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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 010 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 avril 2010

[Enregistrement électronique]

(1130)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bonjour. À l'ordre, s'il vous plaît.
    Je sais que nous accusons un léger retard, alors verrons combien de travail nous serons en mesure d'abattre.
    Conformément à l'article 108(3)a) du Règlement et à la motion adoptée par le comité le jeudi 11 mars 2010, nous poursuivons notre étude des questions liées à la prorogation.
    Le premier témoin que nous allons entendre, dans la poursuite de cet examen, est M. Walsh, légiste et conseiller parlementaire. M. Walsh, je sais que vous nous avez fait parvenir à tous certains renseignements, mais j'aimerais vous demander si vous auriez quelque déclaration liminaire à nous faire, après quoi nous pourrions passer aux questions.
    Ma déclaration d'ouverture est essentiellement une condensation de la lettre que je vous ai envoyée et qui a, je pense, été distribuée aux membres du comité. Si cela peut faciliter les choses, je ferai ma déclaration liminaire, après quoi nous pourrions passer aux questions, si vous en avez.
    Monsieur le président, si j'ai bien compris, le comité essaie d'établir si la prorogation doit être juridiquement encadrée de quelque façon et, le cas échéant, quelle serait cette façon. L'objectif serait de retirer au premier ministre le pouvoir exclusif qu'il détient de facto sur la prorogation. Il ne convient pas que je réponde à la première question, car il s'agit d'une question politique. Toutefois, répondre à la seconde question, sur la façon dont la prorogation peut être juridiquement encadrée, nécessite une réflexion sur les moyens juridiques qui pourraient servir à cette fin.
    Il faut donc se pencher sur trois questions. Premièrement, sur le plan juridique, quels sont la nature et le statut du pouvoir de prorogation? Deuxièmement, l'encadrement de la prorogation peut-il être fait par la Chambre au moyen de la modification de son Règlement ou par le Parlement au moyen d'une loi? Troisièmement, le cas échéant, une telle loi aurait-elle force exécutoire?
    Le pouvoir du gouverneur général de proroger le Parlement est une prérogative issue de la common law, prérogative qui, selon une convention constitutionnelle non écrite, est exercée par le gouverneur général sur l'avis ou après consultation du premier ministre. C'est une parmi plusieurs prérogatives que détient le gouverneur général en tant que représentant de la Reine au Canada.
    Le gouverneur général dispose d'une autre prérogative liée directement au Parlement, à savoir le pouvoir de dissoudre le Parlement et de déclencher des élections générales.

[Français]

    Au fil des ans, la Couronne a vu les lois lui retirer de plus en plus de ses prérogatives, qui sont devenues des pouvoirs législatifs conférés à un ministre ou à une autre autorité publique. Parmi les pouvoirs que détient encore la Couronne ou le Gouverneur général, il y a la nomination du premier ministre et des autres ministres, la révocation du premier ministre, la convocation, la dissolution et la prorogation du Parlement, la conclusion de traités, le commandement des forces armées ainsi que l'octroi de distinctions honorifiques. Parmi les prérogatives qui ont été retirées par des lois, mentionnons notamment l'extradition, l'octroi de la réhabilitation, la citoyenneté, la constitution de personnes morales et l'expropriation.

[Traduction]

    La Chambre des communes, par son Règlement, ne régit que ses travaux et ceux de ses comités. La prorogation ne fait pas partie des travaux de la Chambre. Le Règlement n'a aucun effet contraignant hormis celui qui s'applique aux travaux de la Chambre et de ses comités. Cela ne veut pas dire, cependant, que le Règlement ne pourrait pas prévoir des conséquences procédurales défavorables pour le gouvernement dans le cas d'une prorogation obtenue d'une façon contraire au désir exprimé par la Chambre.
    D'aucuns sont d'avis que toute loi encadrant le pouvoir de prorogation du gouverneur général correspondrait à une modification constitutionnelle et nécessiterait alors le consentement des provinces. À mon avis, bien qu'une telle loi puisse être considérée comme une modification constitutionnelle, cela ne signifie pas forcément qu'il faudrait obtenir le consentement des provinces. Je traite plus avant de cette question dans la lettre que je vous ai fait parvenir à ce sujet, monsieur le président, et dont je pense qu'elle a été distribuée aux membres du comité.

[Français]

    On pourrait contourner cet argument juridique en limitant l'objet de la loi à la réglementation du rôle du premier ministre dans la prorogation. Le Gouverneur général ne partage pas avec le premier ministre sa prérogative en matière de prorogation. Le premier ministre n'a qu'un rôle consultatif à jouer lors de l'exercice de cette prérogative, quoiqu'il s'agisse d'une condition préalable nécessaire établie par convention constitutionnelle. Son rôle consultatif est fondé sur une convention politique constitutionnelle non écrite. Si une loi peut retirer un pouvoir juridique découlant d'une prérogative, on ne peut douter qu'elle puisse modifier une règle politique non écrite.

[Traduction]

    Cependant, le fait de ne pas se conformer aux restrictions législatives imposées au rôle consultatif du premier ministre n'invaliderait pas en soi l'exercice par le gouverneur général de son pouvoir de prorogation.
    Bien qu'il soit possible en théorie de rédiger une loi encadrant la prorogation, il n'est pas certain que les tribunaux puissent en enjoindre l'exécution. Le caractère exécutoire implique que la question est justiciable. Les tribunaux considèrent que les questions dont le fondement n'est pas suffisamment juridique pour faire l'objet d'une décision sur le fond sont des questions qui ne peuvent pas être tranchées par eux.
    Les tribunaux ont affirmé que l'exercice de certaines prérogatives, comme celles de dissoudre le Parlement ou de nommer des ministres, ne peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire parce qu'il s'agit de questions qui n'ont pas un caractère justiciable. Les prérogatives portant sur la dissolution du Parlement, la conclusion de traités ou la prise de mesures relatives à la sécurité nationale, par exemple, sont considérées comme des pouvoirs qui soit sont de nature politique, soit touchent des questions exclues de l'examen des tribunaux dans le cadre du processus judiciaire.
(1135)

[Français]

    Même si la loi était rédigée de manière à avancer une question justiciable et qu'un tribunal concluait à la violation de la loi, cela ne réglerait pas la question difficile de savoir comment le tribunal rendrait sa décision exécutoire. Il est fort probable que la prorogation aurait eu lieu quelques mois auparavant et qu'une nouvelle session parlementaire serait déjà en cours. Le tribunal qui invalide la prorogation invaliderait-il aussi la session subséquente et toutes les mesures prises par le Parlement jusqu'au prononcé de sa décision? Ou encore, faudrait-il suspendre la session parlementaire dès l'introduction d'action en justice contestant la prorogation jusqu'à ce que le tribunal rende sa décision?

[Traduction]

    À mon avis, la seule manière de régir efficacement la prorogation par voie législative et d'écarter du processus le premier ministre agissant dans un rôle consultatif consiste à modifier officiellement la Constitution de façon à préciser dans quelles circonstances le gouverneur général peut proroger le Parlement, avec ou sans la recommandation du premier ministre.
    Merci, monsieur le président.
    Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que voudront me poser les membres du comité.
    Merci.
    Étant donné que nous avons commencé en retard et que le temps dont nous disposons est de ce fait comprimé, nous allons nous efforcer de faire des tours de cinq minutes. Je serai aussi souple que possible.
    Mme Jennings peut commencer.
    Merci, monsieur Walsh, de votre exposé et de votre lettre, dans laquelle vous expliquez, avec force détails, votre opinion arrêtée, à travers la lentille juridique, de toute la question de la réglementation de la prorogation, soit par le biais du Règlement, soit par une loi de la Chambre des communes. Votre conclusion finale est que le seul réel moyen efficace serait d'adopter une modification officielle de la Constitution, qui limiterait ou rejetterait le pouvoir discrétionnaire du gouverneur général de proroger le Parlement, et établirait les conditions.
    Vous insistez cependant sur le fait que le Règlement ne régit que les travaux de la Chambre, y compris des comités, et la conduite des députés à la Chambre, et qu'il n'a par conséquent aucun effet à l'extérieur de la Chambre des communes. Vous dites ensuite que la Chambre pourrait, par le biais du Règlement, imposer quelque chose de « punitif » à un député, qui pourrait être le premier ministre, qui violerait le Règlement. Pourriez-vous expliquer cela davantage? J'ai de la difficulté à bien saisir.
    Le témoin a utilisé le mot « punitif », entre guillemets. Je n'ai pas employé ce terme.
    Non. C'est pourquoi je dis...
    Je vais vous donner des exemples à titre de simple illustration de la chose. Je ne recommande pas un seul instant que c'est ainsi que voudrait faire la Chambre.
    La Chambre ne peut pas, par le biais du Règlement, exiger du premier ministre qu'il ne proroge pas la Chambre sans d'abord lui en donner un préavis. Mais qu'y aurait-il pour empêcher la Chambre, dans le Règlement, de prévoir que, dans les cas de prorogation sans préavis à la Chambre, il y aurait cinq journées de l'opposition supplémentaires dans la première période de crédits de la nouvelle session, à défaut de quoi aucun projet de loi émanant du gouvernement ne pourrait faire l'objet d'une deuxième lecture dans les 60 jours suivant l'ouverture de la session.
    Ce que je suis en train de dire, je suppose, est que vous pourriez inscrire dans le Règlement une désincitation. Je ne suis pas en train de recommander la chose, mais je dis...
    J'aime bien.
    ... qu'en théorie la Chambre contrôle ses travaux. Si je voulais inscrire dans le Règlement une désincitation visant à décourager ce qui est arrivé en décembre dernier, je suppose que quelque chose du genre de ce que je viens de vous soumettre pourrait se faire. C'est tout ce que j'ai voulu dire par là. Il serait possible d'inscrire des mesures désincitatives dans le Règlement. Mais le Règlement évolue au fil du temps, et tout ce qu'il faut est un changement dans les nombres, et ce qui a été instauré hier est parti demain.
    Merci.
    Deuxièmement, il y a la question très réelle de savoir si une loi régissant le pouvoir exécutif du premier ministre de demander ou de conseiller la prorogation du Parlement au gouverneur général serait exécutoire. Les guillemets renferment maintenant un terme que vous avez vous-même employé, contrairement à ce que j'ai fait dans le cas du mot « punitif ». Il s'agit de savoir si ce serait « justiciable ». Si je ne m'abuse, c'est là l'un des aspects qui sont ressortis dans la décision de la cour au sujet de...
(1140)
    La tenue d'élections à date fixe?
    Non. C'en était une, mais l'autre décision récente avait avoir avec les affaires étrangères. Je pense que cela avait à voir avec le fait que le gouvernement canadien n'avait pas demandé qu'il n'y ait pas peine de mort dans le cas d'un Canadien aux États-Unis. C'était très récent. Cela concernait Omar Khadr, mais avait à voir avec les affaires étrangères, et la cour a, en fait, déclaré dans sa décision que le gouvernement n'avait pas fait tout ce qu'il aurait dû faire. Elle a dit que les droits de la personne concernée avaient en définitive été violés; cependant, elle s'en est remise au gouvernement pour trouver la solution.
    Serait-ce là une situation dans laquelle la cour aurait établi qu'il y a eu violation mais que, du fait que ce ne soit pas suffisamment encadré dans la loi et ne constitue donc pas une affaire juridique, elle n'aurait pas été en mesure de déterminer quel devrait être le recours lui-même?
    Je ne vois pas très bien de quelle affaire vous parlez, mais les tribunaux ont...
    Le temps prévu est écoulé, mais, allez-y, et donnez une courte réponse.
    Je la retrouverai.
    Je ne sais pas très bien de quelle affaire veut parler la députée, monsieur le président, mais dès lors qu'une prérogative est exercée ou n'est pas exercée et que cela a une incidence sur les droits d'un individu, alors vous avez un argument fondé sur la Charte, et les tribunaux se pencheront sur l'exercice ou le non-exercice des prérogatives par rapport aux droits de l'individu au titre de la Charte.
    Nous discutons ici en ce moment de la prorogation et, bien sûr, cela ne concerne pas la Charte; la question est limitée purement au Parlement. La question de la justiciabilité survient généralement, à mon sens, lorsque la nature de la loi en question... La loi sur les élections à date fixe, par exemple, ne traitait pas directement du rôle du premier ministre. Elle renfermait tout simplement un article énonçant que des élections seraient tenues aux quatre ans. L'argument qui a été tenu était que cela signifiait forcément que le rôle traditionnel du premier ministre était annulé par cette disposition, et la cour n'a pas accepté cet argument.
    Merci.
    Monsieur Reid.
    Vous avez fait état de la possibilité que la Constitution puisse être modifiée pour autoriser quelque restriction du pouvoir de prorogation. D'après ce que je vois, il y a deux façons d'y parvenir, et j'aimerais simplement savoir laquelle serait, selon vous, la meilleure.
    L'article 44 du mode de révision dit, et je cite: « Le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes ». Cela laisse entendre qu'il y a possibilité d'une modification unilatérale, à condition que cela se fasse par le biais d'une loi, par opposition à une motion. Mais l'article 41 exige qu'en ce qui concerne la charge de la Reine ou celle du gouverneur général, il y ait le consentement de toutes les provinces ainsi que du Parlement. J'aimerais simplement savoir laquelle des deux possibilités vous paraît la plus probable ou la plus appropriée.
    Celle soulevée par certains commentateurs est l'article 41, qui laisse entendre que toute initiative législative concernant la prorogation aurait une incidence sur la charge du gouverneur général et exigerait, en conséquence, le consentement des provinces.
    Il est difficile de savoir ce que signifie « relative » à la charge du gouverneur général, car nous avons eu la Loi sur la sanction royale, qui a été adoptée et qui n'a pas exigé que le consentement royal soit accordé d'une certaine manière, mais qui autorisait la sanction royale par écrit par opposition à la procédure formelle au Sénat, mais il n'y avait pas le consentement des provinces. Cela concerne-t-il la charge du gouverneur général?
    Voyez-vous ce que je veux dire par là?
    Je suppose que le message implicite était que cela concernait les pouvoirs, par opposition au mécanisme technique d'exécution.
(1145)
    C'est là l'important. Vous pourriez dire que...
    En passant, j'étais le seul député à la Chambre des communes à ne pas appuyer cela. J'ai empêché le consentement unanime, mais c'est là une toute autre question.
    La relation par rapport à la charge du gouverneur général est peut-être renfermée dans le contexte de l'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui, en passant, se rapporte à la Constitution du Canada, qui est définie à l'article 52. Vous pourriez faire valoir que l'article 41 ne concerne que les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 et de celle de 1982 visant la charge du gouverneur général.
    Mais je ne peux pas vous dire où tirer un trait entre la charge du gouverneur général et les pouvoirs du gouverneur général. Mon propos, celui de mon rapport, qui était axé sur le rôle du premier ministre, était une stratégie possible pour éviter cet argument. Si vous ne légiférez que sur le rôle du premier ministre, alors on peut soutenir que vous ne touchez pas aux pouvoirs ni à la charge du gouverneur général, et l'article 41 ne s'appliquerait donc pas.
    Exact.
    Il a également été suggéré qu'on ajoute un codicille aux lettres patentes émises en 1947 par le roi George VI relativement au transfert de pouvoirs au gouverneur général. La chose pourrait, je suppose, être structurée pour donner comme instruction au gouverneur général de ne pas accepter certains types de conseils.
    À votre avis, y a-t-il quelque mérite à cette suggestion?
    Vous avez employé le terme « codicille ». Pour moi, cela relève du domaine des testaments, alors il vous faudrait faire revenir le roi George VI pour l'exécuter.
    Des voix: Oh, oh!
    J'aurais peut-être dû utiliser un terme autre, mais je prends note de ce que vous dites.
    En vérité, monsieur le président, j'ignore si les lettres patentes de 1947 devraient être renvoyées à la Reine d'Angleterre pour être modifiées là-bas, au lieu d'être modifiées directement ici au Canada. Les lois qui existent ici pourraient faire le gros de ce travail, mais je pense que si vous essayiez véritablement de jouer avec cet instrument, il vous faudrait peut-être retourner à la Reine d'Angleterre.
    Ce serait, je présume, la Reine, agissant sur les conseils du premier ministre du Canada.
    Il me semble, oui.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Paquette.

[Français]

    Je voudrais revenir sur votre conclusion.
    Vous dites que la seule méthode qui soit vraiment efficace pour réguler le pouvoir de proroger et du premier ministre et de la Gouverneure générale, c'est de modifier la Constitution. Vous avez signalé plusieurs possibilités dans votre réponse. Des modifications officielles de la Constitution impliqueraient des négociations avec les provinces, dans ce cas-ci par exemple, n'est-ce pas?
    Ça dépend. À mon avis, si on apportait un amendement directement à la Constitution, il n'y aurait aucune limite. On pourrait décider ce qu'on veut, en ce qui a trait aux pouvoirs du Gouverneur général. On pourrait effectivement décider si le consentement des provinces est nécessaire ou non.
    Dans ce cas-ci, on pourrait donc modifier la Constitution pour enlever au Gouverneur général le pouvoir de proroger le Parlement, et ce, sans avoir à négocier avec les provinces, selon vous?
    En ce qui concerne les modifications à la Constitution, si on suivait le processus stipulé à l'article 38, on pourrait changer la Constitution pour établir des règles qui s'appliquent au pouvoir de prorogation ou de dissolution du Parlement, par exemple.
    J'ai aussi compris qu'on pourrait avoir une loi qui encadrerait le pouvoir du premier ministre en matière de consultation. Par ailleurs — je veux m'assurer d'avoir bien compris —, vous dites aussi que c'est un peu comme la loi sur les élections à date fixe: c'est un voeu pieux, mais l'adoption d'une telle loi n'aurait pas vraiment d'incidence sur le plan juridique.
    La loi sur les élections à date fixe n'a rien statué en ce qui concerne le rôle du premier ministre. Le premier article de cette loi avait pour objet de modifier l'article 56.1 de la Loi électorale du Canada, auquel on a ajouté la précision suivante:
    56.1 (1) Le présent article n’a pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs du gouverneur général [...]
    Cela a donné au premier ministre la possibilité de conseiller le Gouverneur général quant au déclenchement d'une élection. C'est effectivement une réserve énoncée dans la loi:
    [...] notamment celui de dissoudre le Parlement lorsqu’il le juge opportun.
    Le Gouverneur général agit selon les conseils du premier ministre. Si cette loi disait expressément que le premier ministre ne pouvait pas donner de conseils au Gouverneur général autrement que tous les quatre ans, ou quelque chose comme ça, ce serait une autre histoire.
(1150)
    La façon dont la loi a été rédigée a donc laissé des portes ouvertes au premier ministre.
    Oui, de grandes portes ouvertes.
    À titre d'exemple, certaines propositions ont été émises, à la suite de la prorogation du 30 décembre dernier, selon lesquelles le premier ministre devrait donner un avis avant de conseiller le Gouverneur général, et qu'il devrait y avoir un débat et un vote à la Chambre.
    À votre avis, est-ce une voie possible à suivre? Si oui, serait-ce efficace?
    Selon le Règlement de la Chambre des communes, comme je le disais plus tôt, si le premier ministre demande une prorogation avant de donner un avis à la Chambre des communes, des conséquences procédurales doivent s'ensuivre. Toutefois, sur le plan législatif, il faut dire qu'il est expressément interdit au premier ministre de demander au Gouverneur général la prorogation du Parlement sans avoir donné un avis à la Chambre des communes. Ça, c'est clair dans la législation. Ensuite, il y a le problème de savoir ce que la cour décidera.
    En effet.
    Si la Gouverneure générale a déjà autorisé la prorogation, qu'on a commencé une autre session parlementaire et que, finalement, la cour prend une décision, que va-t-il se produire? Toutes les mesures parlementaires qui ont été prises avant seront invalides?
    Vous avez parlé de la possibilité d'appliquer une loi qui aurait un effet dissuasif à l'égard du recours à la prorogation. Vous avez donné quelques exemples. Dans le cadre du débat qui a suivi la prorogation du 30 décembre dernier, beaucoup d'inquiétude a été manifestée en ce qui concerne le fait que le gouvernement avait mis fin à la session pour empêcher les travaux du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan. Une des mesures dissuasives pourrait-elle être que les comités puissent continuer à fonctionner à la suite d'une prorogation?
    La Chambre des communes peut accorder aux comités le pouvoir de continuer leurs travaux après une prorogation, mais le problème est que le Parlement ne peut pas accorder de privilèges parlementaires au-delà du terme d'une session parlementaire. C'est ça, le problème. Les comités peuvent se réunir, mais...
    Merci. Ça nous éclaire beaucoup.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Christopherson.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Walsh. Il est toujours stimulant de vous avoir au bout de la table.
    Si j'ai bien compris, nous pourrions recourir à une modification constitutionnelle en bonne et due forme, avec l'inattendue unanimité habituelle, et passer par tout cela, ou alors adopter une loi distincte, mais pas forcément une modification constitutionnelle. Ou bien nous pourrions apporter des changements au Règlement, ce qui n'aurait pas pour conséquence d'imposer des interdictions, mais autoriserait la Chambre à prendre des mesures de suivi.
    Y a-t-il quelque chose qui m'échappe? Y a-t-il un élément que j'ai omis?
    Eh bien, en ce qui concerne votre premier point, soit une modification à la Constitution en bonne et due forme, il ne faudrait pas forcément qu'il y ait unanimité; ce pourrait être la règle des sept et cinquante.
    Oui, d'accord, ce qui, politiquement parlant, est presque la même chose.
    Eh bien, l'article 44 autorise l'adoption de lois visant les Chambres fédérales, et qui n'exigeraient pas le consentement des provinces. Si donc il s'agissait d'une modification visant simplement la prorogation de la Chambre fédérale, il se pourrait que ce soit couvert par l'article 44 et que vous n'ayez pas à vous préoccuper de l'obtention du consentement des provinces.
    Mais ce serait son caractère exécutoire qui poserait problème.
    C'est une bonne question. D'aucuns diraient peut-être que vous avez cela dans la Constitution, mais les cours ne seraient peut-être toujours pas habilitées à en exiger le respect. Eh bien, je dirais qu'il y a des dispositions dans la Constitution — je sais qu'il y en a — qui existent bel et bien mais dont on pourrait soutenir qu'elles ne sont pas exécutoires non plus.
    Imaginez-vous la chose. Vous avez la Constitution, qui établit très clairement dans un article les circonstances dans lesquelles la prorogation peut être demandée ou accordée. J'ai beaucoup de difficulté à croire que le premier ministre du jour voudrait enfreindre quelque chose qui est clairement établi dans la Constitution et demander la prorogation. Non seulement cela, mais, a fortiori , il est peu probable que le gouverneur général du jour accorde une prorogation qui est reconnue comme étant contraire à ce qui est prévu dans la Constitution.
    Il arrive un stade où la Constitution établit les règles, et les principaux intervenants en conviennent: il n'est nul besoin de se préoccuper d'une exécution forcée par les tribunaux; cela ne va tout simplement pas arriver. Si ce devait arriver, et si cela allait à l'encontre de la Constitution, alors il y aurait une véritable crise constitutionnelle, et toute ordonnance rendue par une cour serait, au mieux, marginale dans de telles circonstances extrêmes.
(1155)
    Quel genre de recours serait à la portée du Parlement si nous options pour la voie de modification au Règlement, voire même la voie législative? J'ignore si ma question vaut pour les deux — vous le saurez mieux que moi — quant à la possibilité d'empêcher la chose, pas forcément légalement, mais en déclarant que ce n'est pas ce à quoi l'on s'attendrait, un peu à la manière de certains des exemples que vous avez donné plus tôt quant à la façon dont cela pourrait être libellé. Ma question est la suivante: si nous mettions en place pareille chose, soit dans un article du Règlement, soit dans une loi — et il y a peut-être en la matière deux réponses différentes —, de quels outils disposerait le Parlement si la loi ou le Règlement n'était pas respecté?
    Dans le cas d'un article du Règlement, la Chambre établirait vraisemblablement, en vertu du Règlement, quelles dispositions s'appliqueraient advenant que sa volonté en ce qui concerne le prorogation ne soit pas respectée.
    Dans le cas d'une loi...
    Excusez-moi, mais puis-je vous arrêter là?
    Nous pourrions y inclure des pénalités. Existe-t-il quelque chose qui pourrait en bout de ligne déboucher sur une accusation d'outrage?
    Eh bien, la beauté est subjective et l'outrage est lui aussi subjectif, pour ce qui est de la question de savoir si vous devez pousser en ce sens. Mais, n'oubliez pas, même si le Règlement établit peut-être clairement que la Chambre s'attend à recevoir un préavis, si la chose est mise de côté et si la prorogation est accordée, alors la prorogation est valide. C'est un fait.
    Oui, mais vous pourriez toujours tenir le premier ministre responsable et redevable devant le Parlement de ses actions, même si ces actions licites avaient lieu?
    Écoutez, l'éléphant dans la salle ici, et dont il n'a pas été fait mention, est la relation entre la Chambre et le gouvernement. Il arrive un moment où vous pouvez écrire toutes sortes de choses sur un bout de papier, qu'il s'agisse d'articles du Règlement ou de lois, mais si la confiance de la Chambre envers le gouvernement n'est plus là, alors la Chambre le signifiera au gouvernement, si celui-ci agit d'une manière jugée inacceptable par la Chambre.
    Je comprends que vous demanderiez pourquoi foncer tout droit avec un vote de défiance, lorsque ce qui vous préoccupe n'atteint pas ce seuil là. Eh bien, c'est votre choix, mais vous dites alors que vous accomplissez quelque chose.
    Le système parlementaire ne vous permet pas de faire confiance au gouvernement mais de ne pas lui faire confiance; c'est l'un ou l'autre. Ou vous faites confiance au gouvernement et celui-ci demeure en place, ou vous dites le contraire, ou vous faites quelque chose qui, selon la tradition, est assimilable à un vote de défiance, auquel cas le gouvernement doit déclencher une élection, et ainsi de suite.
    Ainsi, le gros éléphant dans la salle — dont je ne veux pas traiter, car je ne suis pas en train de préconiser que cette question soit abordée comme étant une question de confiance, mais cela alimente néanmoins une bonne partie de la discussion — relève de la nature de la relation entre la Chambre des communes et le gouvernement. C'est une question de responsabilité et, en bout de ligne, il faut se demander si la Chambre doit accepter les mesures du gouvernement, aussi déplaisantes soient-elles: vous vous pincez le nez et vous poursuivez, en accordant, implicitement sinon expressément, votre confiance au gouvernement, ou vous dites « non, vous ne jouissez pas de notre confiance », et vous savez alors ce qui doit s'ensuivre.
    Il n'existe pas d'autre moyen de pénaliser le gouvernement ou de lui taper sur les doigts ou autre, du fait que celui-ci ne fasse pas des choses que vous aimeriez le voir faire.
    Une motion d'outrage, si elle est adoptée, équivaut-elle à une motion de censure?
    Si le premier ministre du jour choisit de l'interpréter ainsi, alors cela se pourrait.
    Mais ce ne le serait pas, en soi.
    Pas forcément. Vous savez, la seule chose qui constitue la défiance, mis à part quelques gestes évidents, comme par exemple voter contre le budget et ainsi de suite, est une motion de censure. Mais il existe d'autres moyens d'exprimer votre mécontentement. Cela devient une question d'interprétation. Si vous souhaitez que ce soit interprété d'une certaine façon, alors autant le dire.
    Est-ce tout pour moi?
    Vous pouvez poser encore une question rapide.
    Merci.
    À supposer que nous ne puissions pas empêcher la chose légalement sans une modification constitutionnelle, qu'est-ce qui permettrait le plus simplement à la Chambre d'au moins signifier au premier ministre qu'il a violé les règles et que nous allons insister pour qu'il y ait une motion d'outrage, et que les députés sont d'avis que des droits ont été violés — le Règlement ou une loi? Qu'est-ce qui serait le plus simple, sur le plan de la procédure?
    Il est certain qu'il serait plus simple de recourir au Règlement. Une motion est adoptée à la Chambre, et c'est réglé. L'adoption d'une loi exige, bien sûr, trois étapes et l'intervention des deux Chambres.
    L'inconvénient, bien sûr, est que le Règlement peut tout aussi facilement être balayé par une nouvelle législature.
    Merci, monsieur le président. Je vous suis reconnaissant.
    Merci, monsieur Walsh.
    Merci.
    Je pense que nous avons encore le temps de faire un autre tour rapide, si quelqu'un d'autre a encore une ou deux questions.
    Marlene? Non? Bien.
    Monsieur Lukiwski, vous pouvez avoir un tour rapide. Je pense que nous allons nous en tenir à environ cinq minutes.
    Très bien. J'aurai juste une ou deux questions simples.
    Les gouvernements provinciaux peuvent, bien sûr, eux aussi se proroger. Échappent-ils complètement aux dispositions visant le gouvernement fédéral? En d'autres termes, sont-ils assujettis à des règles différentes, ou bien leur fonctionnement est-il assez semblable?
(1200)
    Ils ne se prorogent pas à moins qu'il y ait quelque chose qui couvre cette éventualité dans leur constitution provinciale, mais il est ici uniquement question de règles et de pratiques non écrites, qui s'appliquent au palier provincial ainsi qu'au palier fédéral.
    Si des changements, des modifications constitutionnelles étaient apportés au niveau fédéral, ceci aurait-il une incidence sur les provinces?
    Pas nécessairement. Tout dépendrait des conditions, du libellé de la modification et de son insertion dans la loi. Ce pourrait être limité aux Chambres fédérales. Le gouverneur général et les pouvoirs qui lui reviennent concernent le Parlement fédéral.
    En d'autres termes, ce serait à part et unique, si vous voulez, au gouvernement fédéral.
    Pour revenir aux commentaires qu'a faits David et à ce que vous avez dit en retour, si la Chambre, bien sûr en situation de gouvernement minoritaire, était offensée par la prorogation, le recours évident, suite à la prorogation, serait de déposer une motion de censure exprimant la perte de la confiance dans la Chambre à l'égard du comportement du gouvernement du premier ministre. Ce serait là le recours.
    C'est exact. Ce serait certainement un recours. Un autre recours serait d'avoir un vaste débat critiquant le gouvernement, et ainsi de suite, ce qui signifierait que la confiance est maintenue, mais qu'à défaut de procéder à un vote de censure, la question peut faire l'objet d'un débat, avec, par exemple, constat de mécontentement et de déplaisir,etc., mais la prorogation est là.
    Ce sera ma dernière question. Pour que les choses soient bien claires dans mon esprit — et je sais que vous avez déjà répondu à la question, alors je m'excuse d'y revenir, mais il y a peut-être quelque chose qui m'a échappé dans l'interprétation —, si quelqu'un souhaitait modifier la Constitution pour traiter de la prorogation, s'agirait-il forcément de suivre la règle des sept et cinquante, ou bien pourrait-on procéder autrement?
    Comme je l'ai dit, je pense que si vous regardez l'article 44 de la Loi constitutionnelle, celui-ci établit que « Le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, du Sénat et à la Chambre des communes ». Le texte ne parle pas du Parlement en tant que tel. Cela y est peut-être sous-entendu, mais cela supposerait la tenue de débats et de discussions très étroits pour analyser ces termes, etc. Sinon, vous vous inscrivez sous l'article 38, énonçant la règle des sept et cinquante.
    La question est également de savoir, car cela a une certaine incidence, bien sûr, sur le gouverneur général, car le premier ministre a toujours à demander...
    Auquel cas, la situation tombe sous l'article 41, et il vous faut avoir le consentement des provinces.
    Je suppose que c'est vraiment là que réside la confusion. Je ne sais pas comment régler cela. Il faudrait éventuellement remonter à la Cour suprême pour...
    C'est là une question juridique qui serait, je pense, justiciable, une fois que la situation serait devenue apparente. Soit qu'une modification constitutionnelle est proposée et un renvoi est fait à la Cour suprême lui demandant si la chose est acceptable, soit que la modification est édictée, auquel cas elle sera contestée plus tard. Et la Cour suprême du Canada aura alors l'occasion de trancher ultérieurement.
    La chose demeure donc toujours une énorme inconnue.
    Ah, oui.
    Très bien. Merci.
    Merci.
    Monsieur Guimond.

[Français]

     Merci, monsieur Walsh, de nous faire profiter de vos lumières. Par contre, on peut voir qu'il y a encore des zones grises.
    Je voudrais revenir non pas sur la prorogation du 30 décembre 2009, mais sur celle qui a été accordée à la suite de la coalition entre le Parti libéral et le NPD, appuyée par le Bloc québécois.
    J'aimerais que vous preniez quelques minutes pour nous expliquer la distinction entre le rôle du Gouverneur général et celui du premier ministre. Le premier ministre, qui a un rôle consultatif, initie la demande, mais le décideur ultime, c'est le Gouverneur général. Or comme on a pu le constater, la Gouverneure générale a mis beaucoup de temps à rendre sa décision. Selon les rumeurs, ça a été beaucoup plus long que ce à quoi le premier ministre s'attendait. Je ne dirais pas que ça passe habituellement comme une lettre à la poste, mais disons qu'en termes de durée, c'est en général équivalent au temps que ça prend pour boire un petit thé accompagné d'un sablé. Le premier ministre revient ensuite avec la prorogation en poche. Je vais faire un commentaire politique, puisque je suis en politique. En ce qui vous concerne, vous devez rester au-dessus de la mêlée. Apparemment, le processus a été si difficile que ça pourrait coûter son poste à Michaëlle Jean. Étant donné que le premier ministre est rancunier et qu'il a une bonne mémoire, le renouvellement du mandat de la Gouverneure générale serait en péril.
     Pourriez-vous nous expliquer la distinction entre le rôle du premier ministre et celui de la Gouverneure générale?
(1205)
    Les deux rôles?
    Oui. Le rôle du premier ministre est uniquement consultatif. Pour sa part, la Gouverneure générale a un pouvoir, même si ce processus est en quelque sorte automatique.
    C'est le Gouverneur général qui a le pouvoir juridique. Le premier ministre, lui, a un rôle politique. D'après une règle non écrite, une convention constitutionnelle, le pouvoir juridique appartient au Gouverneur général. C'est à lui de prendre la décision. Dans une situation classique, il accorde la prorogation au premier ministre en réponse au conseil de ce dernier. Cependant, le Gouverneur général a le pouvoir d'agir de façon indépendante — et ça peut même être à l'encontre du premier ministre — dans des circonstances extrêmes. Il est difficile d'imaginer des circonstances extrêmes, mais si le premier ministre était motivé par des intérêts financiers ou faisait preuve de corruption, par exemple, la Gouverneur générale pourrait rejeter sa demande.
    Avez-vous relevé des précédents, à un moment ou l'autre de l'histoire du Canada? Est-il arrivé qu'à Londres le représentant de la Reine ou la Reine elle-même refuse d'accéder à une demande politique du premier ministre? Vous m'avez confirmé que le premier ministre avait un rôle politique. Or on a constaté qu'en réaction à la coalition, le premier ministre avait imaginé d'utiliser la prorogation comme réponse politique au geste politique posé par les partis de l'opposition.
    Y a-t-il eu des cas où le gouverneur général a carrément dit non?
    En ce qui concerne la prorogation?
    Oui.
    Non, ce n'est jamais arrivé.
    Et à Londres?
    Il faudrait faire une recherche sur cette question. Je ne crois pas que ce soit arrivé, mais les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement pourraient le vérifier. C'est toujours possible, vu que les Anglais ont derrière eux une plus longue histoire que nous.

[Traduction]

    Merci, Michel.
    Madame Jennings.
    J'aurai une très courte question.
    Lorsque j'ai fait mes études de droit et de droit constitutionnel, nous avons, pendant une partie du cours, étudié le gouvernement canadien, notre Parlement et le système constitutionnel. Je me souviens d'avoir discuté du pouvoir du gouverneur général de dissoudre, proroger, etc., sur les conseils du premier ministre. D'après mon souvenir, il semble que les seules personnes dans la salle étaient le gouverneur général, le premier ministre, et peut-être un membre du personnel du gouverneur général. Cela est-il la norme et ce que le public comprend? Si c'est le cas, il y a eu des articles mettant en question la présence du greffier du Conseil privé, qui est, en bout de ligne, un sous-ministre du premier ministre. Si ma mémoire est bonne, d'autres personnes étaient présentes lorsque le premier ministre s'est rendu chez la gouverneure générale en décembre 2008 pour demander la prorogation. Si tel était le cas, ce qui a été rapporté était-il peu habituel?
    Je pense que cela était inhabituel en ce sens que la tradition — il n'existe, que je sache, aucune convention constitutionnelle —, jusqu'alors, a été qu'il se tienne une rencontre privée entre le premier ministre, avec, en Angleterre, la Reine, et, au Canada, le gouverneur général. Je pense que cette pratique a peut-être changé au cours des occasions récentes, d'après les rapports dans les médias. Je n'étais pas là, mais d'après les journalistes, d'autres personnes auraient été dans la salle. Je ne connais aucune règle stipulant que personne d'autre ne doit être dans la pièce. Le protocole laisse entendre que c'est au gouverneur général qu'il revient de choisir qui d'autre peut être présent dans la salle. C'est ce que m'indique le protocole. En d'autres termes, il me semble que ç'aurait été contraire au protocole que le premier ministre se présente accompagné d'une équipe de personnes qui s'assoiraient et seraient témoins de sa demande, mais c'est une question de protocole. C'est une tradition, c'est tout, ce qui se comprend, car il s'agit d'une affaire privée entre le premier ministre et le gouverneur général. J'ignore s'il existe quelque règle de nature légale ou quasi-légale ou quelque convention constitutionnelle exigeant cela.
(1210)
    Merci.
    Monsieur Reid.
    Je suppose que la considération pertinente serait de savoir si la personne peut être témoin d'entretiens discrets avec le gouverneur général — c'est-à-dire un conseiller privé — ou quelqu'un d'autre qui... Ce ne pourrait pas, je présume, être Monsieur ou Madame Tout-le-monde; il doit y avoir une limite quant à la présence de ce genre de personnes.
    D'après ce que je comprends, il est normal pour le gouverneur général d'avoir accès à des experts constitutionnels. On nous dit, bien que personne n'en ai la certitude, que le professeur Hogg était un tel expert, et il y en avait peut-être d'autres. Bien que je n'en ait pas la certitude, je suppose que ce qui se passe est que la gouverneure générale les consulte séparément. Peut-être qu'elle se lève et quitte la pièce ou invite le premier ministre à quitter la pièce pour ensuite s'entretenir avec eux sans que le premier ministre ne soit présent. Ces personnes ne sont donc pas témoins de sa discussion avec le premier ministre; elles ne savent que ce qu'elle leur dit aux fins d'obtention de conseils.
    Cela résume-t-il ce que vous savez de la chose?
    Cela correspond au rapport que moi aussi j'ai vu, mais je ne saisis pas très bien la question à ce sujet.
    Je suppose que la question est de savoir si ce que je viens tout juste de décrire vous paraît approprié sur le plan constitutionnel.
    Monsieur le président, j'improvise en quelque sorte ici.
    J'ai toujours pensé que la gouverneure générale, du fait de la Constitution, était obligée ou était censée obtenir des conseils juridiques auprès du Bureau du Conseil privé, pas forcément en privé, à l'écart du premier ministre. Mais il se pourrait qu'elle veuille s'adresser au Bureau du Conseil privé pour obtenir ces conseils juridiques sur la question qui lui a été soumise, ou toute autre question, mais certainement sur la question ou la demande déposée auprès d'elle par le premier ministre. Et je ne crois pas qu'elle soit tenue de recevoir ces conseils en la présence du premier ministre. Elle pourrait faire cela en privé.
    Le fait de recourir à des conseillers externes était, je pense, un écart. En tout cas, cela semble avoir été un écart dans la mesure où c'est la première fois que nous en entendions parler. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que j'ai toujours pensé que la position du gouverneur général est telle qui lui faut maintenir sa neutralité politique, et sa relation avec le gouvernement du jour veut que le gouverneur général suive les conseils du gouvernement du jour. Recourir à des parties à l'extérieur revient à vous éloigner du gouvernement du jour et à vous donner une source de conseils pouvant aller à l'encontre des conseils du premier ministre du jour, alors que le Bureau du Conseil privé fait, bien sûr, partie du gouvernement dirigé par le premier ministre, de telle sorte que les conseils émanant du Bureau du Conseil privé, peut-on soutenir, cadreront avec les conseils du premier ministre. Les conseils émanant du Bureau du Conseil privé n'auraient pas porté sur la question de proroger ou non, mais bien sur les éléments légaux de son rôle et ainsi de suite.
    Cela m'a étonné que l'on recourre à un tiers. D'aucuns considèrent que cela est tout à fait bien et que la gouverneure générale était dans son droit. Cela me surprend. J'aurais pensé qu'elle aurait dû chercher à obtenir l'avis juridique du Bureau du Conseil privé et se limiter à cela, mais cette opinion n'engage que moi.
    Merci.
    Très bien. Si vous voulez bien, j'aimerais clore la discussion ici, afin que nous puissions entendre le deuxième témoin. Pourrions-nous suspendre un court instant et inviter les autres témoins à s'installer?
    Monsieur Walsh, il est toujours agréable de vous recevoir ici. Merci beaucoup pour les réponses que vous avez fournies à nos questions aujourd'hui et pour le document que vous nous avez livré. Ne vous éloignez pas trop, au cas où nous aurions encore besoin de vous.
    Je blague.
    Souhaiteriez-vous que je reste ici pendant la comparution...
    Non, non. Je blaguais. Nous aurons peut-être ultérieurement d'autres questions encore pour vous, mais cette étude va se poursuivre.
    Eh bien, je peux vous assurer que je vais suivre avec un vif intérêt la suite de vos travaux.
    Merci. Il est toujours bon de savoir qu'il y a quelqu'un quelque part qui suit ce que nous faisons.
    Et vous aurez peut-être des nouvelles de moi.
    Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance pendant un court instant et inviter le deuxième témoin à prendre place.
(1210)

(1215)
    Nous reprenons la séance.
    Nous allons entendre Thomas Hall.
    Je crois savoir que vous n'êtes pas sans connaître ce comité, monsieur. Avez-vous une déclaration liminaire? N'hésitez pas à la présenter et nous allons ensuite vous poser quelques questions sur le sujet que nos étudions.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je serais beaucoup plus à l'aise assis à la place d'Angela comme greffier du comité qu'à ce bout-ci de la table. J'ai toujours pensé que si l'on m'invitait un jour à m'asseoir à ce bout-ci de la table, ce serait par une froide journée de printemps, et c'est bien le cas aujourd'hui.
    Vous aviez raison.
    J'avais raison.
    Je vais vous parler un peu de mes antécédents. Je ne suis pas diplômé en droit. Je ne suis pas juriste, mais j'ai beaucoup lu. J'ai été greffier à la Chambre des communes pendant plus de 20 ans et je fais partie d'un groupe d'accros de la procédure. Nous aimons croire que si M. Milliken n'était pas devenu député et était plutôt devenu greffier, il aurait été un membre de notre groupe.
    À qui faut-il s'adresser pour adhérer?
    Nous pouvons en faire un membre honoraire.
    Nous avons un chargé de recherche de la Bibliothèque du Parlement qui est membre honoraire. Il a jadis été chargé de recherche pour ce comité, en fait pendant de très nombreuses années.
    Nous discutons de choses et d'autres et nous avons discuté au fil des ans de toutes sortes de choses ésotériques, pas seulement de la procédure de la Chambre mais d'aspects tels que les prorogations et dissolutions et modifications constitutionnelles.
    Je devrais peut-être mentionner quelques-uns d'entre eux. L'un travaille toujours ici, à la Chambre des communes: Terry Moore, de la Direction des recherches pour le Bureau. Charles Robert est greffier principal au Sénat et connaît très bien toutes ces questions. Et David Gussow, qui est un greffier au Bureau de la Chambre des communes à la retraite.
    Nous restons en communication les uns avec les autres et discutons de ces points. Nous sommes tous des autodidactes dans ce domaine. Je ne suis pas politicologue ni juriste, mais j'aime dire que ma vingtaine d'années d'expérience ici m'ont conféré un diplôme de science parlementaire appliquée.
    Je suis d'accord avec tout ce que M. Walsh vous a dit. Mais ce que je vais essayer de faire, c'est descendre d'un cran, situer la question non plus au niveau juridique mais sur un terrain plus familier, si je puis.
    Les prérogatives du gouverneur général — ou de la Couronne, devrais-je dire, car elles appartiennent réellement à la Couronne et ne sont que transmises au gouverneur général par des lettres patentes du souverain de l'Angleterre — sont, comme l'a dit M. Walsh, des pouvoirs de common law. Ils ne sont inscrits dans aucune loi. Notre Constitution fait état de deux d'entre eux. Ces prérogatives se rapportant à la relation entre la Couronne et le Parlement sont la convocation du Parlement, la prorogation du Parlement et la dissolution du Parlement.
    Tout cela est historique et je pense qu'il faut envisager la prorogation sous cet angle: c'est la Couronne qui avait besoin que le Parlement se réunisse, c'était la Couronne qui avait besoin d'argent et c'est la Couronne qui avait besoin du Parlement pour légiférer. Donc, ces prérogatives sont toutes conçues, essentiellement, selon la perspective de la Couronne et reviennent à dire: « Nous voulons vous convoquer pour faire tel travail. Vous avez fini la tâche que nous vous avons assignée dans le discours du Trône, ce que nous vous demandions d'examiner. Rentrez chez vous. Mais je ne déclenche pas d'élections, car je pourrais vouloir vous rappeler ».
    La prorogation est en fait une extension, un report. Si vous prenez l'étymologie du mot, il signifie « aller en avant ». Il ne signifie pas mettre fin à une session. C'est l'effet, mais en réalité c'est une continuation du Parlement; c'est un report à une date ultérieure lorsqu'un nouveau programme sera présenté.
    Vous connaissez tout cela, mais si vous y réfléchissez, si vous voulez imposer des limites à la prorogation, vous ne faites pas qu'empêcher le gouvernement de vous renvoyer chez vous; il se pourrait que vous fassiez d'autres choses en sus, car la prorogation doit intervenir non seulement lorsque le programme est achevé, mais elle peut intervenir aussi parce que la Couronne change de premier ministre. Elle peut intervenir parce qu'il existe une situation d'urgence. Vous devez donc faire preuve de très grande prudence en rédigeant quelque chose afin de ne pas causer plus tard un problème imprévu.
    Par exemple, la motion de M. Layton que la Chambre a adoptée vous donne, je crois, sept jours de prorogation. Que se passe-t-il si cela ne suffit pas? Que se passe-t-il si les édifices du Parlement partent en fumée parce qu'ils ont été si longtemps négligés?
    Excusez cette mention. Je n'ai pu m'empêcher de la placer.
    Si le Parlement brûle et qu'il faut plus de temps pour trouver un autre lieu, lorsque l'incendie est déclaré vous ne pouvez plus faire adopter de motion d'ajournement, et il faut donc bien que quelqu'un dise: « Nous ne siégeons plus, les gars; rentrez chez vous et nous allons aménager une chambre temporaire pour vous ».
    Ce sont des choses qu'il faut avoir à l'esprit si vous commencez à jouer avec ces prérogatives, car elles confèrent la flexibilité. Vous êtes dans une situation où beaucoup de gens disent qu'il y a eu un abus de ces pouvoirs. Tout le monde n'est pas de cet avis, évidemment, mais d'aucuns le pensent. Comme le disent les avocats, les mauvaises affaires causent des lois difficiles — ou est-ce plutôt que des affaires difficiles causent des mauvaises lois? Je crois que j'ai inversé la proposition. Vous devez donc être très prudents et avoir conscience de toutes les répercussions.
(1220)
    Je vous soumets l'idée que la prorogation ne représente peut-être que la pointe de l'iceberg et qu'il faudrait plutôt se pencher sur toutes les prérogatives et leurs répercussions sur vous. La prérogative de la dissolution a eu beaucoup plus d'effets sur cette législature et la précédente que n'importe quoi d'autre, car il est possible de déclarer qu'une mesure engage à la confiance et menacer de dissoudre. C'est une prérogative beaucoup plus importante pour la vie d'une législature, particulièrement lorsque le gouvernement est minoritaire. Vous devez élargir le champ et considérer cela.
    Je devrais mentionner que le Royaume-Uni est en train de revoir les prérogatives de la Couronne. Les Britanniques sont très préoccupés par certains aspects et cherchent à les moderniser. J'ai envoyé à vos chargés de recherche et à votre greffier quelques références à des publications britanniques qui se sont penchées sur les prérogatives.
    D'ailleurs, l'une d'elles suggère de légiférer relativement à la prérogative de déclaration de guerre et de mobilisation des troupes. La Couronne n'est pas obligée de consulter la Chambre des communes. C'est à porter à son crédit, le premier ministre Stephen Harper a consulté la Chambre des communes sur l'Afghanistan, mais il n'y était pas obligé. La prérogative permet de mobiliser les troupes et de les déployer sans le consentement de la Chambre des communes ou du Sénat.
    Les pouvoirs de cette sorte font l'objet d'un examen au Royaume-Uni. Une idée lancée est de légiférer à ce point de vue. Je crois que c'était le fait d'un comité de la Chambre des communes. La Chambre des lords a recommandé l'adoption d'une résolution qui s'inscrit dans le même ordre d'idées que ce que les libéraux et le NPD envisageaient de faire ou ont fait. Il s'agirait d'une résolution énonçant très clairement la volonté du Parlement, et qui aurait l'effet de la permanence, à l'instar d'une disposition du Règlement, et serait ainsi respectée.
    Les Britanniques savent très bien suivre le plan prescrit sans aller saisir les tribunaux pour contraindre le respect. Il y a là une différence culturelle dont vous voudrez peut-être tenir compte, mais c'est très caractéristique des Britanniques. Nombre de leurs conventions sont assises sur ces postulats.
    Je vais juste mentionner ceci au sujet du moment où les prorogations interviennent. J'ai lu le débat à la Chambre sur la motion de M. Layton concernant la prorogation, et l'on y a beaucoup mentionné la fréquence des prorogations.
    La fréquence des prorogations ne devrait jamais vraiment être un problème. Je pense que c'est un peu une fausse piste, car si vous êtes bien organisé — et je reviens là au modèle britannique — ils commencent avec un discours du Trône à l'automne, énonçant le programme législatif. N'oubliez pas que jusqu'à récemment, jusqu'à la dévolution, ce Parlement légiférait pour le pays tout entier, tout le monde. Il n'y avait pas d'assemblées législatives provinciales, sauf en Irlande du Nord. Le programme était bouclé à la fin du printemps ou au début de l'été, et puis ils attendaient jusqu'à l'automne, prorogeaient et démarraient avec la nouvelle session. La prorogation est donc annuelle. C'est une façon très rationnelle et organisée de faire les choses.
    Je crois que certaines provinces prorogent deux fois par an. Je n'ai travaillé que dans une assemblée législative provinciale, très peu de temps.
(1225)

[Français]

    Aussi surprenant que ça puisse paraître, c'était à l'Assemblée nationale du Québec. J'y ai travaillé il y a quelques années. Je dois avouer que je ne me souviens pas s'il y a eu deux prorogations ou une seule.

[Traduction]

    Je vais bientôt conclure. Je sais que vous regardez l'horloge.
    L'une des choses qui n'a jamais été mentionnée par les médias au sujet de la prorogation — et cela a été dit durant le débat, par M. Hill je crois, mais je peux me tromper — c'est le temps précieux qui était gaspillé. C'était dans un contexte totalement différent, mais cette mention du gaspillage de temps m'a amené à penser que si quelqu'un devait s'inquiéter de la prorogation, ce devrait normalement être le gouvernement car il ne dispose que d'un temps limité pour exercer le pouvoir dans une législature donnée avant qu'une autre élection n'ait lieu. Et lorsque vous renvoyez la Chambre et le Parlement, vous ne faites pas adopter vos lois, vous ne faites rien de ce que les gens qui vous appuient attendent de vous. Donc, si quelqu'un devait être préoccupé par la perte d'un temps précieux à cause de la durée de la prorogation, c'est bien le gouvernement.
    Je dis cela juste à titre d'avis amical. J'ai été surpris que cela n'ait été mentionné dans aucun des articles des journaux traitant du fait que vous avez perdu ce temps précieux.
    Du point de vue de l'opposition, le temps précieux n'était pas celui consacré à l'adoption de lois. Selon son optique, elle perdait la possibilité de surveiller le gouvernement, votre fonction d'examen — et d'offrir des conseils, ou des critiques si vous voulez. J'ai vu que le mot « conseil » a fait sourire.
    Je crois que je vais me taire maintenant pour voir si vous avez des questions pour moi.
    Je vous en prie, ne le faites pas, utilisez votre parole pour répondre à nos questions.
    Madame Jennings, c'est à vous de commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Hall. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les articles parus dans le Hill Times que vous avez corédigés avec W.T. Stanbury. J'ai relevé que le 15 février 2010, vous avez écrit dans un article:
Peut-on limiter, sans modifier la Constitution, le pouvoir de proroger le Parlement du premier ministre? Oui, c'est possible. Il est temps d'entamer le processus maintenant, comme élément d'une série de réformes destinées à limiter les pouvoirs excessifs du PM.
    J'invite tous mes collègues ici, s'ils ne l'ont déjà fait, à lire cet article.
    J'aurais deux questions, selon votre réponse à la première. Étiez-vous dans la salle lorsque M. Rob Walsh a comparu et répondu aux questions du comité?
    Oui.
    Vous avez donc entendu M. Walsh dire que si l'on utilise le Règlement de la Chambre pour tenter de restreindre le pouvoir discrétionnaire ou exécutif du premier ministre de demander la prorogation, cela ne serait pas exécutoire, et que si l'on souhaite utiliser la voie du Règlement, le meilleur moyen serait de dire: « Dans l'éventualité où le premier ministre obtient à sa demande la prorogation sans avoir rempli les conditions X, Y et Z, lors de la session suivant cette prorogation... », et ensuite il y aurait une série de sanctions. On pourrait dire que pendant « les 60 premiers jours on ne traitera que des mesures d'initiative parlementaires ». On pourrait dire que le gouvernement ne pourra procéder à la deuxième lecture d'aucun projet de loi gouvernemental pendant un certain nombre de jours.
    J'aimerais votre avis à ce sujet.
(1230)
    M. Walsh et moi ne sommes pas vraiment d'avis divergent. Je crois que nous mettons l'accent sur des points différents.
    J'ai aimé son idée d'instaurer par ce biais des punitions — ou des pénalités, pour utiliser un mot qui sonne mieux que punition.
    Des désincitations.
    « Désincitations » était effectivement le terme qu'il a employé et je trouve que c'est une très bonne idée.
    Je reprenais le point de vue du professeur Andrew Heard, la plus grande autorité sur les conventions constitutionnelles canadiennes, qui a écrit dans un article paru dans le Globe and Mail que la Chambre pourrait adopter une résolution indiquant qu'elle ne veut pas que le premier ministre, ou même le gouverneur général, proroge sans consultation de la Chambre, sauf dans certains cas, par exemple — ou du moins ne proroge pas pour une durée plus longue que ce qui était mentionné, par exemple, dans la motion de M. Layton récemment adoptée par la Chambre. Selon le professeur Heard, on pourrait adopter ce genre de résolution qui serait alors l'expression de la volonté de la Chambre.
    Je souligne que je m'attendrais dans ces conditions à ce que le gouverneur général, quel qu'il soit, prenne cela en considération lorsqu'il est saisi d'une demande de prorogation d'un premier ministre. Par exemple, quel que soit le contenu d'une telle résolution, vous devrez permettre des prorogations lorsque le gouvernement décide qu'il ne veut pas poursuivre son programme. Vous ne voudrez pas empêcher le gouvernement de faire ce genre de chose raisonnable, et il conviendra donc de formuler cette résolution très soigneusement.
    Comme je l'ai dit, je pense que la durée de sept jours est insuffisante, mais c'est là un autre sujet de débat.
    Une autre possibilité est d'en faire une loi, mais je pense que l'on est trop obnubilé par le caractère exécutoire. Parfois, le fait d'inscrire dans la Constitution une condition, comme l'a dit M. Walsh... Mais même si ce n'est que dans une loi, le gouverneur général connaît les lois et si une loi dit que le premier ministre n'est pas censé conseiller au gouverneur général de faire quelque chose sans l'approbation de la Chambre des communes, je pense que le gouverneur général dirait très probablement: « Je pense que vous feriez mieux d'aller demander cette approbation ».
    Mais cela n'a pas semblé marcher avec la date fixe des élections.
    Ah, mais ce texte était très mal rédigé, et je ne sais pas si c'était fait exprès...
    Oh, je vous en prie.
    ... ou si c'était simplement une bévue.
    Vous êtes clairement un esprit généreux.
    Merci.
    Monsieur Reid.
    Merci.
    Au moment des événements de décembre 2008 qui ont débouché sur la prorogation des Communes, je me souviens d'être tombé lors de mes lecture sur un article disant que traditionnellement la prorogation était d'au moins 40 jours. Je n'ai pas retrouvé cette source depuis, et c'est pourquoi je vous pose la question: a-t-il jamais existé une telle tradition, ici ou en Grande-Bretagne, et si oui, reste-t-elle encore valide ou non?
    Je pense que les 40 jours dérivent de l'un de vos privilèges, que vous connaissez, celui de ne pas être appelé à siéger dans un jury. Un autre privilège des députés est de ne pas être cité à témoigner en justice. Ces privilèges s'appliquent pendant 40 jours avant une session et 40 jours après. Apparemment, c'est une tradition qui a vu le jour en Angleterre.
    Normalement, la proclamation était émise au moins 40 jours — ou à peu près, car il y a eu des variations dans le temps — avant le début de la session, car les parlementaires devaient effectuer de longs voyages, et dans les années 1800 et auparavant, les déplacements n'étaient pas faciles. Ensuite, on leur donnait le temps de rentrer chez eux, et on accordait donc 40 jours après aussi.
    C'est peut-être à cela que l'auteur faisait référence, à savoir que si vous alliez proroger le Parlement il fallait donner aux députés le temps de rentrer chez eux et puis de revenir. Il fallait donc une durée de prorogation plus longue pour que les gens puissent rentrer chez eux et revenir.
    Les sessions étaient jadis très courtes, même au début du Canada, car être parlementaire n'était pas alors un emploi à temps plein. Les parlementaires avaient des exploitations agricoles, ils étaient médecins et avocats et avaient leur cabinet. Ils devaient voyager. C'est toujours le cas de certains. Ils devaient faire un long voyage pour rentrer chez eux et il n'y avait pas beaucoup de lois; au premier jour de la Confédération il y avait très peu de législation gouvernementale.
(1235)
    Je suppose dans ce cas que les 40 jours n'ont plus de raison d'être.
    J'allais poser une question complémentaire à ce sujet et j'aborderai ensuite un autre sujet. La question complémentaire porte sur le fait que vous avez semblé dire que traditionnellement, au Royaume-Uni, la prorogation intervenait à la fin de l'été et était suivie presque immédiatement par le discours du Trône, par opposition à ce qui s'est fait au Canada à maintes reprises, à savoir que la prorogation intervient au début de l'été et est suivie par un discours du Trône à l'automne.
    On pourrait le faire de cette façon, mais ma mémoire me dit que c'était fait un peu plus tard, juste au cas où une crise surviendrait pendant l'été. Je peux me tromper. Je ne sais pas.
    Je voudrais ensuite vous poser une question sur les modifications du Règlement proposées. Je songe en particulier à celles que vous avez mentionnées dans votre article du 15 février, une proposition libérale. Elles prévoient une certaine durée de débat et un avis préalable à la clôture de la session parlementaire.
    De toute évidence, si cela était adopté, il ne pourrait y avoir de prorogation pendant que la Chambre n'est pas en session. Je pense que cela réglerait — et je songe aux deux prorogations les plus récentes — la situation intervenue en décembre 2008, et n'empêcherait sans doute pas la prorogation qui a été annoncée le 30 décembre 2009.
    Est-il réellement possible de modifier le règlement de façon à interdire une prorogation quand la Chambre ne siège pas, ou bien est-ce une impossibilité procédurale, à votre avis?
    De la façon dont la proposition libérale était initialement rédigée, elle négligeait certaines complications ou difficultés. Par exemple, si vous voulez proroger pendant l'été, mettons, juste avant le retour de la Chambre en septembre, et que la Chambre ne siège pas à ce moment-là, que faites-vous? Cela n'était pas couvert dans le communiqué de presse initial. La résolution ne prévoyait pas le cas du décès du premier ministre. Que faites-vous si son avion s'écrase, comme celui du président polonais, Dieu nous en garde? Ce genre de complication n'était pas pris en considération.
    Que faites-vous si, juste après une élection, on ne sait pas qui pourrait obtenir la confiance de la Chambre? Ainsi, le gouvernement en place avant l'élection reste au pouvoir. Il se présente à la Chambre avec un discours du Trône, qui est suivi d'un débat sur le discours du Trône, et il est alors battu.
    Je pensais à cela — l'Ontario, en 1985.
    Oui. Il est battu à ce stade, puis le chef de l'opposition serait normalement invité par la Couronne à former un gouvernement.
    Dans cette éventualité, il est normal que le nouveau premier ministre veuille proroger, pour donner un nouveau départ avec son propre discours du Trône, ce qui peut prendre un certain temps. Cela n'a pas été envisagé non plus.
    Merci, monsieur Reid.
    Monsieur Guimond.

[Français]

    Dès le départ, monsieur Hall, je veux vous dire que ça nous fait un grand plaisir de vous revoir devant le comité. Vous y avez laissé votre marque comme greffier. J'ai eu l'occasion de travailler avec vous. Vous êtes la preuve vivante que la retraite n'a rien enlevé à votre vitalité d'esprit. Vous êtes toujours aussi actif.
    Mes questions abondent dans le sens de celles de M. Reid. Vous avez mentionné être favorable à ce qu'on modifie la Constitution pour préciser les circonstances. Disons qu'on modifie le Règlement de la Chambre pour encadrer le processus. Dans un article que vous avez écrit, en vous référant à un auteur universitaire, vous avez mentionné que s'il y avait une motion de la Chambre des communes, ça ajouterait à la réflexion de la Gouverneur générale. Techniquement, ça va. Or, le gouvernement a procédé à la dernière prorogation le 30 décembre. Si on ne se réunit pas, la technique de prorogation est différente.
    On va quitter la Chambre en juin et disons qu'après les vacances, en août, il commençait à circuler dans les corridors la rumeur, venue jusqu'à certains journalistes, selon laquelle la Chambre ne reprendrait pas le 20 septembre, mais que la rentrée serait repoussée à octobre. De quelle façon pourrions-nous nous réunir? Ou si la prorogation arrivait rapidement et qu'il n'y avait plus de Parlement, comment pourrait-on se réunir pour encadrer le processus ou statuer? Il faudrait examiner la modification à apporter au Règlement, de même que la faisabilité ou l'applicabilité de cet exercice.
(1240)
    C'est une très bonne question. Je présume que le premier ministre avait pris sa décision ou avait au moins réfléchi à la possibilité d'une prorogation bien avant la date où il l'a demandée.
    Si on modifiait le Règlement de la Chambre ou si on adoptait une résolution en ce sens, il faudrait que le premier ministre tienne compte de cela et qu'il planifie un peu. En fait, il ne s'agissait pas d'une prorogation d'urgence, mais d'une prorogation bien réfléchie. Je crois que le premier ministre avait en tête certains buts et objectifs, dont celui bien évident de modifier la composition des comités au Sénat. Il aurait pu débattre de cela bien avant; ce n'était pas une urgence de le faire le 30 décembre.
    Exactement. À l'évidence, il l'a fait dans un but précis, que je ne remets pas en question. Après tout, on est en politique, non pas en pastorale ou dans un club de bridge. À l'évidence, il l'a fait pour embêter l'opposition. Il y a pensé à l'avance. On ne pouvait sérieusement pas s'attendre à ce qu'il nous dise qu'il pensait sérieusement à proroger la Chambre le 30 décembre parce qu'il avait comme objectif de modifier la composition du Sénat et de refroidir un peu le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan qui devenait assez hot — passez-moi l'expression latine.
    M. Walsh nous a confirmé que le premier ministre a un rôle politique dans l'exercice et la Gouverneure générale a un rôle judiciaire.
    Je ne comprends donc pas votre commentaire.
    En fin de compte, si vous adoptez une résolution ou si vous modifiez le Règlement ou même une loi, ça va empêcher le premier ministre d'utiliser la prorogation comme outil politique, de la même façon qu'il l'a fait.
    Cependant, il faudra examiner le libellé. Comme vous l'avez dit plus tôt, on a été échaudé par la loi sur les élections à date fixe. Le gouvernement a voulu garder un petit article qui stipulait qu'on allait bel et bien tenir des élections à date fixe, mais qu'on pouvait décider de les tenir avant la date fixe. Ç'a donné lieu aux élections de 2006.

[Traduction]

    Vous avez dépassé les cinq minutes. J'ai été généreux avec vous, sans même le savoir.
    Vous plaisantez. Impossible.
    Des voix: Oh, oh!
    Je suis moi-même étonné.
    Monsieur Christopherson.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup de votre exposé. C'était très intéressant.
    Je m'aperçois que mon expérience de leader en Chambre à l'Assemblée législative de l'Ontario est à la fois utile et inutile. Elle est utile parce qu'elle me donne une appréciation de la dynamique, mais inutile parce que quantité de détails sont différents. Je vais donc partir d'une hypothèse, et elle est fondée sur un jeu de règles différent.
    Aidez-moi à comprendre la différence entre une règle et une résolution de la Chambre.
(1245)
    Cela dépend du type de résolution que vous adoptez. Une résolution peut consister simplement à féliciter quelqu'un. C'est une expression d'opinion de la Chambre. Voilà ce qu'est une résolution. Mais si elle est formulée de manière à lui conférer une permanence — par exemple, la Chambre considère que c'est une violation de ses privilèges d'être prorogée pour une durée supérieure à x jours, avec des expressions grandioses comme celle que le Parlement britannique peut employer — alors il sera claire que la résolution est destinée à durer, qu'elle n'est pas simplement temporaire.
    Merci.
    Une résolution de cette nature, destinée à être durable, serait-elle versée au Règlement? Deviendrait-elle un ajout au Règlement, ou bien existera-t-elle dans sa propre sphère?
    Normalement, elle ne le serait pas. Elle apparaîtrait simplement dans les journaux de la Chambre. Mais la Chambre est libre de faire ce qu'elle veut. Elle pourrait la verser au Règlement à titre de disposition séparée. Les Britanniques normalement se contentent d'adopter et elle figure dans les journaux.
    Et elle a le même effet que le Règlement?
    Elle n'a pas le même effet parce qu'il existe des résolutions consistant à dire que l'on ne va pas faire quelque chose ou que... Par exemple, une résolution a été adoptée à la Chambre britannique — je ne sais plus il y a combien d'années — disant que l'on ne considérera plus comme une violation de privilège la publication des débats de la Chambre britannique. Une question de privilège à ce sujet ne sera plus recevable. Cela a été adopté il y a des années; elle reste valide et ne figure pas dans le Règlement. C'est ce genre de chose indiquant que l'on va faire ceci et cela.
    Est-ce que la procédure sera la même que si un député se plaint d'une violation de son privilège? Si vous estimez que vos droits en vertu du Règlement sont violés, il existe une procédure pour poser une question de privilège et en appeler au Président.
    J'essaie simplement de voir si les deux ont exactement le même poids... C'est quelque chose de nouveau pour moi. Est-ce que les deux instruments ont le même poids vis-à-vis des privilèges et recours des membres? Ou bien le Règlement a-t-il un statut légèrement différent parce qu'il est le Règlement de la Chambre des communes?
    Je n'ai rien vu dans les écrits britanniques qui indique que l'on peut invoquer le Règlement à l'égard de ce genre de chose.
    Donc, hypothétiquement, si vous aviez quelque chose dans le Règlement plutôt que dans une résolution, les membres ne perdraient aucun de leurs droits. Rien ne serait perdu. Vous pourriez toujours revendiquer vos droits en vertu de la résolution, tout comme vous pouvez le faire en vertu du Règlement. Les deux auraient le même poids.
    Eh bien, il s'agirait là des droits de la Chambre, plutôt que du député individuel. C'est le professeur Heard qui a recommandé cette approche. Comme je l'ai mentionné, j'ai fait parvenir la référence à vos greffiers et chargés de recherche afin qu'ils puissent vous remettre l'un des documents britanniques qui dit que c'est un comité de la Chambre des lords qui a recommandé de faire ce genre de chose. En substance, on cherche à créer une nouvelle convention qui établit comment l'on va fonctionner à l'avenir, comment l'on envisage de fonctionner. Le contrôle d'application est toujours difficile dans ce domaine. C'est une question difficile. En gros, on pose un principe et l'on s'attend à ce qu'il soit suivi.
    Si l'on opte pour des désincitations et qu'on les inscrit dans le Règlement, je crois que l'on sait alors quel en est le poids. Si elles étaient inscrites dans une résolution, auraient-elles le même poids?
    Si vous allez avoir des désincitations, je les inscrirais dans le Règlement. Je ne les mettrais pas dans une résolution.
    La procédure d'adoption est la même, n'est-ce pas?
    Oui.
    D'accord. Merci.
    Il ne me reste pas beaucoup de temps.
    Vous avez mentionné le conseil que reçoit le GG. Si j'ai bien saisi, le premier ministre rencontre le GG et lui donne un avis sur la question qui les occupe.
    Peut-être êtes-vous au courant de cela. J'ai entendu dire que l'opposition officielle et les deux autres partis d'opposition ont envoyé des lettres. Soit un document a été envoyé, soit trois documents ont été envoyés plus tôt, dans une autre circonstance, conseillant la GG. C'était au moment où la coalition se formait. Les trois leaders décrivaient le scénario qui se déroulait et demandaient à la GG d'en tenir compte. On m'a dit depuis que cela n'a même jamais été remis à la GG car la Constitution stipule que le conseil vient du premier ministre et ne prévoit aucun conseil venant de l'opposition.
    Pouvez-vous clarifier cela pour moi? Et deuxièmement, selon votre réponse à cette question, comment une résolution ou une règle de la Chambre est-elle soumise au GG si le premier ministre du jour ne le fait pas?
(1250)
    Si vous permettez, je répondrai d'abord à la dernière partie.
    Soyez raisonnablement bref, car il ne lui reste plus de temps.
    Merci pour votre indulgence, monsieur le président.
    Lorsque le président de la Chambre est assermenté, lorsqu'il se présente au gouverneur général au Sénat, l'une des premières choses qu'il fait est de revendiquer les droits et privilèges usuels. L'un de ces droits est l'accès au gouverneur général à tout moment opportun. Il existe une convention, si vous voulez, que le Président de la Chambre, lorsqu'il s'exprime et agit pour le compte de la Chambre, peut rencontrer le gouverneur général à tout moment pour l'informer. Il peut lui donner un avis de cette façon.
    Avez-vous dit le Président du Sénat, ou bien l'un ou l'autre?
    Lorsqu'il se rend au Sénat après son élection, à l'ouverture d'une nouvelle législature, il revendique les droits et privilèges habituels de la Chambre, y compris l'accès à tout moment opportun.
    Oui, très bien.
    Votre temps est écoulé.
    Merci, monsieur le président. J'apprécie. Je comprends.
    Vous pouvez donner une courte réponse, si vous en avez une, à la première question posée par David. Sinon, nous allons l'arrêter là. Il est vraiment lancé aujourd'hui.
    Je ne suis pas sûr de me souvenir de la première question.
    Ce tour est terminé.
    Je vois qu'il ne reste pas assez de temps pour avoir un autre tour. Je veux bien accepter quelques questions ponctuelles et très courtes, s'il y en a. Sinon, nous allons passer à autre chose.
    Allez-y.
    J'aimerais faire un commentaire très bref sur certaines des questions posées à M. Walsh. Il y en avait une sur les comités.
    Au gré du comité, car c'est le temps des membres que vous occupez, et je vais donc devoir leur demander s'ils sont d'accord.
    Certainement. C'est d'accord.
    Une question portait sur les réunions de comité et une modification du Règlement de la Chambre pour les autoriser. M. Walsh avait absolument raison concernant leurs privilèges.
    J'irai plus loin. Je sais que je me sépare là de quelque chose qu'Errol Mendes, un professeur de droit constitutionnel, a écrit dans l'Ottawa Citizen. Il approuvait l'idée que les comités siègent durant une prorogation. Je pense qu'il se trompe totalement. J'irais jusqu'à dire qu'il est anticonstitutionnel, au sens britannique du terme, que les comités siègent durant une prorogation. Je sais que l'assemblée législative de l'Ontario le fait. Elle n'a jamais été contestée à cet égard, mais vous n'avez aucune base pour le faire.
    La raison en est que dans l'exécution de vos travaux à la Chambre, vous êtes autonome. Les tribunaux ne peuvent s'ingérer dans vos travaux lorsque vous êtes constitués en Chambre. Lorsque la Couronne vous renvoie chez vous, il n'y a plus de Chambre des communes. Les comités, dans tout ce qu'ils font, sont censés être des parties de la Chambre et agir sous l'autorité de la Chambre. Une fois que vous êtes prorogés, il n'y a plus de Chambre.
    S'il était possible que les comités siègent pendant une prorogation, alors vous pourriez contourner cette dernière en disant que le comité plénier va continuer de siéger. Si un petit comité peut le faire, alors un comité plus grand peut le faire et un comité encore plus grand, et tout le monde pourrait continuer à siéger. C'est la démonstration par l'absurde. À cette question, je répondrais non, ne le faites pas. Ce n'est pas constitutionnel et cela pourrait vous causer des problèmes, comme M. Walsh l'a indiqué.
    Je crois que c'est M. Reid qui a posé une question sur l'effet sur les provinces. L'une des raisons pour lesquelles la Constitution exige le consentement provincial pour modifier la charge de gouverneur général ou celle de la Reine, c'est que si nous le faisions, il y aurait des répercussions sur les provinces.
    Dans le libellé de toute loi, vous devriez veiller à ne pas enlever à la Reine ou au gouverneur général le pouvoir de prorogation. Vous pourriez le réguler. Vous pourriez en limiter l'application. Mais si vous l'enlevez entièrement, cela ne serait pas transmis aux provinces. Je pense que vous poseriez un problème juridique et constitutionnel. Elles dérivent leurs pouvoirs des lettres patentes qui ont été données au gouverneur général.
(1255)
    Monsieur le président.
    Soyez très bref.
    Mais en réponse à la question de M. Reid, M. Walsh a dit que nous pourrions restreindre l'application au seul Parlement fédéral, du moment que c'est spécifié. Vous dites que cette spécification doit être présente.
    Oui.
    Monsieur Reid.
    J'imagine que ce que vous faites ressortir, monsieur Hall, c'est que contrairement à l'Australie, où les gouverneurs d'État sont nommés séparément par la Couronne et ont un lien direct avec le Palais de Buckingham, au Canada notre structure est que les lieutenants-gouverneurs de chaque province sont désignés par le gouverneur général sur l'avis du premier ministre, au lieu d'être désignés par la Reine sur l'avis du premier ministre de l'État, comme en Australie, ou des premiers ministres provinciaux ici. C'est la distinction.
    Oui.
    M. Paquette va conclure très rapidement.

[Français]

    Je comprends bien que, si on encadre la prorogation sans l'abolir, le Parlement aurait la possibilité d'agir sans en discuter avec les provinces.
    C'est ça.
    M. Walsh a parlé de l'article 38, qui est la formule d'amendement, mais je n'ai pas compris pourquoi. En fait, la formule d'amendement, c'est sept provinces et 50 p. 100 de la population. Alors, en vertu de quoi le Parlement pourrait-il encadrer la prorogation sans avoir besoin de consulter?
    Il y a deux choses. Il y a tout d'abord l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui nous autorise à légiférer relativement au Conseil privé, par exemple. Cela touche donc les avis que les membres du Conseil privé, comme le premier ministre, donnent au Gouverneur général. Nous avons ce droit, en vertu de cet article.
    Quant à l'article 38, je ne me souviens pas du contexte dans lequel il en parlait.
    Il a parlé de l'article 38, mais je crois qu'il voulait dire l'article 44. Je pense qu'il s'est trompé.
    C'était peut-être une erreur.
     Moi aussi, j'ai l'impression que c'est plutôt en vertu de l'article 44.
    Oui.

[Traduction]

    Merci.
    Excusez-moi, aviez-vous autre chose, monsieur Hall?
    Non. Je crois que je vous ai suffisamment ennuyé.
    S'il vous vient à l'esprit autre chose d'intéressant pour le comité, vous pouvez toujours nous en faire part par écrit.
    Si vous avez besoin de quoi que ce soit, j'aiderai volontiers vos chargés de recherche.
    Absolument. Merci infiniment de votre témoignage aujourd'hui et de vos réponses à nos questions. Vous nous avez beaucoup aidés.
    Cela a été un plaisir.
    Nous avons encore beaucoup de chemin à faire dans cette étude, semble-t-il. Mais merci de nous avoir aidés à prendre un bon départ aujourd'hui.
    Je remercie les membres du comité.
    La séance est levée.
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