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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 020 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 juin 2010

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Mesdames et messieurs, veuillez prendre place. Nous entamons la 20e réunion du Comité permanent de la défense nationale. Conformément aux articles 110 et 111 du Règlement et en vertu de l'ordre de renvoi du mercredi 5 mai 2010, nous examinons la nomination par décret de Bernard Blaise Cathcart au poste de juge-avocat général des Forces canadiennes.
    À titre d'information, le paragraphe 111(2) du Règlement stipule que: « Le comité, s'il convoque une personne nommée ou dont on a proposé la nomination conformément au paragraphe (1) du présent article, examine les titres, les qualités et la compétence de l'intéressé et ses capacités d'exécuter les fonctions du poste auquel il a été nommé ou auquel on propose de le nommer ». Ainsi, vous connaissez nos paramètres.
    Chers collègues, puisque c'est l'été et bien que nous ne puissions pas faire de barbecue, le repas sera servi à l'extérieur. Cela nous changera un peu d'ici. Je suis nouveau au poste de président, et j'ai voulu tenter quelque chose de différent.
    Le président vous présente ses excuses. C'est aujourd'hui la collation des grades de sa fille, et il ne peut assister à la réunion.
    Je souhaite la bienvenue aux membres du comité. Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui le brigadier-général Bernard Cathcart, juge-avocat général des Forces canadiennes.
    Général, vous avez 10 minutes pour nous dire tout ce que vous voulez. Nous laisserons ensuite l'opposition officielle poser la première question.
    Nous vous souhaitons la bienvenue.
    Merci monsieur le président. Merci madame et messieurs les membres du comité.
    Bonjour. Je tiens d'abord à remercier le comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. J'ai été nommé juge-avocat général en date du 14 avril 2010, et c'est un plaisir pour moi que d'avoir l'occasion de vous rencontrer si tôt après ma nomination.
    Comme vous le savez, conformément à l'article 9 de la Loi sur la défense nationale, la LDN, le gouverneur en conseil nomme un officier qui est un avocat inscrit au barreau d'une province depuis au moins 10 ans pour remplir les fonctions de juge-avocat général des Forces canadiennes. En vertu de l'article 9.4 de la LDN, le juge-avocat général doit détenir au moins le grade brigadier-général.
    J'ai le grand plaisir et l'honneur d'avoir été nommé au poste de juge-avocat général, une nomination qui a été le point culminant d'un processus de sélection par voie de concours qui s'adresse à ceux qui répondent aux qualifications législatives requises que je viens d'exposer.
    Je sais que vous avez tous reçu copie de ma biographie. Je compte donc énoncer brièvement les rôle et fonctions du juge-avocat général et faire ensuite un survol de mes antécédents et de mon expérience.
     Le juge-avocat général est le conseiller juridique du gouverneur général, du ministre de la Défense nationale, du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, pour les questions qui ont trait au droit militaire. Je suis en outre chargé par la loi de diriger l'administration de la justice militaire dans les Forces canadiennes et je dois présenter au ministre un rapport annuel sur le sujet.
    Cette fonction de direction, qui comprend la surveillance, la présentation de rapports et l'élaboration de politiques aide à s'assurer que le système judiciaire militaire réponde aux besoins des Canadiens, dont les hommes et les femmes des FC qui se sont portés volontaires pour servir leur pays.
    Le droit militaire n'est pas défini avec précision dans la législation. Toutefois, compte tenu de l'éventail des instances auxquelles le JAG doit fournir des avis, et du rôle unique que joue le cabinet du JAG depuis sa création en 1911, il est évident que le « droit militaire » englobe tous les aspects du droit international et national qui touchent les Forces canadiennes, y compris sa gouvernance, son administration et ses activités. Cela comprend le droit opérationnel, qui est le droit national et international applicable à la conduite des opérations des FC, tant chez nous qu'à l'étranger.
    Ma carrière militaire et mes études m'ont exposé à cette vaste gamme de champs d'activité du droit, et j'en ai acquis de l'expérience. Je suis membre en règle de la Nova Scotia Barristers' Society depuis 1989. Avant de joindre les FC, j'ai obtenu un baccalauréat avec distinction de la Saint Mary's University à Halifax, en Nouvelle-Écosse, une maîtrise ès arts de l'Université d'Ottawa et un baccalauréat en droit de la Dalhousie Law School.
    Plus tard dans ma carrière, j'ai obtenu une maîtrise en droit de la London School of Economics, qui m'a décerné un diplôme avec distinction du programme de maîtrise en droit international public. J'ai également reçu des prix pour le meilleur étudiant dans le programme de droit international, pour la meilleure dissertation et pour les meilleurs résultats aux examens de fin d'études des programmes de maîtrise de toutes les facultés de droit de la University of London.
    Depuis mon entrée dans les FC en 1990, j'ai occupé divers postes au cabinet du juge-avocat général, au Quartier général de la Défense nationale à Ottawa; j'ai été déployé dans le cadre de diverses opérations et j'ai été conseiller juridique d'une unité et d'une région dans des bases, d'un bout à l'autre du Canada. J'ai donc été juge-avocat adjoint pour la région de l'Atlantique à Halifax de 1990 à 1991; juge-avocat adjoint pour la région du Pacifique à Victoria, en Colombie-Britannique, de 1993 à 1996; et juge-avocat adjoint pour la région des Prairies, à Calgary, de 1996 à 1997. En ma qualité de conseiller juridique d'une unité et d'une région, je fournissais quotidiennement des conseils portant sur tous les aspects du droit militaire en plus d'être le procureur dans le système de justice militaire.
    À Ottawa, j'ai conseillé la Direction juridique des réclamations, de 1991 à 1992, ainsi que la Direction juridique des droits de la personne et de l'information, de 1992 à 1993. C'était l'époque où a beaucoup évolué la jurisprudence liée à la Charte dans le domaine des droits de la personne, qui a une incidence directe sur les politiques et pratiques du personnel des FC. De 1997 à 2000, j'ai également été le conseiller juridique de la Deuxième Force opérationnelle interarmées, l'unité des Forces canadiennes affectée à la lutte contre le terrorisme et aux opérations spéciales.
    En 1994 et 1995, j'ai été déployé comme conseiller juridique du commandant du Contingent canadien de la Force de protection des Nations Unies, la FORPRONU, et des Forces de paix des Nations Unies, les FPNU, en ex-Yougoslavie. Puis, de février à septembre 2000, j'ai été déployé en Bosnie-Herzégovine à titre de conseiller juridique principal du commandant de la Force opérationnelle canadienne, la SFOR.
    En 2000, j'ai été promu au grade de lieutenant-colonel et j'ai détenu le poste de directeur du droit opérationnel de 2000 à 2003. À la fin de mes études de maîtrise en droit, j'ai assumé les fonctions de directeur du droit international de 2005 à 2006.
    Après avoir été promu au grade de colonel en juin 2006, j'ai eu l'honneur d'être nommé conseiller juridique adjoint et avocat général — militaire — au Cabinet du conseiller juridique du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, poste que j'ai occupé en 2006 et 2007. J'y ai travaillé en étroite collaboration avec des avocats du ministère de la Justice.
    De 2008 à 2009, j'ai eu l'honneur d'être juge-avocat général adjoint, Justice militaire et Droit administratif. J'étais chargé à ce titre de fournir aux autorités du MDN et des FC un soutien juridique en matière de justice militaire, de droit administratif militaire, de rémunération et d'avantages sociaux, etc.
    De 2009 jusqu'à ma nomination au poste de JAG, j'ai été juge-avocat adjoint aux Opérations. À ce titre, j'étais responsable de la prestation de tous les avis juridiques militaires touchant les opérations internationales et nationales.
    J'ai toujours été très fier d'être un membre à la fois des FC et du Cabinet du JAG. Je suis encore plus fier aujourd'hui d'avoir l'honneur et le privilège d'exercer les fonctions de juge-avocat général des Forces canadiennes.
    En ma qualité de JAG, je dirige tous les avocats militaires du Cabinet du JAG, y compris ceux qui sont déployés dans le cadre d'opérations menées dans le monde entier, que ce soit en Afghanistan, sur des navires de guerre, en Afrique ou ailleurs. Ces avocats militaires travaillent dans des conditions difficiles et fournissent des avis aux commandants canadiens sur l'ensemble des questions liées au droit militaire. Je peux vous assurer qu'ils font un excellent travail dans des conditions éprouvantes.
    En date du 1er juin 2010, 158 avocats militaires de la Force régulière et 53 de la Force de réserve sont en service au Canada et à l'étranger. Bien que la plupart d'entre eux travaillent au Cabinet du JAG, ce nombre comprend également les avocats militaires qui font des études supérieures et suivent une formation universitaire ainsi que ceux qui travaillent au Centre de droit militaire des Forces canadiennes à Kingston et ceux qui participent à un échange.
    Des bureaux juridiques permanents sont situés à Ottawa, au Quartier général de la Défense nationale ainsi que dans les quatre quartiers généraux des commandements opérationnels, dans les bureaux régionaux des juges-avocats généraux adjoints et dans les divers bureaux de juges-avocats adjoints au Canada, en Europe et aux États-Unis.
    Cela conclut mes observations préliminaires. Je répète que je suis très heureux d'avoir été invité ici aujourd'hui, et je suis prêt à répondre à vos questions.
(1110)
    Merci beaucoup, brigadier-général. Nous sommes heureux de vous voir. Nous tenons aussi à vous remercier pour le travail que vous et tous vos collègues faites au nom des Forces canadiennes.
    Nous entamons la première série d'interventions de sept minutes. Monsieur Dosanjh
    Je vous remercie.
    Je vous souhaite la bienvenue, brigadier-général. Vos titres sont impressionnants, et de toute évidence, vous faites un excellent travail pour les Canadiens.
    Je n'ai peut-être que deux ou trois questions à vous poser. Que peut-on demander à un tout nouveau juge-avocat général au sujet du passé?
    Je suppose que vous êtes au courant de la question du secret professionnel et des droits parlementaires des députés ou du Parlement dans son ensemble. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le compte rendu du témoignage de votre prédécesseur. Quand nous l'avons interrogé, il a invoqué le secret professionnel comme un bouclier pour ne pas répondre à nos questions.
    Je voudrais savoir si, selon vous, votre cabinet peut invoquer le secret professionnel, s'en faire un bouclier contre le Parlement.
(1115)
    Je vous remercie, monsieur le président, pour cette question.
    Je sais ce qui s'est passé lors de la comparution de mon prédécesseur. Nous nous souvenons tous d'un débat plutôt animé. Toute cette question pose un problème réel aux avocats du gouvernement qui comparaissent devant les comités parlementaires. Je suis certainement lié par le secret professionnel, qui fait évidemment partie de mes responsabilités professionnelles en ma qualité de membre du barreau — en l'occurence, l'association ou la société du barreau de la Nouvelle-Écosse —, et c'est pourquoi, quand je suis interrogé par n'importe quelle instance, y compris celle-ci et les autres comités parlementaires, je dois en avoir pleinement conscience.
    Je m'engage à faire de mon mieux pour répondre à toutes les questions auxquelles il m'est possible de répondre, mais au bout du compte, j'espère que l'on pourra comprendre, vous en particulier monsieur le président, qu'en ma qualité de conseiller auprès du gouvernement, ma position est délicate, et j'espère que le comité en tiendra compte en formulant ses questions.
    À bien regarder la décision du Président, il est bien clair que le gouvernement ne jouit en fait d'aucun privilège, ne peut pas se cacher derrière l'écran du secret professionnel. Donc si votre client ne jouit pas de ce privilège, comment pouvez-vous être lié par le secret professionnel?
    Monsieur le président, ce n'est pas la tribune sur laquelle je voudrais débattre...
    Je pose la question pour ma propre gouverne, parce que, si vous devez revenir témoigner devant nous dans les prochains mois sur un sujet plus important, nous aurons des questions sérieuses à vous poser. J'aimerais avoir une idée de ce qui pourrait alors arriver.
    Je le comprends, monsieur le président, et c'est évidemment très logique. Ce peut être très frustrant pour tous les intéressés.
    Quoi qu'il en soit, en réalité, comme vous l'avez dit, monsieur le président, le privilège appartient au client, et non à moi. Je ne peux y déroger. Actuellement, et tant que la loi ou les directives que je reçois n'auront pas changé, je suis lié par le secret quand je fournis des réponses. Cela étant dit, je répète que je ferai de mon mieux pour répondre à toutes vos questions.
    Je vous remercie. Compte tenu de vos titres impressionnants, ce sont les seules questions que j'ai à poser. Peut-être mon collègue en a-t-il.
    Monsieur Martin.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Général Cathcart, je vous remercie d'être des nôtres. J'ai lu votre curriculum vitae au moment de votre nomination. Il est merveilleux d'avoir à ce poste quelqu'un qui possède une si vaste expérience. Alors, je vous remercie et vous félicite.
    Quels seront selon vous les plus grands défis que vous devrez relever dans vos fonctions de juge-avocat général?
    C'est une excellente question. Mon plus grand défi est double. C'est d'abord, comme mes prédécesseurs, de fournir en temps opportun à mes clients — le ministre, les FC, le ministère — des solutions juridiques pertinentes sur la plan opérationnel .
    Le deuxième élément, et le plus important, c'est le bien-être de mes subalternes. Vous avez compris d'après mes observations que notre bureau, le Cabinet du JAG, est modeste, et si vous connaissez nos collègues du Sud, vous avez une idée de l'énorme envergure de leur organisation militaire. Chaque section a son petit cabinet juridique. Alors, quand nous comparons nos nombres, nous ne faisons pas le poids.
    Par contre, je dis souvent et très justement que notre service est en très forte demande et que notre effectif est réduit au sein des Forces canadiennes et du gouvernement du Canada. Nous jouons dans la cour des grands. Mes collaborateurs, qui ont été mes collègues et dont je suis maintenant le chef, le font au quotidien. Alors, quand nous fournissons en temps opportun des conseils juridiques pertinents sur le plan opérationnel, à cause des conditions extrêmement stressantes...
    Plusieurs d'entre vous reviennent à peine d'un voyage en Afghanistan. Sept de nos conseillers juridiques sont là-bas en ce moment, toujours prêts à conseiller le commandant chaque fois qu'il en a besoin pour prendre une décision, et ce n'est pas dans un confortable bureau à 10 heures du matin devant un café.
    Ce sont des conditions extrêmement éprouvantes. Alors, quand nous fournissons ces conseils, que ce soit ici, à Ottawa, où ce peut être tout aussi stressant parfois, ailleurs au pays ou encore dans le cadre de déploiements, je dois veiller sur le bien-être de mes gens, voir à qu'ils ne s'épuisent pas.
    Ce sont mes deux plus grands défis, monsieur le président.
    Monsieur Martin, il vous reste environ 50 secondes.
    Ainsi, ce que vous nous dites, c'est que le cabinet du JAG est très efficace, et nous sommes ravis de l'entendre.
(1120)
    Il l'est.
    Je ne suis pas avocat; vous m'excuserez donc si mes questions semblent simples. Lorsqu'on soulève une allégation à l'effet que l'un des membres de notre personnel contrevient au droit international humanitaire, quel rôle jouez-vous dans le processus de décision?
    Voilà, encore une fois, une très bonne question, monsieur le président.
    Je peux jouer différents rôles. Vous parlez de décision; le terme a un sens large.
    Évidemment, à titre de commandant, et de commandant de mon équipe, je dois veiller à ce que mes employés soient bien formés et à ce qu'ils aient les outils et les connaissances nécessaires pour s'occuper de ces dossiers, car ils fournissent des conseils juridiques, comme je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises; je pense que tous le savent, maintenant. Ils donnent des conseils principalement aux FC, mais aussi au ministère; nous prodiguons donc continuellement des conseils dans des situations assujetties au secret professionnel. Au cours de ces échanges — qu'ils aient lieu aux échelons les plus bas ou à ceux du haut, comme ici à Ottawa —, nous avons toujours connaissance de la primauté du droit et de son importance, et nous nous assurons que les opérations nationales et internationales des FC la respectent.
    Nous donnons donc des conseils tous les jours. Puisque je suis directeur du système de justice militaire, j'assume des fonctions de directeur; ainsi, si un membre des Forces canadiennes est impliqué dans une affaire de violation du droit des conflits armés — aussi appelé le droit international humanitaire —, il se peut que je joue un rôle dans le dossier. La question revient largement au service indépendant des poursuites, à la défense et au juge, mais, je le répète, si un aspect particulier semble dérailler, pour le dire simplement, il se peut que j'aie à intervenir en ma qualité de fonctionnaire.
    Monsieur Bachand, vous disposez de sept minutes pour vos questions.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, M. Cathcart.
    Je veux aborder la question du secret professionnel qui vous lie à vos clients. Votre prédécesseur, M. Watkin, a clairement dit qu'il ne pouvait pas répondre à certaines de nos questions parce qu'il devait protéger son client.
    Par contre, j'essaie de trouver une façon de procéder pour que le Parlement exerce son autorité de vérifier si le gouvernement agit efficacement. Sauf erreur, il est même inscrit dans la Constitution que toute l'opposition, non seulement l'opposition officielle, doit s'assurer que le gouvernement administre et dépense de façon appropriée les impôts des contribuables.
    Cependant, un jour ou l'autre, on sent qu'on frappe un mur. J'aimerais savoir de quelle façon on peut s'entendre pour percer ce mur. Je m'explique.
    Vous avez dit que, dans l'état actuel des choses, vous pourriez dire au comité que vous ne pouvez pas répondre à certaines questions. Selon vous, qu'est-ce qui devrait être changé pour modifier « l'état actuel des choses »? Est-ce que ça prendrait une modification à la Loi sur la défense nationale, une modification constitutionnelle, réglementaire? Qu'est-ce qui ferait en sorte que vous soyez obligé de répondre complètement au comité ici présent?

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. C'est une bonne question.
    Je le répète, je suis ici pour parler de mes titres et de mes qualités. Or, pour répondre à votre question, il me faudrait essentiellement avancer des hypothèses sur les modifications qu'on pourrait apporter à la loi actuellement en vigueur.
    Sauf votre respect, monsieur le président, ce n'est pas mon rôle. Même si l'enquête d'aujourd'hui portait sur cela — ce qui n'est pas le cas—, je ne pourrais pas répondre précisément.
    De nombreux facteurs compliquent la question, comme des décisions stratégiques et — plus important encore, de mon point de vue — des précédents jurisprudentiels. Comme vous le savez peut-être, monsieur le président, les tribunaux de tous les coins du pays traitent souvent du secret professionnel; la Cour suprême du Canada s'est prononcée là-dessus à de nombreuses reprises.
    Je crois que l'affaire importante la plus récente, celle de la tribu des Blood, a montré clairement que, du point de vue la cour, le secret professionnel se porte très bien, et ce, tant dans la pratique privée que publique; elle a également montré qu'il faut vraiment le protéger.
    Nous pourrions débattre de façon ouverte et juste des motifs politiques sur lesquels cette décision repose, monsieur le président, mais, je le répète, ce n'est pas pour cette raison que je suis ici aujourd'hui. Franchement, je doute que le gouvernement me fera l'honneur de me permettre de tenir ce débat dans l'avenir aussi.
    Monsieur Bachand, j'ai lu la disposition au début de la séance, et le président donne ici une certaine latitude. J'aimerais rappeler aux membres que la convocation du témoin a été faite conformément au paragraphe 111(2) du Règlement: « Le comité, s’il convoque une personne nommée ou dont on a proposé la nomination conformément au paragraphe (1) du présent article, examine les titres, les qualités et la compétence de l’intéressé et sa capacité d’exécuter les fonctions du poste auquel il a été nommé ou auquel on propose de le nommer. »
    Je vous donne une certaine latitude, mais je le répète, nous sommes ici pour examiner ou pour faire des commentaires sur la nomination de la personne que nous avons convoquée. Évidemment, vous pouvez approfondir certaines questions relatives à son rôle, mais, encore une fois, nous ne voulons pas trop nous éloigner de l'objet de l'invitation.
    Mon intervention ne comptera pas dans votre temps de parole, monsieur Bachand.
(1125)

[Français]

    Je vous remercie beaucoup. Je dois vous avouer que, parmi les qualifications requises pour devenir juge-avocat général, la régularité de la rencontre avec les membres d'un comité parlementaire constitue pour moi une qualification que je dois aussi examiner. Au sujet des compétences du juge-avocat général, je n'ai pas grand-chose à dire. Toutefois, si ce dernier a des rapports conflictuels avec les membres du Parlement, qu'il manque de diplomatie, je peux m'interroger à ce sujet.
    Je dois vous rassurer, monsieur Cathcart, ce n'est pas le cas jusqu'à maintenant. Il me semblait important de poser cette question.
    Par ailleurs, vous dites avoir des avocats en poste auprès des contingents des forces déployés outre-mer. Vous avez parlé de sept conseillers juridiques, je crois, en Afghanistan. Ces conseillers sont-ils responsables des cours martiales, par exemple? Cela se passe-t-il sur le théâtre d'opérations quand ça doit avoir lieu?

[Traduction]

    Voilà une autre très bonne question, monsieur le président.
    Non, les agents du cabinet du JAG ne sont pas en charge du processus relatif aux cours martiales. En réalité, ils y participent en donnant des conseils aux différentes personnes qui forment la chaîne de commandement.
    Comme vous le savez — et je sais que le président le sait aussi —, le système de justice militaire est formé de deux composants principaux: le premier est le système de procès sommaire, dans le cadre duquel les commandants et la chaîne de commandement traitent en grande partie de questions liées à la discipline et d’accusations d’infraction à la discipline; le deuxième est une cour martiale plus formelle, constituée d’un juge militaire, d’un avocat de la défense et d’un procureur.
    Mon équipe donne des conseils à la chaîne de commandement à mesure que les incidents surviennent. Soit des accusations sont portées, soit on considère la possibilité d’en porter pendant l’enquête et on le fait pendant le processus; dans tous les cas, une fois le processus officiel de cour martiale déclenché et la question placée entre les mains du directeur des poursuites militaires, le bureau de celui-ci agit indépendamment et décide lui-même s’il y aura poursuite ou non.
    Il en est de même pour les accusés. Les avocats de la défense, lorsqu’ils sont nommés, peuvent provenir de notre service d’avocats de la défense. Il s’agit dans ce cas d’avocats militaires, mais l’accusé peut aussi choisir d’employer un avocat civil. Ce n’est pas moi qui décide. Le bureau est indépendant. Je peux traiter de questions liées au personnel, mais je n’ai rien à voir avec les décisions et les mesures qu’ils prennent par rapport aux accusés, à leurs clients. Bien sûr, les juges aussi sont indépendants.

[Français]

    Y a-t-il une façon de procéder particulière en ce qui concerne les généraux? Comme vous le savez, le général Ménard a été accusé d'avoir déchargé un fusil de manière accidentelle, et son enquête s'est déroulée entièrement au Canada.
    Est-ce la façon habituelle de procéder, ou est-ce une façon exclusive aux généraux? Utilise-t-on une autre façon pour les autres soldats? Expliquez-moi, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Voilà une autre bonne question. Non, il n’y a pas deux différentes façons de procéder. En fait, pour ceux qui suivent au moins le dossier dans les médias, les personnes qui ont assisté au procès devant la cour martiale du général Ménard à Asticou, à Gatineau, ont constaté que le processus était le même que celui qu’aurait suivi un soldat se trouvant dans la même situation.
    Je pense que ce que vous voulez savoir, c’est si le système peut être transféré ou déployé. Brièvement, la réponse est oui: notre système est conçu de façon à ce que nous puissions organiser des cours martiales dans le théâtre d’opérations. Nous tenons déjà des procès sommaires sur le terrain. En fait, vous savez peut-être qu’on mène actuellement le procès du capitaine Semrau devant une cour martiale en Afghanistan — sinon en ce moment, la semaine prochaine —; ils vont interroger des témoins et examiner divers aspects de l’affaire.

[Français]

    Monsieur Cathcart, pourquoi le général Ménard, lui, a-t-il été rapatrié pour que l'enquête et le jugement en cour martiale puissent se faire ici? Y a-t-il une raison à cela?
(1130)

[Traduction]

    Oui, monsieur le président. C'est un agent du bureau du juge, l'administrateur de la cour martiale, qui fixe la date de convocation de la cour martiale. Il travaille avec toutes les parties intéressées, soit le juge, l'avocat de la défense et le procureur, pour décider du lieu et de la date auxquels la cour martiale sera convoquée.
    À ce que je sache, dans l'affaire en question, toutes les parties ont été consultées. Bien sûr, nous visons à mener un procès juste, mais il doit aussi être expéditif. Cela est d'autant plus vrai lorsqu'il implique un commandant, compte tenu du titre de la personne et des répercussions sur la discipline. Puisque l'accusé occupe un poste élevé dans la chaîne de commandement, nous devons agir rapidement.
    Si l'on pensait que le procès aurait pu être fait plus rapidement dans le théâtre d'opérations... Je suis certain qu'on a considéré cette possibilité et qu'on aurait pu procéder ainsi; je ne connais pas les motifs. Or, à ce point-ci, ce n'est pas à moi de remettre la décision en question, mais ce n'est pas en raison de la position de la personne, de son titre de général, que la cour martiale a eu lieu au Canada.
    Merci beaucoup, général.
    Nous passons maintenant à M. Harris; vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Général, je vous remercie de vos observations et de votre présence ici ce matin. J'aimerais aussi dire que vos références sont excellentes.
    Je suis également très fier de constater que ce genre de postes militaires sont occupés par des personnes aussi compétentes, expérimentées et manifestement remarquables. Je veux vous féliciter pour votre curriculum vitae. À titre de diplômé du programme de LL.M. de la London School of Economics, je tiens à dire que le fait d'avoir été sélectionné pour tous les prix énumérés ici, et ce, non seulement parmi les étudiants de la LSE, mais aussi de l'ensemble de l'Université de Londres, est bel et bien digne de mérite; je vous applaudis. Les personnes qui participent à ce programme ne sont pas des avocats ordinaires; la distinction que vous avez reçue est donc certainement une preuve de votre talent.
    Dans le même ordre d'idées, le sujet de votre mémoire m'impressionne. Pourriez-vous en fournir un exemplaire au comité? Il est certainement d'actualité compte tenu de tout ce qui s'est produit au cours des deux ou trois dernières années, et certainement des six derniers mois à la Chambre.
    Je ne veux pas m'attarder trop longuement sur la question du secret professionnel, mais il est évident qu'elle représente un sujet de préoccupation ici ce matin, comme ce fut aussi le cas par le passé. Récemment, j'ai mené beaucoup de recherches sur la question, sous l'angle du privilège parlementaire.
    Je comprends qu'un comité parlementaire ne demanderait pas à un avocat de lui donner des conseils au hasard au cours d'une séance, et je pense que le principe qui entre en jeu ici, c'est que les parlementaires doivent faire preuve de beaucoup de retenue. J'ai trouvé votre réponse à la première série de questions très diplomatique.
    Or, je présume qu'au bout du compte, vous reconnaîtriez, après qu'on ait suivi le processus adéquat assorti de toutes les protections procédurales nécessaires, la suprématie du privilège parlementaire dans ces affaires, conformément aux décisions, à l'histoire et à la place que les parlementaires occupent dans notre système judiciaire. Ai-je raison de dire cela?
    Monsieur le président, bien sûr que je reconnais la suprématie du Parlement. Le principe est énoncé clairement dans l'ouverture de notre constitution. Toutefois, pour analyser les différentes affaires précises qui se déroulent à un moment donné sous l'angle de la suprématie du Parlement, je pense qu'en tant qu'avocats, il y a un lien causal que nous devons certainement examiné pour voir jusqu'où... et quelles sont les véritables incidences du principe de la suprématie.
    Car vous savez très bien, monsieur le président, qu'à titre de conseillers juridiques et d'avocats qui sont actuellement des membres actifs d'un barreau du Canada, nous sommes liés par cela. Je ne sais pas s'il existe dans la pratique du droit un précédent ou un concept plus fondamental que celui du secret professionnel.
    Je le répète, nous pourrions débattre pendant des années des politiques qui ont poussé les législateurs et les tribunaux à interpréter la question de cette façon, mais puisque je suis ici surtout pour parler de mes titres et de mes qualités, il faudra probablement reporter la discussion.
    Il n'est sûrement pas simplement question d'opposer le Parlement à une obligation particulière que vous avez peut-être envers votre client. La question porte sur l'interprétation du privilège parlementaire, qui fait aussi partie de la loi. Nous pouvons reporter la discussion, mais je présume qu'au bout du compte, en votre qualité de fonctionnaire, vous respecteriez les décisions du Président de la Chambre ou du président de comité lorsque le temps viendrait de traiter d'un dossier de ce genre.
(1135)
    Monsieur le président, je vais respecter la primauté du droit et toutes les lois par lesquelles je suis lié.
    Cela fonctionnera, car elles font partie de la loi. C'est bien.
    Dites-moi, peut-être à titre de renseignements généraux pour certains d'entre nous, en votre qualité de juge-avocat général, avez-vous... Les juges des cours martiales sont-ils des avocats qui ne sont pas nécessairement sous votre direction, mais qui font partie de votre équipe — les juges, les avocats de la défense, les procureurs?
    Comment parvenez-vous à garder vos distances avec le processus suivi par un juge indépendant de cour martiale, avec un bureau indépendant de procureurs qui prennent des décisions sur les poursuites et les accusations, ainsi qu'avec l'autre côté, celui de la défense? Vous avez bien dit que l'avocat de la défense est nommé. Quel est le rôle dans le processus de nomination comparativement au choix que fait un soldat qui sera peut-être appelé à comparaître devant une cour martiale?
    Comment gérez-vous le cloisonnement des juges, des avocats de la défense et des procureurs qui relèvent de votre compétence? Pouvez-vous nous donner quelques explications à ce sujet?
    Vous avez environ une minute et demie pour le faire, général.
    Merci, monsieur le président.
    Merci pour la question. Voilà une autre excellente occasion pour moi de vous parler du système de justice militaire que j’estime être exceptionnel et fiable. L’un de mes objectifs consiste à informer davantage le public canadien, car on connaît très peu le système de justice militaire au Canada, qui est extrêmement efficace et vigoureux.
    Monsieur le président, en un mot, il s'agit assurément d'un défi pour un surintendant parce que l’on a affaire à des acteurs indépendants. Le Cabinet du juge militaire en chef est une unité indépendante au sein des Forces canadiennes. Il est géré essentiellement par le juge militaire en chef. De même, le directeur des poursuites militaires et le directeur des services d’avocats de la défense, ainsi que leurs cabinets, sont des acteurs indépendants.
    J’essaie de maintenir ouvertes les voies de communication. Nous tenons des réunions officielles et non officielles. Pour ce qui est de mon personnel, par exemple, j’ai un juge-avocat général adjoint qui est chargé de la justice militaire et du droit administratif. Il dispose lui-même d'une équipe. Régulièrement, lorsque ces employés définissent des politiques ou qu’ils tentent d’améliorer le régime, ils le font en consultation avec ces divers acteurs indépendants. Cependant, nous ne les forçons jamais à agir d’une manière qui n’est pas conforme à la primauté du droit dans son sens général.
    C’est un processus consultatif bidirectionnel. S’il y a des problèmes ou des difficultés, particulièrement en ce qui concerne le processus, on le rapportera à mes collègues, et nous allons étudier la question.
    Monsieur Hawn.
    Je vous remercie, monsieur le vice-président.
    Merci d’être des nôtres, général.
    Monsieur le président, j’aimerais aborder l’aspect plus particulier de la consultation juridique dans le cadre des opérations. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure il y a des conseils juridiques et de la surveillance ponctuelle dans la planification de missions particulières, qu'il s'agisse d'une mission de bombardement lors de la campagne du Kosovo ou une opération particulière en Afghanistan? Par exemple, à cette étape-là, jusqu'à quel point y aurait-il de la surveillance et des conseils juridiques et de quels éléments tiendrait-on compte?
    Merci. Encore une fois, voilà une autre excellente question qui me permet de parler de ce domaine que nous appelons le droit des opérations.
    Si vous me le permettez, je crois qu’il est important de vous mettre un peu en contexte pour comprendre que l’expression « droit des opérations » s'applique à toutes les questions juridiques soulevées dans le cadre des opérations des Forces canadiennes, sur la scène internationale et nationale. Cela a vraiment commencé… Quand j'ai intégré la branche en 1990 en tant que capitaine, au début de ma carrière d'avocat, je me suis informé auprès du service du droit des opérations pour savoir quand j'allais être déployé, et on m’a essentiellement répondu que cela ne se faisait pas, que leur opération pouvant être déployée consistait en une affectation en Allemagne, et c’était à Lahr à cette époque.
    Pour les personnes qui étaient alors au courant, c'était un travail parfois exigeant, mais il était très valorisant d'y être affecté. Sur le plan de la paix historique, peut-être s’agissait-il d’une coïncidence, mais nous avons eu des incidents à l’échelle nationale et internationale comme la crise d'Oka, puis la première guerre du Golfe. Ces événements ont vraiment mis en lumière un certain nombre de questions juridiques que les commandants des Forces canadiennes ne comprenaient peut-être pas auparavant de la même manière qu'aujourd’hui, avec une démarche plus moderne. Cependant, il fallait assurément donner des conseils juridiques presque immédiatement, non pas à partir d'un cabinet à Ottawa, mais sur le terrain, aux côtés du commandant.
    Ainsi, c’est vraiment à ce moment-là, en 1990, que cela a débuté, lorsque nous avons commencé à développer le concept du déploiement des avocats avec les commandants. Habituellement, nous mettions le concept en pratique au niveau du commandement, quel qu’il soit: l’ensemble de la force opérationnelle, un groupement tactique, une brigade ou encore des échelons inférieurs. Nous faisions de même avec la force aérienne. Dans le cas de l’identification de cibles, nous l'avons fait notamment lors de la campagne du Kosovo en 1998, où des avocats participaient à la procédure d’identification de cibles, pour donner ponctuellement des conseils quant aux dossiers des cibles à notre commandant des Forces canadiennes et aux pilotes qui ont fait les missions de bombardement au Kosovo.
    De même, nous envoyons des avocats sur les navires. Un de nos avocats vient tout juste de revenir du NCSM Fredericton, déployé au large de la Corne de l'Afrique, où il a travaillé dans les missions de lutte contre le terrorisme et la piraterie. Nous avons un avocat qui conseille directement le commandant.
    Pour s’acquitter de ce rôle, au fil des ans, la chaîne de commandement a évolué et a véritablement compris l'importance de cette promptitude, de la capacité d’obtenir d’emblée des conseils juridiques, au lieu d'essayer de rejoindre un cabinet comme celui d’Ottawa, situé à quelques fuseaux horaires du lieu de commandement.
    Les commandants se sont ouverts volontiers à ce que nos collègues interviennent dans la planification opérationnelle, de sorte que nous n’intervenons pas au moment d’activités telles que l’identification des cibles. Nous sommes appelés à participer bien avant cela, dès le début de la planification de l’opération, à toutes les étapes, dans le bureau central des opérations sur le chemin Star Top à Ottawa, sur le terrain comme en Afghanistan, à bord de navires ou dans les unités d’identification des cibles de la force aérienne.
    Nous avons bien réussi à fournir d’emblée des conseils juridiques immédiats. D’après moi, cela a donné d’excellents résultats, ce qui a beaucoup rendu service à la chaîne de commandement.
(1140)
    Il s'agit d'une question subjective, mais est-ce que vous ou vos collègues avez constaté que les opérateurs sur le terrain, qu'il s'agisse de pilotes, d’officiers des opérations de navires ou de commandants de peloton ou de compagnie, se sont montrés réceptifs à ces interactions et à ces conseils?
    Oui, monsieur le président. Dans l'ensemble, ils ont été très réceptifs. Bien sûr, nous ne sommes pas à l'abri… Dans les Forces canadiennes, nous sommes recrutés à partir du même patrimoine génétique que le reste du Canada et nous avons le sens de l’humour habituel des avocats ainsi qu’un certain scepticisme à l’égard de la participation des avocats dans les enjeux. Cependant, en fin de compte, les commandants sont très ouverts et accueillants, et, comme je l’ai dit, ils nous sont tous très reconnaissants des conseils juridiques que nous leur offrons. Je répète que c’est très souvent fait dans des circonstances exigeantes et difficiles.
    Merci.
    Vous avez mentionné au vice-président que 158 avocats font partie de la Force régulière et que 53 avocats sont engagés dans la Force de réserve. La question suivante est peut-être évidente, tout comme la réponse. De fait, tout le monde veut toujours en avoir plus, mais est-ce suffisant, compte tenu du fait que les opérations se trouvent sous la loupe ces jours-ci et étant donné que les forces navales pourraient faire l’objet d’un enjeu politique dans les années à venir? Est-ce suffisant? Comment sommes-nous servis à cet égard?
    Je dirais que nous sommes bien servis, monsieur le président. Oui, bien sûr, comme toute organisation, nous en voulons toujours plus, car cela nous donne plus de capacités et de souplesse. C'est ce que n’importe quel opérateur vous dira. En tant qu’avocat des opérations, je vais vous dire la même chose.
    Cela dit, comme je l'ai mentionné, notre petit groupe d’avocats très demandé se surpasse chaque fois, en toute circonstance. Qui plus est, et je ne l'ai peut-être pas assez mis en évidence quand j'ai parlé des missions à d'autres endroits, comme le Soudan, nous avons un officier sur place et nous en avons aussi au Congo. Ils exécutent ce que nous appelons des « projets de la primauté du droit » pour les Nations Unies. Ils sont donc actuellement en train d’y travailler sur le terrain, au Congo, en collaboration avec les forces congolaises pour les aider à développer leur système de justice militaire. Dans cette perspective, plus il y a d’organismes, plus cela nous permet d'avoir davantage de souplesse et d’intervenir plus rapidement. Toutefois, cela ne nous empêche pas de répondre tous les jours à la demande.
    Merci.
    Ce sera probablement une question difficile à répondre, et j’en suis tout à fait conscient, mais nous avons parlé notamment de l’immunité parlementaire et du secret professionnel de l’avocat. Je vais vous demander votre avis. Vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre, mais je dirais juste qu’à mon avis — et je ne suis manifestement pas juriste —, le Parlement n’a pas le privilège de violer les lois du Canada. C'est une déclaration assez générale, et vous pouvez y répondre si vous voulez.
    Monsieur le président, je dirais simplement qu’à mon avis, je ne m’attends pas à ce qu’un député ou l’institution qu’est le Parlement viole des lois. C'est souvent une question d'interprétation et de débat. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il vaut mieux en débattre à une autre tribune.
    Le vice-président (L’hon. Bryon Wilfert): Il vous reste une trentaine de secondes.
    En ce qui concerne les changements à venir dans le système de justice militaire à la suite de ce que nous avons appris au cours des dernières années, que ce soit en Afghanistan ou à propos de l'application de la Charte, entre autres, prévoyez-vous des changements importants?
    Le vice-président (L’hon. Bryon Wilfert): Vingt secondes.
(1145)
    La réponse courte est oui, monsieur le président. Nous sommes en constante évolution. Nous cherchons toujours à évoluer, pour maintenir le rythme non seulement des changements dans le système civil, ce qui est important, mais aussi au sein de notre système de justice militaire unique, car il y a une raison d'avoir un régime distinct de justice militaire.
    Nous sommes donc effectivement en constante évolution. Qu'il s'agisse de modifications aux lois, aux règlements ou aux politiques, il y a toujours une évolution qui a lieu.
    Je vous remercie. Je suis soulagé, général, d’apprendre que les avocats ont un sens de l'humour. N'en déplaise aux autres avocats dans la salle, c'est le propos le plus enrichissant que j'ai entendu aujourd'hui.
    Avant que nous entamions la deuxième série de questions, je tiens à souligner deux choses.
    En fonction du moment où nous terminerons d’entendre ce témoin, nous avons un certain nombre d'options et nous pouvons poursuivre la séance à huis clos concernant n’importe quelle recommandation. Gardez à l'esprit qu'un comité permanent peut orienter le gouvernement au moyen de recommandations sur la nomination d'un candidat. Cependant, il est évident qu'il n'a pas à les respecter, comme l’a précisé le Président en 2005.
    Je tiens également à signaler aux membres du comité que nous passerons ensuite aux travaux du comité, puisque nous avons un certain nombre d’éléments dont il faut discuter sous cette rubrique.
    Nous entamons maintenant la deuxième série de questions et nous allons commencer par M. Braid.
    Merci beaucoup, monsieur le vice-président.
    Général, merci beaucoup de…
    Excusez-moi de vous interrompre. Je tiens à souligner que vous avez cinq minutes dans cette série de questions.
    D’accord.
    Général, merci beaucoup d'être des nôtres aujourd’hui, et félicitations pour votre réussite au cours de ce processus très rigoureux et compétitif.
    Si vous me le permettez, rapidement, j’aimerais aussi aborder la question du secret professionnel de l’avocat, comme cela a été évoqué brièvement tout à l’heure. La question suivante vous ramènera peut-être à vos études en droit, mais pourriez-vous décrire brièvement ce en quoi consiste le privilège du secret professionnel de l’avocat, quelle est sa raison d’être, pourquoi ce principe fait partie de notre système juridique et à quoi il sert?
     Je vous remercie de votre question. Cela va me rappeler mes années à l’école de droit, mes merveilleuses années à la Dalhousie Law School.
     Essentiellement, pour que la confiance règne entre les clients et les procureurs ou les avocats, lorsque les clients demandent des avis juridiques ou que les procureurs ou les avocats s’emploient à défendre convenablement leurs clients contre toute une gamme d’accusations — au civil comme au criminel —, dans le cas d’un avocat de la défense pour l’accusé, il est nécessaire de disposer de ce que j’appellerais une zone sacrée où les renseignements qu’ils échangent ne risquent pas d’être rendus publics immédiatement ou, du moins, ils ne risquent pas d’être rendus publics du tout, sauf dans des circonstances très précises et contrôlées.
     Je crois que, fondamentalement, si cette zone n’existait pas, cela finira par avoir un effet réfrigérant sur les clients, qu’ils soient gouvernementaux ou privés — et j’ai travaillé pour un cabinet privé à Halifax —, et qu’ils cesseraient de demander des avis juridiques. À mon avis, cela porterait un coup dur et ferait un grand tort à la primauté du droit, en particulier au Canada, et, sur une note plus légère, cela mettrait rapidement un terme à la profession d’avocat et à l’utilisation de la pratique du droit pour faire de l’argent.
     Ce qui est encore plus important.
    Des voix: Oh, oh!
     Ce serait dommage.
     Merci beaucoup, général.
     Passons maintenant à l’exposé que vous nous avez donné. Vous avez mentionné, monsieur, qu’une partie des responsabilités de votre charge et de votre rôle particulier consistaient à rendre compte de l’administration de la justice militaire annuellement au ministre de la Défense nationale. Ce rapport ne m’est pas familier. Est-il public ou non
     Je vous remercie de me donner l’occasion de parler du rapport.
     En tant que nouveau Juge-avocat général, je n’ai pas encore présenté le rapport, mais je crois que l’un d’eux a été présenté cette semaine et déposé par notre ministre. J’en ai apporté une copie avec moi. Il est disponible sur le site Web du Cabinet du Juge-avocat général ainsi qu’à d’autres endroits. Il s’agit du rapport de 2008-2009. Sa publication a été un peu retardée en raison d’une contestation devant la cour martiale dont nous avons dû nous occuper, il y a un an et demi.
     Mais, en effet, tout comme mes prédécesseurs, je continuerai de fournir un rapport annuel écrit à notre ministre, le ministre de la Défense nationale, qui le déposera ensuite publiquement au Parlement.
    Alors, quels sont certains des éléments de ce rapport?
     Le rapport met principalement l’accent sur le système de justice militaire. Vous y trouverez une vue d’ensemble du système de justice militaire pour l’exercice en question. Elle comprendra de nombreuses statistiques sur le nombre procès sommaires et le nombre de procès devant la cour martiale qui ont eu lieu. Si, au cours d’un exercice particulier, certaines questions précises ont été soulevées — ce qui ne manque jamais — par rapport à la justice militaire, elles seront mises en évidence dans le rapport. Comme je l’ai expliqué dans ma déclaration liminaire, vous y trouverez également un bref aperçu du Cabinet du Juge-avocat général, de la façon dont nous procédons et fonctionnons, et des endroits où nous avons été déployés au cours de l’exercice en question.
(1150)
    Bien.
     Ai-je le temps de poser une autre question?
    Il vous reste 50 secondes.
     Général, vous êtes passé nous voir au moment où nous étudions le rôle des Forces canadiennes après 2011, surtout en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix ou les opérations de paix en général. Je remarque que vous avez une certaine expérience dans le domaine. Je vous ai posé au début une question qui ressemblait un peu une balle courbe. Peut-être vais-je terminer par une autre balle courbe.
     Pourriez-vous nous donner des idées ou des conseils concernant les enjeux que nous devrions prendre en considération pendant que nous étudions le rôle que les Forces canadiennes pourraient jouer dans les opérations de paix après 2011?
     Je vous remercie encore, monsieur le président, de la question. Je commence à avoir l’impression de participer à une partie des Blue Jays de Toronto, mais ce n’est pas grave — ils gagnent ces jours-ci. Quoi qu’il en soit, c’est une bonne question.
     Je vais y répondre brièvement. À mon avis, la question des missions futures et des types de missions pourrait faire l’objet d’un excellent débat dans l’avenir parce qu’il y a beaucoup d’aspects à discuter à cet égard. Mais, je pense que, sur le plan juridique, il faut se souvenir qu’un certain nombre de difficultés juridiques ou opérationnelles que nous rencontrerons seront les mêmes que nous participions à ce que nous appelons des opérations de combat, comme en Afghanistan, ou à des opérations d’imposition de la paix, comme nous l’avons fait en Bosnie, ou à des opérations qui ressemblent davantage à une mission traditionnelle de maintien de la paix — et je pense que notre dernière mission qui se rapprochait le plus de cela s’est déroulée en Érythrée et en Éthiopie. L’une des difficultés dont les membres du comité sont évidemment bien informés est celle des détenus. Le recours à la force en est une autre sur le plan du droit international.
     Donc, j’encouragerais les parlementaires, les comités et, enfin, monsieur le président, vos analystes, je suppose, à examiner ces questions, parce que la communauté mondiale continuera de demander au Canada d’aller à des endroits où, en toute honnêteté, la primauté du droit est détraquée, sinon brisée. En ce qui a trait à la façon dont nous sommes en mesure d’aider, non seulement en assumant un rôle de combat ou un rôle militaire sur le terrain, mais aussi en participant à la reconstruction et en aidant les États à se rétablir, comme nous le faisons en ce moment au Congo, dans le cadre de notre mission sur la primauté du droit…
     Je pense que mon principal message est que, même si la mission est différente — il se peut que vous portiez un béret bleu —, bon nombre des problèmes juridiques restent les mêmes.

[Français]

    Monsieur Bachand, vous avez cinq minutes pour poser vos questions.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Cathcart, je ne sais pas si vous avez suivi les discussions entourant la nomination des juges à la Cour suprême du Canada et l'importance de la connaissance du français. Vous êtes nommé par le gouverneur en conseil. J'aimerais savoir, en ce qui concerne la position que vous occupez, si c'est un critère qui est examiné par ceux qui accordent cette promotion.

[Traduction]

     Je vous remercie, monsieur le président, de la question.
     En toute honnêteté, j’ignore quels aspects les décisionnaires ont examinés précisément. Comme vous le savez peut-être, les membres des Forces canadiennes, en général, et les officiers généraux, en particulier, doivent assurément atteindre ce que nous appelons un profil linguistique dans leur langue seconde. Les officiers généraux doivent passer un test de la fonction publique et obtenir le niveau « CBC ». C’est celui que j’ai atteint et qu’il m’a fallu obtenir pour satisfaire à toutes les autres qualifications.
     En ce qui concerne l’ampleur et la nature de cette compétence, monsieur le président, je ne sais pas dans quelle mesure les décisionnaires les prennent en considération.

[Français]

    Parmi les arguments de ceux qui prônent une connaissance du français, il y a la question de la mentalité française. Ceux qui sont contre disent qu'on ne peut pas juger de la compétence de quelqu'un à partir de sa connaissance d'une langue. Nous, comme porte-parole dans le domaine de la défense pour le Bloc québécois, nous y accordons de l'importance. Quelle est votre niveau de qualification? Je sais que ça fonctionne par A, B ou C. Quelle est votre compétence en langue française?

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. J’ai obtenu « CBC ».

[Français]

    C, B, C.

[Traduction]

    Est-ce supérieur, faible, moyen ou inférieur?
    Je crois que le niveau le plus élevé qu’on puisse obtenir est « exemption », c’est-à-dire « EEE ». C’est l’inverse du système de notation habituel. Ainsi, « A » est le niveau le plus faible, « B » est un résultat moyen et « C » est le niveau le plus élevé après « exemption ».

[Français]

    Si je voulais m'entretenir avec vous en français et que j'aimerais que vous me répondiez en français, pourrions-nous tenir une conversation?
(1155)
    Oui, je suis capable mais, honnêtement, c'est une question de confiance, particulièrement pour les questions de droit. Comme vous le savez, c'est vraiment difficile même dans la langue maternelle de comprendre tout le temps les nuances des arguments ou des enjeux juridiques. Pour moi, c'est une question de pratique quotidienne avec mes collègues, mais, honnêtement, la majorité des discussions concernent le droit, le hockey, etc.
    M. Claude Bachand: Ah, ah!
    Bgén Bernard Blaise Cathcart: Alors, une occasion comme celle-ci m'offre une autre opportunité de pratiquer le français.
    D'accord.

[Traduction]

    Habituellement, quand je parle en anglais, je peux dire des bêtises, car je soutiens toujours que ce n’est pas ma langue maternelle. Par conséquent...bonn
    Des voix: Oh, oh!

[Français]

    M. Claude Bachand: À présent, j'aimerais parler du processus de grief. La justice est importante pour vous et pour tout le monde, mais l'apparence de justice aussi est importante. Vous conseillez probablement le chef d'état-major lorsque la procédure finale de grief arrive à son niveau.
    Selon vous, aurait-on intérêt à changer le processus de grief en vigueur actuellement dans les forces armées? Il me semble bizarre que, quand un soldat dépose un grief contre son supérieur, il doive entreprendre la première étape du processus en tentant de régler le problème avec lui. Je vois mal où est la justice. Du côté de l'apparence de justice, il ne semble pas y en avoir beaucoup. Pensez-vous que nous, les députés, devrions essayer de changer la Loi sur la défense nationale pour qu'il y ait un processus de grief plus équitable?

[Traduction]

    Général, vous disposez d’environ 30 secondes.
     Voilà, encore une fois, une excellente question, monsieur le président.
     Bien entendu, je m’en remets à la sagesse et au pouvoir d’appréciation des parlementaires qui doivent examiner tous nos systèmes, en général, et notre procédure de règlement des griefs, en particulier, afin de déterminer si cette dernière fonctionne de façon juste et équitable ou si elle semble fonctionner ainsi.
     À mon avis, cette procédure, comme toutes les procédures, doit être revue et mise à jour constamment afin de tenir compte de l’évolution des lois et des politiques. Mais, lorsque vous, les parlementaires, envisagez certaines facettes de l’armée — non seulement la justice militaire, mais aussi les griefs —, je vous demanderais tous de ne pas perdre de vue la nécessité de toujours maintenir un équilibre.
     Dans l’armée, les choses ne peuvent jamais être exactement pareilles à ce qui se produit dans la population civile en toute circonstance. La chaîne de commandement doit participer au processus. Même si la décision semblait injuste, si vous retirez à la chaîne de commandement toutes ses responsabilités… Puisque la chaîne de commandement joue un rôle dans le grief, si vous la retirez du processus et que vous confiez celui-ci à des gens de l’extérieur, le grief sera peut-être réglé d’une certaine façon mais, à mon avis, vous aurez porté grandement atteinte à l’incidence et au rôle de la chaîne de commandement.
     Avez-vous terminé...? D’accord.
     Monsieur Boughen.
     Merci, monsieur le président.
     Général, nous vous sommes reconnaissants, à vous et à votre personnel, d’être venus cet après-midi et de prendre le temps de nous communiquer certaines de vos réflexions, malgré votre emploi du temps très chargé.
     En parlant de communication, pourriez-vous nous expliquer la différence entre le droit civil et le droit militaire? Je n’ai pas étudié en droit. Je sais que c’est le cas de certains de nos membres, mais il me semble que certaines différences existent et qu’il serait très intéressant de les découvrir.
     Combien de temps ai-je pour répondre à cette question, monsieur le président?
    Vous avez environ quatre minutes.
    Je vous remercie beaucoup de la question.
     Comme je l’ai déjà dit, aider tous les gens à l’intérieur et à l’extérieur des Forces canadiennes à mieux comprendre le droit et la justice militaire fait partie du mandat que je dois remplir au cours des quatre prochaines années.
     Le système de justice militaire est un système autonome, distinct du système civil. Comme tout système de justice, il est reconnu par la Constitution. Vous remarquerez que, dans la Charte canadienne des droits et libertés, on souligne que les procès devant jury ne s’appliquent pas au système de justice militaire. En fin de compte, le coeur véritable des forces réside dans la discipline. Cet important aspect différencie les Forces canadiennes de la population civile. Sans discipline, on ne peut pas vraiment avoir une force opérationnelle, efficace et agile.
     Pour que la chaîne de commandement puisse maintenir la discipline, elle a besoin de nombreux outils, dont un système de justice militaire distinct. Comme la Cour suprême du Canada l’a reconnu dans l’affaire intitulée R. c. Généreux, la discipline est au coeur même du système de justice militaire.
     C’est pourquoi il est extrêmement important de bénéficier d’un système distinct dont les acteurs sont également des membres de l’armée. Cela contribue à établir un contexte approprié que les gens comprennent. Non pas que les juges civils ne comprennent pas le droit. Ils le comprennent, bien entendu, mais comprennent-ils vraiment le contexte?
     En tant que membres d’un comité qui s’est rendu récemment en Afghanistan, je suis certain que votre compréhension du contexte là-bas est différente de celle que vous aviez quand vous ne faisiez que siéger ici, à Ottawa... C’est pareil pour la justice militaire. Il faut comprendre les règlements et le contexte dans lequel évoluent les soldats, les marins et le personnel de la force aérienne pour être en mesure d’agir en conséquence.
     Donc, lorsqu’on se penche sur le système de justice militaire et qu’on l’examine attentivement, on constate que son coeur réside vraiment dans la discipline. C’est ce qui nous différencie du système de justice civile.
(1200)
     J’ai une seule autre question, monsieur le président.
     Comment équilibrez-vous votre charge de travail? Vos effectifs sont infimes comparativement au nombre de gens dont vous vous occupez. Je suis certain que vous subissez des pressions tant internes qu’externes. Comment vous débrouillez-vous pour accomplir tout le travail?
     Je vous remercie de la question, monsieur le président.
     Bien entendu, c’est un défi. Comme beaucoup de gens, vous êtes également très occupés à tout concilier. Pour être honnête, j’ai la chance de bénéficier de deux excellents systèmes de soutien.
     Mes employés sont hors pair. Nous employons des avocats exceptionnels non seulement dans la force régulière, mais aussi dans la force de réserve. Pour la plupart, les avocats de la réserve travaillent dans des cabinets privés et fournissent des services quand c’est nécessaire. Non seulement ils remplacent les avocats de la force régulière quand ils sont déployés, mais certains réservistes sont également envoyés dans des endroits comme l’Afghanistan. À l’heure actuelle, un lieutenant-colonel de la réserve travaille en Afghanistan. Nous bénéficions donc d’un certain nombre d’excellents employés, y compris mon personnel civil. À l’échelle nationale, nous employons environ 100 civils de soutien, dont des techniciens juridiques.
     Donc, comme je l’ai dit, tous ces gens répondent à l’appel chaque fois qu’ils interviennent. Pour être honnête, je dois faire attention, car bon nombre d’entre eux risquent de s’épuiser professionnellement; ils sont tellement dévoués à la cause et déterminés à appuyer les Forces canadiennes et le gouvernement du Canada que cela risque de leur arriver.
     Ma charmante épouse constitue mon deuxième système de soutien principal. En fin de compte, elle m’oblige à regarder la réalité en face ce qui concerne mon emploi du temps et mes déplacements.
    Maintenant que nous passons à la neuvième manche, la parole est à M. Dosanjh.
    Eh bien, je pensais contribuer également à la discussion, étant donné que d'autres continuent à poser des questions.
    Je veux poser cette question sur le secret professionnel purement pour la logique de la chose, pour les fins du compte rendu. Je vais poser seulement deux questions et ceci est ma deuxième. D'après la façon dont vous décrivez le secret professionnel, essentiellement, il s'agit du privilège du client. Donc, vous êtes capable de maintenir le secret professionnel si, en premier lieu, le client peut le revendiquer légalement.
    Selon la décision de la présidence dans le droit parlementaire, personne au Canada, y compris le gouvernement, n'a la capacité ou le pouvoir de se servir du secret professionnel comme bouclier devant le Parlement. Ainsi, vous ne pouvez pas imposer votre privilège, votre droit d'invoquer le secret professionnel, lorsque vous êtes devant le Parlement.
    J'aimerais seulement que vous interveniez là-dessus.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, nul doute qu'on pourrait débattre longuement la question. Je ne peux simplement pas prendre part au débat à ce moment-ci. Je dois respecter le secret professionnel. Lorsque je dis cela, je veux dire que je vais honnêtement faire de mon mieux pour répondre à chaque question que les parlementaires ou d'autres personnes me poseront, mais si une partie de ma réponse m'oblige à invoquer le secret professionnel, je dois respecter cela jusqu'à ce que j'obtienne les directives du client.
    Cela fait non seulement partie de mon rôle d'avocat du gouvernement, mais également de celui de membre en règle d'une association d'avocats. Je dois m'en soucier. Les membres du comité qui font partie d'associations d'avocats et du barreau savent que toute violation ou tout ce qui peut sembler être une violation du secret professionnel sera sanctionné par l'association d'avocats.
    Alors, diriez-vous que si vous répondiez à la question de la façon dont j'aimerais que vous y répondiez, ce qui serait implicite dans cette réponse, ce serait la possible impression que vous avez violé le secret professionnel si jamais la situation s'était produite? Est-ce la raison pour laquelle vous hésitez à répondre?
(1205)
    Bien entendu, monsieur le président. Il faut que j'évite toute violation... et tout ce qui peut sembler être une violation, car c'est mon association d'avocats qui me demandera si c'est vrai ou non.
    Merci, général.
    Madame Gallant, je crois que vous avez une question.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis très contente que vous ayez eu la chance de faire consigner vos déclarations au compte rendu. La plupart des Canadiens n'ont aucune idée de la complexité d'une opération militaire et de toute la planification qu'elle suppose. Même si on a semblé chercher des problèmes où il n'y en a pas, votre présence aujourd'hui a été très utile.
    La première fois que j'ai discuté avec un juge-avocat général, c'était en Bosnie, en 2001. Chaque petite opération, même celle qui consistait à prendre de l'armement dans des caches, nécessitait la présence d'un avocat du cabinet du juge-avocat général qui s'assurait que toutes les règles de droit étaient respectées.
    Un peu plus tôt, vous avez décrit le rôle du cabinet du juge-avocat général: avant de faire une accusation ou d'aller en cour martial, les gens de votre ministère fournissent des conseils au sujet de la passation de commandement, mais également, les défendeurs peuvent être représentés par des avocats de la défense du cabinet. Quels mécanismes sont mis en place pour garantir que les conseillers de la chaîne de commandement n'influenceront pas les avocats de la défense en uniforme?
    Encore une fois, merci de poser cette question.
    Comme je l'ai dit, la structure du Service d'avocats de la défense leur permet d'être indépendants. Les nominations sont faites par le ministre, et non par moi. Des consultations constantes ont lieu entre le directeur, qui est présentement au rang de lieutenant-colonel, un capitaine de frégate de la marine... Souvent, des majors et des capitaines travaillent pour eux. Je laisse le soin au directeur de s'occuper du processus de consultation pour ce qui est des compétences et de la formation dont ils ont besoin. Je les aide lorsqu'ils ont besoin de ressources et d'argent.
    S'il y avait un problème sur lequel j'aurais à intervenir, par exemple, des problèmes relatifs au personnel qui pourraient toucher des gens qui travaillent au Service d'avocats de la défense, il me faudrait faire une déclaration publique pour que le directeur puisse en parler publiquement et, si nécessaire, mettre ouvertement en cause le juge-avocat général et sa fonction.
    Je crois que les Force canadiennes, les parlementaires et l'ensemble des Canadiens peuvent être assurés que beaucoup de mécanismes et de processus sont mis en place pour permettre au Service d'avocats de la défense, et en fait à toutes les parties — les procureurs et surtout les juges — d'agir tout à fait indépendamment de mes opinions et des décisions que je prends.
    Merci.
    Merci également de nous expliquer pourquoi la compréhension du droit qu'ont le juge ou l'avocat doit primer sur leurs compétences linguistiques. C'est une question vraiment importante également pour d'autres travaux que nous effectuons à la Chambre des communes.
    Quel rôle joue le juge-avocat général, s'il y a lieu, dans la décision entourant les règles d'engagement qui seront utilisées dans une opération ou une mission donnée?
    Merci. Encore une fois, c'est une très bonne question au sujet du droit des conflits armés appliqué aux opérations, et à mon avis, la plupart des Canadiens ne comprendraient pas cela. L'une des raisons, à vrai dire, c'est que bon nombre de questions concernant les règles d'engagement sont classifiées. Les règles d'engagement précises sont classifiées.
    Mais je peux vous dire que comme les règles d'engagement doivent être approuvées en dernier ressort par le chef d'état-major de la Défense, établir les règles d'engagement constitue toujours un enjeu opérationnel. Malgré ce que les gens peuvent avoir entendu et malgré ce que l'on voit dans les émissions de télévision, ce n'est pas l'avocat qui dit « voici les règles d'engagement pour la mission ». Nous ne faisons que donner des conseils.
    Encore une fois, sur le plan du processus de planification, peu importe de quel type de mission il s'agit, une mission internationale, une mission nationale pour le maintien de l'ordre, comme nous l'avons fait récemment à Vancouver pour l'Opération Podium... Soit dit en passant, je vais saisir cette occasion pour vous rappeler que 13 avocats militaires donnaient des conseils, en grande partie sur le terrain à Vancouver, mais également ici à Ottawa, et auprès du NORAD aussi.
    Donc, dès le début, c'est comme pour n'importe quel autre aspect, pour ceux qui connaissent ce qu'on appelle le processus de planification opérationnelle: lorsque le chef est chargé d'une mission, nous commençons immédiatement à examiner toutes les questions juridiques qu'elle présente, y compris les règles d'engagement. Et si vous alliez en ligne... Je n'ai pas vérifié cette semaine, mais souvent, ils ont la partie non classifiée, celle que nous appelons notre manuel de recours à la force et qui présente les principes directeurs et les définitions que les Forces canadiennes utilisent pour créer des règles d'engagement sur le recours à la force. On y décrit le projet ou le processus de création des règles d'engagement qui fait intervenir des opérateurs, des officiers du renseignement, des agents des politiques, toutes les personnes desquelles on s'attendrait à ce qu'elles participent, y compris les avocats, qui créent le cadre juridique dans lequel les opérateurs peuvent dire « nous devons utiliser ce degré de force, du point de vue juridique, pouvons-nous le faire? »
    C'est un processus très méticuleux et il est suivi à chaque fois que des règles d'engagement sont établies, pour chacune des opérations.
(1210)
    Merci, madame Gallant. Merci, général.
    C'est ce qui met fin à la deuxième série de questions. Je veux rappeler aux membres que comme nous avons un certain nombre de points à discuter à huis clos, je demande votre collaboration. Si vous n'avez pas d'autres questions, je proposerais que nous suspendions la séance.
    Monsieur Harris?
    Oui.
    Vous avez fait mention de la différence entre les mesures disciplinaires de la chaîne de commandement et une cour martiale. S'agit-il d'un autre moyen? Je pense au général Menard, lorsqu'il est question de ce qui pourrait être un événement fréquent, le déclenchement accidentel d'une arme en quelque sorte, ou quelque chose du genre. Je ne sais pas si l'on considère cela comme mineur ou majeur. Cela dépend sans doute des circonstances. Mais, de temps à autre, la mauvaise utilisation d'une arme à feu peut être quelque chose d'assez courant chez les militaires.
    Y a-t-il des types d'actes qui sont simplement réglés au moyen d'audiences disciplinaires conduites par un commandant et d'autres qui sont soumis à une cour martiale? Et comment prend-on cette décision?
    Merci de cette autre bonne question.
    Je vais seulement commencer par parler rapidement de discipline. Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, cela ne se limite pas au système de justice militaire qui, comme je l'ai expliqué, compte le procès sommaire et les cours martiales. Elle fait intervenir d'autres outils, des outils administratifs comme le retrait du commandement, par exemple. Donc, le terme « discipline »... Je crois seulement qu'il est important pour les gens de comprendre que cela ne renvoit pas qu'au système de justice militaire. Cela s'applique à tous les outils offerts à la chaîne de commandement.
    En ce qui concerne la question qui m'a été posée, oui, pour ce qui est du système relevant du Code de discipline militaire, qui fait partie de la Loi sur la défense nationale et qui présente le processus et les infractions qui feront l'objet d'une poursuite en vertu du Code de discipline militaire, il se divise comme on le divise dans la Loi sur la défense nationale et dans les Ordonnances et règlements royaux en un certain nombre d'accusations qui sont justiciables seulement par un procès sommaire conduit par la chaîne de commandement. Ces accusations sont souvent considérées moins graves.
    Ensuite, il y a un ensemble d'accusations qui sont jugées uniquement par une cour martiale. Souvent, on les considère comme les accusations les plus graves. Certaines peuvent ne pas sembler très graves du point de vue de l'acte en soi, mais selon les circonstances, la chaîne de commandement peut être d'avis que la peine envisagée pourrait correspondre à un degré plus élevé. Dans ce cas et pour d'autres raisons, on donne à l'accusé le choix entre un procès sommaire et la cour martiale.
    Donc, pour cette étape — et un certain nombre d'accusations entrent dans la catégorie des accusations optionnelles —, on fait un choix. Depuis l'affaire que j'ai mentionnée un peu plus tôt, l'affaire R. c. Trépanier devant la Cour d'appel de la cour martiale, des changements ont été apportés à la Loi sur la défense nationale qui précise mieux maintenant que l'accusé fait le choix dans certaines situations, selon l'infraction qu'il a commise; ou la chaîne de commandement peut simplement dire que l'affaire est trop grave. Comme vous le savez, les membres de la chaîne de commandement ne sont pas formés comme avocats ou juges, donc ils n'ont pas les compétences, par exemple, pour présenter — ce ne devrait pas être le cas et ils ne le veulent pas, en toute honnêteté — des arguments fondés sur la Charte. On laisse aux cours martiales le soin de le faire.
    Merci beaucoup.
    La seule autre remarque que j'ajouterais sur la question du secret professionnel, c'est que le privilège parlementaire fait également partie de la loi du Parlement et que je comprends que vous ne puissiez pas répondre à cette question.
    En fait, il se peut que vous ayez à faire un peu de recherche sur cette question, car il ne s'agit pas de la violation d'une loi ou d'une autre. Il s'agit de trouver quel est l'état actuel du droit, et ce privilège parlementaire est reconnu comme compris dans la loi du Parlement et, en fin de compte, des décisions doivent être prises. Mais, comme c'est une toute nouvelle question que nous avons à peine commencé à étudier au Parlement ces derniers mois, nous n'en sommes pas encore là.
    Merci, monsieur le président. Je comprends qu'il s'agit de la loi du Parlement, mais je comprends également qu'il y a différents points de vue.
    Il y a un grand nombre de lois fédérales, et parfois on a l'impression qu'elles entrent en conflit. C'est pourquoi nous avons le luxe de discuter ici au Parlement dans le cadre du processus législatif et, bien sûr, notre système judiciaire nous aide à clarifier et à interpréter les lois également.
(1215)
    Merci, messieurs.
    Puisque je constate qu'il n'y a pas d'autres questions, je veux vous remercier, vous et vos collègues, de votre présence aujourd'hui. Je vous souhaite la meilleure des chances. Il ne fait aucun doute que cette période sera intéressante pour vous.
    Chers collègues, nous allons suspendre la séance pour trois ou quatre minutes et nous siégerons à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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