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Monsieur le Président, je suis heureux d'ouvrir le débat sur le projet de loi , une loi importante qui démontre la volonté de notre gouvernement d'améliorer la sécurité dans nos collectivités.
Ce projet de loi vise à faire en sorte que les délinquants respectent les ordonnances d'interdiction de consommer de l'alcool ou des drogues, ce qui permettra de mieux protéger les rues et les collectivités du Canada contre la perpétration d'infractions commises par des individus sous l'effet de drogues ou d'alcool.
Le projet de loi rétablira la capacité d'exiger que des délinquants fournissent des échantillons de substances corporelles, afin de s'assurer que ces derniers respectent les ordonnances d'interdiction de consommer de l'alcool ou des drogues. Les tribunaux avaient perdu ce pouvoir à l'automne 2006 suite à l'arrêt de R. c. Shoker, dans lequel la Cour suprême du Canada a décidé que le Code criminel ne confère pas aux tribunaux la compétence d'imposer le prélèvement d'échantillons de substances corporelles dans le cadre d'une ordonnance d'interdiction de consommer des drogues et de l'alcool.
L'existence de ce pouvoir est essentielle pour régler l'un des problèmes criants de notre société: celui du préjudice causé par des individus qui sont toxicomanes ou alcooliques.
Nous savons tous à la Chambre que dans notre pays et dans le monde, l'abus de drogues et d'alcool mène souvent à la perpétration d'actes criminels de toutes sortes: infractions contre les biens, crimes avec violence et crimes sexuels. Le nombre considérable d'infractions perpétrées par des individus alors qu'ils étaient sous l'effet de l'alcool ou de drogues est sidérant. Le Service correctionnel du Canada a estimé que des 250 000 déclarations de culpabilité faites annuellement, environ 50 p. 100 sont liées directement à l'abus d'alcool ou de drogues. Plus le degré de gravité et de violence de l'infraction était élevé, plus il était probable que l'individu l'avait perpétrée alors qu'il avait consommé de l'alcool ou de la drogue. Presque 80 p. 100 des délinquants qui s'étaient vu infliger une peine de deux ans ou plus ont déclaré que la consommation d'alcool ou de drogues était la cause de l'infraction perpétrée.
Nous savons aussi que la plupart des délinquants commettent des actes criminels en vue de pouvoir se procurer les substances dont ils abusent. Environ 38 p. 100 des délinquants sous responsabilité fédérale aux prises avec un problème de toxicomanie avaient perpétré l'infraction qui avait mené à leur détention afin d'assouvir leur dépendance.
Ce problème a sur notre société de graves répercussions. Les victimes sont les plus lourdement touchées, mais leurs familles ainsi que celles des délinquants le sont également. Les commerces subissent des pertes importantes et le système de justice doit porter un lourd fardeau. Le système de soins de santé croule sous le poids des efforts liés au traitement des blessures des victimes et de la dépendance des délinquants. De plus, la perpétration de ces infractions alourdit le fardeau financier des ressources policières et des contribuables.
Nous continuerons à mettre en accusation, à poursuivre et à infliger des peines à des individus qui ont commis des actes criminels à cause de leur consommation abusive d'alcool et d'autres substances, tout en sachant que si nous ne nous occupons pas de leur problème de dépendance, une fois remis en liberté, ils commettront à nouveau des actes criminels.
Au Canada, les services correctionnels fédéraux et provinciaux offrent aux détenus des services de traitement des dépendances et de counseling. Mais ce type de soutien doit se poursuivre une fois le délinquant remis en liberté. Les instruments les plus efficaces qui sont à notre portée afin de gérer les risques posés par le délinquant qui souffre de dépendances et qui est remis en liberté sont les conditions l'obligeant à participer à un programme de traitement et lui interdisant de consommer des drogues ou de l'alcool. Ces conditions peuvent aider à déraciner le problème qui a causé la perpétration d'une infraction.
Par exemple, chaque fois qu'un contrevenant se voit infliger une peine de moins de deux ans d'emprisonnement, le tribunal peut aussi imposer une période de probation qui peut durer jusqu'à trois ans. Toute ordonnance de probation comprend également l'exigence pour le délinquant de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite. Le tribunal peut également imposer toute autre condition visant à assurer la réadaptation du délinquant ainsi que la sécurité publique.
Comme je l'ai mentionné auparavant, l'une des conditions les plus efficaces et les plus fréquemment utilisées est l'interdiction de consommer des drogues et de l'alcool. Selon le Centre canadien de la statistique juridique, approximativement la moitié des ordonnances de probation rendues contiennent une telle condition.
Jusqu'en 2006, le juge qui imposait cette condition y joignait aussi une condition obligeant le délinquant à fournir un échantillon de substances corporelles pour des fins d'analyse, à la demande des policiers et des agents de probation. Cette condition permettait de surveiller la conduite du délinquant pour s'assurer de sa sobriété une fois remis en liberté. Cette condition avait un effet dissuasif puisque le délinquant savait que s'il transgressait la condition lui interdisant de consommer de l'alcool ou des drogues, il risquait d'être pris, poursuivi et de se voir infliger une peine d'emprisonnement de deux ans pour avoir enfreint une condition de l'ordonnance.
Par ailleurs, il est essentiel de pouvoir obtenir un échantillon de substances corporelles à cause de son importance dans le cadre de la preuve relative à une poursuite pour manquement à une condition de probation. Cette importance est telle que le procureur de la Couronne qui ne peut disposer d'un échantillon dont le résultat d'analyse est positif hésite généralement à entamer une poursuite de ce genre. La capacité de poursuivre un délinquant pour manquement à une condition interdisant de consommer de l'alcool ou d'autres substances est importante, car à ce point, un échec signifie que l'abus se poursuivrait, causant la perpétration de nouvelles infractions et la victimisation d'autres personnes.
Comme je l'ai mentionné, il était auparavant courant que le juge de la détermination de la peine impose une condition obligeant le délinquant à fournir des échantillons de substances corporelles. Cette pratique a pris fin à la suite de la décision rendue par la Cour suprême dans l'arrêt Shoker.
En 2004, l'accusé avait été déclaré coupable, en Colombie-Britannique, d'introduction par infraction dans une maison d'habitation avec l'intention d'y commettre une agression sexuelle. M. Shoker, qui avait des antécédents de consommation abusive de méthamphétamine, d'héroïne et de cocaïne, a été condamné à une peine d'emprisonnement de 20 mois, suivie d'une période de probation de 3 ans. L'ordonnance de probation lui intimait de s'abstenir de consommer de l'alcool ou des drogues, de participer à un programme de traitement et de fournir, à la demande d'un agent de la paix ou d'un agent de probation, des échantillons de substances corporelles.
L'accusé a interjeté appel, se fondant sur l'argument que la condition l'obligeant à fournir des échantillons de substances corporelles était inconstitutionnelle parce qu'elle violait le droit à la protection contre les fouilles ou les saisies abusives que lui garantit l'article 8 de la Charte. L'affaire s'est retrouvée à la Cour suprême qui, en octobre 2006, a conclu que la condition obligeant le délinquant à fournir des échantillons de substances corporelles était illégale.
Il est important de souligner que la cour n'a pas déclaré que le fait de soumettre un délinquant à une obligation de fournir des substances corporelles était inconstitutionnel de manière absolue en vertu de l'article 8 de la Charte. Elle a clairement établi que le Parlement pouvait, s'il le décidait, légiférer pour autoriser le prélèvement de substances corporelles. Selon la cour, les dispositions du Code criminel n'habilitent tout simplement pas le juge chargé de la détermination de la peine à imposer une telle condition dans le cadre d'une ordonnance de probation. De plus, la cour a rejeté l'argument de la Couronne voulant que les disposition sur la probation autorisent implicitement l'imposition de conditions relatives au prélèvement de substances corporelles.
Par conséquent, les tribunaux sont depuis incapables d'imposer, dans le cadre d'une ordonnance de probation, une condition obligeant les délinquants à fournir des échantillons de substances corporelles.
L'arrêt Shoker a également eu des répercussions sur les dispositions du Code criminel portant sur le prononcé de peines d'emprisonnement avec sursis et sur les engagements de ne pas troubler l'ordre public, puisqu'on peut y retrouver des conditions semblables à celles imposées dans le cadre des ordonnances de probation.
Le projet de loi C-30 propose donc de modifier les dispositions du code sur la probation, l'emprisonnement avec sursis et l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, en établissant clairement que le tribunal qui choisit d'imposer une condition interdisant de consommer de l'alcool ou des drogues peut également imposer une condition obligeant le délinquant à fournir des substances corporelles afin de s'assurer que celui-ci s'abstient de consommer de l'alcool ou des drogues.
Selon les modifications proposées à ces trois genres de régimes, le tribunal pourra imposer deux genres précis de conditions obligeant un délinquant à fournir un échantillon de substances corporelles. D'abord, elle pourra obliger le délinquant à fournir un échantillon de substances corporelles à la demande d'un agent de la paix ou d'un agent de probation, si celui-ci a des motifs raisonnables de croire que le délinquant a enfreint une condition de l'ordonnance lui intimant de s'abstenir de consommer des drogues et de l'alcool.
De plus, le projet de loi prévoit que la cour pourra aussi imposer une condition obligeant un individu à fournir un échantillon de substances corporelles à intervalles réguliers. Cette condition supplémentaire pourrait convenir dans les cas où la probabilité que le délinquant éprouve de la difficulté à s'abstenir de consommer des drogues ou de l'alcool est plus grande et où une surveillance accrue est nécessaire.
La période de temps qui sépare les prélèvements peut varier, mais elle doit être d'au moins sept jours. En raison de son rôle direct dans la supervision du délinquant, il revient à l'agent de probation de déterminer la longueur des intervalles.
Ce régime comporte un autre aspect important. Il offre la possibilité d'exiger plusieurs genres de substances corporelles. Cette préoccupation a été soulevée lors des consultations que le ministère de la Justice a menées auprès des fonctionnaires de la justice des provinces et des territoires, des spécialistes, des corps policiers et des agents de probation, dans la foulée de l'arrêt Shoker. Tous ceux qui ont été consultés ont indiqué que le pouvoir accordé par la loi devait permettre d'obtenir toutes sortes de prélèvements. Cela permettra de repérer toute substance faisant partie de la liste grandissante des drogues dont l'usage est illégal, de déterminer le moment où elles ont été consommées ainsi que de découvrir les méthodes utilisées par les délinquants pour déjouer les méthodes de détection.
À la suite des consultations, nous avons conclu que, pour être efficace, un régime de prélèvements d'échantillons doit être doté d'une souplesse nous permettant non seulement de satisfaire aux exigences actuelles en la matière, mais également d'ajouter de nouvelles exigences au fil du temps. À cette fin, le projet de loi donne au gouvernement le pouvoir de prendre des règlements en vue de désigner les genres d'échantillons et les méthodes de prélèvement autorisés, ainsi que d'apporter des modifications selon l'évolution des exigences.
Le projet de loi permettra au gouvernement fédéral de conférer, par règlement, le pouvoir de prélever et d'analyser, par exemple, des échantillons d'urine, d'haleine et de sang. Il pourra également désigner certains genres de prélèvements lorsque les provinces et les territoires auront confirmé leur capacité à cet égard.
Je voudrais également souligner que le pouvoir en matière de règlement prévu dans le projet de loi a une autre fonction importante. En effet, il permet de veiller à ce que les représentants provinciaux et territoriaux responsables d'administrer le régime de prélèvement d'échantillons le fassent selon les normes nationales établies par le gouvernement fédéral. Bien que les provinces et les territoires pourront fixer leurs propres règles quant aux aspects opérationnels du régime — désigner l'individu pouvant procéder à un prélèvement, où et à quel moment cela peut se faire ainsi que les modalités d'entreposage et de destruction des échantillons —, ces règles provinciales seront assujetties au cadre réglementaire fédéral.
Cela permet d'accomplir deux objectifs précis. Tout d'abord, chaque administration peut gérer le régime sur son territoire. Elle peut décider des caractéristiques opérationnelles applicables, lesquelles peuvent varier d'une administration à l'autre.
Ensuite, les aspects administratifs du régime de prélèvement d'échantillons n'auront pas d'incidence sur la vie privée de la personne visée et sur l'intégrité des échantillons. Cela garantit l'équité du régime à l'égard des délinquants concernés.
Ainsi, le procureur général de la province pourra désigner les personnes autorisées à prélever un échantillon sanguin, mais ce pouvoir discrétionnaire sera limité par les règlements fédéraux. Les règlements pourraient conférer le pouvoir de prélever des échantillons sanguins uniquement à des médecins qualifiés, mais le procureur général provincial pourrait, à son choix, limiter davantage les types de médecins qualifiés autorisés à procéder à un prélèvement sur le territoire. Une telle approche concerne non seulement les personnes pouvant prélever des échantillons, mais également le type de contenants ainsi que le mode d'entreposage, d'analyse et de destruction des échantillons.
Ce cadre offrira suffisamment de souplesse pour répondre aux exigences opérationnelles des 13 provinces et territoires tout en maintenant les normes minimales à l'échelle du pays. Sur le plan pratique, cette initiative devrait avoir pour résultat d'encourager chaque administration à procéder plus fréquemment au prélèvement d'échantillons auprès des délinquants, ce qui assurera un respect accru des conditions d'interdiction.
Je suis heureux que nous ayons pu répondre à cette grande préoccupation opérationnelle des provinces et des territoires sans compromettre la nécessité de normes nationales assurant la protection de la vie privée et l'équité.
Pendant les consultations menées auprès des provinces et des territoires après la publication de la décision Shoker, toutes les administrations ont convenu qu'il fallait prévoir un pouvoir de prélever des échantillons non seulement dans le cadre des ordonnances de probation, mais aussi des ordonnances de sursis et des engagements de ne pas troubler l'ordre public. Comme je l'ai déjà mentionné, le projet de loi permet d'atteindre cet objectif.
Je voudrais préciser que tous les territoires et provinces sont en faveur du régime de prélèvement d'échantillons que prévoit le projet de loi.
Avant de terminer, j'aimerais discuter des mesures prises par le procureur général du Canada afin de garantir la constitutionnalité des modifications. Compte tenu de ces nombreux éléments inclus, nous sommes convaincus que les modifications proposées survivraient à une contestation fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés.
Citons notamment les éléments qui suivent. Premièrement, il faudra limiter l'utilisation des échantillons prélevés par les policiers ou les agents de probation strictement à la vérification du respect des conditions ordonnées par le tribunal. Deuxièmement, le délinquant sera autorisé à connaître les résultats de l'analyse de l'échantillon. Troisièmement, on devra exiger que l'agent de probation donne au délinquant un préavis écrit exhaustif de toute obligation de fournir un échantillon à intervalles réguliers, y compris le lieu et le moment du prélèvement de l'échantillon. Quatrièmement, il faudra prévoir qu'on ne peut demander un échantillon que lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu manquement aux conditions. Cinquièmement, on devra exiger que toute personne prenant part au prélèvement, à la manipulation, à l'entreposage ou à la destruction des échantillons suive des règles précises. Sixièmement, on exigera que les échantillons et les résultats de l'analyse soient détruits à l'expiration de la condition, sauf si l'analyse est nécessaire dans le cadre d'une instance découlant d'un manquement.
En conclusion, je suis fier d'affirmer que j'estime que nous avons déposé un bon projet de loi qui mérite l'appui de tous les députés de cette Chambre. Il donne suite de façon efficace et appropriée à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire La Reine. c. Shoker. Il donne aux policiers et aux agents de probation les outils nécessaires pour faire en sorte que les délinquants ayant des problèmes de toxicomanie prennent leur réadaptation au sérieux. Il permet aux tribunaux d'imposer des conditions en ayant l'assurance que l'on pourra procéder à un suivi et à une application efficaces. Enfin, le projet de loi rallie le soutien des 13 provinces et territoires.
Je remercie la présidence de m'avoir permis de parler de cette importante initiative.
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Monsieur le Président, je ne peux pas exprimer à quel point je suis heureuse de finalement pouvoir discuter de ce projet de loi ici en cette Chambre à l'étape de la deuxième lecture. Cela fait maintenant quatre ans, presque cinq, que j'attends que le gouvernement bouge à ce sujet. Tous ceux qui connaissent les procédures de la Chambre savent que c'est le gouvernement qui contrôle son propre programme.
Que le gouvernement ait pris trois ans après le jugement dans l'arrêt Shoker avant de déposer ce projet de loi pour la première fois, je peux accepter les explications fournies et transmises en cette Chambre par le qui vient de parler. Toutefois, ces explications ne tiennent plus une fois que le projet de loi a été déposé pour la première fois.
Comme je l'ai mentionné lors de la période des questions et commentaires, le gouvernement a déposé son projet de loi en 2009. Ce projet de loi sur la décision la Reine c. Shoker est resté sur les tablettes à l'étape de la première lecture pendant 62 jours. Le gouvernement avait 62 jours pour proposer le débat à l'étape de la deuxième lecture et il ne l'a pas fait. Ce ne sont pas libéraux qui peuvent le faire. Ce n'est pas le Bloc qui peut le faire. Ce n'est pas le Nouveau Parti démocratique qui peut le faire. Selon les règlements de la Chambre, seul le gouvernement peut proposer la motion pour commencer le débat à l'étape de la deuxième lecture. Or, le gouvernement, pendant 62 jours en 2009, a décidé de ne pas proposer le débat à l'étape de la deuxième lecture.
Et qu'a fait le gouvernement? Le , dans sa sagesse, a décidé de proroger la Chambre et le Parlement. Il a fermé et verrouillé les portes du Parlement de décembre 2009 jusqu'au début mars 2010. Cela a soulevé un tollé chez des centaines de milliers de Canadiens qui étaient choqués par le geste non démocratique de ce conservateur.
On y arrive. Le discours du Trône a eu lieu le 2 mars 2010. Le gouvernement aurait pu par la suite déposer à nouveau son projet de loi concernant l'arrêt Shoker. Le NPD a posé la question suivante: combien de personnes, qui ont été trouvées coupables et qui ont été soumises à des conditions de ne pas consommer de l'alcool ou des drogues illégales, ne sont plus soumises à ces conditions de fournir des échantillons de substances corporelles suite à l'arrêt Shoker? Le secrétaire parlementaire conservateur n'a pas pu répondre à la question, mais on sait qu'il s'agit de plusieurs milliers de personnes.
Le gouvernement a déposé son projet de loi pour la première fois à l'automne 2009, mais il l'a fait mourir avec la prorogation. Par suite, lors d'une nouvelle session parlementaire amorcée en mars 2010, au lieu de déposer tout de suite ce projet de loi, dans le souci de s'assurer que le projet de loi sera adopté le plus rapidement possible et afin de permettre aux tribunaux d'imposer des conditions obligeant les personnes à fournir des échantillons corporels pour vérifier si elles respectent les conditions de ne pas consommer de l'alcool ou des drogues illégales, le gouvernement a plutôt attendu 90 jours après le discours du Trône avant de déposer à nouveau ce même projet de loi. Pas un mot, pas une virgule n'a été changé dans ce projet de loi , si on le compare au projet de loi qu'il avait déposé lors de la première session de la 40e législature, à l'automne 2009. Pas même une virgule.
Le gouvernement a attendu 90 jours avant de le déposer à nouveau. Le gouvernement l'a déposé le 31 mai 2010.
La Chambre siégeait. Nous avons siégé jusqu'à la fin du mois de juin. Avec le consentement de l'opposition officielle — le Parti libéral du Canada —, avec le consentement du Bloc québécois et du NPD — en effet, les trois partis d'opposition avaient déjà signalé qu'ils étaient en faveur de ce projet de loi et qu'il ne leur posait aucun problème —, le gouvernement aurait pu faire ce qu'il est en train de faire aujourd'hui. La journée même du nouveau dépôt de son projet de loi, le 31 mai 2010, il aurait pu proposer le débat à l'étape de la deuxième lecture, comme on le fait aujourd'hui, et ensuite, avec le consentement unanime de la Chambre, réputer ce projet de loi avoir été débattu et adopté à toutes les étapes, et l'envoyer tout de suite à l'autre Chambre.
Qu'a fait le gouvernement au lieu de cela? Les personnes qui étaient trouvées coupables d'un acte criminel ou qui étaient en libération conditionnelle en attendant leur procès étaient soumises par le jugement d'un tribunal à des conditions de ne pas consommer d'alcool ou des drogues illégales. Qu'a fait le gouvernement conservateur dans le souci de s'assurer que les juges et les tribunaux avaient le pouvoir légal d'imposer l'obligation de fournir des échantillons des substances corporelles? Qu'a-t-il fait, lui qui se pète les bretelles tous les jours en disant qu'il est celui qui s'occupe et se soucie des victimes d'actes criminels, qu'il est celui qui est combat le crime? Il a attendu 191 jours avant de proposer le débat à l'étape de la deuxième lecture. Aujourd'hui, c'est la 192e journée.
Cela démontre l'hypocrisie du Parti conservateur du Canada, l'hypocrisie de ce gouvernement conservateur.
[Traduction]
Si j'ai l'air en colère, c'est que je le suis. Le gouvernement ne cesse de dire qu'il sévit contre le crime et qu'il est le seul parti à s'inquiéter du sort des victimes.
Comment le gouvernement a-t-il manifesté sa sensibilité à l'égard des victimes de tous les crimes commis depuis l'arrêt Shoker de la Cour suprême du Canada, en 2006, compte tenu du temps qu'il lui a fallu pour présenter ce projet de loi, alors qu'il savait que les trois partis de l'opposition étaient prêts à en accélérer l'étude et l'adoption à toutes les étapes, dans cette enceinte?
Lorsque j'étais porte-parole en matière de justice, de janvier 2007 à janvier 2008, j'ai personnellement informé le gouvernement conservateur que les libéraux étaient favorables à ce projet de loi et que nous étions prêts à l'étudier rapidement si le gouvernement voulait bien le présenter. Eh bien, le gouvernement n'en a rien fait. Il a attendu jusqu'à la fin de 2009. Il savait que les partis de l'opposition étaient favorables à ce projet de loi, alors pourquoi n'a-t-il pas agi plus rapidement? Pourquoi n'a-t-il pas profité de l'assentiment de tous les partis de l'opposition pour étudier ce projet de loi rapidement?
Je pense que c'est parce que le gouvernement ne veut pas vraiment protéger les victimes. Il ne veut pas vraiment qu'un gouvernement efficace dirige le pays. Il voit plutôt dans le dossier de la justice une mine d'or politique. Il envoie des milliers de lettres à des donateurs potentiels en leur faisant valoir que les conservateurs sont les seuls à pouvoir protéger les victimes.
En fait, lorsqu'on prend le temps d'examiner le bilan du gouvernement, on s'aperçoit qu'il fait tout pour ne pas protéger les victimes. Le projet de loi en est l'exemple parfait. Il est demeuré pendant 191 jours à l'étape de la première lecture. Puis, 98 jours se sont écoulés entre le discours du Trône et le nouveau dépôt du projet de loi.
Le gouvernement n'est pas sérieux quand il dit vouloir défendre les victimes. S'il l'était, il aurait accepté l'offre des partis de l'opposition de procéder rapidement, et ce projet de loi aurait été adopté en 2009, lorsque le gouvernement l'a présenté pour la première fois, quatre ans après la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Shoker.
Des milliers de délinquants et d'inculpés auraient été obligés de fournir des échantillons de substances corporelles pour veiller à ce qu'ils n'enfreignent pas la condition de ne pas consommer de l'alcool ou de la drogue. Mais non, le gouvernement a préféré faire de la politique partisane, comme il le fait avec pratiquement tous les projets de loi.
Un autre projet de loi à avoir fait l'objet de politique partisane, c'est le projet de loi sur la disposition de la dernière chance. Le secrétaire parlementaire a parlé de ce projet de loi quand il essayait désespérément de trouver une bonne raison pour laquelle son gouvernement avait attendu 98 jours, puis 191 jours pendant la session actuelle de la 40e législature et aussi 62 jours après la première lecture du projet de loi pendant la 1re session de la 40e législature, soit près de 4 ans après l'arrêt Shoker.
J'ai ressenti un peu de pitié pour le secrétaire parlementaire parce qu'il semblait avoir du mal à trouver une raison qui justifierait le laxisme et le manque de sérieux de son gouvernement quand il est question de protéger les victimes et de veiller à ce que notre système de justice soit réellement efficace et à ce que nos organismes d'application de la loi disposent des outils nécessaires pour assurer la sécurité de nos collectivités et des Canadiens.
Pourquoi le secrétaire parlementaire avait-il du mal à trouver une bonne raison? Parce que le gouvernement — et il le sait fort bien — n'est pas sérieux quand il dit vouloir protéger les victimes. Il est sérieux quand il s'agit de se servir des questions de justice pénale pour marquer des points sur le plan politique et pour amasser des fonds. Presque chaque année, au mois de décembre, juste avant que la Chambre n'ajourne pour le congé des Fêtes, le et le organisent un point de presse pour parler à tous les médias. Ils leur déclarent que la justice pénale est la priorité absolue du gouvernement et que si seulement l'opposition n'était pas laxiste en matière de criminalité et n'essayait pas de retarder l'adoption de leurs projets de loi, ceux-ci seraient mis en oeuvre.
Toutefois, quand on regarde les faits, il est clair que, en fait, le parti qui retarde vraiment l'adoption des projets de loi, c'est nul autre que le Parti conservateur du Canada, le gouvernement lui-même.
Le projet de loi sur la disposition de la dernière chance a été adopté à la Chambre des communes au cours de la dernière session. Il a ensuite été envoyé au Sénat, où les sénateurs conservateurs non élus et non représentatifs n'ont jamais proposé la tenue du vote à l'étape de la deuxième lecture.
Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, l'opposition ne contrôle pas les objectifs du gouvernement. En effet, les députés ou les sénateurs qui font partie de l'opposition ne peuvent pas proposer le débat ou le vote à l'étape de la deuxième lecture. C'est le gouvernement qui doit le faire, mais vous savez quoi? Le a oublié de dire à ses sénateurs à quel point la disposition de la dernière chance était importante pour le Parti conservateur, qui se préoccupe tellement des victimes! Il a oublié de leur dire, parce qu'ils n'ont jamais proposé le vote à l'étape de la deuxième lecture au Sénat et qu'ils étaient les seuls à pouvoir le faire. N'est-ce pas intéressant?
Puis, le gouvernement a prorogé le Parlement, faisant ainsi avorter son propre projet de loi. La prorogation a duré deux mois et demi. Le 2 mars, le discours du Trône a marqué le début de la nouvelle session de la 40e législature. Le gouvernement a-t-il saisi la première occasion que lui ont fourni le Règlement et la procédure tant de la Chambre des communes que du Sénat pour présenter de nouveau son projet de loi concernant la disposition de la dernière chance? Non, il ne l'a pas fait. Combien de jours a-t-il attendu avant de présenter de nouveau...
Des voix: Oh, oh!
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Monsieur le Président, nous sommes d'accord depuis longtemps sur plusieurs projets de loi qui ont été présentés récemment à la Chambre.
Le dit constamment que c'est à cause de l'opposition si ses projets de loi prennent tant de temps à être adoptés. Or il ment littéralement, et nous en avons là un exemple concret. Voici un projet de loi qui veut combler une lacune signalée par la Cour suprême du Canada en octobre 2006. Je crois que les conservateurs étaient au pouvoir en octobre 2006. Cela leur a pris trois ans pour écrire une loi qui répondrait au jugement de la Cour suprême, comme le dit son titre.
Ils présentent un premier projet de loi en octobre 2009. Puis ils prorogent le Parlement, faisant tomber ainsi ce projet de loi. Il faut donc qu'ils le présentent à nouveau. Quand on revient à la Chambre, ils ne le présentent pas tout de suite. Il n'y a pas un seul mot de différence entre le projet de loi actuel et le projet de loi , celui qu'ils ont fait tomber. Je n'ai pas compté les jours comme ma collègue qui m'a précédé, mais ce n'est finalement que le 31 mai 2010 qu'ils ont présenté le projet de loi actuellement à l'étude.
Et le ministre continue à se plaindre que nous retardons ses projets de loi, que l'opposition l'empêche encore de travailler. Il y a 15 minutes, il disait devant les caméras de télévision que c'était encore l'opposition qui empêchait ses projets de loi de progresser. Voilà un cas où c'est clair que c'est son incompétence et sa paresse qui sont en cause. Il va tellement vite qu'il aurait de la misère à gagner une course d'escargots.
Il a présenté son projet de loi le 31 mai 2010 et c'est la première fois qu'il nous invite à en parler en vue de l'envoyer en comité. On ne peut pas dire que c'est l'opposition qui est responsable du fait que, plus de quatre ans après le jugement de la Cour suprême signalant une lacune dans le Code criminel, cette dernière n'ait pas encore été comblée.
Une autre habitude de ce gouvernement est de blâmer les juges. Non seulement il les blâme, mais il utilise à leur égard un langage carrément insultant. Je le démontrerai tout à l'heure, mais voyons avant ce que la Cour suprême a décidé.
La Cour suprême n'a pas décidé qu'il fallait enlever un droit, contrairement à ce que disait encore le secrétaire parlementaire dans ses communiqués de presse. Elle a constaté que ce droit n'existait pas et qu'il était important qu'il ne soit pas établi par la police ou par les tribunaux, mais au moyen d'une législation. Ça relève du législateur.
C'est sûr que quand on permet d'imposer, dans des conditions, de ne pas consommer certaines substances, il devrait y avoir d'autres moyens de les contrôler, même si ce n'est pas nécessairement par des tests. C'est sûr que cela devrait aller de soi. Cela devrait tellement aller de soi que les législateurs de l'époque ne l'ont pas vu et n'ont pas prévu l'obligation de fournir des échantillons.
C'est ce que la Cour suprême a constaté en 2006. L'alinéa 732.1(3)c), qui permet d'imposer une condition interdisant la consommation de certaines substances, définit une infraction criminelle, mais les pouvoirs d'exécution ne découlent pas de la simple création d'une infraction. C'est une règle de bon sens qui aurait dû sauter aux yeux du législateur de l'époque. Même s'il ne fait aucun doute que le pouvoir de demander des échantillons de substances corporelles, et les analyses qui en découleraient, aiderait à exécuter une condition interdisant la consommation de certaines substances imposée en vertu de l'alinéa 732.1(3)c), cela n'est pas suffisant pour conclure que ce pouvoir existe implicitement.
Il me semble qu'il y a là une expression juridique de bon sens. D'ailleurs, elle suggérait au législateur:
Dans les cas où le législateur autorise le prélèvement d’échantillons de substances corporelles, il le dit clairement et il établit des normes et des garanties applicables au prélèvement de ces échantillons.
On ne fait pas cela n'importe comment. C'est ce que dit la cour.
Le législateur n’a prescrit aucun régime de prélèvement d’échantillons de substances corporelles au par. 732.1(3) et il n’appartient pas à un tribunal d’édicter un tel régime.
Cela ne lui appartient tellement pas qu'on nous soumet une loi qui a 16 pages. On ne va justement pas jouer dans le corps des personnes n'importe comment. Il faut s'assurer que les analyses seront faites médicalement et correctement. Mais il ne revient pas à la cour de l'établir. Cette responsabilité revient justement au législateur. C'est ce que le législateur s'est fait dire en 2006. Or, c'est uniquement en 2009 que le conservateurs nous ont présenté un premier projet de loi. Ils l'ont fait mourir par la prorogation. Ils l'ont représenté le 31 mai 2010. Il n'en ont pas parlé jusqu'à maintenant et on est en décembre 2010, soit plus de quatre ans après ces remarques de la Cour suprême du Canada, pour en débattre.
Une des habitudes de ce gouvernement, c'est de démontrer le mépris qu'il a envers la magistrature canadienne, et ce, de toutes sortes de façon. Je lis justement le communiqué de presse du ministre qui nous présentait le projet de loi . Au dernier paragraphe de la première page, il dit:
Les modifications proposées aujourd'hui constituent une réponse à la décision de la Cour suprême du Canada qui a rendu impossible pour les agents d'application de la loi de bien suivre les délinquants assujettis à une ordonnance judiciaire leur interdisant de consommer de la drogue ou de l'alcool.
Ce n'est pas ce que la cour a fait. Ce n'est pas la cour qui a rendu cela impossible. C'est que la loi ne l'avait pas prévu. Et la cour a décidé que lorsqu'on ne l'a pas prévu, ce n'est pas au tribunal de déterminer, par 16 pages de texte, comment on va prendre ces échantillons pour s'assurer qu'ils sont exacts et qu'on peut en tirer des conclusions qui peuvent amener des gens à perdre leur liberté.
On se vante d'être un pays où les droits et les libertés sont respectés. Cela fait justement partie du respect qu'on a pour la liberté des gens. Avant de les mettre en prison sur une preuve technique, on s'assure qu'elle est établie de façon rigoureuse.
D'ailleurs, le a commencé à nous faire un autre reproche récemment. Il a ri de nous parce que nous n'acceptons pas ses titres subsidiaires. Dans ce cas-ci, je peux lui dire qu'on va être d'accord avec son titre, parce que c'est celui-ci: « Loi donnant suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Shoker ». Voilà une façon de décrire de façon objective et sans propagande la loi qui est présentement devant nous.
Ce n'est pas comme dans d'autres cas où il s'agit davantage de mauvaises habitudes. Le plus bel exemple est le nouveau truc de ce pour inscrire sa propagande électorale au sein des lois. Étant probablement moins sûr de leur valeur, il commence par faire sa propagande, qui est carrément insultante pour la magistrature. On peut en juger ici par le projet de loi , Loi mettant fin à la détention à domicile de contrevenants violents et dangereux ayant commis des crimes contre les biens ou d’autres crimes graves.
Existe-t-il au Canada des jugements qui ordonnent la détention à domicile de contrevenants violents et dangereux? Si cela existe, c'est contraire à la loi actuelle, parce que la loi actuelle dit ceci: « [s'il] est convaincu que la mesure ne met pas en danger la sécurité de la collectivité ».
Ainsi, la première condition pour permettre une sentence à domicile, c'est que la mesure ne mette pas en danger la sécurité de la collectivité.
Il me semble que cela va de soi. Si on met fin à la détention de contrevenants violents et dangereux et si on les remet en liberté, cela mettra en danger la sécurité du public. Le ministre n'a jamais dit que cela arrivait quelque part au Canada. Et s'il arrivait que dans les milliers et les dizaines de milliers, pour ne pas dire encore plus — je pense que le nombre de sentences rendues chaque année au Canada a dans les six chiffres — il y ait une décision qui ait ce défaut, il y a un recours, et c'est la Cour d'appel. On a qu'à aller en appel et plaider que, dans ce cas-ci, il s'agit d'un contrevenant violent et dangereux.
En fait, c'est une ruse, c'est encore une attrape pour éliminer plus de cas où on peut accorder la détention à domicile. Les conservateurs n'aiment pas la détention à domicile. Cela se fait à peu près dans tous les pays d'Europe. C'est un outil extrêmement utile quand on est en présence d'un délinquant qui en est à sa première infraction. En y mettant peut-être certaines conditions, on pourrait sortir cette personne de la délinquance. On peut lui imposer de suivre des cours qu'il pourrait entreprendre, lui imposer le soutien de sa famille, lui ordonner un couvre-feu où il serait obligé de rentrer, le surveiller, lui imposer une cure de désintoxication s'il a un problème de toxicomanie.
On le garde ainsi à domicile. Cela coûte beaucoup moins cher, c'est beaucoup plus efficace que de l'envoyer faire du temps alors qu'il va vraisemblablement perdre son emploi, s'il en a un, interrompre ses études, rencontrer d'autres criminels qui vont lui enseigner plus de trucs pour faire d'autres crimes. On le sait, la prison n'est pas une très bonne école. Dans les pays civilisés, on la réserve aux gens vraiment dangereux. Or ici, on suit le modèle des États-Unis, le pays qui incarcère le plus au monde: entre 730 et 760 incarcérations par 100 000 habitants. Nous, nous en sommes à 120. Je ne sais pas à combien les conservateurs veulent monter, mais à 120, on est dans la bonne moyenne. Sur 155 pays, on est le 50e, ou à peu près. Notre chiffre est même supérieur à celui de presque tous les pays européens, sauf un des pays du Royaume-Uni.
Le projet de loi va donc enlever aux juges cet outil dans le cas d'une première infraction. Quand j'étais ministre de la Sécurité publique au Québec, on me disait — cela concordait d'ailleurs avec mon expérience après avoir pratiqué le droit criminel au-delà de 25 ans — que jusqu'à 90 p. 100 des gens qui viennent devant les tribunaux y viennent une fois dans leur vie. C'est le reste qui nous pose de gros problèmes.
De toute façon, on l'a déjà dit, on est d'accord avec la Cour suprême. C'est avec raison qu'elle a relevé cette anomalie d'un législateur. En effet, on peut interdire de consommer certaines substances sans donner le pouvoir à la cour d'ordonner une façon technique et scientifique de vérifier que la personne respecte effectivement ces conditions. Cela ressemble beaucoup à la conduite avec facultés affaiblies par usage de l'alcool, qui est un crime plus courant, commis même par des gens qui n'ont pas de passé criminel et qui n'ont pas d'autres comportements criminels.
Lorsque j'ai commencé à plaider, c'était assez drôle d'entendre ces causes parce que les policiers avaient observé chez l'accusé les symptômes que la Cour suprême avait définis comme les symptômes d'ivresse dans une cause de 1926: yeux vitreux, bouche pâteuse, titubation. Alors les policiers disaient que l'accusé titubait et qu'il avait la bouche pâteuse, et c'était comme cela qu'on établissait finalement si la personne était ivre ou non. C'était assez ridicule et c'est pour cela que, enfin, on a pu avoir des preuves objectives avec l'ivressomètre. On a obtenu des diminutions très importantes depuis qu'on a ce moyen objectif dans ce domaine.
Dans ce cas-ci, je pense qu'il fallait faire cette loi. À mon avis, un délai de six mois après le jugement de la Cour suprême est bien suffisant pour écrire une pareille loi. Cela ne prend pas trois ans à faire. Le ministre, qui pense supposément aux victimes que ces gens pourraient faire, aurait pu s'empresser un peu. Heureusement, il fait sa propre gloriole. Il termine son communiqué du 30 novembre en disant que le gouvernement « se porte à la défense des victimes d'actes criminels et fait passer les droits des citoyens respectueux des lois devant les droits des criminels. »
Je ne sais pas pourquoi il dit cela. Ce doit être par habitude. Dans ce cas-ci, c'est une disposition que la Cour suprême, qu'il n'aime pas, lui a suggéré de prendre. Je ne vois pas en quoi cela met en contradiction les droits des citoyens respectueux des lois et les droits des criminels. De toute façon, la totalité ou presque des peines données qui sont accompagnées d'ordonnances de probation ont justement des dispositions de ne pas consommer certaines substances.
Je ne pense pas que tous ces gens soient des criminels. En effet, ce n'est pas parce que quelqu'un a commis une infraction une fois ou a eu un problème de drogue une fois dans sa vie qu'il est un criminel pour le restant de ses jours. Il me semble qu'il est parfaitement correct, si on lui impose la condition de ne pas consommer de substances parce qu'il a un problème de drogue, d'avoir un moyen scientifique de vérifier si c'est arrivé. Si c'était évident...