminalité juvénile et à diminuer la perpétration de crimes violents par les jeunes. Elle met l'accent sur la réadaptation et la réintégration. Elle favorise aussi le recours à des outils extrajudiciaires pour responsabiliser les jeunes et accroît les chances que ceux-ci deviennent des citoyens respectueux des lois qui contribuent au bien-être général.
    Nous croyons fermement que l'effet global des modifications proposées sera préjudiciable aux améliorations constatées. À cet effet, notre point de vue concorde de manière significative avec les conclusions du processus de consultation mené à travers le Canada, lesquelles ont été déposées devant vous le 9 décembre dernier. Deux conclusions importantes émanent de ce rapport: d'une part, il existe en ce moment peu d'appui favorable aux modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et, d'autre part, nous avons besoin d'un filet de sécurité sociale solide pour soutenir la mise en oeuvre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Nous sommes également préoccupés par les répercussions des modifications proposées sur les jeunes Autochtones, qui sont parmi les membres les plus vulnérables de la société canadienne. Le 23 juin dernier, notre organisme a rendu publique une déclaration de principe intitulée « Les enfants et les jeunes autochtones au Canada: le Canada doit faire mieux ». C'est l'un des documents qui vous ont été soumis pour la présentation d'aujourd'hui. Dans ce document, nous soulignons que les jeunes Autochtones sont nettement surreprésentés dans le système de justice pénale pour les adolescents, et ce, dès l'âge de 12 ans.
    Au Manitoba, par exemple, les jeunes Autochtones représentaient, en 2006, 23 p. 100 de la population provinciale âgée de 12 à 17 ans. Cependant, 84 p. 100 des jeunes en détention après condamnation étaient de jeunes Autochtones. On constate le même phénomène partout au pays. Chez les enfants et les jeunes Autochtones canadiens, la probabilité d'entrer en contact avec le système de justice pénale, y compris celle d'être placé dans un centre de détention, est plus importante que celle d'obtenir un diplôme d'études secondaires.
    Ce résultat est alarmant et semble avoir augmenté dans certaines provinces au cours de la dernière décennie, même si le taux de criminalité des jeunes a diminué à l'échelle nationale. Lorsque les politiques et les changements introduits dans la législation criminelle poussent le système à mettre l'accent sur la détention, on ne peut que s'attendre à ce qu'ils aient une incidence négative immédiate plus importante sur les enfants et les jeunes Autochtones que sur tout autre groupe de la société canadienne, et cela est inacceptable.
(1540)

[Traduction]

    Les membres du conseil voudraient également porter à votre attention une autre question importante que les modifications proposées ne permettent pas de résoudre. Si nous voulons améliorer le système de justice pénale pour les adolescents, nous devons trouver un moyen de mettre fin à la criminalisation des jeunes aux prises avec des problèmes de santé mentale, notamment des troubles cognitifs et développementaux. Il faudrait donc améliorer les traitements offerts à l'extérieur du système de justice au lieu d'imposer toujours plus de peines de prison.
    En août dernier, le conseil de l'Association du Barreau canadien a adopté une résolution indiquant que les personnes souffrant de troubles causés par l'alcoolisation foetale éprouvent des difficultés neurologiques et comportementales et a exhorté:
tous les paliers du gouvernement à attribuer des ressources supplémentaires à la mise en oeuvre de solutions de rechange pour éliminer la criminalisation de personnes souffrant de TCAF.
     Notre conseil appuie cette résolution. Nous comprenons que le ministre fédéral de la Justice l'a bien accueillie et cherche à s'y conformer, en consultation avec ses homologues fédéraux et provinciaux. Il serait, selon nous, salutaire d'examiner cette question avant d'adopter des mesures comme le projet de loi C-4.

[Français]

    Notre travail à titre de défenseurs des enfants et des jeunes est guidé par le respect des droits des enfants et des jeunes. Le Canada a été l'un des signataires de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies il y a de cela près de 22 ans. La convention souligne clairement la nécessité d'adopter des initiatives de justice pour les jeunes qui soient compatibles avec les droits et les intérêts des enfants et des jeunes. Le projet de loi C-4 ne répond pas à cette exigence.

[Traduction]

    Voilà pourquoi nous demandons respectueusement aux membres du comité de rejeter le projet de loi C-4 et de plutôt favoriser l'adoption de mesures qui permettront de réduire encore la criminalité chez les jeunes et de renforcer la sécurité du public canadien. Employons-nous à promouvoir des mesures qui permettront à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents d'avoir un effet optimal, particulièrement au chapitre de la réadaptation et de la réintégration.
    Vous pouvez voir que notre mémoire comprend sept recommandations à cet égard. Nous vous demanderions d'y porter attention lors de votre examen.
    Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Nous sommes, bien entendu, à votre disposition pour répondre aux questions que vous pourriez avoir.
    Merci. Nous entendrons maintenant Mme Illingworth.
    Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, ou CCRVC, est un groupe national sans but lucratif qui défend les intérêts des victimes et des survivants de crimes violents. Nous offrons de l'aide et du soutien directs aux victimes de toutes les régions du pays et préconisons l'amélioration de la sécurité publique, et des services et des droits dont les victimes de crimes peuvent se prévaloir. C'est avec plaisir que nous comparaissons aujourd'hui pour traiter du projet de loi C-4, aussi appelé Loi de Sébastien.
    Dans notre mémoire, nous examinons les modifications proposées et formulons certaines recommandations que nous avons déjà faites par le passé pour veiller à ce que les intérêts des victimes soient pleinement pris en compte.
    Aujourd'hui, je voulais vous parler brièvement des familles que nous aidons. Notre centre reçoit des appels de familles touchées par les crimes violents que des jeunes commettent à l'endroit d'autres jeunes ou d'adultes. Nombreux sont ceux qui s'inquiètent de la LSJPA et du traitement qui y est réservé aux jeunes contrevenants et à leurs victimes. Notre organisme se préoccupe pour sa part des répercussions qu'ont sur les victimes les crimes violents commis par les jeunes.
    Dans son rapport intitulé Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2009, Statistique Canada indique que même si la gravité des crimes commis par les jeunes a généralement diminué depuis 2001, le taux de crimes violents est 11 p. 100 plus élevé qu'en 1999. Même si de nombreux groupes ont comparu devant vous pour chanter les louanges de la LSJPA, le taux de crimes violents commis par des jeunes au Canada demeure préoccupant.
    Nous reconnaissons que la plupart du temps, les jeunes se retrouvent devant la justice à la suite de crimes assez mineurs. Il importe donc de leur éviter d'être confrontés au système de justice pénale officiel en les mettant en garde, en prenant des mesures de prévention et en les dirigeant vers des groupes et des programmes communautaires. Cela dit, nous considérons que le système de justice pénale pour les adolescents doit avant tout permettre d'assurer la protection de la société. Nous partageons l'avis du juge Nunn, qui a recommandé d’inclure la protection du public à court et à long terme parmi les principes de la LSJPA énoncés à l’article 3 pour aider à résoudre le problème que pose le petit groupe que constituent les délinquants dangereux et récidivistes.
    La société canadienne doit mieux s'attaquer aux causes fondamentales du crime. Selon nous, s'ils bénéficient d'un soutien social adéquat, de nombreux jeunes peuvent éviter de prendre de mauvaises décisions qui pourraient les mener sur le chemin du crime. Nous convenons que les intervenants du secteur municipal, qui s'occupent notamment des écoles, du logement, de la planification municipale et des services de police, de trouver les racines des problèmes de criminalité, et d'élaborer, de mettre en oeuvre et d'évaluer des stratégies pour s'y attaquer.
    Comme il cherche particulièrement à réduire le nombre de jeunes délinquants, le CCRVC conseille fortement que l'on offre à tous les citoyens des services de soins à l'enfance enrichis et subventionnés, ainsi que des logements abordables. Nous préconisons des programmes scolaires de lutte contre l'intimidation et la violence, et de respect des sexes et de la diversité. Nous encourageons en outre l'adoption de programmes d'alphabétisation, de protection des enfants contre la violence familiale, de services de garde après l'école, de formation à l'emploi et de jumelage pour les adolescents, de lutte contre la toxicomanie dans les écoles et de traitement de santé mentale et de la dépendance pour les jeunes dans le besoin.
    Nous considérons de plus qu'il faut réduire le nombre de victimes de crimes violents au pays. En travaillant auprès de nos clients, nous ne voyons que trop bien les effets dévastateurs de la violence sur les personnes et les familles. Trop souvent, ce sont les victimes qui subissent sans fin les répercussions émotionnelles, physiques et psychologiques, la douleur et la souffrance, et une perte de productivité.
    Nous appuyons la modification de l'alinéa 3(1)b) pour y ajouter le principe de la culpabilité morale moins élevée des adolescents. Nous considérons que ces derniers ne possèdent pas autant d'expérience et de connaissances quand ils prennent des décisions. Nous constatons avec plaisir que la définition d'infraction grave avec violence a été clarifiée et englobe maintenant le meurtre au premier ou au deuxième degré, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire coupable et l'agression sexuelle grave. Nous considérons que cette définition couvre adéquatement les infractions avec violence les plus graves et indique très précisément les infractions visées par la loi.
    En donnant une définition claire de ces types d'infractions, on tend vers l'un des principaux objectifs de la LSJPA — une réduction des peines purgées sous garde — tout en s'assurant de définir clairement les crimes qui nécessitent des sanctions plus sérieuses et des placements sous garde.
    Nous sommes également satisfaits de voir une définition d'infraction « grave » concernant la détention avant le procès, puisque cela permet de clarifier les dispositions de l'article 29 proposé, qui a un lien avec l'article 39. Cela rendait les dispositions complexes et portait à croire que la détention avant le procès avait le même objectif que la détermination de la peine, ce qui n'est pas toujours le cas.
(1545)
    Tout en admettant que la définition prévue dans le projet de loi — tout acte criminel pour lequel un adulte est passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus — peut sembler très large, nous voudrions faire remarquer qu’elle n’est que l’un des critères sur lesquels les juges s’appuient pour déterminer la sentence de placement sous garde. Ces derniers ont besoin de cette définition pour placer les délinquants violents ou récidivistes sous garde en attendant la tenue de leur procès.
     L’ajout de la définition d’infraction « avec violence » vise à accorder un sens aux comportements qui, sans causer de tort, n’en sont pas moins dangereux. La définition engloberait par exemple un jeune qui s’adonne aux courses de rue dans un quartier résidentiel, qu’il y ait des blessés ou non. C'est parce que cette course se déroule dans un quartier résidentiel où vivent bien des gens, dont des enfants, que ce comportement est dangereux.
    Les crimes de cette nature constituent une grave menace pour la population. Il faut donc qu’ils soient reconnus comme telle pour qu'ils figurent parmi les infractions passibles d'une sentence de placement sous garde. Cela ne signifie pas pour autant que cette sentence soit recommandée ou exigée dans tous les cas où le public est menacé; mais c'est une possibilité qui s'offre aux juges.
    Nous appuyons également l’ajout de la dissuasion et de la dénonciation en tant que principes de détermination de la peine, puisque ce sont deux objectifs importants que la LSJPA ne comprend pas actuellement. Même s'il appert que les jeunes ne pensent pas aux sanctions qu’ils peuvent recevoir en commettant un crime, le système de justice pénale doit néanmoins les tenir précisément responsables des torts qu’ils ont causés, surtout dans les cas graves. La population s'attend à ce qu'il en soit ainsi.
     Le système de justice pour les adolescents doit également permettre aux juges de dénoncer les crimes très graves. Nous n’entendons pas par là que les jeunes ne devraient pas recevoir de traitement ou de services de réhabilitation. Nous considérons cependant que la dénonciation est importante pour la société canadienne, particulièrement pour les victimes et les survivants, car elle dénote la répulsion qu’inspirent les gestes posés et les torts qu’ils ont causés. Nous savons que le fait d'entendre un juge reconnaître publiquement leur souffrance peut être un baume pour les victimes. Nous croyons en outre que le fait d’entendre un juge dénoncer leurs actes violents peut aider les jeunes à en saisir pleinement l’impact et les conséquences.
    Pour ce qui est de la tenue de dossier, nous considérons que les dispositions du projet de loi permettront aux juges de tenir compte des antécédents criminels des jeunes quand ils délibèrent et déterminent la sentence afin de voir si un placement sous garde est de mise. Cette modification ne devrait pas porter atteinte aux pouvoirs discrétionnaires de la police et n’empêcherait pas de recourir à des sanctions extrajudiciaires afin d’éviter aux jeunes de se retrouver devant le système de justice. Elle permettrait plutôt aux tribunaux de la jeunesse de voir si la fréquence ou la gravité des comportements criminels tendent à augmenter.
    Le paragraphe 11(1) du projet de loi C-4 prévoit l’ajout du paragraphe 64(1.1), qui exige que l'avocat de la Couronne examine la pertinence d’imposer une sentence pour adultes dans certains cas. S'il décide de ne pas réclamer de telles sentences, il doit en informer le tribunal. Cette mesure, selon nous, ne porte pas atteinte au pouvoir discrétionnaire du procureur; elle rend plutôt le processus de prise de décisions de la Couronne plus ouvert et transparent, ce que les victimes et le public en général réclament souvent.
    En ce qui concerne l'interdiction de publication concernant les jeunes, nous sommes depuis longtemps favorables à la disposition autorisant les juges à lever cette interdiction si un jeune est reconnu coupable d'une infraction avec violence. En taisant leurs noms, on a l'impression de protéger les jeunes, en quelque sorte. Mais nous avons toujours remis en question la sagesse de cette approche dans les cas de récidivistes commettant des crimes graves. Quand on assume ses responsabilités et rend compte de ses actes, on affronte la communauté. De plus, en quoi protège-t-on les citoyens innocents qui ignorent qu'un jeune a déjà commis un crime violent ou une agression sexuelle? Notre société doit savoir pourquoi elle protège un jeune et veiller à ce que cette protection ne se fasse pas au détriment de la sécurité de la population en général.
    Je concluerai en disant que nous sommes généralement en faveur des modifications que l'on propose d'apporter à la Loi sur la justice pénale pour les adolescents. Malheureusement, cette loi ne peut servir qu'à intervenir après les faits. Elle s'applique exclusivement à ceux qui ont déjà enfreint la loi. Mais dans une société, il faut investir davantage dans les programmes de développement social pour en faire profiter tous les enfants. Les responsables de l'éducation, du logement, des services sociaux, de la planification municipale et des autres services municipaux ont tous un rôle à jouer dans la lutte au crime et la résolution des problèmes de sécurité à l'échelle locale.
(1550)
    Nous devons également nous rappeler que les collectivités ne sont pas toutes en mesure d'offrir les mêmes services sociaux. La LSJPA doit combler certaines de ces lacunes par la voie législative, et elle doit prévoir des mesures plus sévères pour les contrevenants qui en ont besoin.
    Comme je l'ai dit plus tôt, nous appuyons les programmes de déjudiciarisation pour que les jeunes ne soient pas gardés en détention pour des infractions non violentes. Toutefois, lorsqu'il s'agit de crimes graves avec violence, ils doivent répondre de leurs actes. Pour certains qui sont très dangereux et incontrôlables, l'incarcération est nécessaire pour protéger le public.
    Il faut que justice soit faite, même lorsque nous avons affaire à des jeunes contrevenants. Lorsque le système de justice n'impose pas des mesures sévères à l'égard des préjudices graves, peu importe l'âge de l'auteur, le public perd confiance dans le système de justice.
    Nous demandons au comité d'appuyer le projet de loi et les modifications à la LSJPA qui sont proposées.
    À la fin de la version papier de notre exposé, vous trouverez quelques recommandations que nous avons faites dans le passé, surtout en ce qui concerne les droits des victimes dans la LSJPA.
    Merci.
    Merci.
    Je remarque que Mme Reid n'est pas encore ici. Lorsqu'elle arrivera, nous lui permettrons de faire son exposé. Je crois comprendre qu'elle devait prendre l'avion et qu'elle a peut-être été retardée.
    Nous passons aux questions des membres du comité.
    Nous allons entendre tout d'abord M. Lee. Vous disposez de sept minutes.
    Ma première question s'adresse à Mme Illingworth, qui représente le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.
    Je comprends le point de vue du centre et le fait que vous défendiez les droits des victimes. J'aimerais vous demander si, dans le cadre de votre travail, qui fonde la position que prend votre centre, vous êtes en contact avec des contrevenants, en particulier des jeunes contrevenants. Avez-vous de l'expérience dans ce volet? Je me demande si vous avez de l'influence dans cette sphère d'activités dans le cadre de votre travail qui consiste à défendre les droits des victimes?
(1555)
    De façon générale, nous travaillons auprès des victimes et des survivants de crimes violents. Lorsque nous fournissons de l'aide dans le cadre d'une affaire ou après une condamnation, des problèmes liés aux contrevenants peuvent surgir en tout temps au cours du processus, mais en général, nous travaillons auprès des survivants et non des accusés ou des condamnés.
    Vous ne communiquez donc pas beaucoup avec ceux qu'on appelle les « méchants »?
    C'est exact.
    D'accord.
    Ma prochaine question est un peu technique. Elle s'adresse aux autres témoins également.
    À un moment donné, au cours de nos audiences, je me suis tout à coup rendu compte que je revoyais sans cesse la même chose; j'ai eu une impression de déjà-vu. J'ai fini par comprendre de quoi il s'agissait. C'était lié à l'époque où le Parlement avait adopté les principes de détermination de la peine, à la première fois que nous les avons codifiés. Cela remonte au début des années 1990. Le comité avait fait un travail considérable à l'époque.
    Madame Illingsworth, ce dont je me rappelais, puisque nous envisageons de modifier la LSJPA, c'est que nous reprenons les principes de détermination de la peine du Code criminel presque mot pour mot dans la LSJPA. Si je me souviens bien, cela n'a jamais été l'objectif de la LSJPA. Si tout ce que nous ferons, c'est adopter de nouveau les dispositions contenues dans le Code criminel dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, à quoi bon avoir des principes de détermination de la peine pour les adolescents? À quoi sert-il d'avoir un système distinct?
    Je vais procéder par énumération pour que vous puissiez comprendre mon point de vue. Dans la LSJPA, le paragraphe 38(3) énumère environ six principes de détermination de la peine. Si on les lit dans l'ordre inverse, ils commencent à ressembler étrangement à l'article 718 du Code criminel, qui porte sur l'objectif. Lisez-les dans l'ordre inverse. Je vais le faire.
    L'alinéa 38(3)b) ressemble à l'alinéa 718f) du code.
    L'alinéa 38(3)c), qui porte sur la réparation, ressemble à l'alinéa 718)e) du Code criminel.
    L'alinéa 38(3)d), si l'on change l'ordre des mots un peu, ressemble aux alinéas 718.2b) et 718.2c).
    L'alinéa 38(3)e), qui porte sur les déclarations de culpabilité antérieures, et l'alinéa 38(3)f) se rapportent à l'alinéa 718.2a), qui porte sur les circonstances aggravantes ou atténuantes.
    Ensuite, nous ajoutons la dénonciation, ce qui ressemble à l'alinéa 718a).
    Ensuite, on ajoute la dissuasion, ce qui ressemble à l'alinéa 718b).
    C'est comme si nous retournions à la case départ pour ce qui est de nos principes de détermination de la peine.
    Ma question s'adresse à tous les témoins: est-ce que c'est ce que nous faisons en tant que société — revenir au point de départ et au point où les principes de détermination de la peine pour les adolescents commencent maintenant à ressembler à ceux que nous utilisons pour condamner les adultes? En sommes-nous là? Est-ce la voie dans laquelle nous nous engageons? Je vous pose la question à vous en tant que témoins, et je m'arrêterai ici.
    Comme je l'ai dit dans mon mémoire, et au nom des gens pour qui nous travaillons, je pense que certains de ces principes sont très importants. Bien qu'ils soient tirés du système de justice pour adultes, si l'on veut, certains d'entre eux sont présentement absents du système de justice pour adolescents. Cela ne signifie pas qu'on ne peut pas continuer à traiter les adolescents d'une façon qui convient à leur âge, et le système est beaucoup plus axé sur la réadaptation et la réinsertion. Ce ne sont que des considérations qui, selon notre centre, sont nécessaires, surtout lorsqu'il est question de crimes graves avec violence.
(1600)
    Madame Turpel-Lafond, voulez-vous intervenir?
    Je crois que le conseil est d'avis que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents contient des idées qui ne conviennent vraiment pas à des adolescents, mais conviennent plutôt à des adultes.
    En particulier, certains d'entre nous ont pris part à une consultation nationale sur la LSJPA qui a mené à l'élaboration d'un document d'information qui, comme je le sais, a été remis au comité en décembre. C'était un processus de consultation nationale dans chaque province et territoire. Dans le document de consultation, on part d'un point de vue très arrêté selon lequel l'idée générale qui est ressortie de la consultation nationale, c'est que la LSJPA ne devrait pas être modifiée seulement pour le plaisir, et que les problèmes ne se trouvent pas dans les dispositions législatives, mais dans les services et le soutien qui devraient faire partie du système.
    J'y ai participé en Colombie-Britannique, et Mme Godin, au Québec, et d'autres parmi nous ont participé aux consultations provinciales. Au cours de ce processus de consultation, nous avons constaté que l'idée d'intégrer dans la LSJPA les principes de détermination de la peine des adultes n'était pas populaire.
    Évidemment, j'ai l'avantage supplémentaire d'avoir agi à titre de juge d'une cour provinciale pendant huit ans et d'avoir appliqué la LSJPA au Tribunal de la jeunesse. Nous appliquons les peines du Code criminel dans le cas de jeunes contrevenants, mais la façon de procéder est différente et c'est voulu; elle reflète les meilleures données que nous avons sur la situation cognitive et les circonstances du développement des adolescents.
    Par exemple, en ce qui a trait à la dissuasion, il n'y a pas suffisamment de preuves, le cas échéant, que c'est efficace pour les adolescents. Il y a des preuves en ce qui concerne les adultes — c'est différent —, mais pas en ce qui concerne les adolescents.
    Il est certain que les membres du conseil sont préoccupés par la transformation de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents en un système pour adultes; ce n'était pas censé se produire. Nous appuyons fortement l'idée de demander des comptes aux adolescents et de les rendre responsables de leurs actes et nous sommes en faveur de la réinsertion et de la réadaptation lorsqu'ils adoptent des comportements antisociaux, mais rien ne prouve à notre sens que les intégrer à un système destiné aux adultes fonctionnera.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Ménard. Vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Je voudrais d'abord poser une brève question à Mme Turpel-Lafond.
     J'ai cru comprendre que vous aviez été juge au Tribunal de la jeunesse pendant un certain temps. Est-ce exact?

[Traduction]

    Je suis en congé de la Cour provinciale de la Saskatchewan, et je représente les enfants et les adolescents en Colombie-Britannique; j’ai donc des fonctions que je reprendrai.

[Français]

    Je trouvais que vous sembliez bien jeune pour être à la retraite. Vous avez huit ans d'expérience, si j'ai bien compris. Vous avez travaillé uniquement dans le cadre de la loi actuelle?

[Traduction]

    Oui, j’ai agi à titre de juge dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants. J’ai été avocate à l’époque de la Loi sur les jeunes délinquants, et j’étais là lorsque la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a été adoptée en Saskatchewan et à l’échelle nationale. J’ai été témoin des changements qui ont été apportés par tous les différents systèmes.

[Français]

    Comme Mme Godin, vous avez tous participé aux audiences que le ministre de la Justice a tenues d'un bout à l'autre du Canada. Vous avez été informés des résultats et vous avez pu connaître la position des autres organismes. Or si quelque chose doit être amélioré, ce n'est pas la loi elle-même, mais les ressources. Elles n'ont pas été à la hauteur des espérances qui prévalaient quand la loi a été adoptée.
    Oui, tout à fait. D'ailleurs, ça fait partie des recommandations que nous faisons. En outre, un constat émane du rapport, de façon générale, à savoir que des phénomènes nouveaux, notamment des problèmes de santé mentale, sont en croissance. On en parle dans les recommandations. Ces problèmes nouveaux sont en pleine croissance. Ils nécessitent qu'on y porte attention, qu'on s'y attaque de façon concrète et qu'on leur consacre les ressources appropriées.
(1605)
    Certains des changements apportés à la loi concernent la publication du nom des jeunes contrevenants. Selon certaines personnes qui ont témoigné devant nous — et je vais me limiter à elles pour le moment, même si j'en connais bien d'autres qui sont du même avis —, les jeunes qui font partie de gangs considèrent apparemment la publication de leur nom dans les journaux comme un titre de gloire plutôt que comme un élément dissuasif. Est-ce que vous avez la même impression? Est-ce que ça a été aussi votre expérience?

[Traduction]

    Si la loi devait entrer en vigueur, je crois que la difficulté que posent les modifications proposées, c’est qu’elles reflètent une position très ambiguë quant au moment de publier les noms. Elles mèneraient à une procédure très prolongée.
    De plus, pour revenir encore une fois à la question des preuves, existe-t-il des preuves qui nous permettent d’affirmer que la publication du nom des adolescents réduirait le nombre d’infractions? Je crois que vous avez mis le doigt sur quelque chose. Nous avons parfois des groupes d’adolescents extrêmement vulnérables qui sont recrutés activement par des gangs ou d'autres groupes de ce genre. Nous voulons une approche très sociale, mais en fait, la révélation de leurs noms pourrait en faire des cibles pour adopter des comportements encore plus délinquants, si l’on veut. Le faire peut augmenter les risques de récidive, car ils agissent peut-être justement à cette fin. Ils ne s’y opposeront peut-être pas parce qu’ils souhaitent qu’on révèle leur nom, mais au bout de quelques années — supposons qu’ils ont 17 ans —, ils peuvent décider que c’était terrible et que leur situation a changé de façon permanente pour cette raison.
    Nous sommes donc très préoccupés par la publication des noms. Elle comporte des questions de protection des renseignements personnels très importantes. L’enfant peut consentir à ce qu’on publie son nom, mais il se peut qu’il ne comprenne pas les conséquences que cela aura sur sa vie, sa réadaptation et sa réinsertion.

[Français]

    Il arrive que des causes soient portées en appel. La publication des noms devrait-elle se faire à la toute fin des procédures, lorsqu'on connaît les résultats de l'appel et que le jugement est confirmé?

[Traduction]

    Encore une fois, je crois que tout dépend de l’objectif. Il semble que dans la version originale du projet de loi C-4, on établit en quelque sorte un lien entre la publication des noms et la dissuasion, c’est-à-dire que le fait de publier les noms dissuaderait les gens d’adopter un comportement délinquant. Je crois que le lien entre le moyen et le résultat est très ténu.
    À quoi sert-il de révéler les noms, alors? S’agit-il simplement de châtiment dans la société — de stigmatisation sociale à l’école, etc.? L’objectif n’est pas clairement établi dans le projet de loi. Nous ne savons pas si l’on a tenu suffisamment de consultations et d’analyses sérieuses sur l’idée pour appuyer la disposition en question.

[Français]

    L'argument des défenseurs des droits des victimes qui viennent témoigner devant nous est que la publication des noms permet aux gens de se protéger eux-mêmes. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Rien ne le prouve. Du côté des adultes, leurs noms sont habituellement publiés. Lorsque nous voyons leurs noms dans un journal, nous ne découpons pas l’article et ne l’accrochons pas sur le réfrigérateur en disant, « voilà les noms des individus pour lesquels nous devrions être prudents; ils ont commis un vol de voiture ». On s’attend à quelque chose qui n’existe pas en réalité.
    Je crois que l’enjeu central pour les défenseurs, c’est que les adolescents soient tenus responsables de leurs agissements — et qu’on mette l’accent sur la réadaptation, la réinsertion et le développement prosocial —, mais il est préférable, étant donné leur situation vulnérable, qu’ils soient tenus responsables de leurs actes dans le cadre d’un système axé uniquement sur leur développement.
    La publication de leurs noms, comme vous l’avez indiqué dans votre question, pourrait les amener à adopter un comportement encore plus délinquant. C’est notre crainte. Elle aurait pour effet d’accroître les comportements délinquants et de provoquer en quelque sorte une augmentation de leur reconnaissance publique plutôt que d’avoir un effet dissuasif ou d’informer le public.
(1610)

[Français]

    J'ai...

[Traduction]

    Monsieur, votre temps est écoulé.
    Nous passons à M. Comartin. Vous disposez de sept minutes.
    Madame Godin et madame Turpel-Lafond, trois procureurs sont assis derrière vous, et ils témoigneront durant la prochaine heure. Ils proposent des modifications qui vont dans le sens de l’idée de la Commission Nunn selon laquelle ce que nous devons vraiment faire, c’est sévir contre… probablement environ 5 p. 100 — pas plus que 10 p. 100 — des délinquants très dangereux.
    Ils ont fait des propositions lors de leur dernière comparution, il y a maintenant cinq mois. Je ne sais pas si vous avez examiné leurs documents — c’est ma première question — et si c’est le cas, voyez-vous une possibilité de sévir contre ce très faible nombre de délinquants qui commettent, comme ils le disent dans certains de leurs documents, jusqu’à 46 p. 100 des infractions graves?
    Tout d’abord, je n’ai pas examiné leurs documents en profondeur. Je comprends leur point de vue, les conclusions que la Commission Nunn a tirées, et nous nous sommes penchés sur un certain nombre d’affaires. Je crois surtout que la Commission Nunn était très persuasive lorsqu’elle a dit qu’il existe des systèmes pour les infractions violentes.
    Peu importe l’endroit où le nombre d’infractions violentes commises par des adolescents est élevé, ce que nous voyons, surtout en Colombie-Britannique, d’où je viens, ce sont des projets menés en collaboration avec les services de police qui visent à cibler les jeunes contrevenants récidivistes; dans ces cas, on applique la loi de façon plus rigoureuse, on fait de la surveillance communautaire et bien entendu, on comprend qui sont ces jeunes contrevenants, surtout les jeunes qui commettent des infractions en Colombie-Britannique. Ce sont souvent de jeunes adolescents qui ne vivent plus chez leurs parents; ce sont des enfants qui ont été pris en charge, qu’on a placés dans plusieurs familles d’accueil; certains n’ont pas de foyer stable; il peut s’agir d’enfants autochtones qui ont subi beaucoup de traumatismes ou de mauvais traitements au cours de leur vie.
    Nous constatons de grandes réussites pour ce qui est des projets dans lesquels les policiers font la promotion de la sécurité publique et procurent une meilleure stabilité pour les jeunes. Nous croyons qu’il existe un grand nombre d’outils dans la loi qui sont utilisés pour prévenir la criminalité.
    Pour ce qui est des recommandations très précises au sujet de la détention avant le procès, des discussions ont lieu quant à savoir si les modifications apportées à cette partie de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents sont acceptables, si l’on veut, et si elles sont appuyées par des preuves, par rapport aux autres éléments de la loi.
    Au conseil national, nous n’avons pas vraiment pris position sur la question. Je sais que certains des défenseurs… Dans mon mémoire, j’ai dit qu’à mon avis, ces principes comportent des avantages, mais que c’est l’optique générale qui nous préoccupe. Il y a des stratégies qui peuvent être mises en œuvre, mais dans l’ensemble, la stratégie plus vaste visant à ce que le système soit plus punitif et axé sur la dissuasion ne conviendra pas à la situation des contrevenants, selon nous.
    Permettez-moi de m’en tenir à la question de la détention avant le procès pour l’instant. Le juge Nunn a dit très clairement qu’il avait l’impression qu’on devait renforcer la loi actuelle pour cibler la faible proportion de récidivistes, les individus qui risquent clairement de commettre des actes de violence; est-il possible, selon vous, de modifier la loi pour cibler ce groupe en particulier au lieu de ratisser large comme le fait, à mon avis, ce projet de loi.
    Je crois certainement que les trois dispositions qui ressortent du projet de loi C-4 — celle sur « le principe de culpabilité morale moins élevée » de l'alinéa 3(1)b) proposé, celle sur la détention avant le procès du paragraphe 29(2) proposé, et celle sur le lieu de garde du paragraphe 76(2) proposé — sont ce que j'appellerais des précisions de l'intention et de l'approche initiale de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. On tire des leçons de l'expérience pratique dans des domaines pour lesquels il y avait des choses à améliorer et pour lesquels une modification était clairement justifiée.
    Ce qui préoccupe les défenseurs, c'est que toutes les autres choses qui ont été ajoutées à ces dispositions posent problème et que ces questions moins importantes sont occultées par des conséquences plus graves qui pourraient toucher les jeunes vulnérables et faire augmenter leur taux d'incarcération.
    C'est tout, monsieur le président. Merci.
    Merci, monsieur Comartin.
    Nous passons à M. Petit. Vous avez sept minutes.

[Français]

    Je vais partager le temps dont je dispose avec mon collègue. J'ai une question très brève soit pour Mme Godin, Mme Turpel-Lafond ou Mme Illingworth.
    Dans l'article 21, il est dit: « Aucun adolescent âgé de moins de dix-huit ans ne peut purger tout ou partie de sa peine dans un établissement correctionnel provincial pour adultes ou un pénitencier. »
    Madame Godin, est-ce que des jeunes au Québec ont été placés dans des pénitenciers ou des prisons pour adultes?
(1615)
    Excusez-moi. Vous demandez si, au Québec, des jeunes...
    ... ont été envoyés dans des prisons pour adultes.
    Assurément.
    À quel moment?
    Malheureusement, je n'ai pas les statistiques en ce qui concerne le Québec.
    Si je vous disais qu'il n'y en a pas eu, au Québec.
    Au Québec? Ah, peut-être pas. Non. Je n'ai pas les statistiques nationales pour cette province.
    D'accord.
    Je sais qu'il y en a eu dans certaines provinces, mais au Québec, peut-être pas.
    D'accord. Madame Turpel-Lafond, je sais qu'en Saskatchewan ou dans d'autres provinces, à peu près 10 personnes, surtout des Autochtones, ont été incarcérées durant une certaine période de temps dans une prison pour adultes parce qu'on manquait d'espace et de lieux physiques.
    Avez-vous d'autres exemples qui pourraient nous appuyer dans notre démarche en vue d'amender l'article 21 afin qu'aucun adolescent ne soit envoyé dans une prison pour adultes?
    Avez-vous d'autres chiffres que ceux que je possède? Selon mes données, dans les autres provinces, un maximum de 10 adolescents auraient été envoyés dans une prison pour adultes. Avez-vous d'autres cas à porter à notre connaissance?

[Traduction]

    Premièrement, dans le cadre de mon travail au tribunal, j’ai eu de nombreux cas pour lesquels on a demandé que le jeune purge le reste de sa sentence dans un établissement pour adultes parce que le centre pour jeunes était surpeuplé ou, parfois, parce que le jeune avait demandé d’être envoyé au pénitencier pour adultes, ce qui pourrait ne pas être une très bonne décision par rapport à son avenir.
     Ce genre de cas est moins fréquent en Colombie-Britannique, mais le problème, c’est que ce qui est considéré comme un lieu de garde pour les jeunes peut aussi être un lieu de garde pour les adultes. Prenons le cas d’Ashley Smith, par exemple. Il y aura bientôt une enquête sur son suicide. Je sais que lorsqu’elle était adolescente, elle a été placée plusieurs fois dans un établissement de détention pour adultes. De plus, relativement à la détention avant le procès, en milieu rural, les cellules de détention de la GRC sont utilisées tant pour les adultes que pour les jeunes.
     Pour ce qui est du fait qu’un jeune purge une peine d’emprisonnement dans un établissement pour adultes à la suite d’une décision du tribunal, cela se produit au Canada. Je ne pourrais pas dire qu’il y a seulement 10 cas. Je suis très au courant de plusieurs situations...

[Français]

     Permettez-moi de vous interrompre, madame Turpel-Lafond? Êtes-vous d'accord pour qu'aucun adolescent âgé de moins de 18 ans puisse purger sa peine dans une prison pour adultes? Appuyez-vous cet amendement?
    Madame Godin, êtes-vous d'accord sur cet amendement? Il s'agit de bien spécifier qu'au Canada, aucun adolescent ne sera placé dans une prison...?
    Oui, tout à fait.
    D'accord.
     Madame Turpel-Lafond, êtes-vous d'accord aussi?

[Traduction]

    Je pense que c'est un changement très louable. Il s'agit d'une de ces situations pour lesquelles nous pensons que les précisions sont très positives, parce que les pratiques diffèrent d'un lieu à l'autre. C'est un des aspects très précis pour lesquels nous sommes d'avis que ce sont des changements extrêmement précieux.

[Français]

    J'ai une dernière question pour Mme Godin ou Mme Turpel-Lafond. On a proposé des modifications qui: « [...] obligeraient la Couronne à envisager la possibilité de demander une peine applicable aux adultes à l’égard des adolescents qui sont déclarés coupables d’« infractions graves avec violence » comme le meurtre, la tentative de meurtre, l’homicide involontaire coupable ou l’agression sexuelle grave. »
     Êtes-vous d'accord sur cet amendement? Cela touche quatre crimes les plus graves inscrits au Code criminel. Êtes-vous d'accord pour que la Couronne puisse dorénavant demander aux juges de considérer l'imposition d'une peine plus lourde dans le cas d'un crime grave? Êtes-vous d'accord, madame Godin, sur cet amendement qui toucherait quatre crimes spécifiques?
    Oui.
    Madame Turpel-Lafond, êtes-vous d'accord aussi?

[Traduction]

    Je pense qu'il est important de rendre la loi conforme à la décision de la Cour suprême du Canada à ce sujet. J'ai cru comprendre qu'on a tiré des leçons de l'affaire R. c. D.B. afin de se conformer à cette décision.
    Je pense que les amendements proposés présentent des difficultés. Je suis préoccupée par l'accent qui est mis sur les sentences pour adultes et la question de savoir si cela s'adaptera aux circonstances, et je suis un peu préoccupée par la nouvelle définition de ce qui constitue une infraction grave avec violence et par ce que cela comprendra. Je ne manque certainement pas d'expertise dans ce domaine, et je pense qu'il faut réexaminer et réévaluer cet aspect plus minutieusement afin de déterminer comment cela va fonctionner. Je pense qu'il y a toujours là de quoi être préoccupé.

[Français]

    À ce sujet, j'ajouterai, si vous me le permettez, monsieur Petit...

[Traduction]

    Un moment. Je vais passer la parole à M. Dechert, parce qu'il a aussi une question.
    Vous avez deux minutes.
    Merci, mesdames, de vos exposés d'aujourd'hui.
    Madame Illingworth, je veux commencer par vous. Je voudrais d’abord vous féliciter et vous remercier — vous et votre organisme — du bon travail que vous faites pour aider les victimes d’actes criminels.
    Dans votre exposé, vous avez dit que votre organisme entend souvent des plaintes relativement à la LSJPA, particulièrement par rapport aux criminels violents. Je pense qu’il est important que nous, les parlementaires, écoutions les préoccupations et les commentaires des victimes. Nous entendons souvent les témoignages des défenseurs des délinquants, surtout au comité et ailleurs, mais nous entendons rarement ceux des victimes elles-mêmes. Pouvez-vous nous dire quelles sont les préoccupations des victimes d’actes criminels par rapport à la LSJPA?
(1620)
    Je répète ce que j’ai dit dans le mémoire: beaucoup de familles auxquelles nous avons affaire sont préoccupées par les jeunes ayant un long historique en matière de mesures extrajudiciaires ou de crimes antérieurs. Elles estiment qu’on les libère sous caution et qu’ils sont à peu près libres de faire ce qu’ils veulent, que la personne qui en est responsable — un parent ou quelqu’un d’autre — ne les surveille pas adéquatement. Nous avons aussi observé des cas de jeunes contrevenants en attente d’un procès qui harcellent les victimes et leur famille.
     L’interdiction de publication soulève des questions liées à la protection de la vie privée. L’identité de nombreuses familles dont un jeune membre est assassiné est également cachée ou interdite de publication dans les médias. Les membres de la famille ne sont pas autorisés à parler de ce jeune, à révéler des détails sur lui et sur ce qu’il voulait devenir, parce que l'affaire de la personne accusée, dont l’identité est protégée, est devant les tribunaux.
     Les familles que nous aidons nous font part de beaucoup de problèmes, dont certains sont décrits dans notre mémoire.
    Merci beaucoup.
    Merci.
     Je suis désolé, votre temps est écoulé.
     Nous avons le temps pour une série de questions de deux minutes et demie. Pourquoi ne pas commencer par Mme Jennings?

[Français]

    J'ai seulement une question, et s'il reste du temps, mon collègue Brian Murphy va l'utiliser.
    Nous avons reçu le professeur Jacques Dionne, la semaine dernière. Il a mentionné que le Québec est le seul endroit au Canada où une étude approfondie est menée sur les impacts réels, fondés sur des faits, de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Il a aussi dit que cette étude durerait deux ans.
    J'aimerais savoir si vous êtes au courant de cette étude financée par le gouvernement du Québec, et si vous avez des informations selon lesquelles d'autres provinces ou territoires au Canada voudraient entreprendre une telle étude.
    En effet, je suis au courant de cette recherche qui est sur le point de se réaliser au Québec. Le délai de deux ans me surprend un peu, mais en raison de la nature des travaux qu'elle nécessite, c'est probablement vraisemblable. Je crois aussi qu'un des grands défis qui se posent est d'obtenir des données qui viennent appuyer cette étude. Ça va être très intéressant de connaître les fruits de cette recherche.
     Alors oui, au Québec, c'est sur le point de se réaliser très prochainement.
    Dans les autres provinces, je ne sais pas, malheureusement, si ce type de recherche est mené.
    Merci.

[Traduction]

    C’est votre tour.
     Ma question s’adresse à tous les témoins. L’article 18 du projet de loi C-4 modifie l’article 72, et c’est lié aux peines pour adultes. Dans trois provinces, je crois, les procureurs ont proposé que la norme du « hors de tout doute raisonnable » ne devrait pas être incluse dans la loi, comme c’est le cas actuellement dans le projet de loi C-4, et qu’on ne devrait pas non plus tenir compte du contexte lié à la gravité de l’infraction et à la situation personnelle de l’adolescent, comme l’âge, la maturité et le caractère. Généralement, c'est ce que font les juges, mais ils aiment pouvoir s’appuyer sur la loi.
     Ce sont, en partie, des propositions qui paraissent tout à fait raisonnables. Les procureurs sont d’avis que ce sera édulcoré, mais les tribunaux n’auront rien pour s’appuyer. Que pensez-vous de cette proposition? J’espère l’avoir résumée adéquatement, de façon à vous permettre de faire un commentaire.
    Pour ce qui est de ces demandes, je pense qu’il y a certains problèmes liés aux exigences de la preuve. Cela a soulevé des questions.
    La question de la preuve nécessaire pour réfuter la présomption est importante. À ce sujet, je pense qu’il y a un aspect peu pratique qui conduirait à des problèmes récurrents sur le terrain. Voilà peut-être une autre bonne raison de prendre du recul et essayer d’adopter une approche plus exhaustive, approfondie et prudente par rapport à ces amendements, de sorte qu’on évitera les conflits prolongés sur la réfutation des présomptions, entre autres, dans les cas où le projet de loi n’est pas très clair.
(1625)
    Merci.
     Nous passons à M. Lemay.

[Français]

    Non, je préfère laisser mon confrère poser des questions.

[Traduction]

    Monsieur Ménard, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

    Madame Illingworth, je serais curieux de savoir, puisque vous vous occupez beaucoup des victimes, si vous croyez que la réhabilitation des jeunes est incompatible avec ce que désirent les victimes.

[Traduction]

    Non, je ne crois pas, pas du tout. Les victimes reconnaissent certainement que la plupart des enfants ou des adolescents qui ont affaire au système de justice pénale pour adolescents n’ont pas commis de crimes graves avec violence. Il s’agit seulement d’une minorité, et même les victimes, que ce soit par des jeunes contrevenants ou des délinquants adultes, ne veulent pas que cette personne récidive. C’est ce que nous disent le plus souvent les survivants. Ils ne veulent pas que d’autres subissent ce qu’ils ont subi; donc, la réadaptation est un sujet très important pour les victimes et les survivants, tout comme la réinsertion sociale, car ils savent que la plupart des délinquants retourneront dans la société un jour.

[Français]

    Une loi qui se traduit par la diminution de la criminalité juvénile est une bonne chose pour les victimes. N'est-ce pas?

[Traduction]

    Oui, tout à fait.

[Français]

    Votre recommandation no 4 — qui est assez longue à lire mais, évidemment, vous la connaissez — parle essentiellement du besoin d'une politique plurigouvernementale qui s'étende partout au Canada. Y a-t-il actuellement un indice, quel qu'il soit, qui révèle qu'une pareille stratégie est en élaboration?

[Traduction]

    Relativement à ce qui a été proposé, c’est-à-dire de mieux coordonner le système pour les jeunes souffrant de maladie mentale et de troubles du comportement et du développement, nous en voyons des exemples dans certaines provinces et territoires, souvent à un seul endroit, comme dans une ville. On ne voit pas cela à l'échelle nationale. Il y a un manque de clarté.
     Par exemple, j’étudie actuellement le cas d’un adolescent autiste qui a eu un épisode psychotique très grave. C’est dans ce contexte que son père a été tué. Il a été jugé non criminellement responsable de cet acte en raison d’un trouble mental très important. Il était allé à l’hôpital, mais son cas n’a pas été déclaré, comme le stipule la loi provinciale, et il n’a pas été interné. Les parents avaient très peur de le laisser dans un établissement psychiatrique pour adultes, qui hébergeait surtout des adultes de la rue. C’était une personne très vulnérable; ils l’ont ramené à la maison, et son père a été assassiné, malheureusement. Il a été complètement stabilisé et il est de retour dans la collectivité; il vit avec les affreuses conséquences de ce qui s’est passé.
    Cela aurait-il pu être évité? Je ne le sais pas, mais la question est la suivante: qu’en est-il des mesures d’aide pour un adolescent qui a une déficience développementale et un problème de santé mentale? Dans la prévention du crime, avons-nous une approche cohérente et adéquate en matière de soutien en santé mentale pour les enfants ayant un diagnostic mixte et les enfants ayant des besoins spéciaux? Aussi, dans notre mémoire, nous parlons de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation foetale. Nous constatons donc qu’il n’y a pas de normes et de stratégies nationales efficaces. Nous voyons un ensemble de mesures disparates...
    Merci...
    Nous pensons qu’il reste beaucoup de travail à faire.
    Nous passons à M. Dechert, pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
     Mesdames, plus tôt aujourd’hui, nous avons eu quelques discussions sur le rapport du juge Merlin Nunn. Je suis certain que vous l’avez toutes lu. Dans le rapport, il a conclu qu'il est nécessaire de faire de la sécurité publique un des objectifs ou des principes de la Loi sur la justice pénale pour les adolescents si l’on veut améliorer le traitement des jeunes contrevenants violents et récidivistes.
     Pourrais-je avoir vos commentaires sur la déclaration du juge Nunn ? Pouvez-vous me dire si votre organisme est d’accord avec cette affirmation? J’aimerais avoir le point de vue de chacun des organismes. Commençons par Mme Illingworth.
     Pourrait-on commencer par Mme Illingworth, suivie de Mme Turpel-Lafond?
(1630)
    Nous sommes d’accord avec l’énoncé. Je pense l’avoir souligné dans notre exposé cet après-midi.
     Nous pensons que la sécurité publique doit être le facteur sous-jacent le plus important du projet de loi et par la suite. Il faut en faire le facteur fondamental.
    D’accord. Merci.
     Madame Turpel-Lafond, voudriez-vous commenter?
    Je pense qu’il est important de situer les commentaires du juge Nunn dans un contexte global. Bien qu’il ait déterminé des domaines qui doivent être améliorés, il a également conclu qu’en grande partie, la loi fonctionne. Il était très préoccupé par l’augmentation du taux d’incarcération des jeunes vulnérables.
    Je pense que dans son mémoire au comité, M. Richard, le défenseur du Nouveau-Brunswick, a fait état du problème qui préoccupe sans aucun doute les défenseurs. On n’a pas proposé la modification en profondeur de la loi, mais on abordait des questions précises, comme celle de la détention avant le procès, par exemple.
    Puis-je vous poser une question précise?
     À l’alinéa 3(1)a) du projet de loi C-4, la disposition ajoute les mots « protéger le public ». On y lit: « le système de justice pénale pour adolescents vise à protéger le public ».
     Êtes-vous d’accord avec cette affirmation? Est-ce un amendement qui vous aide? La modification découle-t-elle des commentaires du juge Nunn?
    Je pense que oui. Dans les mesures législatives de ce genre, je pense que la sécurité du public est toujours un facteur très important de l’équation.
    Merci beaucoup.
     Merci, monsieur le président.
    Merci.
     Je remercie nos trois témoins d'avoir comparu. Votre témoignage est utile à notre examen du projet de loi C-4.
    Je vais vous permettre de quitter.
     Chers collègues, avant de suspendre la séance pendant quelques minutes, pourriez-vous examiner le neuvième rapport du comité de direction?
     Nous nous sommes réunis plus tôt aujourd’hui et, pour l’essentiel, nous avons convenu d’ajouter deux jours à l’examen du projet de loi C-4 pour nous permettre d’entendre plus de témoins, les 21 et 23 mars. Le 28 mars, nous pourrons nous occuper du rapport préliminaire sur le crime organisé pour voir si nous pouvons faire avancer les choses dans ce dossier. Le 30 mars, nous pourrions provisoirement mettre l’étude article par article du projet de loi C-4 à l’ordre du jour; cela comprend tous les amendements que vous aurez certainement préparés pour nous.
     Vous avez eu l’occasion de le lire. Y a-t-il des commentaires?
     Quelqu’un veut-il en proposer l’adoption?
     M. Ménard en fait la proposition.
     (La motion est adoptée.)
     Le président:Je vous remercie.
     Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes.
(1630)

(1635)
    Nous reprenons. Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-4.
    Nous accueillons de nouveau des représentants des gouvernements de l’Alberta, du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse.
     De l’Alberta, nous accueillions Joshua Hawkes, directeur de la politique, Section des appels, éducation et politiques, ministère de la Justice et du Procureur général. Du gouvernement du Manitoba, nous entendrons David Greening, directeur administratif, Élaboration et analyse des politiques, ministère de la Justice. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse est représenté par Ronald MacDonald, premier avocat-conseil de la Couronne et conseiller politique de droit pénal, Politique, planification et recherche, ministère de la Justice.
     Messieurs, nous vous avons demandé de revenir parce que depuis votre dernière comparution devant le comité, nous avons entretenu une correspondance continue avec vous. Vous avez proposé des modifications au projet de loi. Nous aimerions entendre ce que vous avez à dire. Nous allons tous vous donner l’occasion de parler, puis nous passerons aux questions des députés.
    Allez-y, monsieur Hawkes.
    Nous pouvons commencer par M. MacDonald, si cela vous convient.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie, une fois de plus, de nous donner l’occasion d’expliquer nos préoccupations au sujet du projet de loi C-4.
     Le comité a accès à la transcription de notre comparution antérieure. Je vais évoquer nos inquiétudes à propos de certaines dispositions du projet de loi C-4. Elles ont trait aux dispositions relatives à la détention avant le procès et à des lacunes dans la définition du placement sous garde différé et dans le critère d’imposition d’une peine applicable aux adultes.
     Comme je l’ai fait la dernière fois, je rappelle au comité que nous appuyons en général les orientations politiques du gouvernement que le ministre Nicholson a énoncées au Parlement. Toutefois, à notre avis, le libellé de la mesure législative crée les problèmes que nous soulevons. Je vais aborder la question de la détention avant le procès. M. Hawkes traitera de la question des peines applicables aux adultes, et M. Greening, de celle du placement sous garde différé.
     En ce qui concerne la question de la détention avant le procès, je vous rappelle que, dans son rapport, le juge Nunn ne préconise pas d’apporter à la loi des changements généraux qui permettraient d’incarcérer les adolescents plus fréquemment. Pas plus que la Nouvelle-Écosse ne le fait aujourd’hui. En revanche, notre mémoire souligne le fait que, parfois, certains adolescents sont incontrôlables et que les tribunaux doivent, par conséquent, disposer des outils convenables pour protéger le public et venir en aide aux adolescents. C’est peut-être malheureux, mais ces outils doivent parfois comprendre la capacité pratique de placer les adolescents en détention tant avant le procès — surtout avant celui-ci — qu’après celui-ci, en fonction des diverses infractions et circonstances.
     En résumé, bien qu’en principe, il soit correct de dire que nous ne tenons pas à incarcérer un nombre d’adolescents plus grand qu’il le faut, cela ne veut pas dire que le système devrait être assujetti à des restrictions qui entravent en fait la détention lorsque nous estimons qu’elle pourrait bien être nécessaire.
     Après notre comparution du 17 juin dernier, pour donner suite à la demande de votre comité, on nous a demandé de rédiger un texte de loi qui, à notre avis, résoudrait les problèmes que nous avions signalés. Par conséquent, nous avons présenté un mémoire complémentaire et un tableau qui expose les grandes lignes de ce texte de loi.
     Je tiens à vous rappeler brièvement que, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-4 prévoit d’apporter des changements à l’article 29 qui permettront de placer plus souvent en détention les adolescents avant leur procès lorsque leurs infractions sont passibles d’une peine applicable aux adultes de plus de cinq ans. Par contre, comme nous l’avons mentionné la dernière fois, l’article interdit la détention avant le procès pour des infractions qui entraîneraient une peine applicable aux adultes de moins de cinq ans.
     Mon collègue, M. Greening, qualifie le libellé de dispositions de « mise en liberté d’office », et je vous ferais observer que sa caractérisation est pertinente. Si le libellé n’est pas modifié, nous craignons énormément que cela crée une situation qui permettra aux adolescents de commettre des infractions à répétition sans qu’on puisse les détenir avant leur procès pour les empêcher de récidiver et protéger ainsi le public. En d’autres termes, le projet de loi ne préserve pas le pouvoir discrétionnaire dont les juges doivent jouir pour placer en détention un jeune récidiviste dont le comportement criminel met la population en danger ou qui se montre non disposé ou inapte à respecter les conditions qu’il doit remplir en attendant son procès.
     Par conséquent, nous avons présenté les modifications que nous suggérions et que vous trouverez… J’espère que vous avez en main le tableau des changements. Je vais maintenant les passer en revue. La formulation que nous suggérons ici préserve ce pouvoir discrétionnaire tout en prenant acte du fait que la Couronne doit assumer un fardeau supplémentaire lorsqu’elle demande la détention pour des infractions n’entrant pas dans la définition d’« infraction grave ».
     Sur le côté gauche du tableau, nous avons inscrit le libellé actuel du projet de loi C-4 et, sur le côté droit, la formulation que nous suggérons. J’ai déjà énoncé nos préoccupations au sujet du libellé actuel. Il permet de placer plus souvent les adolescents en détention avant leur procès lorsque leurs infractions sont graves et interdit la détention avant le procès dans les cas d’infractions moins graves.
     Premièrement, nous suggérons de maintenir le lien qui existe entre l’article 29 et l’article 515 du Code criminel. Ainsi, les tribunaux et ses praticiens seront déjà au courant du régime. Autrement dit, les enquêtes sur le cautionnement seront toujours structurées de la même manière. Hormis cela, nous soutenons que le critère à remplir pour détenir des adolescents qui ont commis des infractions moins graves devrait être plus rigoureux. Par conséquent, comme il est indiqué dans le tableau, nous suggérons que le paragraphe 29(2) soit formulé comme suit: « Le juge du tribunal pour adolescents ou le juge de paix présume que la détention de l’adolescent n’est pas nécessaire… au titre de l’alinéa 515(10)b)... à moins que l’infraction soit: a) une infraction grave… »
     Cela signifie que les infractions graves ne seront pas assujetties à une présomption contraire à la détention mais, bien entendu, les tribunaux seront toujours tenus d’appliquer tous les critères qui doivent actuellement être remplis pour placer des adolescents en détention avant leur procès.
(1640)
    On ne détient pas quelqu’un à moins que la Couronne se soit acquittée du fardeau de convaincre le tribunal que la détention est nécessaire, compte tenu des divers critères actuellement prévus par l’article 515 qui sont invoqués dans la jurisprudence pertinente.
     Cependant, en ce qui concerne les infractions moins graves, nous suggérons que la détention continue, à moins que — et c’est le moment de consulter l’alinéa 29(2)b) du libellé que nous proposons, lequel porte sur l’infraction « commise dans des circonstances » et sur le « comportement antérieur de l’adolescent ».
     Cela permettrait au tribunal de prendre en considération non seulement leur casier judiciaire, mais peut-être aussi des infractions perpétrées antérieurement pour lesquelles ils n’ont pas été reconnus coupables, et le juge Nunn a précisément fait allusion à cela. Si l’infraction est moins grave, ces circonstances et ce comportement devraient attester « selon la prépondérance des probabilités » — en d’autres termes, il faudrait que la Couronne démontre — que l’adolescent est incontrôlable et « récidiviste » ou qu’il « constitue une menace pour la population » — ce qui est logique, à mon sens — ou qu’il « s’est montré non disposé ou inapte à respecter les conditions propices à une bonne conduite. »
     Autrement dit, ils ont commis de nombreuses infractions, vous les avez libérés sous conditions, et ils n’ont pas voulu ou pu respecter ces conditions qui visaient à leur éviter les ennuis et à protéger la société. Essentiellement, ces articles ont deux objectifs.
     Premièrement, à notre avis, ils sont représentatifs des décisions rendues par les tribunaux qui ont interprété la présomption contraire à la détention actuellement prévue par les dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents; nous avons étudié cette jurisprudence et l’avons codifiée au profit des tribunaux. Deuxièmement, ils définissent essentiellement les adolescents incontrôlables qui commettent des infractions moins graves.
     Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Si un jeune commet un vol de moins de 5 000 $ pour la première fois et que c’est tout ce qu’il a fait, le critère ne sera pas rempli. La présomption contraire à la détention s’appliquera, et il y a lieu d’espérer qu’il ne sera pas détenu.
     Supposons qu’il commet ensuite quelques vols à l’étalage de plus ici et là ou qu’il vole une voiture d’une valeur de quelques milliers de dollars seulement, mais qu’il ne cause aucun dommage supplémentaire. S’agit-il, encore une fois, d’un récidiviste? C’est au tribunal qu’il incombera de déterminer si ce niveau a été atteint. Représente-t-il une menace? C’est encore au tribunal qu’il incombera de le déterminer. S’est-il montré non disposé ou inapte? Encore une fois, cette détermination incombera au tribunal.
     À mon avis, notre formulation tente de bien illustrer notre désir de préserver la présomption contraire à la détention, sauf si le comportement de l’adolescent démontre qu’il est essentiellement incontrôlable et que le tribunal n’a aucun autre choix que celui de le placer en détention.
     Donc, tout comme aujourd’hui, la présomption contraire à la détention serait valide. Les tribunaux disposeraient de directives claires et auraient le pouvoir de placer en détention les adolescents incontrôlables qui commettent ce genre d’infractions à répétition, infractions qui, comme nous l’avons malheureusement observé, les conduisent à perpétrer des actes criminels plus graves. De plus, les dispositions actuelles de la loi qui stipulent que les infractions graves ne sont pas assujetties à cette présomption demeureraient en vigueur.
     Voilà la formulation que nous suggérons. Ainsi, la Couronne aurait plus de difficulté à placer en détention les adolescents ayant commis ces infractions, mais elle aurait toujours la possibilité de le faire alors que les dispositions actuelles ne le permettent pas.
     Voilà mes observations au sujet de la détention avant le procès
(1645)
    Merci.
     Nous allons maintenant passer à M. Hawkes.
    Les dispositions dont je vais vous entretenir sont celles ayant trait à la capacité d’imposer une peine applicable aux adultes. Pendant la période dont je dispose pour résumer nos deux mémoires et pour expliquer la position que nous adoptons dans notre mémoire complémentaire, voici ce que j’aimerais vous communiquer.
     Il est clair que la capacité d’imposer aux adolescents une peine applicable aux adultes fait partie intégrante de notre système de justice pour la jeunesse. On se sert de ces dispositions de manière exceptionnelle et parcimonieuse, mais elles s’inscrivent dans le cadre de la justice pénale du Canada et de la justice pénale pour les adolescents depuis 1908. On les retrouve dans pratiquement tous les autres systèmes internationaux conçus pour exercer la justice pénale auprès des adolescents. Il est indispensable qu’elles continuent d’exister et de fonctionner de manière satisfaisante.
     Le projet de loi dont vous êtes saisi est problématique parce que son article 18 supprime en fait cette capacité. Lorsque nous avons examiné les lois des pays du Commonwealth et des États des États-Unis, nous n’avons trouvé aucune disposition indiquant que la norme de preuve applicable à l’imposition d’une peine applicable aux adultes était celle de la preuve hors de tout doute raisonnable. C’est ainsi parce que la nature des facteurs à prendre en considération exige vraiment leur conciliation, c’est-à-dire une procédure qui n’est pas susceptible d’être assujettie à une telle norme de preuve.
     On analyse la maturité de l’adolescent, son développement, ses antécédents, son passé et la nature de l’infraction — à savoir si elle atteint le degré de gravité requis —, et l’on détermine si les peines imposables en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents sont assez longues pour amener le jeune à assumer ses responsabilités et pour lui donner la meilleure chance de se réadapter. Il est tout simplement impossible de prouver ces faits hors de tout doute raisonnable.
     Dans l’ancienne Loi sur les jeunes contrevenants, la Cour suprême du Canada a reconnu explicitement cette conclusion et a déclaré que ces faits n’étaient pas susceptibles d’être assujettis à une telle norme de preuve. Après l’adoption de cette loi, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que c’était en fait le cas.
     Vous avez entendu des témoins déclarer que l’article 18 était une tentative pour codifier ce que la Cour suprême du Canada avait exigé dans l’affaire R. c. D.B. Avec respect, nous estimons que l’article 18 va trop loin, que l’arrêt D.B. exige en fait que le fardeau de la preuve incombe à la Couronne et qu’il stipule également que la Couronne est tenue de prouver les circonstances aggravantes. La jurisprudence en fait déjà état en raison des dispositions du Code criminel applicables aux adultes, qui sont bien comprises. Bien que ces principes n’aient pas encore été codifiés dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ils sont reconnus comme des principes constitutionnels.
     Par exemple, selon la jurisprudence actuelle, si je cherchais à imposer à un adolescent une peine applicable aux adultes et qu’une des circonstances aggravantes sur lesquelles je m’appuyais était le fait que l’inculpé avait tenté de taillader le visage de la victime avec un couteau, ce qu’il niait — et ces circonstances sont tirées d’une décision publiée —, en tant qu’avocat de la Couronne, je serais tenu de prouver hors de tout doute raisonnable que ce fait s’était produit. C’est ainsi que la loi fonctionne aujourd’hui, et c’est tout à fait approprié. Il n’est pas nécessaire de codifier ce principe ou d’apporter des modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour que ce principe soit respecté, pas plus que cela l’était quand, dans une autre circonstance, un désaccord est survenu lorsqu’il a fallu établir si le délinquant était âgé d’au moins 14 ans au moment de l’infraction. Cette conclusion de fait est, bien entendu, celle qui permet d’obtenir l’imposition d’une peine applicable aux adultes. Si les délinquants sont âgés de moins de 14 ans, cette option n’est pas disponible. Par conséquent, la Couronne a été tenue de présenter une preuve formelle à cet égard. Il nous a fallu prouver hors de tout doute raisonnable l’âge de l’adolescent au moment de l’infraction. C’est de bonne guerre puisque ces faits sont susceptibles d’être assujettis à cette norme de preuve directe. Ce fardeau nous a toujours incombé, et nous sommes toujours disposés à le porter.
(1650)
    Pour mettre en contexte la question des peines applicables aux adultes, ce qui, de manière réaliste, nous intéresse en elles n’est pas la durée de leur incarcération. Cela s’explique parce que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents prévoit des peines maximales d’emprisonnement assez semblables aux périodes d’incarcération prévues par le Code criminel avant l'admissibilité à la libération conditionnelle. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents prescrit des peines maximales de 10 ou 7 ans, qui comprennent respectivement six années de détention suivies de quatre années de surveillance communautaire ou quatre années de détention suivies de trois années de surveillance communautaire.
     Dans le Code criminel, l’article 745.1 stipule que la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle qui s’applique aux délinquants de moins de 16 ans varie de cinq à sept ans — et le tribunal choisit une durée dans cet intervalle —, alors que, pour les meurtres au premier degré, cette période s’élève à 10 ans pour une personne âgée de plus de 16 ans et à sept ans pour une personne âgée de moins de 16 ans.
     L’autre disposition du code qui importe est l’article 746 qui indique que cette période commence à la date où le délinquant est incarcéré. Donc, la détention avant le procès fait partie de la peine. Par conséquent, quand la peine applicable aux adultes prend fin, ce qui nous intéresse vraiment, c’est la période de supervision à laquelle les délinquants sont assujettis pendant leur libération conditionnelle. Si l’on condamne le délinquant à une peine applicable aux adultes, il sera supervisé pendant toute sa vie. Voilà ce à quoi nous faisons allusion, à savoir si cette supervision et ce soutien sont nécessaires tant pour protéger la population que pour assurer la réadaptation du délinquant. Dans les rares circonstances où l’imposition d’une peine applicable aux adultes est appropriée, nous estimons qu’il est nécessaire d’accorder ce genre de protection pendant cette période, et je vous ferais observer qu’aucun des témoins que vous avez entendus n’a dit le contraire. Pendant mon examen de tous les témoignages présentés devant le comité, j’ai remarqué que personne n’avait déclaré que les dispositions des peines applicables aux adultes ne fonctionnaient pas, ou qu’elles étaient en quelque sorte trop lourdes ou trop légères. À mon avis, elles atteignent le juste équilibre.
     Malheureusement, le projet de loi modifie radicalement cet équilibre, alors que notre formulation tente de préserver celui qui existe aujourd’hui, en accordant aux tribunaux le droit d’examiner tous les facteurs contextuels et les circonstances avant de déterminer si une peine applicable aux adultes est appropriée. La formulation que nous suggérons diffère du libellé actuel du projet de loi parce que nous y intégrons tous les facteurs contextuels que le projet de loi supprime et que nous éliminons la référence à la preuve hors de tout doute raisonnable. Voilà essentiellement les changements que nous proposons et les raisons pour lesquelles nous les proposons.
     Merci beaucoup.
(1655)
    Merci.
    Passons à M. Greening.
    Je vais vous parler du placement sous garde différé.
    Pour nous mettre en contexte, l'alinéa 42(5)a) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents dicte qu'un adolescent peut être placé sous garde différée s'il est déclaré coupable d'une « infraction autre qu'une infraction grave avec violence ». L'alinéa 42(2)p) dicte que ces peines ne peuvent pas être imposées pour une durée supérieure à six mois. En gros, les placements sous garde différés sont l'équivalent des peines d'emprisonnement avec sursis prévues dans le Code criminel pour les adultes et qu'on appelle souvent l'assignation à résidence dans les médias.
    Le problème que nous y voyons, c'est qu'actuellement, la définition de sévices graves à la personne met l'accent sur les circonstances de l'infraction et s'applique aux contrevenants qui causent ou essaient de causer des sévices graves à la personne. À notre avis, cette disposition est fondée, puisque le placement sous garde différé permet au jeune (si la gravité de l'infraction le permet) de purger sa peine à domicile plutôt que d'être emprisonné et que la peine ne peut alors pas excéder six mois. Ce n'est pas une peine conçue pour les infractions graves et violentes.
    Ce qui nous préoccupe, c'est que la modification de la définition « d'infraction grave avec violence » semble avoir une conséquence involontaire sur les dispositions régissant les peines pour adultes qu'on trouve dans les modifications présentées dans le projet de loi C-4. Selon la nouvelle définition énoncée à la subdivision (2) du projet de loi C-4, les peines de placement sous garde pourraient s'appliquer à toutes les infractions sauf le meurtre, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire et l'agression sexuelle grave.
    Cela rend ces peines applicables à tout un éventail d'infractions auxquelles elles ne s'appliquent pas en ce moment. En gros, un jeune pourrait purger sa peine à domicile, pour un maximum de six mois seulement, pour des infractions aussi graves que voies de fait graves, voies de fait causant des lésions corporelles, négligence criminelle causant la mort ou des lésions corporelles ou encore conduite dangereuse ou conduite avec les facultés affaiblies causant la mort ou des lésions corporelles. Il y a vraiment de quoi s'inquiéter que des peines aussi courtes puissent s'appliquer à des infractions aussi graves.
    De plus, nous constatons que cela semble absolument contraire aux objectifs stratégiques déclarés du gouvernement, à savoir de resserrer les dispositions de détermination des peines prévues dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et de réduire les obstacles à la détention pour les jeunes contrevenants violents et récidivistes. C'est également contraire à la politique qui sous-tend le projet de loi C-16, actuellement soumis au Parlement et qui est conçu pour supprimer les peines avec sursis de l'éventail des peines applicables aux adultes qui commettent des infractions graves.
    À notre avis, il n'est pas justifié de rendre l'équivalent des peines avec sursis prévues dans la LSJPA accessible pour les infractions graves avec violence qui sont actuellement exclues. Cette mesure va compromettre la sécurité publique et entraver la confiance du public envers le système de justice. Nous croyons qu'il y a lieu de modifier le projet de loi C-4 afin que les ordonnances différées de placement sous garde ne puissent toujours pas s'appliquer aux jeunes qui causent ou tentent de causer des lésions corporelles graves.
    Pour ce qui est des modifications que nous proposons d'apporter aux dispositions du projet de loi C-4, elles sont très simples et reflètent notre point de vue qu'il s'agit là d'un effet involontaire. En gros, tout ce que nous proposons, c'est d'incorporer à l'alinéa 42(5)a) la définition actuelle d'infraction grave avec violence plutôt que d'accepter la définition d'infraction grave avec violence proposée dans le projet de loi C-4, ce qui garantira que ces peines resteront inapplicables aux jeunes qui commettent une infraction causant ou visant à causer des lésions corporelles graves.
    La modification que nous proposons est présentée dans le tableau. Vous pouvez voir la comparaison entre les deux versions. C'est un changement tout simple, mais à notre avis, il serait important pour éviter un effet involontaire qui aurait des conséquences graves et pourrait miner la confiance du public envers le système de justice pénale.
(1700)
    Pour conclure, je n'ai vu aucun argument ni preuve qu'il faudrait limiter l'interdiction applicable aux peines à la portée très étroite qu'on trouve dans la définition proposée d'« infraction grave avec violence ».
    Bref, nous semblons bien devant une conséquence involontaire. Un changement tout simple au projet de loi pourrait corriger le problème. Nous demandons au comité d'envisager très sérieusement de l'apporter.
    Merci. C'est très utile.
    Allez-y, madame Jennings.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie infiniment de vos exposés d'aujourd'hui et de comparaître devant le comité.
    Je constate d'après les mémoires que vous avez préparés conjointement que vous semblez très au courant de la commission d'enquête du juge Nunn, de son rapport et des recommandations qu'il a faites concernant la LSJPA. Il est également très clair que vous avez analysé attentivement le projet de loi C-4.
    Vous avez remarqué que certains articles semblent avoir des conséquences involontaires et vous proposez des modifications pour les corriger. Il y a aussi d'autres modifications proposées dans le projet de loi C-4 que vous ne semblez pas juger nécessaires. Prenons par exemple les peines pour adultes. Il semble y avoir un réel problème dans les dispositions du projet de loi C-4, parce qu'elles obligeraient la Couronne à prouver sa position « hors de tout doute raisonnable », alors qu'une lecture complète et une bonne compréhension de la jurisprudence sur la question montrent que cela aggrave clairement les circonstances, comme vous venez de le mentionner.
    Y a-t-il des amendements que nous pourrions apporter au projet de loi C-4 pour remédier à toutes les conséquences involontaires qui ne devraient pas avoir lieu selon vous parce qu'elles ne seraient pas bénéfiques au système de justice pénale pour les adolescents? Est-ce que les articles du projet de loi C-4 qui vous semblent inadéquats seraient récupérables grâce aux modifications que vous proposez? C'est ma première question.
    Ensuite, le gouvernement fédéral — ou devrais-je dire le gouvernement Harper — n'a commandé aucune étude sérieuse à notre connaissance, en collaboration avec les gouvernements provinciaux, sur les incidences concrètes de la LSJPA dans les provinces et les territoires afin de recueillir des données empiriques, des preuves factuelles de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Croyez-vous qu'il aurait été préférable d'attendre les résultats de telles études et de l'examen quinquennal du projet de loi avant d'adopter ces modifications?
    Si vous me dites que c'est une question politique et que vous n'êtes pas à l'aise d'y répondre, je vais comprendre totalement.
    Vous avez bien prévu ma réponse à votre deuxième question. Je ne suis que procureur et j'essaie de rester en dehors du débat politique. Cependant, je souligne que les ministres de la Justice fédéral, provinciaux et territoriaux ont signalé les problèmes que posaient les aspects de la LSJPA abordés dans ce projet de loi en 2007, en 2008 et en 2009. Les ministres de la Justice ont donc déjà souligné les problèmes que posait la loi à quelques reprises.
    Pour répondre à votre première question, je pense qu'il serait possible de modifier la loi afin de respecter les objectifs stratégiques déclarés. Sans vouloir manquer de modestie, je pense que nous réussirions à le faire avec les modifications que nous venons de vous soumettre.
    En toute déférence, concernant les difficultés que posent les dispositions sur les peines pour adultes, c'est presque comme si le gouvernement avait proposé ces modifications immédiatement après la décision de la Cour suprême dans l'affaire D.B., sans avoir pris le temps d'analyser la jurisprudence qui a suivi. Si l'arrêt D.B. ne datait que de cinq minutes, je pourrais comprendre cette interprétation, mais plusieurs années se sont écoulées depuis. Plusieurs cours d'appel se sont prononcées. La Cour suprême du Canada a refusé à deux reprises d'accorder une autorisation d'appel dans des affaires où les cours d'appel avaient déterminé que la norme de preuve demeurait la même. Dans ce contexte, l'article 18 est tout simplement erroné à la lumière de la jurisprudence récente.
(1705)
    Je pense que nous sommes tous d'accord sur la réponse à la première question, soit qu'ils sont récupérables, modifiables.
    Pour répondre à la deuxième, je suis à peu près du même avis que mon ami, sauf que je dirais que la commission Nunn, qui n'équivaut sans doute pas à une étude empirique sur le terrain, a indéniablement mené une étude extrêmement détaillée. J'ai donné le nombre de témoins qui ont comparu dans ma déclaration de juin, et bon nombre des éléments qui se trouvent dans la loi découlent de l'enquête Nunn. En ce sens, on peut donc dire qu'il y a eu une étude très détaillée.
    Je n'ajouterais qu'une chose à cette réponse du point de vue du Manitoba. En 2007, le Manitoba a organisé une délégation non partisane que nous avons appelée « mission à Ottawa ». Cette délégation a non seulement rencontré le premier ministre et le ministre de la Justice d'alors, mais également les chefs des deux partis d'opposition et des représentants des administrations municipales, des chefs de police, des citoyens mobilisés, afin de défendre ce type de réforme de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Je suis au courant. En 2007, j'étais porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice. J'ai fait quelques déclarations publiques, à la Chambre comme à l'extérieur, afin de demander à ce gouvernement d'agir rapidement pour mettre en oeuvre les recommandations de la commission d'enquête du juge Nunn. En fait, je me suis assurée que le résumé de ses conclusions soit traduit en français pour que l'Association du Barreau du Québec puisse en prendre connaissance. Ses représentants ont ensuite écrit au ministre de la Justice pour la première fois en 2008, quand ce projet de loi a été présenté pour la première fois, et ont fait parvenir leurs commentaires par lettre au juge Nunn. Je suis au courant.
    Nous n'avons plus de temps.
    Je suis désolée.
    Nous allons donner la parole à M. Lemay pour sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais tenter d'être précis.
    Monsieur MacDonald, votre proposition de modification du paragraphe 29 m'apparaissait sensée jusqu'à ce que je lise des passages où il est question d'une infraction grave ou commise dans des circonstances, compte tenu, etc. Vous dites aussi « [...] est récidiviste; [...] constitue une menace pour la population, notamment [...] s'est montré non disposé ou inapte à respecter les conditions propices à une bonne conduite dans la collectivité. »
    Qui va définir ça? Pour ce qui est de définir un récidiviste, ça ne pose pas de problèmes. Pour ce qui est de définir quelqu'un qui « [...] constitue une menace pour la population, notamment pour les victimes ou les témoins de l'infraction [...] », ça va. Cependant, quelqu'un qui « [...] s'est montré non disposé ou inapte [...] » peut être un handicapé mental. Je ne sais pas comment vous-même définissez ça.
    J'aimerais vous entendre au sujet de la mention: « [...] s'est montré non disposé ou inapte à respecter les conditions propices à une bonne conduite dans la collectivité. »
    Me comprenez-vous, monsieur MacDonald?
(1710)

[Traduction]

    Vous dites que selon l'alinéa proposé 29(2)b) dans notre amendement, une personne qui « s'est montrée non disposée ou inapte » pourrait en fait être une personne souffrant d'une difficulté mentale ou d'une déficience de ce type. C'est possible, je ne peux pas le nier. De toute évidence, ce terme prêterait à interprétation de la part du tribunal, qui devrait décider quand il s'applique et quand il ne s'applique pas. N'oublions que cette disposition ne vise qu'à écarter la présomption. Elle ne signifie pas nécessairement que le tribunal devrait détenir la personne. Donc s'il s'agit strictement d'une question de déficience intellectuelle, il y a d'autres dispositions qui pourraient s'appliquer dans la loi...

[Français]

    Excusez-moi de vous interrompre.
    Je lis la formulation que vous proposez de l'alinéa b): « [...] une infraction commise dans des circonstances, compte tenu également du comportement antérieur de l'adolescent, atteste selon la prépondérance des probabilités que l'adolescent: [...] ».
    Pour ce qui est du récidiviste, ça va, mais je m'interroge au sujet de cette dernière partie. Selon vous, ça devrait être laissé à l'appréciation du tribunal, compte tenu de toutes les circonstances du cas. C'est bien ça?

[Traduction]

    La personne doit d'abord avoir été libérée sous certaines conditions en vertu d'une ordonnance précédente, mais avoir continué de faire preuve d'inaptitude à respecter les conditions établies.

[Français]

    Ce n'est pas clair dans le texte. Je suis satisfait de ce que vous venez de me dire, mais ce n'était pas clair, avant que je vous entende.

[Traduction]

    D'accord, c'est possible, et c'est une bonne raison de nous avoir convoqués ici. C'était clairement notre intention, et je précise que même si nous sommes heureux de préparer des dispositions législatives, nous ne sommes pas des rédacteurs législatifs.

[Français]

    Non, je ne veux surtout pas que vous pensiez que je vous blâme. Au contraire, je veux que vous sachiez que cet alinéa m'intéresse beaucoup. Je ne comprenais pas le sous-alinéa (iii). Ce n'était pas clair.

[Traduction]

    Il vise à renvoyer à des ordonnances précédentes qu'ils n'ont pas réussi à respecter.

[Français]

    D'accord.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Vous avez encore trois minutes.
    J'ai une question générale pour vous trois. J'ai lu avec attention vos remarques. L'article 3 de la loi actuelle nous plaît beaucoup, mais pas l'article 3 du projet de loi. Dans le projet de loi, on veut modifier l'article 3 pour y inclure les prescriptions de l'article 38 de la loi actuelle.
    Je ne sais pas si vous me comprenez et je ne veux pas vous faire perdre de temps. Cela nous apparaît irréaliste.
    Lors de la détermination de la peine, le tribunal tient compte de tel ou tel élément. À la suite du changement proposé à l'article 3, les prescriptions de l'article 38 de la loi actuelle se retrouveraient à la base du système de justice pénale pour adolescents. Me comprenez-vous? On n'est pas d'accord sur cela.

[Traduction]

    Si je peux vous répondre très brièvement, j'ai lu les témoignages antérieurs et les questions que vous et vos collègues avez posées sur les modifications à apporter à l'article 3, donc je suis au courant. D'après mon interprétation des modifications proposées à l'article 3 de la loi, elles intègrent beaucoup d'éléments qu'on trouve déjà à l'article 3.
    Le seul ajout, c'est la mention explicite de la « protection du public » ainsi que le sous-alinéa (i) de l'alinéa 3(1)a). L'idée d'imposer aux jeunes des mesures « proportionnées » à la gravité de l'infraction est nouvelle. On la retrouve aussi à l'article 38 de la loi. La différence ici, c'est que son application est plus vaste; elle ne s'applique pas seulement aux peines, mais aussi à des mesures, il y a donc des mesures extrajudiciaires et autres qui seraient « proportionnées ».
    Cela dit, la proportionnalité n'est pas un concept qui a seulement pour effet d'augmenter, il peut aussi réduire, selon les circonstances et le degré de responsabilité du jeune, de sorte que dans le cas d'une infraction grave où le degré de responsabilité du jeune est jugé faible, la proportionnalité peut avoir pour effet de réduire la gravité de la mesure qui aurait été imposée autrement.
(1715)
    Merci.
    Nous allons donner la parole à M. Comartin, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être ici. Je suis très sincère. Nous le disons tout le temps, mais dans votre cas, c'est très vrai, parce que vous soulevez des points que le gouvernement lui-même aurait dû soulever, à mon avis. Je pense que nous sommes tous d'accord, donc Je vous remercie du travail que vous avez fait. Nous l'apprécions vraiment.
    Monsieur MacDonald, je vois le même problème que M. Lemay. Quand j'ai lu cette disposition, deux choses me sont venues à l'esprit concernant les conditions établies dans une ordonnance. Seriez-vous ouvert à l'idée que nous ajoutions quelques mots en ce sens, un libellé du genre?
    Oui.
    D'accord.
    Il y a aussi une deuxième partie qui m'a fait sourciller. J'ai exercé ce que nous appelions le droit de la délinquance juvénile quand cette loi était toujours en vigueur, et il y avait beaucoup de jeunes, surtout des filles, qui étaient emprisonnées parce qu'elles étaient incorrigibles. Elles n'avaient pas commis d'infractions criminelles, mais elles n'arrivaient pas à respecter leur couvre-feu, elles participaient à des fêtes décadentes et se livraient à des activités sexuelles. Il y a des juges qui les jugeaient incorrigibles et qui les emprisonnaient pour cela. Quand j'ai vu l'expression « bonne conduite », c'est exactement l'image qui m'a traversé l'esprit.
    Pensez-vous à d'autres formulations qui pourraient convenir, où l'on mentionnerait les infractions criminelles? Je ne sais pas, mais quelque chose qui serait... J'ai énormément de respect pour notre appareil judiciaire, mais il n'est pas à l'abri des erreurs et ce libellé me semble trop vaste.
    Il ne faut pas oublier que cela s'inscrit dans le contexte d'une infraction criminelle qui a été commise et pour laquelle le jeune est jugé ou dans le contexte d'infractions criminelles antérieures, pour lesquelles il n'y a toutefois peut-être pas encore eu de condamnation. Il doit toutefois déjà y avoir eu des infractions. J'espère que cela montre l'intention derrière le terme « bonne conduite » qui, en d'autres mots, signifie de ne pas commettre d'autres infractions criminelles.
    Ce ne serait pas très différent de l'expression « ne pas troubler la paix et avoir une bonne conduite », qu'on retrouve tout le temps, comme vous le savez.
    Oui.
    En toute honnêteté « ne pas troubler la paix et avoir une bonne conduite » inclut bien plus qu'une infraction criminelle, mais l'expression est généralement interprétée de manière à désigner la violation d'une disposition législative provinciale, donc elle n'irait pas jusqu'à s'appliquer à ce qu'on considérait auparavant comme un « comportement incorrigible ».
    Si vous pensez à un libellé qui traduit mieux cette idée, nous ne nous y opposerons sûrement pas. Notre intention est simplement de veiller à ce que le jeune cesse de commettre des infractions criminelles ou à avoir des comportements quasi criminels.
    Merci.
    Monsieur Hawkes (en fait, je pourrais vous poser la question à tous les trois), vous nous avez proposé ces modifications dans votre mémoire la première semaine d'octobre. Je n'essaie pas de faire preuve de partisanerie, j'aimerais seulement savoir si quelqu'un du ministère de la Justice a communiqué avec vous. Le cas échéant, le ministère a-t-il relevé des brèches dans vos modifications?
    Non.
    Personne n'a communiqué avec vous à ce sujet. Très bien.
    En fait, monsieur Hawkes, vous avez répondu à cette question dans une explication que vous nous avez déjà donnée.
    Monsieur Greening, j'ai une réserve à propos de l'amendement que vous proposez. Nous avons des règles assez strictes en fonction desquelles nous renversons les décisions du président fréquemment, je dois l'admettre. L'une d'elles, c'est qu'un amendement est jugé irrecevable s'il ne porte pas directement sur un alinéa qu'on trouve dans le projet de loi.
    Votre alinéa vise l'alinéa 42(5)a), alors que la modification proposée dans le projet de loi se trouve plutôt à l'alinéa 42(2)o). Je me demande si votre modification pourrait s'insérer à l'alinéa 42(2)o). Je ne sais pas si vous vous êtes penché sur cette possibilité. C'est une question assez technique, je le sais.
    Pourrions-nous modifier l'alinéa proposé 42(2)o) pour y intégrer ce que vous proposez? Je n'ai pas eu le temps d'explorer cette possibilité en profondeur, elle ne m'est venue à l'esprit que cet après-midi. Cela m'avait échappé jusque-là.
    Je crois qu'il serait bon que nous nous penchions sur la question pour voir ce qui peut être fait.
    En proposant ce changement, nous ne cherchions pas tant à peaufiner le libellé ou à le rendre totalement prescriptif qu'à simplement soulever une préoccupation en présentant une piste de solution.
    S'il existe une façon d'intégrer le tout à une autre disposition qui conviendrait mieux, rien n'empêche de le faire. C'est certainement une avenue que nous pourrions envisager avant de vous soumettre une nouvelle proposition.
    D'accord.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Oui, vous avez deux minutes.
    Monsieur Hawkes, nous venons tout juste d'adopter un projet de loi qui supprime le droit de demander une libération conditionnelle anticipée en cas de meurtres multiples. Savez-vous si le projet de loi en question aurait pour effet... ? Je ne l'ai pas examiné dans la perspective du projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Est-ce que ces dispositions pourraient s'appliquer en cas de meurtres multiples commis par un jeune? Selon moi, cela soulèverait certains problèmes relativement à l'amendement que vous proposez.
(1720)
    En toute franchise, je n'ai pas regardé les dispositions de coordination de ce projet de loi. Je ne saurais donc pas vous dire avec certitude si ces dispositions seraient respectées. Je ne crois pas que ce serait le cas, mais je n'ai pas vraiment examiné cet aspect.
    Je voudrais par ailleurs souligner qu'il ne s'agit pas au sens strict d'une demande directe de libération conditionnelle anticipée; on s'adresse au tribunal pour avoir la permission de formuler une demande semblable.
    Tout ça pour vous dire que je n'en suis pas certain; désolé.
    D'accord. Merci.
    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président. Merci.
    Merci.
    Nous passons à M. Woodworth pour une période de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux souhaiter la bienvenue aux témoins que nous accueillons.
    Je dois dire, monsieur le président, que je me dissocie des propos de M. Comartin, qui indiquait ne pas toujours être sincère lorsqu'il souhaite la bienvenue aux témoins. Ce n'est pas mon cas.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Stephen Woodworth: Je note également avec le plus grand des respects que M. Comartin a admis estimer que les juges commettent parfois des erreurs, tout au moins lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec ses politiques. J'en prends donc bonne note, monsieur Comartin, et tout cela très respectueusement, comme vous le savez.
    Je tiens à remercier tout particulièrement nos témoins actuels, car ils sont dans une catégorie à part, si je puis dire, par rapport à bon nombre de ceux que nous accueillons habituellement.
    Je présume que vous avez tous une formation en droit et votre feuille de route m'indique que vous occupez des postes de haute direction. Sans trop vouloir vous vieillir, je vais présumer que vous avez tous pratiqué le droit pendant une bonne dizaine d'années tout au moins et que vous connaissez donc bien les détails de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ce qui vous procure un point de vue d'expert qui échappe à bon nombre des témoins que nous recevons.
    J'aimerais revenir brièvement à l'un de vos commentaires, monsieur Hawkes, parce que nous avons eu un échange au sujet de l'article 3 lors de votre dernière comparution. Je vous ai demandé si j'avais raison de croire que le libellé actuel de cet article inclut la protection du public et que les amendements ne modifiaient en rien le fait que quatre facteurs étaient prévus à l'article 3, et que l'alinéa 3(1)a) n'était ni plus ni moins prioritaire que les alinéas 3(1)b), 3(1)c) et 3(1)d). Vous aviez convenu de cela à l'époque et je pense que vous faisiez erreur aujourd'hui en indiquant que les amendements ajoutent la notion de protection du public à l'alinéa 3(1)a). En fait, si vous examinez les dispositions existantes, vous constaterez que cette notion est déjà présente, même si l'on parle de « protection durable », plutôt que de « protection » seulement.
    J'estime que cette précision est importante compte tenu du grand nombre de témoins qui semblent croire que ce concept de la protection du public n'est pas déjà présent. Je pense qu'il faut rectifier le tir. Quoi qu'il en soit, j'aimerais que vous me disiez tous ce que vous pensez, en votre qualité d'avocats sérieux et expérimentés, des propos tenus précédemment par mon collègue Derek Lee.
    Il a laissé entendre qu'il y avait eu pour ainsi dire infiltration, de telle sorte que les principes de détermination de la peine s'appliquant dans le cadre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents se rapprochent désormais grandement de ceux se retrouvant dans le Code criminel à proprement parler. J'ai noté qu'il ne citait pas alors le projet de loi C-4; il nous faisait lecture de dispositions existantes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents en faisant valoir qu'elles étaient déjà largement assimilables à celles prévues pour les adultes dans le Code criminel.
    Pourriez-vous nous dire si vous croyez d'une manière générale que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, avec les amendements proposés dans le cadre du projet de loi C-4, permettra toujours de préserver la distance et la séparation nécessaires entre nos principes de justice pénale pour les jeunes et pour les adultes?
    Monsieur Hawkes, comme je vous ai déjà interpellé, peut-être pourriez-vous débuter.
(1725)
    Merci beaucoup.
    Vous m'avez bel et bien pris en défaut; vous avez tout à fait raison. L'article 3, dans son libellé actuel, parle déjà de protection durable du public, ce qui fait que l'amendement a simplement pour effet de déplacer la disposition en ce sens, sans changer foncièrement cet aspect de la loi.
    D'accord.
    Pour ce qui est de votre deuxième question, je suis d'avis que le contexte fait foi de tout.
    Nous pouvons effectivement trouver un libellé identique ou similaire dans certaines dispositions du Code criminel, tant dans l'article 38 actuellement en vigueur que dans les propositions visant à amender cet article. Quoi qu'il en soit, le contexte est roi et il est ici totalement différent — non seulement dans la loi en vigueur, mais aussi en application du principe de culpabilité morale moins élevée établi dans l'arrêt R. c. D.B., qui fera désormais explicitement partie de la loi.
    D'autres éléments de cette décision sont également intégrés explicitement à la loi. Si on se contente de dire qu'il y a certains termes et concepts similaires, c'est comme si on affirmait qu'il y a quelques notes identiques dans les oeuvres de Mozart et les chansons de Lady Gaga.
    Tout à fait.
    Les notes sont peut-être les mêmes, mais le contexte est déterminant.
    J'aime bien cette analogie. Merci.
    Est-ce qu'un de vous deux aurait quelque chose à ajouter aux propos de M. Hawkes qui semble nous dire que, même avec les amendements proposés ici, il persiste une distinction claire et importante entre le système de justice pénale des adolescents et celui des adultes?
    Je suis d'accord avec ce qui a été dit.
    Merci.
    Un commentaire, monsieur MacDonald?
    Je voudrais mettre en lumière les dispositions — sans les citer textuellement — qui indiquent que le placement sous garde est la solution de dernier recours. Sinon, je ne me risquerai à aucune analogie musicale.
    Merci beaucoup.
    J'aurais une autre question à vous poser, mais pourriez-vous me dire combien il me reste de temps?
    Vous avez deux minutes.
    Dans les mémoires que vous nous avez présentés lors de vos comparutions de juin, j'ai noté une déclaration concernant les peines de placement sous garde différé.
    Comme M. Greening a abordé cet aspect, je vais lui poser ma question. Il est très préoccupant que le tribunal ait ainsi la possibilité d'imposer des peines légères pour des crimes graves. À maintes reprises, des témoins sont venus nous dire que les peines imposées, c'est-à-dire l'incarcération, n'ont pas d'effet dissuasif, et que les peines plus longues n'ont pas cet effet-là non plus, surtout pour les jeunes.
    Je conviens avec vous de l'importance du changement que vous préconisez, mais j'aimerais que vous nous aidiez à voir ce que nous pourrions répondre à ceux qui se préoccupent uniquement de l'aspect dissuasion. Pourquoi estimez-vous aussi inquiétante la possibilité d'imposer des peines légères pour des crimes graves? Qu'est-ce qui vous a amené à cette constatation?
    Pour que les choses soient bien claires, les conséquences non souhaitées découleraient, non pas de la disposition en vigueur et de la période actuellement prévue, mais bien du changement de portée faisant suite à l'amendement.
    Je vous arrête ici pour vous dire que je comprends bien qu'en changeant la définition d'infraction criminelle grave, nous allons élargir la gamme d'infractions pouvant donner lieu à une peine de placement sous garde différé. Je ne crois pas que ce soit une bonne chose et j'aimerais simplement que vous nous expliquiez pourquoi vous êtes du même avis.
    Voici ce que j'estime préoccupant. Si on va de l'avant sans apporter de changement, on se retrouvera avec un nouveau type de jeunes — des individus plus dangereux — qui pourront purger leur peine dans la communauté.
    Et pourquoi devraient-ils la purger derrière les barreaux?
    Il faudrait d'abord déterminer la menace qu'ils représentent pour la communauté. Dans certains cas où un jeune violent ne peut être contrôlé au sein de la communauté, sa mise sous garde peut être la seule option pour protéger la population. Il y a également la question de la confiance du public envers le système judiciaire.
    Tout à fait.
    Peut-être que cela se passe d'explications, mais prenons le cas d'un jeune accusé d'un crime grave — par exemple, des voies de fait graves où la victime a perdu un oeil. Les gens ne vont pas comprendre que ce jeune puisse déambuler dans la rue dès le lendemain, même s'il est peut-être assigné à résidence. Ce sont des situations semblables qui minent complètement la confiance du public envers le système judiciaire.
    Merci beaucoup.
    Merci à tous nos témoins. Je suis heureux que vous ayez pu comparaître à nouveau devant nous. Je pense que votre contribution nous sera très utile pour la poursuite de notre étude et pour les amendements que nous comptons proposer.
    Merci.
    La séance est levée.
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