Je m'appelle Juliette Nicolet et je suis directrice des politiques pour la Fédération des centres d'amitié autochtones de l'Ontario. Je vais essayer d'être brève.
Notre fédération représente les intérêts de 29 centres d'amitié autochtones en Ontario. Les centres d'amitié dispensent des services aux Indiens inscrits et non inscrits, aux Métis et aux Inuits. Nous offrons une gamme complète et adaptée de programmes dans des domaines comme la santé, l'éducation, l'emploi et la formation, les enfants, les compétences parentales, la toxicomanie, les aînés et la justice, bien évidemment. En Ontario, 80,4 p. 100 de la population autochtone vit à l'extérieur des réserves et 36 p. 100 des Autochtones sont âgés de moins de 19 ans.
Voilà maintenant 30 ans que les centres d'amitié autochtones ontariens offrent des programmes dans le domaine de la justice. Ainsi, notre programme d'assistance parajudiciaire est accessible depuis un peu plus de 30 ans. Pour sa part, notre programme de justice communautaire, qui est axé sur des mesures alternatives, existe depuis 12 ans, soit depuis 1999.
Je vais tenter de vous exposer très brièvement notre point de vue sur le projet de loi en faisant ressortir certains éléments fondamentaux. Nous nous inquiétons surtout du fait qu'il semble témoigner d'une dérive globale vers un régime davantage basé sur les sanctions. À notre avis, un tel régime punitif ne sert pas les intérêts de la population et n'est pas non plus bénéfique pour les communautés autochtones en milieu urbain et les jeunes qui en font partie.
Nous savons déjà que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescent (LSJPA) a un impact plus marqué sur les jeunes Autochtones en Ontario, et je dirais même partout au Canada, même si je suis ici pour parler de la situation dans ma province. Un certain nombre des modifications proposées risquent d'aggraver cet effet déjà ressenti et ne nous permettent pas d'envisager tous les avantages possibles que la LSJPA pourrait procurer.
J'aimerais d'abord vous parler du problème de la détention avant la détermination de la peine. Le projet de loi modifie le paragraphe 29 de la LSJPA qui traite du recours à la détention préalable à la détermination de la peine lorsqu'il y a un risque marqué que l'adolescent ne se présente pas devant le tribunal. Pour vous donner une idée, disons que notre programme d'assistance parajudiciaire vient en aide aux Autochtones qui ont des démêlés avec la justice. En Ontario, 32 p. 100 des comparutions de clients de ce programme concernent des accusations liées à l'administration de la justice. Compte tenu du taux élevé d'infractions à cet égard, il faut prévoir qu'une très forte proportion d'accusations entraîneront inévitablement le recours à la détention avant le prononcé de la peine, dans une proportion croissante pour les jeunes Autochtones par rapport aux autres contrevenants. Voilà donc le premier problème à régler.
En deuxième lieu, j'aimerais parler du dossier tenu par la police sur les mesures extrajudiciaires. Nous estimons que cela aura pour effet de réduire l'utilisation et l'efficacité de mesures comme le programme de justice communautaire, qui a produit d'excellents résultats. Les participants à ce programme ont en effet respecté dans une proportion de 82 p. 100 les conditions imposées, un taux que j'estime très bon, sans compter qu'il y a eu diminution du récidivisme.
La publication des noms est le troisième élément à souligner. Notre fédération n'est pas d'accord avec les principes qui sous-tendent cette approche. Nous croyons que c'est une mesure inutilement punitive qui va tout à fait à l'encontre de la nécessité de réduire la stigmatisation des délinquants autochtones qui sont déjà mis au ban de la société.
En quatrième et dernier lieu, nous sommes d'avis qu'un régime de détermination de la peine pour les jeunes contrevenants ne devrait pas s'appuyer sur les concepts de dénonciation et dissuasion. Les modifications proposées à cet effet ne permettront pas les résultats souhaités pour les jeunes et, plus particulièrement, pour les Autochtones. Dans la mesure du possible, la peine imposée devrait s'attaquer à quelques-unes des causes profondes du comportement criminel. Dans le cas des jeunes Autochtones, la détermination de la peine devrait viser la réduction des facteurs criminogènes et être orientée vers une action sociale positive. Si on met davantage de jeunes derrière les barreaux, on ne va pas améliorer le sort de nos enfants et la société en général ne s'en portera pas mieux.
Soit dit en passant, nous observons en Ontario une migration des gangs autochtones des Prairies vers les régions de Kenora et Thunder Bay. Ils font surtout leur recrutement dans les centres de détention pour jeunes ainsi que dans les prisons, pour ceux de plus de 18 ans. En augmentant les possibilités d'incarcération, on accroît d'autant les risques de criminalisation.
En conclusion, notre fédération souhaite de tout coeur que le régime de détermination de la peine pour les jeunes contrevenants continue de nous offrir des solutions de rechange et des possibilités de mettre l'accent sur des mesures et des programmes communautaires de prévention adaptés aux différences culturelles, ce qui nous permet de nous attaquer aux causes profondes du crime — la pauvreté, les effets du racisme et les taux élevés de toxicomanie — et d'élargir notre éventail de programmes. Ceux-ci incluent notamment Kizhaay Anishnaabe Niin, un programme traditionnel enseignant aux hommes et aux femmes leurs responsabilités particulières et la façon de devenir de bons citoyens; Streetwolf, qui vise précisément à aider les jeunes ayant des démêlés avec la justice à reprendre le droit chemin au moyen d'une approche adaptée à la culture; et Wasa-Nabin qui s'adresse aux jeunes de 12 à 18 ans.
Ces programmes se sont révélés efficaces. Ils aident les jeunes à éviter les problèmes tout en demeurant aux études, des objectifs que les amendements proposés ne permettront pas d'atteindre.
J'aimerais conclure en vous priant de laisser le temps à la LSJPA d'établir son efficacité. Pour ce faire, il faut injecter davantage de fonds dans les programmes. Les jeunes Autochtones n'ont toujours pas bénéficié de la LSJPA. C'est en raison d'un manque de programmes. Ce n'est pas nécessairement attribuable à des lacunes de la loi elle-même.
Merci.
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Merci beaucoup de m'avoir invité.
Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais me limiter à quelques-unes des modifications proposées.
Au paragraphe 2(1), il serait certainement utile que le Parlement définisse ce qu'il entend par infraction avec violence. En général, les gens font une distinction entre ce qu'ils estiment être des infractions violentes et les autres, pour ce qui est de la façon dont on devrait les traiter.
La définition courante de « violent » est adéquatement couverte par les alinéas 3a) et 3b) proposés. Dans ce contexte, il me semble que les alinéas 3a) et 3b) devraient constituer la définition de cette notion.
Je suggère donc de supprimer la portion suivante de l'alinéa 3c) de la définition:
infraction... il met en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne en créant une probabilité marquée qu'il en résulte des lésions corporelles.
Cet ajout à la définition suppose qu'une infraction peut être considérée comme violente si l'on fait valoir qu'elle aurait pu donner lieu à des lésions corporelles, sans que ce soit nécessairement le cas. En termes simples, cela permet d'englober trop de choses dans la notion d'« infraction avec violence ». Un conducteur avec les facultés affaiblies pourrait être considéré comme violent dès sa première infraction. Un adolescent qui vole une friandise dans un grand magasin et s'enfuie au milieu d'une foule pourrait être considéré comme mettant en danger ceux qui se trouvent sur son chemin puisqu'il pourrait heurter quelqu'un et lui causer des lésions corporelles. En plus d'être d'application trop large, cet alinéa englobe des choses dont les adolescents — justement parce que ce sont des adolescents — ne prévoiront pas les conséquences de la même façon que le ferait un adulte plus réfléchi.
Si presque n'importe quoi peut être considéré par un juge comme une infraction avec violence, alors la notion réelle de violence est galvaudée. Je crois qu'il est important pour la population que les infractions véritablement violentes soient désignées comme telles et que les infractions qui n'ont vraiment rien de violent ne soient pas traitées de la même façon. La définition d'« infraction avec violence » est importante, car la violence est souvent à l'origine, comme il se doit, d'une peine d'incarcération. Il convient donc de maintenir la distinction entre la violence intentionnelle et les autres infractions.
Deuxièmement, je m'inquiète de l'invitation qui est faite au juge, en vertu des modifications proposées aux principes de détermination de la peine établis dans le sous-alinéa 38(2)f)(ii), d'essayer de « dissuader l'adolescent de récidiver », car elles pourraient avoir deux conséquences fâcheuses. Le changement pourrait amener la population à croire à tort que le juge peut dissuader les jeunes contrevenants au moyen de la peine imposée. Les données de recherche attestent du contraire. Ce qui m'inquiète, ce n'est pas tant de voir des juges assumer la responsabilité des crimes de ces adolescents récidivistes et en subir le blâme, mais que cela donne foi à l'insupportable conviction populaire voulant que les tribunaux pourraient réduire le taux de criminalité chez les jeunes en imposant des peines plus sévères.
Plus important encore, si cette disposition incite les juges à imposer des peines de mise sous garde pour dissuader l'adolescent de récidiver alors qu'une peine proportionnelle, sans placement sous garde, était possible, il est très probable que le risque de récidive soit augmenté.
Les données de recherche donnent à penser que l'incarcération d'adolescents accroît la probabilité de récidive, notamment pour ceux qui sont emprisonnés pour la première fois. Les peines d'emprisonnement sont parfois nécessaires, mais, lorsqu'on envoie un adolescent en prison pour la première fois, il faut comprendre que des données concrètes indiquent que cette expérience va accroître, et non pas réduire, la probabilité de récidive.
Les changements proposés à l'alinéa 39(1)c) constituent en fait des sanctions extrajudiciaires avec constat de culpabilité. Je m'inquiète de ces changements pour deux raisons. Premièrement, du point de vue de la dénonciation, cela donne à des sanctions extrajudiciaires le même poids que le traitement judiciaire complet d'une affaire. La reconnaissance de culpabilité prononcée par un juge est un fait important qui ne doit pas être mis sur le même pied que des sanctions extrajudiciaires appliquées à un adolescent qui n'a pas été reconnu coupable par un tribunal. Pour qu'il y ait des sanctions extrajudiciaires, il faut que l'adolescent se reconnaisse « responsable de l'acte ou de l'omission à l'origine de l'infraction qui lui a été imputée » et qu'un procureur ait décidé qu'il existait suffisamment de preuves pour intenter une poursuite.
Si un adolescent s'est battu, il pourrait se reconnaître responsable d'une agression, mais il est très plausible qu'il puisse s'en défendre. Pour que la reconnaissance de culpabilité par un tribunal ait une signification particulière, il faut que l'acceptation de la responsabilité d'un méfait et la reconnaissance de culpabilité liée à une infraction criminelle ne soient pas considérées par l'adolescent — ni par d'autres — comme équivalentes.
De plus, en mettant sur un pied d'égalité la reconnaissance de culpabilité et des sanctions extrajudiciaires, on risque fort de se retrouver dans une situation où un adolescent bien informé refuserait des sanctions extrajudiciaires alors que celles-ci auraient pu par ailleurs convenir à la fois aux besoins de l'adolescent, de la Couronne, de la victime et du tribunal. Les sanctions extrajudiciaires sont un élément important de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Elles ne doivent pas se confondre avec la procédure de reconnaissance de culpabilité.
En général, je pense que les changements apportés à l'article 72, le critère de la peine pour adulte, représentent une amélioration par rapport à la situation actuelle. Cela dit, il serait utile d'y ajouter quelque chose. Il est en effet important que le Parlement clarifie les choses pour la Couronne, les avocats de la défense et le tribunal au sujet de la façon dont la présomption de culpabilité morale moins élevée dont bénéficie l'adolescent peut être réfutée par la Couronne. Sinon, tant que la question ne sera pas réglée par les tribunaux d'appel ou par la Cour suprême du Canada, la Couronne sera contrainte de satisfaire un critère fictif qui n'est défini nulle part. Je pense que les gens et la Couronne devraient savoir ce qu'il convient de prouver. De plus, c'est le Parlement qui devrait en décider, et non les tribunaux.
Je comprends l'objet des modifications apportées aux règles d'interdiction de publication. Mais, avant de faire quoi que ce soit, il y a quelque chose de simple (indépendamment de ces modifications) qui doit être réglé en la matière. L'article 75 (actuel et proposé) prévoit que l'interdiction ou l'autorisation de publication fait partie de la sentence. Le problème est que, si un juge prononce une sentence levant l'interdiction en imposant par exemple une peine pour adulte, la peine peut faire l'objet d'un appel, mais la presse aurait déjà publié le nom de l'intéressé. Compte tenu de la nature des renseignements affichés sur Internet, le nom en question est désormais chose publique à jamais. Tout appel sera inutile à cet égard. Il convient donc de modifier l'alinéa 110(2)a pour y ajouter des termes comme les suivants: « et une fois écoulés les délais de tous les appels possibles ou tranchés tous les appels possibles ».
Sans contester l'objet des modifications proposées à l'article 75, je suggère certains changements. Il est important de se rappeler que la publication des noms aura presque certainement pour effet de compliquer la réinsertion du jeune contrevenant et la possibilité qu'il devienne un citoyen paisible de la collectivité. Par conséquent, il doit y avoir des preuves irréfutables que la publication a une valeur de prévention quelconque de la criminalité. Dans ce contexte, je vous offre les suggestions suivantes.
La liste des cas susceptibles de faire l'objet de ces changements est très large. Comme nous l'avons vu, la notion d'infraction avec violence est également définie de façon très large. Si la définition énoncée au paragraphe 2(3) n'est pas modifiée comme je l'ai proposé, il me semble que cette disposition ne devrait s'appliquer qu'aux infractions avec violence remplissant les critères énoncés aux alinéas a) ou b), à l'exclusion expresse de l'alinéa c). Il ne sert à rien d'envisager la levée de l'interdiction de publication dans les cas n'impliquant ni préjudice ni tentative ou menace de causer des lésions corporelles.
Plus précisément, cette disposition fait beaucoup plus de tort à la possibilité de réinsertion sociale de l'adolescent que la divulgation limitée prévue à l'article 127. Par ailleurs, elle introduit une incohérence importante par rapport à ce dernier article. Je propose que la levée de l'interdiction de publication ne soit applicable qu'aux infractions visées par l'article 127, à savoir celles comportant des lésions corporelles graves. Là encore, le message est plus clair si la disposition se limite aux cas où les inquiétudes sont importantes.
Il semblerait logique d'ajouter une autre condition préalable à la publication des noms. Il faudrait qu'elle ne soit autorisée que si la divulgation permise en vertu de l'article 127 ne suffit pas à réduire le risque de perpétration d'une infraction avec violence en deçà d'un niveau « important ».
Compte tenu que cela fait partie de la sentence, le critère devrait exiger que le tribunal estime que la publication de l'identité de l'adolescent l'emporte sur les avantages de l'interdiction de publication parce qu'elle réduit considérablement la probabilité de perpétration d'une infraction donnant lieu à des lésions corporelles graves à autrui à l'expiration de la peine.
Enfin, comme le paragraphe 75(4) proposé indique que la levée de l'interdiction de publication fait partie de la sentence, on ne devrait la permettre qu'une fois toutes les possibilités d'appel épuisées.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est, bien entendu, complexe et sujette à changements. Elle a largement fait son office à bien des égards importants et elle est reconnue à l'échelle internationale comme un exemple de loi efficace pour les jeunes, mais elle n'est pas parfaite. J'estime que certains des amendements dont vous êtes saisis pourraient être améliorés.
Merci beaucoup.
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Je remercie sincèrement les membres du comité permanent de me recevoir pour une deuxième fois.
La première fois, je m'étais prononcé tout à la fois comme chercheur, éducateur et grand-parent. J'aimerais reprendre le message central. Donc, mon propos sera un peu plus court afin que je sois plus disponible pour les questions et l'échange avec les collègues et les membres du comité.
Mon message central de la dernière fois, je le répète encore aujourd'hui, demeure le même. Pour moi, la réhabilitation de l'adolescent contrevenant et la protection de la victime sont deux faces de la même médaille. Mon message, c'est que ce n'est pas l'une ou l'autre, mais l'une et l'autre, à la fois la protection de la victime et la réhabilitation de l'adolescent contrevenant. En d'autres termes, la protection de la victime passe par la réhabilitation de l'adolescent contrevenant. C'est la position qui a été tenue par mes collègues de l'Association des centres jeunesse du Québec ainsi que par l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes. L'article 3 du projet de loi met en danger de façon très importante ce principe qui, pour moi, est essentiel.
Mon message s'appuie principalement sur l'ensemble de la littérature scientifique et sur la pratique qui a démontré que les adolescents contrevenants n'ont pas le même niveau de développement que les adultes et les adolescents, en général, et qu'il est important d'en tenir compte pour avoir un véritable système de justice juvénile qui ne soit pas la réplique conforme du système de justice pour adultes. Ces propos sont dits dans les principes de la loi, mais c'est de beaucoup diminué par la formulation de l'article 3.
Les bons programmes de réhabilitation pour adolescents contrevenants ont des résultats grandement supérieurs aux mesures purement répressives. Cela aussi est très bien documenté. En bref, à mes yeux, une loi juste pour les adolescents et pour la société ne doit pas se fonder exclusivement sur la gravité du délit pour que l'on juge d'un acte et décide d'une peine pour un adolescent. Une loi juste doit reposer sur un système complexe de justice pénale propre aux adolescents. C'est une chose d'avoir une loi; c'est autre chose d'avoir tout le système nécessaire pour l'appliquer, lequel système doit être continuellement à la recherche de ce difficile équilibre entre les besoins de la société et des victimes, et ceux de l'adolescent contrevenant.
Ce système complexe devrait comprendre un système d'application de la loi dans lequel on retrouve un processus d'évaluation différentielle basé sur le principe que chaque adolescent est différent, que chaque cas est différent et que chaque contexte est différent. Mes collègues des communautés autochtones l'ont bien montré tout à l'heure. Ce système complexe devrait aussi comprendre un système d'intervention multimodale qui comprend des possibilités d'intervention de justice alternative et de réhabilitation, de même qu'un processus qui permet la participation des victimes et qui leur apporte le soutien dont elles ont besoin. Cela aussi contribue à la réhabilitation. Ce système complexe devrait en outre comprendre une organisation qui favorise la participation et l'implication des parents et, surtout, des programmes de réhabilitation en surveillance, en suivi intensif dans la communauté, ainsi qu'en garde ouverte et en garde fermée, qui soient appliqués par du personnel compétent. Je sais que cette responsabilité déborde celle du gouvernement fédéral et qu'elle est du ressort des provinces, mais je pense que la loi doit s'ouvrir à cela et être très claire. Enfin, ce système complexe devrait comprendre un investissement dans la recherche pour favoriser le développement de meilleures pratiques. C'est une responsabilité plus générale du gouvernement fédéral.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins.
J'aimerais d'abord vous demander à tous si vous avez été invités, et avez participé le cas échéant, aux tables rondes tenues par le ministre dans différentes villes du pays en 2008. J'ai également une question plus précise que je souhaiterais vous poser.
Je pense qu'il est toujours bon de se demander quel est l'objet de la loi et en quoi consiste les changements proposés. Je vais essayer d'en faire une synthèse en vous invitant à commenter par la suite. À l'article 3, la loi se donne trois grands objectifs de principe, trois visées importantes sans ordre de priorité: prévenir le crime, réhabiliter les jeunes contrevenants et faire en sorte que les jeunes aient à subir des conséquences significatives pour leurs actes. La loi place ces trois principes sur un pied d'égalité.
Peu importe la façon dont on essaie de présenter la chose à l'extérieur du cadre de ce document, ce projet de loi essaie de faire de la protection du public la principale et unique préoccupation et de rendre les gens responsables de la promotion de la réadaptation — et non pas de la réadaptation elle-même — mais bien de promouvoir la réadaptation et la prévention du crime dans un objectif global de protection publique. Il convient donc de se demander si on ne s'éloigne pas complètement des trois principes fondamentaux qui ont mené à l'adoption de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Ne s'agirait-il pas simplement d'un retour vers un Code criminel qu'on appellerait autrement? Notre Code criminel a pour but de protéger la population au moyen des différentes mesures qu'il renferme. Nul besoin de préambule, car tout est déjà prévu dans le Code criminel. Ce projet de loi vise à transformer complètement la loi — laquelle n'a jamais été véritablement contestée par les gouvernements progressistes-conservateurs précédents — pour en faire une simple annexe au Code criminel. Êtes-vous d'accord avec cette évaluation? Pourriez-vous nous en dire plus long et éclairer notre lanterne?
Mais n'oubliez pas de nous indiquer d'abord si vous avez participé aux tables rondes de 2008.
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J'ai assisté à l'une de ces tables rondes à Toronto.
Pour répondre à votre question, l'article 3 original me paraît préférable. Je n'ai pas parlé des modifications à l'article 3, car je disposais seulement de 10 minutes, et je me suis attardé sur d'autres aspects.
Je pense que le problème, ici, c'est que l'accent mis sur la protection du public constitue un objectif assez restreint et difficile à atteindre. Je préfère le libellé original, car on y parle, entre autres, de la protection durable du public, en privilégiant le long terme plutôt que le court terme.
Le problème, lorsqu'on se concentre sur la protection du public, c'est qu'on laisse entendre que le seul moyen, ou le moyen le plus facile de protéger la population, est par la neutralisation, c'est-à-dire par l'emprisonnement des gens ou des enfants. Et au lieu de préciser que l'objectif est de faire de la prévention, de réadapter les gens et de les tenir responsables, en ajoutant que c'est par ce moyen complexe que nous aurons une meilleure société, cet article nous dit qu'il faut attraper les mauvaises personnes et les enfermer. Donc, je ne suis certainement pas favorable à cet amendement.
Pour répondre à votre dernière question à savoir si cela ferait de cette loi un simple Code criminel, ma réponse est non. En effet, la Loi sur sur le système de justice pénale pour les adolescents, ou LSJPA, contient bien des choses. Par exemple, à elles seules, les dispositions sur la détermination de la peine sont importantes et bien plus claires que celles prévues en la matière dans le Code criminel. Et, selon moi, elles sont préférables à bien des égards, et pas seulement pour les jeunes. En effet, les dispositions sur la détermination de la peine de la LSJPA sont mieux structurées que celles du Code criminel.
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Je ne saurais dire si c'est prématuré. Je répondrai simplement que le projet de loi contient des articles qui, selon moi, devraient être modifiés, et devraient l'être bientôt. Permettez-moi de vous citer deux exemples.
L'article 29, qui est en lien avec la remise en liberté avant procès, est important, et c'est bien entendu un sujet controversé. Il me semble que c'est un bon début par rapport à ce qu'on pourrait envisager, car ce que cela établit dans la LSJPA, indépendamment du Code criminel, c'est le commencement d'un code précisant quels types de jeunes devraient être placés en détention sous garde avant le prononcé de la peine, et quels autres devraient être détenus. Par exemple, le critère exigeant que la personne soit accusée d'une infraction grave et que le juge soit convaincu que l'une ou l'autre des deux conditions seront remplies, est important. Cela restreint davantage les choses que dans le système pour les adultes, alors c'est un bon début.
J'aurais également voulu que le Parlement examine les conditions et le lien de ces conditions avec l'objet de la loi. Lorsqu'un jeune est libéré sous caution, il faudrait accorder davantage d'attention aux genres de conditions qu'on lui impose, et à quelles fins. En ce moment, on dirait qu'une foule de conditions sont imposées aux jeunes, et nous voyons nombre d'entre eux revenir dans le système sous de nouveaux chefs d'accusation pour omission de s'être conformés à leurs conditions de mise en liberté. Mais je trouve importante l'idée qui sous-tend ce critère, c'est-à-dire qu'il y ait une probabilité importante que le jeune commettra l'un de ces actes, y compris une infraction grave, et non pas seulement un vol à l'étalage. Donc, je vois cela comme un bon début.
J'ai déjà dit qu'à mon avis, l'article 72 proposé, qui est un critère différent pour l'imposition d'une peine applicable aux adultes, est une bonne chose. Je ne crois pas qu'il va aussi loin qu'il le devrait, car il n'indique pas à la Couronne quel est le critère applicable pour réfuter la présomption. Mais il faut qu'il y ait réfutation de la présomption. Je crois que l'article 72 original présentait une carence, et qu'il s'agit là d'une amélioration.
Il y a donc un mélange d'éléments, dont certains contre lesquels je me suis prononcé. Mais par le passé, j'ai indiqué clairement qu'il y a dans cette mesure législative d'autres dispositions que je trouve importantes. Par exemple, dans le cas de la détention avant le prononcé de la peine, on pourrait partir de ce que prévoit la disposition et l'examiner. Et pour peu que votre comité s'y attèle sérieusement, je pense que vous pourriez bien en arriver à une formulation qui améliorerait les choses à tous les points de vue — et ce n'est pas une question de partis politiques — pour instaurer ce que vous serez probablement d'accord pour qualifier de meilleur système de détention avant le procès que ce que nous avons ici, ou dans les amendements proposés.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le président, permettez-moi d'abord de remercier sincèrement tous mes collègues de cette occasion qui m'est donnée de m'adresser au Comité permanent de la justice et des droits de la personne au sujet de mon projet de loi, le projet de loi , portant sur la fausse représentation à titre d'agent de la paix.
Premièrement, sachez que je vous suis reconnaissant de l'appui que vous avez accordé au projet de loi en deuxième lecture et, par le fait même, à son renvoi au comité, et de la volonté de mes collègues de tous les partis d'approfondir cette discussion.
Comme vous le savez, c'est un crime horrible survenu dans ma circonscription de Red Deer, au centre de l'Alberta, qui m'a incité à présenter ce projet de loi. Des feux clignotants et un uniforme de policier ont été utilisés pour kidnapper une jeune fille de 16 ans qui venait tout juste d'obtenir son permis de conduire. Cette brave jeune fille a été gardée en captivité durant 46 heures et elle a été sauvagement agressée avant de réussir à échapper à son agresseur. Cette jeune fille a été kidnappée parce qu'elle croyait avoir été interceptée par un policier. Elle a simplement fait ce qu'on lui avait appris; elle a immobilisé son véhicule et elle a suivi les instructions. À ce moment-là, elle n'avait plus aucun moyen de se protéger.
Lorsque les citoyens voient un uniforme de police, ils font tout naturellement confiance à la personne qui le porte. Le fait de prétendre faussement être un agent de la paix est une violation grave de la confiance du public, et cette infraction a le même effet que l'utilisation d'une arme, en ce sens qu'elle force la victime à obéir.
Cela entraîne une autre conséquence assez inquiétante, non seulement pour le public en général, mais aussi pour les policiers qui essaient de faire leur travail. Monsieur le président, aux yeux de cette jeune femme, l'uniforme de police ne symbolise plus la sécurité. Au fil du temps, elle parviendra à vaincre sa peur et il est à espérer qu'elle reprenne confiance en l'autorité. Cependant, chaque fois qu'un tel incident se produit, on se trouve à ébranler la confiance d'une autre personne.
Les policiers avec qui j'ai parlé dans ma circonscription, soit des membres actifs et retraités de la GRC, m'ont également encouragé à faire modifier le Code criminel, de sorte que le fait de prétendre faussement être un agent de la paix en vue de commettre une autre infraction soit considéré comme une circonstance aggravante par le tribunal qui détermine la peine à infliger.
Le projet de loi ajouterait une disposition au Code criminel, à la suite de l'article 130 que vous avez devant vous. C'est tout. Il ne cherche nullement à modifier l'interprétation du délit. Il donnerait simplement pour instruction au tribunal qui détermine la peine de considérer comme une circonstance aggravante le fait que l'accusé ait prétendu faussement être un agent de la paix.
Pour aller un peu plus loin, sachez qu'il y a certaines circonstances aggravantes définies à l'article 718 qui s'appliquent à toutes les infractions. Il y a également des circonstances aggravantes spéciales qui s'appliquent à des infractions précises énoncées dans le Code. Par souci de clarté, ce projet de loi a pour but de faire considérer comme circonstance aggravante spéciale, dont le tribunal qui détermine la peine doit tenir compte, l'infraction consistant à prétendre faussement être un agent de la paix.
De toute évidence, en respectant les paramètres de la peine maximale imposée dans le cas d'une telle infraction, la détermination de la peine appropriée demeure la décision de la cour, mais nous devons, en tant que législateurs, prévoir les dispositions relatives à la détermination de la peine dans le Code criminel. Par conséquent, nous devons reconnaître que ce crime peut causer des torts plus ou moins graves et qu'il devrait entraîner une peine proportionnelle.
Grâce au projet de loi , j'ai appris que la peine maximale était passée de six mois à cinq ans d'emprisonnement pour cette infraction. Dans le cas dont je vous ai parlé, l'auteur du crime a été condamné à une peine d'emprisonnement de six mois étant donné qu'il a subi son procès avant l'adoption du projet de loi. Cependant, cela a soulevé la question à savoir si la fausse représentation à titre d'agent de la paix était aussi grave que l'abus de pouvoir par une personne en véritable position d'autorité, qui est considéré comme une circonstance aggravante.
Quand j'ai commencé à examiner la question, j'ai constaté que certains des aspects se rapportaient à l'article 718 du Code criminel, qui énonce les principes de détermination de la peine. Parmi les circonstances aggravantes prévues à l'article 718.2, on trouve celle où des éléments de preuve établissent que l'infraction perpétrée par le délinquant constitue un abus de la confiance de la victime ou un abus d'autorité à son égard. Cela s'applique dans des situations où un délinquant a déjà une relation établie avec la victime, s'il est son instituteur, son entraîneur ou, bien sûr, un véritable agent de la paix. Cependant, ceux qui se font passer pour un agent de la paix ne sont pas visés par cette catégorie.
J'espère que le comité conviendra qu'il y a une lacune dans la loi et qu'il faut y remédier en adoptant mon projet de loi.
Monsieur le président, durant le débat à la Chambre, tous les partis ont remarqué le manque de crédibilité accordé à ce type de tromperie. Ce n'est qu'au moment des interventions que les députés ont pris conscience de la fréquence de cette tromperie dans la perpétration des crimes au Canada. Les victimes, quant à elles, en sont toujours conscientes.
Comme on peut le voir à l'article 130, le crime réside dans le fait de tromper le public en faisant croire qu'on est agent de la paix. L'article ne prévoit rien de particulier si l'infraction est commise dans le but de faciliter un autre crime ou si on a tenté de commettre ou réellement commis un autre crime. Dans les cas où la tromperie a pour but de faciliter la perpétration d'un autre crime encore plus grave, le fait de se faire passer pour un agent de la paix justifie une peine sensiblement plus sévère.
En conclusion, donnons aux tribunaux les outils dont ils ont besoin pour rendre une sentence appropriée dans ces cas et pour mettre la population à l'abri de ces crimes.
Encore une fois, je tiens à vous remercier, monsieur le président et membres du comité, pour votre étude rapide de ce projet de loi. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Si on approuve la suggestion de M. Lee — je l'approuve, quant à moi —, on lirait donc: « Le tribunal qui détermine la peine à infliger à la personne déclarée coupable de cette infraction est tenu de considérer comme circonstance aggravante [...] » Il ne serait pas nécessaire de préciser qu'il s'agit de « l'infraction prévue à l'article 130 ».
Cela étant dit, j'ajouterai autre chose. On peut bien, encore une fois, approuver immédiatement le projet de loi tel quel et ajouter un article au Code criminel. La bonne intention de celui qui le propose sera respectée. Cependant, selon moi, il serait souhaitable qu'on écrive correctement les lois. Il me semble que la lecture du Code criminel est épouvantablement compliquée, depuis au moins une génération. Alors, d'y ajouter encore des éléments, dans le désordre, n'est pas souhaitable.
La meilleure façon d'agir serait de renvoyer le projet de loi aux rédacteurs pour qu'ils le rédigent dans un langage conforme au mode de rédaction du ministère de la Justice. Si on croit unanimement que cela doit être ajouté, on croit aussi que cela doit l'être de manière semblable à ce qui est déjà inscrit dans le Code criminel, lorsqu'il s'agit d'ajouter un élément aggravant pour déterminer la peine dans le cas d'une autre infraction.
En fait, ce serait beaucoup plus facile de renvoyer cela aux rédacteurs. Ils ont compris ce qu'on veut et ils vont nous remettre un texte qui va faire l'unanimité.