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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 011 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 avril 2010

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bonjour. Nous allons commencer.
    Il s'agit de la onzième séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Aujourd'hui, nous poursuivons nos travaux, conformément à l'alinéa 108(3)a) et à la motion qu'a adoptée le comité le jeudi 11 mars 2010, concernant l'étude des questions liées à la prorogation.
    Nous accueillons ce matin M. Mendes pour la première heure et un autre témoin pour la deuxième heure. Nous allons tenter de procéder comme à la dernière réunion pour les questions. Cela semblait bien fonctionner pour nous.
    Monsieur Mendes, avez-vous une déclaration préliminaire à faire? Le cas échéant, veuillez la prononcer, puis nous passerons aux questions.
    Merci de m'avoir invité ici. J'ai effectivement un exposé à présenter. Je crois qu'il est en anglais et en français et que la greffière en a une copie. Je ne le lirai pas au complet en raison des contraintes de temps, mais je vais voir jusqu'où je peux aller.
    Le fondement sur lequel repose notre démocratie constitutionnelle est le principe du gouvernement responsable. La décision historique rendue il y a seulement quelques jours par le président de la Chambre des communes, Peter Milliken, sur les documents relatifs à la question des prisonniers afghans a rappelé ce caractère fondamental de la démocratie canadienne. En vertu du principe du gouvernement responsable, le gouvernement au pouvoir, qu'il soit majoritaire ou minoritaire, est tenu de conserver la confiance de la Chambre des communes. Pour conserver cette confiance, le gouvernement au pouvoir doit respecter intégralement les privilèges parlementaires garantis par la Constitution à tous les députés de la Chambre des communes et non seulement aux membres du parti au pouvoir.

[Français]

    Notre démocratie ne peut être maintenue lorsque sont manipulés les pouvoirs du premier ministre et les prérogatives du Gouverneur général, qui visent justement à promouvoir l'obligation de rendre des comptes dans le système parlementaire démocratique dont nous avons hérité de la Grande-Bretagne.

[Traduction]

    La Cour suprême du Canada, dans deux décisions de première importance, a confirmé que les privilèges parlementaires comprenaient le devoir d'obliger le gouvernement à rendre des comptes, ce qui fait d'ailleurs partie intégrante de la Constitution canadienne.
    Ce fondement démocratique peut être compromis par un usage abusif du pouvoir conventionnel du premier ministre de conseiller au gouverneur général de proroger le Parlement afin d'éviter de perdre complètement la confiance de la Chambre ou pour porter atteinte aux privilèges parlementaires des représentants élus des Canadiens en prorogeant le Parlement afin de mettre fin aux travaux des comités parlementaires qui font enquête sur de graves allégations. La capacité d'obliger les hauts fonctionnaires à rendre des comptes est une condition essentielle de la garantie des privilèges parlementaires, comme l'a confirmé le président Milliken.

[Français]

    Ce serait user démocratiquement et légitimement des prérogatives que de mettre fin à une session d’une législature au moment où une partie considérable du programme législatif a été achevée au préalable d’un nouveau discours du Trône.

[Traduction]

    Il y a eu de nombreuses demandes de prorogation qui ont été présentées par les gouvernements et les premiers ministres du passé et, dans les premières décennies du Parlement canadien, il était d'usage de mettre fin à une session parlementaire par la prorogation plutôt que par un ajournement de longue durée. En 1982, des disposition réglementaires ont été adoptées pour établir des sessions fixes, et cela s'est traduit par environ 2,1 prorogations pour chaque législature.
    Ces faits doivent être pris en compte lorsqu'on déclare qu'il est d'usage courant de procéder à une prorogation et que cela est arrivé 104 fois dans le passé. La présente 40e législature avait donné lieu à trois discours du Trône en date du 3 mars 2010, sur une période de quatre ans, par comparaison avec les quatre prorogations du gouvernement précédent sur une période de 10 ans.
    Afin de protéger ces principes fondamentaux de notre démocratie constitutionnelle et les privilèges parlementaires des membres de la Chambre des communes, j'avance qu'il est possible d'établir un processus menant à l'adoption de règles conventionnelles contraignantes. Ce but peut être atteint par la promulgation d'ordres permanents et de dispositions législatives à l'appui.
    Premièrement, au moyen de dispositions dans le Règlement de la Chambre des communes, limiter le pouvoir conventionnel du premier ministre de demander la prorogation du Parlement au gouverneur général dans la première année qui suit un discours du Trône, à moins que la Chambre des communes y consente et indique que le gouvernement conserve la confiance de la Chambre.

[Français]

    Deuxièmement, les ordres permanents peuvent obliger le premier ministre à donner un préavis à la Chambre des communes et au Sénat de l’intention de demander une prorogation, en indiquant pourquoi une telle demande n’empiète pas sur les privilèges parlementaires des membres de la Chambre et ne vise pas à éviter de perdre la confiance de la Chambre. Cette déclaration doit faire immédiatement l’objet de débats à la Chambre.

[Traduction]

    Troisièmement, de telles dispositions peuvent aussi limiter la durée de toute prorogation à un maximum d'un mois civil.
    Quatrièmement, le processus menant à une règle conventionnelle contraignante à cet égard pourrait comprendre l'adoption de dispositions législatives à l'appui pour renforcer les ordres permanents, comme le suggèrent d'autres partis d'opposition. Ces dispositions législatives doivent indiquer clairement que, comme le pouvoir de réserve du gouverneur général l'autorisant à accepter ou à refuser la demande demeure absolu, les dispositions législatives visent exclusivement à limiter le pouvoir conventionnel du premier ministre de faire une telle demande dans certaines situations. Il est reconnu qu'il y a une certaine incertitude constitutionnelle quant à la question de savoir si un premier ministre et un gouvernement peuvent contourner cette restriction des pouvoirs conventionnels en invoquant le pouvoir de réserve du gouverneur général. Les dispositions législatives qui sanctionnent les dispositions réglementaires doivent viser principalement à faciliter la création de règles conventionnelles contraignantes où toute infraction aura un coût politique.
    Enfin, les nouvelles règles et les dispositions législatives peuvent être transmises officiellement par le président de la Chambre des communes à la gouverneure générale pour l'informer de la volonté du peuple canadien, tel qu'il est représenté par le Parlement du Canada, de faire en sorte qu'elle — si son mandat est reconduit — ainsi que les gouverneurs généraux futurs puissent exercer leur pouvoir de réserve pour prévenir toute prorogation antidémocratique risquant de compromettre gravement les principes du gouvernement responsable. Il s'agit d'un pouvoir conventionnel non écrit, découlant des droits et des privilèges du président attribués par la Chambre des communes pour qu'il ait la capacité de conseiller le gouverneur général sur des questions liées aux fondements du gouvernement responsable, et il est évident que la restriction du pouvoir du premier ministre de demander une prorogation contre la volonté de la Chambre des communes relèverait de la compétence du président de la Chambre des communes à titre de conseiller du gouverneur général. Le premier ministre n'est pas le seul à pouvoir conseiller le gouverneur général. Ce que beaucoup de gens ne savent pas, c'est que le président de la Chambre des communes, au nom de la Chambre des communes, a le droit de conseiller le gouverneur général.
    De cette façon, les règles conventionnelles seront le rempart contre la capacité du premier ministre de proroger le Parlement afin d'éviter des votes de confiance ou d'empêcher le Parlement et ses comités de demander des comptes au gouvernement. Il y a de nombreux exemples de règles conventionnelles contraignantes qui empêchent le premier ministre et le gouvernement d'accomplir certaines fonctions, même s'ils sont légalement et constitutionnellement autorisés à le faire. L'exemple le plus célèbre est le pouvoir du gouvernement fédéral de demander la révocation de dispositions législatives provinciales. Ce pouvoir n'a jamais été exercé — ou peut-être une fois, peu après la création du Parlement. Les règles conventionnelles mettent fin à toute possibilité d'exercer ce pouvoir.
    Il ne faut pas non plus oublier que le seul obstacle qui a empêché le premier ministre Pierre Trudeau de rapatrier la Constitution, en l'absence d'un consentement provincial suffisant, a été le pouvoir des règles conventionnelles.
    Le principe du gouvernement responsable exige que les personnes au pouvoir agissent de façon responsable dans l'intérêt du Canada. Elles ne devraient pas agir dans leurs propres intérêts.
    Merci.
(1110)
    Merci, monsieur.
    Madame Jennings, voulez-vous poser la première question?
    Nous allons essayer de faire des interventions de cinq minutes pour voir si nous pouvons effectuer quelques tours de cette façon.
    Certainement. Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Mendes — premièrement, d'avoir accepté de témoigner devant le comité, et deuxièmement, d'avoir présenté votre exposé.
    J'aimerais retourner en arrière et confirmer que vous avez suivi l'exposé présenté par Rob Walsh, juriste et conseiller parlementaire, lorsqu'il est venu témoigner devant le comité.
    Oui, effectivement.
    Auriez-vous également suivi celui de Thomas Hall, ancien greffier à la procédure de la Chambre des communes?
    Oui.
    Alors, j'aimerais que vous commentiez plus en détail la déclaration de Rob Walsh selon laquelle les modifications du Règlement proposées par certains partis d'opposition, n'auraient aucune conséquence dans la mesure où, si le premier ministre n'en tenait pas compte, demandait une prorogation au gouverneur général et l'obtenait, la prorogation en soi demeurerait valide et légale. Par conséquent, le comité et la Chambre — si nous voulons limiter l'autorité et la prérogative du premier ministre de demander la prorogation en procédant ainsi, nous aurions peut-être intérêt à ajouter des dispositions punitives au Règlement — en fait, il a parlé de mesures dissuasives, je devrais arrêter de dire « punitif », car ce n'est pas le terme utilisé par M. Walsh.
    Deuxièmement, j'aimerais en savoir davantage sur la question de la loi conventionnelle non écrite ou le droit du Président de faire connaître au gouverneur général la volonté de la Chambre.
    Premièrement, pour ce qui est de l'ajout de mesures dissuasives dans le Règlement, c'est assurément possible. Bien que, sur le plan juridique, oui, le premier ministre puisse contrevenir à cette disposition, comme il l'a fait pour le projet de loi relatif à la tenue d'élections à date fixe, je propose, en ce qui concerne le Règlement et les dispositions législatives habilitantes, la création d'une règle conventionnelle contraignante — qui, à vrai dire, entraînerait de graves conséquences politiques — et peut-être aussi d'habiliter le gouverneur général afin de l'inciter à exercer ses pouvoirs de réserve et de refuser la prorogation, lorsque cette mesure va directement à l'encontre de la volonté de la Chambre des communes.
    Et le Président?
    Ce que peu de gens savent, c'est que le Président peut, au nom de la Chambre des communes, se prévaloir des droits et des privilèges qui lui sont conférés pour prodiguer des conseils au gouverneur général sur des questions liées au gouvernement responsable. Le premier ministre n'est pas le seul à avoir le pouvoir de conseiller le gouverneur général. Le Président a aussi ce pouvoir.
    Merci.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Vous avez deux minutes.
    C'est merveilleux.
    Certains de mes collègues de la Chambre se plaisent à nous rappeler l'entente relative à la création d'un gouvernement de coalition conclue par les libéraux et le NPD en 2008 et le fait que les libéraux ont envoyé à la gouverneure générale une lettre signée par les chefs des partis d'opposition.
    Si on avait été au courant de cette règle peu connue qui prévoit que le Président a le droit de donner des conseils au gouverneur général au nom de la Chambre et que celle-ci avait adopté une forme de motion, alors le Président et la Chambre auraient pu, à l'époque, advenant l'adoption d'une motion à cette fin, dire au Président d'informer officiellement la gouverneure générale de ce qui s'était passé, ou je ne sais quoi.
(1115)
    Eh bien, on aurait certainement pu procéder ainsi.
    Quant à la lettre, je me demande en fait si elle l'a même lue. Étant donné que, en vertu de la tradition parlementaire ou constitutionnelle stricte, elle est seulement censée consulter le conseil privé, je me demande si elle a même vu la lettre.
    C'est pourquoi j'avance que, si cette règle méconnue au sujet du Président avait été mieux connue de tous les parlementaires — pas un seul parlementaire d'un parti ou d'un autre a soulevé cette question —, on aurait peut-être pu emprunter une autre voie.
    Certainement. Ce que je propose ici, c'est que le Parlement prenne des mesures pour, essentiellement, faire inscrire certains types de dispositions au Règlement ainsi qu'aux dispositions législatives habilitantes, afin de créer une règle conventionnelle selon laquelle, à l'avenir, aucun premier ministre ne pourra contrevenir — il pourra le faire, légalement, mais à un énorme prix politique — et donner la possibilité au gouverneur général d'exercer ses pouvoirs de réserve afin de refuser la prorogation.
    Selon l'ensemble de mesures que vous proposez, le Président aurait des directives claires de la Chambre selon lesquelles il informerait, de façon officielle, le gouverneur général de la volonté de la Chambre.
    Exactement. Je propose que, une fois les dispositions véritablement ajoutées au Règlement, elles soient immédiatement communiquées à la gouverneure générale pour l'avertir en avance que, dans l'éventualité où une chose pareille se reproduirait, le Président pourrait représenter la Chambre des communes.
    Merci.
    Très bien. Et vous avez presque respecté votre délai à la seconde près, aussi.
    L'hon. Marlene Jennings: Et voilà.
    Le président: Monsieur Reid.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Mendes; je suis heureux de vous voir.
    À la lumière de ce que nous venons d'entendre — la suggestion de Mme Jennings et votre réponse —, je pourrais me tromper, mais j'ai l'impression qu'on propose ici deux voies différentes, ou — à tout le moins — que deux différentes considérations sont en jeu ici.
    Tout d'abord, il y a les obligations constitutionnelles conventionnelles, dont le respect, comme l'a expliqué Dicey, est assuré par l'opinion publique générale, la pression qu'elle exerce, et par une attente selon laquelle, une fois que des normes ont été mises au point, les acteurs politiques ne devraient pas y contrevenir. Je crois que c'était la solution dont vous parliez dans votre exposé.
    Je pourrais me tromper, mais j'ai l'impression que Mme Jennings propose en fait une règle aux termes de laquelle le gouverneur général accorderait en fait plus de poids aux conseils du Président qu'à ceux du premier ministre dans certaines circonstances, et que sa mise en application dépendrait non pas de l'opinion publique, mais d'une convention qui contraint le gouverneur général. Il serait inconstitutionnel, au sens où l'entend la coutume britannique, au sens classique du terme, pour le gouverneur général de suivre les recommandations du premier ministre.
    Autrement dit, il n'est pas question de la possibilité que le public puisse pénaliser le premier ministre. Il est question de soumettre le gouverneur général à de nouvelles attentes.
    Oui, vous avez raison. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas adopté une modification de la Constitution en vertu de l'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982, les pouvoirs et la charge du gouverneur général ne peuvent vraiment pas être modifiés. La gouverneure générale est donc habilitée à exercer ses pouvoirs de réserve pour accepter ou refuser.
    Mais, à mon avis, ce qui est arrivé avec les gouverneurs généraux au cours de nombreuses décennies, voire de nombreux siècles, c'est qu'ils se sont montrés tout à fait au courant des conventions. C'est pourquoi, dans certaines circonstances, un gouverneur général a refusé de suivre les recommandations, comme dans l'affaire King-Byng.
    Alors, il est très important d'insister sur la distinction entre les règles conventionnelles et les règles juridiques; toutefois, les règles conventionnelles peuvent être toutes aussi contraignantes que les règles juridiques.
(1120)
    Vous avez mentionné que, dans l'histoire constitutionnelle du Canada, contrairement à celle de, disons, l'Australie — en 1975 — ou d'autres pays du Commonwealth, il n'y a vraiment qu'un seul précédent — si je ne m'abuse — après la Confédération, où un gouverneur général a rejeté les recommandations d'un premier ministre.
    Est-ce exact? Est-ce seulement arrivé à cette occasion?
    Eh bien, non. Il y avait l'affaire King-Byng, mais les circonstances étaient différentes.
    C'est exact, mais juste la fois...
    Là où je veux en venir, c'est que, pour ce qui est se suivre les conseils du Président, je voulais seulement vous demander: a) quels sont les enjeux — si vous connaissez cet aspect — au sujet desquels... Pas des idées générales au sujet de la Chambre des communes, mais, dans quelle situation cela s'applique vraiment — que le Président fasse des recommandations au gouverneur général et que celui-ci les suive? Et b), si je ne m'abuse, la convention sous-jacente —ou le fondement — sur lequel repose la convention qui encadre les recommandations du premier ministre est la suivante: Le gouverneur général, ou la Reine, n'accepte des conseils que d'une seule source plutôt que de dire: « Je peux consulter des gens et, par conséquent, faire une véritable sélection. »
    Je me demande comment nous gérons la possibilité de sources multiples. Je crois que c'est là où se trouve le tournant réel; le fait que le gouverneur général entende des recommandations de sources multiples et qu'il choisisse. J'ai peut-être tort, mais cette modification du rôle du gouverneur général — c'est-à-dire de lui donner un pouvoir qui n'existe pas sous notre régime depuis très longtemps, à savoir cela d'entendre les recommandations de sources multiples et d'ensuite faire un choix ne vous semble-t-elle pas très substantielle?
    Selon moi, le Président aurait ce pouvoir parce que, comme nous venons de le voir hier, il est effectivement le gardien, pour ainsi dire — à tout le moins pour ce qui est des principes, des droits et des privilèges qui vous appartiennent, en votre qualité de membres élus à la Chambre des communes. Ainsi, ce droit central et fondamental qui appartient aux membres élus à la Chambre des communes est vraiment... Comme je l'ai mentionné, à deux occasions, la Cour suprême du Canada a déclaré que cela faisait partie de la Constitution du Canada. Par conséquent, ces droits et privilèges ont le même poids que les pouvoirs du gouverneur général.
    Ainsi, lorsque le Président accomplit son devoir de protéger les droits et privilèges des membres élus de la Chambre des communes, il le fait en vertu de son pouvoir constitutionnel de chercher à conseiller le gouverneur général.Vous pouvez parler d'acteurs multiples, mais la procédure repose sur de réels principes constitutionnels.
    J'ai pris assez de temps, alors merci beaucoup.
    Merci.
    Merci, monsieur Reid.
    Monsieur Paquette.

[Français]

    Merci beaucoup.
     J'ai déjà lu certains de vos textes. J'aurai d'ailleurs l'occasion d'y revenir. Ce qui suit rejoint la question posée par l'hon. Marlene Jennings. Lorsque M. Walsh a témoigné, il a dit que des ordres permanents feraient en sorte que même si on poursuivait le premier ministre et le gouvernement pour ne pas avoir suivi ces ordres permanents, le temps que les procédures aient lieu, il y aurait déjà une autre session. Quelle serait la légitimité de cette nouvelle session si la cour décidait que la prorogation était illégitime ou illégale? Je ne sais pas si vous avez réfléchi à ça.
    Deuxièmement, la question a peut-être a été posée, mais la réponse m'échappe. Plusieurs de vos propositions n'auraient pas pu être appliquées le 30 décembre dernier, parce que l'on ne siégeait pas. Avez-vous réfléchi à un plan B?
    Troisièmement, à la fin de votre article publié dans le Ottawa Citizen, vous appelez à la mobilisation en disant que les partis de l'opposition pourraient encourager des mouvements sociaux ou politiques à travers le Canada lorsqu'il y a une prorogation. D'ailleurs, cela s'est fait spontanément par Internet la dernière fois. J'aimerais que vous commentiez votre propre proposition.
     Je répondrai en anglais, parce que je pourrai mieux exprimer mes idées.
    Comprenez-vous le français?
    Oui, oui.
    Vous êtes meilleur que ma mère. Elle ne comprend pas l'anglais, mais elle le parle.
    Des députés: Ah, ah!
    Peut-être suis-je

[Traduction]

je suis peut-être admissible à siéger à la Cour suprême du Canada.
    Quoi qu'il en soit, pour répondre au premier volet de votre question, comme je l'ai mentionné à Mme Jennings, en ce qui concerne les mesures de dissuasion proposées, c'est certainement possible. Toutefois, je crois que l'opposition et les autres partis ont pour tâche... Tous les partis devraient voir un avantage à établir un régime sous lequel les fondements démocratiques de notre pays sont respectés. Ceux-ci n'entrent en jeu qu'après une action que l'opposition désapprouve. Comme l'a dit l'un des témoins, je crois, ces mesures sont de nature punitive.
    Ce que je propose ici, c'est d'éviter tout simplement que cela se produise. Autrement dit, on établirait des structures qui amèneraient tout premier ministre à l'avenir à prendre beaucoup de précautions — et sous lesquelles il serait potentiellement suicidaire pour lui de tenter une manoeuvre comme celles que nous avons vu ces dernières années. C'est pourquoi je propose d'établir un système proactif plutôt que réactif.
    Je vais maintenant répondre à votre dernière question, surtout parce que j'ai oublié votre deuxième question. Une des raisons pour laquelle j'ai parlé du soutien de la société civile à l'égard des mesures que je présente ici, c'est que j'ai été fasciné par la façon dont le Canadien moyen, qui n'a jamais été intéressé par des questions touchant le Parlement du Canada, était si indigné par ce qui s'était produit. Je crois qu'il est très important pour notre démocratie que les personnes qui ne sont pas normalement des mordus de politique ou des « classes placoteuses » comprennent à quel point il importe que notre pays conserve son système de gouvernement responsable. Leur capacité de le faire savoir à leur député et de s'exprimer dans d'autres réseaux de la société civile renforce la création d'une règle conventionnelle.
    Je dis cela parce qu'une règle conventionnelle naît à deux conditions. Premièrement, il doit y avoir un usage, et c'est pourquoi je propose de passer par le Règlement. Deuxièmement, on a l'impression que les acteurs doivent être tenus de la respecter. Il n'y a rien de plus efficace que de dire à son député qu'il devait être contraint par ce type de processus. Alors, cela fait partie de la capacité de renforcer la création d'une règle conventionnelle contraignante.
    Excusez-moi, quelle était votre deuxième question?
(1125)

[Français]

    Vous y avez répondu, d'une certaine façon. Le 30 décembre dernier, au moins deux de vos suggestions n'auraient pas pu être appliquées. En même temps, l'idée est de créer des règles qui dissuadent un premier ministre.
    Si je comprends bien, quand vous parlez de règles conventionnelles contraignantes...

[Traduction]

    Monsieur Paquette, je suis désolé, mais nous avons atteint cinq minutes.

[Français]

    Déjà! On y reviendra.

[Traduction]

    Le temps passe vite quand on s'amuse.
    Monsieur Lukiwski...
    Ou non, je suis désolé, c'est à M. Christopherson.
    Ça va, monsieur le président. Il n'y a pas de problème. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Mendes, d'être venu témoigner. C'était très instructif. Le raisonnement était un peu différent de celui...
    J'aimerais revenir à l'endroit où Mme Jennings a laissé les choses, car c'était après le fait... Et j'ai soulevé cette question lors d'une séance précédente du comité. On m'a dit que la gouverneure générale n'avait pas vu les lettres signées par les chefs des partis parce que « seul le premier ministre peut donner des conseils ».
    Quant aux recommandations conflictuelles, cela ne pose pas vraiment problème. Lorsque le gouverneur général consulte les membres du Conseil privé, il entend probablement toutes sortes de recommandations différentes sur la marche à suivre.
    Mais, pour ce qui est de la capacité du Président de... Je suis très curieux à ce chapitre. Quelle serait la marche à suivre pour transmettre le message du Parlement?
    J'aimerais aussi dire, pour mettre la question sur le tapis, que, même à l'heure actuelle, le gouvernement a encore de la difficulté à comprendre la distinction entre le conseil exécutif et le principe de majorité parlementaire. Le principe de majorité parlementaire est suprême: le premier ministre est nommé à la suite d'un vote majoritaire à la Chambre des communes. C'est pourquoi nous étions si nombreux à être en colère face aux absurdités que déblatérait le premier ministre la dernière fois — au sujet de pratiques antidémocratiques, d'un putsch, d'un coup d'État et tout cela. Je veux dire, cela a bien fonctionné sur le plan politique — je vous l'accorde —, mais c'était à des années-lumières de la réalité.
    Si nous ne voyons pas cela normalement, c'est que, sous un gouvernement majoritaire, on ne prête même pas attention à la question du vote de confiance, car il va remporter tous les votes, coup après coup. Cela survient seulement sous un gouvernement minoritaire. Par conséquent, il est tout à fait faux de croire qu'un conseil provenant du Président — si on considérait que son poids était même égal à un conseil du premier ministre — contrevient de quelque façon que ce soit à la justice fondamentale. À mon avis, il est tout à fait raisonnable que le gouverneur général entende les conseils du premier ministre de l'heure, mais si la majorité du Parlement n'est pas du même avis, alors le gouverneur général doit entendre cela aussi.
     S'agit-il simplement d'adopter à la majorité une motion ordinaire qui prévoit que « nous transmettons le message suivant à la gouverneure générale » et d'habiliter le Président à le faire? Est-ce aussi simple?
(1130)
    Le Président, comme nous l'avons vu à plusieurs reprises maintenant, possède de nombreux pouvoirs pour ce qui est de recommander la mise en oeuvre de mesures, et ce processus pourrait en faire partie. Oui, on pourrait adopter une résolution officielle.
    L'autre chose, qui a été évoquée lors de la séance précédente, c'est qu'une résolution, à condition qu'elle soit correctement structurée, peut avoir autant de poids qu'une disposition du Règlement. Une résolution correctement conçue demandant au Président de faire cela pourrait être une façon de procéder.
    D'accord. Et, je crois que, dans le cadre de délibérations antérieures, nous avons déterminé qu'une résolution peut être intégrée au Règlement ou non, selon la volonté du Parlement.
    M. Errol Mendes: C'est exact.
    M. David Christopherson: D'accord. Merci.
    Permettez-moi de revenir sur ce que vous avez dit au sujet de la proactivité plutôt que de la réactivité. Pouvez-vous approfondir à ce sujet? On a fait valoir que ce que vous avez proposé ici n'aurait eu aucune incidence sur la situation à laquelle nous avons dû faire face par le passé ou à la fin de l'année dernière.
    Je me demande quels seraient les avantages d'adopter une démarche proactive plutôt que réactive. Pouvez-vous m'aider à comprendre cela?
    Ces mesures visent essentiellement à prévenir certains types de prorogations à l'avenir. Il ne fait aucun doute qu'elles n'auraient pas aidé dans le cas le plus récent, car on ne comprenait pas réellement comment gérer la situation. Peut-être qu'on aurait dû apprendre après la première fois, en 2008, mais rien n'est arrivé à la suite de cet événement. Ce que je propose, c'est d'établir un processus proactif qui empêcherait de tels événements de se reproduire à l'avenir.
    Je ne m'oppose pas à l'idée de mesures dissuasives, et vous devriez peut-être songer à cette solution. Mais, essentiellement, on invite ainsi la personne à le faire, et on tentera de l'empêcher de fonctionner pour une certaine période en lui interdisant de déposer de nouveau un projet de loi ou, si je ne me trompe pas, on a aussi proposé des jours consacrés à l'opposition, si je me souviens bien.
    Si un premier ministre veut vraiment tenir le cap à tout prix, il va peut-être accepter cela. Je propose de mettre en place des soutiens assez solides pour établir une règle conventionnelle selon laquelle il serait suicidaire de faire cela.
    Encore une fois, cela consisterait en...? Pouvez-vous m'expliquer ce que contiendrait cette convention?
    Il s'agirait d'une combinaison de dispositions réglementaires et de dispositions législatives habilitantes visant à créer une règle conventionnelle contraignante qui permettrait essentiellement au Président de dire à la gouverneure générale: en vertu de vos pouvoirs de réserve, vous avez le droit de refuser la prorogation. Dans ce cas, il ne serait pas nécessaire de modifier la Constitution.
    D'accord.
    Encore une fois, néanmoins, le frein définitif suppose une modification de la Constitution. Je crois que nous ne recourrons pas à cette solution.
    Oui. C'est impossible de toute façon, car, essentiellement, il faudrait obtenir le consentement de toutes les provinces.
    Je suis d'accord avec vous. J'ai dit cela à M. Walsh l'autre jour, et il m'a sauté au visage. J'ai dit qu'on n'avait besoin que de 50 p. 100 — ou est-ce 50 p. 100 plus sept, ou ...? Quelle est la formule?
    En pratique, le vote doit être unanime.
    Il y a des dissidences dans le milieu universitaire. À vrai dire, la Constitution mentionne la charge du gouverneur général, ce qui exigerait sans aucun doute l'unanimité aux termes de l'article 41. Mais je crois que la greffière a parlé de la possibilité de distinguer les « pouvoirs » du gouverneur général et sa « charge ». Ainsi, l'unanimité ne serait plus nécessaire.
    Je ne crois pas que nous devrions nous aventurer dans cette voie. Comme nous l'avons appris par le passé, même des modifications constitutionnelles n'exigeant pas la majorité sont presque impossibles.
    Comment enverrait-on le Président parler au nom du Parlement si le premier ministre proroge la Chambre et qu'on ne peut pas s'y rendre pour adopter la motion?
    Peut-être qu'on aura une réponse à cet égard avec les prochaines questions.
    Peut-être que oui, monsieur le président.
    Merci.
    Cela conclut notre premier tour.
    Nous allons en commencer un autre. Je vais conserver le délai de cinq minutes, mais, si vous n'avez pas besoin de l'intégralité de votre temps et que vous aimeriez que l'un de vos collègues ait l'occasion de poser des questions, je vous encourage vivement à le faire.
    Madame Jennings.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, je vous remercie, monsieur Mendes. Je crois que, plus on vous pose de questions, plus les choses deviennent claires.
    Si je comprends bien, alors, recourir à la solution constitutionnelle donnerait lieu à un énorme casse-tête, et il est très peu probable que l'on réussisse. Toutefois, l'autre solution que vous proposez, à savoir la modification du Règlement et l'adoption de dispositions législatives habilitantes afin de créer une nouvelle règle conventionnelle, pourrait fonctionner et fonctionnerait probablement, car cela permettrait à la Chambre des communes d'exprimer sa volonté, de la faire respecter et de s'assurer que le pouvoir du gouverneur général qui lui permet de dissoudre ou de proroger une session ne serait pas compromis... Mais cela permettrait de s'assurer que le gouverneur général soit informé de cette nouvelle règle conventionnelle.
    Je n'ai pas d'autre question, mais je voulais m'assurer que tout cela était limpide.
    Si mon collègue n'a pas de questions, alors je...
(1135)
    Merci de partager votre temps. C'est bien.
    Monsieur Lukiwski, je crois que vous partagez votre temps avec l'un de vos collègues aussi.
    Je l'ignorais, mais merci de m'en informer.
    Des voix: Oh! Oh!
    M. Tom Lukiwski: Je remercie Marlene d'avoir renoncé à son temps pour moi.
    Je présenterai brièvement un argument, puis je poserai une question, monsieur Mendes. Merci d'être ici.
    L'argument que j'aimerais présenter concernant les propos de David au sujet des conseils du Président au gouverneur général — et peut-être que, à la fin, si vous avez le temps de faire un commentaire à ce sujet, je serai bien content — tient au fait que je crois savoir qu'il y a, du d'un point de vue constitutionnel, une grosse différence entre prodiguer des « conseils » et simplement transmettre des informations. Quant aux propos de David — à savoir que la lettre n'a peut-être pas été lue —, je l'ignore, mais comment le Président peut-il dire au gouverneur général qu'il y a une coalition ou une entente entre les partis d'opposition et qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent? La lettre, selon mon interprétation, a plutôt valeur de document d'information que de « conseil » dans le contexte constitutionnel. Avant que vous quittiez le comité, j'aimerais entendre votre réponse à ce sujet.
    Ma question se rapporte aux délibérations de notre dernière réunion, avec Rob Walsh et Thomas Hall. Je suis certain que vous avez vu ou écouté attentivement le témoignage de ces deux personnes.
    M. Hall était essentiellement en désaccord avec vous, avec la position que vous avez exposée dans un article paru dans l'Ottawa Citizen au sujet du droit des comités de se rassembler pendant une prorogation. Vous avez fait valoir qu'ils pouvaient le faire. M. Hall a fait valoir que — à son avis, à tout le moins — il serait inconstitutionnel de le faire, car une fois que les travaux de la Chambre prennent fin, les travaux des comités cessent également. En fait, si les comités — il faisait allusion aux comités permanents — continuaient à siéger, alors rien ne permettrait de croire qu'un comité plénier ne pourrait pas en faire autant. De fait, cela invaliderait tout simplement une prorogation.
    J'aimerais connaître votre opinion au sujet de l'argument de M. Hall, qui infirme — fondamentalement, je crois — le vôtre et de savoir si vous avez un contre-argument relatif à celui soulevé par M. Hall concernant l'inconstitutionnalité des travaux des comités durant une prorogation.
    En fait, je ne suis pas en désaccord avec lui. Je crois que mes propos publiés dans l'Ottawa Citizen ont été mal compris, je n'aime pas la façon dont mon texte a été remanié.
    Un comité peut faire ce qu'il veut. Il peut essentiellement siéger entre les sessions, comme l'a fait le comité sur l'Afghanistan pendant la prorogation. Le seul problème, c'est que les témoins ne profiteront pas du privilège parlementaire. J'en sais quelque chose, car, lorsque j'ai comparu devant le comité sur l'Afghanistan pendant la prorogation, je savais très bien que je ne disposais pas de ce privilège. À vrai dire, c'est pourquoi j'ai déterminé — je crois que j'étais le premier à le dire — qu'il y avait clairement eu atteinte au privilège lorsqu'on a refusé de transmettre les données relatives aux détenus. Je savais, au moment où je témoignais, que je ne jouissais d'aucun privilège parlementaire.
    Ainsi, un comité peut essentiellement faire ce qu'il veut. Le seul problème, c'est de savoir si les témoins seront protégés par le privilège parlementaire.
    Si vous dites que les comités peuvent siéger, je ne suis pas certain, hormis l'absence d'immunité, du poids et des pouvoirs qu'ils ont ou n'ont pas. Ce qu'il fait valoir, c'est que, si un comité moins important peut siéger, alors pourquoi pas un comité plénier — ce qui signifierait alors que le Parlement siège toujours?
    Comme je l'ai dit, puisqu'il n'y a aucun privilège parlementaire, la possibilité qu'une telle chose survienne est en fait presque nulle. De plus, pourquoi le comité plénier siégerait-il? Si, comme c'était le cas du comité sur l'Afghanistan, il voulait étudier une question précise... On m'a demandé mon avis, à savoir si le refus de transmettre les données relatives à la question des détenus constituait clairement une atteinte au privilège, et j'estimais pouvoir faire face aux risques liés à l'absence de privilège parlementaire et témoigner devant le comité, et je l'ai fait.
    M. Hall a dit qu'il croit — c'est son opinion, du moins — que c'est inconstitutionnel. Vous dites que les comités peuvent siéger, qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent. Mais qu'en est-il de l'argument constitutionnel?
    Je crois que cela dépend de ce qui ressort de la séance du comité. Dans le cas du comité devant lequel j'ai comparu, je crois que toutes les personnes présentes étaient généralement d'accord pour dire que les faits établissaient clairement qu'il y avait atteinte au privilège, et cette idée s'est rendue jusqu'à la Chambre. Aucune décision n'a réellement été prise au cours de la réunion de ce comité, mais de l'information très importante a été transmise, par moi et par d'autres — je crois que j'ai comparu le même jour que le colonel Drapeau, qui a soutenu mon témoignage —, et cette information a été présentée à la Chambre des communes et, au bout du compte — j'étais heureux de le constater — le Président a confirmée cela hier.
(1140)
    Je crois...
    Pardon; permettez-moi de répondre aux deux questions.
    Oui, effectivement; il nous reste un peu de temps.
    Je comprends le cercle vicieux potentiel que vous évoquez, mais n'oubliez pas que, à mon avis, on n'a jamais, dans toute l'histoire canadienne, décrété de prorogations sans qu'il n'y ait eu une forme de préavis — qu'il soit officiel ou non — après quoi, s'il y a matière à penser que le premier ministre tente de contourner un vote de confiance clair ou de compromettre les privilèges parlementaires des comités, le Président peut alors dire au gouverneur général qu'il y a un problème. Encore une fois, comme je l'ai dit, il ne s'agit pas d'une règle juridique, mais cela lui permet d'exercer ses pouvoirs de réserve à cette fin.
    Si vous pouvez relever une seule occasion où on a décrété la prorogation sans une forme ou une autre d'avis officiel, alors, je suis d'accord avec vous, ma position est problématique.
    Monsieur Paquette, c'est à votre tour.

[Français]

    Je voulais simplement poser la question que je n'ai pas eu la chance de poser tout à l'heure, car je veux bien comprendre une chose.
     Vous parliez d'un processus menant à une règle conventionnelle contraignante. Cette règle conventionnelle serait construite autour d'ordres permanents et peut-être de quelques mesures législatives. Elle deviendrait contraignante à partir du moment où un gouvernement ou le premier ministre qui l'enfreint en paie le prix politique. À la longue, les premiers ministres qui suivront comprendront que s'ils ne respectent pas cette règle qui sera davantage connue, ils auront ce prix politique à payer.
    Est-ce que je comprends bien comment cela se construirait?

[Traduction]

    Oui, mais en plus du coût politique d'une telle manoeuvre, il est possible que la gouverneure générale — une fois informée des droits et privilèges de la Chambre des communes — refuse la prorogation en vertu de ses pouvoirs de réserve.
    Il y a donc deux conséquences possibles: premièrement, le coût politique; deuxièmement, le fait que le gouverneur général soit habilité à refuser la prorogation.

[Français]

    D'accord, merci.

[Traduction]

    Ça alors! Nous nous en sortons très bien.
    M. Albrecht et M. Holder vont brièvement poser des questions, puis nous redonnerons la parole à David, si nous le pouvons.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, j'ai un commentaire, puis je poserai brièvement une question.
    Monsieur Mendes, vous avez mentionné qu'on devrait encourager la société civile à participer... Et je crois que nous somme tous au courant de l'existence du groupe Facebook. Vous dites que, la moyenne des Canadiens étaient « indignés ». Je remettrais cela en question, premièrement, compte tenu du nombre relativement modeste de membres dans ces groupes Facebook et, deuxièmement, parce qu'il est extrêmement facile d'y participer. Si on parle là d'engagement politique, alors je crains pour notre pays: une simple histoire de pointer et de cliquer. Alors je contesterais cela.
    L'autre argument que j'aimerais présenter se rattache à la page 3 de votre mémoire. Vous proposez de modifier le Règlement afin de ne pas permettre la prorogation dans la première année qui suit un discours du Trône.
    En quoi la prorogation au cours de la première année est-elle une plus grande menace pour la démocratie que la formation d'une coalition quelques semaines après une élection où les Canadiens ont clairement fait connaître leur volonté quant au gouvernement qu'ils voulaient voir en place?
    On m'a demandé de venir témoigner surtout pour présenter une analyse juridique, mais, puisque vous m'y contraignez, je vais m'aventurer dans d'autres voies.
    Premièrement, pour ce qui est de votre argument selon lequel 225 000 personnes sur Facebook n'est rien, eh bien, j'aimerais bien que vous leur disiez.
    Je n'ai pas dit « rien ».
    Je suis certain qu'il y en a dans votre circonscription.
    Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, j'ai parlé d'un réseau « relativement » modeste.
    Et, deuxièmement...
    La proportion de citoyens canadiens était très modeste.
    ... Je ne vais pas me lancer dans une analyse politique, mais les sondages révèlent clairement que les Canadiens étaient outrés par cet événement, ce qui s'observe même dans les sondages actuels. C'est tout ce que je voulais dire quant aux conséquences politiques de ce qui est arrivé.
    Je m'excuse, quel était l'autre volet?
    Je me demande tout simplement comment la prorogation dans l'année qui suit un discours du Trône pourrait bien constituer une plus grande menace pour la démocratie que la formation d'une coalition dans les semaines qui suivent une élection.
    Encore une fois, cela suppose que je m'aventure dans le domaine politique, mais je vais essayer de répondre quand même.
    Je crois que le devoir fondamental primordial — ou la base de notre démocratie constitutionnelle — est le gouvernement responsable: le pouvoir exécutif est responsable devant les membres élus et est autorisé à exercer le pouvoir seulement à condition d'avoir la confiance de la Chambre. Aucun principe n'est plus sacré.
    Par conséquent, même après un discours du Trône, si le gouvernement perd le vote de confiance, il faut, au nom de la démocratie, déclencher des élections — on n'a pas le choix — plutôt que de procéder à...
    Permettez-moi de terminer.
    Si, toutefois, les autres partis de la Chambre des communes sont en mesure d'éviter une élection très coûteuse, alors le gouverneur général est habilité — comme on l'a vu par le passé — à déterminer si l'opposition peut s'unir afin de former un gouvernement.
    Et, lorsqu'on déclare que c'est illégitime ou qu'il s'agit d'un coup d'État — c'est une atteinte à l'histoire constitutionnelle de notre pays.
(1145)
    Je suis certainement d'accord, monsieur...
    Cela revient essentiellement à dire que ce qu'a fait Robert Borden était scandaleux et que ce qui est arrivé en Ontario avec David Peterson était scandaleux.
    Je veux dire, cette position est tout simplement impossible à défendre de façon convaincante.
    Monsieur Holder, avez-vous une question?
    Eh bien, remercions le ciel que M. Rae, lorsqu'il était le premier ministre de l'Ontario, n'a rien fait de révoltant.
    J'ai deux ou trois choses à dire. Vous avez commencé nombre de vos commentaires en précisant qu'il s'agissait de votre avis. Je vous suis reconnaissant de votre candeur, car je reconnais qu'il s'agit de votre avis. Tout comme l'avis que transmet le premier ministre au gouverneur général, vous nous faites certainement part de votre avis.
    Vous avez dit reconnaître que la démarche constitutionnelle n'est pas la bonne voie à prendre. L'appel que vous lancez aux groupes de commettants — comme je vous ai entendu le faire au cours de votre témoignage aujourd'hui —, me donne l'impression que vous tentez de présenter l'argument de la société civile. C'est-à-dire que, si vous n'êtes pas capable de passer quelque chose par la porte d'en avant, vous allez essayer de le faire par la porte d'en arrière. C'est tout simplement l'impression que me laisse votre exposé.
    Voici la question que je vous pose. Vous avez affirmé que le Président a le même pouvoir que le premier ministre lorsqu'il s'agit de faire appel au gouverneur général. En fait, je suis assez étonné de cette affirmation relative à la capacité du Président de prodiguer des conseils au gouverneur général.
    Quel est le précédent, au Canada? À quel moment en est-on arrivé?
    Permettez-moi de réagir aux remarques qui ont précédé votre question.
    Tout d'abord, je n'ai pas appuyé ces arguments exclusivement sur le fondement de la règle conventionnelle qui touche la société civile. Je les appuie sur une décision des membres élus d'ajouter au Règlement des dispositions qui créeront alors la règle conventionnelle.
    Ainsi, c'est toute une déformation de mes propos que de dire que je les appuie sur la société civile — mais j'espère que la société civile sera fortement en faveur de cela, comme elle l'a été, comme elle a déclaré qu'elle le serait, au cours du débat sur la prorogation.
    Par souci de clarté, il s'agissait de « certains » membres de la société civile.
    Eh bien, nous pourrions replonger dans ce débat. Toutefois, le pouvoir du Président, comme on l'a démontré hier, découle de son rôle de gardien, si vous voulez, des droits et privilèges dont jouissent les membres élus de la Chambre des communes...
    Monsieur, je ne veux pas vous interrompre, mais notre temps est limité.
    Je vais vous arrêter, monsieur Holder. Votre temps est écoulé...
    Mais, monsieur le président, j'ai effectivement posé une question, à laquelle le témoin n'a pas répondu. Je lui ai demandé quel était le précédent canadien et j'aimerais obtenir une réponse.
    Eh bien, nous verrons si les questions de M. Christopherson susciteront cette réponse. Nous lui avons procuré l'une de ses réponses durant notre tour. On dirait que l'on fait des échanges aujourd'hui.
    Allez-y, David.
    Merci, monsieur le président, je vous suis reconnaissant de cela.
    Avant de poser ma question, j'aimerais faire un suivi. Vous savez, je ne m'inquiète pas outre mesure du fait que les membres du gouvernement, en connaissance de cause, manipulent les dispositions de la Constitution à leur avantage — je serais moins troublé par cette idée —, mais je crains qu'ils ne comprennent vraiment pas que le pouvoir suprême au Canada tient à un vote majoritaire à la Chambre des communes.
    Si je ne m'abuse, après une élection, il faut qu'il y ait un vote à un certain moment pour déterminer si la personne qui occupe actuellement la charge de premier ministre continue à avoir la confiance de la Chambre, qui équivaut à un vote majoritaire. La population n'élit pas un premier ministre; elle élit une Chambre des communes. Si le premier ministre ne peut pas obtenir un vote majoritaire et que nous venons tout juste de tenir une élection, le gouverneur général a la possibilité de faire appel à n'importe quel autre membre de la Chambre si elle a de bonnes raison de penser que cette personne serait peut-être en mesure d'obtenir un vote de confiance majoritaire, car c'est là la source du pouvoir.
    Ai-je dis quelque chose d'inexact?
    Tout ce que vous avez dit était tout à fait exact.
    Merci beaucoup.
    Pour revenir au Président, nous étions...
    Pardon?
    Une voix: Même si le discours du Trône... [Note de la rédaction: inaudible]
    Quel est le rapport?
    Excusez-moi; veuillez vous adresser au président ou au témoin.
    Merci.
    Cela ira mieux si vous vous adressez à moi, David.
    Ont-ils terminé?
    C'était très bien: vous m'avez posé cette question à moi, David. C'est beaucoup mieux.
    Je sais où est le pouvoir dans la salle.
    Nous sommes prêts à entendre votre prochaine question.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous suis reconnaissant.
    Je veux seulement revenir sur un point. Vous avez posé une question au sujet du système proactif et réactif, et vous avez demandé que l'on vous donne un exemple.
    Je n'ai pas étudié la chose en profondeur, mais voici un exemple des plus récents. Le premier ministre n'a même pas eu la courtoisie d'aller voir la gouverneure générale. Il a fait un appel téléphonique. Je m'étonne qu'il n'y ait pas envoyé un bref courriel avant de suspendre la session parlementaire.
    Dans ce cas, je crois qu'il n'y a eu aucun véritable préavis. J'ai peut-être tort, si les dirigeants de la Chambre ou les chefs de parti ont bénéficié d'une telle courtoisie, mais, en ma qualité de député, j'ai appris la nouvelle dans les médias. C'était déjà un fait accompli.
    Je demande simplement comment nous exercerions le droit du Parlement d'envoyer le Président transmettre l'opinion majoritaire au gouverneur général, qui a déjà entendu l'opinion du premier ministre, si nous sommes déjà en intersession, disons, pour la période des Fêtes. Comment procéderions-nous, alors?
(1150)
    Premièrement, une fois que vous avez modifié le Règlement et adopté les dispositions législatives habilitantes, on peut les transmettre en avance, avant que se produise quoi que ce soit. De plus, dans la situation que vous avez décrite, je crois qu'il y a eu des discussions pendant presque semaine — par les « classes placoteuses », je l'avoue — relativement au fait que la prorogation était imminente. Mais il ne fait aucun doute qu'on peut combiner cela à la communication des nouvelles dispositions — réglementaires et habilitantes — en guise de préavis.
    Très bien. J'ai bien pris note du fait qu'il est possible d'intégrer cela — c'est-à-dire, transmettre l'information au gouverneur général pour qu'il en prenne connaissance et la conserver au dossier au cas où il en serait question. Je comprends cela. Ce que je ne comprends pas tout à fait, par contre, c'est comment on procéderait si, par exemple, il y avait des aspects particuliers se rattachant à une situation donnée. Nous pouvons imaginer n'importe quel scénario. Supposons qu'il y a des données relatives à la prorogation qui ne sont pas du tout prises en compte dans le préavis transmis.
    Comment, alors, les députés, par l'intermédiaire du Président, déclencheraient-ils le mécanisme de communication avec le gouverneur général? Ce dernier peut-il prendre l'initiative de le faire, ou a-t-il besoin de la motion? Le cas échéant, je reviens à ma question initiale: comment adoptons-nous la motion si la Chambre ne siège pas au moment de la prorogation?
    C'est là que les lacunes du système pourraient s'avérer avantageuses. À mon avis, le mieux qu'on puisse espérer, si le système est en place, c'est que le gouverneur général connaîtra assez bien les droits et les privilèges des membres élus et qu'il sera en mesure d'exercer ses pouvoirs de réserve de façon à défendre les droits et privilèges de la Chambre des communes.
    Il n'y aura pas de garantie absolue, mais, puisque le gouverneur général sera suffisamment renseigné au sujet de la volonté de la Chambre, j'espère que cela suffira. Il ne faut pas oublier non plus que l'autre sanction se rattache au coût politique. Prenez certaines des règles conventionnelles les plus importantes, et vous constaterez que c'est le coût politique qui assure le caractère contraignant de la règle — dans le cas du pouvoir de désaveu — depuis plus d'un siècle. Il s'agissait seulement du coût politique.
    Me reste-t-il du temps? D'accord.
    On m'a dit que, selon la règle généralement appliquée, si l'événement survient dans les trois à six premiers mois, le gouverneur général a presque la responsabilité de chercher à voir s'il y a une autre majorité, plutôt que de plonger le pays dans de nouvelles élections. Entre six et neuf mois, c'est un peu douteux. Après neuf mois, il est probable qu'une période suffisante se soit écoulée pour que la gouverneure générale soit susceptible de dire qu'elle ne peut pas se fier aux résultats de la dernière élection, que trop de choses se sont passées, et de déclencher de nouvelles élections.
    Trouvez-vous ces règles générales raisonnables?
    C'est tout à fait raisonnable. Je crois que la période de neuf mois est probablement la limite.
    Si un discours du Trône avait été adopté dans le premier mois et que, trois mois plus tard, il y avait matière à mettre aux voix une motion de censure, quel que soit le motif, et qu'elle était adoptée, le gouverneur général doit-il alors intervenir? Sommes-nous alors dans une situation où il doit trouver un nouveau premier ministre afin que le gouvernement puisse poursuivre ses activités ou déclencher des élections?
    Permettez-moi de répondre à votre question de façon détournée. Je crois qu'il importe d'établir un cadre global au lieu de nous en tenir à des questions susceptibles diviser les partis.
    Le Canada verra probablement bien d'autres gouvernements minoritaires. Compte tenu de la structure des partis au pouvoir à l'heure actuelle, nous verrons peut-être des gouvernements minoritaires pour les 10 à 20 prochaines années. Si nous ne tranchons pas la question de savoir s'il est possible de former un gouvernement de coalition fondé sur une majorité simple, alors notre pays est aura des problèmes.
    Par conséquent, les partis doivent s'entendre sur la façon de procéder lorsque la majorité dépend d'un seul député. Dans ce cas, l'absence de consensus pourrait entraîner des conséquences catastrophiques pour le pays, selon moi. Ainsi, tous les partis ont intérêt à convenir de limites à ce chapitre. Au bout du compte, tous les partis profiteront de ce type de règles.
    Les conservateurs verront les choses avec plus de lucidité lorsqu'ils occuperont les bancs de l'opposition.
    Il est incroyable de constater que nous avons fait notre plus long tour de questions, bien après avoir décidé d'abréger.
    Je vous demanderais d'essayer de vous en tenir à une seule question par intervention, s'il vous plaît. Il nous reste un peu de temps.
    Madame Jennings, si vous voulez, et je donnerai ensuite la parole à M. Reid. Ensuite, nous verrons s'il reste du temps pour quelqu'un d'autre.
    Allez-y.
(1155)
    J'aimerais revenir sur une question: selon le principe du gouvernement responsable, dans notre démocratie parlementaire constitutionnelle, le gouvernement règne tant et aussi longtemps qu'il jouit de la confiance de la Chambre. Je crois que, hier, le premier ministre Harper a fait exactement la même déclaration.
    Ainsi, lorsqu'un discours du Trône est adopté, par exemple, cela signifie que le gouvernement jouit de la confiance de la Chambre. Il est possible que, le lendemain ou 10 jours ou 10 mois plus tard, il y ait d'autres votes de confiance, parce que le premier ministre aura considéré que certains de ces votes sont des votes de confiance — et il peut le faire presque chaque fois qu'on met une question aux voix. D'autres sont considérés comme des votes de confiance en application de règles conventionnelles. En conséquence, cela signifie que la Chambre donnera ou retirera sa confiance au gouvernement. Si la Chambre retire sa confiance au gouvernement, alors nous sommes dans une situation où, au bout du compte, le gouverneur général, en vertu de son pouvoir illimité, peut, sur les conseils du premier ministre, dissoudre le gouvernement ou non.
    Je veux seulement m'assurer que la constitution et notre démocratie parlementaire constitutionnelle fonctionnent effectivement de la façon que je viens de décrire. Je ne veux pas m'attirer les foudres de mon collègue Dave. Je veux qu'il sache que je comprends effectivement comment cela fonctionne.
    Des voix: Oh, oh!
    Pouvez-vous répondre brièvement afin que nous puissions donner la parole aux autres?
    Certainement.
    Je crois qu'il n'y a aucune incompatibilité entre les propos de Mme Jennings et ceux de M. Christopherson, mais il est important de comprendre que, lorsqu'on prononce un discours du Trône, et que, à la suite de ce discours du Trône, à cause d'une pilule empoisonnée que le gouvernement essaie de faire passer et que l'opposition refuse d'avaler — je crois que tout le monde sait de quoi je parle —, en vertu de leur pouvoir constitutionnel, les partis qui souhaitent former un gouvernement de coalition pour gouverner le pays ont tout à fait le droit d'aller voir le gouverneur général et de lui dire qu'ils sont en mesure de former un gouvernement. Quiconque dirait qu'il s'agit là d'une forme de coup d'État, d'une forme de gouvernement irresponsable, ne comprend pas les fondements de notre démocratie.
    Merci.
    Monsieur Reid.
    Merci, monsieur le président.
    Je crois que nous savons tous que le Président de la Chambre a le droit — voire l'obligation — d'informer le gouverneur général des privilèges de la Chambre, ce qu'il fait dans le cadre d'une cérémonie lorsqu'il se rend au Sénat pour entendre le discours du Trône. Je crois qu'il y a une différence entre le fait d'informer, d'affirmer les droits indépendants des pouvoirs du gouverneur général, car, aux termes de notre Constitution et de celle de la Grande-Bretagne... La Couronne, bien qu'elle jouisse de certains pouvoirs, ne les détient pas tous, et les lois doivent être adoptées par les chambres du Parlement, puis être présentées à la reine ou au gouverneur général, selon le cas, aux fins de signature. Le même principe s'applique ici: dans notre pays, le caractère légal est déterminé non pas par la reine ou le gouverneur général, mais par les tribunaux. On ne peut pas dépenser un cent sans l'approbation de la Chambre des communes, etc.
    Il ne s'agit pas là de conseiller le gouverneur général. Il s'agit de l'informer du fait que nous affirmons les droits que nous confère la Constitution. Prodiguer des conseils, c'est une autre histoire. Un conseil suppose que le gouverneur général exerce ses pouvoirs, les pouvoirs dont il dispose véritablement, les pouvoirs exécutifs. Je ne suis vraiment au courant d'aucun cas où le Président donne des conseils.
    Pour revenir à la question de M. Holder, pouvez-vous donner un exemple tiré de l'histoire constitutionnelle du Canada ou peut-être de l'histoire constitutionnelle de la Grande-Bretagne au cours des deux ou trois derniers siècles, ou peut-être de l'histoire constitutionnelle de nos provinces, où le Président a prodigué des conseils à la reine, au gouverneur général ou au lieutenant-gouverneur, selon le cas, au sujet des pouvoirs réels de l'exécutif plutôt que de l'informer des autres pouvoirs qui ne sont pas de son ressort?
(1200)
    Monsieur Reid, merci beaucoup. Je crois que, en fait, vous avez répondu à la question qu'a posée Mme Holder au sujet des précédents. C'est précisément ce que j'avançais: lorsqu'on parle de conseils...
    Rendons-nous à l'évidence, le premier ministre n'a pas vraiment donné de conseils à la gouverneure générale la deuxième fois qu'il a prorogé le Parlement. Essentiellement, il a dit: « Faites le ». Alors, les...
    Excusez-moi, mais il s'agit effectivement d'un conseil — vous avez tout à fait raison —, et, en pratique, conseiller équivaut à donner un ordre. Officiellement, on dit: « Je crois que vous devriez faire ceci », mais, de fait, on donne un ordre. Le seul recours du gouverneur général à n'importe quel moment consiste à dire: « Je refuse et, par conséquent, vous êtes congédié du poste de premier ministre. » C'est ainsi que fonctionne un système, selon les conventions.
    Monsieur Reid, vous avez tout à fait raison dans vos propos, et c'est la raison pour laquelle je crois qu'il suffit au Président de présenter simplement le Règlement au gouverneur général pour l'informer de la volonté de la Chambre, du Parlement. Ainsi, il peut alors exercer ses pouvoirs de réserve pour rejeter la recommandation.
    Alors, merci beaucoup. Je crois que vous avez renforcé mes arguments.
    Eh bien, je suis heureux de me rendre utile.
    Des voix: Oh, oh!
    Il y a de l'amour dans l'air.
    Monsieur Holder, vous pouvez y aller, et s'il reste du temps, j'aimerais poser une question aussi, si c'est possible.
    Et j'aimerais seulement présenter une brève motion, s'il reste du temps, monsieur le président.
    Certains d'entre vous qui siégez au comité avec moi savez que ma mère vient du Cap-Breton.
    Je peux vous dire, monsieur Mendes, que vous avez plus d'opinions qu'elle, ce qui n'est pas peu dire. Je dis cela avec beaucoup de respect.
    Vous avez exprimé une autre opinion lorsque vous avez décrit les membres de l'opposition comme une « coalition ». J'aimerais les défendre, si vous le permettez, mais vous leur avez attribué un titre officiel, alors qu'il est seulement question de votre opinion, je sais.
    Une voix: Nous allons le prendre.
    M. Ed Holder: Cela ne me surprend pas, à vrai dire.
    Le président: Adressez-vous au président, s'il vous plaît, adressez-vous au président.
    M. Ed Holder: Qu'ils le fassent, oui, car ils m'interrompent, monsieur le président.
    Voici la question que je vous poserais, si vous le permettez. J'aimerais revenir à la question que j'ai posée. Je vous saurais gré de donner une réponse officielle en plus de vos commentaires. Envoyez-nous une lettre, pour que je puisse avoir une idée, parce que — si vous permettez —, vous êtes professeur et menez des travaux de recherche et vous le ferez de façon réfléchie.
    Je vous ai demandé — et il semble que mon entrée en matière était trop longue, alors je ne vous ai pas donné la possibilité de répondre comme il faut...
    On dirait que c'est la tendance de l'heure.
    Vous avez dit que, à votre avis, le Président a le pouvoir de conseiller le gouverneur général. Je vous ai demandé de trouver un précédent dans l'histoire parlementaire du Canada.
    M. Reid vient tout juste de répondre à votre question, essentiellement, lorsqu'il a dit que le Président est habilité à informer le gouverneur général...
    Je vous ai demandé de me citer le précédent, monsieur, de me dire quand il a fait cela.
    Le...
    Je ne veux pas savoir si, à votre avis, c'est possible. Quel est le précédent qui établit que cela a effectivement déjà été fait, monsieur?
    Je réponds encore et encore à la même question. Je crois que M. Reid vient de vous répondre.
    Eh bien, répondez-moi, alors. Faites comme si je n'avais pas entendu.
    Le Président est habilité à informer le gouverneur général — ce qu'il a fait à de nombreuses occasions, d'ailleurs — de la façon dont le... Et il dit que c'est une cérémonie, mais la pratique pourrait facilement s'étendre à essentiellement informer le gouverneur général de la teneur du Règlement.
    Mais je ne vous demande pas une hypothèse. Je vous demande...
    Voici ce que je vais faire: je vous demanderais de repartir avec la question, de faire des recherches et, par l'intermédiaire du président, pourrais-je vous demander de revenir avec une réponse officielle, non pas sur ce qui pourrait être, mais sur ce qui a été? C'est ce qu'on entend par « précédent ».
    Pourrais-je vous demander cela, s'il vous plaît, monsieur? Merci.
    S'il y a des cas de ce phénomène, nous aimerions bien les connaître.
    Permettez-moi de répondre à cette question. Il n'y a jamais eu de cas...
    Ah! Merci.
    ... qui traite de...
    M. Ed Holder: C'est tout. C'est tout.
    M. Errol Mendes: Il ne me permet même pas de terminer ma réponse.
    Il n'y a jamais eu de cas où le gouverneur général a refusé de sanctionner une loi. Est-ce que cela signifie qu'il n'y a aucune règle conventionnelle, que le gouverneur général ne peut jamais refuser de sanctionner une loi?
    Je pense que M. Holder me tend un piège. C'est irresponsable, et je ne me laisserai pas prendre.
    Merci.
    Alors vous ne vous engagerez pas devant le comité à le faire, à coucher cela sur papier, monsieur?
    C'était ma question au nom du comité, monsieur le président.
    Au nom du comité, nous allons vous demander si vous pouvez nous fournir un cas où cela a été fait, où le Président d'une Chambre a donné des conseils à un gouverneur général ou à un lieutenant-gouverneur, dans le cas d'une province. Veuillez nous en informer.
    Je viens tout juste de répondre à la question.
    D'accord. Merci.
    Nous avons dépassé le temps attribué au professeur Mendes.
    Nous devons le remercier d'être venu ici aujourd'hui.
    Nous accueillons maintenant M. Russell.
    Devons-nous suspendre les travaux pour passer d'un témoin à l'autre?
    Des voix: Non.
    Le président: Alors, allons-y.
    Je proposerais que nous entendions maintenant la déclaration préliminaire de M. Russell.
    Je sais que vous venez tout juste d'arriver, que vous êtes frais descendu d'un taxi et que vous avez dû vous soumettre à toutes les mesures de sécurité.
    Le portier a gaffé ce matin. On va probablement m'actionner... et annuler.
    Non, habituellement, ils sont assez bons.
    Faites attention à ce que vous dites.
    M. Peter Russell: Pardon?
    Le président: Prenez garde lorsque vous dites quelque chose de quelqu'un.
    M. Peter Russell: Oui, je sais. Peut-être qu'aujourd'hui je pourrais invoquer le privilège parlementaire.
    Le président: D'accord, monsieur Russell, je suis ravi de vous voir ici aujourd'hui.
    J'ai effectivement une déclaration préliminaire.
(1205)
    Veuillez procéder, alors. Merci, je vous souhaite la bienvenue, et tout le reste — maintenant, allons-y.
    Je suis absolument ravi d'être ici, monsieur le président.
    La question que l'on doit étudier revêt une importance fondamentale pour la démocratie parlementaire du Canada, dont les règles ne sont pas écrites dans les livres de droit ni dans l'ancienne Constitution; elles découlent surtout de principes, de pratiques et de conventions qui ont fait consensus, ce qui signifie que vous — les députés de tous les partis — devez vous entendre. Lorsque vous ne le faites pas, vous laissez le pays dans l'anarchie et vous laissez votre gouverneure générale, que je conseille parfois, jouer le rôle de l'arbitre dans un jeu où les joueurs ne s'entendent pas sur les règles. Alors, je suis ravi de voir ici présents des membres de tous les partis s'efforcer de régler la question de la prorogation. Elle compte parmi plusieurs autres questions qui ne font pas consensus et qui nécessitent la mise en place de conventions, et je suis très heureux de vous voir ici.
    Vous avez mon mémoire entre les mains. Je vais le parcourir rapidement et vous dire des choses que vous savez sans doute déjà.
    La prorogation est la fin d'une session du Parlement sans qu'il y ait dissolution du Parlement. Normalement, une prorogation est un événement incontesté de la vie du Parlement et ne soulève aucune controverse. Son utilisation normale sert à mettre fin à une session quand une grande partie des travaux de la session sont achevés, et qu'il y a un besoin reconnu d'accorder un congé saisonnier. Une nouvelle session de la législature débute après le congé, par un discours du Trône présentant un nouveau programme du gouvernement. Voilà la norme, et, de fait, toutes les prorogations dont j'ai été témoin étaient essentiellement de cet ordre.
    Le pouvoir de prorogation, le pouvoir juridique de prorogation, ne vous appartient pas. Il n'appartient pas au premier ministre. Il appartient sans équivoque à la Couronne. Depuis les lettres patentes du roi George VI en 1947, ce pouvoir particulier de la Couronne, ainsi que le pouvoir de dissoudre et de convoquer le Parlement, devaient être exercés par le gouverneur général du Canada.
    Une convention constitutionnelle bien établie exige que le gouverneur général exerce ce pouvoir uniquement — uniquement — sur recommandation de son principal conseiller constitutionnel, le premier ministre du Canada. Voilà la règle normale.
    Une controverse est née récemment au sujet des circonstances dans lesquelles le gouverneur général devrait remettre en question, voire décliner, une demande de prorogation du premier ministre. Dans les deux situations qui ont soulevé la controverse, on se demandait si la prorogation n'avait pas été demandée par un premier ministre pour éviter au gouvernement de rendre des comptes à la Chambre des communes.
    La recommandation du premier ministre Harper le 4 décembre 2008 que la gouverneure générale proroge le Parlement semblait, aux yeux de beaucoup, viser à éviter un vote de confiance imminent à la Chambre des communes. Comme vous le savez, la confiance de la Chambre des communes est essentielle au droit de gouverner au Canada. La recommandation du premier ministre, le 30 décembre 2009, que la gouverneure générale proroge le Parlement semblait viser à éviter un examen du traitement des détenus afghans par un comité de la Chambre des communes.
    Constitutionnellement, cette controverse soulève la question de savoir si le gouverneur général a un quelconque pouvoir discrétionnaire dans l'exercice du pouvoir de proroger le Parlement.
     Dans le système de gouvernement parlementaire du Canada, tel qu'il a évolué depuis environ 150 ans, la convention constitutionnelle exige que le gouverneur général exerce normalement les pouvoirs légaux de la Couronne sur recommandation des ministres responsables à la Chambre des communes afin de respecter le principe de gouvernement responsable.
    Mais il y a de solides arguments pour faire valoir que, dans certaines circonstances exceptionnelles, le gouverneur général, en qualité de représentant de la Couronne, doit jouir du pouvoir de réserve discrétionnaire de rejeter une recommandation du premier ministre.
(1210)
    Le principe régissant l'utilisation de ce pouvoir de réserve de la Couronne devrait être que le recours à ce pouvoir — une décision discrétionnaire du gouverneur général — s'impose pour empêcher l'affaiblissement du gouvernement parlementaire responsable. Voilà la clé pour déterminer s'il convient que le gouverneur général refuse de suivre les recommandations d'un premier ministre.
    Dans le cas de la prorogation, on peut imaginer une situation où un premier ministre défait à la Chambre des communes conseillerait au gouverneur général de proroger le Parlement — non pas pour quelques semaines comme on l'a fait le 4 décembre 2008, mais pour une durée indéfinie. « Votre Excellence, contentez-vous de proroger le Parlement, et, quand cela me chantera, vous pourrez le convoquer, mais je ne vous dis pas quand. » Alors, si le gouverneur général n'avait aucun pouvoir discrétionnaire — aucun — et devait toujours suivre les recommandations du premier ministre, alors, à mon avis, dans une telle situation, la démocratie parlementaire au Canada serait grandement en péril — si ces conseils devaient être suivis.
    La situation que j'ai imaginée ne s'est jamais produite au Canada. Néanmoins, la possibilité d'une telle recommandation appuie fortement l'argument selon lequel le gouverneur général, lorsque le premier ministre conseille la prorogation du premier ministre, ne devrait pas être considéré comme un simple greffier — un greffier royal, un greffier avec une couronne, qui se contente de dire: « Que voulez-vous? Ah, vous voulez la prorogation. Tenez, la voici. Je ne vais pas poser de questions. Allez-y, prorogez la Chambre du peuple, la première institution démocratique au Canada. J'ignore ce que vous faites, mais je ne suis qu'un greffier. Je dois faire tout ce que vous me dites. »
    Dans notre régime constitutionnel, nous cherchons dans les conventions constitutionnelles des règles régissant le bon usage des pouvoirs légaux. C'est la définition d'une convention: une entente politique. C'est pourquoi j'insiste sur le fait qu'il est crucial que vous réussissiez à vous entendre sur le bon usage des pouvoirs légaux. En l'occurrence, le bon usage du pouvoir légal du gouverneur général de proroger le Parlement ou de refuser de le faire.
    Le gouverneur général a-t-il le droit, dans certains cas, de rejeter la recommandation du premier ministre de proroger le Parlement? Et, si le gouverneur général jouit de ce pouvoir de réserve dans quelles circonstances peut-il l'invoquer? Dans quelles circonstances est-il convenable qu'elle rejette une demande et une recommandation visant la prorogation?
    Existe-t-il au Canada aujourd'hui, à l'heure actuelle, une convention constitutionnelle régissant cette situation? N'oubliez pas que l'on ne parle pas de la situation où le premier ministre prodigue le conseil habituel visant la prorogation vers la fin d'une session, lorsque les travaux sont terminés et que les vacances d'été, les Fêtes ou je ne sais quoi s'en viennent. On parle d'un événement qui soulève beaucoup de controverse et qui, aux yeux d'une grande partie de la population du pays et des intervenants sur la scène politique, traduit une tentative d'éviter de rendre des comptes au Parlement. Le gouverneur général jouit-il d'un pouvoir de réserve dans ce cas, et quelles sont les circonstances exactes qui lui permettent de l'exercer?
    Au neuvième paragraphe — pardonnez-moi — figure une petite description de la façon de déterminer — de déterminer — s'il existe une convention constitutionnelle. C'est mystérieux, n'est-ce pas? On ne peut pas tout simplement consulter un livre. Ce n'est même pas comme le Règlement. D'une certaine façon, le Président Milliken a la tâche plus facile. Il peut consulter le Bourinot et ce genre d'ouvrages. Une convention constitutionnelle n'est pas facile à définir, surtout lorsqu'elle fait l'objet d'une vive contestation.
    La Cour suprême du Canada a rendu une décision à l'époque du rapatriement de la Constitution sans le consentement des provinces. Le gouvernement du Canada entendait apporter des modifications fondamentales à la Constitution du pays en se rendant en Grande-Bretagne sans le consentement des provinces. Aucune des dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 ne régissait une telle situation. Le texte est silencieux sur la façon de modifier la Constitution et est entièrement régi par la convention constitutionnelle.
    La Cour suprême a dû travailler dur afin de déterminer s'il existait une convention constitutionnelle visant cette situation et la façon de procéder pour la trouver. Je vais citer le passage de l'arrêt au sujet de la méthode établie par la Cour suprême — pas seulement pour elle, pour nous aussi. C'est une assez bonne méthode. Les auteurs de textes relatifs à la Constitution et les gens qui enseignent ces choses dans nos écoles et dans nos universités reconnaissent largement cette méthode. Une lecture attentive de ce texte peut se révéler très utile.
(1215)
    Voici ce qu'a déclaré la Cour suprême du Canada sur la question de déterminer s'il existe une convention constitutionnelle exigeant qu'il faut obtenir le consentement des provinces avant de demander la modification de la Constitution du Canada en Grande-Bretagne.
    Le passage commence ainsi: « Nous devons nous poser trois questions. »
    Vous remarquerez qu'on dit bien trois questions. Nombreux sont ceux qui croient qu'il est seulement question de la première: « Y a-t-il des précédents? » Ils disent, d'accord, alors voilà: « Y a-t-il des précédents? »
    Mais la Cour suprême poursuit judicieusement ses délibérations, à la lumière d'une documentation exhaustive au sujet des conventions constitutionnelles. Elle n'a rien inventé. Sa démarche ressemblait à celle d'étudiants lisant tous les ouvrages clés et tirant leurs connaissances de ces ouvrages.
    La deuxième question qu'elle dit qu'il faut se poser, question cruciale, est la suivante: « Les acteurs dans les précédents » — les principaux intervenants sur la scène politique, vraiment, dans les précédents — « se croyaient-ils liés par une règle? » Il y avait une règle et ils étaient tenus de la respecter, et on entend par là qu'il y avait une obligation politique — ou morale, si vous voulez.
    La troisième question est celle qui, à mon avis, est le plus souvent oubliée: « La règle a-t-elle une raison d'être? » La Cour suprême ajoute un commentaire important que nous devrions tous garder à l'esprit:
Un seul précédent avec une bonne raison peut suffire à établir la règle. Toute une série de précédents sans raison peut ne servir à rien à moins qu'il ne soit parfaitement certain que les personnes visées se considèrent ainsi liées.
    Monsieur, nous sommes obligés de lever la séance à 13 heures, et nous aimerions avoir le temps de poser des questions.
    J'aimerais que vous entendiez ceci, toutefois.
    Est-ce que quelqu'un vous a parlé de l'arrêt de la Cour suprême au sujet de la manière de définir une convention?
    Non, non, et je ne voudrais pas laisser entendre...
    Ne parlons-nous pas des conventions?
    Le président: Oui.
    M. Peter Russell: Ne serait-il pas utile d'examiner attentivement le point de vue adopté par le premier tribunal du pays à la lumière de l'ensemble du savoir touchant le droit constitutionnel, non seulement au Canada, mais dans le Commonwealth et en Grande-Bretagne, pour déterminer comment on estime qu'il faut procéder? Je crois que cela vaudrait bien une minute ou deux.
    Monsieur, je ne remets pas en question...
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Allez-y.
    Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que nous aimerions entendre le reste du témoignage de M. Russell; ainsi, nous pouvons tous consentir à lui laisser un peu plus de temps que ce qui avait été prévu.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Je suis d'accord avec ce que dit M. Reid.
    Pourrais-je aussi proposer que, pour ce qui est de poser des questions à M. Reid, si nous ne pouvons pas le faire...
    M. Peter Russell: Je m'appelle « Russell ».
    L'hon. Marlene Jennings: Oh, pardon, monsieur Russell.
    Je propose que, si nous ne pouvons pas poser de questions à M. Russell, nous l'invitions de nouveau.
    Nous pouvons faire ces deux choses. Merci. C'est à la discrétion du comité.
    J'ai presque terminé. Je m'excuse, je suis un orateur verbeux.
    Je voulais appliquer la méthode de la Cour suprême à la question qui nous occupe: les conventions en matière de prorogation.
    Premièrement, il y a une foule de précédents de recommandations de prorogation non contestées, mais, que je sache, il n'y a eu aucune situation semblable à celle de 2008 ou de 2009, lorsque la prorogation a été contestée parce qu'elle semblait avoir pour objet d'éviter que le gouvernement rende des comptes au Parlement. Il n'y a pas eu d'indication non plus dans ces précédents non contestés que les acteurs dans les précédents — les dirigeants politiques du gouvernement et de l'opposition — croyaient être liés par une règle selon laquelle il est légitime que le gouvernement demande une prorogation en tout temps, pour n'importe quelle durée et pour n'importe quelle raison.
    Et si une telle règle devait être énoncée, il est difficile d'imaginer la raison qui pourrait être invoquée pour la justifier, sinon que, dans une démocratie, le premier ministre devrait toujours pouvoir faire comme il l'entend. Mais je ferais valoir que, si cette raison pourrait se défendre dans une démocratie où le chef du gouvernement, le premier ministre, est élu directement par le peuple — cela serait peut-être acceptable —, ce n'est pas le cas dans une démocratie parlementaire où le premier ministre dépend du droit de gouverner que lui confèrent la confiance du Parlement et sa responsabilité devant lui.
    Je devrais donc conclure que nous n'avons pas de convention constitutionnelle régissant les demandes de prorogation contestées.
    Les prochains paragraphes contiennent deux ou trois démarches qui pourraient vous intéresser.
    Premièrement, il faut comprendre que, historiquement, les conventions constitutionnelles ne s'établissent pas toujours graduellement, par des précédents. Certaines conventions naissent d'une entente conclue entre les acteurs politiques concernés sur un grand dossier d'importance primordiale, un dossier contesté. Je donne l'exemple de la Déclaration Balfour de 1926, où, de fait, l'empire britannique est devenu le Commonwealth britannique des nations et on a convenu du statut égal du Royaume-Uni, de l'Australie, du Canada, de l'Irlande, de la Nouvelle-Zélande et de l'Afrique du Sud. On l'a fait dans le cadre d'une conférence, d'une réunion entre les premiers ministres. Ils sont arrivés à un consensus sur une déclaration présentée. C'était un aspect fondamental de la transformation du statut constitutionnel de ces pays.
    Au paragraphe 11, je traite de l'unique motion qui a été présentée au cours de cette période de contestation, le seul indice d'un possible fondement pour une convention. Comme vous le savez tous, le 17 mars de cette année, la Chambre des communes a adopté une motion, proposée par l'honorable Jack Layton, exigeant que le premier ministre obtienne le consentement de la Chambre des communes avant de demander une prorogation de plus de sept jours.
    Cette motion, à mon avis, ne peut pas être considérée comme une convention constitutionnelle parce que le premier ministre et les membres du caucus du gouvernement s'y sont opposés. Le premier ministre, particulièrement, est l'un des principaux acteurs dans le cadre de la prorogation, et il ne se sent pas lié par la motion Layton. Mais j'avancerais — toujours plein d'espoir — que cette motion pourrait être une étape importante vers la cristallisation d'une convention constitutionnelle, si elle devient la base de discussions, au sein de votre comité ou d'un comité spécial constitué à cette fin, au sujet de la possibilité d'un accord sur les conditions qui devraient s'appliquer à la recommandation du premier ministre de proroger le Parlement.
    Jusqu'ici, nous n'avons pas vraiment entendu quelles conditions devraient s'appliquer à cette recommandation, selon les conservateurs. Le Canada gagnerait beaucoup à entendre le côté du gouvernement.
    Si les parties s'entendaient sur les règles qui devraient régir la recommandation du premier ministre au gouverneur général de proroger le Parlement, à mon avis, cette entente pourrait être considérée comme une convention constitutionnelle. On aurait ainsi créé une convention constitutionnelle qui n'aurait pas, en soi, force exécutoire. Comme l'a statué la Cour suprême du Canada, les tribunaux ne font pas appliquer les conventions constitutionnelles, mais ils peuvent les reconnaître. Ils peuvent régler des différends à ce sujet, mais ils ne les font pas appliquer. Une telle convention aurait un grand poids politique et serait probablement respectée par le gouverneur général.
(1220)
    Enfin, j'ai entendu parler dans les journaux et le hansard, de la possibilité que le Règlement de la Chambre soit modifié, peut-être dans l'esprit de la motion Layton, par un vote majoritaire à la Chambre, mais que les conservateurs, les membres du caucus du gouvernement, s'opposent toujours à la motion. Que se passe-t-il alors?
    Eh bien, évidemment, à mon avis, il ne s'agit pas d'une convention constitutionnelle, mais un tel ajout au Règlement lierait certainement autant le premier ministre que toutes les autres dispositions du Règlement. Le non-respect de cette nouvelle disposition — si on l'inscrivait au Règlement — par le premier ministre pourrait entraîner une décision ou une conclusion d'outrage au Parlement et peut-être l'adoption d'une motion de censure.
    D'après la convention constitutionnelle, un gouverneur général pourrait démettre le premier ministre qui refuserait de démissionner ou de demander la dissolution — j'aurais dû ajouter cela — après avoir perdu un vote de confiance à la Chambre.
    J'ai exposé mon avis personnel dans le dernier paragraphe, et je vous remercie de m'avoir laissé le temps de m'y rendre.
    Je crois qu'il vaudrait mieux pour le Canada que nos dirigeants politiques élus établissent par consensus les règles régissant les recommandations de prorogation du premier ministre. Suspendre les travaux du Parlement, la Chambre du peuple, l'institution démocratique du pays, n'est pas un événement habituel. C'est un acte d'une très grande importance pour la démocratie parlementaire au Canada. Les Canadiens seront mal servis si leurs représentants élus n'arrivent pas à s'entendre sur cette question et qu'ils exposent le pays à une nouvelle grave crise politique et constitutionnelle sans que des règles soient en place pour gérer la crise.
    Merci.
(1225)
    Merci, monsieur Russell.
    Il nous reste un peu de temps, alors, madame Jennings, la parole est à vous en premier.
    Essayons de poser des questions et de donner des réponses aussi succinctes que possible, et nous verrons combien de gens peuvent intervenir.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Russell. Je suis désolée de la confusion sur votre nom plus tôt. C'est impardonnable, alors je vous présente mes plates excuses.
    Je comprends très bien votre position. Je comprends également que, en votre qualité d'expert, vous n'estimez pas qu'une disposition au Règlement qui établirait des conditions que doit respecter le premier ministre lorsqu'il demande la prorogation constituerait une convention constitutionnelle.
    Pas si on n'obtient pas l'accord d'un des joueurs clés, à savoir le premier ministre et ses collègues conservateurs.
    D'accord. Alors, s'il s'agissait simplement d'un vote majoritaire...
    M. Peter Russell: Non.
    L'hon. Marlene Jennings: ... mais que les votes favorables ne venaient pas de tous les partis représentés à la Chambre, alors on ne parlerait pas d'une...
    Oui.
    L'hon. Marlene Jennings: D'accord.
    M. Peter Russell: Je me range à l'avis de la Cour suprême, qui a précisé que les principaux acteurs devaient se croire liés par la règle.
    Voici ma prochaine question. Si de telles dispositions au Règlement — assorties de dispositions législatives habilitantes — étaient adoptées par la majorité de la Chambre, peut-être rejetées par un parti — le parti au pouvoir ou un autre —, la combinaison de ces deux choses constituerait-elle une convention constitutionnelle?
    Selon moi, non, pas si le premier ministre et le parti particulièrement important qu'il dirige s'y sont opposés.
    Mais alors, qu'arrive-t-il si, par exemple, les dispositions sont adoptées et tous les partis s'entendent? C'est alors une convention...
    Ah, si tous les partis s'entendent, c'est fantastique. Je préférerais qu'il n'y ait pas de loi si tous les partis s'entendent.
    Dès le moment où on recourt aux lois, on risque deux choses. Premièrement, on ouvre la voie aux appels devant les tribunaux afin qu'ils interprètent la loi et ce genre de choses, et, avec tout le respect que je dois à nos juges canadiens, y compris les neuf qui siègent à la Cour suprême, j'estime qu'on ne devrait pas leur demander de trancher ces différends, qui surviennent habituellement peu après une élection. Se retrouver avec un scénario à la Bush-Gore et ignorer qui gouverne, tandis que de grandes affaires sont plaidées devant la Cour suprême du Canada pendant des semaines ou des mois, à mon avis, est une mauvaise idée.
    L'autre chose, c'est que, une fois que vous risquez de vous faire reprocher que vous tentez — d'une certaine façon — de modifier les pouvoirs légalement conférés à la Couronne en adoptant une loi officielle. Vous vous heurtez alors au problème de la modification constitutionnelle, à savoir que toute modification des pouvoirs de la monarchie, de la Couronne ou du représentant de la Couronne au Canada exige le consentement unanime de toutes les provinces.
    Je ne dis pas que ces problèmes surviendraient automatiquement, mais il y aurait des gens qui diraient: « Cette loi m'apparaît comme une tentative dissimulée de modifier la Constitution par la loi. »
    Oui, mais, suivant ce raisonnement, le projet de loi relatif aux élections à date fixe précisait clairement que ses dispositions n'affectaient d'aucune façon le pouvoir illimité du gouverneur général de dissoudre le Parlement et de déclencher une élection. Pourtant, les tribunaux, dans le cadre d'un litige à ce sujet, ont statué que l'autorité du gouverneur général avait été limitée.
    Alors, si on avait un projet de loi qui soulève encore cet enjeu, survivrait-il à une...?
    Encore une fois, l'ennui qui ressort de votre exemple et de la façon dont la Cour fédérale a traité l'affaire — et j'ai rédigé la déclaration solennelle, pour ceux qui croyaient que la demande de dissolution du 7 septembre 2008 contrevenait à une convention constitutionnelle...
    Vraiment?
    ... à la lumière du débat, non pas celui de votre comité, mais du comité qui étudiait le projet de loi C-16...
    Tous les partis étaient d'accord pour dire que les élections surprise n'étaient plus convenables. Le premier ministre a prononcé un discours fantastique à Vancouver et a expliqué que l'objet fondamental était de mettre en place des règles du jeu équitables pour tous les partis, tandis que, dans le cas d'une élection surprise, le gouvernement avait l'avantage de prendre l'opposition au dépourvu ou à un moment où sa popularité est à la baisse et de déclencher des élections même s'il n'a pas été défait à la Chambre. Toutefois, lorsque la gouverneure générale a reçu la demande, il n'y a eu aucun signal de l'opposition — certainement pas de son chef — selon lequel elle était prête à former un gouvernement si la demande de M. Harper était rejetée. Les partis d'opposition n'ont pas émis de véritables protestations.
    J'ai suivi ce dossier de très près, puisque je devais conseiller la gouverneure générale; et celle-ci n'avait pas de véritable option. La leçon à tirer est la suivante: la loi ne vaut pas grand-chose si le motif politique fondamental qui la sous-tend — en l'occurrence, on voulait éviter des élections surprises opportunistes — est tout simplement écarté, pas seulement par les dirigeants du gouvernement, mais par les dirigeants de l'opposition, à peine quelques mois après la mise à l'épreuve de la loi.
    J'ai trouvé atterrant cet abandon d'une excellente entente politique — pas seulement par le gouvernement, permettez-moi de le souligner.
    Je suis beaucoup plus à l'aise avec des dispositions législatives adoptées par la majorité ou même à l'unanimité. Au lieu d'adopter des dispositions législatives, concluez simplement une entente, comme l'ont fait les chefs d'État à Londres en 1926 — vous êtes certainement en mesure de relever le défi — et établissez les conditions qu'il faut rassembler pour qu'une prorogation soit indiquée ainsi que les circonstances où la simple recommandation du premier ministre ne suffit pas.
    Je crois que cela devrait être régi par une entente politique plutôt que par une loi. Je suis convaincu de cela. C'est mon premier choix.
(1230)
    Merci, madame Jennings.
    Monsieur Reid.
    Merci, monsieur Russell.
    Avant de poser mes questions, j'aimerais commencer par exprimer mon opinion.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que les tribunaux sont réticents à trancher des questions politiques, avec raison, et nous devrions aussi être réticents à leur en présenter. Bien sûr, la Cour suprême des États-Unis a une doctrine en matière de questions politiques, qu'elle a établie à la suite d'une tentative — qui s'est révélée inefficace — de la contraindre à se prononcer sur la façon de régler la Rébellion de Dorr, dans les années 1840. Je crois que son raisonnement est sage.
    Je ne suis pas certain d'être de votre avis pour ce qui est de l'exemple de la Déclaration de Balfour. Je ne doute pas du fait que l'entente n'ait pas pris la forme d'une loi, mais elle devait seulement avoir force exécutoire pendant cinq ans, jusqu'à l'entrée en vigueur du Statut de Westminster, si je ne m'abuse.
    Non, c'est beaucoup, beaucoup plus que cela. Le Statut de Westminster a réglé une — seulement une — question. Il n'a même pas permis de la régler entièrement. Il stipulait que, lorsqu'une loi du Royaume-Uni entrait en conflit avec une loi des États-nations — maintenant indépendants et autonomes — du Commonwealth — supposons que la loi en matière de fiducie de la Nouvelle-Zélande était différente de celle du Royaume-Uni —, la loi néo-zélandaise, ou n'importe quelle autre loi interne d'un pays du Commonwealth, l'emporterait, à l'exception d'un seul pays, à savoir le Canada. Étant donné que notre constitution était une loi du Parlement du Royaume-Uni jusqu'en 1982, cette loi britannique conservait son caractère souverain et avait plus de poids que n'importe quelle loi canadienne. C'était pour régler cette question qu'il y avait eu deux ou trois réunions de premiers ministres au préalable, auxquelles a participé M. Bennett quelque temps après son ascension au pouvoir, et c'était l'enjeu fondamental.
    En fait, le principal problème lié au Statut de Westminster consistait à trouver une solution au problème canadien. Mais le principal enjeu tenait particulièrement aux affaires étrangères; la Déclaration de Balfour est particulièrement pertinente à ce chapitre. Prenez une déclaration de guerre. En 1914, le Royaume-Uni a déclaré la guerre, et nous nous sommes retrouvés en guerre. En 1939, grâce à la Déclaration de Balfour, le Royaume-Uni a déclaré la guerre, et notre premier ministre a dit: « Eh bien, nous allons avoir une discussion, et je crois que nous participerons probablement. » Mais nous n'étions pas automatiquement en guerre.
    Le Statut de Westminster est muet à ce chapitre. Une déclaration de guerre n'est pas une loi. La Déclaration de Balfour est le fondement de l'égalité entre les États membres du Commonwealth.
(1235)
    Je n'aurais pas dû vous poser cette question. C'était très instructif, mais nous avons gaspillé trois minutes.
    Des voix: Oh, oh!
    Je voulais simplement m'assurer que vous en compreniez l'importance. Nous en avons bien profité aussi.
    Oui, mais cela m'a écarté de la voie que je voulais prendre, qui, à vrai dire, touche votre ouvrage, Two Cheers for Minority Government. Ce texte a paru — et c'est peut-être malheureux — un peu avant les événements à l'origine de votre présence ici aujourd'hui, mais l'ouvrage contient effectivement des éléments intéressants.
    En particulier, vous vous êtes beaucoup appuyé sur l'ouvrage de Jonathan Boston sur la Nouvelle-Zélande, où il tente de conseiller les Néo-Zélandais qui, à mon avis, ont accepté le fait qu'ils sont plus ou moins condamnés à perpétuité à être dirigés par des gouvernements minoritaires. Quant à l'état de la situation des régimes qui ne sont pas régis par le Statut de Westminster, pour tirer des leçons qu'on peut appliquer à la situation de la Nouvelle-Zélande, je crois que les discussions du comité ont tendance à se rattacher à la dernière prorogation, où cet aspect n'est pas vraiment en jeu. C'est la première prorogation et la tentative de remplacer le gouvernement par un autre gouvernement qui est l'objet de notre étude ici.
    Quoi qu'il en soit, au passage, j'aimerais obtenir de l'information sur une chose. Vous reprenez l'exemple de Boston sur l'Allemagne, l'Espagne et la Suède, qui permettent ce qu'on appelle des « motions de censure constructive », et, si je comprends bien, une motion de censure constructive donne lieu à un vote qui exprime non seulement la perte de confiance à l'égard du gouvernement, mais aussi la confiance qu'on serait prêt à accorder à un gouvernement dirigé par un tel.
    M. Peter Russell: C'est exact.
    M. Scott Reid: Il me semble que cette mesure, si nous adoptions quelque chose comme ça, nous nous éloignerions du modèle de Westminster, selon lequel un vote de censure mène à une élection.
    Ai-je tort? Cela ne reviendrait-il pas effectivement à une révolution des conventions qui nous régissent?
    Cela serait certainement un changement, monsieur Reid.
    Nous pouvons changer de gouvernement sans élection — à tout le moins, c'est ce que croient la plupart des constitutionnalistes — si, après une élection, le gouvernement en fonction est rapidement défait au moment où il veut faire adopter son programme à la Chambre et qu'il existe clairement une solution de rechange. On peut débattre du laps de temps qui doit s'être écoulé depuis l'élection — si bref soit-il —, mais, si l'événement se produit seulement deux ou trois semaines ou seulement deux ou trois mois plus tard, la plupart des constitutionnalistes croient que, s'il existe un gouvernement de rechange et que le gouverneur général, ou le lieutenant-gouverneur, dans le cas d'une province, croit qu'il est assez probable qu'il obtienne la confiance, on peut changer de gouvernement.
    Merci, monsieur Reid...
    Alors, il y a ça aussi.
    Ce qui arrive avec une motion de censure constructive, c'est qu'elle doit faire consensus. Et, ce faisant, il faut reconnaître qu'elle donne lieu à un changement considérable. Une motion de censure constructive — encore une fois, une motion qui dit: « Nous retirons notre confiance à ce gouvernement, mais nous donnons notre confiance, et une majorité d'entre nous le feraient, à tel parti, dirigé par telle personne, s'il formait le gouvernement » — peut survenir à n'importe quel moment durant une session parlementaire, comme on l'a observé en Allemagne, pas seulement quelques semaines ou quelques mois après l'élection.
    Alors, cela constituerait certainement un changement dans le fonctionnement de notre régime parlementaire. En fait, j'estime qu'un tel changement serait très sain, car il ferait en sorte que tous les députés fassent très attention aux votes de confiance, et on éviterait ainsi que le pays soit constamment au bord d'une élection. Je crois que le fait d'être constamment au bord d'une élection nuit à la stabilité du travail de l'assemblée législative au Parlement ou au leadership stable qu'on a intérêt à voir au gouvernement.
    J'espère que vous prendrez cette mesure en considération.
    Je suis heureux que vous ayez posé la question.
(1240)
    Moi aussi. Merci.
    Monsieur Guimond.

[Français]

    J'aurais dû apporter mon chronomètre pour voir combien...

[Traduction]

    D'accord. J'ai le bon canal maintenant.

[Français]

    J'espère que cette difficulté technique n'empiétera pas sur mon temps de parole.
    Professeur Russell, merci de témoigner devant nous. Contrairement à M. Reid, je ne peux pas faire semblant d'avoir lu votre livre d'une page à l'autre. Mes activités parlementaires et mes interventions au cours de la fin de semaine exigent tellement de travail que je n'ai pas le temps de vous lire.
    Par contre, j'ai pris le temps de vous écouter et de lire vos notes. Soit dit en passant, votre document est très bien rédigé, tant en anglais qu'en français. Dans une langue comme dans l'autre, dans le deuxième paragraphe, vous évoquez à deux reprises l'idée de ce qui est « normal »: « Normalement, une prorogation est un événement de la vie du Parlement qui ne soulève aucune controverse. Son utilisation normale sert à mettre fin [...] »
    Plus loin dans le texte, vous dites qu'il y a vraiment eu contreverse lorsqu'on a vu le premier ministre Harper l'utiliser à deux reprises, coup sur coup, en décembre. Je n'ai pas besoin de rappeler ces deux événements controversés puisque tout le monde ici est au courant.
    En fait, vous avez certains doutes quant à l'utilisation politique de la prorogation. J'aimerais que vous commentiez la question rapidement. Ne me donnez pas une réponse de quatre minutes, puisque je n'ai que cinq minutes et j'ai d'autres questions à poser.

[Traduction]

    Excusez-moi, mais quelle était votre question?

[Français]

    On se doit d'encadrer la prorogation pour éviter qu'elle ne devienne un outil politique. Est-ce bien ce que vous recommandez?

[Traduction]

    Je recommande au comité et à la Chambre dont vous faites partie de conclure une entente sur la façon de suspendre vos travaux. C'est là un élément crucial du fonctionnement de tout organe, et je crois que vous devez trancher.
    L'idée que vos travaux puisse être suspendus à tout moment, pour n'importe quelle durée, pour n'importe quelle raison, par le premier ministre, même un premier ministre qui n'a pas de majorité à la Chambre, m'apparaît comme une situation qui vous rend très vulnérable, si le permettez, susceptibles de voir vos travaux suspendus dans toutes sortes de circonstances. Et une grande partie de la population canadienne est très perturbée pour cette raison; pourtant, elle ne l'est pas lorsque la prorogation est utilisée normalement.
    La motion Layton propose une façon de faire. Je dois souligner qu'aucun autre pays sous un régime parlementaire établi sur le modèle de Westminster a conçu une règle pour cette situation. J'ai vérifié les situations de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et du Royaume-Uni. La question de la prorogation n'a jamais fait l'objet d'une grande controverse publique dans ces pays.
    Vous êtes donc en terrain inconnu, monsieur, et je crois que vous devez discuter du genre de règle qui semblerait raisonnable à tout le monde, pas seulement aux trois partis qui ont adopté la motion Layton.

[Français]

    Vous savez que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre est celui qui a le pouvoir de modifier le Règlement de la Chambre. Est-ce exact?
(1245)
    Oui.
     Admettons qu'une motion soit présentée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qu'elle soit adoptée, à l'unanimité ou à la majorité, et qu'on fasse ensuite rapport à la Chambre pour modifier le Règlement afin d'encadrer les principes de la prorogation. Vous semblez dire qu'il y aurait là une évolution et que cela deviendrait une convention constitutionnelle. Vous allez même plus loin en affirmant que la motion déposée par M. Layton est une amorce vers une modification de la convention constitutionnelle.
    Si le Règlement de la Chambre était modifié en vue d'encadrer les modalités de la prorogation, le premier ministre n'aurait-il pas d'autre choix que de respecter le Règlement de la Chambre, sous peine d'être coupable d'outrage au Parlement?

[Traduction]

    Oui, mais je crois que le pays ne s'en porterait que mieux si vous en arriviez à une décision unanime.
    J'ai très attentivement lu le débat du 17 mars au sujet de la motion Layton. J'ai lu les commentaires du gouvernement à ce sujet. Je les ai lus très attentivement. À la lumière de ma lecture, le gouvernement n'a fait aucune proposition relative à ce que devrait être la règle selon lui, autre que, peut-être — il ne l'a jamais dit en termes aussi crus ou peut-être aussi brutaux, que je l'ai fait, ou aussi directement que je l'ai fait — la possibilité de demander la prorogation pour n'importe quelle durée, sans aucune limite — c'est sans importance. Si, contrairement à la demande de M Harper, un premier ministre disait: « Suspendez les travaux de la Chambre; suspendez-les tout simplement, et je vous dirai, madame, quand il pourra reprendre » — Je n'ai pas entendu le gouvernement — le Canada ne l'a pas entendu, votre comité ne l'a pas entendu et, autant que je sache, la Chambre ne l'a pas entendu — exposer sa position sur la règle qui devrait régir les demandes de prorogation du premier ministre.
    Tant et aussi longtemps que vous n'aurez pas tenu une bonne discussion à ce sujet, à mon avis, on n'arrivera pas à grand-chose d'autre que, peut-être, préparer le terrain pour une autre crise — une modification du Règlement, opposée par le gouvernement; une nouvelle disposition au Règlement, enfreinte par le premier ministre; et nous voilà en situation de crise.
    Vous pouvez bien dire: « Eh bien, le premier ministre a tout simplement tort, et nous allons le renverser et nous allons le vaincre aux élections. » D'accord, mais je ne crois pas que c'est ainsi que la plupart des Canadiens veulent que se conduise un gouvernement parlementaire au Canada, de tenir des élections au sujet de règles fondamentales, qu'elles portent sur l'accès d'un comité à des documents sécurisés ou sur les règles régissant la prorogation.
    Vous avez une responsabilité, en votre qualité de députés, d'essayer de trouver une solution. Pouvez-vous imaginer qu'on tienne une élection qui porterait sur ces enjeux? Vous savez tout ce que suppose une élection — les publicités à la télévision, des stratèges en communications. Croyez-vous que c'est une bonne façon d'arrêter les règles fondamentales qui régiront le fonctionnement de la démocratie parlementaire? Pas moi.
    Pardonnez-moi de m'étendre, mais j'essaie de vous sensibiliser à l'urgence de la situation. Vous avez un travail à faire — et il ne suffira pas de retourner aux urnes alors que la démocratie parlementaire est bouleversée de fond en comble parce que, faute d'y avoir travaillé, vous n'aurez pas conclu d'entente sur des règles fondamentales.
    Excusez-moi, monsieur Guimond; mais je ne comprends même pas comment vous pouvez me regarder, même s'il restait encore du temps.
    Des voix: Oh, oh!
    Une voix: Tout cela pour une question.
    Le président: Monsieur Christopherson.
    Eh bien, après avoir bien appris ma leçon...
    Des voix: Oh, oh!
    M. David Christopherson: ... Je vais trouver le courage de poser deux ou trois questions.
    Premièrement, j'aimerais vous remercier, monsieur Russell. J'envie tous ceux qui vous ont eu comme professeur. Je suis certain qu'ils ont compris, peu importe ce que vous essayiez de leur enseigner. Vous êtes un excellent professeur. Je vous remercie.
    J'ai deux questions, si j'ai le temps.
    Premièrement, je suis étonné du fait que personne ne soit revenu à cette question. Le témoin précédent, monsieur Mendes, avançait l'idée — son opinion — selon laquelle, en vertu de notre Constitution, le Président a le droit de donner des conseils au gouverneur général au nom de la majorité du Parlement lorsqu'il croit, ou que cette majorité croit, que ses conseils sont contraires à ceux du premier ministre.
    Nous avons tous été étonnés, car les chefs de partis avaient signé des lettres, lors de la seule crise que nous avons vécue, établissant que, si la gouverneure générale refusait la prorogation, il y avait une forte probabilité d'obtenir une majorité.
    D'après ce que nous comprenons — nous ne sommes toujours pas certains, car beaucoup de ces choses se passent en coulisse — la lettre ne s'est jamais rendue à la gouverneure générale. Dans le cas contraire, on aurait pu changer l'histoire. Ainsi, on se pose la question de savoir si notre Président aurait eu le droit, en vertu de la Constitution, à la suite de l'adoption d'une motion par la Chambre, de transmettre son opinion à la gouverneure générale, qui était instruite d'une décision du premier ministre, qui était peut-être contraire à la volonté de la Chambre. Si on avait entrepris cette démarche et que la lettre avait été transmise, qui sait quel tournant l'histoire aurait pris?
    Pouvez-vous nous donner votre avis sur l'argument de M. Mendes selon lequel la majorité du Parlement et le Président jouissent de ce droit constitutionnel?
(1250)
    À ma connaissance, aucune convention ni loi écrite ne précise qui peut s'adresser et faire des recommandations au gouverneur général. J'ai conseillé la gouverneure générale, et je suis on ne peut plus sûr, en ma qualité de professeur, que cela n'est mentionné dans aucune loi ni convention. Le gouverneur général obtient des conseils et en demande d'un certain nombre de sources. Je ne suis même pas avocat.
    Quant à savoir s'il conviendrait que le gouverneur général entende les recommandations du Président, à mon avis, il n'y aurait aucun problème. Je crois que le Président doit y réfléchir sérieusement, car s'il s'apprête à s'embarquer dans un dossier politique brûlant et que sa légitimité... Nous savons que nous avons fait évoluer la charge du Président de sorte que sa légitimité repose sur le consentement des différents partis du Parlement, et le poste est perçu comme étant indépendant de toute affiliation partisane. Alors, je crois que le Président aurait intérêt à réfléchir très sérieusement aux conséquences éventuelles de ses démarches.
    Quiconque est d'avis que les lettres adressées à la gouverneure générale n'arrivent pas à destination et ne sont pas lues devrait faire bien attention avant de dire cela, à moins de disposer de preuves solides. La prémisse de votre question, selon laquelle la fameuse lettre, que des millions de Canadiens ont pu voir dans les journaux ou à la télévision, n'avait jamais été vue par la gouverneure générale est, à mon sens, tirée par les cheveux.
    Si vous voulez affirmer cela, alors je crois que vous devriez vérifier les faits.
    Eh bien, si je peux...
    Ah, je crois que vous le pouvez. Je crois que les collaborateurs de la gouverneure générale vous diront peut-être si elle a vu la lettre ou non.
    Oui. Et la question, bien sûr, est de savoir non pas si elle l'a vue — comme n'importe qui, grâce aux médias et ce genre de choses —, mais si, dans le cadre du processus juridique, elle peut vraiment la prendre en considération lorsqu'elle prend sa décision.
    Oh, mon Dieu, oui. Une lettre est une lettre. Nous savons tous ce que contenait cette lettre. Nous connaissons même tous l'ordre des noms.
    Bon Dieu; je veux dire, ces gens sont actifs. Ils se lèvent le matin et ne font que tout absorber — y compris la gouverneure générale et ses collaborateurs ainsi que ses conseillers — chaque jour, tout comme vous.
    Monsieur Russell, serait-il approprié que le comité envoie une lettre à la gouverneure générale pour lui demander des éclaircissements? Parce que nous ne savons vraiment pas, monsieur.
    Bien sûr. Vous pouvez écrire n'importe quoi à la gouverneure générale.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Peter Russell: Certes, vous le pouvez.
    Une voix: Vous avez aussi ma permission.
    Si les pitres ont terminé, nous allons continuer. Ne vous occupez pas d'eux.
    Merci.
    Merveilleux.
    Madame Jennings.
    Ah, je crois que nous essayerons d'être brefs dans nos questions, si c'est possible.
    Je peux seulement imaginer à quoi cela ressemblera, mais allez-y.
    À vrai dire, je n'ai pas d'autre question.
    J'aimerais simplement déclarer, au nom de mes collègues libéraux — j'espère que je peux parler au nom de mes autres collègues ici dans la salle — que nous vous sommes très reconnaissants, monsieur Russell. Votre exposé ici a été comme un petit cours intense et condensé, au sujet de la démocratie parlementaire constitutionnelle, de la question des conventions constitutionnelles et les rôles, les pouvoirs et les prérogatives des différents organes.
    J'aimerais seulement vous remercier de cela.
    Des voix: Bravo!
    Avec la permission du comité, le président serait ravi de poser une question.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Le président n'a pas souvent ce privilège.
    Je serai très bref. Chronomètre, s'il vous plaît.
    M. Mendes a avancé que, en modifiant le Règlement et peut-être même en adoptant des dispositions législatives pertinentes, nous pourrions créer une convention.
    Oh, je crois que vous le pouvez, mais, à mon avis, vous n'avez pas besoin de faire tout cela pour créer une convention.
    Si les chefs des quatre partis du Parlement se réunissaient et, après avoir obtenu les conseils et les propositions de leurs différents collaborateurs, en ressortaient et disaient: « Après cette rencontre, nous sommes maintenant d'accord », tout comme l'ont fait les premiers ministres des pays du Commonwealth, cela suffirait. Ce n'est pas sorcier ni malin ni compliqué.
    J'avancerais que, l'une des solutions exige une entente et une coopération complètes des parties, mais que l'autre n'exige qu'une simple majorité. La création de nouvelles dispositions réglementaires ou de nouvelles dispositions législatives pour l'appuyer peut se faire malgré l'opposition farouche d'un, deux ou même trois partis.
    Avancez-vous que, si l'on procédait ainsi, on ne créerait pas un mécanisme légitime...
    Je ne crois pas qu'on créerait ainsi des fondements aussi solides pour aller de l'avant que si toutes les parties concluaient une entente, et cela n'élimine pas la possibilité d'une crise. La plupart des Canadiens ne veulent pas vivre une autre crise de la sorte.
(1255)
    Je suis d'accord avec vous, monsieur. C'est pourquoi j'essaie de définir ce qu'est véritablement une convention et la façon dont nous pourrions en établir une. Merci.
    Une seule question de M. Holder?
    Oui, s'il vous plaît.
    À vrai dire, si vous me le permettez, cela s'inscrit dans les propos de M. Christopherson: trois brèves questions qui se répondent par oui ou non, c'est tout.
    Elles se fondent sur ce qu'a dit M. Mendes.
    Je crois que votre première question, David, était la bonne.
    Premièrement, monsieur — oui ou non —: le Président est habilité à prodiguer des conseils au gouverneur général.
    « Prodiguer des conseils »...
    Je ne fais que le citer. Oui ou non?
    « Communiquer », oui.
    Deuxième question: le Président a le même pouvoir — c'est ce qu'il a dit: « même pouvoir » — que le premier ministre pour ce qui est de conseiller le gouverneur général. Oui ou non?
    Oh, non, je suis en désaccord avec cela. Le premier ministre est le principal conseiller constitutionnel dans tous les pays qui suivent le modèle de Westminster.
    J'invoque le Règlement: je crois que M. Holder, par inadvertance, sans en avoir l'intention, déforme peut-être les déclarations et les affirmations de M. Mendes.
    Il n'a pas dit que le Président...
    Nous regarderons les bleus.
    Merci.
    Je fais bien des choses par inadvertance, alors c'est toujours possible, mais je croyais avoir entendu cela. Nous éclaircirons la situation avec les feuillets bleus.
    Troisième question: le rôle du gouverneur général est de se plier à la volonté du peuple.
    Certes, la gouverneure générale prend toutes ses décisions en fonction du bien-être de tous les Canadiens et, lorsqu'elle doit trancher des questions constitutionnelles, dans la mesure du possible, elle essaie de déterminer ce que désirent la plupart des Canadiens dans les circonstances.
    Elle n'est pas là pour rendre son jugement personnel ou exprimer une quelconque idéologie. Elle doit examiner le pays et la situation dans laquelle il se trouve et essayer de rendre une décision dans l'intérêt supérieur des Canadiens. C'est le genre de conseil qu'elle demande à ses conseillers.
    Je croyais que c'était aussi ce qu'on faisait à la Chambre.
    Merci.
    Monsieur Lukiwski, vous semblez vous agiter un peu sur votre chaise. Je vais vous permettre de poser une brève question.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Russell. Je m'entends avec ma collègue Marlene pour dire que cela a été...
    Cela arrive de temps à autre, Marlene. Pas de panique.
    Un jour, j'ai approuvé les propos d'Yvon Godin deux fois lors d'une seule séance. Je croyais qu'il allait perdre connaissance.
    Cela a été très instructif, et encore plus; je suis d'accord avec David: vous êtes un bon professeur. J'ai toujours été d'avis que, pour être un bon professeur, il ne s'agissait pas simplement de transmettre platement de l'information concrète; il faut aussi posséder des talents d'orateur. Votre performance, monsieur, était de loin supérieure à celle de nombre de témoins qui ont comparu devant le comité.
    La question que je veux vous poser touche l'opposition entre la constitutionnalité et la volonté démocratique. Vous venez de laisser entendre que le gouverneur général est très à l'écoute de la volonté des Canadiens. Cela rappelle vraiment une situation que nous avons vécue il y a deux ans, lorsqu'il y a eu une prorogation. C'est à ce moment que les trois partis d'opposition ont eu l'occasion de plaider leur cause devant la gouverneure générale et de lui demander de former un gouvernement de coalition. La prorogation a eu lieu peu après.
    Je ne conteste pas le fait que, du point de vue constitutionnel, cela est possible, tout à fait. Mais quelle serait votre interprétation, monsieur — l'argument relève plutôt du débat politique, et je le reconnais —, si le scénario hypothétique suivant aurait lieu? Supposons que les trois partis de l'opposition concluent une entente de coalition peu après une élection fédérale — je parle de quelques semaines ou de quelques mois —, mais que, à la lumière de données probantes, la majorité des Canadiens, plus de 50 p. 100, ne veulent pas de ce gouvernement de coalition.
    Du point de vue constitutionnel, il ne fait aucun doute qu'un gouvernement de coalition peut prendre le pouvoir en vertu de la Constitution. Mais la gouverneure générale était aussi consciente du fait que la majorité des Canadiens ne sont pas en faveur de cette solution.
(1300)
    Excusez-moi, monsieur Lukiwski.
    Oui, madame Hall Findlay.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux seulement dire que j'ignore comment quiconque pourrait parler de données probantes...
    C'est une hypothèse.
    Je vais m'en occuper.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci.
    Permettez-moi de reformuler: si, au lieu des données probantes, on parlait...
    Non, je crois que j'ai saisi votre question.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Peter Russell: La gouverneure générale, lorsqu'elle exerce son jugement pour déterminer si un premier ministre de rechange — en l'occurence, M. Dion — pourrait obtenir la confiance de la Chambre des communes, ne se fondera pas sur des sondages Gallup. Les sondages ne sont pas un bon baromètre lorsqu'il s'agit de déterminer ce que les décideurs devraient faire pour la volonté du peuple. Ils sont fondés sur toutes sortes de contingences. Cela n'est pas une bonne façon de mesurer la « volonté » du peuple.
    Mais la gouverneure générale doit être absolument convaincue que le gouvernement obtiendrait la confiance de la Chambre des communes. C'est l'appui de la majorité des députés de la Chambre des communes, pas un référendum quotidien, qui donne le droit de gouverner. La question est là.
    Comme j'ai participé à titre de conseiller de la gouverneure générale, je peux vous dire que les sondages Gallup, menés, je dirais, dans le sillage d'une publicité massive dénonçant l'effet pervers des coalitions, qui sont presque la norme dans notre monde parlementaire, ne seraient pas considérés comme une représentation exacte de la volonté du peuple.
    Merci de cette réponse.
    Merci, monsieur Russell. Vous êtes passé à la tête de ma liste de témoins préférés, et ce n'est pas une chose facile, je peux vous le dire.
    Je vous suis si reconnaissant d'être venu aujourd'hui. J'en ai beaucoup appris.
    Je vous souhaite un véritable succès. Je crois que bien des Canadiens vous souhaitent cela. Vous avez un gros défi à relever. Et j'espère que vous serez à la hauteur.
    Des voix: Bravo!
    Merci.
    David, nous sommes vraiment serrés. Qu'est-ce qu'il y a?
    J'essaie d'avoir la parole depuis un bon moment.
    Je voulais seulement voir si nous pouvions nous entendre pour demander à M. Walsh de nous donner son opinion sur la possibilité que le Président soit habilité à donner des conseils au gouverneur général.
    Je vais poser la question. M. Walsh a permis au président de le consulter, alors je lui poserai la question.
    M. David Christopherson: Merci.
    Le président: La séance est levée.
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