C'est la 53e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Pour le compte rendu, je mentionne que nous sommes aujourd'hui le mercredi 9 mars 2011.
Vous avez devant vous l'ordre du jour. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Comme d'habitude, nous allons entendre un certain nombre de témoins qui vont nous aider à effectuer cette étude. Nous allons accueillir deux groupes aujourd'hui. Dans le premier, nous avons Anita Desai, de la Société Saint-Léonard du Canada, ainsi qu'Elizabeth White. Bienvenue à toutes les deux.
Nous allons également entendre à nouveau l'Association du Barreau canadien au sujet de ce projet de loi. Bienvenue à Gaylene Schellenberg et à M. Stroppel.
Nous allons également réentendre M. Nicholas Bala de la Faculté en droit de l'Université Queen's. Bienvenue à vous aussi.
Nous allons commencer par Mme White. Vous avez 10 minutes pour présenter votre exposé.
Lorsque vous aurez tous terminé, nous passerons aux questions.
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Merci, monsieur le président, de nous avoir invités à comparaître devant le comité.
Je parle au nom de la Société Saint-Léonard du Canada et cela fait quelques années que nous n'avons pas comparu devant vous; je mentionnerai simplement que nous avons 45 ans d'expérience dans le domaine de la justice pénale et de la justice sociale, et que nous appuyons nos agences membres qui fournissent des services directs dans toutes les régions du Canada. Nous avons été surtout connus auparavant pour notre intérêt pour les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement de longue durée et à perpétuité et pour nos services résidentiels, mais nous pensons et savons que les jeunes sont l'élément clé de la sécurité de nos collectivités, et c'est la raison pour laquelle nous sommes heureux de comparaître sur cette question.
J'ai eu la chance de participer à une table ronde à Toronto sur le système de justice pour les jeunes en 2008 et maintenant que je viens d'obtenir le rapport de cette réunion, je suis frappée par les ressemblances qui existent entre les conclusions de cette table ronde et les sujets que nous abordons dans le mémoire que nous vous avons transmis il y a quelques mois.
La Société Saint-Léonard du Canada estime qu'il est important de noter que, depuis l'adoption de la LSJPA en 2003, il y a eu une diminution importante de l'incarcération des jeunes sans qu'il y ait d'augmentation importante de leur criminalité. Il est évident qu'il y a quelque chose qui donne de bons résultats.
Pour en venir au projet de loi , nous sommes favorables à l'ajout à l'article 3 du principe de la « culpabilité morale moins élevée » et nous voulons également manifester notre appui à l'article 21 qui interdit l'emprisonnement des adolescents dans les établissements correctionnels pour adultes. Par contre, la Société Saint-Léonard est gravement préoccupée par les articles 4, 7, 8, 11, 18, 20 et 24. J'aimerais prendre quelques instants pour les examiner. Nous sommes également inquiets de l'élargissement de la définition d'infraction avec violence par l'adoption d'une formulation très large, ce qui est pour nous une grave source de préoccupation.
Nous aimerions également mentionner que la LSJPA a donné à notre pays la possibilité de perdre la distinction quelque peu odieuse d'avoir le plus fort taux d'incarcération des jeunes parmi tous les pays occidentaux. C'est une grande réussite.
Nous pensons que ces modifications sont une réponse à des cas isolés et sensationnalistes, ce qui n'est pas la meilleure façon de réformer une loi. Nous estimons qu'il faudrait procéder à un examen plus rigoureux et qu'il serait bon de donner à cette loi le temps de montrer quels peuvent en être les effets avant d'introduire des changements. Nous estimons que la plupart des questions soulevées par le projet de loi sont déjà réglées de façon appropriée.
La dissuasion en tant que principe de détermination de la peine n'est pas un ajout utile. Il n'existe aucune preuve qui démontre qu'elle ait un effet sur la prévention de la criminalité. Nous estimons que la LSJPA a délibérément et à juste titre omis de mentionner la dissuasion comme principe de détermination de la peine, et que cette loi répond aux besoins des tribunaux parce qu'elle leur permet d'imposer des peines appropriées aux jeunes qui leur offrent de bonnes chances de se réintégrer à la société et de s'amender. Étant donné l'absence de preuve concrète démontrant l'efficacité de la dissuasion, nous sommes inquiets de constater que l'on s'apprête à modifier les règles relatives à la détention avant le procès. Les lignes directrices que contient la loi au sujet de la détention préalable au procès paraissent être suffisamment précises. Le pouvoir de détenir un adolescent existe déjà lorsque le tribunal pour adolescents est convaincu de l'utilité de cette mesure. Nous estimons que les modifications proposées imposent aux tribunaux le fardeau d'envisager la détention pour une gamme d'infractions tellement large que rares seront les cas où la détention ne sera pas envisagée.
Les sanctions extrajudiciaires sont conformes aux valeurs fondamentales de la LSJPA parce qu'elles visent à éviter les peines privatives de liberté sauf si elles sont nécessaires et qu'elles favorisent les mesures de rechange viables qui augmentent la possibilité qu'elles aient des effets positifs sur les jeunes. L'approche actuelle considère que la reconnaissance par le jeune de sa culpabilité est une base qui lui permet d'aller de l'avant, plutôt qu'un moyen de le mêler davantage au système pénal. Les jeunes acceptent de prendre leurs responsabilités. Si l'on élargit le critère pour que ces aveux soient admissibles en preuve au moment de la détermination d'une peine privative de liberté, ces aveux de culpabilité associés aux sanctions extrajudiciaires auront pour effet de dissuader, d'après nous, non seulement les jeunes, mais également les policiers, d'y avoir recours.
Pour ce qui est de l'interdiction de la publication, la loi autorise actuellement la levée de l'interdiction lorsqu'elle est dans l'intérêt du jeune ou de la sécurité publique. Nous savons que la publication de son identité a des effets stigmatisants. Nous savons que cette étiquette stigmatisante limite les possibilités qui s'offrent au jeune et le conduit bien souvent sur le chemin de la récidive. Cela n'est tout simplement pas compatible avec les principes sur lesquels repose la loi. Comme M. Doob l'a fait remarquer au cours de sa comparution la semaine dernière, si l'on veut élargir la publication de ces renseignements, il faudrait qu'elle ne puisse se faire qu'après épuisement de toutes les voies d'appel.
J'aimerais parler brièvement des rapports qui existent entre la santé mentale et la criminalité des jeunes. Il semble qu'environ 10 p. 100 des jeunes ayant des démêlés avec la justice pénale souffrent de troubles mentaux. Je le signale parce que nous estimons que, si nous voulons lutter contre la criminalité juvénile, il conviendrait de répondre aux besoins des nombreux jeunes qui souffrent de troubles mentaux, et oui, par conséquent, aux risques qu'ils posent. Il est essentiel qu'ils aient accès à des services de soutien pour les aider de se retrouver en situation de conflit avec la loi. Étant donné que plus de 70 p. 100 des détenus adultes qui souffrent de troubles mentaux ont eu des démêlés avec la justice avant d'atteindre l'âge de 18 ans, il est évident qu'il est essentiel de tenir compte de la santé mentale des jeunes si l'on veut minimiser les coûts de santé à long terme et les souffrances.
Dans la même veine, nous sommes inquiets des récents rapports faisant état d'un taux de 70 p. 100 de comorbidité chez les jeunes incarcérés qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Il a également été constaté que plus de 30 p. 100 des jeunes qui ont un grave problème médical ont aussi des problèmes de santé mentale. Il est évident que de meilleurs résultats sur le plan de la santé mentale entraîneront de meilleurs résultats sur le plan de la justice. Nous ne sommes pas certains que les modifications proposées s'attaquent à ce problème très grave et nous sommes certains que des mesures punitives ne permettront pas de le régler.
Il existe des preuves très fortes qui démontrent la nécessité de réduire la criminalisation des jeunes souffrant de troubles mentaux de façon à favoriser leur réinsertion sociale, leur réintégration, la sécurité de la population et réduire les coûts, d'une façon générale.
J'aimerais citer l'exemple de London en Ontario, où les services communautaires de Saint-Léonard dans cette région comprennent un programme qui s'appuie sur un centre d'accueil. Ce centre supervise environ 150 jeunes sur une période de six mois, et obtient un bon taux de succès grâce à des programmes de déjudiciarisation. Ils fonctionnent depuis six ans et on a évalué que les économies réalisées sur le plan de la garde par rapport aux centres d'accueil s'élèvent à près de 7 à 10 millions de dollars. De tels montants permettent vraiment d'aider les jeunes.
J'aimerais également parler de l'ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d'un programme intensif de réadaptation (PSPIR). Cette mesure, qui est excellente, n'est toujours pas utilisée pleinement. En fait, nous avons appris cette semaine que de nombreux juges canadiens ne savaient même pas qu'ils pouvaient l'utiliser. Malgré des attributions de fonds qui permettraient d'imposer 50 peines de ce genre par année, il y en a eu moins de 80 depuis 2003. Il faut prendre des mesures pour mieux faire connaître cette intervention très efficace qui a en outre pour effet de réduire la criminalisation.
Nous pensons que les coûts supplémentaires qu'entraîneraient des mesures de placement sous garde renforcées ne sont ni nécessaires ni appropriés pour la population canadienne. La Société Saint-Léonard estime qu'il faut donner à cette loi le temps d'être mise en oeuvre. Le rapport qui fait suite aux tables rondes fait état d'un consensus très général sur le fait que les lacunes ne se trouvent pas dans la loi, elles sont dans le système. Il convient de faire davantage d'efforts pour mieux la mettre en oeuvre.
Nous pensons qu'il est effectivement nécessaire de prendre des mesures dans le domaine de la justice pour les jeunes: non pas adopter des lois ou emprisonner les jeunes, mais faciliter l'accès aux interventions et aux services de soutien grâce à des initiatives fédérales-provinciales-territoriales axées sur la collaboration, en dépassant les questions de compétence et en répondant aux besoins réels.
Merci.
Je m'appelle Rick Stroppel. Je suis avocat depuis 27 ans. Pendant sept ans et demi, je me suis exclusivement occupé de dossiers de jeunes. Je travaille également comme avocat au Youth Criminal Defence Office d'Edmonton. Je me suis occupé de tous les niveaux de ces dossiers, je me suis occupé de toutes sortes de dossiers depuis le vol à l'étalage jusqu'au meurtre. J'ai participé à l'élaboration du mémoire de l'ABC et je suis ici pour l'appuyer.
J'aimerais commencer par dire que les modifications que l'on se propose d'apporter à la LSJPA sont, dans un certain sens, nécessaires. Dans le cas d'une loi pénale, il est très courant, certains diraient même inévitable, que la mise en oeuvre de la loi dans le monde réel soulève des difficultés qu'il faut régler. C'est ce qui s'est passé avec la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Je dois dire que, pour ce qui est du mémoire de l'ABC, nous avons tenté de respecter un certain équilibre. Cela reflète l'équilibre qui règne au sein de l'ABC elle-même. Notre organisme comprend non seulement des avocats de la défense, mais aussi des poursuivants et des juges. Ainsi, lorsque nous commentons un projet de loi comme celui-ci, nous aimons souligner les aspects que nous considérons comme étant positifs, par exemple, les changements positifs qui sont proposés, et nous en avons tenu compte dans notre mémoire.
Je me permets de vous demander de vous reporter à la page 5 de notre mémoire où nous félicitons le Parlement d'avoir ajouté la présomption de culpabilité morale moins élevée tirée de l'affaire R. c. B. (D.). Au bas de la page 6 de notre mémoire, nous affirmons être favorables à l'interdiction d'amener des jeunes à purger leur peine dans des prisons pour adultes. Nous appuyons la nouvelle définition d'infraction grave avec violence parce qu'elle précise cette notion. Ce sont là certains éléments du projet de loi qui nous paraissent positifs et que nous appuyons. Il nous est apparu évident que, d'une façon générale, les modifications ont été préparées par des gens qui connaissaient assez bien le droit applicable aux jeunes, qui possédaient une certaine expertise dans ce domaine, et qui ont beaucoup réfléchi à toute cette question.
J'aimerais, dans mes commentaires d'ouverture, replacer le problème de la criminalité des jeunes dans son contexte. Je parlais à M. Bala avant de comparaître ici aujourd'hui. Il m'a dit qu'il estimait qu'environ 80 p. 100 des crimes commis par les jeunes sont de nature non violente. Pour ce qui est du 20 p. 100 restants, plus de la moitié de ces crimes représentent ce que l'on pourrait objectivement qualifier de crimes violents relativement mineurs, qui ne vont pas au-delà des voies de fait simples. Les personnes qui viennent ici plus tard cet après-midi pourront vous fournir les chiffres exacts, mais je crois savoir que les crimes graves avec violence représentent moins de 10 p. 100 des crimes commis par les jeunes. Chaque fois que l'on comparaît dans un contexte comme celui-ci, on consacre 90 p. 100 de son temps à parler des 10 p. 100 des crimes commis par les jeunes qui constituent des crimes graves avec violence. Il ne faudrait pas oublier que, dans le cas des infractions sans violence et des infractions avec violence relativement mineures, cette loi donne d'excellents résultats. C'est une très grande réussite et nous devrions en tenir compte dans notre étude de la loi.
J'aimerais également faire remarquer que la loi actuelle prévoit une très importante soupape de sécurité qui permet d'imposer une peine pour adultes à un adolescent. Nous mentionnons dans notre mémoire l'affaire Lacassse. C'est évidemment une affaire tragique. Nous faisons remarquer à la page 3 de notre mémoire que cet adolescent a été déclaré coupable de meurtre au second degré à titre d'adulte, qu'il a au moins reçu une peine à titre d'adulte, et qu'il s'est vu imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de demander la libération conditionnelle avant sept ans. C'est une peine d'emprisonnement à perpétuité. Il est possible que cet adolescent passe le restant de sa vie en prison. Une autre conséquence qui découle de cette affaire est que nous pouvons mentionner son nom parce que lorsque les adolescents reçoivent une peine pour adultes, ils sont traités sur tous les autres plans comme des adultes, y compris pour ce qui est de la publication de leur nom.
Les modifications qu'introduit le projet de loi C-4 visent des questions et des problèmes qui sont déjà en fait réglés par loi et sont donc inutiles. Un jeune de 16 ou 17 ans qui est déclaré coupable de meurtre au premier degré ou qui plaide coupable à une telle accusation, peut recevoir une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de demander la libération conditionnelle avant 10 ans, et cette peine est prévue par l'article 745.1 du Code criminel. C'est évidemment une peine très lourde, mais nous avons déjà une loi qui a été très soigneusement rédigée pour aménager une soupape de sécurité pour la très petite minorité de jeunes qui commettent des crimes très graves. Ils risquent déjà de recevoir une peine très lourde.
Mme White a déjà parlé des économies associées à une diminution du taux d'incarcération des jeunes, comme étant une des fonctions de la peine. Il nous est apparu, et cela est mentionné dans notre mémoire que, lorsqu'on examine l'historique de la loi, on constate non seulement que le taux d'incarcération a diminué, mais que, d'une façon générale, celui de la criminalité des jeunes a également diminué. C'est pourquoi nous devons nous poser une question grave: Qu'avons-nous obtenu il y a 10 ans à l'époque où le taux d'incarcération de nos jeunes était un des taux les plus élevés des pays occidentaux? Eh bien, une des choses que nous avons obtenues, c'est que nous avons gaspillé beaucoup d'argent qui aurait été beaucoup mieux dépensé sur des programmes qui visent à aider les jeunes à se réadapter.
Cela m'amène à parler d'un aspect qui nous préoccupe, à savoir qu'un bon nombre des propositions que contient le projet de loi visent à faciliter l'incarcération des jeunes, et, pour ce qui est du paragraphe 29(2), à faciliter leur détention avant le procès. Nous n'appuyons donc pas les modifications au paragraphe 29(2) et ce sera ma dernière remarque puisque je vois que mon temps de parole est pratiquement écoulé. Pour ce qui est des modifications du paragraphe 29(2), qui autorisent le tribunal à détenir un adolescent lorsqu'il existe une probabilité marquée qu'il commette une infraction grave s'il était libéré, nous faisons remarquer dans notre mémoire que la notion d'« infraction grave » recouvre toute une gamme d'infractions que nous qualifierions plutôt de relativement bénignes, comme la falsification de chèques et ce genre de choses. L'autre problème que nous avons signalé est le fait que l'expression « probabilité marquée » est plutôt nébuleuse.
Dans le droit relatif aux jeunes, par rapport à tous les autres domaines du droit, nous devons privilégier la certitude et la prévisibilité, mais ce qui nous trouble, c'est que nous sommes en train d'envisager de placer sous garde des gens qui n'ont pas encore été déclarés coupables de quoi que ce soit. Cela nous paraît contraire, tout d'abord, à la Charte des droits, à l'alinéa 11e), qui énonce que tout inculpé a le droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable, et également à un autre principe qui est garanti par la Loi sur le système de justice pénale, le sous-alinéa 3(1)b)(iii), qui énonce que les adolescents doivent faire l'objet de mesures procédurales supplémentaires pour leur assurer un traitement équitable.
Voici quelques-unes des raisons pour lesquelles nous nous opposons au paragraphe 29(2). Il y a d'autres modifications proposées qui auraient, d'après nous, un effet très négatif, savoir augmenter le nombre des placements sous garde imposés aux adolescents et celui des adolescents détenus avant leur procès; ce dernier nombre a, comme cela est noté à la page 3 du mémoire de M. Bala, malheureusement augmenté depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur le système de justice pénale pour les jeunes. J'ai honte de dire que ce nombre a particulièrement augmenté dans les provinces des Prairies. C'est presque comme si nous donnions quelque chose d'une main pour le reprendre de l'autre. Nous imposons moins de placements sous garde, mais nous détenons plus fréquemment les jeunes avant leur procès.
Ce sont les commentaires que je voulais présenter au nom de l'ABC. Je suis reconnaissant d'avoir eu cette possibilité et serais heureux de répondre à vos questions plus tard.
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Merci. C'est un privilège d'être invité à revenir ici. J'étais ici en juin dernier et j'ai présenté un mémoire; je crois savoir que vous avez des copies de ce mémoire. Je connais la formule et je vais dire quelques mots d'introduction.
Je suis professeur de droit et je me spécialise dans une série de questions touchant la famille et les enfants, y compris les questions concernant les jeunes contrevenants. C'est sans doute moi qui a le plus écrit au sujet de la justice pour les jeunes que n'importe quel autre professeur de droit au Canada; il y en a d'autres qui ont écrit davantage que moi du point de vue d'autres disciplines.
Je reconnais que le moment est bien choisi pour examiner la loi et y apporter quelques modifications. Je ne pense toutefois pas qu'il conviendrait de la modifier en profondeur. Je pense que, si la criminalité chez les jeunes est effectivement un grave problème, une loi ne peut avoir qu'un effet limité sur ce type de criminalité. En fait, le système de justice pour les jeunes ne peut avoir qu'un effet limité sur la criminalité des jeunes.
Je dirais que, dans l'ensemble, cette loi a été une réussite, du moins une réussite relative, dans la mesure où le nombre des comparutions devant les tribunaux et celui des jeunes placés sous garde ont diminué, comme on nous l'a dit. La criminalité chez les jeunes n'a pas augmenté. Nous avons enregistré à la fois des économies financières importantes et des économies également importantes sur le plan des ressources humaines.
Je crains que ces modifications aient pour principale conséquence d'augmenter le recours aux tribunaux et au placement sous garde et que cela va augmenter les coûts, même si je dois dire que cela ne touchera pas le gouvernement fédéral. À la différence de certains autres changements apportés au droit pénal à la suite desquels le gouvernement fédéral assume une partie des coûts de l'incarcération des détenus, ce projet de loi fait reposer le fardeau financier supplémentaire sur les provinces. Cela m'inquiète.
Cela dit, je dirais que cette loi contient quelques bonnes dispositions. On nous en a mentionné quelques-unes. Il y a bien sûr l'introduction de la notion de culpabilité morale moins élevée. Dans le projet de paragraphe 29(2), je pense que la question de la détention avant le procès est extrêmement importante. En fait, nous avons reçu des données depuis que j'ai présenté ce mémoire. Statistique Canada va vous dire que nous détenons davantage d'adolescents avant leur procès que nous les plaçons sous garde. Ce problème est aujourd'hui plus important que celui du recours au placement sous garde.
Un des problèmes que soulève le fait d'envoyer en détention les adolescents, c'est que cela rend très difficile leur réadaptation. Ils se retrouvent en détention dans des établissements qui offrent peu de programmes. Ils risquent davantage d'être agressés par les autres détenus, ils ont accès à moins de programmes, les taux de suicide et les problèmes de santé mentale sont élevés. C'est une situation très inquiétante.
Cela dit, je dirais que le projet du paragraphe 29(2) a pour effet de resserrer certaines choses; il précise le droit dans ce domaine. Dans l'ensemble, c'est probablement une amélioration par rapport à ce que nous avons à l'heure actuelle, mais j'estime que le paragraphe 29(2) — et je sais que nous pourrons en parler au cours de vos questions — va en fait réduire le recours à la détention avant le procès par rapport à ce qu'il est actuellement.
Je vais faire référence à deux parties de la loi au sujet desquelles, tout comme mes collègues ici et ceux qui sont ailleurs, j'ai de graves préoccupations. L'un de ces aspects est l'introduction de la dissuasion et de la dénonciation dans les principes fondamentaux de la loi. Je sais qu'il est important d'avoir un système de justice pour les adolescents qui les dissuade de commettre des infractions et qui les oblige à rendre des comptes — et si vous le voulez, pour parler simplement, — qui « dénonce les crimes ». Mais si nous utilisons les mots « dissuasion et dénonciation » pour les introduire dans la loi, le message que nous envoyons aux juges est qu'ils doivent augmenter le nombre des placements sous garde imposés aux adolescents. Ce sera le seul effet de cet ajout. Il est regrettable que les adolescents qui commettent des infractions ne pensent pas aux conséquences qui s'ensuivront s'ils étaient pris. C'est la réalité. Ils ne se disent pas que le législateur a fait passer de quatre à six mois la peine d'emprisonnement dont est punissable l'infraction qu'ils s'apprêtent à commettre.
L'augmentation de la sévérité des peines n'aura aucun effet sur leur comportement. Il existe de nombreuses études qui démontrent que l'augmentation de la gravité des peines infligées aux jeunes ne modifie pas leur comportement. Par contre, si l'on insère ces termes dans la loi, cela va modifier le comportement de la magistrature, en particulier dans le sens d'une augmentation des peines. Je trouve cela inquiétant.
Pour ce qui est de la publicité... et l'on peut comprendre le point de vue du public, et encore plus celui des victimes, qui disent « Je veux que l'on rende des comptes. Je veux que cet adolescent rende compte de ses actes et je veux qu'il ait honte de ce qu'il a fait. » Malheureusement, en réalité, si nous imprimons leurs noms dans les journaux — et c'est l'expérience qu'ont connue les États-Unis qui autorisent cette publicité — les contrevenants se promènent en disant: « Regardez, c'est moi le dur ici. J'ai même mon nom dans le journal. » Cela ne modifie pas leur comportement, mais cela complique leur réadaptation. Cela stigmatise leurs frères et soeurs et leurs parents. Cela n'a pas le genre d'effet positif sur la réduction de la criminalité chez les jeunes que l'on pourrait espérer.
Autrement dit, il faut adopter, à l'égard du problème de la criminalité chez les jeunes, une approche sophistiquée, réfléchie, appuyée sur la recherche, si nous voulons renforcer la sécurité de la société et ne pas faire des choses qui pourraient, si l'on se fie uniquement à l'intuition et non pas au raisonnement, constituer une réponse à la criminalité des jeunes qui risque d'avoir comme conséquence pour la société d'augmenter la criminalité des jeunes.
Nous voulons apporter des changements à la loi, mais des changements intelligents qui vont nous donner une société plus sûre, non pas des changements qui sont, si je peux m'exprimer ainsi, des changements irréfléchis qui vont augmenter la criminalité chez les jeunes ainsi que les problèmes que pose à notre société cette criminalité.
Je vais m'arrêter ici. Merci.
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Si je ne commence pas par parler de ces grandes questions générales, c'est parce que, diraient nos témoins, nous avons déjà fait un peu le tour de cette question. Il y a des différences importantes entre le gouvernement et ce côté de la table au sujet de la dénonciation. J'aimerais concentrer mon intervention sur certains aspects très particuliers.
Premièrement, je tiens à vous remercier tous d'être venus. J'ai lu vos mémoires et entendu vos exposés, et je vais aborder des aspects précis du recours aux sanctions extrajudiciaires dont traite l'article 39 de la loi, tel que modifié.
Je dirais tout d'abord aux représentants de l'ABC que nous avons apprécié son mémoire. Il est détaillé. Vous avez correctement paraphrasé les recommandations du juge Nunn lorsqu'il disait que la protection du public n'était pas le seul, ni le principal objectif, mais l'un des buts et des objectifs, et c'est ce que dit en fait le rapport Nunn. Les députés de l'opposition vont essayer de vous faire dire autre chose, je vous invite donc à être prudents.
J'ai également beaucoup apprécié les commentaires, que vous avez exprimés avec beaucoup de sensibilité, au sujet de la Loi de Sébastien. Bien sûr, nous pensons à la famille de la victime. Toutefois, le fait est que l'issue juridique — comme vous le dites dans votre mémoire — était appropriée dans les circonstances et que ce projet de loi cherche un peu à exploiter la situation, de sorte que le titre abrégé de la loi — pour lequel nous ne félicitons pas le gouvernement — est un aspect auquel nous pourrions nous opposer.
J'aimerais maintenant aborder un sujet de préoccupation légitime et nous pourrions l'aborder de deux façons: la prise en compte des sanctions extrajudiciaires par le tribunal et les modifications qu'apporte le projet de loi à l'alinéa 39(1)c) de la LSJPA. Je vais paraphraser cette disposition, mais elle énonce que le tribunal, lorsqu'il décide s'il y a lieu de placer le jeune sous garde, doit maintenant tenir compte des sanctions extrajudiciaires prises à son endroit.
Je crois, monsieur Bala, que vous avez fait remarquer, tout comme l'a fait aussi Mme White, que le tribunal a déjà le pouvoir de tenir compte de ces aspects lorsqu'un rapport présententiel est préparé, parce que celui-ci contient un historique des sanctions extrajudiciaires prises à l'endroit du jeune et la façon dont il y a répondu.
Ma question s'adresse à vous tous, pourquoi a-t-on modifié l'alinéa 39(1)c) pour y inclure les sanctions extrajudiciaires? Est-ce nécessaire? Est-ce exagéré? Est-ce plus précis? Quel est d'après vous le but recherché avec cette répétition? S'agit-il ici d'un véritable problème? Craint-on vraiment ici que le tribunal ne tienne pas compte de ce que contient le rapport présententiel, alors que celui-ci contient un historique de ces sanctions?
Qu'en pensez-vous? Nous pourrions peut-être commencer par Mme White.
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J'aimerais aborder cette question en retirant mon chapeau d'avocat et en mettant celui de contribuable. Chaque fois qu'un adolescent comparaît devant un tribunal, il y a un juge, un poursuivant, un avocat de la défense, un greffier, un travailleur social et un agent de probation — et tous ces gens-là coûtent de l'argent. Nous devons les rémunérer.
Un des buts de la LSJPA — et cela me paraît être un but louable — était de soustraire ces cas au système judiciaire habituel. Je ne comprends toujours pas très bien ce qui se passe, lorsque je vais dans un tribunal et que je vois qu'on a accusé un adolescent d'avoir volé une canette de boisson gazeuse et un sac de croustilles. L'affaire traîne plus de deux semaines pour que les parties puissent envisager les sanctions extrajudiciaires et l'affaire est ensuite remise à une semaine parce que l'examen du dossier n'est pas encore terminé. On en arrive bientôt à quatre mois avant que le dossier soit complet. Si nous voulions faire quelque chose, il faudrait plutôt renforcer et améliorer le processus de déjudiciarisation. Nous devrions prendre tous les moyens pour inciter les intervenants à soustraire davantage de dossiers au processus judiciaire habituel.
Je considère, premièrement, que c'est une façon subtile de donner de l'importance à cette possibilité. Je peux vous dire qu'en Alberta — et je suis sûr que la situation est la même dans toutes les provinces — nous avons une règle simple. Les sanctions extrajudiciaires sont réservées aux infractions non violentes commises par un délinquant primaire ou secondaire. Les dossiers qui débouchent sur de telles sanctions sont du genre que je viens de décrire, et je ne pense pas qu'ils devraient de toute façon se trouver devant les tribunaux.
On pourrait en réalité épargner beaucoup d'argent de cette façon. Je considère que cet article est un peu superficiel ou superflu. Lorsqu'un tribunal doit décider si l'adolescent doit être envoyé devant un tribunal pour adultes — ou je devrais plutôt dire, d'imposer une peine pour adulte, parce que c'est la façon dont nous en parlons maintenant — est-il important que l'adolescent ait volé un sac de croustilles et une canette de boisson gazeuse au début de sa vie de délinquant? Je ne le pense pas. Je pense que le tribunal devrait principalement se concentrer sur les condamnations graves, y compris sur les dossiers qui ont donné lieu à des sanctions extrajudiciaires.
Ce sont là quelques-unes des raisons pour lesquelles nous nous opposons à la modification proposée.
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Il faut que je précise un aspect qui découle de votre question. Il y a la notion d'« infraction grave avec violence » qui a été redéfinie, et nous appuyons cette mesure. Les tribunaux ont défini « infraction grave avec violence » comme étant « toute infraction commise par un adolescent et au cours de la perpétration de laquelle celui-ci cause des lésions corporelles graves ». Il y a eu toutes sortes de discussions et un grand débat sur la question de savoir si cela comprenait un préjudice psychologique. Cette notion était confuse. Elle compliquait la tâche des tribunaux. Il était difficile de savoir si une infraction donnée serait qualifiée d'infraction grave avec violence.
C'est une des mesures que nous appuyons. La loi a redéfini cette notion en incluant quatre infractions très graves qui constituent les « infractions graves avec violence ». C'est une bonne chose. Mais vous voulez parler de la définition d'« infraction grave ». Cet aspect est abordé à la page 10 de notre mémoire. C'est une autre notion. Le problème que pose la nouvelle définition d'« infraction grave » est qu'elle a des répercussions notamment sur le refus de la mise en liberté provisoire, par exemple.
Je crois que je peux expliquer la situation en vous donnant un exemple. La définition d'« infraction grave » comprend toute infraction pour laquelle un adulte, s'il était poursuivi par voie de mise en accusation, serait passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans ou plus. Cela comprend des infractions comme la fraude, le vol de plus d'un certain montant, l'emploi d'un document contrefait, la possession d'une carte de crédit volée, le méfait public, etc. Nous ne considérons pas qu'il s'agit là, objectivement, d'infractions graves.
Si le tribunal est saisi d'un dossier de possession de carte de crédit volée et estime qu'il existe une probabilité marquée, quel que puisse être le sens de cette expression, que l'adolescent, s'il était libéré, se procurerait peut-être une autre carte de crédit volée, le tribunal peut alors détenir la personne jusqu'à son procès. Cela ne nous paraît pas judicieux. Nous pensons que c'est là une définition trop large et trop vague d'« infraction grave ». C'est donc un aspect du projet de loi auquel nous nous opposons.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup à tous les témoins.
J'ai deux questions à poser. Ma première question s'adresse au professeur Bala, mais si les autres témoins veulent y répondre et qu'il reste suffisamment de temps, je les invite à le faire.
[Traduction]
Monsieur Bala, je crois comprendre que vous êtes en faveur de la modification qu'apporte l'article 4 du projet de loi , et qui remplacerait complètement le paragraphe 29(2) de la LSJPA. Je sais également que le Barreau du Québec est également en faveur de cette modification. Il s'agit du cas où le tribunal pour adolescents ou le juge peut ordonner que l'adolescent soit placé sous garde dans le seul cas où celui-ci a été inculpé d'une infraction grave et lorsque le tribunal ou le juge est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu'il existe une probabilité marquée... Avez-vous une idée de la façon dont sera interprétée l'expression « probabilité marquée »? Y a-t-il de la jurisprudence sur ce qui constitue une probabilité marquée? C'est là ma première question.
Ma deuxième question porte sur la façon dont le projet de loi intégrerait, à la détermination de la peine, les sanctions extrajudiciaires prévues à l'alinéa 39(1)c) de la LSJPA. J'ai votre mémoire devant moi, monsieur Bala, et vous dites:
Les juges possèdent déjà le pouvoir discrétionnaire de prendre en compte la participation du jeune à des sanctions extrajudiciaires comme facteur utilisé dans la détermination de la peine [voir le sous-alinéa 40(2)d)(iv)]. Le fait de modifier l'alinéa 39(1)c) pour faire spécialement référence aux sanctions extrajudiciaires semble contraire à l'intention de ces programmes, qui est de donner au jeune une « deuxième chance » cette modification est peut-être même inappropriée, étant donné qu'habituellement les jeunes acceptent de participer à ces programmes sans avoir obtenu auparavant des conseils juridiques.
Pour la gouverne des membres du comité qui sont assis autour de cette table et celle des Canadiens qui regardent nos débats, pourriez-vous expliquer comment sont prises ces fameuses sanctions extrajudiciaires? Donnez-nous un cas hypothétique pour que les gens puissent comprendre ce dont vous parlez lorsque vous dites que cela se passe avant que le jeune ait eu accès à des conseils juridiques, par exemple.
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La première porte, je crois, sur la détention. Il faut commencer par nous demander si nous voulons augmenter le nombre des adolescents qui sont placés sous garde ou si nous voulons le réduire? Comme je l'ai signalé, nous avons connu une augmentation importante des détentions, mais pas des placements sous garde. Je dirais, et je crois que les consultations découlant de la table ronde nationale l'indiquent également, que nous devrions constater une diminution du recours à la détention. Il y a sans doute probablement certains jeunes qui devraient être détenus, et qui ne le sont pas, mais dans l'ensemble, on peut dire qu'il y a trop d'adolescents en détention.
Si vous êtes d'accord avec moi sur ce point, il faut alors se demander si nous détenons les adolescents qui devraient l'être? Particulièrement, nous envoyons parfois les adolescents en détention parce qu'ils ont commis ce que l'on appelle des infractions reliées à l'administration de la justice — ils ne se présentent pas devant le tribunal. Ils sont alors détenus, non pas à cause de ce qu'ils ont fait dans la collectivité, mais parce qu'ils ne se présentent pas devant le tribunal, qu'ils ne vont pas à l'école et qu'ils ne se présentent pas non plus à d'autres endroits.
Je pense que cette disposition aura, dans l'ensemble, tendance à réduire la portée de la détention et l'axer sur des points plus précis. Il y a des cas où la détention n'est pas une possibilité à l'heure actuelle, et cette modification nous accordera cette possibilité, mais dans l'ensemble, elle aura pour effet de réduire la portée de la détention préalable au procès. C'est la raison pour laquelle je suis en faveur de cette modification, parce qu'elle améliore la loi actuelle. Elle vient également la préciser. Le paragraphe 29(2) actuel a reçu toutes sortes d'interprétations. C'est une disposition très complexe. Voilà ma première remarque.
Pour ce qui est de la « probabilité marquée », je ne peux pas vous dire exactement d'où elle vient, mais c'est une expression qui ne m'est pas inconnue et je crois qu'elle impose un fardeau assez lourd à la Couronne dans ce genre de situation. C'est une des raisons pour lesquelles ce projet de loi va réduire le nombre des adolescents envoyés en détention avant leur procès.
Pour ce qui est des sanctions extrajudiciaires, cela se passe habituellement de la façon suivante: l'adolescent est arrêté par un policier qui, seul ou après avoir consulté le procureur de la Couronne, se dit que l'infraction commise est peu grave; il envisage de soustraire le jeune du système judiciaire et de l'envoyer suivre un programme offert dans la collectivité, peut-être par la Société Saint-Léonard ou par des bénévoles. Le jeune sera peut-être amené à rencontrer la victime, à essayer de se réconcilier avec elle et sera ainsi obligé de rendre des comptes, mais pas en passant devant un tribunal. Il faut tout de même signaler que lorsque l'adolescent choisit cette voie, il n'a habituellement pas eu la possibilité de parler à un avocat.
Lorsque l'adolescent comparaît devant le tribunal, fait l'objet d'accusations, il a le droit, aux termes de l'article 25, d'avoir un avocat et d'obtenir des conseils sur la question de savoir s'il devrait plaider coupable. La crainte est qu'un adolescent — et je l'ai constaté moi-même —, soit poussé par ses parents qui lui disent: « On va régler tout cela avec des sanctions extrajudiciaires. C'est plus rapide, ça sera moins cher pour nous et la famille, et tout cela sera réglé. » L'adolescent répond: « Très bien, très bien, si c'est ce que vous voulez », et il n'a pas parlé à un avocat. Il peut finir par accepter sa responsabilité pour la sanction extrajudiciaire, même s'il n'est pas, légalement, coupable. C'est une des questions que soulève cette disposition et c'est la raison pour laquelle l'introduire dans le projet de loi soulève une question pour cette raison, notamment.
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Je pense que le mémoire a été distribué.
Je vous remercie de nous fournir la possibilité de présenter au comité notre point de vue sur le projet de loi . Statistique Canada ne prend pas position sur les modifications proposées dans ce projet de loi. Le mémoire que nous avons préparé contient nos données les plus récentes sur le système de justice pénale pour les jeunes et il a été mis à jour depuis notre comparution de juin 2010 pour appuyer l'étude de ce projet de loi.
Les sources des données utilisées sont clairement indiquées sur les diapositives, tout comme les notes pertinentes concernant les données. Nous vous avons fait distribuer les derniers rapports Juristat concernant la criminalité des jeunes et les tribunaux pour adolescents.
Les collègues qui m'accompagnent, Mme Mia Dauvergne, Mme Rebecca Kong et M. Craig Grimes m'aideront à répondre aux questions.
Veuillez regarder la deuxième diapositive de la série. À l'aide des données reçues des services de police de l'ensemble du Canada, nous pouvons examiner les tendances chez les jeunes accusés de crimes déclarés par la police. Au cours des 10 dernières années, les tendances relatives aux jeunes accusés par la police ont connu un changement marqué. Le taux des jeunes inculpés a diminué tandis que le taux des jeunes dont les dossiers ont été classés par d'autres moyens a augmenté.
En 2009, 45 p. 100 des jeunes accusés d'avoir commis un crime déclaré par la police ont fait l'objet d'accusations ou de recommandations en ce sens. Les dossiers des autres 55 p. 100 ont été classés par voie d'avertissement verbal, de mise en garde écrite, de renvoi à un programme communautaire, de renvoi à un programme de sanctions judiciaires ou par d'autres moyens, y compris les cas où le plaignant a refusé de porter des accusations.
Les crimes peuvent être classés en deux catégories, les crimes violents et les crimes sans violence. Comme nous pouvons le voir sur la diapositive 4, la plupart des crimes commis par les jeunes sont des crimes sans violence. C'est une tendance constante que l'on constate depuis 10 ans. En 2009, sur 10 jeunes accusés d'avoir commis un crime, sept avaient commis une infraction sans violence. Le taux des crimes sans violence commis par les jeunes au Canada a diminué depuis les dernières années tandis que le taux des crimes violents est demeuré relativement stable.
Étant donné que le taux de la criminalité chez les jeunes est surtout influencé par les crimes sans violence, le taux général de la criminalité tel que rapporté par les services de police au Canada a également diminué au cours des 10 dernières années.
Les 10 infractions les plus fréquemment commises, qui sont montrées sur la diapositive 5, représentent environ 80 p. 100 de toutes les infractions déclarées par la police et commises par des jeunes en 2009. Huit des 10 infractions mentionnées sont classées comme étant des infractions sans violence. L'infraction déclarée par la police commise la plus fréquemment par des jeunes en 2009 était le vol de moins de 5 000 $. Cette infraction avec le méfait, les voies de fait de niveau 1 et les infractions relatives à l'administration de la justice représentaient environ la moitié de toutes les infractions déclarées par la police commises par des jeunes en 2009.
Avec la diapositive 6, nous voyons ce qui se produit lorsque les accusations portées par la police sont examinées par les tribunaux pour adolescents du Canada. En 2008-2009, le vol était le genre de dossier le plus couramment présenté aux tribunaux par la jeunesse, suivi par les infractions relatives à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, les introductions par effraction, et les voies de fait simples. Les 10 infractions les plus courantes montrées sur cette diapositive représentaient un peu plus de 75 p. 100 de l'ensemble des dossiers soumis aux tribunaux pour adolescents en 2008-2009.
La répartition des dossiers réglés par les tribunaux pour adolescents est en évolution. Nous voyons moins de dossiers concernant des infractions moins graves, comme la possession de biens volés, et une augmentation des infractions plus graves comme le vol qualifié, les voies de fait graves et les menaces.
Veuillez vous reporter à la diapositive suivante. Depuis l'introduction de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, il y a eu une diminution de 23 p. 100 des causes réglées par les tribunaux pour adolescents. L'ampleur de cette réduction de la charge des tribunaux varie, mais toutes les provinces et tous les territoires ont connu une telle diminution depuis l'adoption de la LSJPA.
Outre la diminution du nombre total des causes, nous avons également enregistré une diminution du nombre des déclarations de culpabilité prononcées par les tribunaux pour adolescents. Cette diminution a commencé au début des années 1990, mais l'entrée en vigueur de la LSJPA a coïncidé avec la période au cours de laquelle nous avons constaté une diminution à la fois du nombre total des causes réglées et du nombre des causes ayant donné lieu à des déclarations de culpabilité.
Passons à la diapositive 8, 59 p. 100 des 58 500 causes entendues par les tribunaux pour adolescents au Canada en 2008-2009 ont débouché sur une condamnation. Dans la moitié des dossiers où l'adolescent a été déclaré coupable, la probation a été la peine la plus grave qui ait été prononcée.
Comme on peut le voir avec la diapositive 9, ces dernières années, le pourcentage d'infractions avec violence ayant entraîné une peine de placement sous garde a diminué et se situait, en 2008-2009, à son plus faible niveau. Toutes les provinces et tous les territoires ont connu de fortes diminutions tant des nombres que des pourcentages des causes associées à des condamnations ayant débouché sur des placements sous garde depuis la première année d'entrée en vigueur de la LSJPA. Le recours au placement sous garde a également diminué pour toutes les catégories d'infraction.
Sur la diapositive suivante, en 2008-2009, la durée médiane du placement sous garde pour tous les dossiers d'adolescents au Canada était de 36 jours, contre 30 jours pour les adultes. Si l'on répartit ces chiffres entre les infractions avec violence et sans violence, nous constatons une différence dans la durée médiane de la peine de placement sous garde imposée: 65 jours pour les infractions avec violence, contre 30 jours pour les infractions sans violence ayant donné lieu à un placement sous garde. De loin, la durée médiane du placement sous garde a été la plus longue pour l'homicide, à savoir deux ans et demi, suivie par la tentative de meurtre et l'agression sexuelle.
En 2009-2010, il y avait en moyenne chaque jour 835 jeunes, âgés de 12 à 17 ans, en placement sous garde, soit une diminution de 7 p. 100 par rapport à l'année précédente et de 46 p. 100 par rapport à 2003-2004. En fait, ces chiffres ont diminué chaque année depuis 1995-1996.
La diapositive 11 montre que les adolescents en détention avant leur procès sont plus nombreux que ceux qui sont placés sous garde. En 2009-2010, 53 p. 100 de tous les adolescents détenus attendaient leur procès contre 35 p. 100 en 2003-2004.
Les adolescents continuent à passer des périodes relativement courtes en détention avant leur procès. Comme le montre la diapositive 12, quatre des huit provinces et territoires qui ont fourni des données pour 2008-2009 ont signalé que les jeunes passaient une semaine ou moins en détention, en se basant sur le nombre moyen de jours de détention. Depuis l'entrée en vigueur de la LSJPA, le nombre médian des jours passés en détention avant procès a varié selon la province ou le territoire. Dans l'ensemble, en 2008-2009, 54 p. 100 des jeunes mis en liberté après avoir été détenus avaient passé une semaine ou moins en détention provisoire. Cette proportion a varié entre 53 et 56 p. 100 depuis 2004-2005.
Pour les jeunes, il y a en pratique deux types de placement sous garde: le placement sous garde en milieu ouvert, qui est moins restrictif, par exemple dans un foyer de transition et le placement sous garde en milieu fermé, qui s'effectue dans des établissements de sécurité, ce qui comprend les centres de détention.
Comme l'indique la diapositive 13, d'après les provinces et territoires qui fournissent des données, la tendance de la durée du placement sous garde en milieu ouvert et en milieu fermé a varié.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de présenter un exposé au comité.
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Je me trouvais un peu dans la même situation que M. Dechert. Ces données ne nous donnent aucune idée des résultats pour les jeunes. C'est un aperçu statistique et nous nous intéressons tous, bien sûr, aux résultats, mais c'est un autre aspect. Je veux simplement faire remarquer — et en arriver très rapidement à une conclusion avec un commentaire de votre part, si vous en avez un à faire — que depuis 1991, soit au cours des 20 dernières années, nous avons constaté une diminution considérable de la charge des tribunaux pour adolescents, une diminution importante du nombre des dossiers transmis aux tribunaux pour adolescents et dans celui des crimes. Toutes les données que vous nous avez montrées font état d'une diminution importante.
Nous ne savons pas très bien pourquoi. M. Dechert affirme que c'est peut-être la population de cette cohorte qui a diminué, mais les dossiers des tribunaux pour adolescents sont passés de 95 000 il y a 25 ans à près de 58 000 en 2009. Cela représente une diminution de moitié environ. Je ne pense pas que la population des jeunes ait diminué de moitié.
Il y a beaucoup de gens qui font de bonnes choses ou alors il y a un phénomène très puissant qui s'est fait sentir dans la société pour expliquer ce genre de tendance. Y a-t-il, d'après vous, les statisticiens, un autre élément qui pourrait expliquer une tendance à la baisse aussi rapide? Nous aimerions le savoir.
Le projet de loi propose, dans certains cas, de privilégier la dissuasion et la dénonciation pour les jeunes, alors que les statistiques ne démontrent aucunement que ces facteurs soient le moindrement pertinents, en particulier compte tenu du fait que le nombre des peines imposées diminue, le nombre des crimes diminue, le nombre des jeunes traduits devant les tribunaux diminue, etc.