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Monsieur le Président, je suis heureux de participer à ce débat de troisième lecture sur le projet de loi . Ses dispositions visent à modifier le Code criminel afin de renforcer les peines applicables en cas de fraude.
De tout l'arsenal législatif dont nous disposons pour lutter contre la criminalité de cols blancs, l'infraction de fraude est en fait l'arme la plus importante. Elle criminalise une vaste gamme de manoeuvres trompeuses. Cela dit, la fraude se définit essentiellement par deux éléments de nature très générale, et c'est précisément la nature générale de ces éléments qui confère à l'infraction de fraude son caractère si efficace et en fait l'outil le plus utile pour lutter contre les crimes économiques.
Le premier de ces éléments est la supercherie ou la malhonnêteté qui peuvent se manifester dans tous genres de circonstances et prendre une multitude de formes différentes. Le second élément est l'existence d'une perte pécuniaire, qui n'inclut pas seulement la perte réelle d'argent ou de quelque autre bien de valeur, mais aussi le risque d'une telle perte.
La combinaison de ces deux éléments susmentionnés permet de se représenter la situation. Ainsi, essentiellement, il y a fraude lorsqu'une personne a recours à la supercherie pour amener quelqu'un à lui confier son argent. Alors que le vol consiste à s'emparer des biens de quelqu'un sans son consentement, la fraude se produit lorsque le voleur est suffisamment rusé ou raffiné pour le convaincre de les lui remettre volontairement. Cet élément de tromperie vient exacerber la perte pécuniaire, parce qu'il laisse les victimes dans un état de honte et d'humiliation du fait qu'elles ont l'impression d'avoir contribué à leur propre malheur.
La définition large et souple de l'infraction de fraude peut aussi s'appliquer aux fraudes relatives aux valeurs mobilières, telles que la fraude comptable fondée sur une surestimation, à l'intention des actionnaires et des investisseurs, de la valeur des émetteurs de titres, les déclarations inexactes concernant la situation financière d'une entreprise et les combines à la Ponzi, du genre de celles qui, dernièrement, ont souvent retenu l'attention au Canada et aux États-Unis.
L'infraction de fraude est également une arme efficace contre d'autres types de fraudes touchant le marketing de masse, les hypothèques, les titres de propriété, la rénovation domiciliaire, les soins de santé et d'autres formes d'assurance et aussi l'impôt, sans oublier certaines arnaques couramment rencontrées sur Internet, par exemple, sur eBay, où l'article mis en vente n'est jamais expédié à l'acheteur qui en a pourtant acquitté le prix.
Les diverses mesures de détermination de la peine prévues par le projet de loi visent les fraudeurs en vue de veiller à ce que les crimes qu'ils commettent soient traités de façon sérieuse. Présentement, la peine d'emprisonnement maximale applicable à la fraude est de 14 ans. Il s'agit de la peine maximale la plus lourde prévue au Code criminel après l'emprisonnement à perpétuité, et en ce sens, c'est un maximum adéquat. Cependant, il est possible d'en faire davantage pour que les peines infligées correspondent davantage aux effets dévastateurs que peut avoir une fraude sur les victimes.
À ce chapitre, le projet de loi établit d'abord une peine minimale obligatoire d'emprisonnement pour les fraudes d'une valeur supérieure à 1 million de dollars. Actuellement, la valeur d'une telle fraude est considérée comme une circonstance aggravante, ce qui signifie que la peine devrait être augmentée selon les peines maximales disponibles. En conséquence du projet de loi , cette circonstance aggravante constituera un facteur entraînant automatiquement — et je dis bien automatiquement — une peine d'emprisonnement obligatoire d'au moins deux ans. En effet, qu'elles aient été commises isolément ou en série, les fraudes entraînant des pertes supérieures à 1 million de dollars sont le résultat d'un stratagème complexe, bien orchestré et bien exécuté faisant vraisemblablement intervenir d'autres formes de crimes, comme la falsification de documents.
Les fraudes provoquant des pertes d'une telle ampleur doivent donc être considérées comme des crimes graves. La peine obligatoire de deux ans proposée est simplement le point de départ — je dis bien le point de départ — permettant de déterminer la peine appropriée. Dans les faits, la peine infligée pour une fraude imposante tiendra aussi compte de tous les autres aspects répréhensibles de l'acte, dont beaucoup constituent des circonstances aggravantes aux termes de l'article 380.1 du Code criminel.
À ces circonstances aggravantes, le projet de loi en ajoutera de nouvelles, notamment: l'ampleur, la complexité, la durée ou le niveau de planification de la fraude commise est important; l'infraction a entraîné des conséquences importantes pour les victimes étant donné la situation personne de celles-ci; le délinquant a négligé de se conformer à des règles et aux exigences d'un permis ou d'une licence; enfin, le délinquant a dissimulé ou détruit des dossiers pertinents.
Les tribunaux chargés de déterminer la peine tiendront compte de ces nouvelles circonstances aggravantes en plus de celles déjà prévues à l'article 380.1 du Code criminel et des éléments généraux énoncés à l'article 718.2, afin de déterminer une peine qui correspond aux faits particuliers de chaque affaire.
Le projet de loi propose également de créer une nouvelle ordonnance d'interdiction afin de prévenir la récidive chez les personnes déclarées coupables de fraude. Plus particulièrement, il autorisera les tribunaux, au moment de déterminer la peine d'un délinquant déclaré coupable de fraude, à interdire à celui-ci d'exercer un pouvoir sur les biens immeubles, l'argent ou les autres valeurs d'autrui. Cela tombe sous le sens.
La durée de l'interdiction sera fixée par le tribunal selon ce qu'il estimera approprié. La violation d'une telle ordonnance constituera une infraction. Le Code criminel prévoit déjà une telle ordonnance d'interdiction qui vise à prévenir la récidive chez les personnes déclarées coupables d'infractions sexuelles désignées visant des enfants et d'infractions d'enlèvement d'enfants. La nouvelle ordonnance d'interdiction proposée incorporerait les mêmes mesures de protection: le juge aurait un pouvoir discrétionnaire de rendre cette ordonnance. Il ne prononcerait pas d'ordonnance avant que la poursuite et la défense n'aient eu l'occasion de lui faire part de leurs observations quant aux conséquences que pourrait avoir une telle ordonnance sur la capacité du délinquant de gagner sa vie et aux autres considérations pertinentes. De plus, le délinquant ou la Couronne pourrait demander la modification de l'ordonnance.
Par ailleurs, le projet de loi vise également à améliorer la façon dont le système de justice répond aux besoins des victimes de fraude en ce qui concerne le dédommagement et les déclarations au nom de la collectivité.
Présentement, en vertu du Code criminel, le juge peut ordonner à un délinquant de dédommager ses victimes lorsque la situation le justifie afin de compenser les pertes, notamment pécuniaires, subies par les victimes en raison du crime. Le projet de loi va plus loin: il exige du juge qu'il envisage de rendre une ordonnance de dédommagement chaque fois qu'un délinquant est reconnu coupable de fraude. De plus, le juge devra demander à la Couronne si des mesures raisonnables ont été prises pour offrir aux victimes l'occasion d'indiquer si elles réclament un dédommagement. Cette mesure vise à éviter que la peine soit prononcée sans que les victimes aient eu la chance de signaler qu'elles souhaitent obtenir un dédommagement de la part du délinquant et d'établir le montant de leurs pertes.
Si le juge décide de ne pas rendre d'ordonnance de dédommagement, il devra préciser les motifs de sa décision. Cette mesure devrait permettre d'éviter que la question du dédommagement soit omise par inadvertance. En outre, les victimes pourront comprendre pourquoi le juge a décidé de ne pas ordonner de dédommagement, le cas échéant.
Dans sa version originale, le projet de exigeait que le juge fournisse les motifs de sa décision chaque fois qu'il décidait de ne pas rendre d'ordonnance de dédommagement.
Par exemple, si aucune demande de dédommagement n'était présentée au nom de la victime, le juge pouvait simplement indiquer cette raison dans ses motifs. Cependant, dans sa version modifiée par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, que nous avons actuellement, le projet de loi n'exige maintenant que le juge fournisse les motifs de sa décision de ne pas rendre d'ordonnance de dédommagement que lorsque la victime a présenté une demande. Bien que cette mesure semble logique et sans conséquence, elle atténue néanmoins l'objectif du projet de loi, qui est de veiller à ce qu'un dédommagement soit toujours envisagé dans les cas de fraude, même dans la situation rare où la victime ne demande aucun dédommagement, mais où une ordonnance de dédommagement devrait et pourrait être rendue par le juge. Cependant, dans le but de faire adopter ce projet de loi, nous sommes heureux que les dispositions relatives au dédommagement puissent demeurer en vigueur malgré cette modification mineure.
Le projet de loi vise également à inciter les juges à tenir compte de l'incidence que peut avoir une fraude, non seulement sur les individus, mais aussi sur les groupes et sur la collectivité. Le Code criminel prévoit actuellement qu'au moment de déterminer la peine à infliger à un délinquant, le tribunal tienne compte des déclarations présentées par les victimes pour décrire les préjudices et les pertes qu'elles ont subis. Dans certains cas, les tribunaux admettent que de telles déclarations soient présentées au nom d'une collectivité. Le projet de loi permettrait expressément aux tribunaux de prendre en considération la déclaration faite au nom de la collectivité faisant état des préjudices et des pertes subies par celle-ci au moment de déterminer la peine d'un délinquant coupable de fraude.
Le projet de loi ne représente qu'un volet de la vaste initiative que le gouvernement a mise en oeuvre pour améliorer la réponse du système de justice pénale à l'endroit des cas majeurs de fraude. J'exhorte aussi, aujourd'hui, tous les députés à appuyer l'adoption expéditive du projet de loi C-21.
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Madame la Présidente, ce projet de loi est passé dû. Le gouvernement avait déposé ce projet de loi au cours de la session précédente du 40
e Parlement, et il avait joué à des jeux politiques. Le gouvernement a tué ce projet de loi avec la prorogation. En effet, le a décidé qu'une prorogation était bonne pour le bien-être de son parti et de son gouvernement.
Après que la Chambre ait repris ses travaux le 3 mars avec le discours du Trône, le gouvernement a attendu une soixante de jours avant de déposer à nouveau le même projet de loi. Il était identique au projet de loi dont la Chambre avait été saisie au cours de la deuxième session du 40e Parlement. Pas une virgule n'était changée. Pas un point sur un i n'était changé. Pas une lettre, pas un mot n'était changé. C'était identique. Ce gouvernement conservateur a quand même pris une soixantaine de jours après le discours du Trône avant de le déposer à nouveau. Les conservateurs l'ont finalement déposé à nouveau en première lecture. Tous ceux qui connaissent les règles de la Chambre savent que seul le gouvernement peut proposer le débat en deuxième lecture. Ni l'opposition officielle, ni le Bloc québécois ni le NPD ne peuvent le faire. Il n'y a que le gouvernement. On peut donc se demander combien de temps le gouvernement a pris pour proposer le débat en deuxième lecture du projet de loi sur la fraude des criminels à cravate. En effet, le gouvernement se pète les bretelles en disant que lui seul s'occupe des victimes, trouve les besoins des victimes importants et agit en matière de justice criminelle.
Le gouvernement a laissé le projet de loi sur les tablettes de la première lecture pendant plus de 200 jours. Pendant ce temps, qui demandait, priait, réclamait et suppliait le gouvernement de bien vouloir proposer le débat en deuxième lecture? Ce sont les victimes. C'est l'opposition officielle. C'est le Bloc québécois. C'est le NPD.
Je n'ai pas entendu un seul député conservateur demander publiquement à son gouvernement de cesser de laisser traîner le projet de loi sur les tablettes de la première lecture et d'aller de l'avant en proposant le débat en deuxième lecture. Je n'ai pas entendu la voix d'un seul député conservateur faire cette demande publiquement, mais j'ai entendu l'opposition officielle le demander. J'ai entendu des députés du Bloc le demander. J'ai entendu des députés du NPD le demander. J'ai aussi entendu de multiples voix des victimes se demander pourquoi ce gouvernement conservateur, qui dit que les victimes et le projet de loi sont importants, n'aboutissait pas.
D'ailleurs, son propre est allé sur toutes les tribunes pendant la fin de semaine pour dire qu'il y avait des projets de loi traitant de justice criminelle qu'il fallait absolument adopter à la Chambre, et qu'il priait l'opposition d'arrêter de s'opposer à ces projets de loi. On vient d'entendre les mêmes paroles de la part du président du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, qui s'est levé pour poser une question au . Il lui a demandé s'il pouvait expliquer pourquoi l'opposition s'opposait à ce projet de loi. Ce n'est pas vrai. L'opposition a toujours été d'accord avec la volonté exprimée par le gouvernement d'agir rapidement et effectivement quant au problème que présentent les criminels à cravate qui font de la fraude. Lors de l'autre session du 40e Parlement, on a tenté de travailler avec ce gouvernement, justement pour s'assurer que ce projet de loi deviendrait loi.
Cependant, le gouvernement et le ont décidé de faire mourir ce projet de loi en prorogeant la Chambre et le Parlement. Puis, de retour à la Chambre, ils ont attendu près de 60 jours avant de le déposer à nouveau, et une fois déposé, ils ont attendu au-delà de 200 jours avant de proposer le débat en deuxième lecture.
Pendant combien de journées la Chambre a-t-elle débattu de ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, après avoir attendu au-delà de 200 jours pour en débattre à l'étape de la deuxième lecture? La Chambre a pris seulement deux jours pour débattre de ce projet de loi parce que les partis d'opposition, et surtout l'opposition officielle, voulaient que ce projet de loi devienne la loi de notre pays. Alors, ce n'est pas l'opposition qui s'oppose à ce projet de loi et ce n'est pas l'un des trois partis d'opposition qui a mis les freins au processus d'adoption de ce projet de loi, c'est le gouvernement lui-même.
À mon avis, il est important de rappeler ces faits parce que je n'invente rien. N'importe qui, à l'aide d'un calendrier, peut faire ce calcul en partant de la date à laquelle le gouvernement a prorogé la Chambre en décembre 2009. La prorogation s'est poursuivie sur presque deux mois et demi et la Chambre a repris ses travaux le 3 mars 2010 avec le discours du Trône. Or, ce n'est qu'environ 60 jours plus tard que le gouvernement a déposé à nouveau son projet de loi. Par la suite, le gouvernement a attendu plus de 200 jours pour en débattre en deuxième lecture — si ma mémoire est fidèle, il s'agit de 216 jours. Je sais que c'était au-delà de 200 jours. Je suis confiante quand je dis cela.
Allons maintenant au contenu de ce projet de loi. Le projet de loi établit des peines minimales obligatoires pour des personnes trouvées coupables d'avoir commis des actes de fraude. C'est quelque chose que les victimes demandaient. Les victimes demandaient aussi d'autres choses, mais le gouvernement, dans sa sagesse, a décidé de ne pas l'inclure dans ce projet de loi.
[Traduction]
Les victimes demandaient deux choses. D'abord, elles voulaient que des peines plus sévères soient imposées aux criminels en col blanc. Le gouvernement répond à cette demande des victimes en prévoyant une peine minimale obligatoire de deux ans d'emprisonnement pour les infractions criminelles que l'on qualifierait de crimes en col blanc.
Les victimes demandaient cependant une deuxième chose. Elles souhaitaient que le gouvernement élimine la procédure d'examen expéditif dans le cas des criminels en col blanc. Or, le projet de loi ne prévoit rien du tout à cet égard. Les partis de l'opposition le réclament depuis plusieurs années, mais le gouvernement n'a rien fait. Il n'a rien prévu à ce sujet dans le projet de loi.
Les libéraux ont tenté de faire amender le projet de loi de façon à modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour que la procédure d'examen expéditif à l'égard des infractions criminelles visées par le projet de loi soit éliminée. Le président du comité a déclaré l'amendement irrecevable parce que rien dans le projet de loi C-21 ne se rapporte à la mesure relative à la condamnation avec sursis et à la libération conditionnelle.
J'ai contesté la décision du président, mais je dois admettre qu'il avait raison, car l'amendement que j'avais proposé et qui aurait eu pour effet d'éliminer la procédure d'examen expéditif au sixième de la peine à l'égard des infractions visées dans ce projet de loi dépassait effectivement la portée du projet de loi.
Le président du comité a déclaré l'amendement irrecevable. J'ai contesté sa décision et, malheureusement, les conservateurs, bloquistes et néo-démocrates membres du comité ont soutenu la décision du président.
Une mesure législative dans laquelle il est question de la procédure d'examen expéditif est actuellement à l'étude au Comité de la sécurité publique de la Chambre des communes, mais c'est une autre mesure législative avec laquelle le gouvernement joue des petits jeux politiques et dont il retarde l'adoption en ne proposant pas le débat à l'étape de la deuxième lecture et en laissant le projet de loi dormir au Feuilleton pendant des jours et des jours à l'étape de la première lecture.
Nous estimons que le gouvernement doit agir pour donner suite à la demande des victimes — qui est également celle de divers autres intervenants de la société civile — de supprimer, d'éliminer l'octroi de la libération conditionnelle au sixième de la peine non seulement pour les infractions commises par des criminels en col blanc, mais dans presque tous les cas, sinon tous. On pourrait, en fait, dire qu'il heurte la susceptibilité des Canadiens et de notre système de justice pénale.
Il y a un autre aspect des crimes en col blanc que le projet de loi n'aborde pas. Il n'établit en effet aucun lien, quel qu'il soit, entre ces infractions criminelles et des institutions.
J'ai ici un article rédigé par Darcy Henton et publié dans l'Edmonton Journal du 5 mai 2010, sur le fait que les Albertains se méfient du projet de loi sur les crimes en col blanc. On peut y lire ceci:
Un projet de loi sur les crimes en col blanc présenté de nouveau par le gouvernement conservateur fédéral a bénéficié d'un accueil peu enthousiaste en Alberta, tant de la part d'un militant contre les crimes financiers que d'une victime de fraude.
Le projet de loi en matière de justice, qui devait être présenté de nouveau après être mort au Feuilleton lorsque le premier ministre a prorogé le Parlement l'hiver dernier, prévoit une peine minimale obligatoire de deux ans d'emprisonnement pour les fraudes de plus de un million de dollars.
Selon le projet de loi, les juges devront se pencher sur diverses circonstances aggravantes qui pourraient faire augmenter la peine, tenir compte des déclarations faites au nom des collectivités, et envisager des dédommagements.
Larry Elford, courtier en placements à la retraite et défenseur des investisseurs, a déclaré que le nouveau projet de loi semble toujours contenir une échappatoire permettant d'éviter qu'il ne s'applique aux organismes de placement.
« C'est un cadeau merveilleux pour l'industrie des placements, a-t-il déclaré. Il exempterait les principaux fraudeurs du Canada. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement présente de nouveau ce projet de loi avec la même échappatoire. »
M. Elford a ajouté que la loi ne s'appliquerait pas à des sociétés comme Goldman Sachs, qui fait actuellement l'objet d'une poursuite pour fraude civile intentée par la Commission des valeurs mobilières des États-Unis.
« N'importe quel agent de Bay Street pourra vendre n'importe quel produit de façon trompeuse et frauduleuse sans avoir à s'inquiéter de ce projet de loi », a précisé M. Elford.
Jason Cowan, d'Edmonton, demande des lois plus strictes sur les crimes en col blanc depuis que son partenaire et lui auraient été victimes d'une fraude de plus de 2 millions de dollars en 1996.
« Je crois qu'il est absolument nécessaire d'avoir des mécanismes de contrôle, a-t-il dit. Ces criminels en col blanc s'en sortent toujours. »
[Le ministre fédéral de la Justice] a dit que la mesure législative prévoit une peine d'emprisonnement obligatoire pour les fraudeurs qui subtilisent à leurs victimes plus de un million de dollars.
« Le gouvernement défend les victimes de crimes en col blanc », a-t-il déclaré au moment de la présentation du projet de loi, lundi.
Le ministre de la Justice a ensuite attendu plus de 200 jours avant de procéder au débat à l'étape de la deuxième lecture. C'est vraiment ce que j'appelle défendre les victimes de crime: utiliser leur misère et leurs épreuves pour se faire du capital politique. C'est honteux.
L'opposition officielle a appuyé ce projet de loi depuis le début. Nous ne l'avons jamais caché. Tous les députés du Parti conservateur et tous les membres du gouvernement conservateur savent que l'opposition officielle appuie le projet de loi. Nous l'avons appuyé lors de la dernière session de la 40e législature. Nous avons été clairs à cet égard. Nous avons déclaré très publiquement notre appui. Les députés conservateurs qui affirment à la Chambre, ou à l'extérieur de celle-ci, que nous nous opposons au projet de loi ou que nous en retardons l'adoption ne disent pas la vérité. C'est une fausseté. Aucun Canadien ne devrait croire les députés conservateurs qui affirment à la Chambre, ou à l'extérieur, que l'opposition officielle n'appuie pas et n'a pas appuyé le projet de loi , qui porte sur les crimes en col blanc.
Les Canadiens devraient se poser la question suivante: si un député conservateur est prêt à tenir des propos qui ne sont clairement pas véridiques et qui sont faciles à réfuter sur cette question, sur quoi d'autre les conservateurs disent-ils des faussetés? À quel autre sujet ne disent-ils pas la vérité? À quel autre sujet répandent-ils des faussetés? Les Canadiens devraient se poser cette question et se demander pourquoi le gouvernement conservateur prétend que l'opposition officielle n'appuie pas ou n'a pas appuyé ce projet de loi ou qu'elle a tenté de le retarder quand les faits démontrent clairement que le gouvernement a retardé son propre projet de loi afin de se faire du capital politique sur le dos des victimes de crime. C'est ignoble. C'est calomnieux. C'est déplorable.
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Madame la Présidente, ce projet de loi sera adopté puisqu'il aura l'appui de tous les partis.
Toutefois, le débat actuel est important en raison de la façon dont le gouvernement présente ce projet de loi aux Canadiens. Il se montre encore plus partisan que le Parti conservateur. En nous penchant sur le projet de loi, nous devrions nous demander s'il permettra d'accomplir ce que les conservateurs voudraient que les Canadiens croient qu'il accomplira. La réponse est carrément non.
Ce projet de loi a une portée très restreinte pour ce qui est de sa capacité à lutter contre la criminalité en col blanc à cause de la nature bien différente de chacun de ces crimes. On pourrait bien sûr se demander pourquoi les partis d'opposition sont prêts à l'appuyer dans ce cas. Simplement parce que c'est mieux que rien. Il serait plus important de se demander pourquoi les conservateurs sont aussi réticents à lutter contre la criminalité en col blanc alors qu'ils n'hésitent apparemment pas à lutter contre tous les autres genres de crimes?
Nous avons déjà entendu de tels propos. Dans l'une des questions que j'ai posées plus tôt aujourd'hui, j'ai parlé de la combine à la Ponzi menée en 2007-2008 à Toronto en Ontario. Il y a quelques semaines à peine, les procureurs du ministère de la Justice de l'Ontario ont décidé de ne pas donner suite aux accusations qu'ils avaient déposées. Cette chaîne de Ponzi a permis de soutirer entre 23 et 27 millions de dollars, mais les procureurs ont décidé d'abandonner les poursuites.
On ne laisserait pas tomber les accusations dans d'autres affaires telles que le cambriolage d'un magasin du coin ou le vol du sac à main d'une vieille dame, par exemple. Dans ces deux cas, les montants volés seraient dérisoires par rapport aux 23 ou aux 27 millions de dollars dont je viens de parler. Quoi qu'il en soit, on donnerait suite aux accusations et les contrevenants qui auraient fait preuve de violence ou qui auraient commis leurs méfaits à l'aide d'une arme seraient assurément incarcérés. Quant aux récidivistes, ils écoperaient de peines d'emprisonnement plus longues.
Si au lieu de s'être fait voler 100 $ ou 200 $, la vieille dame s'était fait flouer de centaines de milliers de dollars par un fraudeur, il est bien possible que celui-ci s'en tirerait. Ce n'est pas la première fois qu'on retire les accusations dans des affaires de combines à la Ponzi.
Cela explique en partie le retard que les conservateurs ont attribué à l'opposition. Il se trouve que des avocats qui ont représenté des victimes de cette combine ont témoigné devant le comité. Lorsqu'on laisse tomber les accusations, voire lorsqu'on ne porte pas d'accusations, les victimes se plaignent d'avoir été flouées de centaines de milliers de dollars. Les victimes sont soit des personnes physiques, soit des personnes morales. Elles vont à la police et parlent aux procureurs, pour se faire dire que leur affaire relève plutôt de la justice civile et qu'on ne mènera pas d'enquête. C'est assez fréquent, non seulement en Ontario, mais aussi d'un bout à l'autre du Canada. Pourquoi en est-il ainsi? Parce que ces affaires sont complexes. Elles nécessitent une très grande attention de la part des enquêteurs et des policiers de première ligne concernés et, dans la plupart des cas, elles font l'objet de très longs procès, sauf lorsqu'il y a un plaidoyer de culpabilité.
Voilà, j'ai fait le survol de la situation au Canada. Le projet de loi ne réglerait pas du tout ces problèmes. Il ne simplifierait pas la tâche des procureurs pour se qui est de porter des accusations et d'obtenir des condamnations. Il ne simplifierait pas la tâche des enquêteurs, de la police et des juricomptables, entre autres. Le projet de loi ne renferme aucune disposition qui simplifierait la tâche de ces intervenants.
Par conséquent, nous avons le même problème dans ce qui est peut-être la grande majorité des crimes en col blanc. Si ces crimes sont le moindrement complexes, il continuera d'y avoir des victimes pour lesquelles notre système de justice pénale ne pourra rien faire. On va leur dire que le crime ne fera pas l'objet d'une enquête ou que, s'il fait l'objet d'une enquête, des accusations ne seront peut-être pas portées, ou encore que, si des accusations sont portées, celles-ci pourraient être retirées parce que la poursuite n'a pas les moyens de se lancer dans un procès qui pourrait durer un, deux ou trois mois.
Dans le cas de la combine à la Ponzi organisée à Toronto, dont j'ai fait mention plus tôt, le procureur estimait que le procès s'étendrait sur une période de trois à six mois. Il a décidé de consacrer les fonds publics à la poursuite d'autres crimes. Le projet de loi ne réglerait absolument pas ce problème. Nous faisons preuve de malhonnêteté envers les Canadiens si nous leur laissons croire autre chose.
Cette réalité soulève la question de savoir pourquoi nous appuyons quand même le projet de loi. Cette mesure accomplirait tout de même un certain nombre de choses utiles. Si nous nous orientons dans cette voie, les conservateurs finiront peut-être par comprendre la situation et ils présenteront des modifications plus utiles au Code criminel et à d'autres lois.
Il faut sévir contre la criminalité.
Comme mon collègue du Manitoba vient de le mentionner, les conservateurs pourraient vraiment sévir contre la criminalité. Cela vaut la peine de s'orienter dans cette voie.
Je veux consacrer plus de temps à expliquer ce que nous devrions faire plutôt qu'à traiter de ce que le projet de loi permettrait d'accomplir.
Le projet de loi établit une peine minimale obligatoire. Toutefois, le comité a fait des recherches à ce sujet et la peine minimale obligatoire s'appliquerait uniquement dans certaines circonstances. Par exemple, il faudrait que la fraude soit supérieure à 1 million de dollars. Certaines dispositions portent aussi sur des circonstances aggravantes.
Nos attachés de recherche ont recensé des cas récents et ils ont constaté que, d'une façon générale, au cours des trois à cinq dernières années, la peine minimale obligatoire de deux ans a été imposée, même si les articles existants du Code criminel ne prévoient aucune peine obligatoire pour ce genre de crimes.
En fait, les juges imposent des peines plus sévères et, dans la majorité des cas, des peines de plus de deux ans. Je reconnais qu'il y a eu des exceptions, et les députés d'en face vont probablement nous le rappeler, mais si nous analysons les décisions qui ont été rendues au cours des trois à cinq dernières années, nous constatons qu'une majorité importante d'entre elles prévoyaient des peines de plus de deux ans.
Les députés savent que je suis loin d'être un partisan des peines obligatoires. Ces peines donnent de bons résultats dans le cas de certains types restreints de crimes, notamment les crimes en col blanc. Afin de comprendre pourquoi ces peines ont une incidence sur les crimes en col blanc, il faut analyser la nature de ces crimes.
Je perds la voix parce que j'ai trop parlé depuis 10 jours de tous ces projets de loi sur la criminalité que les conservateurs nous ont servis. Ce sera mon prétexte pour m'éloigner de ce que je prévoyais dire dans un premier temps et pour faire plutôt valoir que je m'userais moins la voix et que nous aurions moins de débats à la Chambre si les conservateurs se décidaient à présenter des projets de loi omnibus au lieu d'en créer un pour chaque article du Code criminel.
Mais revenons à nos moutons et au projet de loi à l'étude. En ce qui concerne les peines minimales obligatoires et la nature des crimes en col blanc, il ne faut pas oublier que ces derniers sont tout sauf spontanés. Ils sont en général planifiés sur une longue période. Un peu comme les haut gradés du crime organisé, la plupart des criminels à cravate connaissent très bien les peines qu'ils encourent. Ils savent que, pour le moment, les accusations de fraude — plus particulièrement celles qui touchent les crimes en col blanc — ne sont pas passibles d'une peine minimale obligatoire. Or, je suis convaincu que c'est l'un des seuls types d'infractions où l'imposition de peines comme celles-là aurait un effet sur le taux de criminalité. Je ne suis pas un grand partisan des peines minimales obligatoires, mais même si elles ne devaient avoir qu'une faible incidence, je crois que le jeu en vaudrait la chandelle.
Les autres dispositions du projet de loi que nous appuyons énoncent une série de directives et de principes directeurs en matière de facteurs aggravants dont les juges devraient tenir compte. Ces dispositions ne sont pas sans importance, car le juge doit avoir une certaine marge de manoeuvre lorsqu'il établit les facteurs aggravants d'un crime, et on leur en dresse justement la liste. Disons que la plupart des juges étaient sans doute déjà capables de reconnaître un facteur aggravant, mais ce projet de loi leur conférerait officiellement le pouvoir d'en tenir compte, ce qui constitue une avancée non négligeable en matière de liberté d'action des juges.
Je dois admettre que je suis quelque peu réticent à l'idée d'introduire dans le Code criminel, pour la première fois de notre histoire, une disposition qui permet à tout un groupe d'affirmer qu'il a été victime d'un crime en col blanc. À ce jour, seules les déclarations produite par une seule victime étaient autorisées. Il pouvait s'agir d'une entreprise, mais d'une seule entreprise.
Cette disposition permettrait qu'un représentant prenne la parole au nom d'un groupe de personnes. Cet article me préoccupe quelque peu puisque c'est la première fois que nous tentons l'expérience. Les dispositions du projet de loi sur la manière dont cela sera géré — par exemple, permettra-t-on à plus d'une personne de représenter la collectivité qui a subi les conséquences néfastes de ce type de crime — ne sont pas claires. Ce seront les juges qui devront répondre à ces questions. En outre, le projet de loi ne définit pas de façon adéquate le terme « collectivité », ce qui, je crois, posera problème aux juges.
Cela dit, j'appuie tout de même l'essai, mais selon moi, il aurait été nettement préférable que le gouvernement donne des directives précises à l'intention des magistraits lorsqu'ils autorisent la présentation de déclarations au nom d'une collectivité. J'ignore si l'expérience sera utile et réussie, ou même si elle sera tentée.
Or, ce qui est certain — et ce point nous ramène encore une fois à la question des ressources — c'est que la mesure allongera la durée des procès, notamment la détermination de la peine. En effet, à mon sens, il ne fait aucun doute qu'elle ajoutera des heures, voire des jours, aux procès. Si la personne est déclarée coupable, le processus de détermination de la peine sera beaucoup plus long. Toutefois, le jeu en vaut la chandelle, puisque si la mesure fonctionne, elle permettra aux victimes d'être bien représentées. Lorsque je travaillais à titre d'avocat, mes clients m'ont dit qu'ils trouvaient le système de justice pénale intimidant, et les groupes de victimes qui ont comparu devant le comité à différents moments partagent certainement cet avis.
Si la victime peut se permettre de retenir les services d'un avocat — la plupart des victimes ne le peuvent pas puisqu'elles ont essuyé des pertes financières considérables dans ces affaires — il sera plus facile, grâce à cette mesure, de compter sur un représentant à la fois pour elle-même et pour le reste des personnes lésées. En outre, le juge pourra être saisi de meilleurs éléments de preuve quant à l'ampleur de la fraude et des dommages subis.
La partie défenderesse serait en mesure de faire une déclaration plus percutante qu'à l'heure actuelle, où il revient au particulier, ou encore à un procureur éventuellement déjà débordé, de faire valoir cette déclaration devant le juge afin de faire comprendre à celui-ci la gravité de l'incidence du crime en col blanc sur la collectivité.
Aussi, j'estime qu'il vaut la peine de faire le saut. J'espère que le nouveau processus portera fruit, et j'espère que le gouvernement le reconnaîtra. Au lieu de dépenser des milliards de dollars en prisons, il devrait accorder plus d'argent aux provinces afin d'embaucher davantage de procureurs, d'agents de police et de juges pour s'attaquer au problème. Nous pourrions ainsi éviter de nous retrouver dans la situation où nous sommes actuellement.
La plupart du temps, les affaires touchant à la criminalité en col blanc sont si complexes que des accusations finissent par être retirées, ou des négociation de plaidoyers font que les peines imposées sont négligeables et ne reflètent plus du tout la gravité du crime commis. Il faut affecter les ressources nécessaires. Au lieu de consacrer de 9 à 11 milliards de dollars au cours des quelques prochaines années à l'expansion des prisons, nous devons accorder une bonne part de cette somme aux provinces afin qu'elles puissent nommer de nouveaux juges, procureurs et enquêteurs et améliorer ainsi l'efficacité des poursuites.
Il est très clair que si nous comptons lutter contre la criminalité, les personnes qui envisagent de commettre un crime y penseront à deux fois. Nous le savons, car toutes les preuves le confirment. Il est presque certain qu'une personne qui pense se faire attraper hésitera à commettre un crime.
Il nous faut montrer que nous avons un bon système en place pour lutter contre la criminalité en col blanc: enquête, poursuite, condamnation et imposition de la peine. Il faut que les criminels visés, qui sont en général des gens très avertis, comprennent le message. S'ils savent qu'un bon système est en place, qu'ils seront pris, poursuivis et condamnés à de lourdes peines pour leurs crimes, le taux de criminalité en col blanc diminuera. J'en suis fermement convaincu. Cependant, nous n'avons pas un bon système en ce moment, et le projet de loi ne fait rien pour nous en donner un.
Je tiens à parler d'autres options. Je l'ai déjà dit souvent, le projet de loi ne va pas assez loin. Certains témoins convoqués par les partis de l'opposition devant le comité, et pas par le gouvernement, ont parlé d'autres moyens législatifs pouvant être mis en place. Je veux en mentionner un dont on nous a parlé le dernier jour des témoignages, avant que nous procédions à l'étude article par article du projet de loi.
Deux avocats ont été entendus par le comité. Le premier était un ancien procureur de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et l'autre un avocat qui a travaillé avec des victimes de criminels en col blanc pendant presque toute sa carrière dans une grande firme de Toronto.
L'ancien procureur, qui a passé une bonne partie de sa carrière à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, a souligné qu'une des mesures adoptées par les États-Unis a été très efficace. Elle visait les chaînes de Ponzi classiques.
Selon le fonctionnement d'une chaîne de Ponzi, les premiers clients sont rémunérés avec l'argent des victimes suivantes. Dans bien des cas, les premières victimes de la chaîne font beaucoup d'argent. Les taux de rendement ne sont pas de 1 ou 2 p. 100 comme nous obtenons des banques et autres institutions financières, mais de 40, 50, 100 et 200 p. 100 au cours des premières années de la chaîne. Évidemment, les gens qui arrivent à la fin, c'est-à-dire avant que le stratagème soit reconnu et que son auteur soit pris, perdent tous leurs placements.
Des États des États-Unis, New York en tête, ont commencé à lever le voile sur ces transactions. Ils remontent jusqu'aux premières « victimes », qui, dans bien des cas, ont fait d'énormes profits, même si elles ignoraient qu'elles étaient devant une chaîne de Ponzi, mais il est possible qu'elles l'aient su. On leur demande de verser l'argent dans un fonds central et l'argent qui reste au bout du compte est réparti entre toutes les victimes.
Nous devons adopter un règlement qui nous permettrait de faire la même chose au Canada.
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Madame la Présidente, d'entrée de jeu, je dirai que nous allons voter en faveur de ce projet de loi un peu à reculons, car c'est une loi qui respire l'improvisation et qui a bien des défauts. Il est toutefois vrai qu'il est urgent que le Parlement donne l'impression de s'attaquer aux grandes fraudes qui ont fait les manchettes au cours des dernières années, particulièrement dans le domaine financier.
Nous voterons en faveur de ce projet de loi, même si une peine minimale y est rattachée. Je suis convaincu qu'elle ne sera probablement jamais appliquée pour la bonne raison que les fraudes dépassant 500 000 $ ou 1 million de dollars ont toujours entraîné des peines beaucoup plus élevées que les deux ans que le gouvernement veut ajouter.
Il reste tout de même que c'est préoccupant parce que, comme à l'habitude, lorsque le gouvernement établit des peines minimales, il pense aux pires criminels. Il oublie que les peines minimales ne s'appliquent pas qu'aux pires des criminels et qu'elles s'appliquent aussi aux complices mineurs d'actes criminels.
J'ai quand même l'impression que cette loi est si compliquée qu'on n'osera pas l'appliquer à des gens qui ont tout de même participé à des fraudes de 1 million de dollars, mais à moindre échelle, comme par exemple la téléphoniste d'une entreprise ou une secrétaire dans un bureau.
On oublie que la définition de « complice », ce que le Code criminel appelle « les participants à une infraction » dans ce mauvais français qui vient directement de l'anglais, ne s'applique que si la complicité est là. Le paragraphe 21(1) dit:
Participent à une infraction:
a) quiconque la commet réellement;
b) quiconque accomplit ou omet d’accomplir quelque chose en vue d’aider quelqu’un à la commettre;
c) quiconque encourage quelqu’un à la commettre.
C'est donc l'alinéa b) qui est le plus significatif.
Il faut ensuite doubler cela avec ce qu'on appelle la doctrine d'aveuglement volontaire. La doctrine d'aveuglement volontaire, c'est avoir besoin, pour commettre une infraction, de savoir quelque chose. La connaissance est donc un élément essentiel. Ainsi, dans le cas d'une compagnie qui se met à frauder systématiquement ses clients, comme l'ont fait les compagnies de Vincent Lacroix, quand certaines personnes commencent à se douter que l'argent collecté pour les clients ou que les activités servent effectivement à frauder des gens, elles ne peuvent utiliser l'excuse de dire qu'elles ne le savaient pas, parce qu'en fait, elles s'en doutaient, mais elle ne voulaient peut-être pas poser de question.
Cela peut viser les employés d'une entreprise qui, au départ, a toutes les apparences de la légalité ou les employés d'une compagnie de courtage qui manipule des fonds, et où les gens jouent des rôles mineurs, comme peut-être un jeune vendeur d'obligations qui ne pensait pas au départ que les fonds qu'il collectait seraient utilisés de cette façon.
J'en arrive au personnel clérical qui, à un moment donné, commence à se douter que l'entreprise est en fait une vaste entreprise de fraudes qui dépassent des millions de dollars. À mon avis, personne ne penserait à donner à ces gens une peine de deux ans d'emprisonnement. Pourtant, ils sont complices, parce que s'ils restent, ils accomplissent quelque chose dans l'exercice de leurs fonctions pour encourager la compagnie à continuer ses fraudes.
L'aveuglement volontaire a une importance, parce qu'on comprend bien qu'il faut dans ces cas que la secrétaire, que le jeune vendeur ou que la téléphoniste se rende compte tôt ou tard que l'entreprise n'est pas une entreprise normale d'investissement de fonds, mais qu'elle a bien un but criminel. Ils diront un jour ou l’autre qu'ils s'en doutaient, mais qu'ils n'étaient après tout que des secrétaires. D'ailleurs, je signale qu'une Canadienne a été prise au Mexique il y a environ six mois, peut-être un an, et qu'elle disait exactement la même chose à propos de fraudes qui avaient été commises.
Quand on se doute que quelque chose a un but illégal mais qu'on refuse de poser les questions parce qu'on ne veut pas savoir la réponse, on dit qu'on s'est volontairement aveuglé. L'aveuglement volontaire équivaut à la connaissance. C'est une théorie qui a commencé à s'établir dans les causes liées à la drogue. Pour prendre un cas réel, on offre à quelqu'un de rapporter des bonbonnes de plongée sous-marine. Il fait ça pour quelqu'un qu'il n'a rencontré qu'une fois et qui lui offre un bon montant, qui est pas mal supérieur à la valeur des bonbonnes. Il ne sait pas ce qu'il y a dedans, mais il ne veut pas le savoir. Il aura la grande surprise de découvrir, quand il sera arrêté, que les bonbonnes étaient remplies de drogue. Dans ce cas, on dit qu'il s'est volontairement aveuglé quant au contenu de ces bonbonnes. Par conséquent, il sera coupable d'avoir importé la drogue qu'ils contenaient.
Cela s'applique aussi aux entreprises frauduleuses qui ont toutes les apparences de la légalité. Elles engagent des gens qui croient au début que c'est une entreprise parfaitement valable, mais à un moment donné, ils s'aperçoivent que c'est une entreprise frauduleuse. Une jeune mère monoparentale qui a deux ou trois enfants à charge voudra garder son emploi. Elle sera dorénavant coupable d'un crime punissable d'un minimum de deux ans d'emprisonnement. Quand on signale de tels cas aux conservateurs, ils nous répondent que la police ou un procureur ne lancerait jamais de poursuites dans ces cas. C'est vrai et même très probable, mais que dire de ces lois qu'on croit pas trop graves, car la police ne s'en servirait pas ou les procureurs de la Couronne ne lanceraient pas de poursuites. À mon avis, ce sont des mauvaises lois qu'il faut amender pour couvrir ces cas particuliers.
Nous avions d'ailleurs proposé, dans cette loi comme dans d'autres, d'imiter les autres pays du Commonwealth qui sont tombés eux aussi dans cette manie de mettre des peines minimales pour tout. Cependant, à un certain moment, ils ont senti le besoin d'établir des clauses salvatrices. Dans certaines circonstances où un juge estimerait que la peine minimale est véritablement injuste pour l'accusé qu'il vient de condamner étant donné le rôle qu'il a joué, le peu d'avantages qu'il a tirés du crime, il pourrait recourir à ces clauses et les justifier en donnant les raisons, par écrit ou oralement, pour lesquelles il n'appliquerait pas la peine minimale.
Les conservateurs haïssent tellement les juges et ont tellement peu confiance en eux qu'ils préfèrent faire confiance à la police. Ils nous disent que la police ou les procureurs ne lanceront pas de poursuites dans ces cas-là. On ne veut pas donner cette discrétion à un juge qui a expérimenté de tels cas et qui rend ses décisions après avoir entendu les deux parties. On préfère que les policiers ou les procureurs de la Couronne servent de juges avant pour ne pas lancer de pareilles poursuites. C'est un défaut considérable.
Il y a ensuite des dispositions pour ordonner la restitution des produits de la fraude. Encore là, c'est très bien et cela se fait couramment. C'est déjà prévu dans le Code criminel, mais ce n'est pas une obligation. Il y a bien des moments où ce n'est pas pratique. De plus, un tribunal criminel ne peut pas s'engager avec aisance dans des domaines qui relèvent du droit civil. Très souvent, les fraudes de cette envergure ne sont pas commises par une seule personne mais par plusieurs personnes. Elles sont toutes coupables de la même infraction, mais il est évident que leur participation doit être évaluée.
Les comptables, les secrétaires ou les jeunes vendeurs qui viennent d'entrer au service de l'entreprise doivent être traités de façon différente par les juges. Cependant, quand on va arriver aux ordonnances de restitution, il faudra soudainement que le tribunal se transforme en tribunal civil pour déterminer que la responsabilité de l'un est de 50 p. 100, mais que celle du comptable est plutôt de 20 p. 100. Quant à la responsabilité des jeunes vendeurs qui ont vendu les premières obligations valides, mais qui ont permis de continuer la fraude pour rembourser les fonds, elle est moins grande.
S'il y a une quinzaine de personnes, le juge devra soudainement déterminer l'ordre des restitutions. Évidemment, en droit civil, ce problème n'existe pas tellement parce que chacun est solidairement responsable de toutes les sommes. Toutefois, quand on parle de droit criminel, il faut quand même établir un pourcentage de responsabilité. Si le juge a condamné une personne à rembourser 50 p. 100 et une autre 3 p. 100, que va-t-il arriver à celui qui ne rembourse pas ses 50 p. 100 par rapport à celui qui, selon le juge, est responsable des 3 p. 100? En tout cas, une foule de problèmes seront soulevés.
D'autres choses aussi nous ont d'ailleurs été signalées par des avocats de Toronto. Tous deux avaient une expérience assez importante. Je crois que l'un d'eux avait même été président de la Ontario Securities Commission, qui est l'équivalent de notre Autorité des marchés financiers. Ils ont dit eux aussi que cela compliquerait considérablement les procès. Cela me fait penser à ce que j'ai dit souvent, soit que les mauvaises lois font la fortune des bons avocats. J'en sais quelque chose et je peux en témoigner. Avec cette complication des procès et avec aussi probablement des minimums qui seront peut-être un jour appliqués à des cas qui ne le méritent pas, cela amènera des négociations avant procès et donc beaucoup de travail en perspective pour les avocats.
Parmi les restrictions aux activités que le juge sera obligé de considérer, une est très intrigante. On peut restreindre les activités en matière immobilière. Ah bon! Je me souviens d'un juge qui a été condamné pour avoir blanchi de l'argent. Cela a été évidemment une déchéance totale. il n'a jamais été capable de revenir pratiquer comme avocat. Il a finalement trouvé un emploi comme concierge. Là, il ne pourrait pas faire cela parce qu'être concierge, cela a rapport avec l'immobilier. Collecter des loyers, laver les escaliers, réparer les appartements, il ne peut pas faire cela, c'est de l'immobilier. On voit que le gouvernement veut toujours enlever le pouvoir de discrétion aux juges. Ne serait-ce pas beaucoup mieux de laisser les juges appliquer des conditions aux sentences, ce qu'ils font présentement? Je n'ai entendu aucune plainte sur la façon dont les juges exercent les pouvoirs très larges qu'ils ont d'imposer des conditions à la liberté et à cette punition, parce que très souvent, c'est un emprisonnement plus une période de probation durant laquelle on respectera certaines conditions.
C'est en leur laissant ce pouvoir discrétionnaire qu'on aura des conditions qui seront parfaitement adaptées à chaque cas particulier. Ici, le gouvernement instaure beaucoup de rigidité. D'ailleurs, les conservateurs n'ont pas fait preuve de beaucoup d'imagination quand ils ont établi les différentes conditions qu'un juge pourrait donner dans sa sentence. C'est comme s'ils avaient pris le jugement dans la cause de Vincent Lacroix et qu'ils l'avaient copié dans la loi. Évidemment, dans l'affaire Vincent Lacroix, c'était parfaitement adapté à sa cause. Il faut s'attendre à ce qu'à l'avenir, il y aura probablement des conditions différentes de celles de Vincent Lacroix, quoique aussi condamnables et aussi importantes.
L'autre chose qui me frappe aussi, c'est ce désir de toujours montrer qu'on est dur et d'essayer de mettre cela sur des critères très objectifs, comme le montant. Cela est vraiment très important. Or dans la pratique, il y a des fraudes pour des petits montants qui sont bien plus odieuses que des fraudes à l'égard des banques ou des grandes institutions financières. Je me souviens d'avoir vu des exemples absolument remarquables.
J'ai été engagé comme un des procureurs qui devait aider un juge à déterminer, parmi ce qu'on appelait les criminels d'habitude, ceux qui correspondaient à la nouvelle définition de cette partie du Code criminel lorsqu'on a aboli du Code criminel la partie intitulée « les criminels d'habitude » pour la redéfinir par « les criminels dangereux ». Or, le terme « dangereux » impliquait un risque de violence. Le gouvernement avait donc nommé un juge. Je crois même que c'était une commission dirigée par un seul juge qui était chargée d'examiner un à un tous les cas où il n'y avait pas de violence et où les gens avaient été déclarés criminels d'habitude sans être violents.
Quand on était condamnés sous l'appellation « criminels d'habitude », on était condamnés à une peine indéterminée. En temps normal, on connaît toujours le terme de la sentence, mais dans ce cas, la peine purgée était indéterminée et on la révisait tous les deux ans pour voir si la personne était encore ce qu'on appelait « un criminel d'habitude ».
Dans la section, on a eu plusieurs exemples de fraudeurs. D'ailleurs, la façon dont ils opéraient était parfois vraiment très drôle. Entre autres, je me souviens du cas d'un fraudeur qui opérait régulièrement. Il faut dire que cela fait tout de même plusieurs années. À l'époque, il y a avait plus de femmes au foyer qu'aujourd'hui, car beaucoup de femmes travaillent maintenant pendant la journée et ne sont pas à la maison. Ce fraudeur arrivait généralement chez une dame avec des paquets qui ressemblaient un peu aux paquets de Canadian Tire en disant à la dame que son mari avait commandé des outils. Il lui présentait les outils et lui demandait de payer comptant. Elles n'en avait pas entendu parler. Il collectait alors 10 $, 15 $ ou 20 $, des montants qui peuvent sembler minimes aujourd'hui, mais qui, à l'époque, était importants parce que les gens gagnaient moins de 100 $ par semaine. Il semble que son taux de réussite était d'environ 1 sur 5.
Ce que faisait observer avec justesse le policier qui l'avait arrêté et qui avait monté la preuve pour qu'il soit déclaré criminel d'habitude, c'est que l'argent qu'il collectait, il le collectait auprès de gens démunis et un peu naïfs et c'était donc vraiment très grave pour eux.
Un autre fraudeur avait un truc, soit d'aller chez quelqu'un et de lui dire qu'il était envoyé par le propriétaire pour réparer certaines choses ne fonctionnant pas. Le système de chauffage ne fonctionne pas? Très bien, il allait voir cela. Et là, il regardait, il défaisait des pièces de l'appareil et il disait devoir absolument aller chercher une pièce essentielle au magasin. Puis, n'ayant malheureusement pas assez d'argent sur lui, il demandait à la victime de lui prêter 40 $ pour pouvoir acheter la pièce manquante. Je ne sais pas si le taux de réussite de ce fraudeur était de 1 sur 12 ou de 1 sur 5, mais c'était tout de même un taux très significatif.
Il ne s'agit pas ici de fraudes importantes et la technique était tout de même assez grossière, mais ce qui est important, c'est qu'elles réussissaient souvent. C'était plus grave que certaines fraudes à l'égard des banques, parce qu'on soutirait de l'argent à des gens qui en avaient vraiment besoin, à des gens déjà dans le besoin. C'était abuser de leur naïveté.
À l'époque, on a pensé que ces gens étaient assez dangereux pour qu'on les déclare « criminels d'habitude » et qu'on les laisse en prison pour une période indéterminée.
En matière de fraudes, il y a beaucoup d'éléments à considérer, et ce, bien au-delà du montant. Par exemple, la jurisprudence a établi les fraudes commises par des personnes qui sont dans une situation de confiance. Elle a aussi établi la nature de la fraude, à savoir si on a abusé de personnes âgées ou de gens très naïfs. En regard à la partie fraudée, on a établi ce que cela représentait pour les victimes. Ce sont tous des éléments qui sont régulièrement pris en considération.
Pour s'adapter à chaque cas, il faut laisser aux juges la discrétion dont ils ont besoin. Je ne dis pas que le conservateurs l'ont enlevée ici, mais je dis qu'ils l'ont rendue tellement rigide.
Il ne me reste qu'une minute, alors je terminerai en disant que ce projet de loi ne fait pas de tort. Toutefois, nous sommes loin de la grande réforme qu'on aurait voulu voir et qui aurait dû appliquer les six points. Mes collègues parleront certainement du plan présenté par le Bloc québécois il y a déjà près d'un an.
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Monsieur le Président, c’est avec plaisir que je prends la parole au sujet du projet de loi . C’est un thème sur lequel je trouve intéressant de continuer, suite aux observations remarquables de mon ami et collègue du Comité de la justice et aux propos du député du Bloc.
Une bonne partie du programme des conservateurs contre la criminalité prétend venir en aide aux victimes. Il prétend faire passer les droits des victimes avant ceux des délinquants, avant ceux de la classe politique, avant ceux d’un grand nombre d’autres groupes de la société. Toutefois, la majeure partie du programme législatif des conservateurs a très peu d’effets positifs sur les victimes.
Particulièrement en ce qui concerne la criminalité en col blanc et le recouvrement de ce qui a été volé, des biens ou de l’actif, nous avons un excellent exemple de cas où le gouvernement ne sert pas les intérêts des victimes en n’ayant pas pour objectif le rétablissement, la restitution, le recouvrement des biens perdus.
Pour les autres formes de criminalité, on pourrait sans doute faire valoir que ce qui a été enlevé aux victimes, que ce soit la vie, la liberté ou un sentiment de sécurité, ne peut pas leur être facilement restitué. Ce ne sont pas des choses qui s’achètent. Dans le cas d’un crime violent, il est très difficile de redonner à la victime un sentiment de sécurité. Ce n’est pas une marchandise.
Dans ce cas, toutefois, nous parlons des victimes de crimes en col blanc à qui on a volé la richesse, des économies et l’avenir par des moyens trompeurs et frauduleux. Je pense qu’en plus d’accroître les pénalités, ce que ce projet de loi se contente de faire, le gouvernement, qui est maintenant au pouvoir depuis cinq ans, aurait pu, même sur le plan administratif, sans avoir à venir ici, ce qu’il n’aime pas vraiment faire très souvent, de toute façon, comme en témoignent les prorogations, s’occuper du recouvrement des biens.
Comme je le montrerai dans mon discours, il a plutôt laissé les provinces s’en charger dans le cadre de leurs pouvoirs sur le plan des droits de propriété et des droits civils.
Je présente à l’avance mes excuses si mon discours vous semble un peu familier, mais le même thème revient dans ces projets de loi sur la justice. Je siège au comité depuis cinq ans. Nous voyons constamment des projets de loi, comme celui-ci, que le parti d’en face juge solide du point de vue électoral et politique, mais qui n’est pas aussi solide du point de vue du contenu.
Nous avons vu des projets de loi sur le vol d’automobiles, sur la dénonciation de la pornographie infantile sur Internet et maintenant celui-ci sur la criminalité en col blanc qui ont tous des titres lapidaires et excitants qui, au premier coup d’œil, inciteraient à croire que le problème est résolu, que nous avons la solution et qu’il n’y aura plus de crimes en col blanc, plus de pornographie juvénile et plus de vols d’autos.
Ce n’est pas du tout le cas. Les mesures gouvernementales sont des mesures très timides en vue de remédier à ces fléaux de notre société et, comme pour tous les programmes du gouvernement conservateur, l’effet produit par le titre abrégé est plus important que la profondeur et la substance de l’instrument législatif.
La machine publicitaire du gouvernement va se mettre en route et dire à tous que le projet de loi défend les victimes de crimes en col blanc et que le bas de laine des Canadiens sera bien plus en sécurité.
Sur le plan électoral, c’est un pari. Un proverbe dit qu’on peut tromper tout le monde quelques fois ou tromper quelques personnes tout le temps, mais le message que j’adresse aujourd’hui au gouvernement à propos de ces projets de loi contre la criminalité aux titres abrégés très accrocheurs, c'est que le gouvernement ne peut pas tromper tout le monde, tout le temps.
Les conservateurs sont au pouvoir depuis cinq ans. Il faudrait que les députés réfléchissent au fait que les conservateurs orientent le programme législatif du gouvernement depuis cinq ans. J'aimerais beaucoup savoir si les Canadiens se sentent en meilleure sécurité, disons, sur tous les plans, mais limitons-nous à la criminalité en col blanc. J'aimerais savoir si les gens ont l'impression qu'ils risquent moins qu'il y a cinq ans de perdre leur bas de laine et leur fortune maintenant que bon nombre d'outils dont dispose le gouvernement conservateur auraient pu être utilisés.
Examinons brièvement ce qui s'est passé au cours des dernières années. Les cinq dernières années ont été très profitables pour les escrocs et les fraudeurs. Aujourd'hui, les noms Madoff et Earl Jones sont bien connus, mais ce n'était pas le cas il y a cinq ou dix ans. Il y a eu toute une série de fraudes, de combines à la Ponzi, de tours de passe-passe financiers, de combines postales et de coups d'argent directs. Ces magouilles ont fait perdre beaucoup d'argent aux collectivités du Canada, surtout aux gens qui ont économisé toute leur vie pour leur retraite, une retraite qu'ils n'ont plus les moyens de se payer maintenant.
Considérons seulement le titre du projet de loi. Il est évident que la mesure législative ne répond pas du tout aux attentes des Canadiens, car ils ne sont pas mieux protégés. D'autres Earl Jones et Vincent Lacroix courent encore les rues. En effet, Carole Morinville a été arrêtée le mois dernier à Montréal au cours d'une enquête sur une autre combine à la Ponzi. Les enquêtes de ce genre ne découlent pas uniquement du Parti conservateur ou du gouvernement. En fait, ce sont les corps policiers qui les mènent.
Et que nous disent les corps policiers? Qu'ils manquent de ressources. Que nous dit de son côté le gouvernement? Qu'il a augmenté les effectifs de la GRC de 1 000 agents. Or, ce n'est pas vrai, il n'a fait qu'un tour de passe-passe. Le gouvernement ne tient pas ses promesses en ce qui concerne l'augmentation des effectifs des corps policiers du Canada. Vous n'avez qu'à poser la question à n'importe quel corps policier.
Demandez aux gens de Moncton—Riverview—Dieppe s'ils sont contents de voir que le gouvernement a accordé une subvention de 10 p. 100 à tous les détachements de la GRC au Canada, sauf à celui de leur circonscription. Cela équivaut à dire qu'un crime sur dix ne fera pas l'objet d'une enquête ou d'une poursuite. Ça va pour les neuf cas où les criminels sont poursuivis en justice, mais qu'en est-il du dixième cas? Une enquête et une poursuite n'auront jamais lieu dans ce cas parce que le gouvernement n'est pas prêt à défendre ses principes relativement aux poursuites intentées contre les criminels.
Le gouvernement est au pouvoir depuis cinq ans et fait mine de s'intéresser à la question en présentant des projets de loi aux titres courts et tout droit sortis de campagnes publicitaires. Ce n'est pas assez. Comme je l'ai dit, pendant ces cinq années, il s'est produit des choses graves. La criminalité en col blanc est beaucoup plus grave maintenant qu'elle l'était lorsque j'ai été élu pour la première fois.
[Français]
Les crimes en col blanc et les fraudes fiscales sont des problèmes très sérieux. Ces crimes font des ravages dans la vie immédiate des victimes. Ces gens perdent, du jour au lendemain, toutes les économies qu'ils ont épargnées durant leur vie. Quand on perd les économies d'une vie entière, on perd confiance en cette idée que si on fait notre part, qu'on travaille, on va en retirer notre juste part.
Cette perte de confiance dans tout le pays est dangereuse parce qu'elle se transmet d'une personne à l'autre. Le gouvernement est donc appelé à prendre des mesures pour protéger les victimes de ces crimes financiers et pour protéger la confiance dans l'intégrité de ce système financier. On a tous vu les dommages que pouvait causer une fraude pyramidale, un « Ponzi scheme », aux victimes et à la réputation d'un pays, lorsque Bernard Madoff s'est fait arrêté aux États-Unis. Nous ne pouvons attendre que la même chose se produise.
[Traduction]
On ne peut pas se croiser les bras. Ce projet de loi ne remplit tout simplement pas sa promesse de protéger totalement les victimes de crimes en col blanc. Que signifie une peine minimale obligatoire de deux ans pour les victimes d'Earl Jones, alors que celui-ci purge déjà une peine d'emprisonnement de 11 ans?
Ce que nous enseigne l'affaire Madoff aux États-Unis, c'est que les torts causés aux victimes auraient été beaucoup moins graves si les autorités financières avaient été mieux habilitées en vertu de la réglementation et si elles avaient disposé de plus de ressources et de personnel pour mettre fin au carnage.
Pourquoi le gouvernement cherche-t-il à imposer des peines minimales dans ce domaine? Est-ce réconfortant pour les victimes d'Earl Jones? Il a été condamné à une peine d'emprisonnement de 11 ans. Il pourrait être obligatoire d'examiner la pertinence d'une ordonnance de dédommagement, mais, habituellement, l'argent s'est volatilisé. L'argent n'est plus là, et, d'ordinaire, le coupable est envoyé derrière les barreaux plus longtemps que la durée de la peine minimale obligatoire prévue dans le projet de loi.
Je pense vraiment que le gouvernement devrait prendre la mesure qui s'impose, outre une modification au Code criminel, et examiner le système de réglementation financière et le financement de nos activités d'application de la réglementation financière, car c'est ce dont les Canadiens ont besoin pour protéger leurs investissements.
Le pourrait répondre que les conservateurs sont en train de faire une refonte, un examen et une réforme de la réglementation financière, qu'ils proposent la création d'un organisme de réglementation unique, qui sera facultatif et qui sera situé à Toronto. Je suppose que c'est le plan car c'est de là que vient le ministre. Je n'ai pas entendu beaucoup de gens s'opposer à cela au sein du gouvernement, mais les échos seraient peut-être différents s'il était question de déplacer l'organisme à Moncton. Je n'ai rien contre Toronto. En effet, il est indéniable que le TSX est l'indice boursier le plus important au pays.
C'est une question de réglementation provinciale. Nous avons déjà vu à maintes reprises le gouvernement empiéter sur des domaines de compétence provinciale. Parfois, une conférence des premiers ministres sur ce genre de question est nécessaire pour déterminer quels sont les véritables maux de notre société en ce qui concerne la criminalité en col blanc et quels sont les meilleurs instruments pour combattre ces maux.
Une modification au Code criminel ne réconfortera pas les gens qui ont perdu les économies de toute leur vie à cause d'une fraude. Mais ils pourraient être réconfortés par l'annonce fédérale-provinciale de la création d'un groupe de travail mixte qui oeuvrerait à l'échelle nationale et qui s'attaquerait aux combines à la Ponzi et aux fraudes au sens large. À la conférence de presse, ils pourraient dire qu'ils sont satisfaits du Code criminel et des mesures qui existaient déjà.
Le pourrait être l'hôte d'une émission de télévision intitulée « JA » pour « Justice absolue ». Les conservateurs entrent d'un pas énergique avant les nouvelles du soir, ils présentent un projet de loi visant à protéger les Canadiens contre les criminels en col blanc et le gouvernement fait remarquer qu'il s'agit de la solution au problème. Ce que les Canadiens ne savent pas, et c'est peut-être notre travail de les en informer, c'est que la partie X du Code criminel, entre les articles 380 à 432, et dans les 25 pages correspondantes de la version de poche du Code, il est déjà question de fraude.
Celui qui écoute le téléjournal serait porté à penser que le gouvernement fait adopter une nouvelle loi, une loi qui n’existait pas au préalable, ce qui est trompeur.
Nous devons admettre qu’il y a là des modifications que nous approuvons sans nul doute, mais notre réaction est triple.
Pour commencer, il s’agit de modifications mineures qu’on apporte au Code criminel, qui comprend déjà des dispositions pour combattre la fraude.
Deuxièmement, le gouvernement aurait pu faire beaucoup plus, depuis cinq ans qu’il est en poste, en travaillant avec les provinces pour sévir de façon précise contre les sources de fraude en apportant des réformes à la réglementation.
Enfin, si le gouvernement tenait vraiment à faire adopter ses projets de loi, et surtout un projet de loi comme celui-ci, qui ne suscite aucune opposition, pourquoi a-t-il imposé la prorogation? Pourquoi a-t-il limité le débat? Pourquoi a-t-il fermé les portes du Parlement, s’il souhaitait tant faire adopter ses projets de loi?
C’est une bonne question, mais elle n’a jamais reçu de vraie bonne réponse. Nous avons entendu parler de « recalibrage ». Allez raconter cela aux victimes de la criminalité des cols blancs. Nous pourrions leur dire que nous attendons de sévir contre cette forme de criminalité pour qu’elles puissent recalibrer leurs pertes? Je ne crois pas que ça passerait très bien.
Il y a eu de fausses craintes pour la gouvernance de notre pays. Ceux qui ont perdu leurs économies veulent un gouvernement qui saura intervenir.
Les victimes seront peut-être scandalisées d’apprendre que, cinq ans après la prise du pouvoir par le gouvernement, un projet de loi a fait un bout de chemin, un projet de loi auquel personne ne s’opposait vraiment et qui aurait pu être adopté il y a longtemps, mais que le et ses copains ont décidé de fermer le Parlement pour en éviter l’adoption. Il faut savoir que, chaque fois qu’on proroge une session, les projets de loi inscrits au Feuilleton, des projets de loi comme celui-ci, restent en plan. La prorogation paralyse tout.
Le projet de loi à l’étude a été précédé d’une autre version, le . Il n’a jamais été adopté parce qu’on en a interrompu l’étude. Et nous voici en train de discuter du projet de loi .
Paradoxalement, il arrive qu’une nouvelle version soit meilleure. Parce qu’on a attendu longtemps, des changements sont survenus dans les collectivités et les techniques d’exécution de la loi, et la nouvelle version tient compte de ces changements. On ne peut donc pas prétendre que le projet de loi soit identique au précédent et qu’il soit toujours remis à l’étude. Nous voulons entendre les témoignages sur ce qui se passe afin d’adopter le meilleur projet de loi possible pour combattre la criminalité des cols blancs.
Pourquoi la session a-t-elle été prorogée? Le gouvernement pensait-il que les partis d’opposition étaient favorables à la criminalité en col blanc? Quelqu’un a-t-il jamais vu dans une brochure, aux informations, sur les ondes, dans la blogosphère, sur Twitter, Facebook ou ailleurs qu’un député libéral, néo-démocrate ou bloquiste est favorable à la criminalité des cols blancs? Quelqu’un a-t-il jamais fait cette affirmation? Je ne le crois pas. C’est grotesque. Alors, pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas présenté le projet de loi plus tôt?
Le président du Comité de la justice demande pourquoi nous n’acceptons pas une adoption accélérée des projets de loi inscrits maintenant, qu’il y en ait 80 ou un autre nombre? Pourquoi ne faisons-nous pas le travail? Pourquoi ne défendons-nous pas les intérêts du Canada? Voilà une rengaine éculée. Les conservateurs sont ceux qui font avorter leurs projets de loi, qui boudent contre leur ventre, et lorsqu’ils finissent par présenter un projet de loi, ils n’apportent que des modifications mineures.
Carole Morinville est la personne dont j’ai parlé tout à l’heure. Elle était une conseillère en valeurs non agréée qui a été arrêtée pour ce que les autorités financières pensent avoir été une autre combine à la Ponzi. Un groupe de travail, des gens qui s’y connaissent en réglementation financière auraient peut-être été mieux placés pour s’occuper de ce cas. C’est peut-être une affaire que le gouvernement aurait pu surveiller et dont il aurait pu faciliter l’étude, au lieu de se contenter d’accuser les partis d’opposition d’être contre des projets de loi qui proposent des modifications du Code criminel qui n’ont pas vraiment prise sur ce qui se passe sur le terrain.
J’ai parlé assez longuement de l’attitude du gouvernement, qui n’aide pas vraiment les victimes. Les provinces ont déjà devancé le gouvernement fédéral. C’est ce que nous avons vu dans le cas des vols de voitures et dans bien d’autres domaines, comme celui de la criminalité des cols blancs.
Depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement, un certain nombre de provinces ont renforcé leurs dispositions relevant des articles de la Constitution portant sur la propriété et les droits civils afin d'élargir leur pouvoir de saisie et de confiscation pour les crimes en général, et pas uniquement pour les crimes en col blanc. Les provinces ont fait cela de leur propre chef parce qu'elles ne bénéficiaient pas d'une aide suffisante de la part du gouvernement fédéral, tant pour ce qui est des ressources législatives que du financement des services de police ou de l'assistance des forces opérationnelles mixtes.
Par ailleurs, quelle mesure le gouvernement aurait-il pu prendre à l'égard des produits de la criminalité en col blanc? Ils ne disparaissent pas dans la brume et ne s'envolent pas comme par enchantement.
Bernie Madoff et Earl Jones n'ont pu dilapider tous les fonds qu'ils ont volés. L'argent est donc forcément quelque part, habituellement à l'abri dans des banques étrangères. Quelles mesures le gouvernement a-t-il prises à l'égard de la réforme des banques à l'échelle internationale?
Lorsqu'il est question de l'attitude du gouvernement sur la scène internationale, nous pourrions parler durant des jours et des jours de la façon dont il fait honte au Canada, que ce soit à cause du siège qu'il a perdu aux Nations Unies, de l'échec de Copenhague et de sa gestion du dossier de l'environnement, entre autres choses. Mais qu'a-t-il fait au chapitre de la réforme du système bancaire international? Quelle déclaration est sortie de la bouche du , du , du , notamment? On-ils affirmé vouloir sévir contre les crimes en col blanc parce qu'ils savent où va une part des produits de la criminalité, qu'ils s'étaient penchés sur la question, qu'ils font leur travail et qu'ils font ce qui s'impose? Non, ce n'est pas le cas. Nous n'avons entendu parler d'aucune réforme en profondeur à cet égard.
Le Canada, comme tous les autres pays, doit se doter d'un régime national de réglementation financière comportant des volets internationaux. Nous ne pouvons attendre que les crimes se produisent pour ensuite déclarer que nous sévirons contre la criminalité en imposant des peines minimales obligatoires. Il a été prouvé que cette façon de faire ne donne aucun résultat. Ce n'est pas ainsi qu'on arrêtera les combines à la Ponzi ou qu'on pourra regarnir les programmes des églises, les programmes scolaires, les économies des particuliers, les fonds d'investissement et les fonds des collectivités en général. Il faut empêcher que ces fonds disparaissent avant qu'il ne soit trop tard.
Pour conclure, je reviens à l'affaire Carole Morinville. Cette dernière n'était même pas un investisseur accrédité. Elle n'aurait jamais dû pouvoir mettre la main sur les investissements d'honnêtes citoyens. À tout le moins, des agents investis de certains pouvoirs auraient dû suivre ses activités et l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard.
Au bout du compte, c'est une question de ressources et de soutien qui va au-delà des modifications qu'on peut apporter au Code criminel. Le gouvernement n'a pas montré sa confiance envers les représentants des services de police en leur fournissant un financement adéquat. Le gouvernement n'a pas collaboré avec les partenaires provinciaux et territoriaux en tenant des rencontres appropriées et fréquentes à ce sujet. Sur la scène internationale, il se cantonne dans ses positions. Et, bien loin de prendre la tête dans la réforme du système bancaire international afin de retrouver l'argent dont la disparition a laissé un grand nombre de Canadiens sans ressources et sans espoir, il se contente de suivre.
Les parlementaires doivent restaurer la confiance dans le système. J'espère que le gouvernement commencera à travailler sur ces réformes nécessaires.
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Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi . J'ai eu la chance d'en parler plus tôt, mais je ne crois pas que j'ai disposé de suffisamment de temps.
Je veux signaler à mes collègues d'en face que nous faisons notre travail. Nous ne tentons pas de détourner le processus. Nous faisons notre travail en tant que parti de l'opposition. Souvent, nous laissons entendre que le verre est à moitié vide, tandis que les députés ministériels affirment qu'il est complètement plein. C'est correct. Nous avons encore un travail à faire, et nous tenons à faire connaître nos préoccupations et nos appréhensions. Aucun projet de loi n'est parfait. Tous les projets de loi font habituellement l'objet de certaines critiques. C'est mon travail, et c'est ce que je vais faire aujourd'hui.
Comme il a été mentionné auparavant, ce projet de loi n'est pas ce qu'il semble être. Il donne l'impression qu'il va faire beaucoup plus qu'il ne fait vraiment. Un de mes collègues a affirmé que c'était juste un projet de loi sur la détermination de la peine et qu'il ne faisait rien pour empêcher le crime. La détermination de la peine se produit après la condamnation. La condamnation, quant à elle, se produit après l'acte criminel. Le projet de loi ne fait rien pour empêcher la perpétration d'un acte criminel. Il est prétentieux d'affirmer qu'un projet de loi qui porte sur la détermination de la peine contribuera grandement à prévenir les crimes. Les députés de l'opposition voient clair dans le jeu des conservateurs. C'est notre travail de détecter les faux-semblants, qu'ils se trouvent dans les nouvelles de six heures, comme mon collègue de Moncton vient de l'insinuer, ou dans le titre abrégé du projet de loi. Cela me permet de parler du titre abrégé du projet de loi.
Depuis quelques années, le gouvernement trafique régulièrement le titre abrégé des projets de loi. Tout le monde ne sait pas que le titre abrégé correspond à l'article un du projet de loi, lequel décrit la nature générale du projet de loi. Mais le gouvernement trafique le titre abrégé pour en faire un message publicitaire. De cette façon, les conservateurs essaient de nous embobiner sur le contenu réel du projet de loi et de nous faire croire qu’il va permettre d’atteindre des objectifs qu'on ne retrouve nulle part dans ses dispositions. C'est pour cette raison que des députés s'opposent à certains projets de loi qui se retrouvent en comité.
Le député d'en face a demandé pourquoi nous pinaillons sur des questions de sémantique. Ce n'est pas seulement une question de sémantique ; je prétends qu'on trafique le titre du projet de loi à des fins politiques. Ce n'est pas nous qui avons déclenché les hostilités. C'est un sous-fifre quelconque qui a participé à l'élaboration du projet de loi et qui a décidé d'en trafiquer le titre abrégé afin de le rendre plus attrayant. C'est sûr qu'il va attirer l'attention, et chaque fois que les gens en parleront, ils mentionneront le titre abrégé qui n'en est qu'une description politiquement trafiquée. La plupart de mes collègues en Chambre, pas ceux du parti ministériel, refusent de se prêter à ce jeu. Si le gouvernement veut un titre abrégé, soit, mais ce titre doit décrire le contenu du projet de loi et ne pas en trafiquer le message pour les nouvelles de 18 heures.
De plus, en ne portant que sur la détermination des peines, il ne contribuera guère, je le crains, à dissuader les criminels. Il est vrai par contre qu'il contient un élément de réprobation. Le fait que nous parlions ici de la gravité d'un certain nombre d'actes criminels, le fait qu'on dise aux tribunaux qu'ils doivent, face à ce genre de crimes, essayer de tenir compte des besoins des victimes d'une certaine façon, tout cela constitue un niveau très raisonnable de réprobation sociétale face à ce genre de crimes. Personne ne peut être contre. Afficher un crime à la une du journal revient à peu près à la même chose. Le projet de loi comporte donc un élément de réprobation, mais certainement pas de dissuasion.
Mon expérience dans ce domaine remonte à plus de 20 ans, non pas en tant que criminel mais en qualité de membre du Comité de la justice, et j'ai toujours pensé que les criminels qui commettent ce genre de délit, ou bien d'autres types de délits, ne sont nullement dissuadés par les dispositions du Code criminel. Peu importe la gravité de la peine dont ils risquent d'écoper, ils s'imaginent toujours qu'ils ne seront pas pris.
Durcir les peines, dans certains cas, est une bonne chose car cela donne le signal d’une plus grande réprobation. Cela revient à dire que nous sommes vraiment furieux contre ceux qui commettent ces actes criminels. C'est bien, mais cela n'empêche pas les gens de demeurer convaincus qu'ils ne se feront pas attraper.
Pour ce qui est des crimes en col blanc, que le projet de loi est censé cibler, un grand nombre des auteurs de ces crimes sont convaincus qu'ils ne se feront pas attraper. Ils sont convaincus que leur arnaque est indétectable. Généralement, ces arnaques sont très mineures au départ, mais elles prennent ensuite de l'ampleur, et font finalement beaucoup de victimes.
L'objectif, du point de vue de l'intérêt public, devrait être de se montrer proactif et de prendre des mesures préventives, de mettre en place un système d'alerte quelconque qui mettrait en garde et protégerait les personnes susceptibles d'être la proie des fraudeurs. Dans presque tous les cas d'arnaques de ce genre, une fois que la victime a donné de l'argent, c'est perdu. L'argent est déjà investi dans des dépenses somptuaires, dans le jeu, etc.
Parfois, ces crimes en col blanc commencent par un investissement tout à fait normal dans un bien immobilier. L'investissement n’est peut-être pas entièrement réglo, mais c'est quand même un investissement dans un bien immobilier. Même si c’est des terrains marécageux, il y a quand même quelque chose de concret au départ. Ensuite les choses se gâtent. L'argent est détourné, et c'est là que commencent la fraude et la supercherie. Le mensonge aussi. Au bout d'un an ou deux, que ce soit une pyramide de Ponzi ou non, il y a des victimes qui soit ont fait un mauvais investissement soit ont tout perdu.
Ce projet de loi est presque un conte de fées. Il propose de régler le problème de l'argent perdu, et donc de demander aux tribunaux de veiller au dédommagement des victimes. Ça paraît merveilleux, comme dans les contes de fées. Si le dédommagement des victimes avait été possible, l’énergumène qui est à l'origine de l'arnaque aurait été capable de les rembourser au départ, en tout ou en partie.
C'est parce que l'argent a disparu qu'il y a un problème. Peut-être que dans un cas sur cent, l'accusé qui est sommé par le juge de dédommager la victime pourra retourner travailler, une fois qu'il sera sorti de prison, et réunir l'argent nécessaire au remboursement.
Mais je voudrais revenir sur l'hypocrisie dont je parlais tout à l'heure, ce conte de fées qu'on nous raconte avec ce projet de loi. Mais qu'on ne se méprenne pas sur mes paroles: je ne suis absolument pas opposé au dédommagement des victimes. Reste qu’il y a ce conte de fées, cet espoir qu'on nous fait miroiter.
D'aucuns diront que, si on réussit à obtenir le dédommagement d’une victime sur cent, ça en vaut quand même la peine. Je suis assez d'accord. Mais je dénonce publiquement l'hypocrisie qui permet d'affirmer que ce projet de loi est la solution à tous nos maux, et Dieu sait qu'il y en a. La fraude figure dans notre Code criminel depuis des lustres. Elle se fonde sur la notion de supercherie, dans la common law, et c'est une infraction criminelle.
Toutefois, depuis la Seconde Guerre mondiale, l’interconnectivité de l'argent s'est développée de façon vertigineuse. Il ne se transmet plus seulement de main à la main, sous forme de billets, il se dépense aussi sous forme de cartes de crédit, de chèques, de mandats, de cartes de débit, de cartes ABM, et de cartes de paiement. Le nombre d'outils mis à notre portée pour faire circuler de l'argent est pratiquement illimité. Nous avons des comptes chèques, des comptes d'épargne, des REER, des comptes d'épargne-logement, des REEE, des RIFF, des actions et des obligations, des bons du Trésor, des CPG, des polices d'assurance vie et des régimes de pension, et nous pouvons en autogérer un certain nombre. Un tel niveau d'interconnectivité financière s'accompagne inévitablement d'énormes risques de fraude ou de vol.
Je me dis souvent que nous avons de la chance qu'avec tous ces milliards et ces trillions de dollars en transit perpétuel, il n'y ait pas plus de détournements de fonds. C'est sans doute parce que nous avons, au Canada et dans bien des pays, une infrastructure financière qui fonctionne encore. Personnellement, je suis raisonnablement sûr, lorsque je dépose de l'argent à ma banque, que je pourrai le récupérer ou le transférer en toute sécurité.
Il y a certainement beaucoup plus de risques de fraude. Au départ, les gens font une petite erreur en manipulant l’argent des autres, et ensuite ils en font une deuxième, puis c’est l’escalade. Et avec Internet, ça se multiplie par mille. Ça peut se produire avec des comptes collectifs. Je suis donc bien obligé de reconnaître qu'il faut actualiser les dispositions du Code criminel qui portent sur la fraude.
J'aimerais maintenant parler des dispositions du projet de loi qui portent sur le dédommagement des victimes. J'ai posé une question il y a quelque temps, qui n'a jamais eu de réponse. Je voulais savoir ce qui se passerait en cas de condamnation. Selon le projet de loi, le tribunal doit demander si la victime a eu l'occasion d'exprimer son désir d'obtenir un dédommagement. Cela ne veut pas dire qu'elle en obtiendra un, mais le juge doit lui demander si on lui en a donné l'occasion. Le procureur va répondre oui, non ou peut-être, et la victime peut remplir un formulaire. C'est déjà un pas dans la bonne direction. Ça ressemble beaucoup à une procédure de cour de petites créances, néanmoins, la victime peut remplir un formulaire pour décrire les sommes d'argent qu'elle a perdues. Ce n'est pas une mauvaise chose.
Ce qui m'a amené à poser ma question, c'est le paragraphe 380.3(5), où on parle du cas d’une victime qui a réclamé un dédommagement. Le paragraphe stipule que:
Dans le cas [...] le tribunal motive toute décision de ne pas rendre d'ordonnance de dédommagement et fait inscrire les motifs au dossier de l'instance.
Il s'agit donc d'un cas où le juge estime que, pour des motifs particuliers, il ne rendra pas d'ordonnance de dédommagement parce que cela ne servirait à rien. Je ne peux pas imaginer toutes les circonstances dans lesquelles un juge serait amené à prendre cette décision. Ce qui m'intéresse, par contre, c'est de savoir ce qui se passe si le tribunal ne prend pas de décision. On ne dit pas ici que le tribunal doit prendre une décision. Par conséquent, on peut envisager que le tribunal ne dise ni oui ni non, et qu'il ne donne aucun motif.
Après avoir lu ce paragraphe, je me suis rendu compte qu'il manquait quelque chose. On y prévoit le cas où le juge décide de rendre une ordonnance de dédommagement, et le cas où le juge décide de ne pas rendre d'ordonnance de dédommagement. En revanche, il existe un troisième scénario dans lequel le juge ne prend aucune décision. Or, la procédure prévue dans le projet de loi n'est pas claire là-dessus, et ça risque de causer des problèmes plus tard pour les juges, les avocats, les victimes et les accusés.
Bien sûr, le gouvernement va prétendre que c'est un projet de loi merveilleux, mais nulle part on ne prévoit ce qui se passera en cas de faillite. Et bien sûr, il y en a qui vont s'opposer à la position toute naturelle du gouvernement qui consiste à dire que, s'il y a eu vol ou fraude, le tribunal pénal deviendra une cour des petites créances. Je ne pense pas que les deux aillent bien ensemble. Un tribunal pénal opère dans un contexte assez sombre, et une cour des petites créances n'opère pas dans ce genre de contexte, que pourtant le projet de loi va lui imposer d'une certaine façon.
Enfin, nous verrons bien ce qui arrive. Si un certain nombre de victimes, aussi infime soit-il, se disent satisfaites d'avoir eu l'occasion de consigner officiellement la somme d'argent qu'elles ont perdue, et de pouvoir ainsi espérer, même si les chances sont minimes, obtenir un dédommagement, alors je m'en réjouis et je vais éviter de critiquer cet élément. Ça peut être un changement positif.
Abordons la question sous l'angle de l'intérêt public. Par exemple, supposons qu'il y ait eu condamnation, mais que le juge n'ait pas rendu d’ordonnance de dédommagement. Supposons que la somme d'argent en cause soit gérable, pas ces arnaques de 20 millions de dollars, mais seulement 10 000 $ ou même 20 000 $. S'il n'y a pas d’ordonnance de dédommagement et que la personne reconnue coupable purge un ou deux ans d'emprisonnement, il faudra probablement que la victime s'adresse à un tribunal civil pour récupérer son argent. Cette disposition pare à cette éventualité. La victime n'aura pas besoin de s'adresser à un tribunal civil. Elle aura l'ordonnance du tribunal, et ce sera suffisant. En tout cas, ce sera suffisant si le tribunal peut saisir suffisamment de biens pour rembourser la victime.
J'aimerais attirer votre attention sur une autre question. Les réseaux en franchise relèvent de la compétence provinciale. Il s'agit d'une transaction commerciale, entre la personne qui a l'idée ou le concept et celle qui achète le droit d'accès à l'enseigne. Cela se produit fréquemment. On connaît beaucoup de propriétaires de franchises, et on sait que ça peut être un instrument commercial très rentable pour un investisseur de taille moyenne ou petite. Toutefois, au cours des dernières années, j'ai entendu parler de problèmes dans le secteur des franchises. Je représente une circonscription de Toronto, en Ontario, mais la législation provinciale n'était pas à la hauteur. Je reconnais toutefois que, si on réussit à réunir les preuves qu'il y a eu fraude, le projet de loi va s'appliquer.
On réussira peut-être à résoudre plus de problèmes que le gouvernement ne le dit. On réussira peut-être à régler des situations regrettables où des gens se laissent convaincre de faire un premier dépôt, et ensuite un deuxième dépôt de 100 000 $ ou plus, pour ensuite constater qu'ils n'ont acheté qu'une franchise inexistante ou de faible valeur, à un type qui vit peut-être à Halifax, Calgary, Moose Jaw ou Toronto.
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Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole au sujet de ce projet de loi. Encore une fois, je dirai d'emblée que nous appuyons ce projet de loi, comme tous les partis de la Chambre je crois. Je pense qu'il franchira toutes les étapes avec succès.
Je vais parler de ce que fera vraiment ce projet de loi, de ce qu'il devrait faire et des mesures que le gouvernement devrait prendre pour aider à régler le problème.
Le projet de loi vise à réprimer la criminalité en col blanc et à rendre davantage justice aux victimes, grâce à des mesures comme l'imposition d'une peine d'emprisonnement minimale de deux ans aux auteurs de fraudes de plus d'un million de dollars, l'ajout de circonstances aggravantes précises dont le tribunal doit tenir compte au moment de la détermination de la peine, la création d'une nouvelle forme d'ordonnance d'interdiction, l'imposition de nouvelles obligations aux juges en ce qui concerne les ordonnances de dédommagement et la prise en compte, au moment de la détermination de la peine, d'une nouvelle forme de déclaration des dommages subis à la suite d'une fraude.
Voilà en gros les objectifs de ce projet de loi. À cet égard, nous appuyons tous ce projet de loi. Il a déjà franchi l'étape de l'étude en comité.
Malheureusement, le projet de loi manque de mordant. Il ne réduira pas énormément la fraude comme le gouvernement le prétend. Il sera impuissant contre une très grande partie du problème.
Par exemple, les dernières modifications apportées aux dispositions du Code criminel en matière de fraude remontent à 2004. Elles ont été adoptées en réaction aux scandales mettant en cause de grandes entreprises comme Enron, Tyco et WorldCom, qui ont secoué les marchés financiers mondiaux.
Ainsi, une nouvelle infraction relative au délit d'initié a été créée, les peines d'emprisonnement maximales pour les infractions de fraude et d'influence sur le marché public sont passées de 10 à 14 ans et une liste de circonstances aggravantes a été dressée pour aider les tribunaux à déterminer la peine.
Le gouvernement fédéral a également annoncé son intention de créer plusieurs équipes intégrées de la police des marchés financiers qui seraient composées d'agents de la GRC, d'avocats du gouvernement fédéral et d'autres enquêteurs, dont des juricomptables, chargés de réprimer la fraude sur les marchés financiers.
La création de ces équipes a été une bonne mesure. Elle correspond aux leçons que nous devons tirer de l'expérience des États-Unis, où des pratiques exemplaires côtoient des pratiques moins exemplaires. Les affaires Enron, Tyco et WorldCom, que j'ai mentionnées, ont toutes eu lieu aux États-Unis. Nous savons que les autorités de ce pays ont réussi à inculper et à faire mettre derrière les barreaux 1 200 criminels à cravate, y compris les cadres de ces trois entreprises.
D'après ce que j'ai pu comprendre, nous essayions depuis 2003, sous la direction du gouvernement précédent, de déterminer ce que nous ferions au Canada si une fraude comme celle de Tyco ou d'Enron devait s'y produire. Nous avons vécu des affaires semblables, comme celle de Bre-X. Je crois que les députés connaissent la situation de Bre-X. Nous avons adopté ce qui paraît être une mesure utile cette année-là, en 2003.
Le gouvernement du Canada a créé l'Équipe intégrée de la police des marchés financiers, qui est financée par l'intermédiaire de la GRC. Cette équipe a effectué dix opérations dans quatre grands centres financiers du Canada. Son mandat consistait à faire enquête et à inculper les personnes se livrant à des activités criminelles sur les marchés financiers.
Selon le rapport annuel 2007-2008 de l'Équipe intégrée de la police des marchés financiers, son budget total est passé de 13,2 millions de dollars en 2005 à 18,9 millions de dollars en 2008. Puis, son budget a diminué et s'est établi à 16,1 millions de dollars en 2008-2009. Du commencement du programme, en décembre 2003, jusqu'à mars 2008, 5 enquêtes ont conduit à l'inculpation de 9 personnes pour un total de 29 infractions au Code criminel.
Au cours de l'exercice financier 2008-2009 toutefois, 17 personnes ont fait l'objet de 979 chefs d'accusation. Cinq personnes ont été reconnues coupables depuis la mise sur pied de l'Équipe intégrée de police des marchés financiers et les peines infligées variaient de 39 mois à 13 ans.
Ce dont il s'agit vraiment, c'est de savoir pourquoi et comment les Américains peuvent avoir réussi à condamner 1 200 bandits en cravate alors que nous n'en avons condamné que cinq au Canada. Il est clair qu'il y a un problème au niveau des ressources et de l'engagement de la part du gouvernement à mener des activités de ce genre au pays.
En fait, Conrad Black qui était ici au Canada lorsqu'il a conclu son entente sur les paiements faits en vertu d'un arrangement de non-concurrence au moment où il a vendu ses journaux à Izzy Asper et Canwest, a réussi à empocher 20 ou 40 millions de dollars. Ces paiements, qui sont courants en affaires, auraient dû être versés à sa société, Hollinger. Lorsque les actionnaires de la société ont découvert que ces honoraires avaient été détournés et que Conrad Black et ses comparses avaient empoché l'argent avant de disparaître, ils ont bien sûr fait appel aux autorités pour tenter de récupérer ces sommes. C'est le système américain, aussi imparfait soit-il, qui a réussi à poursuivre et à incarcérer Conrad Black. Je crois qu'il a maintenant retrouvé sa liberté, un peu trop tôt je dirais, mais au moins, il a été emprisonné.
Cela démontre bien, à mon avis, la différence entre le système américain et le système canadien. Les Américains arrivent à certains résultats en matière de lutte contre la criminalité en col blanc, alors qu'ici au Canada, il n'y a presque rien qui avance dans ce dossier.
Je vous ai parlé des derniers résultats de l'Équipe intégrée, mais j'aimerais aussi vous lire un article publié le 24 septembre 2007 sur le site Canadian Business Online et dont le titre indiquait que le Canada perd la lutte contre les criminels en col blanc. L'auteur parlait de la mise en service par la GRC d'une équipe intégrée de police des marchés financiers dont je parlais précédemment, une équipe composée d'enquêteurs d'élite chargés de travailler en collaboration afin de lutter contre les criminels en col blanc, et soulignait que les résultats étaient fort décevants. Ces cinq dernières années, le ministère de la Justice américain a obtenu plus de 1 200 condamnations contre des hauts dirigeants d'Enron et d'autres sociétés, alors que cette équipe de la GRC n'avait réussi à l'époque, en 2007, à en obtenir que deux. Mille deux cent condamnations aux États-Unis contre seulement deux au Canada, et toutes deux contre la même personne.
La suite de l'article est fort intéressante:
Demandez aux financiers de Bay Street de qui ils ont peur. Ce n'est pas de la police ou de la ... [Commission des valeurs mobilières de l'Ontario].
C'est de ces gens qu'ils devraient pourtant avoir peur.
Ils ont peur de la Commission des valeurs mobilières des États-Unis qui a vraiment des pouvoirs.
N’est-il pas ironique que les joueurs de Bay Street, à Toronto, le centre financier du pays, ne s’inquiètent pas le moins du monde de la police canadienne? Ils ne s’inquiètent pas de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario. C’est l’organisme de réglementation. Ils ne s’en soucient guère, mais c’est de la Commission des valeurs mobilières des États-Unis, qui a de véritables pouvoirs, dont ils s’inquiètent.
Il est évident que nous devons améliorer notre système pour l’aligner sur celui des États-Unis et nous savons tous que les Américains ne sont pas entièrement satisfaits de leur système. Ils lui apportent également des changements parce qu’il y a eu beaucoup d’abus au cours des cinq dernières années aux États-Unis. C’est simplement qu’ils semblent capables de mieux déceler les activités criminelles et ils ont réussi à obtenir des résultats lorsqu’ils ont pris des mesures, contrairement à nous.
À mon avis, le problème, chez nous, et aussi aux États-Unis, est dû en partie aux relations trop cordiales entre les autorités de réglementation et ceux qu’elles réglementent. Au lieu que ces organismes embauchent des gens ayant un tempérament d’enquêteur, ils ont tendance à servir de voie de garage pour les anciens du secteur financier. Par conséquent, si une personne travaille dans le secteur de l’assurance ou des placements pendant un certain nombre d’années et qu’un poste s’ouvre à la Commission des valeurs mobilières, cette personne présente sa candidature, obtient le poste et réglemente désormais l’entreprise pour laquelle elle travaillait une semaine plus tôt.
Les relations sont extrêmement amicales quand les membres de l’organisme de réglementation et les employés des sociétés réglementées assistent aux mêmes réceptions de Noël, aux mêmes tournois de golf, et il ne faut donc pas s’étonner que, en cas de problème, on n’intervienne pas rapidement pour y remédier.
Je voudrais parler de Harry Markopolos, car c’est également un cas très intéressant. Aux États-Unis, quand on découvre une combine à la Ponzi ou autre, souvent, on se rend compte que quelqu’un était au courant et a sonné l’alarme cinq à dix ans avant que le château de cartes ne s’écroule.
C’est ce qui s’est passé pour la combine à la Ponzi de Bernie Madoff. Plusieurs années avant, je crois que c’était 10 ans plus tôt, Harry Markopolos s’est rendu compte de ce que faisait Bernie Madoff. À l’époque, il s’occupait du même genre d’investissements que Madoff. Les dirigeants de sa société, Rampart Investment Management, de Boston, au Massachusetts, ont dit à Harry: « Nous avons un concurrent du nom de Madoff », dont peu de gens avaient entendu parler à l’époque même s’il était dans le circuit depuis de nombreuses années, « et nous avons de la difficulté à comprendre comment il réussit à faire des gains réguliers mois après mois ».
Quand un fonds d’investissement a un rendement positif mois après mois, c’est un des indices d’irrégularités et de combines à la Ponzi. N’importe quel gestionnaire de fonds, aussi bon soit-il, obtiendra un rendement décent certains mois parce qu’il aura vendu une partie de l’actif et aura acheté certains autres actifs. Certains mois, il obtiendra un rendement de 20 p. 100, mais d’autres mois, il perdra peut-être 2 ou 3 p. 100.
Néanmoins, dans ce cas, Madoff enregistrait constamment un rendement positif, mois après mois, année après année.
Le patron de Harry lui a donc demandé de faire des recherches pour trouver de quelle façon Bernie Madoff réalisait un tel exploit. Il devait sûrement penser: « Quoi que fasse Bernie, nous devrions peut-être faire la même chose. Nous devons tirer des enseignements de ce qu’il fait et suivre son modèle. »
Il n’a pas fallu à Markopolos bien plus d’une demi-heure pour prouver que la stratégie de Madoff était impossible. Il l’a signalé à plusieurs reprises à la Commission américaine des valeurs mobilières pendant une période de 10 ans. Il a constitué un dossier bien documenté qu’il a transmis aux enquêteurs. Ceux-ci lui ont répondu: « Cet homme est là depuis longtemps. Personne d’autre ne s’est plaint. Vous êtes le seul à le trouver suspect. Vous êtes bien un concurrent, non? Nous n’avons donc pas à vous écouter parce que vous parlez dans votre propre intérêt. Vous voulez découvrir ses secrets pour vous en servir de la même façon. »
Le plus triste dans cette histoire, c’est que 65 milliards de dollars ont disparu par suite de cette situation.
Oui, on l’a jeté en prison pour 150 ans, et certains dédommagements sont en train d’être versés, mais c’est bien peu de choses.
Le fait est que les combines de ce genre n’ont pas toute l’envergure de celle de Bernie Madoff. Nous en avons eu au Manitoba sur une bien plus petite échelle, des sommes de 50 000 $ à 100 000 $ ayant été volées par des responsables de fonds de placement, etc. C’est un problème assez courant.
On constate que c’est dans les périodes de prospérité que ces combines grossissent et se développent. Ensuite, dans les mauvaises périodes, lorsqu’un secteur ou toute l’économie commence à ne plus réaliser de bénéfices, marquant le pas ou baissant un peu, surtout en cas de récession ou de dépression, les combines sont découvertes.
Ce qui arrive dans une combine à la Ponzi, c’est que l’argent pris aux nouveaux investisseurs est versé aux anciens pour les garder dans la combine sans qu’aucun montant ne soit investi sur le marché.
Il y a toutes sortes de combines différentes. La combine à la Ponzi a été conçue par Charles Ponzi qui a été célèbre aux États-Unis et qui avait en fait des liens avec Montréal. J’en ai parlé dans un discours précédent. Il a trempé plus tard dans ce qui est devenu la combine à la Ponzi à Montréal.
Il existe d'autres types de fraudes très courantes et qui sont pratiquées près de chez nous. Nous avons des fraudes hypothécaires. Une forme de fraude hypothécaire consiste à frauder essentiellement la banque. La banque confie la responsabilité à la SCHL. C'est donc la SCHL qui devient responsable de la plus grande partie du problème. On est en train d’en dévoiler un cas en ce moment, en Alberta. L’un des députés provinciaux y serait même lié. Nous parlons de millions de dollars qui sont dérobés aux sociétés hypothécaires.
Nous en avons eu un cas au Manitoba, en 1995. Un homme s’est présenté à mon bureau avec une boîte de dossiers et nous a donné beaucoup d’information sur une combine comportant une part de fraude hypothécaire. En quoi cela consiste-t-il? Une personne achète des maisons en ayant recours à des hommes de paille, généralement des gens qui viennent de sortir de prison ou des acheteurs d’une première maison qui sont un peu naïfs. Cette personne leur donne quelques milliers de dollars comptant et leur achète des appareils ménagers. Elle leur fait déposer l’argent à la banque pour que ces gens puissent obtenir une hypothèque sur une maison qu’elle a déjà achetée. Elle peut donc la leur revendre à un prix beaucoup plus élevé.
Disons que cette personne a acheté la maison 100 000 $, sur le marché d’aujourd'hui. La même semaine, elle demande à son homme de paille de lui acheter la maison pour 150 000 $, et trouve un évaluateur qui évaluera la maison à ce montant.
Cette combine implique la participation, entre autres, d'un agent immobilier, d'un évaluateur, d'un avocat. Dans le cas qui a été découvert à Winnipeg, la GRC a consacré beaucoup d’argent à l’enquête qui a permis de démasquer ce réseau. Que s’est-il passé au bout du compte? Le principal responsable est toujours en affaires. Il vend maintenant des portes et des fenêtres. Je n’ai pas entendu dire que quiconque ait vraiment été puni ou ait perdu son emploi parmi les avocats, agents d’immeubles, évaluateurs et autres. L’affaire a fait la une des journaux à l’époque. C'est pour dire que bien des combines sont possibles, pas seulement les chaînes de Ponzi.
Aux États-Unis, et je sais que mon temps de parole achève, alors j’en parlerai peut-être au cours de la période de questions et observations. Mon collègue le député de a quelques réponses à…
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Monsieur le Président, la question prend de l'ampleur depuis trois ou quatre ans. On voit des reportages à ce sujet à tous les grands réseaux de télévision d'Amérique du Nord. Aux États-Unis, Bernie Madoff a été condamné à 150 ans de prison, ce qui donne une idée de la gravité de la situation. Cela montre aussi qu'un juge a décidé de prendre le pouls du public. Pour le grand public, c'est un dossier colossal. C'est inimaginable. On n'a pas idée du nombre de victimes de ce genre de fraude et d'escroquerie perpétrées par des individus de bas étage et sans vergogne.
Chez nous, il y a eu l'affaire Earl Jones. Il était frappant de voir à la télévision la réaction viscérale des gens; quand il a quitté le tribunal pour s'approcher de son véhicule, il a été attaqué par la foule. Je n'avais jamais vu cela avant.
Cela nous donne une idée des passions que suscite ce problème. Il y a tant de gens concernés et tant d'histoires à raconter, des histoires à donner le vertige. Des gens de ma circonscription de Terre-Neuve-et-Labrador viennent m'expliquer qu'ils sont dans la misère parce qu'ils se sont fait escroquer. Ils ont honte d'avoir perdu toutes leurs économies. Ils ne veulent pas en parler à leurs enfants ou à d'autres personnes autour d'eux parce qu'ils ne veulent pas être dans une situation honteuse.
Les coupables sont des rapaces qui s'en prennent aux plus faibles et aux plus vulnérables de la société. Ils savent où ils sont et comment les trouver.
Le projet de loi est un pas en avant pour corriger la situation. Il devrait peut-être aller plus loin. Il a été renvoyé à la Chambre par le comité et je crois qu'il y a un amendement.
Quoi qu'il en soit, nous allons voir cela et aller de l'avant. Nous allons en parler de plus en plus parce que c'est une situation de plus en plus fréquente. En ce qui me concerne personnellement, des gens, surtout des aînés, viennent me voir à mon bureau pour me dire à quel point ils sont gênés. Ils ont essayé d'investir leurs maigres économies pour améliorer leur situation, et pas tellement la leur mais celle de leur famille, de leurs enfants et de leurs petits-enfants.
Il faut donc que nous ayons un sérieux débat sur la question. Je remercie tous ceux qui y participent ici.
Le projet de loi , prévoit une peine minimale obligatoire, et c'est une expression qu'on a beaucoup utilisée ici. Il prévoit un emprisonnement de deux ans pour les fraudes qui dépassent un million de dollars, ainsi que des circonstances aggravantes supplémentaires pour la détermination de la peine, dont je reparlerai dans quelques instants.
Il stipule qu'on doit envisager le dédommagement des victimes, ce qui est une question extrêmement litigieuse comme l'a montré tout le battage médiatique non seulement au Canada, mais aux États-Unis. À propos de la gravité de cette situation, mon collègue de a dit que c'était toute une affaire dans sa circonscription. Il a mené un combat admirable sur la question, et je tiens à l'en remercier personnellement.
Je vais maintenant parler de la situation actuelle, relative au projet de loi . Ce n'est pas la première fois que les députés de ce côté-ci de la Chambre proposent que la peine minimale obligatoire de deux ans s'applique, entre autres, aux manipulations d'actions et, bien sûr, aux combines à la Ponzi.
À mon avis, les conservateurs, les bloquistes et les néo-démocrates doivent expliquer pourquoi ils refusent de défendre l'ensemble des victimes de crimes en col blanc. Il y a des disparités auxquelles nous devons nous attaquer. Nous avançons cependant dans la bonne direction, puisque la Chambre des communes étudie aujourd'hui le projet de loi et l'adoptera bientôt.
Les principes sur lesquels s'appuient les règles plus strictes de détermination de la peine jouent un rôle très important, mais nous savons aussi que cela ne suffit pas pour empêcher les fraudes, raison pour laquelle nous devons songer sérieusement à sensibiliser davantage le public. C'est là que le bât blesse. Nous devons améliorer notre stratégie de gestion de la situation et mieux informer le public sur ce genre de fraude.
Bien sûr, l'application de ce genre de mesure législative sera une question controversée. C'est une chose d'instaurer ces peines, mais l'application peut poser problème, comme nous l'avons vu dans le passé. La Chambre est obligée de demander au gouvernement de fournir les ressources additionnelles, afin qu'il soit possible d'appliquer les dispositions prévues par le projet de loi, à savoir obliger la racaille — si je puis utiliser ce terme, et je vais l'utiliser, car je pense qu'il convient parfaitement — à répondre de ses actes.
Il faut regarder la situation sous deux angles différents. D'une part, il faut sensibiliser les gens à ce genre de fraude et leur expliquer comment se protéger. D'autre part, à titre de gouvernement, il faut fournir les ressources qui permettront aux autorités d'appliquer cette mesure et de faire en sorte que les contrevenants rendent des comptes. C'est de cela que nous parlons depuis la deuxième lecture du projet de loi, son étude en comité et, maintenant, la troisième lecture.
Nous sommes heureux qu'une mesure législative traite enfin de ce problème. Cela fait des années que nous demandons au gouvernement de prendre des mesures contre la criminalité en col blanc. Nous discutons de cette question depuis un bon moment. Le projet de loi va de l'avant et c'est une bonne chose. Le niveau de colère a grimpé de façon dramatique à cause d'individus comme Bernie Madoff et Earl Jones, et à cause de ce que rapportent les médias au sujet de combines à la Ponzi et du créateur de cette combine, M. Charles Ponzi lui-même.
J'aimerais parler des résultats des recherches qui ont été faites par la Bibliothèque du Parlement pour nous, législateurs, et qui sont présentés dans le résumé législatif. À cet égard, je veux remercier Cynthia Kirkby et Dominique Valiquette, de la Division des affaires juridiques et législatives du Service d'information et de recherche parlementaires.
La partie qui traite du contexte est passablement longue. Elle fait état de modifications antérieures aux dispositions en matière de fraude. Ces modifications ont entraîné la création d'une nouvelle infraction relative au délit d’initié. Les peines d’emprisonnement maximales pour les infractions de fraude et d’influence sur le marché public sont passées de 10 à 14 ans, et une liste de circonstances aggravantes a été dressée pour aider les tribunaux au moment de la détermination de la peine. Selon moi, ces changements aident sûrement les juges à déterminer la peine appropriée. En matière de détermination de la peine, le point faible se situe au niveau de l'exécution.
Jetons un coup d'oeil aux équipes intégrées de la police des marchés financiers, les EIPMF. En 2003, le gouvernement du Canada a mis sur pied le programme des EIPMF. Le financement du programme se fait par le truchement de la GRC. Dix EIPMF sont réparties dans quatre grands centres financiers canadiens. Ces équipes ont comme mandat de mener des enquêtes et de déposer des accusations relativement aux infractions graves au Code criminel qui sont liées à la fraude au sein des marchés financiers. À ce stade, le travail d'exécution commençait à se faire. Il faut aller plus loin. L'affectation des EIPMF dans les centres financiers était un bon début. Les EIPMF continuent d'exercer leur activité. De décembre 2003, lorsque le programme a été lancé, jusqu'en mars 2008, cinq enquêtes ont abouti au dépôt de 29 chefs d’accusation contre neuf individus. Au cours de l’exercice 2008-2009, 17 individus ont été inculpés sous 979 chefs d’accusation.
Nous voyons là l'illustration parfaite de la criminalité qui infiltre tout le système. Ces individus s'infiltrent dans le système et les chiffres montrent combien il est difficile de les arrêter. Ils montrent aussi l'importance des ressources d'exécution nécessaires afin que les dispositions et les mesures prises aient un impact sur ces individus.
Comme je l'ai mentionné, 17 personnes ont été inculpées sous 979 chefs d’accusation. Au total, cinq individus ont été reconnus coupables depuis que le programme des EIPMF a été créé. Les peines imposées vont de 39 mois à 13 ans d'emprisonnement.
L'histoire est remplie de statistiques se rapportant au projet de loi . Disons que ces statistiques nous donnent une bonne idée de la situation. En 2007, 88 286 cas de fraude ont eu lieu dans notre pays. Au total, 10 001 personnes ont été trouvées coupables en 2006-2007. Du nombre, 35,8 p. 100 — c'est-à-dire 3 580 — ont été condamnées à une peine d'emprisonnement; 8,7 p. 100, à une peine d'emprisonnement avec sursis; la majorité d'entre elles, soit 60,3 p. 100 ont été mises en probation; 12,1 p. 100 ont dû payer une amende; et 18,9 p. 100 ont été visées par une ordonnance de restitution. Certaines ont également été absoutes conditionnellement, alors que d'autres ont été visées par des ordonnances de service communautaire ou des ordonnances d'interdiction.
Pour en revenir à la mesure législative à l'étude, reportons-nous à l'article 2.1, qui porte sur les peines minimales associées aux cas de fraude. Il s'agit probablement de l'article qui retient le plus l'attention des députés pour le moment. À l'heure actuelle, une personne reconnue coupable de fraude au sens général est passible, aux termes du paragraphe 380(1) du Code criminel, d'un emprisonnement maximal de 14 ans si la valeur de l'objet de l'infraction dépasse 5 000 $, et d'un emprisonnement maximal de 2 ans si la valeur de l'objet de l'infraction ne dépasse pas 5 000 $. Aucune peine minimale n'est prévue.
L'article 2 du projet de loi prévoit l'instauration d'une peine minimale d'emprisonnement de 2 ans si la valeur totale de l'objet des infractions en cause dépasse 1 million de dollars. Mon collègue ontarien a soulevé un bon argument tout à l'heure. C'est bien beau, un emprisonnement minimal de 2 ans si la fraude dépasse 1 million de dollars, mais que va-t-il se passer si l'objet des infractions atteint 900 000 $? C'est quand même beaucoup d'argent. Je connais bien des gens pour qui, 100 000 $, c'est le pécule de toute une vie. Que leur arriverait-il, à ces gens, s'ils se faisaient voler 100 000 $? Comment va-t-on leur expliquer que les peines minimales commencent à 1 million?
Qui plus est, la peine minimale s'applique uniquement aux personnes condamnées pour fraude au sens général, bref aux termes du paragraphe 380.(1) du Code criminel. Elle ne semble pas s'appliquer aux autres infractions connexes, comme l'influence sur le marché, les manipulations frauduleuses d'opérations boursières, le délit d'initié ou la publication de faux prospectus. Pour ces trois dernières infractions, que la fraude commise ait une valeur supérieure à 1 million de dollars constitue une circonstance aggravante.