Passer au contenu

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 017 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Français]

    Bonjour, tout le monde, et bienvenue à la 17e séance  du Comité permanent de la défense nationale. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre notre étude sur le rôle des soldats canadiens dans les missions de paix internationales après 2011.

[Traduction]

    Nous accueillons monsieur Granatstein.
    Monsieur Granatstein, vous avez 10 minutes pour votre déclaration liminaire, après quoi les membres du comité voudront discuter avec vous. Merci de votre présence.
    J'ai écrit sur la paix pour la première fois il y a une cinquantaine d'années, lorsque j'étais cadet de quatrième année au Collège militaire royal. J'avais rédigé une très longue thèse à ce sujet. À cette époque, je croyais vraiment aux vertus de la paix mais, en une demi-douzaine d'années, j'étais devenu sceptique. Cinquante ans plus tard, je le suis toujours.
    Pourquoi? Les raisons sont très claires: la paralysie politique et l'inefficacité administrative permanente des Nations Unies; l'absence flagrante de volonté politique, à New York, de résoudre les crises qui se sont traduites par des opérations de maintien de la paix qui n'en finissent plus; la croyance du public canadien que le maintien de la paix ne coûte rien, alors qu'en fait, il s'est traduit par la perte d'environ 120 militaires canadiens; la croyance du public canadien que le maintien de la paix n'exige qu'un béret bleu, une croyance qui a eu des répercussions importantes sur les Forces canadiennes depuis des décennies, alors que les gouvernements ont habilement tiré profit de cette croyance pour réduire le budget de la défense; et l'attitude du public, qui persiste et selon laquelle tout ce que les Forces canadiennes ont à faire consiste en un travail bénin de béret bleu, plutôt qu'en opérations robustes de tous genres.
    Néanmoins, le Canada a fait du travail de maintien de la paix et les Forces canadiennes y ont excellé. Ce ne fut jamais une priorité pour le gouvernement et, quoi qu'en disent les Livres blancs ou ce que croient les Canadiens, l'ONU et les autres opérations de maintien de la paix n'ont jamais absorbé plus de 10 p. 100 du budget ou de l'effectif.
    En outre, nous n'avons pas assuré ces opérations de maintien de la paix par altruisme, mais parce qu'elles servaient les intérêts de l'Occident, comme à Suez en 1956, au Congo en 1960 et à Chypre, en 1964. Nous l'avons fait parce que nous avions un corps expéditionnaire militaire axé sur des opérations dans le cadre de l'OTAN, avec de bonnes capacités logistiques et de communication et peu de petits états en avaient autant. Nous l'avons fait aussi parce que l'opinion publique aimait le maintien de la paix. Il ne divisait pas les Canadiens comme l'ont fait les guerres mondiales et la Corée, par exemple.
    C'est un cliché de dire que le monde a changé depuis la fin de la guerre froide. Mais c'est un fait et les opérations de maintien de la paix ont changé aussi. Elles sont maintenant beaucoup plus robustes et difficiles. Le dossier de l'ONU au chapitre du maintien de la paix est, si possible, encore pire que celui des opérations de maintien de paix plus faciles. C'est pourquoi l'ONU a de plus en plus tendance à sous-traiter ces opérations à des organisations comme l'OTAN et l'Organisation de l'unité africaine. En général, ces organisations s'en tirent mieux: l'OTAN a plus ou moins réglé le problème dans l'ex-Yougoslavie et essaie d'en faire autant en Afghanistan. Les soldats des membres de l'OUA, beaucoup moins efficaces que ceux de l'OTAN, n'ont pas réussi au Darfour. Je ne perçois aucun signal que l'ONU pourra organiser des opérations plus robustes. Il est évident que les opérations en République démocratique du Congo n'offrent que peu de raisons pour être optimistes.
    Mais mon pessimisme ne signifie pas que le Canada doive se désister de toutes les opérations de paix. Le test pour déterminer si l'on doit participer ou pas devrait être en deux volets: les intérêts nationaux du pays et les capacités des Forces canadiennes.
    Nos intérêts nationaux sont clairs. Le Canada doit défendre son territoire, ses habitants et son unité. Il doit s'efforcer d'accroître le bien-être économique de ses citoyens, car il est une démocratie libérale. À ce titre, le Canada doit collaborer avec ses amis pour faire progresser la démocratie et la liberté. Ces intérêts nous imposent de nous concentrer d'abord sur notre propre territoire, sur l'Amérique du Nord et sur l'hémisphère occidental, ainsi que sur les régions du monde, comme le Moyen-Orient ou le sud-ouest asiatique, où les conflits ont plus de chance de s'élargir et de menacer le monde.
    Au fait, la mission en Afghanistan n'est pas une mission de maintien de la paix. Mais je la crois justifiée parce que la région est volatile et parce que certains états voisins ont des armes nucléaires.
    Autre exemple, plus près de nous, on ne peut laisser Haïti sombrer dans un chaos plus extrême. Nous avons des intérêts nationaux en jeu là-bas. Parallèlement à nos intérêts nationaux, nous avons des motifs humanitaires dont il faut tenir compte, en Afghanistan et en Haïti.
    Mais nous ne pouvons rien faire sans une capacité militaire. Au début des années 1990, par exemple, les Forces canadiennes étaient rouillées, leurs forces minées par une surutilisation et par un manque d'investissements dans l'équipement. Les réductions budgétaires après 1995 ont empiré la situation et il a fallu des efforts herculéens et onéreux pour rétablir leur capacité.
    Nous avons maintenant une petite armée, une aviation et une marine très compétentes, mais le mot clé, pour les trois est petit. Les FC ont été tendues presque au point de rupture par les efforts nécessaires pour entretenir un effectif de 2 800 personnes en Afghanistan. Il y a 20 ans, les Canadiens, optimistes, parlaient de déployer une brigade de trois bataillons outre-mer. Aujourd'hui, nous avons peine à soutenir l'engagement d'une force de la moitié de cette taille.
    C'est insuffisant pour un pays de la taille du Canada et, si nous voulons jouer un rôle dans les opérations de paix, ou des opérations de coalition d'un autre type pour la défense du Canada et de l'Amérique du Nord, nos efforts de reconstruction des Forces armées sont loin d'être finis. La situation est meilleure qu'elle ne l'était en 2005, mais jusqu'à ce que nous ayons passé des marchés pour acquérir davantage de vaisseaux, d'aéronefs et de véhicules blindés, le processus de reconstruction n'est pas terminé.
    Ce qui me semble clair c'est l'importance de bien examiner les intérêts et les capacités nationaux dans chaque déploiement que nous voulons faire. Toutes les opérations des Nations Unies ne sont pas bonnes. Toute opération non parrainée par les Nations Unies est mauvaise. Certains auteurs et des institutions soutiennent que seule l'ONU est bonne et que tout ce que touchent les États-Unis est forcément mauvais. C'est tout simplement faux. Le test adéquat qui permet de déterminer si le Canada doit participer ou non est une évaluation de nos intérêts nationaux et des capacités des Forces canadiennes. Nos intérêts seront-ils servis, dans l'ensemble, si nous participons? Le Canada peut-il s'acquitter de cette tâche? Voilà les questions clés à se poser.
    Je crois qu'au Congo et au Darfour, la réponse était et demeure non, sans égard aux besoins humanitaires. Les troupes blanches dépendent d'une longue chaîne logistique qui nécessite une formation et un équipement particuliers et ce que nous avons n'est pas utile là-bas. Il vaut mieux contribuer de l'argent liquide ou offrir de l'aide que déployer les FC dans la mauvaise mission.
    Cependant, nous devrions être prêts à offrir une aide militaire aux opérations de paix s'il existe une forte volonté politique à l'ONU ou chez nos alliés. Si les fonds sont consentis. Si les pays hôtes consentent à accepter les soldats étrangers sur leur territoire et démontrent leur volonté de résoudre la crise. S'il y a une stratégie de retraite claire ou si une date de retrait est annoncée à l'avance par l'ONU ou par le Parlement du Canada. Si les Forces canadiennes peuvent faire le travail et si la mission sert les intérêts du Canada. Et on doit considérer comme acquis que les troupes seront toujours déployées avec le matériel adéquat et au bon endroit, avec l'entraînement approprié et en nombre suffisant pour atteindre les objectifs de l'opération.
    Ce n'est que si ces principes sont en place que le gouvernement du Canada doit envoyer à l'étranger ses jeunes hommes et femmes. En d'autres termes, cessons de nous appuyer sur des clichés et des mythes. Soyons honnêtes et modestes. Nous ne sommes pas une superpuissance morale. Nous ne sommes pas mandatés par Dieu pour maintenir la paix. Nous ne sommes pas neutres. Nous ne devrions jamais plus prendre d'engagement virtuellement automatique envers les Nations Unies ou toute autre opération de la paix, comme nous l'avons fait de 1956 à 1967. Nous devrions plutôt avoir une évaluation plus dure et réaliste de notre situation et de nos intérêts. De plus, le Parlement devrait avoir à approuver tout déploiement. Le soutien du public est essentiel et la Chambre des communes doit prendre part à ces décisions.
    Si le Canada souhaite jouer un rôle dans des opérations de maintien de la paix à venir, dont certaines impliqueront de combattre, le gouvernement doit alors consentir les fonds nécessaires pour en garantir la réussite. Donc, oui aux opérations de paix. Mais seulement si nous pouvons le faire et si c'est la bonne chose pour nous.
(1115)
    La tâche du gouvernement du Canada consiste à dûment évaluer les facteurs concernés et à fournir ce qu'il faut pour que l'opération soit réussie.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Je donne la parole à M. Wilfert.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Granatstein, c'est un plaisir de vous revoir. Je dois dire que vous ne nous décevez jamais. J'ai beaucoup apprécié ce que vous venez de dire.
    Nous sommes aujourd'hui dans une situation où, d'une part, le Canada peut être invité à intervenir quelque part à cause de l'OTAN, de l'UE ou simplement des puissances occidentales mais, d'autre part, il y a notre appui au droit international, aux droits humains, à l'humanitaire, et aux valeurs traditionnelles canadiennes exprimées par notre politique étrangère. Vous avez dit dans vos remarques que c'est peut-être un peu comme le modèle australien, ce qui laissait entendre que nous devrions peut-être rester plus près de chez nous dans notre hémisphère.
    Pourriez-vous préciser? Je conviens certainement avec vous que nous devons... Nous avons actuellement nos forces armées sur un tempo élevé et nous ne voulons pas perdre ça. En même temps, cependant, l'intérêt national est dicté par ce que nous croyons être nos meilleurs intérêts dans l'hémisphère.
    J'ai été intéressé par ce que vous avez dit sur Haïti. Pourriez-vous préciser pourquoi vous pensez que c'est important?
    Qu'en est-il de cette question de l'OTAN par opposition à certaines des choses plus traditionnelles dont nous parlons — les droits humains internationaux? Qu'est-ce qui fait que nous tombons d'un côté ou de l'autre sur des questions comme celle-là?
(1120)
    Merci, monsieur.
    Tout d'abord, vous parlez de tempo. Je ne pense pas que nous puissions maintenir le tempo actuel. Pas dans l'infanterie, en tout cas. Elle va avoir besoin d'une période de repos pour que nos soldats arrêtent de faire cinq déploiements en Afghanistan, ce qui aura été le cas au moment où nous partirons. Nous ne pouvons pas continuer ça. Le tempo devra ralentir, quoi qu'il arrive.
     J'ai évidemment une préférence pour les opérations de l'OTAN plutôt que de l'ONU, simplement parce que ce sera mieux dirigé. Ce sera plus efficient. Ce sera probablement politiquement plus en accord avec nous que les Nations Unies l'ont été. Dans l'ensemble, les opérations de l'ONU ont été désastreuses et, considérant les réalités politiques à New York, il y a peu de chances que ça s'améliore. Si l'on a le choix entre deux opérations, je prendrais l'OTAN plutôt que l'ONU pour des raisons concrètes de commandement, de contrôle et de politique.
    La préférence est qu'on songe d'abord à notre hémisphère. Nous faisons partie de l'hémisphère occidental. Nous faisons partie de l'Amérique du Nord. La politique de défense actuelle s'appelle la stratégie de défense Le Canada d'abord. Je ne pense pas que ce nom soit mal choisi. Cela devrait être notre politique. Qu'est-ce qui nous touche, qu'est-ce qui est directement dans notre intérêt?
    De manière générale, ce qui est proche est dans notre intérêt, plus que ce qui se trouve à l'autre bout du monde. J'ai ajouté une réserve dans mes remarques en disant que certaines parties du monde sont très dangereuses et qu'il est clairement dans notre intérêt national d'empêcher la guerre d'exploser. En général, cependant, c'est en Amérique du Nord, dans les Caraïbes, dans notre hémisphère, que devraient se situer nos intérêts.
    Un pays comme Haïti, qui est en plein chaos, et qui était en plein chaos avant le tremblement de terre, constitue une menace pour nous à cause de la marée d'immigrants illégaux qu'il pourrait produire, à cause du chaos qu'il pourrait engendrer, à cause de la maladie et de la pagaille généralisée qu'il pourrait répandre partout. Il n'est pas dans notre intérêt de permettre ça. Il n'est pas dans notre intérêt que cela continue. Si nous pouvons l'aider, nous devrions clairement le faire.
    Cela exige-t-il nécessairement des militaires? Peut-être pas. Peut-être qu'il faudrait plus une ACDI plus focalisée et mieux financée allant là-bas pour y faire un travail de fond. C'est au gouvernement qu'il appartient de décider mais je pense que ce pays — cette crise — doit sérieusement nous préoccuper.
    Donc, le souci de stabilité économique politique dans la région est évidemment crucial.
    On entend beaucoup parler ici d'approche « pangouvernementale ». Qu'est-ce que ça veut dire?
    On aimerait que ça marche. Il y a de vives tensions entre le ministère de la Défense nationale et le ministère des Affaires étrangères. Il y a des tensions entre ces deux entités et le BCP-CPM. Nous ne semblons pas être particulièrement aptes à l'harmonie, laquelle serait évidemment une bien bonne chose. Je ne vois pas bien comment y parvenir mais nous ne nous sommes pas particulièrement distingués jusqu'à présent dans la formulation d'une approche pangouvernementale pour l'Afghanistan, par exemple.
    L'autre expression qu'on emploie, et je ne sais pas si on peut continuer, est ce qu'on appelle l'approche 3-D.
(1125)
    C'est aussi vers quoi nous devrions tendre, je pense. Nous souhaitons le plus possible que toutes les branches du gouvernement travaillent ensemble et collaborent à chaque mission. C'est vers cela que nous devrions tendre. C'est très difficile à faire parce que nous n'avons pas nécessairement les gens, l'argent et les capacités, chez nous et à l'étranger, pour faire marcher cela très efficacement.
    Nous ne sommes pas seuls dans ce cas. Pratiquement aucun pays n'y est parvenu. C'est très difficile de faire coopérer toutes les branches d'un gouvernement occidental, mais je pense que c'est un objectif vers lequel nous devrions tendre et que nous devrions continuer de viser. Nous devrions agir pour forcer toutes les branches du gouvernement à coopérer.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Maintenant, je vais donner la parole à M. Bachand.
    Bonjour, monsieur Granatstein. J'espère que vous allez bien. Pour commencer, j'aimerais m'entretenir de l'Afghanistan avec vous.
    Dans le texte que vous nous avez présenté ce matin, vous justifiez l'intervention en Afghanistan par les intérêts nationaux, soit que c'est une « région volatile » et que ses voisins ont l'arme nucléaire.
    Moi, c'est la première fois que j'entends parler de ça. D'habitude, on disait plutôt qu'on allait en Afghanistan avec un mandat de l'ONU pour rétablir la paix compromise par la présence talibane et d'Al-Qaïda.
    Le fait que la région est volatile et que ses voisins ont l'arme atomique, est-ce ce que vous identifiez comme étant les intérêts nationaux du Canada et qui justifie l'intervention canadienne en Afghanistan?

[Traduction]

    Oui, je pense. Je pense qu'il est dans notre intérêt national d'essayer de pacifier... d'aider à pacifier cette région.
    Avec un Iran nucléarisé, avec un Pakistan nucléarisé, avec des Talibans franchissant la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan aussi allégrement qu'ils le font, c'est un très grave souci pour nous, membres de la communauté mondiale — pour nous qui sommes préoccupés par une région qui est cruciale, qui pourrait exploser, et qui pourrait déboucher sur une guerre mondiale si nous ne faisons pas attention. Cela doit nous préoccuper.
    Évidemment, nous sommes aussi en Afghanistan pour d'autres raisons. À l'origine, nous y sommes allés à cause d'al-Qaïda, mais nous avons des préoccupations valides au sujet des droits humains de la population afghane. Nous n'apprécions ni le chaos ni le terrorisme et nous devons les combattre, et c'est ce que nous faisons. Mais je pense qu'il faut aussi voir la situation globale. D'un point de vue global, on doit craindre des pays possédant l'arme nucléaire. Cela doit nous inquiéter.

[Français]

    Vous ai-je entendu dire que l'Iran avait l'arme atomique actuellement?

[Traduction]

    Si ça n'arrive pas immédiatement, ça arrivera dans un ou deux ans.

[Français]

    Si je vous comprends bien, les intérêts nationaux peuvent évoluer. On peut dire au départ d'un conflit — comme c'était le cas lorsqu'on est arrivé là en 2002 — que nous y allons pour rétablir la paix et combattre Al-Qaïda et les talibans.
    Apportez-vous la notion de la possible évolution des intérêts nationaux au cours du conflit? Votre nouvelle approche au sujet des armes et des voisins ayant des armes nucléaires, fait-elle partie de nouveaux intérêts nationaux?

[Traduction]

    Je ne pense pas que nos intérêts nationaux changent, monsieur. Les intérêts nationaux restent les mêmes pendant très longtemps, presque par définition.
    Les intérêts nationaux du Canada sont de défendre son territoire et sa population. C'est notre intérêt national premier et fondamental. C'est le même pour n'importe quel pays, d'ailleurs.
    Notre deuxième intérêt national est que nous souhaitons être aussi prospères que possible. Ça ne change pas.
    Notre troisième intérêt national est que nous sommes un État démocratique. Nous avons historiquement toujours collaboré avec nos amis pour protéger et promouvoir la démocratie et la liberté. Il me semble que c'est ce que nous faisons aujourd'hui en Afghanistan. La tactique peut changer, les raisons pour lesquelles nous faisons certaines choses peuvent changer mais, à mon avis, notre intérêt fondamental est et doit rester la défense de la liberté et de la démocratie chez nous et dans le monde.
(1130)

[Français]

    Ainsi que vous envisagez le débat, êtes-vous favorable à ce les troupes canadiennes restent en Afghanistan après 2011? Ou êtes-vous plutôt favorable à la décision du Parlement de cesser les activités du groupe de combat en 2011?

[Traduction]

    Je ne pensais pas que le Parlement avait décidé d'arrêter le groupe de combat en 2011. Il a dit qu'il fallait le sortir de Kandahar.
    J'ai commencé ma réponse à M. Wilfert en disant que je pensais que nos soldats sont trop fortement mis à contribution et que nous avons trop demandé à l'armée pour soutenir le groupe de bataille de l'Afghanistan. Je le crois vraiment. Je pense qu'il y a de très bons arguments pour ramener le groupe de bataille au Canada, mais je ne pense pas que nous devrions sortir complètement de l'Afghanistan. Il serait tout à fait cohérent pour nous d'y maintenir l'équipe de reconstruction provinciale, avec une antenne militaire. Il serait tout à fait cohérent de maintenir nos mentors opérationnels et notre équipe de liaison en Afghanistan. Il serait excellent d'envoyer plus d'instructeurs en Afghanistan, et j'aimerais aussi que nous y laissions nos hélicoptères, qui sont très utiles à nos amis et alliés. Autrement dit, je pense que nous avons dépensé assez d'argent et versé assez de sang là-bas pour mériter d'y rester afin d'aider à finir le travail.
    Nous ne pourrons peut-être pas le faire avec un groupe de bataille d'infanterie, mais je pense que nous devrions rester dans les autres domaines.

[Français]

    Plus tôt, vous avez parlé de la sous-traitance relativement à l'OTAN et à l'Union africaine. J'aimerais entendre votre opinion sur l'Union européenne qui a pris la relève de l'OTAN en Bosnie. Je vous avoue qu'il y a des tensions actuellement entre l'OTAN et l'Union européenne parce qu'elle développe elle-même sa ESDP, soit la European Security and Defence Policy.
    Comment voyez-vous la cohabitation entre l'OTAN et l'Union européenne?

[Traduction]

    C'est une cohabitation difficile. L'Union européenne n'a pas eu beaucoup de succès pour régler la crise de l'ex-Yougoslavie. L'OTAN a dû aller sur place faire le travail.
    Essayer de dédoubler les fonctions de l'OTAN en Europe me semblerait être un effort inutile et ruineux de la part des Européens. Certes, ça pourrait probablement marcher mais ça n'en vaudrait pas la peine, à mon sens. L'OTAN fonctionne, et fonctionne bien. C'est une bonne chose. Elle a besoin d'être réparée dans certains domaines, notamment des domaines qui nous concernent, très franchement. J'ai contribué à une étude publiée il y a un mois sur ce qu'il faudrait faire pour réparer l'OTAN. Je pense qu'il y a certaines choses qu'on pourrait faire pour qu'elle fonctionne mieux, mais je crois que l'idée de la dédoubler en créant une force de sécurité de l'Union européenne serait une perte de temps et d'efforts.
    Merci.
    Monsieur Atamanenko, vous avez la parole.
    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir partager vos connaissances avec nous.
    J'ai quelques questions sur l'Afghanistan. À votre avis, quelles leçons pouvons-nous tirer de notre mission là-bas? Vous en avez parlé en passant, en disant qu'il est dans notre intérêt national de pacifier l'Afghanistan. Dans votre esprit, est-ce synonyme de victoire militaire? Sinon, comment pouvons-nous faire ça?
    En ce qui concerne l'OTAN jouant le rôle de sous-traitant de l'ONU, il s'agit de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord. Aujourd'hui, c'est en Afghanistan et, théoriquement, ça pourrait être dans d'autres parties du monde. Est-ce un rôle envisageable pour une organisation créée pour contrer la menace soviétique?
    En ce qui concerne la participation de l'OTAN en Afghanistan, l'une de mes critiques a toujours été qu'il n'est pas juste qu'une poignée de pays seulement assume la majeure partie du fardeau et subisse de lourdes pertes alors que les autres ont d'autres missions. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Quand on fait partie d'une alliance, chaque membre ne devrait-il pas assumer une partie du travail à faire?
    Je réponds d'abord à votre question sur l'OTAN.
    Je ne conteste rien de ce que vous avez dit. Votre question signifie implicitement que chacun doit contribuer, et contribuer à part égale. Je suis tout à fait d'accord. Si l'OTAN prend la décision d'aller dans une région ou d'entreprendre une opération dans la zone du traité de l'Atlantique Nord, il me semble que tous ses membres devraient y participer également. Si un pays ne peut pas fournir de soldats pour combattre, il devrait payer plus d'argent ou apporter une contribution sérieuse autrement. Personne ne devrait pouvoir se défiler. Ou c'est une alliance, ou ça ne l'est pas. C'était d'ailleurs l'un des absolus de l'étude que j'ai mentionnée, publiée le mois dernier par la Conférence des associations de la défense et par le Canadian Defence and Foreign Affairs Institute. Il me semble crucial que les opérations de l'OTAN soient assumées également par tous les membres de l'OTAN.
(1135)
    Donc, si nous entreprenons une opération similaire à l'avenir, pensez-vous que nous devrions fixer des conditions et dire que nous n'irons au combat que si tout le monde y va?
    Oui, ce serait mon conseil, mais il faut bien comprendre que cela risque d'avoir un effet de boomerang dans la mesure où, s'il y a une opération à laquelle nous ne voulons pas participer, nous pourrions y être entraînés par le reste de l'OTAN. Ça joue dans les deux sens.
    Oui, nos amis et alliés de l'OTAN nous ont laissé tomber mais, soyons clairs, nous n'avons pas non plus été des alliés modèles de l'OTAN dans le passé.
    L'OTAN devrait-elle sortir de son secteur? Idéalement, non, mais qui d'autre peut la remplacer? C'est ça, la question. Dans certains cas, et l'Afghanistan en est un exemple parfait, l'OTAN est réellement la seule organisation prête à agir. Pourquoi? Parce qu'il y va des intérêts nationaux de ses membres, dont le Canada, parce que la région est trop instable pour la laisser s'enfoncer dans le chaos. Donc, il me semble que c'est une bonne chose qu'il existe une organisation qui soit prête à faire ce genre de sale boulot. Les Nations Unies ne le pourraient pas.
    Pourrons-nous pacifier l'Afghanistan sans une victoire militaire?
    En réalité, probablement pas. Pourrons-nous obtenir une victoire militaire? En réalité, probablement pas complète. Pourrons-nous obtenir une victoire suffisante pour forcer un règlement politique? Cela me semble être une possibilité et je crois que c'est ce que nous devrions viser.
    Vous avez dit que l'ONU est un désastre et qu'il n'existe pas vraiment de volonté politique d'appuyer les missions. Même si ce n'est peut-être pas le cas, nous sommes toujours perçus par nos concitoyens et d'autres comme un agent de paix.
    Nous devrions-nous pas faire plus d'efforts pour essayer de rendre l'ONU plus efficace? À votre avis, serait-ce possible? Cela signifierait-il que nous devrions revoir nos achats d'équipements, si nous prenions une orientation différente? En particulier, pour avoir un minimum de succès, que pourrions-nous faire pour faire avancer cette idée au niveau de l'ONU?
    Le Canada essaye depuis des générations de rendre l'ONU plus efficace. Nous avons toujours été de bons citoyens onusiens. Nous avons défendu l'idée de forces onusiennes permanentes. Nous avons demandé des forces d'intervention rapide. Nous avons mis pendant des années des bataillons en disponibilité pour l'ONU et nous en avons déployé à l'occasion. Chypre en 1964: nous avons envoyé notre bataillon en disponibilité quand cette crise a éclaté. Toutefois, tous les efforts déployés pour essayer de réparer l'ONU n'ont été que du bricolage marginal. Et l'idée que nous devrions restructurer nos forces militaires dans l'espoir que l'ONU deviendra plus efficiente au bout d'un certain temps ne tient absolument pas debout, très franchement. Si l'ONU devient plus efficiente, si le gouvernement mondial devient une réalité, alors nous pourrons restructurer nos forces. Ce n'est cependant pas l'histoire de l'oeuf et de la poule. Dans l'espèce, il faut que la poule ponde avant que nous fassions quoi que ce soit.
    Nous avons besoin d'une force militaire capable de faire le travail de l'ONU, du travail de bérets bleus ou de casques bleus, mais nous avons aussi besoin d'une force militaire capable de mener des opération bien plus rudes, parfois en dehors de l'ONU. Étant donné la petite taille de nos forces, il me semble que cela signifie que nous avons besoin d'un niveau d'entraînement et d'une qualité d'équipement nous permettant de passer d'un rôle à l'autre sans grande difficulté. C'est un cliché mais il n'en est pas moins valide: une force qui n'est entraînée que pour les tâches de l'ONU ne peut rien faire d'autre, et il se peut que nous voulions faire autre chose à certains moments.
(1140)
    Vous dites que notre priorité devrait à l'évidence être la défense de notre pays.
    Oui.
    Dans ce cas, du point de vue du matériel, devrions-nous nous procurer plus d'équipement naval, par exemple, et rehausser la surveillance de nos côtes, nous assurer que nous avons une marine efficace pour protéger nos approches côtières, plutôt que nous procurer plus de chars d'assaut?
    Brièvement, s'il vous plaît.
    Ce n'est pas une question de chars ou de navires, c'est une question de défense du territoire. La majeure partie de l'équipement dont nous avons besoin pour défendre le Canada contre toute éventualité peut servir à plusieurs choses. Le genre de navire dont nous avons besoin pour défendre le Nord est probablement le même qu'on peut utiliser dans les régions littorales du monde. Il suffit de le concevoir en conséquence. Un petit pays ne peut pas trop se spécialiser, il doit être polyvalent.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Hawn.
    Merci, monsieur le président.
     Merci d'être ici, monsieur Granatstein.
    J'ai plusieurs questions à vous poser. Vous avez dressé toute une liste de choses que nous devrions être prêts à avoir pour aller quelque part. Certaines sont-elles facultatives ou sont-elles toutes obligatoires avant d'y aller?
    Idéalement, elles sont toutes obligatoires. Toutefois, je suis réaliste, la situation est parfois tellement urgente qu'on ne peut pas tout avoir sous la main avant de s'engager, mais je pense que certaines choses sont absolument cruciales.
    Il faut qu'il y ait la volonté politique des Nations Unies. Sans cela, nous serions fous d'engager des troupes dans une opération de l'ONU, quelle qu'elle soit.
    Il faut qu'il y ait de l'argent. Nous pourrions probablement nous débrouiller en cas de difficulté mais il serait préférable que l'argent soit engagé dès le départ.
    Il est essentiel, à moins de vouloir envahir un territoire hostile, d'avoir un gouvernement local prêt à nous recevoir. On parle depuis quelques semaines d'aller au Congo. Or, le président du Congo demande que les troupes de l'ONU s'en aillent. Aurions-nous voulu nous retrouver dans une situation comme celle-là? À mon avis, ce serait de la folie pure d'envisager ça.
    Il faut qu'il y ait une stratégie de sortie. Je ne pense pas que nous devrions jamais nous engager à nouveau dans une opération comme celle de Chypre, où nous sommes arrivés en 1964 et n'en sommes partis qu'en 1993. L'opération de Chypre continue aujourd'hui. Il n'y a aucune volonté politique de résoudre la situation, ou il n'y en avait pas. Je sais que Joe Clark avait essayé de devenir Lord Clark de Nicosie mais ça n'a pas marché. On n'a trouvé aucune solution à ce genre de situation. Très franchement, il me semble que ça ne fait aucun bien aux Nations Unies, ni même aux Chypriotes, d'avoir une opération interminable et de les laisser prétendre qu'ils essayent de trouver un règlement quand ce n'est pas le cas.
    La clé est de savoir si notre armée est capable de faire le travail. Sinon, il y a certaines choses que nous n'avons peut-être pas la capacité de faire et nous ne devrions alors absolument pas nous engager.
    Merci.
    Vous parlez d'intérêts nationaux et vous dites, à juste titre, je crois, que les intérêts nationaux ne changent pas vraiment. Toutefois, quand nous sommes dans une mission depuis sept, huit, neuf ou dix ans, il est évident que la mission change parce que, franchement, l'ennemi a son mot à dire là-dessus. J'aimerais donc connaître votre avis, et vous l'avez peut-être déjà exprimé, sur l'importance de préserver de la souplesse, pas en termes d'intérêts nationaux mais dans la manière dont nous réagissons à ce que fait l'ennemi à mesure que la situation évolue.
    C'est absolument crucial, bien sûr.
    Nous sommes allés en Afghanistan au début de 2002... Nous y sommes encore en 2010. Nous y serons encore pendant un an, au minimum. La mission a changé à de nombreux égards. La nature des opérations de l'ennemi a changé. La nature de notre équipement, de notre tactique et de notre stratégie a changé. La nature de la force dont nous faisons partie a changé. Tout ce qui dure une dizaine d'années est voué à changer.
    Mais pourquoi sommes-nous là-bas? À mes yeux, parce qu'il y va encore de nos intérêts nationaux, lesquels ne changent pas. La tactique peut changer, ou peut-être la stratégie, mais l'intérêt national reste le même, je pense. Si notre intérêt national n'est pas servi par notre participation en Afghanistan, demain, nous devrions en partir, à mon avis.
(1145)
    Merci.
    Vous avez parlé du Parlement devant approuver toutes les missions. Il y a un rôle que doit jouer le pouvoir exécutif. Il y a clairement un rôle pour le Parlement, qui est de débattre, de discuter, de s'informer et de contribuer, mais la décision ultime d'entreprendre la mission appartient à l'exécutif, me semble-t-il.
    La décision appartient au pouvoir exécutif, mais un exécutif sage sollicitera l'appui du Parlement. Je ne parle pas d'envoyer trois officiers comme force d'observation. Je parle d'une mission d'importance, concernant l'envoi d'un bataillon ou d'un groupe de bataille pour une opération sérieuse.
    Si l'on rencontre des difficultés, comme en Afghanistan, il est certainement très utile de pouvoir dire à la population que le Parlement appuie la mission. Si l'on envoie des soldats sans avoir obtenu l'appui des élus du peuple, on s'expose à ce que celui-ci se demande pourquoi nous sommes là-bas et pourquoi nos soldats y versent leur sang. Il vaut bien mieux avoir cet appui.
    Je pense aussi que nos opérations devraient être assorties de dates de retrait fixes, étant bien entendu... La réalité est que le Parlement est suprême. Il peut changer la date de retrait s'il le veut, comme nous l'avons fait pour la mission en Afghanistan. Je pense que c'est tout à fait légitime.
    Vous avez parlé de tous les membres de l'OTAN faisant toutes sortes de partage des opérations. Idéalement, ce serait vrai mais je pense que la réalité est que nous avons tous des capacités différentes. Nous avons tous des capacités différentes de projection de nos forces. Nous sommes différents de la Croatie, qui est évidemment différente des États-Unis. J'aimerais avoir votre avis sur les réalités du concept de partage égal.
    Bien sûr. C'est tout à fait vrai. Tout le monde n'est pas capable de fournir de la haute technologie de communication, par exemple, mais tous les membres de l'OTAN peuvent fournir de l'infanterie. Tous les membres de l'OTAN peuvent fournir de l'argent à défaut d'autre chose. Tous les membres de l'OTAN doivent contribuer aux opérations de l'organisation, laquelle fonctionne essentiellement par l'unanimité. Si cela doit avoir un sens, c'est bien que chacun contribue aux opérations en termes réels. Si vous avez telle ou telle réserve à exprimer, faites-le avant que la décision soit prise. Si 14 nations ont de sérieuses réserves, il me semble que l'organisation doit dire que l'opération n'est pas pour elle.
    Nous avions une grande capacité humaine de renseignement pendant la Guerre froide. Elle a baissé depuis. À votre avis, quelle est l'importance de cette capacité humaine de renseignement, et que devrions-nous faire à partir de maintenant?
    Je ne suis pas un expert du renseignement et je n'aurais donc pas la moindre crédibilité si je m'exprimais là-dessus.
    M. Laurie Hawn: Merci.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Granatstein.
    Je donne la parole à M. Martin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci d'être ici, monsieur Granatstein.
    Nous savons que le maintien de la paix est un autre nom pour la guerre et que nos soldats devraient avoir tout l'éventail des compétences nécessaires, du travail de police jusqu'aux opérations de combat, et l'équipement qui va avec.
    Si les conflits du XXIe  siècle sont avant tout des guerres intestines et intra-étatiques — nous avons vu ce qui est arrivé au Rwanda, et nous avons dit, plus jamais ça —, que ferons-nous dans des cas comme le Congo, pour reprendre votre exemple, où plus de 5 millions de personnes ont péri en six ans et plus de 1 000 personnes périssent chaque jour?
    Je ne sais pas. Ce sont des situations extrêmement difficiles, et sot serait celui qui prétendrait autrement.
    Les Nations Unies ont essayé de régler le Congo. Leurs forces semblent faire autant partie du problème que de la solution. Elles sont loin d'être aimées par le pays hôte, qui veut s'en débarrasser. Il y a eu tellement de cas de corruption, de viol et d'abus de toutes sortes au Congo par les forces de l'ONU que ça en devient désespérant. Ces opérations seront clairement certaines des plus difficiles, dans des pays sans infrastructure adéquate, dans la plupart des cas, et des pays où nos soldats seront d'autant plus visibles qu'ils sont essentiellement blancs parmi une population qui ne l'est pas. Il est tout simplement incroyablement difficile pour un pays comme le nôtre d'opérer dans de tels pays.
(1150)
    Je vais formuler une hypothèse et vous me direz ce que vous en pensez.
     En ce qui concerne la brigade d'intervention rapide en attente évoquée dans le rapport Brahimi, s'il devait y avoir une telle BIRFA avec des soldats adéquats, culturellement conformes au pays où ils sont envoyés, est-ce là quelque chose qui vous conviendrait avec le processus de modernisation du Conseil de sécurité?
    Ce serait un pas en avant très utile. La difficulté est que nous n'avons pas vraiment réussi à créer une BIRFA qui soit efficace. Essayer d'en créer une qui soit également culturellement conforme aux différentes régions du monde serait encore plus difficile. Il n'y a par ailleurs aucune garantie que le Conseil de sécurité parviendrait à réunir l'appui nécessaire pour déployer une telle brigade.
    C'est difficile à faire fonctionner. Il est difficile de faire fonctionner les Nations Unies efficacement dans ces régions. Chaque fois, nous finissons par bidouiller une force pour répondre à un besoin particulier en nous adressant à des pays qui sont prêts — soyons francs — à vendre leurs soldats aux Nations Unies contre monnaie sonnante et trébuchante. Des pays comme le Bangladesh, et ce n'est pas le seul, gagnent une bonne partie de leurs devises étrangères en déployant leurs soldats. Ce n'est pas nécessairement une garantie d'efficacité.
    Voici donc un autre scénario décrivant certains des défis qui s'opposent, mais où nous avons un intérêt propre. En Somalie, où d'aucuns soutiennent que al-Shabaab protège al-Qaïda, quel pourrait être notre rôle? Agirions-nous avec l'UA? Voudriez-vous une OTAN plus robuste pour s'associer à l'UA? Quelle serait la solution pour régler cette situation purulente en Somalie?
    Je ne sais pas. Je pense que notre contribution la plus efficace ne serait pas militaire. Ce serait probablement des instructeurs, de l'argent, de l'aide.
    Il est tout à fait possible, si la piraterie continue comme maintenant à partir d'organisations — ou de « désorganisations », plutôt — basées en Somalie, que des voix s'élèvent pour y mettre fin une fois pour toutes. Cela pourrait peut-être déboucher sur une opération de l'OTAN, auquel cas il se pourrait fort bien que nous y participions.
    Considérant l'expérience acquise en Somalie, c'est-à-dire les expériences onusiennes et américaines dans ce pays, c'est un dossier qu'il faudrait vraiment prendre avec des pincettes. Il est d'autant plus compliqué qu'il y a maintenant une très vaste diaspora somalienne au Canada, qui me semble divisée en nombreux courants. Donc, tout ce que nous pourrions faire provoquerait à la fois de l'appui et de l'opposition de divers groupes de Somaliens du Canada. C'est une situation bien compliquée.
     Le critère, pour nous, doit être de savoir ce qui correspond le mieux à notre intérêt national et si nos forces peuvent jouer un rôle utile. Je ne pense pas que nous voulions nous retrouver dans une situation où l'idéalisme et l'altruisme seraient nécessairement le moteur de notre action. La question doit être de savoir si ça répond à nos intérêts. Est-ce quelque chose que nos soldats pourraient faire?
     Tenons donc un peu plus compte de nos intérêts en abordant ces problèmes.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Braid.
    Merci, monsieur Granatstein, d'être avec nous aujourd'hui. Votre témoignage nous est très utile.
    En réponse à une question de M. Wilfert, vous avez dit qu'il sera important de permettre à nos soldats de souffler après l'Afghanistan. Vous n'êtes pas le premier à souligner l'importance d'un répit. Avez-vous une idée de ce que devrait être la durée de ce répit?
(1155)
    Un an ou deux, au minimum, avant toute autre grande mission. Nous pouvons entreprendre des petites missions ou des missions de courte durée mais, pour ce qui est d'une mission importante à l'étranger avec plus de 1 000 soldats, notamment d'infanterie, et de plus d'une année, nous devrions attendre au moins deux ans.
    Très bien.
    Vous avez parlé également de l'importance de fixer les dates de retrait dès le début. Pouvez-vous expliquer pourquoi?
    Parce que vous savez quand vous allez rentrer à la maison. C'est l'avantage le plus important et il me semble assez clair. On peut toujours prolonger mais, connaître à l'avance la date de retour... Je ne parle pas ici d'une grande guerre pour laquelle on ne peut évidemment pas fixer cette date. Je parle de missions dans lesquelles le Canada est membre d'une opération de l'ONU ou d'une coalition pour faire un travail précis qui n'est pas une menace à la survie générale de la nation. Évidemment, dans une grande guerre, il n'y a pas de date d'expiration. Il n'y a pas de date de sortie. Mais, dans le genre d'opérations que nous avons entreprises et qui seront probablement celles de la prochaine génération, fixer la date de sortie à l'avance rassure le public et le gouvernement en leur indiquant qu'il y aura une fin. Je pense que c'est important.
    Vous avez clairement mis en lumière certaines de vos préoccupations, certains des écueils et certaines des difficultés des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Pourriez-vous nous parler des problèmes systémiques des Nations Unies qui constituent un obstacle au succès des missions? Y a-t-il eu une amélioration avec le temps, par la réforme de l'ONU et la révision de son service de maintien de la paix, en ce qui concerne ces problèmes systémiques?
    Je pense que son service de maintien de la paix est meilleur qu'il l'était. Le général Lewis Mackenzie avait l'habitude de dire que le téléphone sonnait dans le vide si vous appeliez New York en fin de semaine. Si vous appeliez après six heures du soir, il n'y avait plus personne. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les choses se sont améliorées. Il y a plus de gens, une meilleure organisation et plus d'efficience. C'est peut-être maintenant du niveau d'une armée du tiers-monde, par rapport au niveau d'une armée du cinquième monde il y a 20 ans. C'est un progrès, mais il faudra en faire encore beaucoup plus.
    Le problème fondamental de l'ONU est politique: le veto. Un Conseil de sécurité qui est encore divisé, nonobstant la fin de la Guerre froide. Ses membres continuent d'avoir leurs intérêts nationaux, lesquels ne risquent pas de disparaître.
    Nous le constatons, par exemple, sur une question telle que les sanctions contre l'Iran, qui pourraient déboucher sur une opération à terme. Existe-t-il un accord pour imposer des sanctions? Pas vraiment. Est-il concevable qu'on parvienne réellement à un accord? Peu probable.
    Je ne sais pas comment on pourrait surmonter cela. C'est l'inaptitude de l'ONU à faire preuve de cohérence qui débouche sur des coalitions des bonnes volontés, qui débouche sur des éventualités telles que la guerre de l'Irak en 2003 où les États-Unis se sont sentis obligés, face à la paralysie de l'ONU, d'agir en fonction de leur définition de leur intérêt national.
    Ce n'est pas ce qu'il y a de plus souhaitable mais il faut au moins comprendre pourquoi cela arrive. C'est parce que l'ONU n'est tout simplement pas capable d'agir. Voilà le problème. Quant à la solution, je ne la connais pas.
    Vous avez parlé de sous-traitance d'opérations de maintien de la paix à l'OTAN et à l'Organisation de l'unité africaine. Pourquoi l'ONU a-t-elle dû les sous-traiter?
    Parce qu'elle ne pouvait tout simplement pas faire le travail elle-même. Elle n'était pas capable de réunir une force apte à mener une guerre, à combattre un ennemi ardent ou à mener des opérations difficiles. Elle a donc dû faire appel à quelqu'un d'autre. Dans certains cas, ça a marché; dans d'autres, non.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à M. Bachand.
(1200)
    Monsieur Granatstein, avez-vous l'impression que les sous-contrats seront une façon de faire de plus en plus répandue? Finalement, est-ce que l'OTAN risque de devenir le bras militaire de l'ONU?

[Traduction]

    C'est une possibilité. Toutefois, l'expérience de l'Afghanistan n'a pas été assez positive pour que l'OTAN saute de joie la prochaine fois qu'on lui demandera d'entreprendre une mission difficile à l'autre bout du monde. Ça ne veut pas dire qu'elle ne le fera pas. La réalité est que c'est souvent la seule organisation apte à faire un travail difficile que la plupart des nations jugent indispensable.
    Évidemment, il est préférable que l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord agisse dans son secteur, dans sa sphère d'influence, mais il est bon qu'il existe une organisation comme elle qui soit prête dans certaines circonstances à en sortir pour aller faire ce qu'il faut faire. Ce qui semble clair, malheureusement, c'est qu'il est peu probable que les Nations Unies deviennent capables de faire ces choses-là elles-mêmes, et c'est ce qui fait que l'OTAN sera encore sollicitée.
    Tout ce que je dis, c'est que l'OTAN devrait être capable d'agir de manière plus efficiente. Je parlais tout à l'heure de la nécessité que les pays de l'OTAN donnent leur accord à une opération avant qu'un engagement soit pris. Je pense que c'est essentiel. C'est la première leçon à tirer de l'Afghanistan. Il faut avoir la certitude que tous les membres de l'OTAN participeront. Il n'est pas acceptable que l'OTAN décide d'agir et que 15 membres disent ensuite: « D'accord mais nous, nous n'allons rien faire. Nous n'allons pas nous battre et nous n'allons rien donner. »

[Français]

    Un peu plus tôt, vous sembliez dire que le Canadian Defence & Foreign Affairs Institute, qui a tenu beaucoup de réunions, voulait participer... Parliez-vous du cadre stratégique de l'OTAN qui est en cours actuellement? Oui.
    J'aimerais parler de ce cadre stratégique. On sait que l'OTAN risque de plus en plus de faire de la sous-traitance pour le compte de l'ONU. Comme vous le savez, il y a de grosses discussions. Je suis depuis maintenant 10 ans à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Deux choses, en particulier, ressortent beaucoup. Il s'agit, tout d'abord, du financement commun.
    Est-ce ce dont vous voulez parler? En Afghanistan, la preuve est faite que les points cardinaux sont extrêmement importants. Je suis allé à Faizabad avec les forces allemandes et je me suis promené toute la journée dans une belle jeep Mercedes. À 20 heures, on m'a dit qu'il fallait rentrer au camp pour des raisons de sécurité, car il y avait des menaces. En fait, il n'y avait pas vraiment de menaces dans le Nord.
    Par contre, quand je suis allé dans le Sud, on ne rentrait pas à 20 heures parce qu'on ne se promenait pas dans de petites jeeps Mercedes. Il fallait se promener dans des LAV III, parce que ça cognait beaucoup. Il y a donc une mauvaise répartition sur le plan du financement et des pertes de vie. Le Canada paie un prix plus élevé que les pays qui évoluent dans le Nord.
    Beaucoup de gens commencent donc à parler d'une rotation obligatoire afin que ce ne soit pas toujours les mêmes qui aient à payer par le sang de leurs soldats. Je crois que l'OTAN a de grosses responsabilités devant elle, de gros débats, et ce n'est pas facile non plus. Peut-être que les problèmes qu'on voit à l'OTAN se répercutent de façon encore plus importante à l'ONU. Dès qu'il y a beaucoup de nations, certaines tentent d'échapper à leurs responsabilités et d'autres sont obligées de les assumer.
    Êtes-vous en faveur du financement commun? Êtes-vous favorable à ce qu'en Afghanistan, qui est un exemple typique, il y ait une rotation obligatoire des forces pour qu'on n'ait pas toujours les mêmes dans le Sud et dans le Nord?

[Traduction]

    Je suis d'accord. Je pense que c'est ce qu'il faut faire. Il faut mettre de l'argent sur la table, il faut mettre des soldats sur la ligne de feu, il faut accepter le risque que certains perdent la vie, il faut accepter la possibilité que certains pays ne pourront pas toujours assumer le fardeau.
    Comme je l'ai dit, le Canada n'a pas toujours été un membre modèle de l'OTAN. Nous avons fait notre travail en Afghanistan et ça nous a coûté cher. Nous l'avons bien fait, cependant. Nous en méritons le crédit, mais les plaintes que nous formulons au sujet d'autres pays sonnent un peu creux considérant nos antécédents au sein de l'alliance. Cette fois, je pense que nous avons bien fait et que nous pouvons légitimement pointer du doigt certains de nos amis de l'alliance, mais la première leçon à tirer de tout cela, c'est qu'il faut réparer l'alliance.
    Le nouveau concept stratégique, me semble-t-il, doit aborder cette question de front en disant que le partage du fardeau doit être réel. Nous ne pouvons pas attendre des Américains qu'ils fassent tout; nous ne pouvons pas attendre des Canadiens qu'ils assument tout le fardeau pendant aussi longtemps que nous l'avons fait à Kandahar. Au minimum, il est scandaleux que ces soldats allemands ne sortent pas après huit heures du soir. Vous pourriez avoir en Afghanistan des forces de réaction rapide capables d'aller rapidement en hélicoptère là où il y a une crise. Selon moi, c'est la réponse minimum qu'on devrait pouvoir organiser lorsqu'il y a différentes provinces avec différentes nations qui s'en occupent.
    Soyons clairs: l'opération de l'OTAN en Afghanistan n'a pas été un succès particulièrement éclatant sur le plan de la coordination des différentes méthodes d'entraînement, des différentes méthodes opérationnelles. Certaines des lacunes de l'alliance sont ressorties assez clairement, et l'une des solutions évidentes, à mes yeux, serait de créer une entité d'opérations civiles au sein de l'OTAN, un secrétariat ou une direction, afin de ne pas commettre la prochaine fois le même genre d'erreurs qu'en Afghanistan.
(1205)
    Merci infiniment.
    C'est maintenant au tour de M. Boughen, pour cinq minutes.
    Merci, président.
    Bienvenue, monsieur. Je n'ai que deux ou trois questions.
    Vous avez fait allusion plusieurs fois à la taille des Forces canadiennes — l'infanterie, l'aviation, la marine — et vous avez parlé un peu de leurs capacités. D'après vous, quelle devrait être la taille de nos forces, et comment les verriez-vous faire le travail du point de vue de leur capacité?
    Nous avons une armée comprenant à peu près 65 000 soldats réguliers et 30 000 réservistes. Je pense qu'il nous faudrait au minimum 10 000 soldats réguliers de plus, et une force de réserve de 50 000 membres environ. Autrement dit, il nous faudrait en tout 120 000 personnes, tout compris, pour faire les choses que nous voulons faire.
    Le fait que notre infanterie manque tellement de personnel qu'elle est obligée de subtiliser des compagnies à un bataillon pour remplir les rangs du bataillon qu'elle déploie est une indication des difficultés que nous connaissons.
    Évidemment, cela exige de l'argent, du temps, de l'entraînement. Je ne crois pas qu'il y ait nécessairement une pénurie de recrues à l'heure actuelle, mais il y a par contre une pénurie au niveau de l'entraînement — pour former des instructeurs, essentiellement — à cause du stress des déploiements. Ce serait d'ailleurs un avantage de la période de répit que j'estime nécessaire. Elle permettrait au système d'entraînement de faire du rattrapage.
    En ce qui concerne les capacités, je pense que nous avons besoin d'une force polyvalente, étant donné l'endroit où nous nous trouvons sur la planète, l'image que nous avons de nous-mêmes, et nos responsabilités dans le monde.
    Le secteur qui connaît le plus de difficultés, selon moi, est la marine. Il y a eu hier, je crois, une lettre du chef d'état-major de la Force maritime disant que la marine allait mettre hors service des navires de la défense côtière et certaines frégates, et réduire les capacités de certaines de nos AOR déjà obsolètes. C'est très sérieux.
    Nous avons attendu beaucoup trop longtemps la formulation d'une politique de la construction navale, dont dépendent diverses acquisitions, et nous sommes donc maintenant en crise étant donné le temps qu'il faut pour acquérir des navires. J'estime que la marine est cruciale pour nous. Pour une force de 8 000 personnes environ, elle a rendu des services exceptionnels dans le monde entier. Elle ne pourra cependant pas continuer à le faire pendant très longtemps et, si nous ne nous mettons pas rapidement à acquérir de nouveaux navires de combat et de nouveaux navires d'avitaillement, nous allons avoir de très sérieuses difficultés.
(1210)
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je donne la parole à M. Wilfert.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai deux sujets à aborder.
    Vous avez dit que nous avons un intérêt vital dans les Caraïbes et en Amérique latine. Nous avons évidemment des problèmes de réchauffement planétaire, de prospection pétrolière dans l'Arctique, et certaines questions de stratégie concernant le territoire contesté là-haut. Dans l'océan Pacifique, il y a la montée de la Chine, peut-être en particulier une course aux armements, et les problèmes de la marine. Lorsque le professeur Bland a comparu devant nous, il a dit que nous devrions nous doter d'une force militaire centrée sur la marine plutôt que sur l'infanterie pour faire face à ces questions. Votre avis?
    J'ai beaucoup de respect pour Doug Bland, qui est un analyste très compétent et très fin de ces questions. Nous aurions bien des raisons de nous doter d'une armée centrée sur la marine mais, en revanche, elle nous coûterait beaucoup plus cher qu'une armée fondée sur l'égalité des armes, ou centrée sur l'infanterie, ou centrée sur l'aviation. Le coût des navires est effarant et il ne cesse d'augmenter. Si nous prenions cette décision, et elle serait défendable, nous devrions nous préparer à dépenser beaucoup plus que nous ne l'avons fait jusqu'à présent.
    Je comprends.
    Si nous n'avions pas déjà une armée de terre, une armée de mer ou une armée de l'air, et si nous devions créer une armée à partir de zéro pour répondre à nos intérêts nationaux, comment devrions-nous la concevoir? De quoi avons-nous vraiment besoin, selon vous?
    Je crois que je vous dirais que nous avons besoin d'une armée de terre, d'une armée de mer et d'une armée de l'air.
    Mais ayant quelles capacités et jouant quel rôle pour répondre à ce type de questions? On n'a pas nécessairement besoin d'une infanterie, d'une marine et d'une aviation. Si nous pensons que ces questions sont les questions critiques... Nous pourrions privilégier tel ou tel secteur, autrement dit.
    Nous n'avons pas besoin que les Forces canadiennes s'occupent du réchauffement climatique. Nous n'avons pas besoin que les Forces canadiennes s'occupent de la plupart des menaces dans l'Arctique. De certaines, oui. Nous n'avons pas besoin que les Forces canadiennes s'occupent de la menace de la Chine, après tout.
    Ce dont nous avons besoin, c'est de forces bien équipées, bien entraînées et mobiles, capables de faire leur part avec nos amis pour faire face aux diverses menaces lorsqu'elles surgissent — des menaces contre nous étant donné que, soyons réalistes, ce seront obligatoirement les États-Unis qui feront le gros du travail si notre territoire est directement menacé puisque toute menace à ce niveau est quasiment d'office une menace contre les États-Unis. Les Américains ne vont pas s'emparer de notre territoire par la force. Ils essaieront peut-être d'exercer une influence sur nous, mais je vous dirais que c'est si nous avons la capacité de nous occuper activement de notre territoire que nous pourrons le mieux nous défendre contre cela.
    Nous comptons sur l'appui des Américains en cas de crise, et c'est très bien, mais nous devons être prêts à contribuer dans d'autres régions du monde — dans des opérations de l'ONU ou des opérations de coalition —, ce qui exige un certain type de capacités.
    Je le répète, notre priorité absolue doit être la défense de notre territoire. Ensuite, ce doit être la défense de l'Amérique du Nord et de l'hémisphère.
    Étant bien entendu que nos capacités sont limitées, mais en étant capables de faire le maximum avec ce que nous avons.
    Oui.
    En réponse à M. Martin, vous avez fait une remarque qui m'a rappelé votre ouvrage Who killed Canadian History?, du point de vue, peut-être, d'une résistance à l'égard des Canadiens d'origine somalienne. Nous sommes tous ici coupables de l'assassinat de l'histoire canadienne, me semble-t-il. Nous faisons des courbettes — j'ose le dire — devant ceux qui arrivent de l'étranger. Nous ne leur disons pas de laisser leurs problèmes chez eux. Nous en sommes maintenant à nous excuser pour des événements survenus il y a 100 ans, 200 ans, 300 ans.
    Comment pouvons-nous dire ce qui est dans notre intérêt national quand bien des gens qui viennent ici disent que ce n'est pas dans notre intérêt, c'est dans l'intérêt de quelqu'un d'autre? Comment déterminer cela de façon à avoir des forces militaires capables d'exécuter ce que nous estimons être dans notre intérêt national?
    Votre collègue, M. Dosanjh, s'est très bien exprimé à ce sujet, et avec beaucoup d'efficacité, ces dernières semaines. Je crois qu'il a dit des choses auxquelles chaque Canadien devrait mûrement réfléchir.
    Notre critère doit être l'intérêt national du Canada, pas l'intérêt national du vieux pays d'où viennent les immigrants, ce qui ne peut pas marcher. Ça doit être notre intérêt national de Canadiens. Si vous choisissez de venir ici, vous devez adopter ce pays. Vous devez absolument faire ça. Un gouvernement qui permet aux gens de supposer que le Canada suivra toujours les efforts du vieux pays pour atteindre ses propres buts — et c'est ce que tous nos gouvernements ont fait pendant plus de 50 ans — se bercerait d'illusions.
    Nous sommes canadiens. Nos intérêts nationaux sont la seule chose qui compte pour nos gouvernements.
(1215)
    Nous devrions aussi tous lire votre livre.
    Achetez-en plusieurs exemplaires, donnez-en tous à vos amis.
    Vous en êtes à la deuxième édition. Oui, je pense que nous pourrions faire ça.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Payne, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je réalise, monsieur, que vous êtes absolument un puits de science. Vous avez parlé de notre intérêt national, bien sûr, et du fait que nous devrions participer à des missions. Vous avez parlé en particulier du pouvoir exécutif et du pouvoir parlementaire, mais aussi de l'importance de convaincre les Canadiens quand nous acceptons une mission. Vous avez aussi parlé de notre fixation, si je peux m'exprimer ainsi, avec le maintien de la paix. Je sais qu'il y a des situations et que l'Afghanistan est dans notre intérêt national mais, dans ce cas précis, nous faisons effectivement du maintien de la paix. Voici donc ma première question: comment pouvons-nous convaincre les Canadiens que ceci est dans notre intérêt national?
    J'ai été très impressionné lorsque le premier ministre actuel est arrivé au pouvoir, début 2006, et est allé en Afghanistan, ce qui était réellement son tout premier voyage à l'étranger, pour exposer avec force la raison pour laquelle le Canada était là-bas, et pourquoi il était dans notre intérêt national d'y être. C'était le discours que j'attendais depuis très longtemps d'un chef politique canadien.
    Hélas, la question est devenue ensuite une source de division au Canada, à mesure que la guerre avançait, et on a pu constater l'absence de plus en plus marquée de ce genre de discours du premier ministre et de ses ministres. L'appui du public s'est étiolé. Nos politiciens n'ont pas assez expliqué pourquoi nous sommes là-bas.
    J'ai toujours cru que, si le premier ministre avait prononcé à nouveau ce discours de 2006 en 2007, et en 2008, et en 2009, et en 2010, l'appui du public pour notre engagement en Afghanistan n'aurait pas faibli.
    Ce qu'il faut, c'est du leadership. Nous avons besoin que nos politiciens disent la vérité aux Canadiens sur les raisons pour lesquelles nous faisons ce que nous faisons. La vérité est parfois difficile à dire. Parfois, il suffirait probablement de dire que nous devons faire notre part des sales boulots, mais il faudrait l'expliquer aux Canadiens. Je pense qu'il y a un vrai fonds d'idéalisme dans la population canadienne qui veut croire que nous oeuvrons pour le bien dans le monde mais, parfois, faire le bien est difficile et il faut que les dirigeants politiques donnent les vraies explications.
    Je pense que c'est absolument critique — et je peux comprendre toutes les difficultés que cela implique en situation de gouvernement minoritaire —, mais il est absolument critique que nous ayons des leaders disant la vérité au peuple. C'est l'une des fonctions du poste, me semble-t-il.
    Merci de cela, monsieur.
    Vous avez aussi parlé un peu du Congo. D'aucuns disent en ce moment que nous devrions peut-être aller au Congo. Vous avez clairement indiqué que le président du Congo souhaite que l'ONU s'en aille de son pays. L'autre chose dont vous avez parlé était l'infrastructure. Pourriez-vous indiquer les difficultés, notamment en matière d'infrastructure, que rencontrerait le Canada s'il envoyait des soldats au Congo?
    Nous sommes un pays occidental. Nous avons des forces armées qui exigent une longue chaîne de logistique pour pouvoir fonctionner. Nous sommes fixés au sol, dans une certaine mesure. Le Congo, la région du Congo où nous aurions envoyé nos soldats, le Congo oriental, est une région où il faut parfois huit heures pour faire 25 kilomètres de route et où il n'y a aucune infrastructure civile sur laquelle s'appuyer. Il n'y en avait pas non plus en Afghanistan, par exemple, mais les Américains ont construit plusieurs énormes bases opérationnelles sur lesquelles nous avons pu nous appuyer. Il n'y a rien de cela au Congo. Nous serions donc handicapés dès le départ par notre incapacité à garantir nos approvisionnements et notre incapacité à faire entrer et sortir rapidement nos soldats. C'est à mon avis un sérieux problème qui devrait fonder n'importe quelle décision de déploiement dans une région de ce genre, n'importe où au monde.
    Nous devons avoir les ressources nécessaires pour permettre à nos forces de fonctionner. Elles peuvent s'adapter, elles sont souples, elles peuvent faire beaucoup de choses, mais elles ont absolument besoin de lignes d'approvisionnement sûres. Elles ont besoin de pouvoir obtenir des renforts et de pouvoir s'en aller si c'est nécessaire.
(1220)
    Merci, monsieur.
    Madame Gallant, vous avez cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Mes questions porteront sur l'intérêt national.
    Nous nous sommes concentrés ces derniers temps sur le Moyen-Orient. Certes, il y a la menace émergente en Iran et un état de guerre asymétrique, en grande mesure, mais on a observé relativement récemment certaines tendances expansionnistes de la Russie. Par exemple, des obus ont plu pendant plusieurs jours sur les foyers des Géorgiens en Ossétie du Sud, et la Géorgie a répliqué. Il semble qu'on ait profité des Jeux olympiques pour détourner l'attention. Les observateurs internationaux étaient aux Jeux olympiques. En fin de compte, la Russie contrôle aujourd'hui 20 p. 100 de plus du territoire sud-ossétien, et 30 000 Géorgiens sont exilés de leur région.
    Pensez-vous qu'il y a des visées expansionnistes dans ce coin-là? Allons-nous devoir encore nous préparer à des missions plus conventionnelles, comme auparavant? Du point de vue de notre intérêt national, serait-il dans notre intérêt national de jouer un rôle de sécurité en effectuant des patrouilles dans des zones tampons, par exemple, dans ces ex-pays d'Europe de l'Est, notamment ceux qui sont des candidats potentiels à l'OTAN et qui ont contribué à la mission de l'OTAN en Afghanistan?
    Ce sont de bonnes questions auxquelles il n'y a pas de réponses faciles.
    Lorsque les Russes ont célébré le 60e  anniversaire de la fin de la guerre, on a vu pour la première fois, à ma connaissance, des soldats britanniques, américains, français et autres défiler sur la Place rouge. D'aucuns espèrent que la Russie va prendre un tournant positif et ne pas retomber dans ses jeux de pouvoir.
    Nous devons faire tout notre possible pour l'encourager dans cette voie. L'idée d'envoyer des soldats de l'OTAN, ou des soldats canadiens dans le cadre d'une mission de l'OTAN, patrouiller le long des frontières de la Russie avec ses ex-États reviendrait à agiter un drapeau rouge devant ses dirigeants, si je peux me permettre cette expression. Ce serait naturellement pour eux un outrage. Évidemment, nous ne souhaitons pas que la Russie entre en guerre contre la Géorgie. Nous ne voulons pas qu'elle avale les sud-ossétiens. La Géorgie devrait pouvoir être indépendante si c'est ce que souhaite son peuple. Il serait peut-être utile que les Américains ne mettent pas autant leur nez dans les affaires de la Géorgie, mais c'est une situation délicate.
    La Russie était une superpuissance. Elle croit à bien des égards qu'elle l'est encore. Elle souhaite avant tout ne pas être humiliée, et il me semble que nous devons bien nous garder de faire ça. Cela veut dire, à mon avis, que nous devons faire preuve d'une grande prudence au sujet de l'intégration dans l'OTAN de certaines des régions clés pour la Russie, comme l'Ukraine. Certes, bon nombre de facteurs militent en faveur de l'intégration de l'Ukraine dans l'OTAN, à l'exception du fait que c'est une partie vaste et cruciale de l'ex-empire soviétique, ce qui complique les choses.
    L'idéal, je suppose — et nous y arriverons peut-être —, serait que la Russie devienne membre de l'OTAN. Nous aurions alors une alliance européenne de l'Atlantique Nord englobant tout le continent. Cela résoudrait le problème et ce n'est pas une idée aussi fantaisiste qu'on peut le penser. Je crois que c'est le but que nous devrions viser. Cela résoudrait la plupart des conflits dans cette partie du monde.
    Pour ce qui est des capacités, devrions-nous nous préparer à des déploiements plus conventionnels? À mon sens, oui. Je ne crois pas une seconde que nous ne verrons plus dans les 20 prochaines années des conflits de nature à exiger le déploiement à l'étranger d'une force expéditionnaire canadienne. Je pense que c'est tout à fait envisageable. Je ne sais pas où mais je pense que c'est tout à fait possible.
(1225)
    Merci beaucoup.
    Nous avons assez de temps pour un rapide troisième tour.

[Français]

    Monsieur Dosanjh, vous disposez de deux minutes.

[Traduction]

    Je n'ai que deux ou trois questions.
    En ce qui concerne l'intérêt national, si les Canadiens pensent que nous agissons pour le bien, selon leur interprétation de ce bien, ils appuieront ce genre d'excursions. Il pourrait y avoir des cas où notre intérêt national serait d'intervenir à l'étranger mais que les Canadiens estiment que ce n'est pas le genre de bien qu'ils envisagent. Ce serait un problème.
    Pour l'Afghanistan, j'ai l'impression que nous n'avons pas réussi à expliquer notre intérêt national. Les Canadiens pensent que nous essayons de faire le bien, mais cela ne leur a pas été expliqué dans le contexte de l'intérêt national.
    Je pense que vous avez raison.
    Je parlais tout à l'heure du discours que le premier ministre a prononcé en mars 2006, je crois, en Afghanistan pour présenter clairement notre participation en termes d'intérêt national. Comme je l'ai dit, si ce message avait été répété, je crois que l'appui pour cette guerre aurait été plus ferme. Le problème est de savoir quoi faire quand l'appui du public s'étiole alors que des Canadiens se battent à l'étranger. Nous sommes en Afghanistan. La population appuie fermement les soldats, et d'une manière que je n'aurais pas crue possible il y a 20 ans, mais elle appuie de moins en moins la mission, et c'est ce qui nous pousse à nous retirer.
    Une très brève question.
    Aux États-Unis, nous voyons qu'il existe un consensus plus large sur la politique étrangère. Les Américains se déchirent rarement sur les grandes questions de politique étrangère, entre Républicains et... Je crois en tout cas qu'il y a plus de consensus.
    Quelle est votre question?
    Au Canada, pensez-vous que ce genre de consensus serait sain ou malsain?
    Je ne suis pas convaincu qu'il y ait un consensus aux États-Unis. Pensez-vous qu'il y a eu un consensus sur la guerre en Irak? Sur la guerre en Afghanistan? Certainement pas. J'aimerais qu'il y ait un consensus ici. Je pense que c'est une excellente chose lorsque la politicaillerie s'arrête aux frontières et qu'il y a un consensus national sur ce que l'État doit faire à l'étranger. Cela existe peut-être plus aux États-Unis qu'ici mais, de toute façon, nous exerçons moins d'influence et avons moins de pouvoir.
    J'ai cru comprendre, monsieur Dosanjh, que vous voulez partager votre temps avec M. Wilfert.
    Vous avez 10 secondes, monsieur Wilfert. Vous voulez ajouter quelque chose?
    Je veux poser une très brève question à M. Granatstein.
    Vous avez dit qu'il faudrait réformer le QG de la Défense nationale à cause de la politisation et de la civilianisation de l'armée. Que vouliez-vous dire?
    Je n'ai certainement pas dit cela aujourd'hui.
    Non, pas aujourd'hui mais dans ce que vous avez écrit.
    Je ne pense pas qu'il y ait une politisation de l'armée.
    Veuillez m'excuser, je voulais dire du QG de la Défense nationale.
    Je ne pense pas qu'il y ait une politisation du QG de la Défense.
(1230)
    Très bien. Ça va.
    Je pense que l'armée a foncièrement été une force politiquement non sectaire au service de chaque gouvernement, quel qu'il soit. Je pense que nous avons bureaucratisé... Je pense qu'il y a trop de bureaucratie.
    Je n'ai pas vu ce mot dans votre livre. Je n'ai vu que les deux autres. C'est très bien, nous y reviendrons une autre fois.
    Je vous en remercie.

[Français]

    Merci.
     Monsieur Bachand, vous disposez de deux minutes.
    Monsieur Granatstein, je voudrais savoir s'il est de l'intérêt national du Canada de se réengager dans des opérations de paix?

[Traduction]

    Parfois. Parfois, c'est dans notre intérêt. Tout dépend de l'opération de paix. Tout dépend de ce que nos forces peuvent faire.
    Ce que je ne souhaite pas, c'est que nous disions que nous appuierons toujours les opérations de paix et que nous appuierons toujours les Nations Unies, quoi qu'elles fassent. Je veux que nous puissions dire que telle opération est bonne, telle autre ne l'est pas, et nous ferons celle-ci mais pas celle-là.

[Français]

    Comme vous l'avez dit, philosophiquement et politiquement, la nation canadienne et la nation québécoise ont une meilleure perception d'une mission de paix. Comme politiciens, nous essayons d'exaucer les voeux de la population. Si quelqu'un disait à la population qu'il est dans l'intérêt national du Canada de délaisser les opérations de combat, comme on a vu en Afghanistan, et que maintenant la politique étrangère du Canada est de s'engager dans des opérations de paix, je pense que la population serait d'accord sur cette affirmation.

[Traduction]

    C'est peut-être l'opinion publique, mais ça pourrait ne pas être dans l'intérêt national. C'est ça l'essentiel.
    Je pense qu'il serait dans l'intérêt des Canadiens, et aussi des Québécois, de faire preuve d'un peu de réalisme. Nous devons dire aux Canadiens que les Nations Unies ne fonctionnent pas toujours très bien et que les opérations de maintien de la paix menées à l'étranger n'ont pas toutes été des succès. La plupart n'ont pas été des succès.
    Nous devons convaincre les Canadiens que les Forces canadiennes n'ont jamais consacré plus de 10 p. 100, au maximum, de leur personnel ou de leurs ressources aux opérations de paix. Cela ne saurait être le rôle principal ou unique des Forces canadiennes. On se fourvoierait sérieusement en allant dans cette voie. Ça ne servirait aucun des intérêts du Canada ni, franchement, du Québec.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Atamanenko, vous avez deux minutes.
    Merci.
    L'expression « intérêt national » peut prêter à confusion, monsieur. Évidemment, si nous sommes attaqués, si des chars américains traversent d'un seul coup la frontière, il sera dans notre intérêt national de nous défendre.
    Dans ce cas-là, nous nous rendrons.
    Des voix: Oh!
    Je connais beaucoup de Canadiens, des gens à qui j'ai parlé, qui se demandent quel est notre intérêt national en Afghanistan. Croit-on que les Talibans vont se mettre à prendre l'avion pour venir ici nous attaquer? Pour bien des gens, ça n'a aucun sens.
    D'autres auteurs et chercheurs disent que notre intérêt national est géopolitique. Autrement dit, il y a une partie d'échecs en cours dans cette région entre l'Occident, d'une part, et la Chine et l'Inde, d'autre part. Quand vous parlez d'intérêt national, voulez-vous dire qu'il est géopolitiquement dans notre intérêt, en tant que pays occidental, d'avoir une présence là-bas pour assurer notre approvisionnement en pétrole, assurer nos intérêts énergétiques futurs?
(1235)
    Non, ce n'est pas ce que je dis.
    Vous avez employé l'image intéressante des Talibans prenant l'avion pour venir ici. Ce ne sont pas les Talibans qui ont fait ça, c'est al-Qaïda. Al-Qaïda a organisé ses attentats sous la protection des Talibans. Autrement dit, ce qui se passe dans des régions obscures du monde, à l'autre bout de la planète, peut nous toucher directement. Le renforcement de notre frontière avec les États-Unis résulte directement d'actions commencées en Afghanistan. Cela me semble indiquer assez clairement que nos intérêts nationaux peuvent être touchés par ce qui se passe à l'étranger.
    Certes, je sais que certaines personnes voient tout cela du point de vue du pétrole, mais nous sommes justement l'un des pays qui n'ont pas à s'inquiéter de cela parce que nous avons suffisamment de ressources ici pour subvenir à nos besoins dans un avenir prévisible. Ça ne plaît peut-être pas à tous les écolos, mais nous avons des ressources énergétiques, ce qui n'est pas le cas d'autres pays.
    Fondamentalement, notre intérêt national est relié à la paix, la sécurité, la liberté et la démocratie. Voilà les choses que nous souhaitons voir se répandre le plus largement possible dans le monde. Si cela exige à l'occasion l'envoi de nos soldats dans d'autres parties du monde, eh bien, c'est le prix à payer quand on vit dans un environnement mondialisé.
    L'intérêt national est celui que je viens d'exposer. Ce sont des choses fondamentales et essentielles dont chaque pays doit tenir compte. Il y va de la sécurité de la population et du territoire. Or, al-Qaïda a menacé notre sécurité et notre territoire. Il y va de la prospérité des Canadiens. Le renforcement de la frontière est un résultat direct de ça. Cela a eu une incidence profonde sur nous.
    Merci beaucoup.
    Je donne la parole à M. Hawn.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Granatstein, si nous nous retirons de l'Afghanistan comme c'est actuellement prévu, quel sera notre héritage? Est-ce que ce sera que nous avons sauvé la province de Kandahar en attendant l'arrivée de la cavalerie, les États-Unis?
    Je pense que nous pourrons sincèrement dire ça. Je pense que les efforts de 2006 de la force opérationnelle Orion, en particulier, ont été extraordinaires et que nous pourrons légitimement clamer que nous avons sauvé la province de Kandahar cette année-là, alors que les Talibans auraient très facilement pu la faire tomber. Je pense que notre héritage militaire sera substantiel. À mon avis, il sera affaibli si nous nous retirons complètement.
    Merci.
    Pensez-vous que Kandahar ou Kaboul soit la clef du pays pour les Talibans?
    Kandahar est très profondément la patrie des Talibans. Kaboul est la capitale nationale, le siège du gouvernement. Les deux sont cruciales.
    Je ne voudrais pas faire preuve de sectarisme politique, loin de là, et je pense que vous le comprenez.
    M. Wilfert a parlé d'un consensus des Démocrates et des Républicains sur les grandes questions d'intérêt national.
    Ce n'était pas moi, c'était M. Dosanjh.
    Veuillez m'excuser.
    À mon avis, sur les grandes questions d'unité nationale et d'affaires internationales — comme les guerres mondiales —, l'histoire nous montre que les deux grands partis du Canada ont pratiquement toujours été du même côté. Malheureusement, cela s'est détérioré, je crois.
    Qu'en pensez-vous?
    Historiquement, je pense qu'il y a toujours eu un minimum d'alignement entre les deux grands partis, libéral et conservateur. Je pense aussi que vous avez raison de dire que ça s'est effrité, dans une certaine mesure, au cours des 25 dernières années. C'est peut-être parce qu'il est particulièrement difficile de maintenir ce genre de coordination en situation de gouvernement minoritaire.
    Je ne veux pas dire que c'est à cause d'un parti ou de l'autre. Je pense que les responsabilités sont largement partagées.
    Je crois que vous avez raison.
    Bien. Merci beaucoup.
    Je remercie tous les membres du comité, ainsi que notre témoin, monsieur Granatstein. Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui.
    Je suspends la séance pendant cinq minutes et nous reprendrons à huis clos.
    Merci.
    [La séance continue à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU