:
Merci, monsieur le président.
Ma déclaration d'ouverture est essentiellement une condensation de la lettre que je vous ai envoyée et qui a, je pense, été distribuée aux membres du comité. Si cela peut faciliter les choses, je ferai ma déclaration liminaire, après quoi nous pourrions passer aux questions, si vous en avez.
Monsieur le président, si j'ai bien compris, le comité essaie d'établir si la prorogation doit être juridiquement encadrée de quelque façon et, le cas échéant, quelle serait cette façon. L'objectif serait de retirer au premier ministre le pouvoir exclusif qu'il détient de facto sur la prorogation. Il ne convient pas que je réponde à la première question, car il s'agit d'une question politique. Toutefois, répondre à la seconde question, sur la façon dont la prorogation peut être juridiquement encadrée, nécessite une réflexion sur les moyens juridiques qui pourraient servir à cette fin.
Il faut donc se pencher sur trois questions. Premièrement, sur le plan juridique, quels sont la nature et le statut du pouvoir de prorogation? Deuxièmement, l'encadrement de la prorogation peut-il être fait par la Chambre au moyen de la modification de son Règlement ou par le Parlement au moyen d'une loi? Troisièmement, le cas échéant, une telle loi aurait-elle force exécutoire?
Le pouvoir du gouverneur général de proroger le Parlement est une prérogative issue de la common law, prérogative qui, selon une convention constitutionnelle non écrite, est exercée par le gouverneur général sur l'avis ou après consultation du premier ministre. C'est une parmi plusieurs prérogatives que détient le gouverneur général en tant que représentant de la Reine au Canada.
Le gouverneur général dispose d'une autre prérogative liée directement au Parlement, à savoir le pouvoir de dissoudre le Parlement et de déclencher des élections générales.
[Français]
Au fil des ans, la Couronne a vu les lois lui retirer de plus en plus de ses prérogatives, qui sont devenues des pouvoirs législatifs conférés à un ministre ou à une autre autorité publique. Parmi les pouvoirs que détient encore la Couronne ou le Gouverneur général, il y a la nomination du premier ministre et des autres ministres, la révocation du premier ministre, la convocation, la dissolution et la prorogation du Parlement, la conclusion de traités, le commandement des forces armées ainsi que l'octroi de distinctions honorifiques. Parmi les prérogatives qui ont été retirées par des lois, mentionnons notamment l'extradition, l'octroi de la réhabilitation, la citoyenneté, la constitution de personnes morales et l'expropriation.
[Traduction]
La Chambre des communes, par son Règlement, ne régit que ses travaux et ceux de ses comités. La prorogation ne fait pas partie des travaux de la Chambre. Le Règlement n'a aucun effet contraignant hormis celui qui s'applique aux travaux de la Chambre et de ses comités. Cela ne veut pas dire, cependant, que le Règlement ne pourrait pas prévoir des conséquences procédurales défavorables pour le gouvernement dans le cas d'une prorogation obtenue d'une façon contraire au désir exprimé par la Chambre.
D'aucuns sont d'avis que toute loi encadrant le pouvoir de prorogation du gouverneur général correspondrait à une modification constitutionnelle et nécessiterait alors le consentement des provinces. À mon avis, bien qu'une telle loi puisse être considérée comme une modification constitutionnelle, cela ne signifie pas forcément qu'il faudrait obtenir le consentement des provinces. Je traite plus avant de cette question dans la lettre que je vous ai fait parvenir à ce sujet, monsieur le président, et dont je pense qu'elle a été distribuée aux membres du comité.
[Français]
On pourrait contourner cet argument juridique en limitant l'objet de la loi à la réglementation du rôle du premier ministre dans la prorogation. Le Gouverneur général ne partage pas avec le premier ministre sa prérogative en matière de prorogation. Le premier ministre n'a qu'un rôle consultatif à jouer lors de l'exercice de cette prérogative, quoiqu'il s'agisse d'une condition préalable nécessaire établie par convention constitutionnelle. Son rôle consultatif est fondé sur une convention politique constitutionnelle non écrite. Si une loi peut retirer un pouvoir juridique découlant d'une prérogative, on ne peut douter qu'elle puisse modifier une règle politique non écrite.
[Traduction]
Cependant, le fait de ne pas se conformer aux restrictions législatives imposées au rôle consultatif du premier ministre n'invaliderait pas en soi l'exercice par le gouverneur général de son pouvoir de prorogation.
Bien qu'il soit possible en théorie de rédiger une loi encadrant la prorogation, il n'est pas certain que les tribunaux puissent en enjoindre l'exécution. Le caractère exécutoire implique que la question est justiciable. Les tribunaux considèrent que les questions dont le fondement n'est pas suffisamment juridique pour faire l'objet d'une décision sur le fond sont des questions qui ne peuvent pas être tranchées par eux.
Les tribunaux ont affirmé que l'exercice de certaines prérogatives, comme celles de dissoudre le Parlement ou de nommer des ministres, ne peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire parce qu'il s'agit de questions qui n'ont pas un caractère justiciable. Les prérogatives portant sur la dissolution du Parlement, la conclusion de traités ou la prise de mesures relatives à la sécurité nationale, par exemple, sont considérées comme des pouvoirs qui soit sont de nature politique, soit touchent des questions exclues de l'examen des tribunaux dans le cadre du processus judiciaire.
[Français]
Même si la loi était rédigée de manière à avancer une question justiciable et qu'un tribunal concluait à la violation de la loi, cela ne réglerait pas la question difficile de savoir comment le tribunal rendrait sa décision exécutoire. Il est fort probable que la prorogation aurait eu lieu quelques mois auparavant et qu'une nouvelle session parlementaire serait déjà en cours. Le tribunal qui invalide la prorogation invaliderait-il aussi la session subséquente et toutes les mesures prises par le Parlement jusqu'au prononcé de sa décision? Ou encore, faudrait-il suspendre la session parlementaire dès l'introduction d'action en justice contestant la prorogation jusqu'à ce que le tribunal rende sa décision?
[Traduction]
À mon avis, la seule manière de régir efficacement la prorogation par voie législative et d'écarter du processus le premier ministre agissant dans un rôle consultatif consiste à modifier officiellement la Constitution de façon à préciser dans quelles circonstances le gouverneur général peut proroger le Parlement, avec ou sans la recommandation du premier ministre.
Merci, monsieur le président.
Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que voudront me poser les membres du comité.
:
Écoutez, l'éléphant dans la salle ici, et dont il n'a pas été fait mention, est la relation entre la Chambre et le gouvernement. Il arrive un moment où vous pouvez écrire toutes sortes de choses sur un bout de papier, qu'il s'agisse d'articles du Règlement ou de lois, mais si la confiance de la Chambre envers le gouvernement n'est plus là, alors la Chambre le signifiera au gouvernement, si celui-ci agit d'une manière jugée inacceptable par la Chambre.
Je comprends que vous demanderiez pourquoi foncer tout droit avec un vote de défiance, lorsque ce qui vous préoccupe n'atteint pas ce seuil là. Eh bien, c'est votre choix, mais vous dites alors que vous accomplissez quelque chose.
Le système parlementaire ne vous permet pas de faire confiance au gouvernement mais de ne pas lui faire confiance; c'est l'un ou l'autre. Ou vous faites confiance au gouvernement et celui-ci demeure en place, ou vous dites le contraire, ou vous faites quelque chose qui, selon la tradition, est assimilable à un vote de défiance, auquel cas le gouvernement doit déclencher une élection, et ainsi de suite.
Ainsi, le gros éléphant dans la salle — dont je ne veux pas traiter, car je ne suis pas en train de préconiser que cette question soit abordée comme étant une question de confiance, mais cela alimente néanmoins une bonne partie de la discussion — relève de la nature de la relation entre la Chambre des communes et le gouvernement. C'est une question de responsabilité et, en bout de ligne, il faut se demander si la Chambre doit accepter les mesures du gouvernement, aussi déplaisantes soient-elles: vous vous pincez le nez et vous poursuivez, en accordant, implicitement sinon expressément, votre confiance au gouvernement, ou vous dites « non, vous ne jouissez pas de notre confiance », et vous savez alors ce qui doit s'ensuivre.
Il n'existe pas d'autre moyen de pénaliser le gouvernement ou de lui taper sur les doigts ou autre, du fait que celui-ci ne fasse pas des choses que vous aimeriez le voir faire.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Walsh, de nous faire profiter de vos lumières. Par contre, on peut voir qu'il y a encore des zones grises.
Je voudrais revenir non pas sur la prorogation du 30 décembre 2009, mais sur celle qui a été accordée à la suite de la coalition entre le Parti libéral et le NPD, appuyée par le Bloc québécois.
J'aimerais que vous preniez quelques minutes pour nous expliquer la distinction entre le rôle du Gouverneur général et celui du premier ministre. Le premier ministre, qui a un rôle consultatif, initie la demande, mais le décideur ultime, c'est le Gouverneur général. Or comme on a pu le constater, la Gouverneure générale a mis beaucoup de temps à rendre sa décision. Selon les rumeurs, ça a été beaucoup plus long que ce à quoi le premier ministre s'attendait. Je ne dirais pas que ça passe habituellement comme une lettre à la poste, mais disons qu'en termes de durée, c'est en général équivalent au temps que ça prend pour boire un petit thé accompagné d'un sablé. Le premier ministre revient ensuite avec la prorogation en poche. Je vais faire un commentaire politique, puisque je suis en politique. En ce qui vous concerne, vous devez rester au-dessus de la mêlée. Apparemment, le processus a été si difficile que ça pourrait coûter son poste à Michaëlle Jean. Étant donné que le premier ministre est rancunier et qu'il a une bonne mémoire, le renouvellement du mandat de la Gouverneure générale serait en péril.
Pourriez-vous nous expliquer la distinction entre le rôle du premier ministre et celui de la Gouverneure générale?
:
Monsieur le président, j'improvise en quelque sorte ici.
J'ai toujours pensé que la gouverneure générale, du fait de la Constitution, était obligée ou était censée obtenir des conseils juridiques auprès du Bureau du Conseil privé, pas forcément en privé, à l'écart du premier ministre. Mais il se pourrait qu'elle veuille s'adresser au Bureau du Conseil privé pour obtenir ces conseils juridiques sur la question qui lui a été soumise, ou toute autre question, mais certainement sur la question ou la demande déposée auprès d'elle par le premier ministre. Et je ne crois pas qu'elle soit tenue de recevoir ces conseils en la présence du premier ministre. Elle pourrait faire cela en privé.
Le fait de recourir à des conseillers externes était, je pense, un écart. En tout cas, cela semble avoir été un écart dans la mesure où c'est la première fois que nous en entendions parler. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que j'ai toujours pensé que la position du gouverneur général est telle qui lui faut maintenir sa neutralité politique, et sa relation avec le gouvernement du jour veut que le gouverneur général suive les conseils du gouvernement du jour. Recourir à des parties à l'extérieur revient à vous éloigner du gouvernement du jour et à vous donner une source de conseils pouvant aller à l'encontre des conseils du premier ministre du jour, alors que le Bureau du Conseil privé fait, bien sûr, partie du gouvernement dirigé par le premier ministre, de telle sorte que les conseils émanant du Bureau du Conseil privé, peut-on soutenir, cadreront avec les conseils du premier ministre. Les conseils émanant du Bureau du Conseil privé n'auraient pas porté sur la question de proroger ou non, mais bien sur les éléments légaux de son rôle et ainsi de suite.
Cela m'a étonné que l'on recourre à un tiers. D'aucuns considèrent que cela est tout à fait bien et que la gouverneure générale était dans son droit. Cela me surprend. J'aurais pensé qu'elle aurait dû chercher à obtenir l'avis juridique du Bureau du Conseil privé et se limiter à cela, mais cette opinion n'engage que moi.
:
Nous pouvons en faire un membre honoraire.
Nous avons un chargé de recherche de la Bibliothèque du Parlement qui est membre honoraire. Il a jadis été chargé de recherche pour ce comité, en fait pendant de très nombreuses années.
Nous discutons de choses et d'autres et nous avons discuté au fil des ans de toutes sortes de choses ésotériques, pas seulement de la procédure de la Chambre mais d'aspects tels que les prorogations et dissolutions et modifications constitutionnelles.
Je devrais peut-être mentionner quelques-uns d'entre eux. L'un travaille toujours ici, à la Chambre des communes: Terry Moore, de la Direction des recherches pour le Bureau. Charles Robert est greffier principal au Sénat et connaît très bien toutes ces questions. Et David Gussow, qui est un greffier au Bureau de la Chambre des communes à la retraite.
Nous restons en communication les uns avec les autres et discutons de ces points. Nous sommes tous des autodidactes dans ce domaine. Je ne suis pas politicologue ni juriste, mais j'aime dire que ma vingtaine d'années d'expérience ici m'ont conféré un diplôme de science parlementaire appliquée.
Je suis d'accord avec tout ce que M. Walsh vous a dit. Mais ce que je vais essayer de faire, c'est descendre d'un cran, situer la question non plus au niveau juridique mais sur un terrain plus familier, si je puis.
Les prérogatives du gouverneur général — ou de la Couronne, devrais-je dire, car elles appartiennent réellement à la Couronne et ne sont que transmises au gouverneur général par des lettres patentes du souverain de l'Angleterre — sont, comme l'a dit M. Walsh, des pouvoirs de common law. Ils ne sont inscrits dans aucune loi. Notre Constitution fait état de deux d'entre eux. Ces prérogatives se rapportant à la relation entre la Couronne et le Parlement sont la convocation du Parlement, la prorogation du Parlement et la dissolution du Parlement.
Tout cela est historique et je pense qu'il faut envisager la prorogation sous cet angle: c'est la Couronne qui avait besoin que le Parlement se réunisse, c'était la Couronne qui avait besoin d'argent et c'est la Couronne qui avait besoin du Parlement pour légiférer. Donc, ces prérogatives sont toutes conçues, essentiellement, selon la perspective de la Couronne et reviennent à dire: « Nous voulons vous convoquer pour faire tel travail. Vous avez fini la tâche que nous vous avons assignée dans le discours du Trône, ce que nous vous demandions d'examiner. Rentrez chez vous. Mais je ne déclenche pas d'élections, car je pourrais vouloir vous rappeler ».
La prorogation est en fait une extension, un report. Si vous prenez l'étymologie du mot, il signifie « aller en avant ». Il ne signifie pas mettre fin à une session. C'est l'effet, mais en réalité c'est une continuation du Parlement; c'est un report à une date ultérieure lorsqu'un nouveau programme sera présenté.
Vous connaissez tout cela, mais si vous y réfléchissez, si vous voulez imposer des limites à la prorogation, vous ne faites pas qu'empêcher le gouvernement de vous renvoyer chez vous; il se pourrait que vous fassiez d'autres choses en sus, car la prorogation doit intervenir non seulement lorsque le programme est achevé, mais elle peut intervenir aussi parce que la Couronne change de premier ministre. Elle peut intervenir parce qu'il existe une situation d'urgence. Vous devez donc faire preuve de très grande prudence en rédigeant quelque chose afin de ne pas causer plus tard un problème imprévu.
Par exemple, la motion de M. Layton que la Chambre a adoptée vous donne, je crois, sept jours de prorogation. Que se passe-t-il si cela ne suffit pas? Que se passe-t-il si les édifices du Parlement partent en fumée parce qu'ils ont été si longtemps négligés?
Excusez cette mention. Je n'ai pu m'empêcher de la placer.
Si le Parlement brûle et qu'il faut plus de temps pour trouver un autre lieu, lorsque l'incendie est déclaré vous ne pouvez plus faire adopter de motion d'ajournement, et il faut donc bien que quelqu'un dise: « Nous ne siégeons plus, les gars; rentrez chez vous et nous allons aménager une chambre temporaire pour vous ».
Ce sont des choses qu'il faut avoir à l'esprit si vous commencez à jouer avec ces prérogatives, car elles confèrent la flexibilité. Vous êtes dans une situation où beaucoup de gens disent qu'il y a eu un abus de ces pouvoirs. Tout le monde n'est pas de cet avis, évidemment, mais d'aucuns le pensent. Comme le disent les avocats, les mauvaises affaires causent des lois difficiles — ou est-ce plutôt que des affaires difficiles causent des mauvaises lois? Je crois que j'ai inversé la proposition. Vous devez donc être très prudents et avoir conscience de toutes les répercussions.
Je vous soumets l'idée que la prorogation ne représente peut-être que la pointe de l'iceberg et qu'il faudrait plutôt se pencher sur toutes les prérogatives et leurs répercussions sur vous. La prérogative de la dissolution a eu beaucoup plus d'effets sur cette législature et la précédente que n'importe quoi d'autre, car il est possible de déclarer qu'une mesure engage à la confiance et menacer de dissoudre. C'est une prérogative beaucoup plus importante pour la vie d'une législature, particulièrement lorsque le gouvernement est minoritaire. Vous devez élargir le champ et considérer cela.
Je devrais mentionner que le Royaume-Uni est en train de revoir les prérogatives de la Couronne. Les Britanniques sont très préoccupés par certains aspects et cherchent à les moderniser. J'ai envoyé à vos chargés de recherche et à votre greffier quelques références à des publications britanniques qui se sont penchées sur les prérogatives.
D'ailleurs, l'une d'elles suggère de légiférer relativement à la prérogative de déclaration de guerre et de mobilisation des troupes. La Couronne n'est pas obligée de consulter la Chambre des communes. C'est à porter à son crédit, le a consulté la Chambre des communes sur l'Afghanistan, mais il n'y était pas obligé. La prérogative permet de mobiliser les troupes et de les déployer sans le consentement de la Chambre des communes ou du Sénat.
Les pouvoirs de cette sorte font l'objet d'un examen au Royaume-Uni. Une idée lancée est de légiférer à ce point de vue. Je crois que c'était le fait d'un comité de la Chambre des communes. La Chambre des lords a recommandé l'adoption d'une résolution qui s'inscrit dans le même ordre d'idées que ce que les libéraux et le NPD envisageaient de faire ou ont fait. Il s'agirait d'une résolution énonçant très clairement la volonté du Parlement, et qui aurait l'effet de la permanence, à l'instar d'une disposition du Règlement, et serait ainsi respectée.
Les Britanniques savent très bien suivre le plan prescrit sans aller saisir les tribunaux pour contraindre le respect. Il y a là une différence culturelle dont vous voudrez peut-être tenir compte, mais c'est très caractéristique des Britanniques. Nombre de leurs conventions sont assises sur ces postulats.
Je vais juste mentionner ceci au sujet du moment où les prorogations interviennent. J'ai lu le débat à la Chambre sur la motion de concernant la prorogation, et l'on y a beaucoup mentionné la fréquence des prorogations.
La fréquence des prorogations ne devrait jamais vraiment être un problème. Je pense que c'est un peu une fausse piste, car si vous êtes bien organisé — et je reviens là au modèle britannique — ils commencent avec un discours du Trône à l'automne, énonçant le programme législatif. N'oubliez pas que jusqu'à récemment, jusqu'à la dévolution, ce Parlement légiférait pour le pays tout entier, tout le monde. Il n'y avait pas d'assemblées législatives provinciales, sauf en Irlande du Nord. Le programme était bouclé à la fin du printemps ou au début de l'été, et puis ils attendaient jusqu'à l'automne, prorogeaient et démarraient avec la nouvelle session. La prorogation est donc annuelle. C'est une façon très rationnelle et organisée de faire les choses.
Je crois que certaines provinces prorogent deux fois par an. Je n'ai travaillé que dans une assemblée législative provinciale, très peu de temps.
[Français]
Aussi surprenant que ça puisse paraître, c'était à l'Assemblée nationale du Québec. J'y ai travaillé il y a quelques années. Je dois avouer que je ne me souviens pas s'il y a eu deux prorogations ou une seule.
[Traduction]
Je vais bientôt conclure. Je sais que vous regardez l'horloge.
L'une des choses qui n'a jamais été mentionnée par les médias au sujet de la prorogation — et cela a été dit durant le débat, par je crois, mais je peux me tromper — c'est le temps précieux qui était gaspillé. C'était dans un contexte totalement différent, mais cette mention du gaspillage de temps m'a amené à penser que si quelqu'un devait s'inquiéter de la prorogation, ce devrait normalement être le gouvernement car il ne dispose que d'un temps limité pour exercer le pouvoir dans une législature donnée avant qu'une autre élection n'ait lieu. Et lorsque vous renvoyez la Chambre et le Parlement, vous ne faites pas adopter vos lois, vous ne faites rien de ce que les gens qui vous appuient attendent de vous. Donc, si quelqu'un devait être préoccupé par la perte d'un temps précieux à cause de la durée de la prorogation, c'est bien le gouvernement.
Je dis cela juste à titre d'avis amical. J'ai été surpris que cela n'ait été mentionné dans aucun des articles des journaux traitant du fait que vous avez perdu ce temps précieux.
Du point de vue de l'opposition, le temps précieux n'était pas celui consacré à l'adoption de lois. Selon son optique, elle perdait la possibilité de surveiller le gouvernement, votre fonction d'examen — et d'offrir des conseils, ou des critiques si vous voulez. J'ai vu que le mot « conseil » a fait sourire.
Je crois que je vais me taire maintenant pour voir si vous avez des questions pour moi.
:
« Désincitations » était effectivement le terme qu'il a employé et je trouve que c'est une très bonne idée.
Je reprenais le point de vue du professeur Andrew Heard, la plus grande autorité sur les conventions constitutionnelles canadiennes, qui a écrit dans un article paru dans le Globe and Mail que la Chambre pourrait adopter une résolution indiquant qu'elle ne veut pas que le premier ministre, ou même le gouverneur général, proroge sans consultation de la Chambre, sauf dans certains cas, par exemple — ou du moins ne proroge pas pour une durée plus longue que ce qui était mentionné, par exemple, dans la motion de M. Layton récemment adoptée par la Chambre. Selon le professeur Heard, on pourrait adopter ce genre de résolution qui serait alors l'expression de la volonté de la Chambre.
Je souligne que je m'attendrais dans ces conditions à ce que le gouverneur général, quel qu'il soit, prenne cela en considération lorsqu'il est saisi d'une demande de prorogation d'un premier ministre. Par exemple, quel que soit le contenu d'une telle résolution, vous devrez permettre des prorogations lorsque le gouvernement décide qu'il ne veut pas poursuivre son programme. Vous ne voudrez pas empêcher le gouvernement de faire ce genre de chose raisonnable, et il conviendra donc de formuler cette résolution très soigneusement.
Comme je l'ai dit, je pense que la durée de sept jours est insuffisante, mais c'est là un autre sujet de débat.
Une autre possibilité est d'en faire une loi, mais je pense que l'on est trop obnubilé par le caractère exécutoire. Parfois, le fait d'inscrire dans la Constitution une condition, comme l'a dit M. Walsh... Mais même si ce n'est que dans une loi, le gouverneur général connaît les lois et si une loi dit que le premier ministre n'est pas censé conseiller au gouverneur général de faire quelque chose sans l'approbation de la Chambre des communes, je pense que le gouverneur général dirait très probablement: « Je pense que vous feriez mieux d'aller demander cette approbation ».
:
Une question portait sur les réunions de comité et une modification du Règlement de la Chambre pour les autoriser. M. Walsh avait absolument raison concernant leurs privilèges.
J'irai plus loin. Je sais que je me sépare là de quelque chose qu'Errol Mendes, un professeur de droit constitutionnel, a écrit dans l'Ottawa Citizen. Il approuvait l'idée que les comités siègent durant une prorogation. Je pense qu'il se trompe totalement. J'irais jusqu'à dire qu'il est anticonstitutionnel, au sens britannique du terme, que les comités siègent durant une prorogation. Je sais que l'assemblée législative de l'Ontario le fait. Elle n'a jamais été contestée à cet égard, mais vous n'avez aucune base pour le faire.
La raison en est que dans l'exécution de vos travaux à la Chambre, vous êtes autonome. Les tribunaux ne peuvent s'ingérer dans vos travaux lorsque vous êtes constitués en Chambre. Lorsque la Couronne vous renvoie chez vous, il n'y a plus de Chambre des communes. Les comités, dans tout ce qu'ils font, sont censés être des parties de la Chambre et agir sous l'autorité de la Chambre. Une fois que vous êtes prorogés, il n'y a plus de Chambre.
S'il était possible que les comités siègent pendant une prorogation, alors vous pourriez contourner cette dernière en disant que le comité plénier va continuer de siéger. Si un petit comité peut le faire, alors un comité plus grand peut le faire et un comité encore plus grand, et tout le monde pourrait continuer à siéger. C'est la démonstration par l'absurde. À cette question, je répondrais non, ne le faites pas. Ce n'est pas constitutionnel et cela pourrait vous causer des problèmes, comme M. Walsh l'a indiqué.
Je crois que c'est M. Reid qui a posé une question sur l'effet sur les provinces. L'une des raisons pour lesquelles la Constitution exige le consentement provincial pour modifier la charge de gouverneur général ou celle de la Reine, c'est que si nous le faisions, il y aurait des répercussions sur les provinces.
Dans le libellé de toute loi, vous devriez veiller à ne pas enlever à la Reine ou au gouverneur général le pouvoir de prorogation. Vous pourriez le réguler. Vous pourriez en limiter l'application. Mais si vous l'enlevez entièrement, cela ne serait pas transmis aux provinces. Je pense que vous poseriez un problème juridique et constitutionnel. Elles dérivent leurs pouvoirs des lettres patentes qui ont été données au gouverneur général.