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Je déclare la séance ouverte.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne tient sa 52e séance en ce lundi 7 mars 2011.
Vous avez devant vous l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui. Nous poursuivons notre examen du projet de loi .
Nous entendrons une fois de plus un certain nombre de témoins, répartis en deux groupes. Ils nous aideront dans le cadre de notre examen. Le premier groupe vient du Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes, qui est représenté par Mary Ellen Turpel-Lafond, présidente et originaire de ma province natale, la Colombie-Britannique. Elle est accompagnée de Sylvie Godin, vice-présidente. Bienvenue à vous deux.
Nous accueillons également Heidi Illingworth, directrice exécutive, qui représente le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes. Nous vous souhaitons la bienvenue.
De plus, nous attendons Mme Susan Reid, qui devrait bientôt se joindre à nous. Elle enseigne la criminologie et la justice criminelle, et est également directrice du Centre for Research on Youth at Risk de la St. Thomas University.
Je crois qu'on vous a tous expliqué le processus. Vous disposez de dix minutes pour faire un exposé, après quoi nous passerons à la période de questions.
Pourquoi ne pas commencer par Mme Mary Ellen Turpel-Lafond?
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Merci, monsieur le président. Bon après-midi, honorables membres du comité. Je m'appelle Mary Ellen Turpel-Lafond, représentante des enfants et des jeunes de la Colombie-Britannique et présidente du Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes.
Comme vous le savez, je suis accompagnée de Sylvie Godin, de la commission du Québec. Dans les gradins se trouvent également des défenseurs des enfants et des jeunes de toutes les régions du Canada: Bonnie Kocsis, défenseur de la province du Manitoba, certains représentants du bureau des défenseurs des enfants et des jeunes de l'Ontario, Dwight Bishop, commissaire de la Nouvelle-Écosse, ainsi que Carol Chafe et Andrew Nieman, respectivement défenseurs des régions de Terre-Neuve-et-Labrador et du Yukon. Je crois comprendre que Bernard Richard, représentant du Nouveau-Brunswick, arrivera bientôt.
Nous avons donc une petite délégation avec nous aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de comparaître. Je partagerai avec Sylvie les dix minutes qui nous sont accordées. Elle parlera en français, et moi, surtout en anglais.
Notre organisation est une alliance des défenseurs des enfants et des jeunes nommés par le gouvernement dans toutes les régions du pays. Neuf des dix membres de l'organisation sont des défenseurs ou des agents indépendants de l'assemblée législative, qui aident les enfants et les jeunes, particulièrement dans le domaine de la justice pénale pour les adolescents où ils sont pour ainsi dire chargés d'un mandat de défense ou d'examen dans leurs provinces ou territoires respectifs. Je sais que certains d'entre eux vous ont déjà présenté des mémoires ou ont témoigné devant vous, notamment M. Bernard Richard et Mme Godin, ainsi que M. Elman. J'ai moi-même déposé un mémoire au nom de la Colombie-Britannique.
Nous sommes ravis de témoigner aujourd'hui au nom de notre organisme national. Même si nos rôles et les mandats que nous confère la loi varient, nous offrons généralement une forme de soutien direct aux enfants et aux jeunes devant le système de justice et nous employons à améliorer ce dernier pour le bien des enfants et des jeunes. Essentiellement, nos organismes favorisent les dénouements heureux et préconisent de s'appuyer sur les faits probants pour élaborer les politiques. Ils encouragent également l'instauration d'un système de soutien plus inclusif et mieux adapté aux besoins des jeunes, surtout ceux qui sont vulnérables. Nous tentons notamment, dans nos assemblées législatives respectives, d'être les porte-parole de Canadiens qui, en raison de leur âge et de leur situation personnelle, n'ont pas souvent l'occasion de se faire entendre ou d'être représentés dans les processus législatifs ou la prise de décision.
En participant au conseil, nous détectons les problèmes communs. C'est sur ces travaux que nous nous sommes appuyés pour notre exposé d'aujourd'hui. En effet, forts de notre expérience collective de défenseurs et de notre connaissance de la situation, nous vous recommandons fortement de rejeter le projet de loi et de réexaminer ses conséquences sur les enfants et les jeunes.
Actuellement, on reconnaît, dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, que la protection du public et la réinsertion des jeunes sont des objectifs importants et interdépendants, ce dont nous convenons parfaitement. Rien, toutefois, ne nous indique que les modifications que l'on propose d'apporter à la loi auront pour effet de réduire la criminalité chez les jeunes ou de renforcer la sécurité de la population canadienne. Nous comprenons que les crimes violents ont des effets dévastateurs sur les familles, les collectivités et le public en général, et que notre société doit certainement tout faire pour les prévenir. Cependant, même si ces incidents nous désolent, nous ne devons pas réagir en imposant aux adolescents plus de peines d'emprisonnement et de sentences pour adulte. Les recherches prouvent que cette stratégie n'est pas efficace. Dans les pays qui adoptent cette approche, les effets sont habituellement encore pires pour les enfants et les jeunes de tous les milieux, qui sont plus susceptibles de s'engager ou de persister sur la voie du crime.
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En effet, la recherche a démontré que la loi actuelle avait fait ses preuves en contribuant à écarter les jeunes des milieux de détention, à réduire le taux de criminalité juvénile et à diminuer la perpétration de crimes violents par les jeunes. Elle met l'accent sur la réadaptation et la réintégration. Elle favorise aussi le recours à des outils extrajudiciaires pour responsabiliser les jeunes et accroît les chances que ceux-ci deviennent des citoyens respectueux des lois qui contribuent au bien-être général.
Nous croyons fermement que l'effet global des modifications proposées sera préjudiciable aux améliorations constatées. À cet effet, notre point de vue concorde de manière significative avec les conclusions du processus de consultation mené à travers le Canada, lesquelles ont été déposées devant vous le 9 décembre dernier. Deux conclusions importantes émanent de ce rapport: d'une part, il existe en ce moment peu d'appui favorable aux modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et, d'autre part, nous avons besoin d'un filet de sécurité sociale solide pour soutenir la mise en oeuvre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Nous sommes également préoccupés par les répercussions des modifications proposées sur les jeunes Autochtones, qui sont parmi les membres les plus vulnérables de la société canadienne. Le 23 juin dernier, notre organisme a rendu publique une déclaration de principe intitulée « Les enfants et les jeunes autochtones au Canada: le Canada doit faire mieux ». C'est l'un des documents qui vous ont été soumis pour la présentation d'aujourd'hui. Dans ce document, nous soulignons que les jeunes Autochtones sont nettement surreprésentés dans le système de justice pénale pour les adolescents, et ce, dès l'âge de 12 ans.
Au Manitoba, par exemple, les jeunes Autochtones représentaient, en 2006, 23 p. 100 de la population provinciale âgée de 12 à 17 ans. Cependant, 84 p. 100 des jeunes en détention après condamnation étaient de jeunes Autochtones. On constate le même phénomène partout au pays. Chez les enfants et les jeunes Autochtones canadiens, la probabilité d'entrer en contact avec le système de justice pénale, y compris celle d'être placé dans un centre de détention, est plus importante que celle d'obtenir un diplôme d'études secondaires.
Ce résultat est alarmant et semble avoir augmenté dans certaines provinces au cours de la dernière décennie, même si le taux de criminalité des jeunes a diminué à l'échelle nationale. Lorsque les politiques et les changements introduits dans la législation criminelle poussent le système à mettre l'accent sur la détention, on ne peut que s'attendre à ce qu'ils aient une incidence négative immédiate plus importante sur les enfants et les jeunes Autochtones que sur tout autre groupe de la société canadienne, et cela est inacceptable.
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Merci et bon après-midi.
Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, ou CCRVC, est un groupe national sans but lucratif qui défend les intérêts des victimes et des survivants de crimes violents. Nous offrons de l'aide et du soutien directs aux victimes de toutes les régions du pays et préconisons l'amélioration de la sécurité publique, et des services et des droits dont les victimes de crimes peuvent se prévaloir. C'est avec plaisir que nous comparaissons aujourd'hui pour traiter du projet de loi , aussi appelé Loi de Sébastien.
Dans notre mémoire, nous examinons les modifications proposées et formulons certaines recommandations que nous avons déjà faites par le passé pour veiller à ce que les intérêts des victimes soient pleinement pris en compte.
Aujourd'hui, je voulais vous parler brièvement des familles que nous aidons. Notre centre reçoit des appels de familles touchées par les crimes violents que des jeunes commettent à l'endroit d'autres jeunes ou d'adultes. Nombreux sont ceux qui s'inquiètent de la LSJPA et du traitement qui y est réservé aux jeunes contrevenants et à leurs victimes. Notre organisme se préoccupe pour sa part des répercussions qu'ont sur les victimes les crimes violents commis par les jeunes.
Dans son rapport intitulé Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2009, Statistique Canada indique que même si la gravité des crimes commis par les jeunes a généralement diminué depuis 2001, le taux de crimes violents est 11 p. 100 plus élevé qu'en 1999. Même si de nombreux groupes ont comparu devant vous pour chanter les louanges de la LSJPA, le taux de crimes violents commis par des jeunes au Canada demeure préoccupant.
Nous reconnaissons que la plupart du temps, les jeunes se retrouvent devant la justice à la suite de crimes assez mineurs. Il importe donc de leur éviter d'être confrontés au système de justice pénale officiel en les mettant en garde, en prenant des mesures de prévention et en les dirigeant vers des groupes et des programmes communautaires. Cela dit, nous considérons que le système de justice pénale pour les adolescents doit avant tout permettre d'assurer la protection de la société. Nous partageons l'avis du juge Nunn, qui a recommandé d’inclure la protection du public à court et à long terme parmi les principes de la LSJPA énoncés à l’article 3 pour aider à résoudre le problème que pose le petit groupe que constituent les délinquants dangereux et récidivistes.
La société canadienne doit mieux s'attaquer aux causes fondamentales du crime. Selon nous, s'ils bénéficient d'un soutien social adéquat, de nombreux jeunes peuvent éviter de prendre de mauvaises décisions qui pourraient les mener sur le chemin du crime. Nous convenons que les intervenants du secteur municipal, qui s'occupent notamment des écoles, du logement, de la planification municipale et des services de police, de trouver les racines des problèmes de criminalité, et d'élaborer, de mettre en oeuvre et d'évaluer des stratégies pour s'y attaquer.
Comme il cherche particulièrement à réduire le nombre de jeunes délinquants, le CCRVC conseille fortement que l'on offre à tous les citoyens des services de soins à l'enfance enrichis et subventionnés, ainsi que des logements abordables. Nous préconisons des programmes scolaires de lutte contre l'intimidation et la violence, et de respect des sexes et de la diversité. Nous encourageons en outre l'adoption de programmes d'alphabétisation, de protection des enfants contre la violence familiale, de services de garde après l'école, de formation à l'emploi et de jumelage pour les adolescents, de lutte contre la toxicomanie dans les écoles et de traitement de santé mentale et de la dépendance pour les jeunes dans le besoin.
Nous considérons de plus qu'il faut réduire le nombre de victimes de crimes violents au pays. En travaillant auprès de nos clients, nous ne voyons que trop bien les effets dévastateurs de la violence sur les personnes et les familles. Trop souvent, ce sont les victimes qui subissent sans fin les répercussions émotionnelles, physiques et psychologiques, la douleur et la souffrance, et une perte de productivité.
Nous appuyons la modification de l'alinéa 3(1)b) pour y ajouter le principe de la culpabilité morale moins élevée des adolescents. Nous considérons que ces derniers ne possèdent pas autant d'expérience et de connaissances quand ils prennent des décisions. Nous constatons avec plaisir que la définition d'infraction grave avec violence a été clarifiée et englobe maintenant le meurtre au premier ou au deuxième degré, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire coupable et l'agression sexuelle grave. Nous considérons que cette définition couvre adéquatement les infractions avec violence les plus graves et indique très précisément les infractions visées par la loi.
En donnant une définition claire de ces types d'infractions, on tend vers l'un des principaux objectifs de la LSJPA — une réduction des peines purgées sous garde — tout en s'assurant de définir clairement les crimes qui nécessitent des sanctions plus sérieuses et des placements sous garde.
Nous sommes également satisfaits de voir une définition d'infraction « grave » concernant la détention avant le procès, puisque cela permet de clarifier les dispositions de l'article 29 proposé, qui a un lien avec l'article 39. Cela rendait les dispositions complexes et portait à croire que la détention avant le procès avait le même objectif que la détermination de la peine, ce qui n'est pas toujours le cas.
Tout en admettant que la définition prévue dans le projet de loi — tout acte criminel pour lequel un adulte est passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus — peut sembler très large, nous voudrions faire remarquer qu’elle n’est que l’un des critères sur lesquels les juges s’appuient pour déterminer la sentence de placement sous garde. Ces derniers ont besoin de cette définition pour placer les délinquants violents ou récidivistes sous garde en attendant la tenue de leur procès.
L’ajout de la définition d’infraction « avec violence » vise à accorder un sens aux comportements qui, sans causer de tort, n’en sont pas moins dangereux. La définition engloberait par exemple un jeune qui s’adonne aux courses de rue dans un quartier résidentiel, qu’il y ait des blessés ou non. C'est parce que cette course se déroule dans un quartier résidentiel où vivent bien des gens, dont des enfants, que ce comportement est dangereux.
Les crimes de cette nature constituent une grave menace pour la population. Il faut donc qu’ils soient reconnus comme telle pour qu'ils figurent parmi les infractions passibles d'une sentence de placement sous garde. Cela ne signifie pas pour autant que cette sentence soit recommandée ou exigée dans tous les cas où le public est menacé; mais c'est une possibilité qui s'offre aux juges.
Nous appuyons également l’ajout de la dissuasion et de la dénonciation en tant que principes de détermination de la peine, puisque ce sont deux objectifs importants que la LSJPA ne comprend pas actuellement. Même s'il appert que les jeunes ne pensent pas aux sanctions qu’ils peuvent recevoir en commettant un crime, le système de justice pénale doit néanmoins les tenir précisément responsables des torts qu’ils ont causés, surtout dans les cas graves. La population s'attend à ce qu'il en soit ainsi.
Le système de justice pour les adolescents doit également permettre aux juges de dénoncer les crimes très graves. Nous n’entendons pas par là que les jeunes ne devraient pas recevoir de traitement ou de services de réhabilitation. Nous considérons cependant que la dénonciation est importante pour la société canadienne, particulièrement pour les victimes et les survivants, car elle dénote la répulsion qu’inspirent les gestes posés et les torts qu’ils ont causés. Nous savons que le fait d'entendre un juge reconnaître publiquement leur souffrance peut être un baume pour les victimes. Nous croyons en outre que le fait d’entendre un juge dénoncer leurs actes violents peut aider les jeunes à en saisir pleinement l’impact et les conséquences.
Pour ce qui est de la tenue de dossier, nous considérons que les dispositions du projet de loi permettront aux juges de tenir compte des antécédents criminels des jeunes quand ils délibèrent et déterminent la sentence afin de voir si un placement sous garde est de mise. Cette modification ne devrait pas porter atteinte aux pouvoirs discrétionnaires de la police et n’empêcherait pas de recourir à des sanctions extrajudiciaires afin d’éviter aux jeunes de se retrouver devant le système de justice. Elle permettrait plutôt aux tribunaux de la jeunesse de voir si la fréquence ou la gravité des comportements criminels tendent à augmenter.
Le paragraphe 11(1) du projet de loi prévoit l’ajout du paragraphe 64(1.1), qui exige que l'avocat de la Couronne examine la pertinence d’imposer une sentence pour adultes dans certains cas. S'il décide de ne pas réclamer de telles sentences, il doit en informer le tribunal. Cette mesure, selon nous, ne porte pas atteinte au pouvoir discrétionnaire du procureur; elle rend plutôt le processus de prise de décisions de la Couronne plus ouvert et transparent, ce que les victimes et le public en général réclament souvent.
En ce qui concerne l'interdiction de publication concernant les jeunes, nous sommes depuis longtemps favorables à la disposition autorisant les juges à lever cette interdiction si un jeune est reconnu coupable d'une infraction avec violence. En taisant leurs noms, on a l'impression de protéger les jeunes, en quelque sorte. Mais nous avons toujours remis en question la sagesse de cette approche dans les cas de récidivistes commettant des crimes graves. Quand on assume ses responsabilités et rend compte de ses actes, on affronte la communauté. De plus, en quoi protège-t-on les citoyens innocents qui ignorent qu'un jeune a déjà commis un crime violent ou une agression sexuelle? Notre société doit savoir pourquoi elle protège un jeune et veiller à ce que cette protection ne se fasse pas au détriment de la sécurité de la population en général.
Je concluerai en disant que nous sommes généralement en faveur des modifications que l'on propose d'apporter à la Loi sur la justice pénale pour les adolescents. Malheureusement, cette loi ne peut servir qu'à intervenir après les faits. Elle s'applique exclusivement à ceux qui ont déjà enfreint la loi. Mais dans une société, il faut investir davantage dans les programmes de développement social pour en faire profiter tous les enfants. Les responsables de l'éducation, du logement, des services sociaux, de la planification municipale et des autres services municipaux ont tous un rôle à jouer dans la lutte au crime et la résolution des problèmes de sécurité à l'échelle locale.
Nous devons également nous rappeler que les collectivités ne sont pas toutes en mesure d'offrir les mêmes services sociaux. La LSJPA doit combler certaines de ces lacunes par la voie législative, et elle doit prévoir des mesures plus sévères pour les contrevenants qui en ont besoin.
Comme je l'ai dit plus tôt, nous appuyons les programmes de déjudiciarisation pour que les jeunes ne soient pas gardés en détention pour des infractions non violentes. Toutefois, lorsqu'il s'agit de crimes graves avec violence, ils doivent répondre de leurs actes. Pour certains qui sont très dangereux et incontrôlables, l'incarcération est nécessaire pour protéger le public.
Il faut que justice soit faite, même lorsque nous avons affaire à des jeunes contrevenants. Lorsque le système de justice n'impose pas des mesures sévères à l'égard des préjudices graves, peu importe l'âge de l'auteur, le public perd confiance dans le système de justice.
Nous demandons au comité d'appuyer le projet de loi et les modifications à la LSJPA qui sont proposées.
À la fin de la version papier de notre exposé, vous trouverez quelques recommandations que nous avons faites dans le passé, surtout en ce qui concerne les droits des victimes dans la LSJPA.
Merci.
Ma prochaine question est un peu technique. Elle s'adresse aux autres témoins également.
À un moment donné, au cours de nos audiences, je me suis tout à coup rendu compte que je revoyais sans cesse la même chose; j'ai eu une impression de déjà-vu. J'ai fini par comprendre de quoi il s'agissait. C'était lié à l'époque où le Parlement avait adopté les principes de détermination de la peine, à la première fois que nous les avons codifiés. Cela remonte au début des années 1990. Le comité avait fait un travail considérable à l'époque.
Madame Illingsworth, ce dont je me rappelais, puisque nous envisageons de modifier la LSJPA, c'est que nous reprenons les principes de détermination de la peine du Code criminel presque mot pour mot dans la LSJPA. Si je me souviens bien, cela n'a jamais été l'objectif de la LSJPA. Si tout ce que nous ferons, c'est adopter de nouveau les dispositions contenues dans le Code criminel dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, à quoi bon avoir des principes de détermination de la peine pour les adolescents? À quoi sert-il d'avoir un système distinct?
Je vais procéder par énumération pour que vous puissiez comprendre mon point de vue. Dans la LSJPA, le paragraphe 38(3) énumère environ six principes de détermination de la peine. Si on les lit dans l'ordre inverse, ils commencent à ressembler étrangement à l'article 718 du Code criminel, qui porte sur l'objectif. Lisez-les dans l'ordre inverse. Je vais le faire.
L'alinéa 38(3)b) ressemble à l'alinéa 718f) du code.
L'alinéa 38(3)c), qui porte sur la réparation, ressemble à l'alinéa 718)e) du Code criminel.
L'alinéa 38(3)d), si l'on change l'ordre des mots un peu, ressemble aux alinéas 718.2b) et 718.2c).
L'alinéa 38(3)e), qui porte sur les déclarations de culpabilité antérieures, et l'alinéa 38(3)f) se rapportent à l'alinéa 718.2a), qui porte sur les circonstances aggravantes ou atténuantes.
Ensuite, nous ajoutons la dénonciation, ce qui ressemble à l'alinéa 718a).
Ensuite, on ajoute la dissuasion, ce qui ressemble à l'alinéa 718b).
C'est comme si nous retournions à la case départ pour ce qui est de nos principes de détermination de la peine.
Ma question s'adresse à tous les témoins: est-ce que c'est ce que nous faisons en tant que société — revenir au point de départ et au point où les principes de détermination de la peine pour les adolescents commencent maintenant à ressembler à ceux que nous utilisons pour condamner les adultes? En sommes-nous là? Est-ce la voie dans laquelle nous nous engageons? Je vous pose la question à vous en tant que témoins, et je m'arrêterai ici.
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Je crois que le conseil est d'avis que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents contient des idées qui ne conviennent vraiment pas à des adolescents, mais conviennent plutôt à des adultes.
En particulier, certains d'entre nous ont pris part à une consultation nationale sur la LSJPA qui a mené à l'élaboration d'un document d'information qui, comme je le sais, a été remis au comité en décembre. C'était un processus de consultation nationale dans chaque province et territoire. Dans le document de consultation, on part d'un point de vue très arrêté selon lequel l'idée générale qui est ressortie de la consultation nationale, c'est que la LSJPA ne devrait pas être modifiée seulement pour le plaisir, et que les problèmes ne se trouvent pas dans les dispositions législatives, mais dans les services et le soutien qui devraient faire partie du système.
J'y ai participé en Colombie-Britannique, et Mme Godin, au Québec, et d'autres parmi nous ont participé aux consultations provinciales. Au cours de ce processus de consultation, nous avons constaté que l'idée d'intégrer dans la LSJPA les principes de détermination de la peine des adultes n'était pas populaire.
Évidemment, j'ai l'avantage supplémentaire d'avoir agi à titre de juge d'une cour provinciale pendant huit ans et d'avoir appliqué la LSJPA au Tribunal de la jeunesse. Nous appliquons les peines du Code criminel dans le cas de jeunes contrevenants, mais la façon de procéder est différente et c'est voulu; elle reflète les meilleures données que nous avons sur la situation cognitive et les circonstances du développement des adolescents.
Par exemple, en ce qui a trait à la dissuasion, il n'y a pas suffisamment de preuves, le cas échéant, que c'est efficace pour les adolescents. Il y a des preuves en ce qui concerne les adultes — c'est différent —, mais pas en ce qui concerne les adolescents.
Il est certain que les membres du conseil sont préoccupés par la transformation de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents en un système pour adultes; ce n'était pas censé se produire. Nous appuyons fortement l'idée de demander des comptes aux adolescents et de les rendre responsables de leurs actes et nous sommes en faveur de la réinsertion et de la réadaptation lorsqu'ils adoptent des comportements antisociaux, mais rien ne prouve à notre sens que les intégrer à un système destiné aux adultes fonctionnera.
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Tout d’abord, je n’ai pas examiné leurs documents en profondeur. Je comprends leur point de vue, les conclusions que la Commission Nunn a tirées, et nous nous sommes penchés sur un certain nombre d’affaires. Je crois surtout que la Commission Nunn était très persuasive lorsqu’elle a dit qu’il existe des systèmes pour les infractions violentes.
Peu importe l’endroit où le nombre d’infractions violentes commises par des adolescents est élevé, ce que nous voyons, surtout en Colombie-Britannique, d’où je viens, ce sont des projets menés en collaboration avec les services de police qui visent à cibler les jeunes contrevenants récidivistes; dans ces cas, on applique la loi de façon plus rigoureuse, on fait de la surveillance communautaire et bien entendu, on comprend qui sont ces jeunes contrevenants, surtout les jeunes qui commettent des infractions en Colombie-Britannique. Ce sont souvent de jeunes adolescents qui ne vivent plus chez leurs parents; ce sont des enfants qui ont été pris en charge, qu’on a placés dans plusieurs familles d’accueil; certains n’ont pas de foyer stable; il peut s’agir d’enfants autochtones qui ont subi beaucoup de traumatismes ou de mauvais traitements au cours de leur vie.
Nous constatons de grandes réussites pour ce qui est des projets dans lesquels les policiers font la promotion de la sécurité publique et procurent une meilleure stabilité pour les jeunes. Nous croyons qu’il existe un grand nombre d’outils dans la loi qui sont utilisés pour prévenir la criminalité.
Pour ce qui est des recommandations très précises au sujet de la détention avant le procès, des discussions ont lieu quant à savoir si les modifications apportées à cette partie de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents sont acceptables, si l’on veut, et si elles sont appuyées par des preuves, par rapport aux autres éléments de la loi.
Au conseil national, nous n’avons pas vraiment pris position sur la question. Je sais que certains des défenseurs… Dans mon mémoire, j’ai dit qu’à mon avis, ces principes comportent des avantages, mais que c’est l’optique générale qui nous préoccupe. Il y a des stratégies qui peuvent être mises en œuvre, mais dans l’ensemble, la stratégie plus vaste visant à ce que le système soit plus punitif et axé sur la dissuasion ne conviendra pas à la situation des contrevenants, selon nous.
Je remercie nos trois témoins d'avoir comparu. Votre témoignage est utile à notre examen du .
Je vais vous permettre de quitter.
Chers collègues, avant de suspendre la séance pendant quelques minutes, pourriez-vous examiner le neuvième rapport du comité de direction?
Nous nous sommes réunis plus tôt aujourd’hui et, pour l’essentiel, nous avons convenu d’ajouter deux jours à l’examen du pour nous permettre d’entendre plus de témoins, les 21 et 23 mars. Le 28 mars, nous pourrons nous occuper du rapport préliminaire sur le crime organisé pour voir si nous pouvons faire avancer les choses dans ce dossier. Le 30 mars, nous pourrions provisoirement mettre l’étude article par article du projet de loi C-4 à l’ordre du jour; cela comprend tous les amendements que vous aurez certainement préparés pour nous.
Vous avez eu l’occasion de le lire. Y a-t-il des commentaires?
Quelqu’un veut-il en proposer l’adoption?
M. Ménard en fait la proposition.
(La motion est adoptée.)
Le président:Je vous remercie.
Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes.
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Nous reprenons. Nous poursuivons notre examen du .
Nous accueillons de nouveau des représentants des gouvernements de l’Alberta, du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse.
De l’Alberta, nous accueillions Joshua Hawkes, directeur de la politique, Section des appels, éducation et politiques, ministère de la Justice et du Procureur général. Du gouvernement du Manitoba, nous entendrons David Greening, directeur administratif, Élaboration et analyse des politiques, ministère de la Justice. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse est représenté par Ronald MacDonald, premier avocat-conseil de la Couronne et conseiller politique de droit pénal, Politique, planification et recherche, ministère de la Justice.
Messieurs, nous vous avons demandé de revenir parce que depuis votre dernière comparution devant le comité, nous avons entretenu une correspondance continue avec vous. Vous avez proposé des modifications au projet de loi. Nous aimerions entendre ce que vous avez à dire. Nous allons tous vous donner l’occasion de parler, puis nous passerons aux questions des députés.
Allez-y, monsieur Hawkes.
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie, une fois de plus, de nous donner l’occasion d’expliquer nos préoccupations au sujet du projet de loi .
Le comité a accès à la transcription de notre comparution antérieure. Je vais évoquer nos inquiétudes à propos de certaines dispositions du projet de loi C-4. Elles ont trait aux dispositions relatives à la détention avant le procès et à des lacunes dans la définition du placement sous garde différé et dans le critère d’imposition d’une peine applicable aux adultes.
Comme je l’ai fait la dernière fois, je rappelle au comité que nous appuyons en général les orientations politiques du gouvernement que le ministre Nicholson a énoncées au Parlement. Toutefois, à notre avis, le libellé de la mesure législative crée les problèmes que nous soulevons. Je vais aborder la question de la détention avant le procès. M. Hawkes traitera de la question des peines applicables aux adultes, et M. Greening, de celle du placement sous garde différé.
En ce qui concerne la question de la détention avant le procès, je vous rappelle que, dans son rapport, le juge Nunn ne préconise pas d’apporter à la loi des changements généraux qui permettraient d’incarcérer les adolescents plus fréquemment. Pas plus que la Nouvelle-Écosse ne le fait aujourd’hui. En revanche, notre mémoire souligne le fait que, parfois, certains adolescents sont incontrôlables et que les tribunaux doivent, par conséquent, disposer des outils convenables pour protéger le public et venir en aide aux adolescents. C’est peut-être malheureux, mais ces outils doivent parfois comprendre la capacité pratique de placer les adolescents en détention tant avant le procès — surtout avant celui-ci — qu’après celui-ci, en fonction des diverses infractions et circonstances.
En résumé, bien qu’en principe, il soit correct de dire que nous ne tenons pas à incarcérer un nombre d’adolescents plus grand qu’il le faut, cela ne veut pas dire que le système devrait être assujetti à des restrictions qui entravent en fait la détention lorsque nous estimons qu’elle pourrait bien être nécessaire.
Après notre comparution du 17 juin dernier, pour donner suite à la demande de votre comité, on nous a demandé de rédiger un texte de loi qui, à notre avis, résoudrait les problèmes que nous avions signalés. Par conséquent, nous avons présenté un mémoire complémentaire et un tableau qui expose les grandes lignes de ce texte de loi.
Je tiens à vous rappeler brièvement que, dans sa forme actuelle, le projet de loi prévoit d’apporter des changements à l’article 29 qui permettront de placer plus souvent en détention les adolescents avant leur procès lorsque leurs infractions sont passibles d’une peine applicable aux adultes de plus de cinq ans. Par contre, comme nous l’avons mentionné la dernière fois, l’article interdit la détention avant le procès pour des infractions qui entraîneraient une peine applicable aux adultes de moins de cinq ans.
Mon collègue, M. Greening, qualifie le libellé de dispositions de « mise en liberté d’office », et je vous ferais observer que sa caractérisation est pertinente. Si le libellé n’est pas modifié, nous craignons énormément que cela crée une situation qui permettra aux adolescents de commettre des infractions à répétition sans qu’on puisse les détenir avant leur procès pour les empêcher de récidiver et protéger ainsi le public. En d’autres termes, le projet de loi ne préserve pas le pouvoir discrétionnaire dont les juges doivent jouir pour placer en détention un jeune récidiviste dont le comportement criminel met la population en danger ou qui se montre non disposé ou inapte à respecter les conditions qu’il doit remplir en attendant son procès.
Par conséquent, nous avons présenté les modifications que nous suggérions et que vous trouverez… J’espère que vous avez en main le tableau des changements. Je vais maintenant les passer en revue. La formulation que nous suggérons ici préserve ce pouvoir discrétionnaire tout en prenant acte du fait que la Couronne doit assumer un fardeau supplémentaire lorsqu’elle demande la détention pour des infractions n’entrant pas dans la définition d’« infraction grave ».
Sur le côté gauche du tableau, nous avons inscrit le libellé actuel du projet de loi et, sur le côté droit, la formulation que nous suggérons. J’ai déjà énoncé nos préoccupations au sujet du libellé actuel. Il permet de placer plus souvent les adolescents en détention avant leur procès lorsque leurs infractions sont graves et interdit la détention avant le procès dans les cas d’infractions moins graves.
Premièrement, nous suggérons de maintenir le lien qui existe entre l’article 29 et l’article 515 du Code criminel. Ainsi, les tribunaux et ses praticiens seront déjà au courant du régime. Autrement dit, les enquêtes sur le cautionnement seront toujours structurées de la même manière. Hormis cela, nous soutenons que le critère à remplir pour détenir des adolescents qui ont commis des infractions moins graves devrait être plus rigoureux. Par conséquent, comme il est indiqué dans le tableau, nous suggérons que le paragraphe 29(2) soit formulé comme suit: « Le juge du tribunal pour adolescents ou le juge de paix présume que la détention de l’adolescent n’est pas nécessaire… au titre de l’alinéa 515(10)b)... à moins que l’infraction soit: a) une infraction grave… »
Cela signifie que les infractions graves ne seront pas assujetties à une présomption contraire à la détention mais, bien entendu, les tribunaux seront toujours tenus d’appliquer tous les critères qui doivent actuellement être remplis pour placer des adolescents en détention avant leur procès.
On ne détient pas quelqu’un à moins que la Couronne se soit acquittée du fardeau de convaincre le tribunal que la détention est nécessaire, compte tenu des divers critères actuellement prévus par l’article 515 qui sont invoqués dans la jurisprudence pertinente.
Cependant, en ce qui concerne les infractions moins graves, nous suggérons que la détention continue, à moins que — et c’est le moment de consulter l’alinéa 29(2)b) du libellé que nous proposons, lequel porte sur l’infraction « commise dans des circonstances » et sur le « comportement antérieur de l’adolescent ».
Cela permettrait au tribunal de prendre en considération non seulement leur casier judiciaire, mais peut-être aussi des infractions perpétrées antérieurement pour lesquelles ils n’ont pas été reconnus coupables, et le juge Nunn a précisément fait allusion à cela. Si l’infraction est moins grave, ces circonstances et ce comportement devraient attester « selon la prépondérance des probabilités » — en d’autres termes, il faudrait que la Couronne démontre — que l’adolescent est incontrôlable et « récidiviste » ou qu’il « constitue une menace pour la population » — ce qui est logique, à mon sens — ou qu’il « s’est montré non disposé ou inapte à respecter les conditions propices à une bonne conduite. »
Autrement dit, ils ont commis de nombreuses infractions, vous les avez libérés sous conditions, et ils n’ont pas voulu ou pu respecter ces conditions qui visaient à leur éviter les ennuis et à protéger la société. Essentiellement, ces articles ont deux objectifs.
Premièrement, à notre avis, ils sont représentatifs des décisions rendues par les tribunaux qui ont interprété la présomption contraire à la détention actuellement prévue par les dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents; nous avons étudié cette jurisprudence et l’avons codifiée au profit des tribunaux. Deuxièmement, ils définissent essentiellement les adolescents incontrôlables qui commettent des infractions moins graves.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Si un jeune commet un vol de moins de 5 000 $ pour la première fois et que c’est tout ce qu’il a fait, le critère ne sera pas rempli. La présomption contraire à la détention s’appliquera, et il y a lieu d’espérer qu’il ne sera pas détenu.
Supposons qu’il commet ensuite quelques vols à l’étalage de plus ici et là ou qu’il vole une voiture d’une valeur de quelques milliers de dollars seulement, mais qu’il ne cause aucun dommage supplémentaire. S’agit-il, encore une fois, d’un récidiviste? C’est au tribunal qu’il incombera de déterminer si ce niveau a été atteint. Représente-t-il une menace? C’est encore au tribunal qu’il incombera de le déterminer. S’est-il montré non disposé ou inapte? Encore une fois, cette détermination incombera au tribunal.
À mon avis, notre formulation tente de bien illustrer notre désir de préserver la présomption contraire à la détention, sauf si le comportement de l’adolescent démontre qu’il est essentiellement incontrôlable et que le tribunal n’a aucun autre choix que celui de le placer en détention.
Donc, tout comme aujourd’hui, la présomption contraire à la détention serait valide. Les tribunaux disposeraient de directives claires et auraient le pouvoir de placer en détention les adolescents incontrôlables qui commettent ce genre d’infractions à répétition, infractions qui, comme nous l’avons malheureusement observé, les conduisent à perpétrer des actes criminels plus graves. De plus, les dispositions actuelles de la loi qui stipulent que les infractions graves ne sont pas assujetties à cette présomption demeureraient en vigueur.
Voilà la formulation que nous suggérons. Ainsi, la Couronne aurait plus de difficulté à placer en détention les adolescents ayant commis ces infractions, mais elle aurait toujours la possibilité de le faire alors que les dispositions actuelles ne le permettent pas.
Voilà mes observations au sujet de la détention avant le procès
:
Les dispositions dont je vais vous entretenir sont celles ayant trait à la capacité d’imposer une peine applicable aux adultes. Pendant la période dont je dispose pour résumer nos deux mémoires et pour expliquer la position que nous adoptons dans notre mémoire complémentaire, voici ce que j’aimerais vous communiquer.
Il est clair que la capacité d’imposer aux adolescents une peine applicable aux adultes fait partie intégrante de notre système de justice pour la jeunesse. On se sert de ces dispositions de manière exceptionnelle et parcimonieuse, mais elles s’inscrivent dans le cadre de la justice pénale du Canada et de la justice pénale pour les adolescents depuis 1908. On les retrouve dans pratiquement tous les autres systèmes internationaux conçus pour exercer la justice pénale auprès des adolescents. Il est indispensable qu’elles continuent d’exister et de fonctionner de manière satisfaisante.
Le projet de loi dont vous êtes saisi est problématique parce que son article 18 supprime en fait cette capacité. Lorsque nous avons examiné les lois des pays du Commonwealth et des États des États-Unis, nous n’avons trouvé aucune disposition indiquant que la norme de preuve applicable à l’imposition d’une peine applicable aux adultes était celle de la preuve hors de tout doute raisonnable. C’est ainsi parce que la nature des facteurs à prendre en considération exige vraiment leur conciliation, c’est-à-dire une procédure qui n’est pas susceptible d’être assujettie à une telle norme de preuve.
On analyse la maturité de l’adolescent, son développement, ses antécédents, son passé et la nature de l’infraction — à savoir si elle atteint le degré de gravité requis —, et l’on détermine si les peines imposables en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents sont assez longues pour amener le jeune à assumer ses responsabilités et pour lui donner la meilleure chance de se réadapter. Il est tout simplement impossible de prouver ces faits hors de tout doute raisonnable.
Dans l’ancienne Loi sur les jeunes contrevenants, la Cour suprême du Canada a reconnu explicitement cette conclusion et a déclaré que ces faits n’étaient pas susceptibles d’être assujettis à une telle norme de preuve. Après l’adoption de cette loi, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que c’était en fait le cas.
Vous avez entendu des témoins déclarer que l’article 18 était une tentative pour codifier ce que la Cour suprême du Canada avait exigé dans l’affaire R. c. D.B. Avec respect, nous estimons que l’article 18 va trop loin, que l’arrêt D.B. exige en fait que le fardeau de la preuve incombe à la Couronne et qu’il stipule également que la Couronne est tenue de prouver les circonstances aggravantes. La jurisprudence en fait déjà état en raison des dispositions du Code criminel applicables aux adultes, qui sont bien comprises. Bien que ces principes n’aient pas encore été codifiés dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ils sont reconnus comme des principes constitutionnels.
Par exemple, selon la jurisprudence actuelle, si je cherchais à imposer à un adolescent une peine applicable aux adultes et qu’une des circonstances aggravantes sur lesquelles je m’appuyais était le fait que l’inculpé avait tenté de taillader le visage de la victime avec un couteau, ce qu’il niait — et ces circonstances sont tirées d’une décision publiée —, en tant qu’avocat de la Couronne, je serais tenu de prouver hors de tout doute raisonnable que ce fait s’était produit. C’est ainsi que la loi fonctionne aujourd’hui, et c’est tout à fait approprié. Il n’est pas nécessaire de codifier ce principe ou d’apporter des modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour que ce principe soit respecté, pas plus que cela l’était quand, dans une autre circonstance, un désaccord est survenu lorsqu’il a fallu établir si le délinquant était âgé d’au moins 14 ans au moment de l’infraction. Cette conclusion de fait est, bien entendu, celle qui permet d’obtenir l’imposition d’une peine applicable aux adultes. Si les délinquants sont âgés de moins de 14 ans, cette option n’est pas disponible. Par conséquent, la Couronne a été tenue de présenter une preuve formelle à cet égard. Il nous a fallu prouver hors de tout doute raisonnable l’âge de l’adolescent au moment de l’infraction. C’est de bonne guerre puisque ces faits sont susceptibles d’être assujettis à cette norme de preuve directe. Ce fardeau nous a toujours incombé, et nous sommes toujours disposés à le porter.
Pour mettre en contexte la question des peines applicables aux adultes, ce qui, de manière réaliste, nous intéresse en elles n’est pas la durée de leur incarcération. Cela s’explique parce que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents prévoit des peines maximales d’emprisonnement assez semblables aux périodes d’incarcération prévues par le Code criminel avant l'admissibilité à la libération conditionnelle. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents prescrit des peines maximales de 10 ou 7 ans, qui comprennent respectivement six années de détention suivies de quatre années de surveillance communautaire ou quatre années de détention suivies de trois années de surveillance communautaire.
Dans le Code criminel, l’article 745.1 stipule que la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle qui s’applique aux délinquants de moins de 16 ans varie de cinq à sept ans — et le tribunal choisit une durée dans cet intervalle —, alors que, pour les meurtres au premier degré, cette période s’élève à 10 ans pour une personne âgée de plus de 16 ans et à sept ans pour une personne âgée de moins de 16 ans.
L’autre disposition du code qui importe est l’article 746 qui indique que cette période commence à la date où le délinquant est incarcéré. Donc, la détention avant le procès fait partie de la peine. Par conséquent, quand la peine applicable aux adultes prend fin, ce qui nous intéresse vraiment, c’est la période de supervision à laquelle les délinquants sont assujettis pendant leur libération conditionnelle. Si l’on condamne le délinquant à une peine applicable aux adultes, il sera supervisé pendant toute sa vie. Voilà ce à quoi nous faisons allusion, à savoir si cette supervision et ce soutien sont nécessaires tant pour protéger la population que pour assurer la réadaptation du délinquant. Dans les rares circonstances où l’imposition d’une peine applicable aux adultes est appropriée, nous estimons qu’il est nécessaire d’accorder ce genre de protection pendant cette période, et je vous ferais observer qu’aucun des témoins que vous avez entendus n’a dit le contraire. Pendant mon examen de tous les témoignages présentés devant le comité, j’ai remarqué que personne n’avait déclaré que les dispositions des peines applicables aux adultes ne fonctionnaient pas, ou qu’elles étaient en quelque sorte trop lourdes ou trop légères. À mon avis, elles atteignent le juste équilibre.
Malheureusement, le projet de loi modifie radicalement cet équilibre, alors que notre formulation tente de préserver celui qui existe aujourd’hui, en accordant aux tribunaux le droit d’examiner tous les facteurs contextuels et les circonstances avant de déterminer si une peine applicable aux adultes est appropriée. La formulation que nous suggérons diffère du libellé actuel du projet de loi parce que nous y intégrons tous les facteurs contextuels que le projet de loi supprime et que nous éliminons la référence à la preuve hors de tout doute raisonnable. Voilà essentiellement les changements que nous proposons et les raisons pour lesquelles nous les proposons.
Merci beaucoup.
Je vais vous parler du placement sous garde différé.
Pour nous mettre en contexte, l'alinéa 42(5)a) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents dicte qu'un adolescent peut être placé sous garde différée s'il est déclaré coupable d'une « infraction autre qu'une infraction grave avec violence ». L'alinéa 42(2)p) dicte que ces peines ne peuvent pas être imposées pour une durée supérieure à six mois. En gros, les placements sous garde différés sont l'équivalent des peines d'emprisonnement avec sursis prévues dans le Code criminel pour les adultes et qu'on appelle souvent l'assignation à résidence dans les médias.
Le problème que nous y voyons, c'est qu'actuellement, la définition de sévices graves à la personne met l'accent sur les circonstances de l'infraction et s'applique aux contrevenants qui causent ou essaient de causer des sévices graves à la personne. À notre avis, cette disposition est fondée, puisque le placement sous garde différé permet au jeune (si la gravité de l'infraction le permet) de purger sa peine à domicile plutôt que d'être emprisonné et que la peine ne peut alors pas excéder six mois. Ce n'est pas une peine conçue pour les infractions graves et violentes.
Ce qui nous préoccupe, c'est que la modification de la définition « d'infraction grave avec violence » semble avoir une conséquence involontaire sur les dispositions régissant les peines pour adultes qu'on trouve dans les modifications présentées dans le projet de loi . Selon la nouvelle définition énoncée à la subdivision (2) du projet de loi C-4, les peines de placement sous garde pourraient s'appliquer à toutes les infractions sauf le meurtre, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire et l'agression sexuelle grave.
Cela rend ces peines applicables à tout un éventail d'infractions auxquelles elles ne s'appliquent pas en ce moment. En gros, un jeune pourrait purger sa peine à domicile, pour un maximum de six mois seulement, pour des infractions aussi graves que voies de fait graves, voies de fait causant des lésions corporelles, négligence criminelle causant la mort ou des lésions corporelles ou encore conduite dangereuse ou conduite avec les facultés affaiblies causant la mort ou des lésions corporelles. Il y a vraiment de quoi s'inquiéter que des peines aussi courtes puissent s'appliquer à des infractions aussi graves.
De plus, nous constatons que cela semble absolument contraire aux objectifs stratégiques déclarés du gouvernement, à savoir de resserrer les dispositions de détermination des peines prévues dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et de réduire les obstacles à la détention pour les jeunes contrevenants violents et récidivistes. C'est également contraire à la politique qui sous-tend le projet de loi , actuellement soumis au Parlement et qui est conçu pour supprimer les peines avec sursis de l'éventail des peines applicables aux adultes qui commettent des infractions graves.
À notre avis, il n'est pas justifié de rendre l'équivalent des peines avec sursis prévues dans la LSJPA accessible pour les infractions graves avec violence qui sont actuellement exclues. Cette mesure va compromettre la sécurité publique et entraver la confiance du public envers le système de justice. Nous croyons qu'il y a lieu de modifier le projet de loi afin que les ordonnances différées de placement sous garde ne puissent toujours pas s'appliquer aux jeunes qui causent ou tentent de causer des lésions corporelles graves.
Pour ce qui est des modifications que nous proposons d'apporter aux dispositions du projet de loi , elles sont très simples et reflètent notre point de vue qu'il s'agit là d'un effet involontaire. En gros, tout ce que nous proposons, c'est d'incorporer à l'alinéa 42(5)a) la définition actuelle d'infraction grave avec violence plutôt que d'accepter la définition d'infraction grave avec violence proposée dans le projet de loi C-4, ce qui garantira que ces peines resteront inapplicables aux jeunes qui commettent une infraction causant ou visant à causer des lésions corporelles graves.
La modification que nous proposons est présentée dans le tableau. Vous pouvez voir la comparaison entre les deux versions. C'est un changement tout simple, mais à notre avis, il serait important pour éviter un effet involontaire qui aurait des conséquences graves et pourrait miner la confiance du public envers le système de justice pénale.
Pour conclure, je n'ai vu aucun argument ni preuve qu'il faudrait limiter l'interdiction applicable aux peines à la portée très étroite qu'on trouve dans la définition proposée d'« infraction grave avec violence ».
Bref, nous semblons bien devant une conséquence involontaire. Un changement tout simple au projet de loi pourrait corriger le problème. Nous demandons au comité d'envisager très sérieusement de l'apporter.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie infiniment de vos exposés d'aujourd'hui et de comparaître devant le comité.
Je constate d'après les mémoires que vous avez préparés conjointement que vous semblez très au courant de la commission d'enquête du juge Nunn, de son rapport et des recommandations qu'il a faites concernant la LSJPA. Il est également très clair que vous avez analysé attentivement le projet de loi .
Vous avez remarqué que certains articles semblent avoir des conséquences involontaires et vous proposez des modifications pour les corriger. Il y a aussi d'autres modifications proposées dans le projet de loi C-4 que vous ne semblez pas juger nécessaires. Prenons par exemple les peines pour adultes. Il semble y avoir un réel problème dans les dispositions du projet de loi C-4, parce qu'elles obligeraient la Couronne à prouver sa position « hors de tout doute raisonnable », alors qu'une lecture complète et une bonne compréhension de la jurisprudence sur la question montrent que cela aggrave clairement les circonstances, comme vous venez de le mentionner.
Y a-t-il des amendements que nous pourrions apporter au projet de loi pour remédier à toutes les conséquences involontaires qui ne devraient pas avoir lieu selon vous parce qu'elles ne seraient pas bénéfiques au système de justice pénale pour les adolescents? Est-ce que les articles du projet de loi C-4 qui vous semblent inadéquats seraient récupérables grâce aux modifications que vous proposez? C'est ma première question.
Ensuite, le gouvernement fédéral — ou devrais-je dire le gouvernement Harper — n'a commandé aucune étude sérieuse à notre connaissance, en collaboration avec les gouvernements provinciaux, sur les incidences concrètes de la LSJPA dans les provinces et les territoires afin de recueillir des données empiriques, des preuves factuelles de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Croyez-vous qu'il aurait été préférable d'attendre les résultats de telles études et de l'examen quinquennal du projet de loi avant d'adopter ces modifications?
Si vous me dites que c'est une question politique et que vous n'êtes pas à l'aise d'y répondre, je vais comprendre totalement.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux souhaiter la bienvenue aux témoins que nous accueillons.
Je dois dire, monsieur le président, que je me dissocie des propos de M. Comartin, qui indiquait ne pas toujours être sincère lorsqu'il souhaite la bienvenue aux témoins. Ce n'est pas mon cas.
Des voix: Oh, oh!
M. Stephen Woodworth: Je note également avec le plus grand des respects que M. Comartin a admis estimer que les juges commettent parfois des erreurs, tout au moins lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec ses politiques. J'en prends donc bonne note, monsieur Comartin, et tout cela très respectueusement, comme vous le savez.
Je tiens à remercier tout particulièrement nos témoins actuels, car ils sont dans une catégorie à part, si je puis dire, par rapport à bon nombre de ceux que nous accueillons habituellement.
Je présume que vous avez tous une formation en droit et votre feuille de route m'indique que vous occupez des postes de haute direction. Sans trop vouloir vous vieillir, je vais présumer que vous avez tous pratiqué le droit pendant une bonne dizaine d'années tout au moins et que vous connaissez donc bien les détails de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ce qui vous procure un point de vue d'expert qui échappe à bon nombre des témoins que nous recevons.
J'aimerais revenir brièvement à l'un de vos commentaires, monsieur Hawkes, parce que nous avons eu un échange au sujet de l'article 3 lors de votre dernière comparution. Je vous ai demandé si j'avais raison de croire que le libellé actuel de cet article inclut la protection du public et que les amendements ne modifiaient en rien le fait que quatre facteurs étaient prévus à l'article 3, et que l'alinéa 3(1)a) n'était ni plus ni moins prioritaire que les alinéas 3(1)b), 3(1)c) et 3(1)d). Vous aviez convenu de cela à l'époque et je pense que vous faisiez erreur aujourd'hui en indiquant que les amendements ajoutent la notion de protection du public à l'alinéa 3(1)a). En fait, si vous examinez les dispositions existantes, vous constaterez que cette notion est déjà présente, même si l'on parle de « protection durable », plutôt que de « protection » seulement.
J'estime que cette précision est importante compte tenu du grand nombre de témoins qui semblent croire que ce concept de la protection du public n'est pas déjà présent. Je pense qu'il faut rectifier le tir. Quoi qu'il en soit, j'aimerais que vous me disiez tous ce que vous pensez, en votre qualité d'avocats sérieux et expérimentés, des propos tenus précédemment par mon collègue Derek Lee.
Il a laissé entendre qu'il y avait eu pour ainsi dire infiltration, de telle sorte que les principes de détermination de la peine s'appliquant dans le cadre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents se rapprochent désormais grandement de ceux se retrouvant dans le Code criminel à proprement parler. J'ai noté qu'il ne citait pas alors le projet de loi ; il nous faisait lecture de dispositions existantes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents en faisant valoir qu'elles étaient déjà largement assimilables à celles prévues pour les adultes dans le Code criminel.
Pourriez-vous nous dire si vous croyez d'une manière générale que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, avec les amendements proposés dans le cadre du projet de loi , permettra toujours de préserver la distance et la séparation nécessaires entre nos principes de justice pénale pour les jeunes et pour les adultes?
Monsieur Hawkes, comme je vous ai déjà interpellé, peut-être pourriez-vous débuter.