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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 062 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 mars 2013

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Nous avons le quorum. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons l'étude sur l'uranium appauvri et les anciens combattants canadiens.
    Je voudrais vous informer que nous avons reçu un appel de Louise Richard. Malheureusement, elle ne peut être présente parmi nous aujourd'hui parce qu'elle est malade.
    Nous entendrons tout d'abord M. Pascal Lacoste, puis nous passerons à huis clos pour examiner, je crois, nos travaux à venir.
    Avant d'aller plus loin, je voudrais me joindre à tous les membres du comité pour signaler à toutes les femmes à l'intérieur et à l'extérieur de la salle que demain sera la Journée internationale de la femme. Félicitations à toutes.
    Dans un autre ordre d'idée, j'offre mes plus sincères condoléances à notre collègue, Sean Casey, pour la perte d'un grand troubadour canadien, le réputé Tom Connors, de Skinners Pond à l'Île-du-Prince-Édouard. Deux personnes éminentes sont originaires de Skinners Pond: Tom Connors et Gail Shea, ministre du Revenu national. Voilà!
    Monsieur Lacoste, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Vous disposez d'une période de 10 à 12 minutes.

[Français]

    Bonjour.
     Je vous remercie d'avoir finalement accepté de parler de l'uranium appauvri. Je sais que c'est un sujet délicat. Pour moi, par contre, ce n'est pas un sujet délicat: c'est une question de survie. Je suis ici dans un seul but. Depuis toujours, les moyens de pression que j'exerce ont comme unique but d'obtenir des soins dans la dignité. Malheureusement, je suis amèrement déçu du rapport que j'ai vu, et je vais vous expliquer pourquoi.
    Premièrement, j'aimerais remercier le ministre Blaney d'avoir finalement accepté de parler d'intoxication à l'uranium et de s'être engagé à une opinion. Maintenant, on a au moins un outil pour avancer, à savoir la décision du gouvernement actuel. Malheureusement, ce rapport ne dit pas ce qu'est l'uranium; il dit seulement ce qu'il n'est pas. En aucun cas le rapport ne parle des effets sur le système reproducteur. Pourtant, c'est le premier système affecté. Le Dr Gosselin, qui est un spécialiste urologue, a expliqué que le fait que je ne pouvais plus avoir d'enfant — donc ma stérilité — était directement lié à l'intoxication à l'uranium. Pourquoi, dans le rapport du Dr Morisset, ne parle-t-on strictement pas de ça?
    Le rapport se dit neutre. C'est parfait, mais pourquoi les gens qui l'ont réalisé ont-ils refusé le témoignage de soeur Rosalie Bertell? Soeur Rosalie Bertell, une Canadienne, était médecin en chef pour les Nations Unies pendant la période de l'accident nucléaire à Tchernobyl. Je ne comprends pas qu'un comité neutre refuse le témoignage d'un expert de si haute qualité au Canada. C'est une sommité dans le domaine. Pour ce qui est de la neutralité, permettez-moi d'en douter.
    La pièce jointe no 1, qui vous a été distribuée, explique peut-être le fait que le rapport soit incomplet. C'est un article de la Presse canadienne. On y dit que le gouvernement canadien a tendance à s'immiscer dans des sujets d'étude concernant l'écologie, l'économie et la défense. Or l'uranium touche ces trois sphères. Merci beaucoup aux scientifiques canadiens qui pensent comme moi et qui en ont parlé sur la place publique.
    Le rapport du Dr Morisset stipule qu'il est peu probable que l'intoxication à l'uranium puisse causer des problèmes de santé. Je vous rappelle la Loi sur le ministère des Anciens Combattants: dans le doute, vous devez pencher en faveur du demandeur. Pour ce qui est de mon dossier personnel, j'ai eu quatre évaluations psychiatriques indiquant que je n'avais aucune maladie psychosomatique et que je ne souffrais pas de maladie mentale. J'ai une blessure liée au stress opérationnel, en effet, mais cette blessure n'explique ni ma stérilité, ni mes problèmes de santé en matière d'immunodéficience, ni mes problèmes d'ulcères chroniques dans la gorge. Aucune maladie psychosomatique ne peut affecter les reins; l'uranium, oui.
    Le Dr Morisset, pendant son témoignage ici, a dit que le rapport visait à informer les vétérans. C'est parfait, mais pourquoi alors ne nous dit-on pas ce qui constitue une dose inquiétante dans le cas de l'intoxication à l'uranium? À mon avis, c'est la première question qui devrait être posée. Dans son rapport, dont il dit que le but est de nous informer, le Dr Morisset indique que les Américains offrent à l'hôpital de Baltimore des soins aux militaires américains intoxiqués à l'uranium. Pourquoi son dossier ne nous informe-t-il pas de ces soins possibles?
    Je suis intoxiqué à l'uranium depuis 1996 et je le sais depuis 2000. Ça fait 13 ans que je cours partout dans le monde pour obtenir des soins. Chaque fois, les spécialistes me disent que pour le moment, la médecine n'est pas suffisamment avancée dans ce domaine et qu'on ne connaît pas bien les effets de l'intoxication à l'uranium. On me dit qu'on doit d'abord éliminer toutes les causes possibles, avant de pouvoir expliquer tout le reste par l'intoxication à l'uranium. C'est la façon dont la médecine fonctionne, d'après ce que les spécialistes m'ont expliqué.
     À quatre reprises, des spécialistes canadiens différents que j'ai vus, soit à l'Hôtel-Dieu de Québec, à l'Hôtel-Dieu de Lévis, en Ontario et en Nouvelle-Écosse, m'ont dit que la seule cause pouvant expliquer mes problèmes de santé était l'intoxication à l'uranium. Or, votre rapport souligne que c'est peu probable. J'espère énormément que le ministre des Anciens Combattants va lire la partie de la loi qui dit que dans le doute, vous devez pencher en faveur du demandeur. Dans mon dossier personnel, le doute raisonnable existe. On peut le prouver, et on va s'amuser avec les médias à ce sujet, je vous le confirme. Le ministre va-t-il respecter ses propres lois ou pas? J'ai hâte de le rencontrer. Je suis vraiment inquiet.
    Les Forces canadiennes se défendent fortement de ne pas avoir utilisé d'armes à l'uranium appauvri. S'il n'y a aucun problème à utiliser des armes à l'uranium appauvri, et d'autant plus que c'est beaucoup moins cher que le tungstène, pourquoi l'armée ne les utilise-t-elle pas?
    Si le Canada déclare qu'il n'utilise pas l'uranium appauvri, le rapport, lui, parle uniquement des armes. Pourquoi ne parlez-vous pas du blindage réactif que nous avions en Bosnie sur nos chars Grizzli, Bison et Cougar? Au cours de cette mission, nous avions besoin de blindage supplémentaire sur nos véhicules. La seule protection qu'il y avait entre nous, membres de l'équipe qui devaient entretenir le véhicule, et les plaques de porcelaine d'uranium appauvri, c'était un canevas en tissu. Je vous confirme que lorsque nous devions conduire sur des routes non balisées, cela endommageait ces plaques de blindage et nous devions les remplacer. Par le simple fait de les enlever, nous respirions de la poussière radioactive.
    Le rapport du Dr Morisset dit que certains soldats américains ont de gros morceaux d'uranium dans le corps sans que cela crée vraiment de problèmes. C'est vrai. Le problème, ce ne sont pas les gros morceaux, mais la micropoussière. Lorsqu'on respire un nuage de poussière radioactive, ça entre par les voies respiratoires. Ensuite, à partir des alvéoles pulmonaires, ces particules se propagent dans le sang, puis elles migrent du sang vers la moelle osseuse.
    Je vous confirme que j'ai une maladie de moelle osseuse directement liée à l'intoxication à l'uranium, selon les quatre groupes de spécialistes que j'ai consultés. Le Dr Morisset a beau dire qu'il est peu probable que des soldats canadiens aient été intoxiqués à l'uranium. Dans les pièces jointes de mon mémoire, j'ai ajouté l'un des tests de contamination à l'uranium qu'on m'a fait passer. Vous allez voir que c'est un beau graphique. Je suis dans le rouge: je suis 61 fois plus radioactif que la limite acceptable.
    Le Dr Morisset a souligné que certaines populations avaient un niveau d'irradiation assez élevé, mais en aucun cas il n'a mentionné les problèmes de fertilité ni parlé des enfants qui viennent au monde déformés et extrêmement malades. C'est directement lié à ce niveau élevé d'irradiation.
    Un autre aspect extrêmement blessant de la façon dont le gouvernement canadien traite ses vétérans, c'est que le Canada a déjà reconnu les torts causés aux vétérans radioactifs qui ont servi de cobayes au projet Manhattan, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il aura fallu attendre 60 ans avant que le gouvernement du Canada le fasse, mais il a reconnu que ces vétérans du passé avaient été intoxiqués à l'uranium.
    Jusqu'en 1995, des chartes de dédommagement existaient au ministère des Anciens Combattants. Vous pouvez vérifier, cela fait partie des pièces jointes que je vous ai données. Pourquoi fait-on une distinction entre les anciens vétérans et les nouveaux vétérans? Pourquoi les problèmes liés à la radioactivité de nos grands frères vétérans peuvent-ils être reconnus, alors que les nôtres, ceux des jeunes vétérans, ne le sont pas? C'est une injustice. Il y a jurisprudence. Il y a moins de deux ans, vous avez adopté une loi sur la jurisprudence. Pouvez-vous respecter vos propres lois, s'il vous plaît?
     Quand vous faites des choses semblables, concrètement, on entend tout cela. Et j'étais simplement caporal dans l'armée. Que pensez-vous qu'il va advenir du niveau de confiance des militaires envers la chaîne de commandement? On nous demande d'être loyaux. Aucun militaire ne va jamais s'en plaindre, parce que la loyauté fait effectivement partie de notre métier. Or, permettez-vous parfois aux militaires de douter de la loyauté dans l'autre sens, quand ils se font dire que les anciens vétérans avaient droit à cela, mais qu'eux n'y ont pas droit? On nous dit que ce n'est pas pareil pour nous, les jeunes, que la radioactivité nous affecte moins. Je vous confirme que ce sont des mots qui font mal.
    Le rapport du Dr Morisset parle des mineurs qui travaillent dans les mines d'uranium. J'espère que les mines d'uranium canadiennes ont des normes de travail suffisamment élevées pour protéger les travailleurs miniers. On sait très bien qu'ils sont dans une zone contaminée, une zone à risque. Vu que ces gens sont munis d'équipement de protection quand ils travaillent dans des zones à risque, ils ont un avantage que nous, les militaires, n'avons pas sur le terrain.
    Le Dr Morisset a confirmé que nous, les militaires, n'avions effectivement aucun outil pour déterminer si nous étions ou non dans une zone contaminée à l'uranium. Le seul outil dont nous disposions, et que je vous montre ici, était un DT-60. C'est une pastille témoin qui ne nous fournit aucune lecture. Seule notre chaîne de commandement pouvait faire cette lecture lorsqu'elle analysait le dispositif. Nous avions l'ordre de le porter en tout temps sur notre plaque d'identité, ou dog tag, afin que la lecture puisse être effectuée lorsque nous revenions d'une mission.
    En 1996, lorsque nous sommes revenus de mission, la lecture de tous les DT-60 a été faite, et comme par hasard, ils ont disparu. La personne qui a fait la lecture de mon DT-60 m'a dit que j'étais la personne dont le niveau de radiation était le plus élevé. Il m'a dit de garder cela, parce qu'un jour, ça pourrait me servir. Je l'ai sur moi aujourd'hui. Je ne le retire jamais. Si vous voulez la preuve de mon niveau de radiation, je l'ai ici.
    En ayant recours à la Loi sur l'accès à l'information, j'ai su que les Forces canadiennes m'avaient testé pour dépister l'uranium. J'ai su que lors de mon hospitalisation à l'hôpital Sainte-Anne, à Sainte-Anne-de-Bellevue, on m'avait testé relativement à l'intoxication à l'uranium. Les deux fois, le résultat a indiqué que j'étais 61 fois plus radioactif que la norme tolérée. Pourquoi l'armée ne m'a-t-elle pas informé que j'étais intoxiqué à l'uranium? Pourquoi est-ce qu'il a fallu que j'aille du côté civil et que je m'acharne pour obtenir cette réponse? Si l'uranium appauvri ne crée pas de problèmes de santé, pourquoi nous testent-ils? Pourquoi ces tests sont-ils cachés aux militaires?
    Le gouvernement canadien ne veut pas reconnaître que je suis intoxiqué à l'uranium. Quand je me suis joint aux Forces canadiennes à l'âge de 19 ans, j'étais tellement en santé qu'on m'a envoyé m'entraîner pour le biathlon. En effet, ma forme physique était si bonne qu'on me considérait comme un espoir olympique. En 2000, lorsque j'étais en mission au Timor oriental, j'ai perdu 35 livres de masse musculaire en 9 jours et je n'ai plus jamais retrouvé ma santé depuis. De la condition d'athlète, je suis passé à celle d'un handicapé, du point de vue légal.
    Même si le ministère des Anciens Combattants dit que je n'ai strictement rien, comment pouvez-vous expliquer que j'aie été sorti des Forces canadienne pour des raisons médicales sans avoir fait l'objet du moindre diagnostic, que j'aie encore aujourd'hui de graves problèmes de santé et que je doive à l'occasion me déplacer en fauteuil roulant? Comment établissez-vous un lien entre le trouble de stress post-traumatique et le fait que je me déplace en fauteuil roulant? La conclusion 7 du rapport du Dr Morisset laisse entendre que les problèmes sont peut-être dans notre tête.
    Le trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, est une maladie sérieuse et importante. Pour ma part, j'ai perdu des frères d'armes qui se sont suicidés. Par contre, le TSPT n'excuse pas tout. N'oubliez pas qu'un tout est constitué d'un corps et d'une tête. Parfois, j'ai l'impression que le TSPT peut servir de diagnostic poubelle pour expliquer les problèmes auxquels on ne veut pas trop trouver de réponses.
    Le rapport dit qu'il est peu probable que des militaires canadiens soient intoxiqués à l'uranium. Or après avoir terminé mes études, je suis entré directement dans l'armée. C'est le seul emploi que j'ai occupé. Pendant que j'étais dans l'armée, j'ai été testé, et les résultats ont été positifs pour l'uranium. Comment expliquez-vous cela? Comment pensez-vous que j'aurais pu me retrouver avec ce taux de radiation dans le corps autrement que dans l'armée?
    On sait très bien que la base de Valcartier et celle de Longue-Pointe ont fait des appels d'offres publics pour décontaminer des entrepôts contaminés par des métaux lourds, entre autres l'uranium appauvri. Au fait, j'ai obtenu l'information concernant les entrepôts sur Internet grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Si je l'ai trouvée, je crois que tout le monde peut le faire.
    Après ma grève de la faim, le ministre des Anciens Combattants m'a promis des soins adaptés à ma condition. J'attends toujours. Quelle est ma condition? Quels soins peut-on m'offrir? La seule chose qu'on m'ait offerte, ce sont des soins de psychiatrie, mais on n'a jamais pu me dire quel était le but du plan de soins. Après 10 mois de réadaptation sans le moindre but, j'avais l'impression de gaspiller des fonds publics. J'ai alors demandé qu'on interrompe ce traitement. En effet, je trouvais gênant qu'on fasse venir une personne deux fois par semaine pour qu'elle fasse une marche avec moi. Cette personne devait partir de Montréal pour venir à Québec et retourner ensuite à Montréal. C'était une dépense de fonds publics que je trouvais gênante au point de ne pas vouloir assumer cette situation.
    Je tiens à préciser une chose: tous les spécialistes que j'ai consultés au sujet l'intoxication à l'uranium en sont venus à la même conclusion. L'intoxication à l'uranium est un problème de santé qui n'est pas connu à l'heure actuelle, au même titre que le sida à la fin des années 1970.
    Malheureusement, il n'existe présentement pas d'outils réels pour nous aider. Selon les études de Rosalie Bertell, ancienne médecin-chef des Nations Unies, la seule chose qu'on peut faire concrètement et qui peut nous aider est de boire de l'eau distillée.
    À partir de là, le ministère des Anciens Combattants a reconnu que je souffrais de fatigue chronique, de douleur chronique et de fibromyalgie. Pourquoi n'ai-je pas de soins pour ces symptômes? On peut tout nier, mais que fera le ministère pour nous aider à nous sentir mieux? Il y a un petit côté de responsabilisation à établir.
    Monsieur le président, le temps qui m'était alloué est-il écoulé?
(0905)

[Traduction]

    Nous allons manquer de temps. Je vous demanderais de conclure. Vous pourrez, dans la période des questions, aborder les points que vous n'avez pas eu le temps de traiter. Vous avez beaucoup à dire, mais nous sommes pris par le temps.
    Si vous pouviez passer à vos conclusions, vous pourriez aborder les points non traités pendant la période des questions.
    Je suis désolé.

[Français]

    C'était seulement en anglais et je n'ai pas compris ce qui a été dit.
    Quoi qu'il en soit, j'ai terminé.

[Traduction]

    Monsieur Lacoste, merci beaucoup de votre déclaration.
    Nous passons maintenant aux séries de questions.
    Nous commençons par M. Chicoine, qui dispose de cinq minutes.
(0910)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lacoste, je vous remercie d'être ici avec nous et de nous avoir présenté votre témoignage.
    J'ai plusieurs questions. Je vais essayer d'en poser le plus possible en cinq minutes.
    Je vais commencer par ce que vous avez dit à la fin de votre témoignage. Vous mentionniez que vous n'aviez reçu aucuns soins pour votre problème de fatigue chronique. Vous avez parlé aussi de fibromyalgie. Êtes-vous aussi atteint de cette maladie?
    Oui. Je suis atteint de fatigue chronique, de fibromyalgie et de douleur chronique.
    Vous n'avez eu aucun traitement et on ne vous a offert aucuns soins pour vos problèmes de reins?
    Absolument pas.
    Je suis allé en Nouvelle-Écosse à mes propres frais. On était censé m'aider à consulter un spécialiste expert qui soigne d'autres vétérans et militaires canadiens actifs pour les mêmes problèmes que ceux que j'ai. Ces gens me l'ont confirmé, donc je ne suis pas le seul. Cependant, on ne m'a pas aidé dans cette démarche.
    Je suis arrivé avec le plan de soins, mais le ministère des Anciens Combattants ne l'a pas reconnu. On m'a demandé de démontrer que mon intoxication à l'uranium était liée au service. On m'a dit que tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aurait pas établi la corrélation entre les deux, je n'aurais aucun service ni aucune aide. Donc, pour ce qui est de mes problèmes de reins et mes autres problèmes, je n'ai rien.
    Vous dites que vous êtes allé à quelques reprises en Nouvelle-Écosse pour un traitement pour des problèmes de santé liés à l'uranium appauvri. Est-ce parce que ces gens sont spécialisés dans ce domaine?
    Il y a des médecins spécialisés en problèmes environnementaux. C'était la première fois en 13 ans que je recevais des soins réels. J'ai reçu une injection intraveineuse de magnésium qui m'a fait extrêmement de bien. Par contre, encore une fois, le ministère des Anciens Combattants n'établit pas la relation entre les traitements de magnésium et le service. Donc, c'est à mes frais. Jusqu'à maintenant, j'ai déboursé 6 000 $.
    Avec le traitement au magnésium, avez-vous remarqué une amélioration de votre santé?
    Oui, vraiment. Quand j'ai eu mon premier traitement, il était 16 heures, et le lendemain matin, je me suis réveillé frais et dispos, vers 7 h 30 ou 8 heures. C'était la première fois depuis 13 ans que je me sentais comme un homme libre.
    Combien de traitements au magnésium avez-vous reçus, monsieur Lacoste?
    Je devais avoir six traitements au magnésium, mais cela n'a pas été fait dans des conditions optimales, sur le plan médical. Malheureusement, j'ai dû m'arrêter à quatre traitements. Maintenant, j'ai des problèmes de reins, et je ne peux plus recevoir de traitement tant que ces problèmes ne seront pas réglés.
    D'accord. Merci.
    Au début de votre présentation, vous avez parlé de soeur Rosalie Bertell dont le témoignage n'a pas été accepté par le Dr Morisset pour son analyse. A-t-elle communiqué avec le comité et le Dr Morisset pour l'analyse?
    J'ai fortement conseillé au comité de parler au Dre Rosalie Bertell ainsi qu'au Dre June Irwin, qui a testé beaucoup de militaires actifs et de vétérans. Elle sait qu'il y en a beaucoup qui sont intoxiqués à l'uranium. Elle les a testés elle-même.
    Le comité n'a pas cru bon de donner suite à cela. J'ai été complètement ignoré. Je suis revenu à la charge à trois reprises et, chaque fois, j'ai été complètement ignoré par le comité.
    L'objet de votre demande était-il que vous puissiez témoigner devant ce comité, ou que la Dre June Irwin et la Dre Rosalie Bertell puissent témoigner?
    C'était pour moi ainsi que les deux docteures.
    Pour ce qui est de votre témoignage, vous ont-ils invité à participer à l'étude?
    Jamais. J'ai été ignoré. Je n'ai même pas eu de réponse.
    Vous n'avez pas eu de réponse?
    Je n'ai pas eu de réponse du comité, même après avoir essayé à trois reprises.
    C'est intéressant. Ce n'est pas tout à fait ce qu'on nous a mentionné. Lorsque le Dr Morisset a comparu devant le comité, il a mentionné que son équipe et lui avaient reçu certains témoignages d'anciens combattants. Nous pourrons voir à examiner ça un peu plus tard.
    Vous rejetez donc les conclusions du rapport du Dr Morisset et de l'étude. Qu'est-ce qui vous fait croire que vous avez été exposé à l'uranium appauvri? Parlez-moi un peu des missions auxquelles vous avez participé. Vos problèmes de santé se sont aggravés rapidement, je crois. C'était probablement au Timor oriental. Je me souviens d'avoir lu quelque chose à ce sujet. Vous souvenez-vous de certains événements au cours desquels vous pensez que vous auriez pu être en présence d'uranium? Vous mentionnez que c'est la cause de vos problèmes de santé. Qu'est-ce qui vous fait penser que vous avez été exposé à l'uranium appauvri au cours des missions auxquelles vous avez participé?
    C'est très simple. Premièrement, comme chauffeur, j'ai dû entretenir les plaques de blindage de nos véhicules en Bosnie. Deuxièmement, j'ai été physiquement à l'endroit où il y a eu des raids aériens d'A-10, ces avions américains qui ont tiré sur des blindés en Bosnie. J'étais là. Je suis allé là. J'ai même une photo de moi sur ces chars d'assaut. Nous ne savions pas qu'ils avaient été bombardés à l'uranium appauvri. J'ai été là physiquement.
    Par la suite, au Timor oriental, ce qui est arrivé concrètement, c'est que j'ai eu une maladie tropicale appelée la dengue. J'ai donc été rapatrié au Canada. L'armée me disait de boire de l'eau parce que, selon elle, je n'avais rien. On m'a dit que si je venais me plaindre trop souvent, j'allais me faire foutre — excusez le terme — à la porte des Forces armées canadiennes. Selon les forces, soit je marchais, soit je crevais. C'est carrément ce qu'on m'a dit.
    Parallèlement à cela, j'ai parmi mon cercle d'amis des médecins qui m'ont vu et qui m'ont dit que ce n'était pas normal d'avoir perdu 35 livres de masse musculaire en 9 jours. De ma condition d'athlète de haut niveau, je suis passé à celle de handicapé. À partir de cet instant, j'ai passé des tests de façon confidentielle au civil.
    Au Timor oriental, aucun oiseau ne se pose: c'est dire à quel point le terrain est contaminé. Finalement, après cela, on s'est aperçu que j'étais intoxiqué à l'uranium. Toutefois, rien ne prouve qu'il y avait de l'uranium au Timor oriental. Les médecins m'ont expliqué que cela faisait déjà quelques années que j'avais été intoxiqué à l'uranium. Comme j'étais en grande forme, j'ai été capable de passer par-dessus cela. Le problème de santé lié à la maladie tropicale a complètement mis à terre mon système immunitaire. Les deux problèmes de santé se sont additionnés. Depuis ce temps, je n'ai plus jamais été capable de remonter la côte. Le poids du poison fait en sorte d'affaiblir constamment ma santé.
(0915)

[Traduction]

    Merci, monsieur Lacoste. Je cède maintenant la parole à M. O'Toole.

[Français]

    Merci, monsieur Lacoste.
    Je vais vous poser mes questions en anglais.

[Traduction]

    Je vous remercie de comparaître aujourd'hui sur un sujet épineux. À titre d'ancien combattant, je vous suis reconnaissant d'avoir servi le pays dans les Forces canadiennes. Je pense que tous mes collègues ici présents remercient nos militaires.
    De toute évidence, vous avez lu l'étude préparée par le comité scientifique. Il me semble que vous n'êtes pas d'accord avec ses conclusions. Ai-je raison??

[Français]

    Absolument pas. De plus, le ministre Blaney m'avait dit que je pourrais rencontrer le Dr Morisset pour qu'il puisse mieux me l'expliquer. Encore là, ce que le ministre Blaney m'a offert n'a toujours pas été fait. J'aurais bien aimé que le ministre Blaney fasse ce qu'il avait dit, que je puisse avoir droit à un bel exposé pour mieux comprendre le dossier et être encore plus prêt aujourd'hui, mais cela n'a pas été fait.

[Traduction]

    Je voudrais poser une question dans la foulée de celle de mon collègue, M. Chicoine. Le comité scientifique a établi plusieurs modalités pour que les anciens combattants puissent faire valoir leurs commentaires sur l'étude. Pourriez-vous nous résumer les commentaires que vous avez transmis à ce comité scientifique? Je ne crois pas que vous ayez comparu devant celui-ci. Lui avez-vous remis la documentation que nous avons en mains aujourd'hui? Pouvez-vous nous résumer les commentaires que vous avez présentés au comité scientifique?

[Français]

    J'ai envoyé un courriel au comité pour l'informer que, selon moi, ce serait important qu'il rencontre les Dres June Irwin et Rosalie Bertell. On m'a dit que je devais fournir des mémoires et ainsi de suite. J'ai répondu que ce n'était pas à moi de les fournir, puisque c'étaient elles qui étaient médecins. Je ne suis pas un spécialiste, mais un patient. J'ai laissé les coordonnées des deux médecins par l'entremise d'Internet, mais je n'ai jamais reçu de nouvelles à ce sujet.
    En matière administrative, je n'ai aucune compétence. Je ne suis en rien un expert. J'ai donc fourni au comité les outils nécessaires pour qu'il puisse, s'il est vraiment neutre et intéressé, avoir accès à des médecins qui étaient directement impliqués dans le dossier. J'ai laissé cela aux bons soins du comité.

[Traduction]

    La Dre Irwin ou la soeur auxquelles vous avez fait allusion ont-elles remis ces mémoires? Leur avez-vous demandé de transmettre le tout au Dr Morisset et à son équipe?

[Français]

    Il faudrait le leur demander.

[Traduction]

    Essentiellement, l'étude a formulé deux conclusions ou s'est penchée sur deux questions. Premièrement, les militaires canadiens ont été affectés dans des zones où ils sont susceptibles d'avoir été exposés à de l'uranium appauvri. Deuxièmement, on fait plutôt un survol des effets de l'uranium appauvri sur la santé.
    Vous avez parlé de votre affectation en Bosnie. Selon l'étude, l'incendie survenu au Camp Doha constitue le seul risque d'exposition pour les militaires canadiens. Avez-vous été affecté au Camp Doha lorsque vous étiez dans les Forces canadiennes? J'ignore quels sont vos antécédents militaires.
(0920)

[Français]

    Je n'ai pas participé à la première guerre du Golfe. J'ai participé seulement à celle en Bosnie. Nous n'avions pas toujours de cartes avec nous. Moi, je suivais; je n'étais pas un commandant. Je ne peux donc pas vous dire exactement à quels endroits je suis allé. Par contre, je peux vous confirmer qu'aujourd'hui, sans l'ombre d'un doute, j'ai de l'uranium appauvri dans le corps.
    Selon la loi du ministère, ce n'est pas à moi de démontrer cela hors de tout doute. C'est au ministère de pencher en notre faveur. Je suis allé en mission et j'ai de l'uranium dans le corps. C'est tout ce que je sais. Comme le Dr Morisset l'a dit dans son exposé, les militaires canadiens n'ont aucun outil pour analyser s'ils sont dans une zone contaminée ou non. Nous n'en avons donc pas été informés.
    Je tiens à préciser que parmi les dossiers que je vous ai remis se trouve le rapport des Nations Unies sur l'intoxication à l'uranium en Bosnie. Il s'agit d'un rapport volumineux mais extrêmement important qui contredit l'ouvrage du Dr Morisset.

[Traduction]

    Voici ma dernière question. Dans la septième conclusion, le Dr Morisset est d'avis que, qu'il s'agisse d'un syndrome découlant de la guerre du Golfe ou de plusieurs maladies environnementales, il est plus important de traiter les symptômes et de découvrir comment ils se manifestent plutôt que d'essayer d'en trouver la cause.
    Êtes-vous d'accord? Essayez-vous de trouver les bons traitements médicaux pour soigner les maladies imputables ou non à l'uranium appauvri? Je sais que la clinique en Nouvelle-Écosse traite les affections imputables aux facteurs environnementaux, ce qui a été utile. Estimez-vous que c'est utile de traiter une maladie lorsqu'on en ignore la cause?

[Français]

    La seule chose que je veux, ce sont des soins de qualité. Mon plus grand rêve, c'est de refaire exactement ce que j'avais la capacité de faire avant de me joindre aux Forces canadiennes: courir un marathon. Si je pouvais me lever le matin et aller travailler, comme un citoyen normal, je serais l'homme le plus heureux du monde. Tout ce que je veux, c'est retrouver la santé.
     L'élément déclencheur de ma grève de la faim est le fait que j'en avais assez de voir des frères d'armes se suicider parce qu'on leur disait que tous leurs problèmes étaient uniquement dans leur tête. Le ministère des Anciens Combattants a tendance à ne soigner que les problèmes psychologiques et à faire oublier nos problèmes physiques. Comment expliquez-vous que la majorité des vétérans de notre génération qui se font dire que leurs problèmes sont uniquement dans leur tête se promènent en boitant ou à l'aide d'une canne? Si c'est seulement dans notre tête, pourquoi est-ce que notre corps a si mal?
     Nous voulons être reconnus et soignés. Mon combat, ce n'est rien d'autre. Toutes les sorties que j'ai faites n'avaient comme but que de réclamer des soins. Si vous pouvez m'offrir des soins, je vais être l'homme le plus heureux du monde. Je ne veux pas de rencontres avec des psychiatres de la clinique Matrix comme celles qu'on m'a fait subir l'année passée et pendant lesquelles on me répétait que ma douleur était strictement d'ordre psychosomatique. Non, ce n'est pas le cas. Je veux des soins pour mon corps, s'il vous plaît. Laissez ma tête tranquille. Je gère bien mon syndrome de stress post-traumatique avec mon psychologue. Pouvez-vous prendre soin du corps, aussi?
    Si on m'offre des soins, je serai l'homme le plus heureux du monde, et je vous affirme qu'en tant que vétéran, je vais lever la tête et aller retrouver mes frères d'armes pour leur dire que la route vers le succès est ici. Je vais les y amener, pour qu'ils soient bien, eux aussi.

[Traduction]

    Monsieur Lacoste, merci infiniment. Monsieur O'Toole, merci.
    Nous entendrons maintenant M. Casey.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Bienvenue, monsieur Lacoste.
    La première question que je veux vous poser concerne vos communications avec Rosalie Bertell. Vous avez dit, je crois, que c'était une religieuse, mais comme vous le savez, ses compétences étaient hautement reconnues dans les domaines de l'épidémiologie et du cancer.
    Pouvez-vous décrire vos communications, vos conversations et votre rapport avec Rosalie Bertell, s'il vous plaît?
(0925)
    C'est très simple.
     Malheureusement, Rosalie Bertell est maintenant décédée, mais son équipe continue à travailler dans le même sens. Elle continue ses recherches. J'ai eu la chance de communiquer avec Rosalie Bertell par l'entremise d'Internet. Je lui ai écrit et, à ma grande surprise, elle m'a répondu personnellement. Elle m'a dit qu'à plusieurs reprises, elle avait fait parvenir au gouvernement canadien des rapports sur l'intoxication à l'uranium, mais qu'ils avaient tous été ignorés.
    Comme je l'ai dit plus tôt, elle m'a conseillé de boire énormément d'eau distillée, précisément pour ralentir l'effet dégénératif causé par l'intoxication à l'uranium appauvri. Elle m'a dit qu'au départ, quand on respirait la poussière radioactive, celle-ci se logeait dans les alvéoles pulmonaires pour se retrouver ensuite dans le système sanguin. Si l'armée m'avait fait subir une dialyse dans les six mois qui ont suivi la mission en Bosnie, j'aurais toujours la chance d'être au service de mon pays aujourd'hui, en parfaite santé. Malheureusement, ça n'a pas été fait. On n'a pas filtré mon sang.
    L'uranium appauvri, au même titre que le mercure et les autres métaux lourds, ne s'élimine pas du corps humain. Avec le temps, il se dépose donc dans la moelle osseuse. C'est à partir de ce moment que le système immunitaire et le système reproducteur commencent à être sérieusement touchés. Je lui ai dit que j'avais déjà été fertile, que j'avais en effet déjà fécondé une demoiselle, mais que j'étais maintenant stérile à 100 %, de façon irréversible. Je lui ai demandé si elle croyait que ça pouvait être dû uniquement à l'uranium, et elle m'a répondu oui. Elle m'a même dit que dans des zones contaminées comme en Irak, on voyait énormément de problèmes relatifs à la naissance.
     Elle m'a dit aussi qu'à Sarajevo, le nombre de cas de cancer et de leucémie était anormalement élevé et que ça pouvait s'expliquer par cela également. Elle m'a dit que l'ogive d'uranium appauvri était extrêmement dangereux en arrivant au sol, même s'il n'était pas éclaté. En effet, quand l'uranium est dans l'air ambiant — et le rapport du Dr Morisset n'en parle pas —, il y a un niveau de corrosion très élevé. Cette corrosion se fait très vite et le métal se transforme rapidement en poussière. Cette poussière, qui est radioactive, peut alors se déplacer au gré des vents. Or le hasard a probablement voulu que je respire cette poussière.
    Quand je lui ai demandé pourquoi j'étais plus infecté que d'autres, elle m'a répondu que si quatre personnes buvaient six bières, elles seraient toutes contaminées par l'alcool, mais pas de façon égale. Malheureusement, j'ai une constitution fragile relativement à la radioactivité; je réagis plus fort que les autres. Ça m'a endommagé le système davantage qu'eux. Elle m'a aussi dit que le fait d'avoir été très malade dans la jungle — j'ai en effet contracté la maladie de Lyme ou la dengue, ou les deux, je ne m'en souviens plus — avait complètement affaibli mon système immunitaire et qu'à cause de cela, l'uranium avait réussi à garder mon niveau de santé très bas.
    Je vais poser ma prochaine question en anglais.

[Traduction]

     Monsieur Lacoste, vous avez évoqué, dans votre déclaration, l'importance d'accorder le bénéfice du doute. Ceci n'est pas une question. Je tiens à ce que vous sachiez que notre comité a mené une étude sur les activités du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Le Parti libéral a rédigé un rapport minoritaire, qui a été rejeté par la majorité des membres du comité et qui soulignait que le principal problème, c'est que ce tribunal n'accordait pas le bénéfice du doute, tant au niveau de la révision que de l'appel. Nous avons souligné qu'il fallait assouplir les critères à ce chapitre.
    Je voudrais que vous sachiez que j'ai demandé l'aide du sénateur Dallaire. Nous nous efforcerons de prendre les mesures pour que le bénéfice du doute soit accordé d'une façon significative. Vous m'avez bien compris? Ce n'est pas une question. Je tenais simplement à ce que vous sachiez cela.
    Ai-je encore du temps?
(0930)
    Vous avez dépassé de beaucoup le temps qui vous était accordé.
    Merci. Il ne s'agissait que d'un commentaire, monsieur Lacoste. Vous n'êtes pas tenu d'y donner suite.
    Nous entendrons maintenant M. Hayes, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Monsieur Lacoste, je vous souhaite la bienvenue.
    Je tiens simplement à dire que je siège au comité depuis septembre seulement. J'ai constaté que notre comité s'intéresse beaucoup au sort des anciens combattants. Je voulais que vous le sachiez. J'ai des militaires dans ma famille: mon père a été militaire pendant 36 ans; une de mes soeurs, pendant 15 ans; une autre soeur, pendant 10 ans; mon beau-frère, pendant 20 ans. Je m'intéresse au sort des anciens combattants. Mes collègues et moi avons à coeur vos préoccupations. Je voulais que vous le sachiez.
    Je voudrais en savoir un peu plus sur votre carrière militaire. Vous en avez glissé un mot. Je voudrais savoir la date à laquelle vous vous êtes enrôlé et les endroits où vous avez été affecté. Je voudrais avoir cela en ordre chronologique pour bien comprendre.

[Français]

    Je me suis joint aux Forces canadiennes en 1991 parce que je voulais aller à la guerre en Irak. Je voulais faire mon devoir de patriote. Au début, de 1991 à 1993, puisque mes études n'étaient pas terminées, j'étais réserviste aux Fusiliers Mont-Royal.
    En 1993, j'ai été transféré au Royal 22e Régiment. Dans la Réserve, mon niveau de compétence en tant que militaire était tel qu'en moins de deux ans, je suis allé suivre un cours de caporal-chef et j'ai terminé deuxième. Donc, normalement, je devais obtenir ma promotion dans un délai d'un an.
    Par la suite, j'ai participé avec mérite à des cours de fantassin dans l'armée régulière. J'ai terminé premier. Lors des tests physiques, j'ai atteint un haut niveau. J'étais au troisième rang parmi les coureurs de 10 km au Canada. J'étais un athlète de très haut niveau. Je m'entraînais à être un bon soldat. Je ne fais pas les choses à moitié. Lorsque je suis arrivé au bataillon, mon adjudant-maître était quelqu'un d'hyper impressionnant. Son surnom était « le Viking ». Alors que j'étais sur le terrain de parade — j'étais juste un jeune soldat —, il m'a dit que j'allais faire du biathlon. Du biathlon, c'est du ski de fond et du tir au fusil. Je n'avais jamais skié de ma vie. Je suis donc allé faire du biathlon.
    Mes premières années dans l'armée furent de très belles années. J'ai participé à des compétitions internationales un peu partout dans le monde. J'ai participé à des compétitions de tir, de course, de ski et ainsi de suite. Dès qu'il y avait des compétitions sportives, j'y étais. Si vous avez accès au journal Adsum, vous pourrez constater que je remportais beaucoup de médailles. Je les attirais avec beaucoup de conviction.
    Malheureusement, quand je skiais, je regardais mes collègues s'entraîner pour aller à la guerre et j'étais jaloux d'eux. Alors que mon unité était sur le point de partir en Bosnie, mon adjoint est venu me voir pour me dire qu'ils avaient besoin de tireurs d'élite. Je confirme que j'ai fait les tests et que, jusqu'à 1,8 km avec un fusil de précision, ma marge d'erreur était de quatre pouces. Donc, j'étais un élément assez important pour aller sur le théâtre des opérations.
    Je suis sous serment, alors j'ai le droit de tout dire, n'est-ce pas? Je vous pose la question.

[Traduction]

    Tout à fait.

[Français]

    Parfait.
    En Bosnie, j'avais un beau visage d'Européen.

[Traduction]

    En quelle année avez-vous été affecté en Bosnie?

[Français]

    En 1995 et 1996.

[Traduction]

    Monsieur Lacoste, je dois vous interrompre quelques instants.
    Tout ce que vous direz devant le comité est protégé par l'immunité parlementaire. Je voulais que vous le sachiez.
    Vous pouvez nous parler en toute liberté.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je m'excuse d'avance auprès de ceux que mes propos vont offenser.
    J'ai vraiment le visage d'un Aryen. J'ai été partenaire d'un soldat canadien d'origine croate. Nous avons fait beaucoup d'infiltration. À plusieurs reprises, j'étais habillé en civil et nous devions nous promener dans certains secteurs pour reconnaître certains visages, faire de la reconnaissance passive, etc. Je me suis donc beaucoup promené, j'ai volé des véhicules, des armes et de l'équipement d'autres armées. J'ai dû m'habiller en soldat des autres armées et je me suis infiltré dans des camps. Par conséquent, je ne pourrais pas dire avec précision où je suis allé, quand c'était ni ce que j'ai vu. C'est très vague. Je me suis beaucoup promené. Nous n'avions pas toujours des cartes géographiques et nous ne sommes pas allés dans les plus beaux endroits.
    Parallèlement à ce genre de missions, je faisais mon devoir normal de soldat. Quand nous étions affectés à certaines tâches et que l'adjudant venait nous rencontrer pour nous dire qu'il avait besoin des « deux pas fiables », nous savions ce qui nous attendait. Officiellement, nous étions partis en vacances ou en congé de maladie, et tout ce que faisions n'était jamais noté.
    Quand nous avons ouvert la place à Titov Drvar, j'ai vécu la pire situation de ma vie. Nos convois de ravitaillement ont été attaqués et des gens de la logistique ont été pris en otage. Par conséquent, pendant l'hiver, nous n'avions plus de ravitaillement. À un moment donné, l'adjudant a demandé à ses « deux pas fiables » d'aller chercher de la nourriture pour nourrir le peloton pendant au moins un mois et demi, étant donné que le Canada ne pouvait plus nous fournir de nourriture. Il a donc fallu faire des choses atroces et aller dans des endroits dont je préfère ne plus me souvenir.
    Excusez-moi pour l'émotion.
    Après la mission en Bosnie, comme par hasard, on m'a offert de me joindre à l'unité aéroportée, puisque j'avais parfaitement accompli mon travail de soldat. En lisant entre les lignes, vous pouvez comprendre qu'en Bosnie, je suis passé de l'état d'enfant à celui de soldat assez rapidement.
    Ensuite, accompagné de parachutistes, j'ai adoré cela. J'ai énormément évolué. J'ai appris que la Deuxième Force opérationnelle interarmées existait. Je me suis mis alors à m'entraîner corps et âme pour entrer dans les Forces spéciales. J'ai participé à la sélection des Forces spéciales et cela allait très bien. Il ne faut pas oublier que lorsque j'étais dans la Réserve, j'ai été promu caporal-chef et sergent. Avant de partir, le major m'a dit que si je voulais, je pouvais entrer dans la Deuxième Force opérationnelle interarmées, mais qu'il avait besoin de moi au Timor oriental. J'ai donc accepté de partir en mission puisque, selon moi, c'était de cette façon que je pouvais servir mon pays le mieux possible. Toutefois, j'ai posé une condition: à mon retour du Timor oriental, il devait me laisser entrer dans la Deuxième Force opérationnelle interarmées. Le major m'en a fait la promesse.
    En 1999, nous sommes partis au Timor oriental. Quand nous sommes arrivés en Australie, les militaires australiens ne savaient même pas que nous débarquions. Nous sommes restés un certain temps dans un camp militaire à Darwin, en Australie, pour finalement traverser et faire un débarquement naval. C'était très drôle, parce que c'était la première fois que les Canadiens faisaient un débarquement naval depuis la guerre de Corée. Nous n'avions pas d'expérience à cet égard. Nous l'avons fait et nous nous attendions à nous battre. Quand nous sommes arrivés sur la plage, des journalistes nous attendaient et filmaient. Nous avons alors su qu'il n'y avait pas un très grand danger. Nous nous sommes donc relevés, nous nous sommes secoués et nous avons continué notre travail. La mission au Timor oriental était plutôt passive. La plus grosse attaque a été celle d'un pêcheur armé d'une lance. Cela n'est pas allé très loin.
    Le plus difficile au Timor oriental a été de fouiller des camps de réfugiés. Il fallait procéder à des fouilles complètes d'hommes, d'enfants, de bébés. Parfois, il s'agissait de bébés morts dans lesquels on avait caché des armes, et d'autres écoeuranteries semblables. Cela m'a un peu écoeuré, mais nous l'avons fait.
    Nous avons également dû ramener les populations chez elles. Quand les soldats descendent des camions avec une petite fille de 12 ans ou des enfants plus jeunes, ils cherchent du regard où est l'adulte, mais non, il n'y a pas d'adulte. Il faut laisser les enfants seuls dans la jungle, voués à leur sort. Humainement parlant, je vous jure qu'à cet instant, on ressent un sentiment d'impuissance.
    Pendant mon séjour dans la jungle, je ne sais pas ce qui s'est passé. J'ai été piqué au doigt par un insecte. Mon doigt est devenu paralysé. Le lendemain, mon bras était paralysé. Ensuite, le cou et le corps au complet étaient paralysés. J'ai perdu 35 livres de masse musculaire en 9 jours. Après cela, j'étais du bois mort, un fardeau pour mon peloton.
(0935)
    Quelques jours après, je n'étais même plus capable de m'occuper de moi-même, de mettre du beurre sur mes rôties et de me nourrir. Mes amis me nourrissaient à la cuillère parce que mes mains ne fonctionnaient plus.
     Le médecin m'a dit que si je continuais à simuler une maladie, on allait me rapatrier au Canada. Écoutez, on ne peut pas faire semblant de perdre 35 livres de masse musculaire. J'ai donc été rapatrié au Canada. J'étais excessivement humilié parce que les autorités militaires disaient que je n'avais rien. Je me suis fait juger par mes frères d'armes. Heureusement, j'ai des amis médecins qui ont trouvé que j'étais intoxiqué à l'uranium, ce qui expliquerait tous mes problèmes de santé. Par conséquent, avec honneur, je suis retourné dans les rangs de la compagnie de parachutisme et j'ai dit à mes confrères que s'ils étaient malades et qu'ils avaient des symptômes ressemblant à ceux que j'avais eus, ils devraient subir des tests parce qu'ils pourraient être radioactifs eux aussi. À partir de là, j'ai retrouvé ma fierté, l'amour et le respect de mes frères d'armes.
    Par la suite, on m'a libéré pour raisons médicales en 2005, mais sans me donner de diagnostic médical. Par la suite, j'ai eu droit à la belle machine administrative du ministère des Anciens Combattants. On m'a dit de prouver que mon état physique était dû à mon service militaire. Par ailleurs, les médecins disaient que je simulais la maladie, alors ils ne voulaient pas me voir dans leur bureau.
     Voilà. C'était ma carrière militaire.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Vous aurez remarqué que nous vous avons accordé du temps supplémentaire pour répondre exhaustivement à la question de M. Hayes.
    Dans un ordre d'idées, je voudrais vous informer que la Dre Rosalie Bertell est malheureusement décédée en juin 2012.
    Nous entendrons maintenant Mme Papillon. Vous disposez de cinq minutes.
(0940)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Lacoste, d'être avec nous ce matin.
    J'aimerais faire un retour rapide sur la chronologie de certains événements et aussi de votre histoire. Je vais donc poser beaucoup de questions. Si vous pouviez me répondre de façon succincte, ce serait très apprécié.
    Oui.
    Lorsque vous vous êtes enrôlé et durant vos premières années de service, vous étiez en excellente condition physique, n'est-ce pas?
    J'étais un athlète de calibre international.
    Vous êtes un athlète. Vous avez quitté les forces armées avec une combinaison dévastatrice de blessures physiques et psychologiques. Vous a-t-on alors offert du soutien?
    C'était très dur parce qu'on ne me croyait pas malade.
    Vous êtes-vous senti seul ou abandonné quand vous avez quitté les forces armées?
    J'étais enragé, désespéré et je me suis senti trahi.
    Lorsque vous vous êtes tourné vers Anciens Combattants Canada, avez-vous reçu l'aide que vous attendiez? J'aimerais que vous me parliez un peu de vos démarches. Combien d'appels téléphoniques avez-vous fait à Anciens Combattants Canada? Combien de courriels avez-vous envoyés? Parlez-nous de toutes les démarches que vous avez faites. Je vais profiter de votre histoire pour en savoir un peu plus sur comment cela se passe concrètement.
    C'est très simple.
     Premièrement, quand on est membre du Régiment aéroporté du Canada, on est orgueilleux, on est un dur, on n'a pas le droit de se plaindre. Un jour, après un saut en parachute, j'ai eu trois scolioses dans le dos. Je suis resté complètement paralysé sur la piste d'atterrissage. Quand je suis arrivé le dos bloqué dans le bureau du Dr Deslandes, du 1er Bataillon, il m'a dit qu'il avait droit à 10 problèmes de dos par mois et que j'étais le onzième. Par conséquent, il fallait que je repasse le mois suivant. Encore aujourd'hui, je me bats contre le ministère Anciens Combattants Canada pour faire reconnaître mes problèmes de dos, parce que le médecin de l'unité a toujours refusé de me recevoir. On m'a dit de prendre des médicaments antidouleur et de fermer ma gueule. Ce sont les soins que j'ai eus. Excusez-moi, mais ce sont les mots qui ont été utilisés.
    Après cela, j'ai eu d'autres problèmes, comme le ESPT. Un matin, je me suis réveillé en sueurs avec un couteau de chasse, complètement nu dans ma cour et je cherchais des proies à tuer. J'ai eu peur de moi. Je me suis rendu à la base militaire et j'ai dit que ça n'allait pas du tout et que j'avais besoin d'aide. On m'a répondu qu'on me rappellerait d'ici six à huit mois et que je pourrais voir un travailleur social. J'ai donc dit que ça ne fonctionnait pas et que je ne pouvais pas attendre de six à huit mois.
    Par la suite, je suis allé au bureau d'Anciens Combattants Canada. J'ai amené avec moi le plus gros et le plus fort de mes amis et je lui ai dit qu'il fallait qu'il m'empêche de faire des choses que je ne ferais pas normalement, parce que je n'étais pas dans mon état normal. J'ai demandé au fonctionnaire de voir un psychologue parce que c'était urgent. On m'a répondu de ne pas bouger et de remplir des formulaires. J'ai complètement craqué. De mon veston, j'ai sorti mon portefeuille. Du portefeuille, j'ai sorti la carte du médecin et j'ai dit que je n'étais pas médecin, mais fantassin. J'ai dit que, pour les réponses, il fallait l'appeler, mais pas moi. J'étais en état de crise.
     Je suis retourné chez moi et quand je suis arrivé, la police m'attendait. Les deux fonctionnaires du ministère des Anciens Combattants avaient porté plainte contre moi pour menaces de mort. J'ai demandé aux policiers de quelle façon je les avais menacés. Un fonctionnaire avait dit que j'avais un couteau et l'autre un pistolet. Je me suis mis à rire et j'ai répondu: « Monsieur, je suis entraîné au combat corps-à-corps, je n'ai pas besoin d'arme ».
     Après cela, à chaque demande de pension, on me disait de prouver que c'était dû au service militaire. Par ailleurs, je ne pouvais pas obtenir de papiers. En ce qui a trait à tous mes problèmes de santé reliés à l'intoxication à l'uranium, ils répondent qu'ils ne reconnaissent pas ce type d'intoxication.
    Je sais que vous avez dû attendre 10 ou 11 ans avant d'obtenir certaines compensations. Faire des demandes à Anciens Combattants Canada est-il devenu un emploi à temps partiel?
    Quand on est épuisé, c'est un travail à temps plein. Cela crée énormément de désespoir. Dès qu'on a un peu d'énergie, on essaie de survivre. Les gens du ministère nous voient comme une dépense indésirable. Je me suis fait traiter de « BS en uniforme ». Or, ce que nous voulons, ce sont des soins. Lorsque nous revenons malades, comme n'importe quel être humain, nous sommes extrêmement instables, et nous voulons des soins. Cependant, avant de pouvoir recevoir ces soins, il y a des démarches administratives à suivre. Quand nous entrons dans le bureau, par défaut, nous sommes des profiteurs qui veulent une plus grosse pension.
    Face à ce manque de confiance dont vous avez déjà parlé, vous n'avez donc reçu pratiquement aucun appui réel. En fait, cela a pris du temps avant d'obtenir des soins.
    Finalement, la seule personne qui vous a offert un élément de réponse pour expliquer votre condition physique, c'est la Dre June Irwin. Elle a fait des tests, à partir d'un échantillon de vos cheveux, qui montrent une concentration d'uranium de 25 fois plus élevée. Un médecin est-il en mesure de déterminer une autre raison qui pourrait expliquer vos problèmes de santé?
     Je tente de démontrer de quelle façon on vous a aidé. En fait, les anciens combattants semblent pouvoir difficilement passer des tests ou recourir à des outils pour prouver de quoi ils souffrent. Toutefois, du côté administratif de la chose, on demande un diagnostic et une preuve. A-t-on essayé de vous aider à en arriver à ces conclusions?
(0945)
    De la part du ministère des Anciens Combattants, il n'y a eu aucune aide. C'est toujours la zone grise entre les besoins réels et notre problème.
     Lorsqu'on a une maladie dite orpheline, c'est-à-dire des problèmes médicaux inconnus, par exemple une intoxication à l'uranium, la machine administrative bloque tout de suite. On dit alors que comme on ne peut pas établir de corrélation entre le service et le problème médical, c'est non, et on doit se débrouiller. La porte est fermée.
     De plus, dans le cas où les clients sont inscrits dans le programme de réadaptation, les règlements du ministère des Anciens Combattants stipulent que si celui-ci est en mesure de donner aux clients des soins qui peuvent aider leur condition, le ministère doit le fournir, même s'ils ne sont pas liés au service. Même si j'ai mis ça sur la table, c'était non. Je suis allé en Nouvelle-Écosse pour me faire soigner, et je suis revenu avec des résultats nettement meilleurs. En effet, ma santé s'était amélioré de 50 %. Encore là, on m'a dit qu'on ne pouvait pas établir de corrélation entre le service et mes soins, alors on m'a dit non.
    Et on ne vous a pas accordé le bénéfice du doute.
    Non.

[Traduction]

    Votre temps de parole est écoulé, madame.
    Nous entendrons maintenant M. Lobb. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lacoste, je vous souhaite la bienvenue.
    J'essaie de remonter le fil de votre carrière militaire. Vous dites avoir été affecté en Bosnie en 1995 et en 1996, n'est-ce pas?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Je pense que vous avez dit au début de la séance que vous aviez l'impression que votre troupe avait été attaquée ou que votre char avait été touché. Est-ce exact?

[Français]

    Non. Je n'ai pas du tout dit que les troupes avaient été attaquées et que le tank avait été touché. Voici ce que j'ai dit. En 1995, avant qu'on arrive, les Américains avaient fait un raid aérien avec des avions A-10. C'est documenté et reconnu. Vous allez le voir dans le rapport de l'ONU que je vous ai montré.
    Une fois que l'explosion est faite, une demi-vie d'uranium, cela représente 60 000 ans. Donc, la zone reste contaminée pendant 60 000 ans. Pour ma part, je suis passé par là quelques mois plus tard. Les gars ont dit que c'était justement là qu'il y avait eu le raid aérien d'A-10. Nous ne savions pas que c'était une zone contaminée. Nous sommes donc montés sur les chars d'assaut et nous nous sommes fait prendre en photo sur les chars d'assaut.
     Non, je n'étais pas là pendant le raid aérien, et non, je n'ai pas vécu l'échange de feu qu'il y a eu.

[Traduction]

    D'après vous, vous pourriez avoir été contaminé à la suite de cette attaque ou pendant que vous conduisiez les véhicules, ce qui causait de la friction et vous exposait au rayonnement. Est-ce bien ce que vous avez dit?

[Français]

    Je n'ai aucun outil qui le mesure. Donc, je ne peux pas me prononcer sur quelque chose dont je suis incertain. Je ne le sais pas. Je sais que je suis entré dans les Forces armées canadiennes quand j'avais 19 ans et que j'étais en excellente forme. Je sors des Forces armées canadiennes, je suis intoxiqué à l'uranium et dans un état désastreux. C'était où, quand et comment? Je n'ai aucun outil pour le préciser.

[Traduction]

    Êtes-vous encore en contact avec les militaires qui ont été affectés avec vous en Bosnie? Souffrent-ils des mêmes affections que vous?

[Français]

    Absolument. Il y en a un de qui j'étais très proche. Il est justement en train de se faire sortir des Forces armées canadiennes pour raisons médicales. Tous les militaires opérationnels ont peur du système. Ils ont peur qu'il leur arrive exactement la même chose qu'à moi s'ils disent qu'ils sont intoxiqués à l'uranium. Donc, ils font exactement ce qu'on leur a appris dans l'armée: on se tait et on ne dit pas un cristi de mot.
    Pour ce qui est des autres vétérans intoxiqués à l'uranium, je suis heureux de voir que quelque-uns viennent comparaître devant ce comité-ci. Malheureusement, la dame qui devait comparaître ce matin était trop fatiguée pour venir. Si vous voulez avoir une liste abondante de noms de gens intoxiqués à l'uranium, je vous suggère fortement de communiquer avec la Dre June Irwin. D'ailleurs, c'est ce que j'avais clairement recommandé au comité. Elle a testé énormément de militaires actifs et de vétérans canadiens. Malheureusement, un bon ratio d'entre eux sont intoxiqués à l'uranium, selon les résultats.

[Traduction]

    De toute évidence, vous avez beaucoup lu et effectuez beaucoup de recherches sur les causes et les effets de l'uranium appauvri ainsi que sur les effets secondaires de l'exposition à ce produit radioactif. De 1995-1996 à 1999, vous n'avez eu aucun problème, si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit aujourd'hui.
    Si je me fie aux propos du Dr Morisset, je suis assez convaincu que les problèmes se manifestent dès qu'on est exposé ou peu de temps après.
    Est-ce que ce fut votre cas?
(0950)

[Français]

    Honnêtement, je suis une personne excessive. Je me concentrais sur ma mission et je m'entraînais. Je ne me souviens strictement pas si j'ai ressenti des effets majeurs. J'ai peut-être ressenti de la fatigue, mais cela ne m'empêchait pas de faire mon devoir et de continuer.
    Non, je n'étais pas au courant de cela. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas un spécialiste. Je ne peux donc pas vous expliquer ni comment, ni pourquoi. Par contre, je peux vous dire que lorsque je suis sorti de l'école, je suis entré dans l'armée en pleine forme. Toutefois, pendant que j'étais encore dans l'armée, on m'a diagnostiqué comme étant intoxiqué à l'uranium. C'est la seule chose que je peux vous dire. En ce qui concerne les détails, j'aimerais tellement avoir ces réponses. Ce serait encore plus facile et je serais encore plus crédible devant ce comité.

[Traduction]

    Est-ce que certains de vos collègues qui ont servi avec vous en Bosnie ont demandé au Dr Morisset d'être examinés dans le cadre de l'étude?

[Français]

    Je ne le sais pas. Je ne peux pas répondre pour eux. Par contre, étant donné que ce n'est pas une maladie connue, il n'y a pas beaucoup de personnes qui ont été testées. Même moi qui ai été testé par les Forces canadiennes, on ne m'a jamais informé de cela. Il y a un grand manque d'information à propos de ce problème. Je vous confirme que je travaille très fort pour l'enrayer. J'encourage fortement mes frères et mes soeurs d'armes à se faire tester pour le dépistage d'une intoxication à l'uranium. Cela va prendre sûrement quelques mois.
    Vous pouvez compter sur moi. Je me prépare et je vais pouvoir répondre à cette question. C'est un peu la mission que je me suis donné pour les mois à venir.

[Traduction]

    Je suis désolé, monsieur Lobb, mais votre temps de parole est écoulé.
    Nous entendrons maintenant votre collègue, M. Lizon, qui dispose de cinq minutes.
    Merci infiniment, monsieur le président.
    Monsieur Lacoste, je vous remercie d'être présent parmi nous.
    Je pense qu'on vous a déjà posé la question et que vous avez déjà indiqué que vous ne souscriviez pas au rapport.
    Est-ce bien exact?

[Français]

    Je considère que le rapport est incomplet parce qu'en aucun temps il ne parle des effets sur le système reproducteur. Pourtant, c'est le premier à être affecté. Le rapport ne parle pas non plus du système lymphatique. Il me semble que le rapport parle surtout de ce que l'uranium ne fait pas. Il ne parle pas beaucoup de ce qu'il fait.

[Traduction]

    Souscrivez-vous à l'une des sept conclusions du rapport?

[Français]

    J'accepte seulement celle qui dit que c'est peu probable. Cela ne veut pas dire que c'est improbable.
    En 2013, je comprends très bien que la médecine ne connaît pas beaucoup de choses sur l'intoxication à l'uranium. J'aurais aimé voir cela dans le rapport, mais ce n'est pas écrit. Il y a encore beaucoup de travail à faire à ce sujet. Le fait que ce soit peu probable me donne beaucoup d'espoir, surtout que le Dr Morisset a dit dans son témoignage qu'il allait travailler sur un outil pour mieux détecter ces produits. À cet égard, je me pose la question suivante. Si ce n'est pas dangereux, pourquoi investissons-nous de l'argent sur l'évolution d'un détecteur?

[Traduction]

    Le rapport contient sept conclusions, et vous avez indiqué souscrire à l'une d'entre elles?
    Je lirai la première conclusion, qui est ainsi libellée:

L'uranium appauvri peut être nocif pour la santé humaine en raison de ses effets chimiques et radiologiques.
    Je suppose que vous souscrivez à cette conclusion, n'est-ce pas?

[Français]

    Absolument.

[Traduction]

    Souscrivez-vous à l'une ou l'autre des six autres conclusions? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous dire laquelle ou lesquelles?

[Français]

    Je vais prendre le temps de les trouver, question de me rafraîchir la mémoire.
    Si vous pouviez me donner le numéro de la page, ça m'aiderait vraiment.
    Une voix: C'est la page 33.
    M. Pascal Lacoste: C'est à la page 33. Merci.

[Traduction]

    C'est à la page 27 de la version anglaise. J'ignore si c'est à la même page dans la version française.

[Français]

    On me dit que c'est à la page 33 dans la version française.
(0955)

[Traduction]

    Très bien. C'est la troisième recommandation.

[Français]

    D'accord. On dit ceci:
1. L’uranium appauvri peut être nocif pour la santé humaine en raison de ses effets chimiques et radiologiques.
    On précise que la radioactivité a deux types d'effets. Je suis d'accord avec ça.
2. Dans le contexte militaire, les personnes qui risquaient le plus d’être exposées à l’UA sont celles qui se trouvaient à bord ou à proximité d’un véhicule frappé par un tir fratricide; [...]
    C'est ce que j'ai vécu.
[...] qui ont pénétré dans un tel véhicule en feu ou qui se trouvaient à proximité; qui se trouvaient près d’un incendie dans lequel des munitions à l’uranium brûlaient; qui ont participé à des opérations de récupération de véhicules endommagés; ou qui ont participé à des opérations de nettoyage de sites contaminés.
    Je suis d'accord sur le point 2. Pour ce qui est du point 3, il dit ce qui suit:
3. Il est peu probable que des militaires canadiens aient été exposés à des concentrations d’uranium appauvri qui pourraient représenter un danger pour leur santé.
     Il est peu probable, mais ça n'exclut pas que ça le soit. Comment explique-t-on qu'il y ait de l'uranium dans mon corps? Où ai-je été contaminé? Concernant les mots « peu probable », je suis un peu mitigé à ce sujet et j'espère vraiment que le ministre des Anciens Combattants, M. Blaney, va faire pencher la balance de notre côté.
    Le point 5 dit ceci:
5. Les études menées dans des populations civiles plus vastes davantage exposées à l’uranium (travailleurs des secteurs de la production et du traitement de l’uranium) et suivies pendant de longues périodes n’apportent pas de preuves solides de l’existence d’effets néfastes pour la santé.
    Le point 5 est incomplet. Tous les spécialistes que j'ai consultés m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas se prononcer complètement sur cette question. Même votre médecin, le Dr Morisset, a dit que beaucoup d'études étaient contradictoires. Pour ma part, je n'aurais pas énoncé le point 5 de cette façon.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Lacoste.
    Nous passons maintenant à la deuxième série de questions. Auparavant, je dois vous quitter pour aller présenter les deux rapports sur les budgets de dépenses. Je vais donc demander à M. Casey, le deuxième vice-président, de venir occuper le fauteuil. Je serai absent environ sept minutes.
    Monsieur Casey, voulez-vous occuper le fauteuil?
    Lorsque M. Casey assumera la présidence, nous entendrons Mme Mathyssen qui disposera de quatre minutes.
    Merci.
    Je sais fort bien que le comité s'est déjà opposé à des décisions de son président. Sachez donc que mes nouvelles responsabilités ne me monteront certainement pas à la tête.
    Madame Mathyssen, je vous en prie.
    Merci, monsieur le président. Je n'essaierai pas de trop m'opposer à vous. Je vais m'en souvenir.
    Monsieur Lacoste, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'avoir accepté de nous faire part de votre histoire.
    Je voudrais que vous nous en disiez davantage sur votre histoire. Vous avez parlé de vos affectations au cours desquelles vous dites avoir contracté ce que vous croyez être la dengue. Quels sont les effets à long terme de cette maladie? Je voudrais savoir également si vous aviez été vacciné. Avez-vous été exposé à des pesticides ou à d'autres produits chimiques? Auriez-vous pu être exposé à un cocktail de produits et non pas à uniquement l'uranium appauvri?

[Français]

    Oui, absolument.
    Une enquête a été effectuée par des biologistes sur l'île du Timor oriental. On a appris que le Timor oriental a servi de dépotoir d'agents chimiques pour l'armée américaine pendant la guerre du Vietnam.
    J'aimerais mentionner une autre chose. Mon niveau de toxicité est tellement élevé que j'entre simplement dans un centre commercial et l'odeur chimique contenu dans celui-ci me met complètement par terre.
    La Dre June Irwin a confirmé que j'étais intoxiqué à 14 métaux lourds et aussi au BPDE. Le BPDE est le petit frère des BPC. C'est ce que l'armée utilise pour ignifuger les tentes et tout ce qui est combustible. Ce composé chimique sert à ralentir les flammes sur de la matière combustible. Il sert aussi de poison anti-rat et anti-moisissure. La Dre Irwin est en train de faire une étude sur les effets de ce produit sur les vétérans. Tous les vétérans qu'elle a testé l'ont tous à différents degrés dans leur corps.
    Pour ce qui est des effets secondaires de la fièvre dengue et de la maladie de Lyme, je vous avoue que je n'en ai pas été informé. Les seuls soins que j'ai reçus, puisque l'armée disait que je n'avais rien, ont été de me recommander de boire de l'eau et d'essayer de me reposer.
(1000)

[Traduction]

    Merci.
    Comme vous le savez sans doute, nous avons accueilli des experts, dont le Dr Nicholas Priest, qui a souligné qu'il y a beaucoup de choses que nous ignorons concernant l'exposition des soldats aux produits toxiques. Il a ajouté que, parfois, rien n'est dévoilé pour des raisons de sécurité ou de secret militaire. Selon lui, nous devrions tout mettre en oeuvre pour essayer de trouver la cause des problèmes avec lesquels sont aux prises les militaires canadiens lorsqu'ils quittent les FC.
    Souhaiteriez-vous qu'Affaires des Anciens combattants ou les Forces canadiennes fassent davantage de recherche? Estimez-vous qu'ils doivent mieux essayer de déterminer exactement les répercussions de cette exposition sur vous?

[Français]

    Monsieur Lacoste, je vous demande une réponse brève, s'il vous plaît.
    Brièvement, c'est très simple.
    Sans qu'on connaisse exactement tous les détails puisque je suis conscient qu'il est question de sécurité nationale, je demande au moins qu'ils nous donnent des soins adéquats et qu'ils arrêtent de nier en bloc. Le fait de toujours nier crée beaucoup de détresse chez les vétérans. Je demande qu'ils prennent simplement soin de nous.

[Traduction]

    Merci, madame Mathyssen.
    Monsieur Zimmer, vous avez la parole. Vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venu témoigner et d'avoir si bien servi le Canada. Comme M. Hayes l'a souligné, nous avons à coeur le sort de nos anciens combattants. Nous voulons votre bien-être. Nous nous soucions de vous.
    Mes questions sont dans la foulée de celles de M. Lizon sur les recommandations. Nous ignorons encore à quelles recommandations vous souscrivez et quelles sont celles vous rejetez. Les recommandations se trouvent dans le document devant vous. Corrigez-moi si je fais erreur, mais vous souscrivez à la première, n'est-ce pas?

[Français]

    Oui, je suis d'accord avec la première conclusion, qui dit ceci:
    
1. L'uranium appauvri peut être nocif pour la santé en raison de ses effets chimiques et radiologiques.

[Traduction]

    Que pensez-vous de la deuxième?

[Français]

    J'avais répondu favorablement à la deuxième conclusion.
    Je ne suis pas d'accord avec la troisième conclusion. Elle se lit comme suit:
    
3. Il est peu probable que des militaires canadiens aient été exposés à des concentrations d'uranium appauvri qui pourraient représenter un danger pour leur santé.
    Passons à la quatrième conclusion. Elle mentionne ceci:
    
4. Les études de cohortes militaires n'attestent pas de manière constante que des effets néfastes pour la santé puissent être attribués à l'uranium appauvri.
    C'est de la négation. Je ne comprends pas que des soldats américains, canadiens et britanniques puissent être sur le terrain et que, parce que nous portons l'uniforme canadien, nous serions protégés de ces effets néfastes. Je ne crois pas à cela.
    Sachez que l'Italie a reconnu le problème et prend soin de ses vétérans intoxiqués à l'uranium. Pourquoi les Italiens ont le droit d'être malades et que nous n'ayons pas ce droit alors que nous travaillons exactement au même endroit? Est-ce parce que nous sommes Canadiens qu'il se passerait quelque chose de particulier et que nous ne serions pas contaminés? Non, c'est farfelu. Avec tout ce qui se passe dans le monde, c'est farfelu.

[Traduction]

    La cinquième conclusion...

[Français]

    Le point 5 parle des « études menées dans des populations civiles plus vastes ». Ce point est complètement démenti par le rapport des Nations Unies que j'ai fourni en pièce jointe. Ce que je trouve aberrant, dans le cas du point 5, c'est que le Dr Morisset semble penser qu'il détient la vérité. Or à l'heure actuelle, la médecine en connaît très peu sur l'intoxication à l'uranium. Le point 5 est donc très douteux. Pour ma part, je trouve qu'il enlève beaucoup de crédibilité au document.
    Le point 6 dit ceci:
6. Notre conclusion selon laquelle l’exposition à l’uranium n’est pas associée à un effet important ou fréquent sur la santé concorde avec les conclusions d’autres groupes d’experts.
     On dit que c'est peu fréquent. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne sais pas pourquoi je réagis plus que d'autres à l'intoxication à l'uranium. Il reste que les mots « peu fréquent » signifient que ça existe tout de même. Pouvez-vous prendre soin de ceux qui ont des problèmes de santé liés à l'intoxication à l'uranium? « Peu fréquent » ne veut pas dire qu'il n'y en a pas.
    Au point 7, on dit ce qui suit:
7. À la suite d’un déploiement ou d’un conflit armé, de nombreux anciens combattants présentent des symptômes persistants qui, bien qu’ils ne soient pas associés à l’exposition à une substance en particulier, tel l’uranium appauvri, peuvent causer beaucoup de souffrance et faire l’objet d’un traitement efficace.
    Si c'est le cas, pourquoi ne nous offrez-vous pas des soins? Nous sommes prêts à être soignés. Vous dites que les symptômes ne sont pas liés à l'intoxication à l'uranium, mais ce que je veux, c'est me sentir bien quand je me lève le matin. Ce que je veux, c'est une qualité de vie. Alors, si jamais ce point vous tient à coeur...
(1005)

[Traduction]

    Nous agissons par rapport à ce que vous dites sur la septième conclusion. Nous menons cette étude et nous voulons tirer les choses au clair. En fin de compte, nous savons que les anciens combattants sont aux prises avec des effets indésirables pour leur santé. Nous le savons très bien.
    Comme Mme Mathyssen l'a laissé entrevoir, vous auriez peut-être été exposé à d'autres produits. Vous avez évoqué la piqûre d'un insecte à laquelle vous avez très mal réagi. Nous voulons savoir s'il n'y a pas d'autres facteurs. Voici ma question: si un médecin ou vous en arriviez à la conclusion que c'est quelque chose d'autre qui vous cause ces effets indésirables, seriez-vous disposé à recevoir un traitement en conséquence? Voici où je veux en venir: envisagez-vous la possibilité que vos problèmes de santé aient d'autres causes?

[Français]

    J'ai plusieurs problèmes de santé et j'en suis tout à fait conscient. Si vous avez des soins à m'offrir et que ceux-ci vont me procurer une meilleure qualité de vie, dites-moi où signer. Je vais le faire. Je veux aller mieux. Je ne suis pas le genre de personne qui aime chialer pour chialer. Je suis ici pour obtenir des résultats. Mais attention, si c'est comme dans le cas du ministre Blaney, pendant la grève de la faim, quand j'ai reçu une première offre, mais qu'il s'agissait de soins pour moi uniquement, la réponse sera non. Prenez soin de nous. Parce que chaque fois que je perds un frère d'armes qui se suicide parce qu'il ne reçoit pas des soins adaptés à sa condition, il y a un morceau de moi qui meurt.
    Pouvez-vous prendre soin de nous? Pourquoi le seul hôpital pour vétérans au Canada ne soigne que les problèmes psychologiques? Les problèmes physiques ne sont pas importants? On m'a fait partir de l'hôpital Sainte-Anne parce que j'avais trop de problèmes d'ordre physique. On m'a dit que j'étais trop malade pour rester dans cet hôpital. Or c'est le seul hôpital pour vétérans au Canada. J'ai demandé où je pouvais aller me faire soigner. Ces gens m'ont répondu qu'ils ne le savaient pas, que ce n'était pas leur problème et que je devais m'en aller. Ce n'est pas ce que j'appelle des soins. J'aimerais qu'on m'aide à améliorer mon état général.
     Les spécialistes m'ont dit que dans le cas de l'intoxication à l'uranium, comme pour celui de l'intoxication au mercure, il n'y avait pas de soins reconnus présentement. J'en suis conscient, mais pouvez-vous m'aider relativement à la fatigue chronique, les douleurs chroniques, la fibromyalgie, les problèmes d'ulcères et tous les autres problèmes? Le ministère peut-il reconnaître mes problèmes de reins? Même si on me dit ne pas pouvoir établir de lien entre le service et mes problèmes de reins — parce qu'ils sont liés à l'intoxication à l'uranium —, pouvez-vous prendre soin de mon état général?
     À partir du moment où je recevrai des soins et qu'on s'occupera de moi, de quoi vais-je me plaindre? On ne me dira plus qu'on est désolé. C'est un peu disgracieux, mais c'est exactement ce que m'ont dit les fonctionnaires d'Anciens Combattants Canada, à savoir: « Écoute bien, le BS en uniforme, retourne chez toi; on ne te donnera pas un plus gros chèque d'assisté social ». Ce ne sont pas des chèques que je veux, ce sont des soins.
     Or jusqu'à maintenant, le ministère m'a offert beaucoup d'ordonnances d'anti-dépresseurs, des soins d'un psychiatre, puis d'un autre psychiatre, mais sur le plan physique, ça ne donne rien de plus. En passant, la Grande-Bretagne a réalisé des études, et aucune d'entre elles ne prouve les bienfaits de la consommation d'anti-dépresseurs pour une période dépassant six mois.
     Pourquoi le ministère des Anciens Combattants du Canada persiste-t-il à nous donner des anti-dépresseurs alors qu'aucune étude ne prouve que c'est bon pour nous? Comprenez-vous? Mis à part les anti-dépresseurs et le syndrome de stress post-traumatique, pouvez-vous prendre soin de nos autres problèmes de santé?
    Pour répondre à votre question: oui, s'il vous plaît, offrez-nous des soins. Je vais être heureux d'aller me faire soigner.

[Traduction]

    Monsieur le président, me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute. Continuez donc, mon ami.
    Oh! Il n'a plus de temps? Je m'excuse. Vous avez de beaucoup dépassé le temps qui vous était accordé.
    Je voudrais signaler à mes collègues que j'ai essayé de présenter notre rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses. Malheureusement, un député conservateur a proposé de passer aux autres points à l'ordre du jour, de sorte que le Budget supplémentaire des dépenses n'a pas pu être examiné hier ou aujourd'hui.
    Le timbre de 30 minutes se fait entendre. Nous devons donc aller voter. Il nous reste encore environ 26 minutes. Je dois donc obtenir le consentement unanime pour passer aux travaux du comité.
(1010)
    Pourrions-nous dire 15 minutes?
    Qu'en pensez-vous?
    Des voix: D'accord.
    Le vice-président (M. Peter Stoffer): Très bien.
    Madame Papillon, vous disposez de quatre minutes, puis nous entendrons Mme Adams.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Souvent, ce n'est pas seulement le militaire qui est affecté. C'est aussi son entourage et les gens qu'il côtoie.
    En ce qui concerne votre famille, comment se vit cette situation, à savoir le manque de soins pendant 10 ans, le manque de réponses ou peut-être des réponses au compte-gouttes d'Anciens Combattants Canada? Comment cela vous a-t-il affecté?
    Premièrement, ma famille ne comprenait pas. En plus de ce que j'ai souffert pour mon pays, ma famille m'a jugé et m'a rejeté. J'ai été fiancé avec une femme merveilleuse pendant neuf ans. J'ai même partagé avec elle ma passion de servir mon pays. En tant que réserviste, elle est allée en Afghanistan. Elle est revenue avec un SSPT complet, un syndrome de stress post-traumatique. Même si je connaissais parfaitement le dossier et que je l'ai appuyée comme j'ai pu, nous sommes allés plusieurs fois à l'hôpital de la base de Longue-Pointe où elle n'a pas reçu de soins adéquats. J'ai dû laisser ma femme à l'urgence parce qu'elle était suicidaire. Elle avait tenté plusieurs fois de se suicider parce qu'elle ne recevait pas de soins. À l'hôpital civil, ils l'ont laissée de côté.
    Un bon matin, alors que j'allais visiter ma femme, je l'ai trouvée par terre au milieu du secteur de l'urgence de l'hôpital. Elle avait ses contenants de pilules vides entre les mains. Je l'ai pris dans mes bras et je lui ai dit: « Viens-t'en mon coeur, je vais te ramener à la maison et je vais continuer à prendre soin de toi ». Je lui ai dit cela même si ma santé ne me le permettait plus. Elle a levé les mains et j'ai compris qu'elle avait tenté de mettre fin à sa vie. Ma petite puce a dû être réanimée. Quand je suis retourné la voir lorsqu'elle est revenue à la vie, je lui ai demandé: « Pourquoi, ma belle? ». Elle m'a répondu: « Parce que je suis toute seule dans mon combat ».
    J'ai réussi à lui trouver une place à l'hôpital de Sainte-Anne-de-Bellevue. Ils l'ont gelée bien raide avec des pilules. Au lieu de l'aider, ils ont gelé son mal. Finalement, nous avons dû nous séparer parce que nous n'étions plus en mesure de prendre soin l'un de l'autre. Nous n'avions seulement que nous deux au monde. Nous étions en train de nous tuer tous les deux. Nous étions trop exigeants l'un envers l'autre et nous ne nous comprenions pas nous-mêmes. Quand nous demandions de l'aide, on nous disait de prendre des pilules et de ne plus déranger. C'est une belle usine à désespoir qui a failli me coûter la vie et celle de ma femme. C'est de cette façon qu'on nous a aidés.
    En résumé, vous étiez en pleine santé, vous étiez un athlète et vous avez joint l'armée. Il y a probablement un cocktail de toutes sortes de choses qui se sont produites. Vous avez quitté l'armée parce que, notamment, la santé n'y était plus. Vous avez fait des demandes à Anciens Combattants Canada. Si je comprends bien, vous vous êtes senti incompris et cela a pris des semaines et des mois avant d'obtenir de l'aide au compte-gouttes.
    Ensuite, justement, face à toutes ces demandes, vous n'aviez plus confiance face à l'aide fournie. Je sais aussi, mais vous me le confirmerez, que si on a créé ce comité consultatif sur la santé des vétérans, c'est à la suite de cette promesse que vous avait faite le ministre Blaney à la suite de votre grève de la faim. Vous l'avez faite parce que cela faisait plusieurs fois que vous demandiez une rencontre avec le ministre, mais qu'il refusait de vous l'accorder. Vous avez dit ne pas vouloir vous rendre à des moyens plus extrêmes.
    Pourtant, vous vous êtes rendu là pour obtenir la promesse qu'on allait s'occuper de la santé des vétérans. À ce jour, c'est toujours ce que vous demandez. Peu importe qu'il y ait des tests, des outils et des diagnostics, que les soins soient appropriés, que les anciens combattants obtiennent le bénéfice du doute pour les services rendus, lorsque ce n'est pas si clair que ça et lorsque c'est peut-être peu probable...

[Traduction]

    Vous avez dépassé le temps qui vous était accordé.
    Monsieur Lacoste, je vous autorise une très brève réponse.

[Français]

    Ce sera très court. J'ai fait la grève de la faim et j'étais prêt à mourir. Il me restait moins de 12 heures avant de mourir et on a fait venir le curé pour me donner l'extrême-onction. J'étais prêt à partir. J'ai fait cela parce que je n'avais plus rien à perdre, parce que vous m'avez tout enlevé.
(1015)

[Traduction]

    Merci, monsieur Lacoste.
    Nous terminerons nos séries de questions en écoutant Mme Adams, la secrétaire parlementaire.

[Français]

    Monsieur Lacoste, je voudrais vous remercier de votre dévouement pour le Canada.

[Traduction]

    Je suis très désolé de ce que votre ancienne fiancée et vous avez enduré. Nous sommes sérieux lorsque nous affirmons que nous voulons vraiment envisager diverses façons de venir en aide aux anciens combattants et à vous.
    Je voudrais revenir à l'étude. Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de la méthodologie utilisée dans le cadre de celle-ci?

[Français]

    Il y a eu un très grand manque de transparence. Premièrement, j'aurais aimé qu'on ait de l'information sur l'évolution de ce dossier. La députée Annick Papillon a souvent posé des questions au ministre Blaney à la Chambre et on a eu des réponses qui ressemblent exactement à celle que j'ai obtenue lorsque je lui ai demandé si je pouvais avoir des soins ou non. Il m'a alors parlé de la décoration de son bureau. Merci, monsieur le ministre!
    Je ne demande qu'une seule chose: pouvez-vous respecter vos propres lois? Maintenant, nous, les jeunes anciens combattants, nous nous informons. Nous avons Internet et nous connaissons vos lois. Quand Anciens Combattants Canada ne respecte pas ses propres lois, cela nous déchire. Quand nous avons signé un contrat avec vous, nous étions prêts à donner notre vie pour notre pays et nous nous disions que nous n'avions pas à nous inquiéter. Si nous tombions malades, on allait prendre soin de nous. Ce n'est pas ce qui se passe.

[Traduction]

    Que pensez-vous des compétences des experts qui ont participé à cette étude, qui ont aidé à rédiger le rapport?

[Français]

    Je crois que le rapport est carrément incomplet. Mon impression est qu'on avait un but à atteindre et que celui-ci n'était pas neutre. On voulait minimiser les effets de la radioactivité sur l'être humain. Je ne comprends pas.
    Je considère que ce rapport est vraiment incomplet parce qu'il y a une jurisprudence. Le Canada a déjà reconnu les anciens combattants canadiens intoxiqués à l'uranium et les chartes du ministère ont disparu en 2005. Pourquoi faut-il refaire le travail qui a déjà été fait? Les anciens combattants ont déjà été reconnus. Pourquoi ce rapport banalise-t-il les effets de l'intoxication à l'uranium?
     Je vais être honnête avec vous, je m'attendais à ce genre de rapport. J'ai fait la grève de la faim parce que je voulais que le gouvernement puisse se prononcer et donner son opinion sur l'intoxication à l'uranium.
    Vous pouvez me croire, je suis en train de travailler. Je suis en train de monter une équipe et on va remettre ce rapport en question parce qu'il est incomplet. Comment expliquez-vous qu'un médecin me dise que ma stérilité est strictement liée à l'intoxication à l'uranium et que dans ce rapport on ne parle pas d'uranium? Comment pouvez-vous expliquer que le rapport dit qu'il est fait pour informer les anciens combattants et qu'il ne nous informe même pas du niveau limite de radioactivité pour qu'on reste en santé? Pourquoi ne nous parle-t-on pas des signes qu'on va avoir et des symptômes qu'on va subir? Le rapport parle uniquement de ce que l'uranium ne fait pas. Ce rapport ne nous informe de rien. Je ne sais pas pour qui il est fait, mais il ne l'est pas pour nous. Ce rapport n'apporte rien aux anciens combattants. J'ai l'impression qu'il est plutôt là pour appuyer une opinion prédéterminée.

[Traduction]

    Monsieur Lacoste, je ne suis pas certaine si vous savez que ce rapport a été rédigé par un comité scientifique indépendant et qu'il a été examiné ensuite par d'autres experts qui ont apporté leurs commentaires. C'est leur donc curriculum vitae qu'ils mettent en jeu lorsqu'ils formulent par écrit de tels commentaires.

[Français]

    Normalement, un rapport neutre devrait contenir des arguments favorables et des arguments défavorables. J'ai vu d'autres rapports. Ce rapport ne considère que des points défavorables.
    Une chose est paradoxale. Pendant son témoignage, le Dr Pierre Morisset a dit lui-même qu'il y avait des rapports contradictoires. C'est très bien. Pourquoi n'y a-t-il pas de rapports contradictoires dans le dossier? Il y a une contradiction. Pourquoi le dossier laisse-t-il sous-entendre qu'ils détiennent la vérité? Le médecin a dit lui-même qu'il y a des contradictions. Pourquoi ne les voit-on pas dans votre rapport?

[Traduction]

    Enfin monsieur Lacoste, auriez-vous des recommandations à nous proposer avant que nous rédigions notre rapport sur l'étude que nous menons?

[Français]

    Je vous remercie de me poser la question.
    Le rapport utilisent les mots « peu probable ». Pour ma part, j'ai quatre évaluations, autant physiques que psychiatriques, et les quatre groupes de spécialistes ont dit que la seule cause qui peut expliquer mon état de santé est l'intoxication à l'uranium. Mon dossier est accessible sur Internet. Tous y ont accès. Je peux signer toutes les procurations que vous voulez. J'aimerais énormément que le ministre des Anciens Combattants passe un message fort relativement aux anciens combattants. Il parle de réforme et de changer la façon de faire du ministère. C'est parfait. Il faut donc que le gouvernement respecte ses propres lois, nous accorde le bénéfice du doute et prenne soin de nous.
     Je voudrais faire deux recommandations. La première est d'accepter de nous soigner, peu importe d'où provient l'uranium. Je n'ai jamais débattu de la provenance de l'uranium, qu'il soit canadien ou autre. Je ne veux même pas discuter de cela. Accordez-nous le bénéfice du doute et offrez-nous des soins adéquats
    La deuxième est la suivante. Dans le programme de réadaptation, on parle d'offrir des soins aux anciens combattants même si ce n'est pas directement lié à leurs conditions de pensionnés. Donnez-nous les soins.
(1020)

[Traduction]

    Monsieur Lacoste, pourriez-vous nous transmettre les noms de ces spécialistes?

[Français]

    Pouvez-vous nous fournir leurs noms?
    Ce sont les spécialistes des hôpitaux suivants: Hôtel-Dieu de Québec, Hôtel-Dieu de Lévis et Hôtel-Dieu de Montréal. Je suis même allé dans un hôpital en Ontario — je ne me souviens plus duquel — et à la clinique à Fall River où se trouvent les Drs Fox, père et fils. Si vous voulez encore plus d'informations, vous pouvez communiquer avec l'équipe de soeur Rosalie Bertell et de la Dre June Irwin.

[Traduction]

    Merci infiniment, madame Adams.
    Monsieur Lacoste, au nom du comité je vous remercie infiniment non seulement pour les services que vous avez rendus à notre pays, mais également pour l'éclairage que vous avez apporté sur votre situation personnelle aujourd'hui. Je sais que ce fut parfois difficile de saisir certaines des préoccupations exprimées, mais soyez assuré que tous les membres du comité prendront très au sérieux votre témoignage.
    Nous vous remercions infiniment de nous avoir consacré votre temps, et nous vous souhaitons la meilleure des chances. Merci.
    M. Pascal Lacoste: Merci beaucoup.
    Le président: Chers collègues, on vient de me signaler que nous devons aborder tout de suite les demandes pour le voyage envisagé à Washington. Il nous reste environ de 12 à 15 minutes pour mener cette tâche à bien.
    Encore une fois, monsieur Lacoste, je vous remercie infiniment.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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