:
Merci de m'avoir invité ici. J'ai effectivement un exposé à présenter. Je crois qu'il est en anglais et en français et que la greffière en a une copie. Je ne le lirai pas au complet en raison des contraintes de temps, mais je vais voir jusqu'où je peux aller.
Le fondement sur lequel repose notre démocratie constitutionnelle est le principe du gouvernement responsable. La décision historique rendue il y a seulement quelques jours par le président de la Chambre des communes, Peter Milliken, sur les documents relatifs à la question des prisonniers afghans a rappelé ce caractère fondamental de la démocratie canadienne. En vertu du principe du gouvernement responsable, le gouvernement au pouvoir, qu'il soit majoritaire ou minoritaire, est tenu de conserver la confiance de la Chambre des communes. Pour conserver cette confiance, le gouvernement au pouvoir doit respecter intégralement les privilèges parlementaires garantis par la Constitution à tous les députés de la Chambre des communes et non seulement aux membres du parti au pouvoir.
[Français]
Notre démocratie ne peut être maintenue lorsque sont manipulés les pouvoirs du premier ministre et les prérogatives du Gouverneur général, qui visent justement à promouvoir l'obligation de rendre des comptes dans le système parlementaire démocratique dont nous avons hérité de la Grande-Bretagne.
[Traduction]
La Cour suprême du Canada, dans deux décisions de première importance, a confirmé que les privilèges parlementaires comprenaient le devoir d'obliger le gouvernement à rendre des comptes, ce qui fait d'ailleurs partie intégrante de la Constitution canadienne.
Ce fondement démocratique peut être compromis par un usage abusif du pouvoir conventionnel du premier ministre de conseiller au gouverneur général de proroger le Parlement afin d'éviter de perdre complètement la confiance de la Chambre ou pour porter atteinte aux privilèges parlementaires des représentants élus des Canadiens en prorogeant le Parlement afin de mettre fin aux travaux des comités parlementaires qui font enquête sur de graves allégations. La capacité d'obliger les hauts fonctionnaires à rendre des comptes est une condition essentielle de la garantie des privilèges parlementaires, comme l'a confirmé le président Milliken.
[Français]
Ce serait user démocratiquement et légitimement des prérogatives que de mettre fin à une session d’une législature au moment où une partie considérable du programme législatif a été achevée au préalable d’un nouveau discours du Trône.
[Traduction]
Il y a eu de nombreuses demandes de prorogation qui ont été présentées par les gouvernements et les premiers ministres du passé et, dans les premières décennies du Parlement canadien, il était d'usage de mettre fin à une session parlementaire par la prorogation plutôt que par un ajournement de longue durée. En 1982, des disposition réglementaires ont été adoptées pour établir des sessions fixes, et cela s'est traduit par environ 2,1 prorogations pour chaque législature.
Ces faits doivent être pris en compte lorsqu'on déclare qu'il est d'usage courant de procéder à une prorogation et que cela est arrivé 104 fois dans le passé. La présente 40e législature avait donné lieu à trois discours du Trône en date du 3 mars 2010, sur une période de quatre ans, par comparaison avec les quatre prorogations du gouvernement précédent sur une période de 10 ans.
Afin de protéger ces principes fondamentaux de notre démocratie constitutionnelle et les privilèges parlementaires des membres de la Chambre des communes, j'avance qu'il est possible d'établir un processus menant à l'adoption de règles conventionnelles contraignantes. Ce but peut être atteint par la promulgation d'ordres permanents et de dispositions législatives à l'appui.
Premièrement, au moyen de dispositions dans le Règlement de la Chambre des communes, limiter le pouvoir conventionnel du premier ministre de demander la prorogation du Parlement au gouverneur général dans la première année qui suit un discours du Trône, à moins que la Chambre des communes y consente et indique que le gouvernement conserve la confiance de la Chambre.
[Français]
Deuxièmement, les ordres permanents peuvent obliger le premier ministre à donner un préavis à la Chambre des communes et au Sénat de l’intention de demander une prorogation, en indiquant pourquoi une telle demande n’empiète pas sur les privilèges parlementaires des membres de la Chambre et ne vise pas à éviter de perdre la confiance de la Chambre. Cette déclaration doit faire immédiatement l’objet de débats à la Chambre.
[Traduction]
Troisièmement, de telles dispositions peuvent aussi limiter la durée de toute prorogation à un maximum d'un mois civil.
Quatrièmement, le processus menant à une règle conventionnelle contraignante à cet égard pourrait comprendre l'adoption de dispositions législatives à l'appui pour renforcer les ordres permanents, comme le suggèrent d'autres partis d'opposition. Ces dispositions législatives doivent indiquer clairement que, comme le pouvoir de réserve du gouverneur général l'autorisant à accepter ou à refuser la demande demeure absolu, les dispositions législatives visent exclusivement à limiter le pouvoir conventionnel du premier ministre de faire une telle demande dans certaines situations. Il est reconnu qu'il y a une certaine incertitude constitutionnelle quant à la question de savoir si un premier ministre et un gouvernement peuvent contourner cette restriction des pouvoirs conventionnels en invoquant le pouvoir de réserve du gouverneur général. Les dispositions législatives qui sanctionnent les dispositions réglementaires doivent viser principalement à faciliter la création de règles conventionnelles contraignantes où toute infraction aura un coût politique.
Enfin, les nouvelles règles et les dispositions législatives peuvent être transmises officiellement par le président de la Chambre des communes à la gouverneure générale pour l'informer de la volonté du peuple canadien, tel qu'il est représenté par le Parlement du Canada, de faire en sorte qu'elle — si son mandat est reconduit — ainsi que les gouverneurs généraux futurs puissent exercer leur pouvoir de réserve pour prévenir toute prorogation antidémocratique risquant de compromettre gravement les principes du gouvernement responsable. Il s'agit d'un pouvoir conventionnel non écrit, découlant des droits et des privilèges du président attribués par la Chambre des communes pour qu'il ait la capacité de conseiller le gouverneur général sur des questions liées aux fondements du gouvernement responsable, et il est évident que la restriction du pouvoir du premier ministre de demander une prorogation contre la volonté de la Chambre des communes relèverait de la compétence du président de la Chambre des communes à titre de conseiller du gouverneur général. Le premier ministre n'est pas le seul à pouvoir conseiller le gouverneur général. Ce que beaucoup de gens ne savent pas, c'est que le président de la Chambre des communes, au nom de la Chambre des communes, a le droit de conseiller le gouverneur général.
De cette façon, les règles conventionnelles seront le rempart contre la capacité du premier ministre de proroger le Parlement afin d'éviter des votes de confiance ou d'empêcher le Parlement et ses comités de demander des comptes au gouvernement. Il y a de nombreux exemples de règles conventionnelles contraignantes qui empêchent le premier ministre et le gouvernement d'accomplir certaines fonctions, même s'ils sont légalement et constitutionnellement autorisés à le faire. L'exemple le plus célèbre est le pouvoir du gouvernement fédéral de demander la révocation de dispositions législatives provinciales. Ce pouvoir n'a jamais été exercé — ou peut-être une fois, peu après la création du Parlement. Les règles conventionnelles mettent fin à toute possibilité d'exercer ce pouvoir.
Il ne faut pas non plus oublier que le seul obstacle qui a empêché le premier ministre Pierre Trudeau de rapatrier la Constitution, en l'absence d'un consentement provincial suffisant, a été le pouvoir des règles conventionnelles.
Le principe du gouvernement responsable exige que les personnes au pouvoir agissent de façon responsable dans l'intérêt du Canada. Elles ne devraient pas agir dans leurs propres intérêts.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Mendes; je suis heureux de vous voir.
À la lumière de ce que nous venons d'entendre — la suggestion de Mme Jennings et votre réponse —, je pourrais me tromper, mais j'ai l'impression qu'on propose ici deux voies différentes, ou — à tout le moins — que deux différentes considérations sont en jeu ici.
Tout d'abord, il y a les obligations constitutionnelles conventionnelles, dont le respect, comme l'a expliqué Dicey, est assuré par l'opinion publique générale, la pression qu'elle exerce, et par une attente selon laquelle, une fois que des normes ont été mises au point, les acteurs politiques ne devraient pas y contrevenir. Je crois que c'était la solution dont vous parliez dans votre exposé.
Je pourrais me tromper, mais j'ai l'impression que Mme Jennings propose en fait une règle aux termes de laquelle le gouverneur général accorderait en fait plus de poids aux conseils du Président qu'à ceux du premier ministre dans certaines circonstances, et que sa mise en application dépendrait non pas de l'opinion publique, mais d'une convention qui contraint le gouverneur général. Il serait inconstitutionnel, au sens où l'entend la coutume britannique, au sens classique du terme, pour le gouverneur général de suivre les recommandations du premier ministre.
Autrement dit, il n'est pas question de la possibilité que le public puisse pénaliser le premier ministre. Il est question de soumettre le gouverneur général à de nouvelles attentes.
[Traduction]
je suis peut-être admissible à siéger à la Cour suprême du Canada.
Quoi qu'il en soit, pour répondre au premier volet de votre question, comme je l'ai mentionné à Mme Jennings, en ce qui concerne les mesures de dissuasion proposées, c'est certainement possible. Toutefois, je crois que l'opposition et les autres partis ont pour tâche... Tous les partis devraient voir un avantage à établir un régime sous lequel les fondements démocratiques de notre pays sont respectés. Ceux-ci n'entrent en jeu qu'après une action que l'opposition désapprouve. Comme l'a dit l'un des témoins, je crois, ces mesures sont de nature punitive.
Ce que je propose ici, c'est d'éviter tout simplement que cela se produise. Autrement dit, on établirait des structures qui amèneraient tout premier ministre à l'avenir à prendre beaucoup de précautions — et sous lesquelles il serait potentiellement suicidaire pour lui de tenter une manoeuvre comme celles que nous avons vu ces dernières années. C'est pourquoi je propose d'établir un système proactif plutôt que réactif.
Je vais maintenant répondre à votre dernière question, surtout parce que j'ai oublié votre deuxième question. Une des raisons pour laquelle j'ai parlé du soutien de la société civile à l'égard des mesures que je présente ici, c'est que j'ai été fasciné par la façon dont le Canadien moyen, qui n'a jamais été intéressé par des questions touchant le Parlement du Canada, était si indigné par ce qui s'était produit. Je crois qu'il est très important pour notre démocratie que les personnes qui ne sont pas normalement des mordus de politique ou des « classes placoteuses » comprennent à quel point il importe que notre pays conserve son système de gouvernement responsable. Leur capacité de le faire savoir à leur député et de s'exprimer dans d'autres réseaux de la société civile renforce la création d'une règle conventionnelle.
Je dis cela parce qu'une règle conventionnelle naît à deux conditions. Premièrement, il doit y avoir un usage, et c'est pourquoi je propose de passer par le Règlement. Deuxièmement, on a l'impression que les acteurs doivent être tenus de la respecter. Il n'y a rien de plus efficace que de dire à son député qu'il devait être contraint par ce type de processus. Alors, cela fait partie de la capacité de renforcer la création d'une règle conventionnelle contraignante.
Excusez-moi, quelle était votre deuxième question?
:
Ça va, monsieur le président. Il n'y a pas de problème. Merci.
Merci beaucoup, monsieur Mendes, d'être venu témoigner. C'était très instructif. Le raisonnement était un peu différent de celui...
J'aimerais revenir à l'endroit où Mme Jennings a laissé les choses, car c'était après le fait... Et j'ai soulevé cette question lors d'une séance précédente du comité. On m'a dit que la gouverneure générale n'avait pas vu les lettres signées par les chefs des partis parce que « seul le premier ministre peut donner des conseils ».
Quant aux recommandations conflictuelles, cela ne pose pas vraiment problème. Lorsque le gouverneur général consulte les membres du Conseil privé, il entend probablement toutes sortes de recommandations différentes sur la marche à suivre.
Mais, pour ce qui est de la capacité du Président de... Je suis très curieux à ce chapitre. Quelle serait la marche à suivre pour transmettre le message du Parlement?
J'aimerais aussi dire, pour mettre la question sur le tapis, que, même à l'heure actuelle, le gouvernement a encore de la difficulté à comprendre la distinction entre le conseil exécutif et le principe de majorité parlementaire. Le principe de majorité parlementaire est suprême: le premier ministre est nommé à la suite d'un vote majoritaire à la Chambre des communes. C'est pourquoi nous étions si nombreux à être en colère face aux absurdités que déblatérait le premier ministre la dernière fois — au sujet de pratiques antidémocratiques, d'un putsch, d'un coup d'État et tout cela. Je veux dire, cela a bien fonctionné sur le plan politique — je vous l'accorde —, mais c'était à des années-lumières de la réalité.
Si nous ne voyons pas cela normalement, c'est que, sous un gouvernement majoritaire, on ne prête même pas attention à la question du vote de confiance, car il va remporter tous les votes, coup après coup. Cela survient seulement sous un gouvernement minoritaire. Par conséquent, il est tout à fait faux de croire qu'un conseil provenant du Président — si on considérait que son poids était même égal à un conseil du premier ministre — contrevient de quelque façon que ce soit à la justice fondamentale. À mon avis, il est tout à fait raisonnable que le gouverneur général entende les conseils du premier ministre de l'heure, mais si la majorité du Parlement n'est pas du même avis, alors le gouverneur général doit entendre cela aussi.
S'agit-il simplement d'adopter à la majorité une motion ordinaire qui prévoit que « nous transmettons le message suivant à la gouverneure générale » et d'habiliter le Président à le faire? Est-ce aussi simple?
:
Je l'ignorais, mais merci de m'en informer.
Des voix: Oh! Oh!
M. Tom Lukiwski: Je remercie Marlene d'avoir renoncé à son temps pour moi.
Je présenterai brièvement un argument, puis je poserai une question, monsieur Mendes. Merci d'être ici.
L'argument que j'aimerais présenter concernant les propos de David au sujet des conseils du Président au gouverneur général — et peut-être que, à la fin, si vous avez le temps de faire un commentaire à ce sujet, je serai bien content — tient au fait que je crois savoir qu'il y a, du d'un point de vue constitutionnel, une grosse différence entre prodiguer des « conseils » et simplement transmettre des informations. Quant aux propos de David — à savoir que la lettre n'a peut-être pas été lue —, je l'ignore, mais comment le Président peut-il dire au gouverneur général qu'il y a une coalition ou une entente entre les partis d'opposition et qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent? La lettre, selon mon interprétation, a plutôt valeur de document d'information que de « conseil » dans le contexte constitutionnel. Avant que vous quittiez le comité, j'aimerais entendre votre réponse à ce sujet.
Ma question se rapporte aux délibérations de notre dernière réunion, avec Rob Walsh et Thomas Hall. Je suis certain que vous avez vu ou écouté attentivement le témoignage de ces deux personnes.
M. Hall était essentiellement en désaccord avec vous, avec la position que vous avez exposée dans un article paru dans l'Ottawa Citizen au sujet du droit des comités de se rassembler pendant une prorogation. Vous avez fait valoir qu'ils pouvaient le faire. M. Hall a fait valoir que — à son avis, à tout le moins — il serait inconstitutionnel de le faire, car une fois que les travaux de la Chambre prennent fin, les travaux des comités cessent également. En fait, si les comités — il faisait allusion aux comités permanents — continuaient à siéger, alors rien ne permettrait de croire qu'un comité plénier ne pourrait pas en faire autant. De fait, cela invaliderait tout simplement une prorogation.
J'aimerais connaître votre opinion au sujet de l'argument de M. Hall, qui infirme — fondamentalement, je crois — le vôtre et de savoir si vous avez un contre-argument relatif à celui soulevé par M. Hall concernant l'inconstitutionnalité des travaux des comités durant une prorogation.
:
Merci, monsieur le président.
Je crois que nous savons tous que le Président de la Chambre a le droit — voire l'obligation — d'informer le gouverneur général des privilèges de la Chambre, ce qu'il fait dans le cadre d'une cérémonie lorsqu'il se rend au Sénat pour entendre le discours du Trône. Je crois qu'il y a une différence entre le fait d'informer, d'affirmer les droits indépendants des pouvoirs du gouverneur général, car, aux termes de notre Constitution et de celle de la Grande-Bretagne... La Couronne, bien qu'elle jouisse de certains pouvoirs, ne les détient pas tous, et les lois doivent être adoptées par les chambres du Parlement, puis être présentées à la reine ou au gouverneur général, selon le cas, aux fins de signature. Le même principe s'applique ici: dans notre pays, le caractère légal est déterminé non pas par la reine ou le gouverneur général, mais par les tribunaux. On ne peut pas dépenser un cent sans l'approbation de la Chambre des communes, etc.
Il ne s'agit pas là de conseiller le gouverneur général. Il s'agit de l'informer du fait que nous affirmons les droits que nous confère la Constitution. Prodiguer des conseils, c'est une autre histoire. Un conseil suppose que le gouverneur général exerce ses pouvoirs, les pouvoirs dont il dispose véritablement, les pouvoirs exécutifs. Je ne suis vraiment au courant d'aucun cas où le Président donne des conseils.
Pour revenir à la question de M. Holder, pouvez-vous donner un exemple tiré de l'histoire constitutionnelle du Canada ou peut-être de l'histoire constitutionnelle de la Grande-Bretagne au cours des deux ou trois derniers siècles, ou peut-être de l'histoire constitutionnelle de nos provinces, où le Président a prodigué des conseils à la reine, au gouverneur général ou au lieutenant-gouverneur, selon le cas, au sujet des pouvoirs réels de l'exécutif plutôt que de l'informer des autres pouvoirs qui ne sont pas de son ressort?
:
Certains d'entre vous qui siégez au comité avec moi savez que ma mère vient du Cap-Breton.
Je peux vous dire, monsieur Mendes, que vous avez plus d'opinions qu'elle, ce qui n'est pas peu dire. Je dis cela avec beaucoup de respect.
Vous avez exprimé une autre opinion lorsque vous avez décrit les membres de l'opposition comme une « coalition ». J'aimerais les défendre, si vous le permettez, mais vous leur avez attribué un titre officiel, alors qu'il est seulement question de votre opinion, je sais.
Une voix: Nous allons le prendre.
M. Ed Holder: Cela ne me surprend pas, à vrai dire.
Le président: Adressez-vous au président, s'il vous plaît, adressez-vous au président.
M. Ed Holder: Qu'ils le fassent, oui, car ils m'interrompent, monsieur le président.
Voici la question que je vous poserais, si vous le permettez. J'aimerais revenir à la question que j'ai posée. Je vous saurais gré de donner une réponse officielle en plus de vos commentaires. Envoyez-nous une lettre, pour que je puisse avoir une idée, parce que — si vous permettez —, vous êtes professeur et menez des travaux de recherche et vous le ferez de façon réfléchie.
Je vous ai demandé — et il semble que mon entrée en matière était trop longue, alors je ne vous ai pas donné la possibilité de répondre comme il faut...
:
Je suis absolument ravi d'être ici, monsieur le président.
La question que l'on doit étudier revêt une importance fondamentale pour la démocratie parlementaire du Canada, dont les règles ne sont pas écrites dans les livres de droit ni dans l'ancienne Constitution; elles découlent surtout de principes, de pratiques et de conventions qui ont fait consensus, ce qui signifie que vous — les députés de tous les partis — devez vous entendre. Lorsque vous ne le faites pas, vous laissez le pays dans l'anarchie et vous laissez votre gouverneure générale, que je conseille parfois, jouer le rôle de l'arbitre dans un jeu où les joueurs ne s'entendent pas sur les règles. Alors, je suis ravi de voir ici présents des membres de tous les partis s'efforcer de régler la question de la prorogation. Elle compte parmi plusieurs autres questions qui ne font pas consensus et qui nécessitent la mise en place de conventions, et je suis très heureux de vous voir ici.
Vous avez mon mémoire entre les mains. Je vais le parcourir rapidement et vous dire des choses que vous savez sans doute déjà.
La prorogation est la fin d'une session du Parlement sans qu'il y ait dissolution du Parlement. Normalement, une prorogation est un événement incontesté de la vie du Parlement et ne soulève aucune controverse. Son utilisation normale sert à mettre fin à une session quand une grande partie des travaux de la session sont achevés, et qu'il y a un besoin reconnu d'accorder un congé saisonnier. Une nouvelle session de la législature débute après le congé, par un discours du Trône présentant un nouveau programme du gouvernement. Voilà la norme, et, de fait, toutes les prorogations dont j'ai été témoin étaient essentiellement de cet ordre.
Le pouvoir de prorogation, le pouvoir juridique de prorogation, ne vous appartient pas. Il n'appartient pas au . Il appartient sans équivoque à la Couronne. Depuis les lettres patentes du roi George VI en 1947, ce pouvoir particulier de la Couronne, ainsi que le pouvoir de dissoudre et de convoquer le Parlement, devaient être exercés par le gouverneur général du Canada.
Une convention constitutionnelle bien établie exige que le gouverneur général exerce ce pouvoir uniquement — uniquement — sur recommandation de son principal conseiller constitutionnel, le premier ministre du Canada. Voilà la règle normale.
Une controverse est née récemment au sujet des circonstances dans lesquelles le gouverneur général devrait remettre en question, voire décliner, une demande de prorogation du premier ministre. Dans les deux situations qui ont soulevé la controverse, on se demandait si la prorogation n'avait pas été demandée par un premier ministre pour éviter au gouvernement de rendre des comptes à la Chambre des communes.
La recommandation du premier ministre Harper le 4 décembre 2008 que la gouverneure générale proroge le Parlement semblait, aux yeux de beaucoup, viser à éviter un vote de confiance imminent à la Chambre des communes. Comme vous le savez, la confiance de la Chambre des communes est essentielle au droit de gouverner au Canada. La recommandation du premier ministre, le 30 décembre 2009, que la gouverneure générale proroge le Parlement semblait viser à éviter un examen du traitement des détenus afghans par un comité de la Chambre des communes.
Constitutionnellement, cette controverse soulève la question de savoir si le gouverneur général a un quelconque pouvoir discrétionnaire dans l'exercice du pouvoir de proroger le Parlement.
Dans le système de gouvernement parlementaire du Canada, tel qu'il a évolué depuis environ 150 ans, la convention constitutionnelle exige que le gouverneur général exerce normalement les pouvoirs légaux de la Couronne sur recommandation des ministres responsables à la Chambre des communes afin de respecter le principe de gouvernement responsable.
Mais il y a de solides arguments pour faire valoir que, dans certaines circonstances exceptionnelles, le gouverneur général, en qualité de représentant de la Couronne, doit jouir du pouvoir de réserve discrétionnaire de rejeter une recommandation du premier ministre.
Le principe régissant l'utilisation de ce pouvoir de réserve de la Couronne devrait être que le recours à ce pouvoir — une décision discrétionnaire du gouverneur général — s'impose pour empêcher l'affaiblissement du gouvernement parlementaire responsable. Voilà la clé pour déterminer s'il convient que le gouverneur général refuse de suivre les recommandations d'un premier ministre.
Dans le cas de la prorogation, on peut imaginer une situation où un premier ministre défait à la Chambre des communes conseillerait au gouverneur général de proroger le Parlement — non pas pour quelques semaines comme on l'a fait le 4 décembre 2008, mais pour une durée indéfinie. « Votre Excellence, contentez-vous de proroger le Parlement, et, quand cela me chantera, vous pourrez le convoquer, mais je ne vous dis pas quand. » Alors, si le gouverneur général n'avait aucun pouvoir discrétionnaire — aucun — et devait toujours suivre les recommandations du premier ministre, alors, à mon avis, dans une telle situation, la démocratie parlementaire au Canada serait grandement en péril — si ces conseils devaient être suivis.
La situation que j'ai imaginée ne s'est jamais produite au Canada. Néanmoins, la possibilité d'une telle recommandation appuie fortement l'argument selon lequel le gouverneur général, lorsque le premier ministre conseille la prorogation du premier ministre, ne devrait pas être considéré comme un simple greffier — un greffier royal, un greffier avec une couronne, qui se contente de dire: « Que voulez-vous? Ah, vous voulez la prorogation. Tenez, la voici. Je ne vais pas poser de questions. Allez-y, prorogez la Chambre du peuple, la première institution démocratique au Canada. J'ignore ce que vous faites, mais je ne suis qu'un greffier. Je dois faire tout ce que vous me dites. »
Dans notre régime constitutionnel, nous cherchons dans les conventions constitutionnelles des règles régissant le bon usage des pouvoirs légaux. C'est la définition d'une convention: une entente politique. C'est pourquoi j'insiste sur le fait qu'il est crucial que vous réussissiez à vous entendre sur le bon usage des pouvoirs légaux. En l'occurrence, le bon usage du pouvoir légal du gouverneur général de proroger le Parlement ou de refuser de le faire.
Le gouverneur général a-t-il le droit, dans certains cas, de rejeter la recommandation du premier ministre de proroger le Parlement? Et, si le gouverneur général jouit de ce pouvoir de réserve dans quelles circonstances peut-il l'invoquer? Dans quelles circonstances est-il convenable qu'elle rejette une demande et une recommandation visant la prorogation?
Existe-t-il au Canada aujourd'hui, à l'heure actuelle, une convention constitutionnelle régissant cette situation? N'oubliez pas que l'on ne parle pas de la situation où le premier ministre prodigue le conseil habituel visant la prorogation vers la fin d'une session, lorsque les travaux sont terminés et que les vacances d'été, les Fêtes ou je ne sais quoi s'en viennent. On parle d'un événement qui soulève beaucoup de controverse et qui, aux yeux d'une grande partie de la population du pays et des intervenants sur la scène politique, traduit une tentative d'éviter de rendre des comptes au Parlement. Le gouverneur général jouit-il d'un pouvoir de réserve dans ce cas, et quelles sont les circonstances exactes qui lui permettent de l'exercer?
Au neuvième paragraphe — pardonnez-moi — figure une petite description de la façon de déterminer — de déterminer — s'il existe une convention constitutionnelle. C'est mystérieux, n'est-ce pas? On ne peut pas tout simplement consulter un livre. Ce n'est même pas comme le Règlement. D'une certaine façon, le Président Milliken a la tâche plus facile. Il peut consulter le Bourinot et ce genre d'ouvrages. Une convention constitutionnelle n'est pas facile à définir, surtout lorsqu'elle fait l'objet d'une vive contestation.
La Cour suprême du Canada a rendu une décision à l'époque du rapatriement de la Constitution sans le consentement des provinces. Le gouvernement du Canada entendait apporter des modifications fondamentales à la Constitution du pays en se rendant en Grande-Bretagne sans le consentement des provinces. Aucune des dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 ne régissait une telle situation. Le texte est silencieux sur la façon de modifier la Constitution et est entièrement régi par la convention constitutionnelle.
La Cour suprême a dû travailler dur afin de déterminer s'il existait une convention constitutionnelle visant cette situation et la façon de procéder pour la trouver. Je vais citer le passage de l'arrêt au sujet de la méthode établie par la Cour suprême — pas seulement pour elle, pour nous aussi. C'est une assez bonne méthode. Les auteurs de textes relatifs à la Constitution et les gens qui enseignent ces choses dans nos écoles et dans nos universités reconnaissent largement cette méthode. Une lecture attentive de ce texte peut se révéler très utile.
Voici ce qu'a déclaré la Cour suprême du Canada sur la question de déterminer s'il existe une convention constitutionnelle exigeant qu'il faut obtenir le consentement des provinces avant de demander la modification de la Constitution du Canada en Grande-Bretagne.
Le passage commence ainsi: « Nous devons nous poser trois questions. »
Vous remarquerez qu'on dit bien trois questions. Nombreux sont ceux qui croient qu'il est seulement question de la première: « Y a-t-il des précédents? » Ils disent, d'accord, alors voilà: « Y a-t-il des précédents? »
Mais la Cour suprême poursuit judicieusement ses délibérations, à la lumière d'une documentation exhaustive au sujet des conventions constitutionnelles. Elle n'a rien inventé. Sa démarche ressemblait à celle d'étudiants lisant tous les ouvrages clés et tirant leurs connaissances de ces ouvrages.
La deuxième question qu'elle dit qu'il faut se poser, question cruciale, est la suivante: « Les acteurs dans les précédents » — les principaux intervenants sur la scène politique, vraiment, dans les précédents — « se croyaient-ils liés par une règle? » Il y avait une règle et ils étaient tenus de la respecter, et on entend par là qu'il y avait une obligation politique — ou morale, si vous voulez.
La troisième question est celle qui, à mon avis, est le plus souvent oubliée: « La règle a-t-elle une raison d'être? » La Cour suprême ajoute un commentaire important que nous devrions tous garder à l'esprit:
Un seul précédent avec une bonne raison peut suffire à établir la règle. Toute une série de précédents sans raison peut ne servir à rien à moins qu'il ne soit parfaitement certain que les personnes visées se considèrent ainsi liées.
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J'ai presque terminé. Je m'excuse, je suis un orateur verbeux.
Je voulais appliquer la méthode de la Cour suprême à la question qui nous occupe: les conventions en matière de prorogation.
Premièrement, il y a une foule de précédents de recommandations de prorogation non contestées, mais, que je sache, il n'y a eu aucune situation semblable à celle de 2008 ou de 2009, lorsque la prorogation a été contestée parce qu'elle semblait avoir pour objet d'éviter que le gouvernement rende des comptes au Parlement. Il n'y a pas eu d'indication non plus dans ces précédents non contestés que les acteurs dans les précédents — les dirigeants politiques du gouvernement et de l'opposition — croyaient être liés par une règle selon laquelle il est légitime que le gouvernement demande une prorogation en tout temps, pour n'importe quelle durée et pour n'importe quelle raison.
Et si une telle règle devait être énoncée, il est difficile d'imaginer la raison qui pourrait être invoquée pour la justifier, sinon que, dans une démocratie, le premier ministre devrait toujours pouvoir faire comme il l'entend. Mais je ferais valoir que, si cette raison pourrait se défendre dans une démocratie où le chef du gouvernement, le premier ministre, est élu directement par le peuple — cela serait peut-être acceptable —, ce n'est pas le cas dans une démocratie parlementaire où le premier ministre dépend du droit de gouverner que lui confèrent la confiance du Parlement et sa responsabilité devant lui.
Je devrais donc conclure que nous n'avons pas de convention constitutionnelle régissant les demandes de prorogation contestées.
Les prochains paragraphes contiennent deux ou trois démarches qui pourraient vous intéresser.
Premièrement, il faut comprendre que, historiquement, les conventions constitutionnelles ne s'établissent pas toujours graduellement, par des précédents. Certaines conventions naissent d'une entente conclue entre les acteurs politiques concernés sur un grand dossier d'importance primordiale, un dossier contesté. Je donne l'exemple de la Déclaration Balfour de 1926, où, de fait, l'empire britannique est devenu le Commonwealth britannique des nations et on a convenu du statut égal du Royaume-Uni, de l'Australie, du Canada, de l'Irlande, de la Nouvelle-Zélande et de l'Afrique du Sud. On l'a fait dans le cadre d'une conférence, d'une réunion entre les premiers ministres. Ils sont arrivés à un consensus sur une déclaration présentée. C'était un aspect fondamental de la transformation du statut constitutionnel de ces pays.
Au paragraphe 11, je traite de l'unique motion qui a été présentée au cours de cette période de contestation, le seul indice d'un possible fondement pour une convention. Comme vous le savez tous, le 17 mars de cette année, la Chambre des communes a adopté une motion, proposée par l'honorable Jack Layton, exigeant que le premier ministre obtienne le consentement de la Chambre des communes avant de demander une prorogation de plus de sept jours.
Cette motion, à mon avis, ne peut pas être considérée comme une convention constitutionnelle parce que le premier ministre et les membres du caucus du gouvernement s'y sont opposés. Le premier ministre, particulièrement, est l'un des principaux acteurs dans le cadre de la prorogation, et il ne se sent pas lié par la motion Layton. Mais j'avancerais — toujours plein d'espoir — que cette motion pourrait être une étape importante vers la cristallisation d'une convention constitutionnelle, si elle devient la base de discussions, au sein de votre comité ou d'un comité spécial constitué à cette fin, au sujet de la possibilité d'un accord sur les conditions qui devraient s'appliquer à la recommandation du premier ministre de proroger le Parlement.
Jusqu'ici, nous n'avons pas vraiment entendu quelles conditions devraient s'appliquer à cette recommandation, selon les conservateurs. Le Canada gagnerait beaucoup à entendre le côté du gouvernement.
Si les parties s'entendaient sur les règles qui devraient régir la recommandation du premier ministre au gouverneur général de proroger le Parlement, à mon avis, cette entente pourrait être considérée comme une convention constitutionnelle. On aurait ainsi créé une convention constitutionnelle qui n'aurait pas, en soi, force exécutoire. Comme l'a statué la Cour suprême du Canada, les tribunaux ne font pas appliquer les conventions constitutionnelles, mais ils peuvent les reconnaître. Ils peuvent régler des différends à ce sujet, mais ils ne les font pas appliquer. Une telle convention aurait un grand poids politique et serait probablement respectée par le gouverneur général.
Enfin, j'ai entendu parler dans les journaux et le hansard, de la possibilité que le Règlement de la Chambre soit modifié, peut-être dans l'esprit de la motion Layton, par un vote majoritaire à la Chambre, mais que les conservateurs, les membres du caucus du gouvernement, s'opposent toujours à la motion. Que se passe-t-il alors?
Eh bien, évidemment, à mon avis, il ne s'agit pas d'une convention constitutionnelle, mais un tel ajout au Règlement lierait certainement autant le premier ministre que toutes les autres dispositions du Règlement. Le non-respect de cette nouvelle disposition — si on l'inscrivait au Règlement — par le premier ministre pourrait entraîner une décision ou une conclusion d'outrage au Parlement et peut-être l'adoption d'une motion de censure.
D'après la convention constitutionnelle, un gouverneur général pourrait démettre le premier ministre qui refuserait de démissionner ou de demander la dissolution — j'aurais dû ajouter cela — après avoir perdu un vote de confiance à la Chambre.
J'ai exposé mon avis personnel dans le dernier paragraphe, et je vous remercie de m'avoir laissé le temps de m'y rendre.
Je crois qu'il vaudrait mieux pour le Canada que nos dirigeants politiques élus établissent par consensus les règles régissant les recommandations de prorogation du premier ministre. Suspendre les travaux du Parlement, la Chambre du peuple, l'institution démocratique du pays, n'est pas un événement habituel. C'est un acte d'une très grande importance pour la démocratie parlementaire au Canada. Les Canadiens seront mal servis si leurs représentants élus n'arrivent pas à s'entendre sur cette question et qu'ils exposent le pays à une nouvelle grave crise politique et constitutionnelle sans que des règles soient en place pour gérer la crise.
Merci.
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... à la lumière du débat, non pas celui de votre comité, mais du comité qui étudiait le projet de loi...
Tous les partis étaient d'accord pour dire que les élections surprise n'étaient plus convenables. Le a prononcé un discours fantastique à Vancouver et a expliqué que l'objet fondamental était de mettre en place des règles du jeu équitables pour tous les partis, tandis que, dans le cas d'une élection surprise, le gouvernement avait l'avantage de prendre l'opposition au dépourvu ou à un moment où sa popularité est à la baisse et de déclencher des élections même s'il n'a pas été défait à la Chambre. Toutefois, lorsque la gouverneure générale a reçu la demande, il n'y a eu aucun signal de l'opposition — certainement pas de son chef — selon lequel elle était prête à former un gouvernement si la demande de M. Harper était rejetée. Les partis d'opposition n'ont pas émis de véritables protestations.
J'ai suivi ce dossier de très près, puisque je devais conseiller la gouverneure générale; et celle-ci n'avait pas de véritable option. La leçon à tirer est la suivante: la loi ne vaut pas grand-chose si le motif politique fondamental qui la sous-tend — en l'occurrence, on voulait éviter des élections surprises opportunistes — est tout simplement écarté, pas seulement par les dirigeants du gouvernement, mais par les dirigeants de l'opposition, à peine quelques mois après la mise à l'épreuve de la loi.
J'ai trouvé atterrant cet abandon d'une excellente entente politique — pas seulement par le gouvernement, permettez-moi de le souligner.
Je suis beaucoup plus à l'aise avec des dispositions législatives adoptées par la majorité ou même à l'unanimité. Au lieu d'adopter des dispositions législatives, concluez simplement une entente, comme l'ont fait les chefs d'État à Londres en 1926 — vous êtes certainement en mesure de relever le défi — et établissez les conditions qu'il faut rassembler pour qu'une prorogation soit indiquée ainsi que les circonstances où la simple recommandation du premier ministre ne suffit pas.
Je crois que cela devrait être régi par une entente politique plutôt que par une loi. Je suis convaincu de cela. C'est mon premier choix.
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Oui, mais cela m'a écarté de la voie que je voulais prendre, qui, à vrai dire, touche votre ouvrage,
Two Cheers for Minority Government. Ce texte a paru — et c'est peut-être malheureux — un peu avant les événements à l'origine de votre présence ici aujourd'hui, mais l'ouvrage contient effectivement des éléments intéressants.
En particulier, vous vous êtes beaucoup appuyé sur l'ouvrage de Jonathan Boston sur la Nouvelle-Zélande, où il tente de conseiller les Néo-Zélandais qui, à mon avis, ont accepté le fait qu'ils sont plus ou moins condamnés à perpétuité à être dirigés par des gouvernements minoritaires. Quant à l'état de la situation des régimes qui ne sont pas régis par le Statut de Westminster, pour tirer des leçons qu'on peut appliquer à la situation de la Nouvelle-Zélande, je crois que les discussions du comité ont tendance à se rattacher à la dernière prorogation, où cet aspect n'est pas vraiment en jeu. C'est la première prorogation et la tentative de remplacer le gouvernement par un autre gouvernement qui est l'objet de notre étude ici.
Quoi qu'il en soit, au passage, j'aimerais obtenir de l'information sur une chose. Vous reprenez l'exemple de Boston sur l'Allemagne, l'Espagne et la Suède, qui permettent ce qu'on appelle des « motions de censure constructive », et, si je comprends bien, une motion de censure constructive donne lieu à un vote qui exprime non seulement la perte de confiance à l'égard du gouvernement, mais aussi la confiance qu'on serait prêt à accorder à un gouvernement dirigé par un tel.
M. Peter Russell: C'est exact.
M. Scott Reid: Il me semble que cette mesure, si nous adoptions quelque chose comme ça, nous nous éloignerions du modèle de Westminster, selon lequel un vote de censure mène à une élection.
Ai-je tort? Cela ne reviendrait-il pas effectivement à une révolution des conventions qui nous régissent?
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Oui, mais je crois que le pays ne s'en porterait que mieux si vous en arriviez à une décision unanime.
J'ai très attentivement lu le débat du 17 mars au sujet de la motion Layton. J'ai lu les commentaires du gouvernement à ce sujet. Je les ai lus très attentivement. À la lumière de ma lecture, le gouvernement n'a fait aucune proposition relative à ce que devrait être la règle selon lui, autre que, peut-être — il ne l'a jamais dit en termes aussi crus ou peut-être aussi brutaux, que je l'ai fait, ou aussi directement que je l'ai fait — la possibilité de demander la prorogation pour n'importe quelle durée, sans aucune limite — c'est sans importance. Si, contrairement à la demande de M Harper, un premier ministre disait: « Suspendez les travaux de la Chambre; suspendez-les tout simplement, et je vous dirai, madame, quand il pourra reprendre » — Je n'ai pas entendu le gouvernement — le Canada ne l'a pas entendu, votre comité ne l'a pas entendu et, autant que je sache, la Chambre ne l'a pas entendu — exposer sa position sur la règle qui devrait régir les demandes de prorogation du premier ministre.
Tant et aussi longtemps que vous n'aurez pas tenu une bonne discussion à ce sujet, à mon avis, on n'arrivera pas à grand-chose d'autre que, peut-être, préparer le terrain pour une autre crise — une modification du Règlement, opposée par le gouvernement; une nouvelle disposition au Règlement, enfreinte par le premier ministre; et nous voilà en situation de crise.
Vous pouvez bien dire: « Eh bien, le premier ministre a tout simplement tort, et nous allons le renverser et nous allons le vaincre aux élections. » D'accord, mais je ne crois pas que c'est ainsi que la plupart des Canadiens veulent que se conduise un gouvernement parlementaire au Canada, de tenir des élections au sujet de règles fondamentales, qu'elles portent sur l'accès d'un comité à des documents sécurisés ou sur les règles régissant la prorogation.
Vous avez une responsabilité, en votre qualité de députés, d'essayer de trouver une solution. Pouvez-vous imaginer qu'on tienne une élection qui porterait sur ces enjeux? Vous savez tout ce que suppose une élection — les publicités à la télévision, des stratèges en communications. Croyez-vous que c'est une bonne façon d'arrêter les règles fondamentales qui régiront le fonctionnement de la démocratie parlementaire? Pas moi.
Pardonnez-moi de m'étendre, mais j'essaie de vous sensibiliser à l'urgence de la situation. Vous avez un travail à faire — et il ne suffira pas de retourner aux urnes alors que la démocratie parlementaire est bouleversée de fond en comble parce que, faute d'y avoir travaillé, vous n'aurez pas conclu d'entente sur des règles fondamentales.
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Eh bien, après avoir bien appris ma leçon...
Des voix: Oh, oh!
M. David Christopherson: ... Je vais trouver le courage de poser deux ou trois questions.
Premièrement, j'aimerais vous remercier, monsieur Russell. J'envie tous ceux qui vous ont eu comme professeur. Je suis certain qu'ils ont compris, peu importe ce que vous essayiez de leur enseigner. Vous êtes un excellent professeur. Je vous remercie.
J'ai deux questions, si j'ai le temps.
Premièrement, je suis étonné du fait que personne ne soit revenu à cette question. Le témoin précédent, monsieur Mendes, avançait l'idée — son opinion — selon laquelle, en vertu de notre Constitution, le Président a le droit de donner des conseils au gouverneur général au nom de la majorité du Parlement lorsqu'il croit, ou que cette majorité croit, que ses conseils sont contraires à ceux du premier ministre.
Nous avons tous été étonnés, car les chefs de partis avaient signé des lettres, lors de la seule crise que nous avons vécue, établissant que, si la gouverneure générale refusait la prorogation, il y avait une forte probabilité d'obtenir une majorité.
D'après ce que nous comprenons — nous ne sommes toujours pas certains, car beaucoup de ces choses se passent en coulisse — la lettre ne s'est jamais rendue à la gouverneure générale. Dans le cas contraire, on aurait pu changer l'histoire. Ainsi, on se pose la question de savoir si notre Président aurait eu le droit, en vertu de la Constitution, à la suite de l'adoption d'une motion par la Chambre, de transmettre son opinion à la gouverneure générale, qui était instruite d'une décision du premier ministre, qui était peut-être contraire à la volonté de la Chambre. Si on avait entrepris cette démarche et que la lettre avait été transmise, qui sait quel tournant l'histoire aurait pris?
Pouvez-vous nous donner votre avis sur l'argument de M. Mendes selon lequel la majorité du Parlement et le Président jouissent de ce droit constitutionnel?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Russell. Je m'entends avec ma collègue Marlene pour dire que cela a été...
Cela arrive de temps à autre, Marlene. Pas de panique.
Un jour, j'ai approuvé les propos d'Yvon Godin deux fois lors d'une seule séance. Je croyais qu'il allait perdre connaissance.
Cela a été très instructif, et encore plus; je suis d'accord avec David: vous êtes un bon professeur. J'ai toujours été d'avis que, pour être un bon professeur, il ne s'agissait pas simplement de transmettre platement de l'information concrète; il faut aussi posséder des talents d'orateur. Votre performance, monsieur, était de loin supérieure à celle de nombre de témoins qui ont comparu devant le comité.
La question que je veux vous poser touche l'opposition entre la constitutionnalité et la volonté démocratique. Vous venez de laisser entendre que le gouverneur général est très à l'écoute de la volonté des Canadiens. Cela rappelle vraiment une situation que nous avons vécue il y a deux ans, lorsqu'il y a eu une prorogation. C'est à ce moment que les trois partis d'opposition ont eu l'occasion de plaider leur cause devant la gouverneure générale et de lui demander de former un gouvernement de coalition. La prorogation a eu lieu peu après.
Je ne conteste pas le fait que, du point de vue constitutionnel, cela est possible, tout à fait. Mais quelle serait votre interprétation, monsieur — l'argument relève plutôt du débat politique, et je le reconnais —, si le scénario hypothétique suivant aurait lieu? Supposons que les trois partis de l'opposition concluent une entente de coalition peu après une élection fédérale — je parle de quelques semaines ou de quelques mois —, mais que, à la lumière de données probantes, la majorité des Canadiens, plus de 50 p. 100, ne veulent pas de ce gouvernement de coalition.
Du point de vue constitutionnel, il ne fait aucun doute qu'un gouvernement de coalition peut prendre le pouvoir en vertu de la Constitution. Mais la gouverneure générale était aussi consciente du fait que la majorité des Canadiens ne sont pas en faveur de cette solution.