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Monsieur le Président, vous êtes d'une générosité extrême en m'accordant six minutes pour mon allocution et 10 minutes pour les questions. On va donc pouvoir se reprendre de ce côté-là.
Le 25 mai dernier, j'avais pris la parole concernant le projet de loi , qui vise à limiter à huit ans le mandat des sénateurs nommés après le 10 octobre 2008. Il y aura donc deux ans de rétroactivité parce qu'on est maintenant en novembre 2010.
La Constitution canadienne est une constitution fédérale. Par conséquent, il existe des raisons pour lesquelles la transformation des caractéristiques essentielles du Sénat doit échapper à la compétence d'un seul Parlement et relever plutôt du processus constitutionnel impliquant le Québec et les provinces.
Les conservateurs veulent renforcer la Constitution en faisant fi des provinces et du Québec. À la fin des années 1970, la Cour suprême du Canada a examiné la capacité du Parlement de modifier seul les dispositions constitutionnelles concernant le Sénat. Selon l'arrêt qu'elle a rendu, les décisions relatives aux changements majeurs touchant le caractère essentiel du Sénat ne peuvent être prises unilatéralement.
Par ailleurs, en 2007, l'Assemblée nationale du Québec a adopté une motion à l'unanimité:
L'Assemblée nationale du Québec réaffirme au gouvernement fédéral et au Parlement du Canada que toute modification au Sénat canadien ne peut se faire sans le consentement du gouvernement du Québec et de l'Assemblée nationale.
On sait qu'on doit revoir la Constitution pour faire des changements de cette nature au Sénat. Il serait question d'une potentielle ouverture du Sénat et d'autres choses aussi. Le Québec serait prêt à élargir énormément le débat, mais on sait que ce n'est pas demain la veille que cela se fera.
Il serait plus simple de proposer l'abolition du Sénat. On sait très bien aujourd'hui que le Sénat ne sert qu'une chose: les intérêts du parti au pouvoir, le Parti conservateur. Les sénateurs sont nommés et non élus. Si nous étions condamnés à garder le Sénat perpétuellement, je conseillerais fortement que ce soit un Sénat élu et que les sénateurs n'aient même pas de relations avec les autres partis à la Chambre des commune.
C'est pour servir les intérêts du gouvernement que les sénateurs sont nommés. Prenons l'exemple de ma circonscription. Un sénateur habite à Sherbrooke, mais il n'est pas le sénateur de Sherbrooke. Le sénateur qui couvre Sherbrooke n'habite pas cette ville. Au départ, il y a un problème.
En 1867, cela s'appelait probablement un duché sénatorial. Maintenant, cela s'appelle une division sénatoriale. Sherbrooke porte le nom de division sénatoriale de Wellington. C'est M. Leo Housakos qui est le sénateur de cette division sénatoriale. Le sénateur qui habite Sherbrooke est M. Pierre-Hugues Boisvenu, qui est de la division sénatoriale de Lasalle.
Il n'y a pas de sentiment d'appartenance, ne serait-ce que le lien fondamental que les sénateurs ont avec le gouvernement. Je vais donner deux exemples très rapidement.
Le premier exemple est celui de M. Housakos, un grand financier qui va chercher de l'argent pour le gouvernement. Les journaux ont aussi passablement fait état des relations qu'il avait dans ce milieu.
Le deuxième exemple est celui de Pierre-Hugues Boisvenu, de Sherbrooke. Cet homme a été passablement affligé par les circonstances de la vie. Il était défenseur des droits et de la protection des victimes, mais malheureusement, il est maintenant défenseur de la loi, de l'ordre et de l'approche tough on crime que le gouvernement essaie de mettre en avant.
Nous nous apercevons donc que cela n'a aucune relation avec la vraie vie ou la réalité. Les sénateurs ne sont là que pour servir le gouvernement et le parti au pouvoir. Pour paraphraser Yvon Deschamps, humoriste et homme réaliste québécois: « Le Sénat, qu'ossa donne? »
On devrait tout simplement l'abolir.
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Monsieur le Président, le seul titre du projet de loi , soulève de nombreuses questions pour la Chambre.
Le projet de loi limite la durée du mandat des sénateurs nommés après son entrée en vigueur à une seule période non renouvelable de huit ans. Il maintient également à son niveau actuel l'âge auquel les sénateurs déjà en poste doivent prendre leur retraite, c'est-à-dire 75 ans. Il permet également aux sénateurs dont le mandat a été interrompu de revenir au Sénat pour le terminer. Il prévoit enfin que les sénateurs nommés après le 14 octobre 2008, mais avant l'entrée en vigueur du projet de loi, pourront garder leur qualité de sénateur pour un seul mandat, lequel expirera huit ans après l'entrée en vigueur du projet de loi. Voilà pour la mise en contexte.
Le Parti libéral a clairement — et souvent — dit qu'il était en faveur d'une réforme du Sénat et qu'il souhaitait que cette question soit étudiée. Nous avons cependant toujours affirmé catégoriquement qu'une éventuelle réforme devait aller dans le sens des politiques publiques solides et respecter le plus sacré de nos documents, la Constitution.
Nous espérons donc que le comité étudiera et amendera le projet de loi dont la Chambre est aujourd'hui saisie et que le texte qu'il soumettra ensuite à la Chambre respectera la Constitution de même que le rôle que les provinces doivent jouer dans la réforme des institutions démocratiques.
Ce projet de loi constitue une autre tentative du gouvernement conservateur du de démanteler le Sénat petit à petit. Il faut absolument que l'ensemble des Canadiens et que tous mes collègues de la Chambre et du Sénat comprennent bien qu'on ne parle pas ici d'un simple remodelage cosmétique d'une ancienne mais vénérable institution. Cette mesure législative équivaut à une véritable réforme des institutions parlementaires, réforme qui nous est soumise aujourd'hui sans que les provinces et les territoires n'aient été consultés.
Ne nous leurrons surtout pas en pensant qu'il s'agit d'autre chose qu'une nouvelle tentative du gouvernement conservateur de transformer unilatéralement notre système de démocratie parlementaire. Le gouvernement a toujours affiché un profond mépris pour la Constitution et pour ses interlocuteurs au sein de la fédération.
Ce n'est pas la première fois que le gouvernement s'en prend au Sénat et, par extension, au Parlement, avec ses soi-disant plans de réforme. Nous en voyons aujourd'hui la troisième version. Peut-être le et les conservateurs croyaient-ils que le chiffre 3 leur porterait bonheur. J'ai quant à moi envie de leur rappeler qu'après trois prises, le frappeur est retiré.
La Chambre a été saisie du projet de loi pour la première fois à la première session de la 30e législature. Il s'agissait alors du projet de loi S-4. À l'époque, le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles avait proposé plusieurs amendements. Plus précisément, le comité proposait de faire passer la durée du mandat des sénateurs de huit ans à quinze ans. Cette modification est importante pour les principes de la démocratie parlementaire sous-tendant notre Constitution.
Un mandat de huit ans permettrait théoriquement à un parti ayant remporté deux majorités consécutives de nommer toute une équipe de sénateurs qui approuverait automatiquement les mesures législatives du parti au lieu d'effectuer un second examen réfléchi, comme doit le faire le Sénat.
Le comité permanent a indiqué qu'un mandat de quinze ans permettrait au Sénat de disposer de l'expérience et de l'expertise nécessaires pour s'acquitter de ce second examen réfléchi prévu par la Constitution. Le comité a également recommandé que ce projet de loi et chacune de ses versions soient renvoyés à la Cour suprême du Canada. Le caucus sénatorial libéral a repris cette importante recommandation. Il a demandé au gouvernement le renvoi de ce projet de loi à la Cour suprême afin qu'elle détermine s'il exige une modification constitutionnelle approuvée par sept des dix provinces représentant 15 p. 100 de la population du Canada.
L'historique de cette mesure législative fait ressortir la gravité de la question dont est saisie la Chambre.
Avec cette troisième tentative de réforme parlementaire, le et le gouvernement conservateur trahissent une fois de plus leurs sentiments profonds à l'égard du Sénat.
Il semble que le ne se préoccupe pas du caractère des institutions dont il prétend être responsable ou que celui-ci lui échappe. Le premier ministre peut bien affirmer avec désinvolture qu'il fixe les règles lorsque cela lui chante, mais il fait rarement la preuve qu'il a véritablement l'intention de présenter les prétendues règles sous formes de politiques publiques avisées.
Le Sénat a été créé pour protéger et défendre les intérêts et les droits des régions et des provinces. C'était nécessaire pour protéger les régions contre les gouvernements majoritaires à la Chambre des communes. Le tente maintenant de contourner complètement les provinces. C'est un autre exemple du déni de l'esprit de notre fédération par le premier ministre.
Précisons que, contrairement au discours dénaturé et à l'idéologie des conservateurs, ce sont les provinces elles-mêmes qui ont exprimé avec passion une préoccupation au sujet de la réforme du Sénat. Le préfère oublier que les provinces sont nos partenaires constitutionnels. Une telle arrogance et un tel mépris pour ses homologues provinciaux n'est ni logique ni juste.
Disons également qu'il n'y a pas que des sénateurs libéraux qui se disent préoccupés par la réforme du Sénat. Des sénateurs libéraux et des députés libéraux souhaitent des réformes intelligentes et rationnelles qui tiennent compte des principes et de l'esprit de notre Constitution et qui incluent toutes les provinces en tant que partenaires égaux ayant des voix égales dans les discussions.
Pas moins de quatre gouvernements provinciaux ont exprimé publiquement leur forte opposition à l'interprétation unilatérale que le fait de la Constitution et à sa tentative unilatérale de réformer nos institutions. L'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador ont tous déclaré clairement que s'ils ne sont pas inclus aux discussions, ils n'auront d'autres choix que de s'adresser à la Cour suprême.
Si le s'obstine à susciter la discorde par son refus d'entendre des opinions contraires, que ce soit au Parlement, dans ses comités ou dans les provinces, comment peut-il affirmer qu'il procède à une réforme démocratique? Comment le premier ministre et le gouvernement peuvent-ils prétendre à la Chambre, en toute bonne foi, entreprendre de telles réformes au nom de la démocratie quand les objections des gouvernements des deux plus grandes provinces du Canada et de deux des plus petites, qui représentent plus de 50 p. 100 de la population du Canada et trois de nos quatre régions décrites dans notre Constitution, ont été carrément balayées du revers de la main?
L'affaire est claire. Le et son gouvernement ne peuvent pas, constitutionnellement, procéder unilatéralement. Si le gouvernement conservateur tient vraiment à procéder à des réformes parlementaires justes et démocratiques, le premier ministre doit d'abord demander par renvoi constitutionnel à la Cour suprême s'il peut seulement entreprendre de telles réformes autoritaires. Le premier ministre pourrait au moins discuter avec les provinces dans le cadre de consultations véritables et obtenir leur consentement aux termes de la Constitution.
Franchement, dans le projet de loi actuel, qui constitue un troisième essai, le nie complètement l'esprit de la Constitution. Malheureusement, le premier ministre ne veut apparemment rien savoir de l'une ou l'autre option. Nous nous retrouvons à nouveau au même point.
Que la Chambre se souvienne de la déclaration des premiers ministres provinciaux, le 28 juillet 2006, dans le cadre du Conseil de la fédération:
[...] le Conseil de la fédération doit prendre part à toute discussion concernant des changements aux caractéristiques les plus importantes de grandes institutions canadiennes telles que le Sénat et la Cour suprême du Canada.
Le n'en a-t-il pas été informé, ou ne veut-il rien entendre de qui que ce soit?
Je redirai ce que j'ai dit plus tôt: ce qu'on propose, ce n'est ni plus ni moins qu'une réforme complète de notre régime de démocratie parlementaire. Le croit-il que personne ne s'intéresse à la question ou n'y prête attention? Il a fait la même erreur la dernière fois qu'il a prorogé le Parlement. Nous avons très bien su ce qu'en pensaient les Canadiens.
Le Sénat est important pour les libéraux. Nous nous préoccupons de la question, car elle touche au coeur même de notre démocratie et des principes de justice, d'équilibre et de bon sens.
J'attire l'attention de la Chambre sur l'alinéa 42(1)b) de la Constitution: « Ces modifications ne peuvent être apportées unilatéralement par le Parlement grâce à la simple adoption de lois; elles nécessitent l’autorisation d’au moins deux tiers des provinces dont la population confondue représente au moins cinquante pour cent de la population de toutes les provinces. » Le projet de loi n'est rien de moins qu'une tentative de modifier de façon importante les pouvoirs et la fonction du Sénat.
On dirait que le gouvernement n'a même pas lu la Constitution. Les changements proposés outrepassent les pouvoirs accordés au Parlement du Canada. Ils nécessitent l'adoption coordonnée d'une modification de la Constitution, qui doit à son tour respecter une formule précise qui est définie dans la Constitution.
Nous aurions pu obtenir une décision de la Cour suprême à ce sujet il y a longtemps et nous aurions pu faire progresser la réforme du Sénat de façon judicieuse et conformément à la Constitution. Au lieu de cela, le a choisi de simplement présenter de nouveau les mêmes projets de loi, encore et encore. Au lieu d'écouter ses partenaires constitutionnels, au lieu d'écouter les provinces ou même la Cour suprême, le premier ministre choisit de remplir le Sénat avec un nombre suffisant de ses partisans pour faire adopter de force les réformes du Sénat qu'il préconise.
Le a tenté de présenter les réformes proposées, notamment la limite du mandat des sénateurs à une durée de huit ans, comme de modestes changements qui n'occasionneraient d'ennuis à personne.
Cependant, comme l'ont rapporté de nombreux témoins et comme l'a mentionné par écrit le gouvernement de l'Ontario, ce changement permettrait à un premier ministre au pouvoir pendant deux mandats de nommer tous les sénateurs, ce qui éliminerait toutes les voix pouvant s'opposer à quelque initiative que ce soit. Nous savons que cela est une situation courante dans notre pays. Nous savons qu'il y a eu deux gouvernements libéraux dont les mandats ont duré plus de huit ans. Nous savons qu'il y a eu un gouvernement progressiste-conservateur dont les mandats ont duré plus de huit ans. Il existe donc une possibilité pour que tous les sénateurs aient la même allégeance politique que le parti au pouvoir.
En soi, le projet de loi modifierait radicalement le fonctionnement réel du Sénat et porterait atteinte à son rôle traditionnel en tant que Chambre indépendante de second examen objectif. Le nouveau pouvoir qu'aurait le de nommer tous les membres du Sénat sur une période de huit ans augmenterait considérablement son pouvoir de nomination et compromettrait le fonctionnement indépendant de la Chambre haute. Il en découlerait une institution partisane avec des pouvoirs quasi-égaux à ceux de la Chambre des communes et une institution qui serait susceptible d'exercer ces pouvoirs dans le but de bloquer un gouvernement ou d'entraver son action, créant ainsi une situation embarrassante.
Le gouvernement du Québec a été clair dans son évaluation de l’incidence des réformes du Sénat proposées par l’actuel gouvernement fédéral. Benoît Pelletier, un expert reconnu en droit constitutionnel, a écrit alors qu'il était ministre: « Cette transformation du Sénat soulève des enjeux fondamentaux pour le Québec et la fédération canadienne en général. […] Les projets de loi fédéraux sur le Sénat ne représentent pas un changement limité. »
Le premier ministre de ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, Danny Williams, a écrit au pour lui expliquer le point de vue de son gouvernement au sujet des projets de loi proposés sur la réforme du Sénat. Il a dit que c'étaient:
des tentatives pour remanier la Constitution du Canada afin de modifier considérablement les pouvoirs du Sénat et le mode de sélection des sénateurs au sens de l’alinéa 42(1)b) de la Loi constitutionnelle de 1982. Ces modifications ne peuvent être apportées unilatéralement par le Parlement grâce à la simple adoption de lois; elles nécessitent l’autorisation d’au moins deux tiers des provinces dont la population confondue représente au moins cinquante pour cent de la population de toutes les provinces.
Voilà le principe de la démocratie. Celui-ci dicte que nous avons le devoir de faire participer nos partenaires constitutionnels, de veiller à ce que chacun puisse se prononcer sur la façon dont notre pays est gouverné, si bien qu'en plus d'avoir une Chambre des communes où siègent nos représentant élus, nous avons aussi un Sénat composé de personnes nommées, dont le rôle consiste à effectuer un second examen objectif des décisions de la Chambre des communes.
L'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, Shawn Graham, a écrit ceci:
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a examiné attentivement la modification proposée [...] et ne peut pas l’appuyer dans sa forme actuelle. [...] Notre étude de la jurisprudence sur la question, formulée dans l’énoncé de principe ci-annexé, appuie l’idée que les provinces doivent accorder leur consentement à tout changement touchant la représentation au Sénat.
Soyons clairs. Le Parti libéral est en faveur d'une réforme du Sénat. Nous l'avons répété maintes fois. Toutefois, cette réforme doit se faire en consultation avec nos partenaires et dans le respect de la démocratie. Par surcroît, elle doit refléter une politique publique saine et être conforme à la Constitution.
Pour détourner l'attention de ses dépenses scandaleuses, le gouvernement conservateur continue de sabrer dans les programmes sociaux, porte le déficit à 55,6 milliards de dollars, dépense de façon inconsidérée pour les sommets du G8 et du G20 et prend des mesures absolument inutiles.
Je pense à un organisme comme KAIROS et aux fonds dont il a besoin. Le gouvernement ne s'en préoccupe pas. En fait, il a même rejeté sa demande de subvention. Pourtant, KAIROS a fait énormément dans l'intérêt de nombreuses personnes, au Canada comme à l'étranger.
Il y a un problème quand le gouvernement pense qu'il n'est pas important de faire les choses correctement, mais s'attache plutôt à abolir le Sénat ou à faire passer le mandat des sénateurs à huit ans, ce qui ne servira en rien la démocratie dans ce pays.
Les libéraux continueront à exiger du gouvernement qu'il mène des discussions sérieuses avec les provinces à ce sujet. Les provinces ont été très claires. Elles ont fait connaître leurs préoccupations. Qu'y a-t-il de mal à écouter nos partenaires? Qu'y a-t-il de mal à reconnaître qu'ils ont un rôle à jouer? Qu'y a-t-il de mal à reconnaître que leur avis est important, et ce, dans n'importe quelle démocratie, mais en particulier quand on est convaincu que ce sont vraiment des partenaires de notre Confédération?
Aujourd'hui, nous avons un qui est antidémocratique, qui ne pense pas que les provinces et les territoires ont un rôle à jouer. Comme il l'a dit, c'est lui qui fixe les règles. Il décide donc que le mandat des sénateurs sera de huit ans. Si son gouvernement était majoritaire, il remplirait le Sénat de gens partageant ses convictions politiques au point que le second examen objectif — qui est si essentiel lors de l'étude de n'importe quelle mesure législative ou lors des décisions que nous prenons en tant qu'élus à la Chambre des communes — n'existerait tout simplement plus.
C’est là un grave problème. Le gouvernement doit écouter. Il ne doit pas simplement présumer qu’il a toutes les réponses. Il y a des personnes qui peuvent apporter une contribution. Il y a des personnes dont l’expérience et le savoir n’ont pas de prix, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat.
Il est vrai que la façon dont les Canadiens perçoivent la démocratie a évolué depuis 1867. En tant que libéraux, nous avons à cœur de faire en sorte que nos institutions reflètent cette évolution, le cas échéant.
Le Sénat est un élément essentiel de la démocratie constitutionnelle canadienne et, en tant que députés, nous siégeons ici parce que nous avons pris l’engagement d’améliorer notre pays dans le cadre des institutions démocratiques dont nous avons le privilège de faire partie.
Le Sénat est une institution qui peut être fière de son histoire, une institution dont les membres ont réalisé d’importants travaux au fil des ans. En effet, certains des rapports importants qui ont été rédigés par des sénateurs qui ne ménagent pas leurs efforts ont été d’une aide précieuse pour les députés qui prennent vraiment leur travail au sérieux.
Comment pouvons-nous simplement ignorer le Sénat et le travail dont il s’acquitte? Comment pouvons-nous simplement décider que cette institution n’est pas importante ou que le mandat des sénateurs ne devrait pas dépasser huit ans? À la fin de ces huit années, ne perdrions-nous pas des personnes ayant accumulé une expérience précieuse, des personnes dotées d’une grande expertise qui ont tellement à offrir et qui tiennent à apporter leur contribution à notre pays?
Cependant, afin de pouvoir profiter de cette contribution, nous estimons que le mandat des sénateurs devrait être de 15 ans et non pas de huit ans. Les sénateurs seraient ainsi remplacés, mais nous ne risquerions pas de nous retrouver avec des sénateurs d’une allégeance unique, et nous pourrions continuer de compter sur un second examen objectif. Nous avons connu ce genre de débats éclairés, à l’époque où les libéraux étaient majoritaires au Sénat, ce qui est tout le contraire dans un Sénat à majorité conservatrice.
Le Parti libéral préconise un Sénat dont les membres sont en mesure d’apporter leur précieuse contribution à la vie publique et au bien collectif. Toute mesure législative visant à modifier la durée du mandat des sénateurs doit respecter l’esprit de cet engagement.
Bien que nous restions ouverts à la réaction du comité au projet de loi, nous n’appuierons une version amendée du projet de loi que si elle reflète une politique publique rationnelle et que si elle est conforme à la Constitution.
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Monsieur le Président, j'étais très impatient d'intervenir dans le débat sur le projet de loi , sur la limitation de la durée du mandat des sénateurs, non pas parce que la mesure en question pourrait améliorer le sort de notre pays et notre avenir, mais bien parce qu'elle nous donne, à mon parti et à moi, l'occasion de parler d'une des pires lacunes de notre système parlementaire, lacune qu'il faut combler si l'on veut améliorer le Parlement de manière à entamer le processus par lequel les Canadiens retrouveront la confiance nécessaire dans leurs systèmes démocratiques.
J'emploie délibérément le mot « démocratique » parce que tout ce qui se dit aujourd'hui dans notre institution démocratique, la Chambre des communes, porte sur une sorte de relique historique — c'est justement comme cela que le appelait le Sénat à une époque — qui permet aux copains du premier ministre du jour d'obtenir un poste jusqu'à l'âge de 75 ans sans avoir à rendre de comptes à qui que ce soit et sans représenter qui que ce soit, relique dont le fonctionnement coûte 90 millions de dollars par année aux contribuables, et à quelles fins?
Il est un peu fort pour les libéraux de parler du Sénat et d'accuser les conservateurs d'y nommer ses acolytes. Il semble que le parti même s'inspire de l'idée selon laquelle le simple fait de penser qu'on mérite d'être au pouvoir suffit pour y arriver, que le simple fait de connaître les bonnes personnes suffit pour exercer une influence au Canada. C'est une honte, parce qu'à la base, tout mouvement politique, pour peu qu'il défende quelque chose, devrait au moins défendre le moment où les électeurs se rendent dans l'isoloir et prennent une décision qui marquera leur avenir et celui de leur collectivité. C'est un moment sacré dans notre démocratie.
En réponse aux élus de notre enceinte qui se portent à la défense d'un Sénat non élu dont les membres connaissaient simplement les bonnes personnes, j'aimerais lire une citation. J'ai recueilli un bon nombre d'excellentes citations, mais le sénateur Gerstein, tout fraîchement nommé par le gouvernement conservateur, a dit quelque chose qu'il est très important, à mon avis, de mettre en contexte. Le 27 janvier 2009, le bon sénateur Gerstein a dit:
Chacun d'entre vous sait pourquoi il est ici. Je vous demande votre indulgence, car je voudrais vous dire pourquoi je suis ici.
Eh bien, je vous dirai que je n'admets pas être un « collecteur de fonds », je le proclame.
Il n'admet pas avoir été un collecteur de fonds pour les conservateurs, et même un très bon collecteur de fonds semble-t-il, il le proclame. Il dit qu'il a été nommé au Sénat parce qu'il avait aidé le gouvernement de l'époque à recueillir des fonds. Il n'a pas été nommé au Sénat pour ses capacités à analyser un projet de loi, à réfléchir aux affaires de l'État ou à déterminer l'orientation de notre pays. Il y a été nommé parce qu'il est plus efficace que d'autres à soutirer de l'argent aux partisans des conservateurs. Le premier ministre semble bien aimer cela; c'est pourquoi il lui a offert un poste aussi attrayant. Il n'a de comptes à rendre à personne. Il reçoit 140 000 $ par année pour ne faire pratiquement rien s'il le désire, en se présentant au travail moins de 50 jours par année.
La plupart des Canadiens trouveraient cela choquant, et c'est le cas.
La raison pour laquelle nous appuyons et ridiculisons cette mesure législative, c'est qu'elle ne fait qu'apporter des solutions symboliques à un problème fondamental. Elle laisse croire qu'il est possible d'imposer une certaine forme de reddition de comptes à une assemblée qui n'a de comptes à rendre à personne. Nous savons que cette approche est irréalisable. Nous sommes persuadés que, lorsque des témoins viendront dire que la Constitution prévoit ceci et cela, les bricolages qui entourent cette caisse noire de 90 millions de dollars au bout du corridor n'apporteront aucune amélioration sur le plan démocratique.
Voici un second examen objectif. Il n'y a pas d'objectivité dans la nomination des sénateurs. Il n'y avait pas d'objectivité, hier soir, lorsqu'ils ont décidé, sans aucune forme de débat ou de discussion, de rejeter une mesure législative qui avait été adoptée démocratiquement ici. Ils n'ont pas eu le moindre égard pour cette mesure législative adoptée démocratiquement. Ils ont simplement décidé de la rejeter.
Certains de mes collègues diront « Et après? Il ne s'agit que d'un projet de loi et peut-être que certains conservateurs ne l'aimaient pas. » Je leur répondrai qu'il s'agit d'une assemblée dont les membres sont nommés, et non élus, et qui a le pouvoir de faire fi de la volonté démocratique de la Chambre. Nous tous qui siégeons à la Chambre avons un lien qui nous unit à nos électeurs et que nous obtenons grâce aux élections. Que ce soit à titre de parti ou individuellement en tant que députés, nous cherchons tous à obtenir un mandat pour pouvoir, nous l'espérons, améliorer la vie de nos concitoyens.
Certains estiment que, lorsque nous bossons ferme sur un projet de loi, que nous y apportons des changements, que nous menons des études et que nous transmettons le résultat à l’autre endroit, ces gens ne vont pas le retoucher ou en effacer quelques lignes, mais ils peuvent en fait le mettre au rancart, sans aucun recours de notre part. Le gouvernement se dit que, s’il n’arrive pas à ses fins à la Chambre des élus, il y arrivera à la Chambre des parlementaires non élus. C’est très bien.
Je demande donc aux députés conservateurs de considérer ce que serait l’avenir si l’une des traditions constitutionnelles fondamentales de la démocratie parlementaire canadienne commençait à aller à vau-l’eau et que des gens nommés, sans aucune responsabilité, sans circonscriptions, sans personne à qui rendre des comptes, sans personne pour les astreindre à plus de rigueur, pouvaient simplement miner les lois et opposer leur veto à la volonté de notre Chambre. Qu’obtenons-nous donc de concret pour 90 millions de dollars?
J'aimerais bien qu’il ne s’agisse que d’un simple irritant. Compte tenu des 90 millions de dollars que nous y injectons, j’oserais espérer que ce soit un problème purement occasionnel. Cependant, ce n’est pas ce que nous en retirons. En effet, nous avons créé un système et nous avons permis à ce système de se maintenir, un système grâce auquel nous finançons l’érosion même de nos principes démocratiques. N’est-il pas totalement obscène de penser que les Canadiens puissent se dire qu’ils paient des gens pour aller travailler à saper le travail des députés élus?
Ce système donne un contrôle direct au premier ministre du moment. Nous le savons. Voici donc une citation intéressante tirée des propos tenus par un doreur d’image conservateur juste après que le eut fracassé le record en matière de nominations. Le Canada est un pays relativement jeune, mais depuis que le Canada existe, personne avant le premier ministre actuel, en aucune circonstance, n’avait établi un tel record absolu en nommant 27 sénateurs en un an.
Un doreur d’image conservateur a dit qu’il nous fallait au Sénat des conservateurs loyaux au parti, à la cause et au . Il faut noter qu'il n'a pas fait mention de la loyauté à l’égard du pays. Voilà en fait pourquoi ces gens sont au Sénat. Voilà pourquoi ils ont été nommés, comme le sénateur Gerstein l’a fait remarquer avec grande éloquence. Il a dit qu’il était un collecteur de fonds, qu’il en est fier et que c’est la raison pour laquelle il a été nommé. Il ne parlait pas seulement de lui-même. Il y en a d’autres, bien entendu, qui ont été nommés en raison du succès de leurs activités de financement plutôt que pour leurs capacités intellectuelles ou leur dévouement envers le pays.
Je pense que les Canadiens sont des gens indulgents. Ils permettent à leurs politiciens de commettre des erreurs de temps en temps. La rédemption est toujours possible. Nous pouvons poser un geste que, plus tard, nous regrettons, puis nous pouvons toujours corriger cette erreur.
Ce que les Canadiens ne peuvent tolérer, c’est la pure hypocrisie. Je vais lire quelques autres citations que j’estime importantes. Elles sont plutôt récentes, ce qui est aussi significatif.
Voici une affirmation datée du 15 janvier 2004:
En dépit de l'excellent travail accompli par bon nombre de sénateurs, la Chambre haute reste un repaire de protégés du premier ministre.
Celui qui a dit cela, c'est l'actuel . Nous ne pouvons que le prendre au mot, car en nommant un nombre record de protégés, il fait en sorte que le système se perpétue.
Je cite une autre déclaration qui a été faite un peu plus tard, en 2006:
Un gouvernement conservateur ne nommera pas au Sénat des personnes n'ayant pas obtenu un mandat des électeurs.
Il a bien dit « ne nommera pas », et non « pourrait ne pas nommer » ou « envisage de ne pas nommer ». Il s'agit tout simplement d'une promesse non tenue. À mon avis, ce qui exaspère les gens qui ont voté pour les conservateurs lors des dernières élections, c'est qu'ils ont cru en ces paroles parce qu'elles étaient claires. Il n'y avait ni nuance, ni subtilité.
Je sais que mes collègues conservateurs ici présents ont tenu des propos semblables lorsqu'ils étaient en campagne électorale, lorsqu'on a soulevé le sujet du Sénat au cours des débats auxquels prenaient part tous les candidats. Ils avaient vu comment se comportait le Sénat libéral. Ils se rappelaient le temps où le gouvernement Mulroney remplissait le Sénat année après année et ils estimaient que c'était un abus de pouvoir. Je croyais à ce qu'ils disaient et, à mon avis, leurs électeurs aussi. Les gens qui ont voté pour eux les croyaient alors, mais comment peuvent-ils encore les croire aujourd'hui? Comment le peuvent-ils après que les conservateurs soient restés tant d'années au pouvoir et qu'ils aient remporté la palme du copinage?
Ma dernière citation, tirée du hansard, est un peu plus vieille:
Ils ont honte de voir que le premier ministre continue de procéder à la nomination scandaleuse et non démocratique de libéraux non démocrates à un Sénat qui ne l'est pas plus, et cela, pour faire adopter des lois trop souvent non démocratiques.
L'actuel a tenu ces propos le 7 mars 1996.
La nomination des sénateurs est une relique du XIXe siècle. Pourquoi le gouvernement voudrait-il présenter un projet de loi qui ne semble que rafraîchir une vieille relique en affirmant qu'il nous présente quelque chose de nouveau et de bien spécial?
Les néo-démocrates, c'est notre nom, sont d'avis que la démocratie est une chose tellement fondamentale que nous devons nous battre tous les jours pour sa survie et son renouveau, parce que la démocratie n'est pas un droit. Nos ancêtres ont dû lutter pour l'obtenir. Pendant des générations, le sang a coulé et, aujourd'hui, nous devons faire des efforts pour la maintenir.
Nous en avons eu un exemple flagrant hier soir lorsque nous avons appris avec consternation que le Sénat avait subrepticement demandé le vote sur un projet de loi. Je suis étonné que les sénateurs se soient même donné la peine de voter. Le vote portait sur un projet de loi qui, ironiquement, porte le titre de Loi sur la responsabilité en matière de changements climatiques. Que propose ce projet de loi? Il établit que nous devons fixer des objectifs en vue de la réduction graduelle des émissions de gaz à effet de serre et que le gouvernement devrait dévoiler ses plans et, par la suite, faire rapport des résultats obtenus. Qu'y a-t-il d'insultant dans tout cela? Le gouvernement serait obligé de rendre des comptes. Pour ce qui est des changements climatiques, tant sous les précédents gouvernements libéraux que sous le gouvernement conservateur actuel, il n'y a jamais eu de reddition de comptes.
Je me souviens des commentaires virulents de mes collègues conservateurs au moment où ils étaient dans l'opposition. Ils demandaient des comptes. Des promesses ont été faites et elles n'ont pas été tenues. C'est ce que le projet de loi devait consacrer. C'est la seule mesure législative portant sur les changements climatiques à la Chambre. Ou plutôt, c'était la seule jusqu'à ce que le Sénat demande un vote hier soir et en sonne le glas.
On pourrait s'imaginer que les sénateurs ont étudié le document puisqu'ils l'ont en main depuis 191 jours. Ils doivent s'être penchés sur le texte et y avoir trouvé de terribles lacunes au cours de leurs débats et discussions et dans les témoignages des experts qu'ils ont entendus. Mais il n'y a pas eu de témoin, ni de débat. Aucune discussion. Les sénateurs ont tout simplement anéanti le projet de loi sans aucune justification. Un groupe de libéraux se sont absentés. Un groupe de conservateurs se sont prononcés contre, de façon antidémocratique. Les conservateurs n'y voient pas de problème. Une telle façon d'agir mine notre travail et le but de notre présence ici. Elle mine la valeur des dernières élections, de celles qui les ont précédées et des prochaines. Le Sénat doit être aboli.
Certains diront que cela n'est pas possible. Pourtant, il n'y a pas de Sénat dans les provinces et les territoires, mais il y en a déjà eu. En fait, il y en avait beaucoup. En 1892, le Nouveau-Brunswick a aboli son Sénat. La Nouvelle-Écosse l'a imité en 1928 et, plus récemment, le Québec a supprimé son Sénat en 1968. Ces provinces ont décidé qu'il ne valait pas la peine d'investir temps et argent dans ces assemblées soi-disant de second examen objectif. Elles se sont rendu compte qu'elles pouvaient être objectives et tenir des examens. Elles pouvaient faire cela. En fait, c'est ce qu'elles font tout le temps.
L'Île-du-Prince-Édouard et le Manitoba ont aboli leur Sénat en 1893 et en 1876, respectivement. Ces provinces avaient constitué des Sénats et avaient mis le concept à l'essai. Je suis sûr qu'elles les croyaient utiles. En tout cas, ceux qui souhaitaient siéger dans ces assemblées estimaient qu'elles étaient utiles.
La démocratie a-t-elle été affaiblie dans nos provinces et nos territoires? Craignons-nous qu'en Ontario, à l'Île-du-Prince-Édouard et au Québec, la démocratie n'existe plus, qu'il manque un second examen objectif et que des projets de loi qui ne devraient pas être adoptés le soient? Bien sûr que non.
La prochaine question que les Canadiens devront se poser est la suivante: si les sénateurs peuvent faire cela avec un projet de loi sur les changements climatiques, quelle sera leur prochaine cible? Quel sera le prochain projet de loi à subir le même sort parce que le ne l'aime pas, mais qu'il ne peut pas s'en débarrasser à l'assemblée des élus? Il se dira: « Qu'importent les élections, il suffit de demander à mes copains du Sénat de rejeter le projet de loi. »
Il semble que, pour lui, le Sénat est l'endroit idéal où envoyer ses copains, ses collecteurs de fonds, ses doreurs d'image, d'anciens présidents du parti et des candidats défaits. Les critères de sélection sont très précis. Il faut avoir des liens profonds et loyaux non pas avec le pays, Dieu ou la reine, mais plutôt avec le Parti conservateur. C'est la qualité essentielle qu'il faut posséder.
Le gouvernement fait du rafistolage et dit qu'il va limiter la durée du mandat des sénateurs. Il pense que les collecteurs de fonds, les doreurs d'image, les anciens présidents du parti et les candidats défaits feront l'objet d'une nomination partisane d'une durée de seulement huit ans plutôt que de 20, 30 ou 40 ans. Or, toute nomination partisane est mauvaise.
Je me souviens que les députés du Parti conservateur-réformiste-allianciste parlaient tous du nid de favoritisme politique qu'était le Parti libéral du Canada. Le Parti réformiste est né en réaction au népotisme du gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney. Alors qu'il s'apprêtait à quitter ses fonctions, Brian Mulroney signait à toute vapeur ces nominations partisanes. Le Parti réformiste est né d'un ras-le-bol à cet égard. L'Ouest voulait avoir son mot à dire. Il exigeait des comptes.
Le premier projet de loi que le Sénat a torpillé en 70 ans, c'est le projet de loi sur la responsabilité en matière de changements climatiques. Ce ne sont plus que des mots, maintenant. Peu importe les promesses que le premier ministre fera aux prochaines élections, elles seront vides de sens.
Ce qui me préoccupe et m'attriste au sujet de toute cette question, c'est qu'elle érode le peu de confiance qu'a encore la population canadienne en la raison d'être de cette institution. Pourquoi la population se donnerait-elle la peine de voter? Nous déplorons tous la faible participation électorale. Nous déplorons tous le fait que les jeunes ne s'intéressent pas à la politique. Comment pourrait-il en être autrement si nous laissons faire ce geste profondément hypocrite d'un gouvernement qui ne sera jamais mis à l'épreuve ni contesté?
Les fondateurs du Parti conservateur se retourneraient dans leur tombe s'ils savaient que le premier ministre voit d'un bon oeil le fait qu'il bat tous les records de nominations partisanes, c'est le moins qu'on puisse dire. Les libéraux se plaignent parce qu'ils n'ont pu en profiter en premier, qu'ils n'ont pu être les premiers à faire des nominations à qui mieux mieux. Voilà ce que reprochent les libéraux. Ceux que les libéraux ont promis de nommer au Sénat doivent maintenant se résigner à attendre que le Parti libéral forme le gouvernement, si une telle tragédie se produit de nouveau.
Les sénateurs doivent être loyaux envers trois choses: leur parti, la cause et le premier ministre.
Les conflits d'intérêts qui règnent au Sénat ont également de quoi faire peur. En effet, rien n'empêche une personne de continuer de siéger à la fois comme membre du conseil d'administration d'une société et comme sénateur. Et je ne vois rien dans ce projet de loi-là qui oblige les sénateurs à rendre davantage de comptes en la matière. Les sénateurs n'ont pas à se récuser pendant les délibérations portant sur un projet de loi donné, ni à s'abstenir de voter, même s'ils ont des intérêts privés dans celui-ci. Ils peuvent très bien voter de manière à en tirer un avantage personnel sans que personne ne trouve rien à redire. Et à en croire le gouvernement, c'est tout à fait normal.
C'est ce que nous voulons dire quand nous parlons de rafraîchir une vieille relique. Ça demeure une relique, quoi qu'on y fasse. On peut bien dire qu'on l'a rafraîchie, qu'elle est comme neuve, que les craquelures ont été réparées, mais quand on accepte sciemment qu'un organisme soit entaché de conflits d'intérêts sans chercher à rien changer, on tombe, selon moi et selon tout le monde, dans le symbolisme.
Une fois encore, les Canadiens risquent de beaucoup souffrir — et ont beaucoup souffert — à cause des volte-face, des revirements et des changements de cap que leur imposent leurs gouvernements élus. Le gouvernement actuel refuse de tenir un débat juste et libre sur la prolongation — de trois ans — de la dangereuse mission à laquelle le Canada participe en Afghanistan. Les Canadiens ont bien souffert en effet.
Devant un parti qui a fait explicitement campagne sur le thème de la responsabilité, de la transparence et de la réforme du Sénat, puis qui agit de la sorte et dit ensuite « confiez-nous un autre mandat », on peut comprendre pourquoi les Canadiens éprouvent des doutes. Et ils ont raison d'éprouver des doutes, puisque les faits sont clairs.
Nous sommes nombreux à croire à la réalité des changements climatiques, bien que je sois convaincu que certains députés conservateurs pensent encore qu'il s'agit, comme le disait le , d'une conspiration socialiste. Quoi qu'il en soit, il y a des gens qui croient que les changements climatiques constituent un problème bien réel auquel nous devons nous attaquer. D'ailleurs, je pense que certains de mes collègues du Parti conservateur le pensent aussi.
Puisque le gouvernement a détruit le seul projet de loi qui s'attaque à ce problème sans proposer de solution de rechange, le Canada va de nouveau se présenter les mains vides à la prochaine réunion de l'ONU, qui se tiendra au Mexique dans quelques semaines. À l'heure actuelle, pour chaque dollar que nous dépensons au chapitre de l'énergie verte, les Américains en dépensent 22. Les Américains dépensent 22 $ par habitant et nous en dépensons un seul.
Les entreprises d'énergie et de technologies vertes viennent nous voir pour dire qu'elles ont besoin de savoir où nous en sommes quant à l'établissement du prix du carbone et que nous devons agir au chapitre du plafonnement et de l'échange. Le gouvernement répond en disant « Attendons de voir ce que Washington fera ». Il est difficile d'imaginer un renoncement aussi fondamental à notre souveraineté puisqu'il en va de notre environnement et de notre économie.
Enfin, je voudrais proposer l'amendement suivant:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot « Que », de ce qui suit:
« cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (limitation de la durée du mandat des sénateurs), parce que limiter la durée du mandat des sénateurs n'est pas suffisant pour régler les problèmes reliés au Sénat du Canada et ne mènera pas assez rapidement à l'abolition de la chambre haute, dont les événements récents ont montré la nécessité. »
:
Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre la parole sur ce projet de loi aujourd'hui. Ce projet de loi prévoit une certaine réforme du Sénat, l’autre Chambre du Parlement.
J’ai toujours pensé que le Sénat devrait faire l’objet d’une réforme. Le Sénat a été utile depuis la Confédération, mais il devrait être modifié à certains égards, d’après moi. Cependant, je ne crois pas que ce projet de loi réglerait les problèmes ou modifierait cette institution d’une façon importante. Nous avons besoin d’une réforme réfléchie du Sénat. Je l’ai toujours cru, et je continue à le croire.
En tant que député élu, j’ai été un peu surpris de constater à quel point le travail du Sénat était important. Je n’ai pas besoin de m’étendre longtemps là-dessus. Les députés sont conscients du travail qu’a effectué le sénateur Mike Kirby sur la santé, de ses travaux importants sur la santé mentale consignés dans son rapport intitulé De l’ombre à la lumière, qui a mené à la constitution de la Commission de la santé mentale et à sa nomination à la présidence de cette commission.
Les sénateurs ont accompli beaucoup de travail, individuellement et collectivement. D’une certaine façon, le Sénat a traditionnellement fait contrepoids à la nature partisane de la Chambre des communes. L’esprit de parti y a pris plus d’importance dans les derniers jours et les derniers mois, mais cela n'enlève rien à ces importants travaux. Plus récemment, nous avons été témoins du fabuleux travail accompli par un comité sénatorial sur la pauvreté. Ce comité était coprésidé par un sénateur libéral et un sénateur conservateur, soit les sénateurs Art Eggleton et Hugh Segal. Cela montre le genre de travail de grande qualité que deux partis peuvent accomplir ensemble au Sénat.
Aujourd’hui, je suis très heureux que la présidente du Comité permanent des ressources humaines ait déposé son rapport sur la pauvreté et la mise au point d'un plan de réduction de la pauvreté au Canada. Certaines des recommandations contenues dans ce rapport seront semblables à celles qui sont présentées dans le rapport du Sénat, mais pas toutes. Il vaut la peine de prendre en considération les deux études. Le Sénat a accompli des travaux importants qui, selon moi, ont amélioré le débat public et permis l’adoption de meilleures politiques pour le Canada. Je pense notamment aux études réalisées par les sénateurs Segal, Eggleton et Kirby.
Je viens d'une province dont les sénateurs ont depuis longtemps la réputation d'apporter une contribution valable. Un bon ami à moi, le sénateur Cowan, est le leader de l'opposition au Sénat. Les sénateurs Mercer et Moore font un travail remarquable dans de nombreux dossiers, dont celui de l'éducation postsecondaire. Ma coparlementaire de Dartmouth—Cole Harbour, la sénatrice Jane Cordy, et un de mes préférés de tous les temps, le sénateur Al Graham, qui a pris sa retraite il y a environ six ans, ont fait énormément de travail pour les Canadiens et pour tous les citoyens du monde. Cela montre l'important travail que fait le Sénat, et les Canadiens peuvent en être fiers.
Je crois qu'il faut examiner sérieusement la réforme du Sénat. Il est clair que, lorsque le Sénat a été pensé, il devait en grande partie établir un équilibre entre les régions du Canada. En 1867, nous avions les provinces de Québec, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Il y avait 24 sénateurs du Québec, 24 de l'Ontario et 24 autres répartis également entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Lorsque d'autres provinces sont entrées dans la confédération, des sénateurs ont été ajoutés. Notre plus jeune province est Terre-Neuve-et-Labrador, qui s'est unie au Canada en 1949 avec six sénateurs. La tradition sénatoriale a toujours été forte dans cette province.
Il n'y a pas que des sénateurs libéraux. Il y a aussi les sénateurs Oliver et Comeau de la Nouvelle-Écosse et cette forte tradition existe dans tout le Canada. Il y a eu de bons sénateurs et de mauvais sénateurs, comme il y a eu de bons députés et aussi quelques mauvais.
Lorsque l'on envisage une réforme du Sénat, il faut procéder sagement. Le gouvernement actuel accuse le Sénat de tous les maux et il le fait de manière très mesquine.
Je veux citer les paroles du leader de l'opposition au Sénat, le sénateur Cowan, lorsqu'il a parlé de l'idée de la réforme du Sénat lancée par le gouvernement conservateur. Je cite textuellement son discours au Sénat. Il a déclaré: « Je vais commencer par un truisme: la véritable réforme démocratique ne peut être imposée, même pas par un premier ministre. Il est impossible d'améliorer la démocratie en imposant une mesure unilatérale. Dans une démocratie saine, un leader doit être à l'écoute des opinions d'autrui et, dans certaines circonstances, accepter celles-ci même s'il ne les partage pas. »
Il poursuit en disant ceci:
De par sa nature même, une constitution est l'antithèse d'une mesure unilatérale. Une constitution est le fruit d'un débat et de compromis. La Constitution canadienne prévoit un mode de révision détaillé qui a été minutieusement négocié sur une période de plusieurs années. [...] Le gouvernement refuse de discuter des propositions avec les provinces. Il s'entête à dire, en dépit de l'avis de nombreux spécialistes, que le Parlement du Canada a le pouvoir d'adopter seul les modifications constitutionnelles proposées.
Les gens nous font part de leur point de vue. Nous avons entendu des positions très campées de la part de députés du Nouveau Parti démocratique qui croient que le Sénat n'a aucune raison d'exister. Je ne suis pas de cet avis. D'autres nous ont dit qu'ils ne croyaient pas qu'on devrait modifier la formule actuelle. Je ne suis pas de cet avis non plus. Selon moi, nous devons examiner la mesure de façon lucide et raisonnable.
Une collègue du Manitoba a rapporté des discussions tenues au Manitoba, mais d'autres provinces ont dit clairement qu'elles ne comptent pas se plier à une modification constitutionnelle effectuée au hasard. Une telle modification est une chose importante qui concerne leurs intérêts et leur région et elles ne veulent pas se la laisser imposer par le .
Le et le gouvernement nous ont souvent dit que le Sénat retardait les choses. En fait, lors de la prorogation du Parlement plus tôt cette année, le a laissé entendre que le Sénat retardait l'adoption des projets de loi sur la criminalité.
Il y a une très bonne lettre, sur laquelle j'attire l'attention de tous, une lettre datée du 4 février que le sénateur Cowan a écrite au . On peut y lire ceci:
Votre gouvernement a présenté à la Chambre des communes 19 projets de loi liés à la justice. Parmi ceux-ci, 14 étaient encore à la Chambre des communes au moment de la prorogation. Parmi les cinq autres projets de loi qui ont été adoptés à la Chambre des communes et qui se sont rendus au Sénat:
deux ont été adoptés par le Sénat sans amendement;
un autre (connu comme étant celui des « lourdes peines pour les crimes les plus graves ») a été déposé au Sénat par votre gouvernement en novembre dernier mais aucun débat n’a été tenu par la suite;
un autre a été adopté avec quatre amendements et a été renvoyé à la Chambre des communes sans qu'on y ait donné suite avant la prorogation du Parlement;
enfin, un autre était à l'étude en comité lorsque les travaux ont été suspendus.
Votre gouvernement a aussi déposé au Sénat en premier lieu deux autres projets de loi liés à la justice. L'un d'entre eux a été adopté par le Sénat après 14 jours, a été renvoyé à la Chambre des communes, a été adopté, puis a reçu la sanction royale. L'autre a été déposé au Sénat le 1er avril 2009, mais votre gouvernement n'y a pas donné suite depuis.
Il est évident que le Sénat a été montré à tort comme l’entité qui a ralenti l’exécution du programme du gouvernement. Nous savons tous que ce qui a ralenti la mise en œuvre du programme du gouvernement c’est sa propension à proroger le Parlement, pas seulement deux fois au cours des dernières années, mais bien trois fois, si nous remontons jusqu’en 2007. Par conséquent, il est injuste de dire que c’est le Sénat qui a ralenti la mise en œuvre du programme du gouvernement.
Hier soir, on a vu ce qui s'est produit avec un projet de loi qui avait été adopté par la Chambre des communes puis renvoyé au Sénat. Pour la première fois de l’histoire de notre pays, la première fois depuis la Confédération, un projet de loi adopté par la Chambre des communes a été sabordé par le Sénat sans même avoir été renvoyé au comité.
Je crois qu’il s’agit là d’un abus du processus démocratique typique d’un gouvernement qui a choisi de proroger le Parlement, qui a choisi de ne pas tenir compte de la volonté du Parlement à un certain nombre d’occasions, un gouvernement qui accuse le Sénat de tous les maux quand il devrait plutôt assumer ses responsabilités et reconnaître son incapacité à faire adopter son propre programme.
C’est la simple vérité. Nous avons un organe législatif bicaméral. Depuis bien des générations, depuis la Confédération, le Canada est doté d’un système composé de deux organes. Il y a la Chambre des communes, dont les députés sont élus. Il y a le Sénat, dont les sénateurs sont nommés. Les sénateurs devraient-ils être élus? La durée de leurs mandats devrait-elle être limitée? Voilà qui pourrait faire l’objet d’un débat.
Cependant, ce qui ne peut pas faire l’objet d’un débat, c’est la façon dont le gouvernement a politisé le Sénat comme jamais auparavant afin de faire croire que c'était l’autre endroit qui entravait la volonté du Parlement. Qui plus est, hier soir, pour la première fois de notre histoire, le Sénat dominé par les conservateurs a mis à mort un projet de loi adopté conformément à la volonté du Parlement.
Nous devons réformer le Sénat. Nous devons étudier la question sérieusement, mais sans oublier le bon travail que peut aussi faire le Sénat. Dans le cadre de ce processus, nous devons rehausser la démocratie et surtout éviter de l’endommager davantage.
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Monsieur le Président, le gouvernement conservateur nous propose à nouveau aujourd'hui, pour la énième fois, le projet de loi sur la réforme du Sénat qui aurait pour but de limiter la durée des mandats des sénateurs à huit ans. Le projet du gouvernement est inacceptable parce qu'un tel changement représente une modification majeure au régime du Sénat, qui ne peut se faire que par une modification au texte constitutionnel exigeant l'approbation de sept provinces et totalisant 50 p. 100 de la population canadienne.
En voulant modifier unilatéralement l'un des éléments majeurs du régime sénatorial, le gouvernement conservateur tente de faire fi du pouvoir des provinces. Cela prouve encore une fois, si cela avait besoin d'être prouvé, que ce gouvernement qui s'est fait élire, entre autres, sur la promesse de diriger de façon moins centralisatrice et de respecter davantage les compétences et les aspirations des provinces, éprouve en fait un mépris évident pour celles-ci et pour le Québec en particulier.
En effet, les preuves en ce sens ne font que s'accumuler. Déjà, le gouvernement conservateur s'oppose toujours à toute proposition visant à concrétiser la reconnaissance de la nation québécoise. Il n'est jamais passé de la parole aux gestes. Au contraire, il se refuse à reconnaître que la nation québécoise a une langue: le français. Il continue plutôt ses efforts pour rendre bilingue davantage le Québec, faisant obstacle, entre autres, à ce que les entreprises relevant de sa compétence puissent être soumises à la Charte de la langue française et à la loi 101. Il se refuse à considérer l'existence de notre culture nationale, que ce soit dans l'application de ses lois ou dans le fonctionnement de toutes ses institutions ayant une portée culturelle ou identitaire. Il se refuse à reconnaître que notre nation a des besoins et des aspirations différentes de celles du reste du Canada. Il continue plutôt à promouvoir une forme de multiculturalisme qui fait du fait français, du fait québécois, une minorité parmi d'autres et encourage les nouveaux arrivants à conserver leur culture d'origine, et cela, au dépend de la pérennité de notre culture nationale qui s'en trouve directement menacée. Ce gouvernement conservateur refuse même d'envisager que le Québec puisse se doter d'un conseil de la radiodiffusion et des télécommunications qui puisse faire des règlements en fonction des intérêts et des défis particuliers du Québec.
Aussi, au chapitre des politiques centralisatrices de ce gouvernement, figure également sa volonté de créer une seule instance de réglementation des valeurs mobilières pour tout le Canada, alors que le système actuel fonctionne parfaitement bien. N'en doutons pas, on peut déjà compter aussi le refus qu'il assénera aux provinces de limiter le pouvoir fédéral de dépenser.
Tout cela en dit long, malheureusement, sur la valeur des engagements qu'avait pris ce gouvernement de respecter davantage les provinces, leurs champs de compétence et leurs aspirations. Maintenant, ce gouvernement pousse ses velléités centralisatrices encore plus loin, passant par-dessus la tête du Québec et des provinces afin d'apporter de façon unilatérale des changements à l'un des éléments majeurs du système démocratique canadien, changements qui, comme nous l'avons souligné plus tôt, relèvent d'une modification au texte constitutionnel et requièrent l'aval des provinces.
La Constitution canadienne est une constitution fédérale. On aurait pu croire qu'on n'apprendrait rien à qui que ce soit en affirmant cela, mais il semble bien qu'il en soit autrement. Toutes les réformes touchant les pouvoirs du Sénat, la méthode de sélection des sénateurs, le nombre de sénateurs auxquels une province a droit et les exigences de résidence des sénateurs ne peuvent donc être apportées qu'en consultation avec le Québec et les provinces. De tels changements touchent à des caractéristiques essentielles de notre régime démocratique fédéral et doivent, par conséquent, échapper au pouvoir d'un seul Parlement central et relever d'un accord entre les provinces. C'est une réalité que le gouvernement choisit clairement d'ignorer.
D'ailleurs, le gouvernement du Québec, dirigé par un parti fédéraliste, je le souligne, a clairement émis son opinion en ce sens. En novembre 2007, le ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, a réitéré la position traditionnelle du Québec en disant:
Le gouvernement du Québec considère que cette institution ne relève pas exclusivement du palier fédéral. Puisque le Sénat est au coeur du compromis fédératif canadien, il est clair pour nous qu'il ne peut y avoir de réforme du Sénat ni d'abolition sans le consentement du Québec, le tout en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982 et de la Loi concernant les vetos régionaux.
La même journée, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité la motion suivante:
Que l'Assemblée nationale du Québec réaffirme au gouvernement fédéral et au Parlement du Canada que toute modification au Sénat canadien ne peut se faire sans le consentement du gouvernement du Québec et de l'Assemblée nationale.
Le gouvernement avait ainsi formellement exigé la suspension des travaux sur le projet de loi , devenu depuis le projet de loi sur la limitation de la durée du mandat des sénateurs.
Évidemment, le gouvernement conservateur pourrait se laisser croire qu'il a beau jeu de souligner que le Québec défend ici avec beaucoup de zèle les principes d'une Constitution qu'il a refusé de signer. Mais loin d'être contradictoire ici, la position du Québec à ce sujet est extrêmement claire et l'a toujours été: pas de réforme du Sénat sans règlement préalable de la question du statut du Québec.
Sans doute le gouvernement conservateur veut-il s'épargner cet écueil. Cela ne lui permet pas pour autant de contourner la volonté du Québec et des provinces dans un domaine qui est de leur compétence en faisant cavalier seul.
Cela montre on ne peut plus clairement que le projet de loi C-10 que propose le présent gouvernement fédéral heurterait directement les aspirations du Québec ainsi que des autres provinces canadiennes. On peut également s'inquiéter d'ailleurs que ce soit là une façon pour lui de créer un précédent, de mettre un pied dans la porte, comme on le dit.
Cela ne veut pas dire que le Bloc québécois soit opposé en soi à l'apport de quelconque changement au régime sénatorial. Mais il est clair qu'une réforme du Sénat ne correspond en aucun cas aux aspirations des Québécois. La question du Sénat leur inspire plutôt une certaine indifférence.
Selon un sondage Léger Marketing de mars 2010, seuls 8 p. 100 des Québécois croient que la Chambre rouge joue un rôle important et que le système de nomination actuel fonctionne bien; 22 p. 100 des Québécois souhaiteraient que les sénateurs soient élus plutôt que nommés, et 43 p. 100, c'est-à-dire la plus grande proportion, seraient même en faveur de l'abolition complète du Sénat.
Il est certain que dans l'état actuel des choses, le Sénat n'a rien qui soit susceptible de soulever les passions de la population. Les sénateurs se sont acquis une fâcheuse réputation de manque d'assiduité au travail et de manquement à leur devoir. Notons d'ailleurs que le Sénat ne siège que 83 jours par année.
Mais le Sénat est aussi maître de ses travaux. Il peut lui-même apporter certains changements, comme augmenter le nombre de jours de travail et réaménager ses comités de manière à les rendre plus efficaces, et se doter d'un horaire plus exigeant, sur le modèle de la Chambre des communes.
Le gouvernement pourrait lui aussi contribuer à améliorer l'image de l'institution en améliorant la qualité de ses nominations, en choisissant des candidats plus crédibles et plus compétents, plutôt que de jouer la carte populiste et d'avoir recours à des nominations purement opportunistes. Mentionnons seulement au passage que certains sénateurs sont reconnus pour leur absentéisme. Le sénateur Jacques Demers, par exemple, n'a été présent que 21 des petits 83 jours que siège le Sénat. C'est moins d'un jour sur quatre dans un horaire déjà si peu exigeant.
Et que dire du sénateur Pierre-Hugues Boisvenu qui, pour tout militant de la cause des proches des victimes d'actes criminels et d'enlèvement qu'il soit, est favorable à l'abolition du registre des armes à feu ou, du moins, au retrait du registre des armes de chasse. J'en déduis qu'il n'a sûrement jamais pris la peine de vérifier avec quel type d'arme Marc Lépine avait commis le massacre de Polytechnique, en 1989. Sans compter que dans une logique qui en fera sourciller plusieurs, Pierre-Hugues Boisvenu blâme la place croissante, dans la société québécoise, des mères célibataires pour la disparition de la chasse comme activité transmise de père en fils. Toujours selon ce sénateur, la baisse de la popularité de la chasse a une incidence directe sur l'augmentation des accidents de la route. C'est incroyable! Cela a été publié dans les journaux du Québec.
Tout cela en dit long sur le peu de sérieux de certains des sénateurs les plus en vue qu'ait pu dénicher ce gouvernement conservateur. Je ne vois certainement rien là pour redorer l'image du Sénat et rien qui ne soit susceptible d'amener les Québécois à s'intéresser de nouveau au sort du Sénat.
Quoi qu'il en soit, il est évident que la limitation du mandat des sénateurs est loin d'être une priorité pour les Québécois, c'est le moins qu'on puisse dire. Ce gouvernement a bien du pain sur la planche avant de savoir intéresser la population à cette institution, dont plusieurs accepteraient sans broncher la disparition.
Mais avant tout, il est absolument inacceptable de laisser le gouvernement fédéral outrepasser les limites des pouvoirs qui lui sont conférés en contournant le processus constitutionnel, piétinant de ce fait les pouvoirs et aspirations du Québec et des provinces, et ses propres engagements.
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Madame la Présidente, nous parlons de l'amendement proposé par le NPD qui débouchera essentiellement sur le statu quo. D'un côté, le NPD a reconnu qu'il était nécessaire de réformer ou d'abolir le Sénat, mais de l'autre, il s'oppose, par la motion qu'il propose, à toute forme de réforme. C'est décevant.
Je pense que le NPD ne comprend pas nécessairement bien combien il est compliqué d'abolir le Sénat. Le gouvernement propose une approche étape par étape qui respecte la Constitution et les pouvoirs de cette Chambre et qui consiste à limiter la durée du mandat des sénateurs, ce que le gouvernement a déjà fait antérieurement. Dans les années 1960, un sénateur était habituellement nommé à vie. Maintenant, il doit prendre sa retraite à 75 ans, et c'est cette Chambre qui en a décidé ainsi.
Le NPD suggère dans sa motion que le Sénat soit complètement aboli. Certaines personnes seraient favorables à cette idée, mais sur le plan pratique, cela n'est pas possible. Ce qui est possible, par contre, c'est de limiter la durée du mandat. Ce qui est possible, c'est d'élire les sénateurs. Ce qui est possible, c'est de faire ce que les conservateurs suggèrent.
Le NPD est malheureusement fidèle à ses habitudes et propose de nouveau des solutions irréalistes. Le Sénat présente son lot de défis, tout le monde en convient. Les mesures que propose le Parti conservateur visent à améliorer le Sénat afin que celui-ci représente davantage les valeurs canadiennes du XXIe siècle. Le mandat non renouvelable est l'une de ces mesures. Faire en sorte que la population de chaque province choisisse directement ses sénateurs en est une autre. Ces mesures sont conformes à la Constitution et nous les préconisons.
En fait, je tiens à souligner que c'est la première fois dans l'histoire du Canada qu'un affirme qu'il choisira les personnes élues par suffrage direct dans chaque province. Il s'agit là d'une valeur conservatrice fondamentale qui favorise la reddition de comptes.
Limiter la durée du mandat à huit ans, tel que proposé, permettrait de renouveler progressivement le Sénat. Bien des gens considèrent que siéger au Sénat pendant 45 ans, comme on peut le faire actuellement, c'est trop long en l'absence de mécanismes de reddition de comptes. Voilà pourquoi nous souhaitons limiter la durée du mandat. Nous avons suggéré de fixer celle-ci à huit ans. Les autres partis ont peut-être d'autres suggestions. Nous pouvons en discuter.
Pour toutes ces raisons, j'espère que les autres partis adopteront cette motion sous sa forme originale et rejetteront l'amendement du NPD. Le député libéral de la Nouvelle-Écosse qui a pris la parole il y a quelques minutes a dit, et c'est tout à son honneur, qu'il votera contre l'amendement du NPD et en faveur du projet de loi afin que celui-ci passe à l'étape de la deuxième lecture. Les gens pourront ainsi donner leur point de vue sur la mesure législative.
Voilà ce qu'il convient de faire. Il faut permettre au projet de loi de passer à l'étape de la deuxième lecture et permettre aux gens de se prononcer. C'est la raison d'être du processus démocratique. Lorsque le NPD ou un autre parti propose de laisser tomber, de rester coi, de simplement abandonner, c'est-à-dire s'en tenir au statu quo, il ne fait pas preuve d'honnêteté intellectuelle.
J'espère que les autres partis, ou les députés à la Chambre, verront qu'en votant pour que le projet de loi franchisse l'étape de la deuxième lecture, ils permettraient la tenue d'un débat plus clair et plus constructif sur la durée du mandat des sénateurs. Le projet de loi C-10 permettrait un tel débat. Le projet de loi respecte les pouvoirs du Parlement et nous devrions aller de l'avant avec ce débat.
Les Canadiens s'en rendent compte. Ils sont en très grande majorité en faveur d'une limitation de la durée du mandat des sénateurs. Les Canadiens estiment que le Sénat doit être amélioré pour être en phase avec les principes du XXIe siècle. Le projet de loi y contribuerait. Est-ce qu'il réglerait tout? Non. Est-ce qu'il constituerait un grand pas dans la bonne direction pour améliorer le Sénat? Oui. Il nous faut une approche graduelle.
Je demande à tous les députés de permettre que le projet de loi franchisse l'étape de la deuxième lecture afin de permettre un débat sur certaines de ses dispositions. Il y a peut-être différentes opinions quant à la durée du mandat ou à sa nature, mais tenons ce débat. En l'élargissant trop, nous n'irons nulle part et ne changerons rien. Nous le savons. Tous à la Chambre le savent. Si nous voulons améliorer le Sénat, si nous voulons qu'il soit davantage conforme aux valeurs canadiennes, nous devrions tous, collectivement et individuellement, appuyer le projet de loi.
Nous vivons dans le meilleur pays du monde et au meilleur moment de l'histoire. Nous avons la possibilité d'inclure un plus grand nombre de personnes dans le processus démocratique en élisant les sénateurs. Nous permettons à un plus grand nombre de devenir parlementaires en limitant la durée du mandat des sénateurs.
Pourquoi ne pouvons-nous pas unir nos efforts et tenir ce débat? Je suis reconnaissant au député de d'avoir dit qu'il appuiera le projet de loi pour qu'il franchisse l'étape de la deuxième lecture. Je demande à tous les députés d'en faire autant.
L'union fait la force et, ensemble, nous rendrons notre pays encore meilleur grâce à cette grande institution que nous appelons le Parlement du Canada.