ACVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des anciens combattants
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 mars 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Nous entreprenons les travaux du comité et notre discussion porte sur l'uranium appauvri et les anciens combattants canadiens.
Nous sommes très honorés d'accueillir parmi nous aujourd'hui Louise Richard. Elle nous fera un exposé et nous fera part de ses préoccupations.
Madame Richard, c'est un grand honneur de vous accueillir parmi nous aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants pour le temps que vous nous accordez, ainsi que le temps que ceux qui vous soutiennent nous accordent, dans le cadre de notre étude de l'uranium appauvri et les préoccupations des anciens combattants canadiens.
Veuillez prendre votre temps. Nous pouvons vous offrir un soutien dans les deux langues officielles.
Je crois que la première fois que je vous ai rencontrée était en 2001, dans la salle 362, et je suis heureux de vous revoir. Je vous souhaite beaucoup de succès.
Veuillez commencer.
Merci, monsieur le président.
Je vous prie de m'excuser pour mon absence le 7 mars. Je suis très malade. Je souffre d'une grave maladie du sang. Je ne vois pas bien et je ne me concentre pas bien non plus. Je vous serais reconnaissante de votre patience. J'essaierai de faire de mon mieux.
Je vois que nous manquons déjà de temps, alors...
D'ailleurs, je souhaite corriger le compte rendu. Louise Richard est un lieutenant de la marine à la retraite.
Merci.
Merci, monsieur.
Avant d'entamer mes remarques, je voudrais signaler la présence ici de ma mère, Marie Richard. Elle est récipiendaire de la Médaille du jubilé de diamant de la Reine, cette année. Je suis très fière d'elle. Elle est cofondatrice du groupe d'appui du ruban jaune, à l'époque où nous avons participé à la guerre du Golfe. Elle a également été une activiste passionnée à mes côtés tout au long de mes démarches. Sans elle, je ne serais pas ici aujourd'hui.
[Applaudissements]
Ltv Louise Richard: En outre, mon frère, Pierre Richard, est assis à l'arrière. Je suis très heureuse qu'il soit venu de Montréal.
Merci.
Je suis issue d'une famille de militaires, de grande tradition militaire. Mon grand-père, le père de ma mère, était un officier, ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale. Mon oncle, le frère de ma mère, était officier de logistique. Mon frère Pierre était officier du Royal 22e Régiment et mon père était lieutenant-général dans le même régiment.
Je suis infirmière autorisée. J'ai un diplôme d'études supérieures en santé mentale. Je suis une ancienne combattante invalide de la guerre du Golfe persique de 1990-1991. Cette guerre est aussi appelée première guerre du Golfe, ou encore Opération Tempête du Désert ou Opération Bouclier du Désert. Pour que vous compreniez mieux où tout le cauchemar a commencé et pourquoi tant d'entre nous sont gravement malades, mourants ou morts, je vais vous faire part de ma propre expérience.
Bien que 22 ans se soient écoulés, et, croyez-moi, non par manque d'effort, nous attendons encore que notre guerre et les diverses conséquences graves pour notre santé soient prises en compte. Fait intéressant, aujourd'hui marque le jour même où je suis rentrée il y a 22 ans de la guerre du Golfe. Je bénis le ciel d'être encore en vie. Nombre de mes collègues ne sont plus de ce monde.
J'avais alors 29 ans. J'étais très athlétique. Je venais d'être promue au grade de capitaine. J'étais en pleine possession de mes forces vives, de ma santé et de ma carrière. J'ai été envoyée à la guerre du Golfe le 24 janvier 1991, en tant qu'infirmière, membre d'un contingent avancé de chirurgie. Nous étions moins de 50. Le colonel Claude Auger était l'officier commandant et également notre chirurgien.
La préparation pour le déploiement a été très chaotique, et elle s'est déroulée très rapidement dans la confusion. Nous avons reçu de nombreux vaccins. Pour en citer quelques-uns, un vaccin contre la typhoïde, la méningite, la fièvre jaune, le choléra, la grippe et l'hépatite B, bref trop de vaccins dans un délai trop court. Les protocoles n'ont pas été respectés.
Qui plus est, peu de temps après mon arrivée à Al Jubail en Arabie saoudite, j'ai été inoculée contre les agents de guerre biologique, comme l'anthrax, au moyen de vaccins contre la coqueluche, la peste bubonique et le bolutisme. Ce sont les vaccins connus que j'ai reçus. La plupart des autres vaccins n'ont pas été inscrits dans notre livret de vaccination. J'ai éprouvé bien des symptômes et des douleurs ressemblant à un état grippal, mais j'ai eu une réaction très grave au vaccin contre l'anthrax.
Outre tout cela, on nous a ordonné de prendre une petite pilule toutes les huit heures. Il s'agissait d'un système de traitement préalable contre les agents neurotoxiques, un comprimé de bromure de pyridostigmine, un agent prophylactique contre les gaz neurotoxiques. La seule ingestion de ce comprimé m'a rendue très malade et m'a causée de très graves effets secondaires, notamment transpiration, miction, hypersalivation et trouble de la vue. Nous étions dans le désert et ce genre d'effets secondaires était tout à fait inhabituel. On nous a également fourni du DEET, un insectifuge pour le corps. On nous a donné des médicaments et des vaccins expérimentaux sans que nous le sachions, sans notre consentement.
Peu de temps après notre arrivée au Moyen-Orient, nous avons été déployés dans le sud de l'Arabie saoudite, dans le désert, à moins de 20 kilomètres de la frontière entre l'Irak et le Koweït. Nous nous sommes intégrés, avec nos tentes et nos salles d'opération à l'Hôpital de campagne britannique 32. Quatre-vingt-quinze pour cent des patients blessés que nous traitions étaient des prisonniers irakiens. Ils étaient couverts de poux et atteints de maladies transmissibles, et leurs corps étaient couverts d'éclats d'obus et de plaies ouvertes. On ne sait pas où ils avaient transité avant d'arriver, ni ce à quoi ils avaient été exposés. En outre, nous avions la responsabilité, de concert avec les Britanniques, de nous occuper de 5 000 prisonniers de guerre irakiens.
Les organophosphates, un pesticide très puissant, ont été répandus abondamment sur nos tentes et dans la zone où nous étions déployés afin de repousser les insectes du désert.
Puisque nous étions à l'époque de tirs terrestres et aériens, il y a plusieurs alertes Scud. Très souvent, les sirènes étaient déclenchées. Après un certain temps, on nous a dit de ne pas nous soucier de ces fausses alertes et de ne pas endosser nos vêtements protecteurs. Très souvent, les masques anti-gaz nous servaient pour respirer et nous protéger contre les émanations toxiques de pétrole et de fumée provenant des 800 puits de pétrole qui avaient été incendiés.
L'uranium appauvri a été utilisé dans les munitions pour la première fois lors de cette guerre. Toutes sortes de munitions, des bombes, des bombes en grappes, des balles, des obus d'artillerie, contenaient de l'uranium appauvri. Les américains en ont fait éclater 350 tonnes, et qui sait combien les Britanniques eux en ont fait éclater. Près d'un million d'obus contenant de l'UA ont été lancés pendant la première guerre du Golfe.
L'uranium appauvri n'est pas un produit naturel. On ne le trouve pas dans la nature. L'uranium appauvri est un sous-produit du traitement industriel des déchets des réacteurs nucléaires, et on l'appelle couramment de l'uranium de qualité militaire. C'est un déchet radiologique toxique. Il est bon marché et abondant.
Un obus à UA s'enflamme dès qu'il quitte l'équipement qui le projette. Quand il atteint sa cible, il brûle sur-le-champ et crée une température extrême de plus de 2 000 degrés Celsius, relâchant dans l'air des milliards de particules radioactives invisibles. Cette poussière extrêmement fine est un oxyde d'uranium en aérosol et en vapeur qui prend la forme de microparticules métalliques plus petites qu'un virus ou une bactérie.
L'uranium appauvri émet des rayons alpha, un rayonnement ionisant. Cela est chimiquement toxique et radioactif. Le contact se fait par inhalation ou ingestion par les yeux, par une plaie ouverte, par des vêtements contaminés, des prisonniers de guerre, des débris de chars d'assaut explosés, ou encore des débris d'éclats d'obus dispersés dans l'environnement par les vents du désert, contaminant ainsi tout sur leur passage. La toxicité et la radioactivité durent 4,5 milliards d'années.
Ces débris d'uranium appauvri s'attaquent à l'organisme interne. Ils causent presque tous des maladies connues. Ils restent présents dans le système respiratoire pendant des années, des dizaines d'années mêmes, et ils irradient les tissus avoisinants, s'attaquant aux organes avoisinants. Graduellement, ces débris passent des membranes pulmonaires au système sanguin circulatoire et lymphatique causant des affections dans tout l'organisme.
Cette radiation cause la mutation de cellules ce qui engendre des cancers, leucémie, lymphome, déficience et malformation congénitale. En entrant dans le système sanguin circulatoire, les particules d'uranium appauvri émettent des radiations sur leur parcours. Certaines se concentrent dans le ganglion lymphatique causant ainsi un cancer, et d'autres dans la vessie, dans le cerveau, causant un cancer des reins, comme nous le savons. Avec le temps, elles s'installent dans les gros organes, les os et les dents.
Beaucoup de soldats ont rapporté au pays des débris contaminés comme souvenirs de guerre sans en connaître les dangers. On ne nous a jamais dit que de l'uranium appauvri était utilisé sur les champs de bataille et encore moins on ne nous a pas dit comment nous protéger. À la fin de la guerre, je ne sais pas quel étourdi a cru bon de faire passer dans notre camp un char d'assaut en débris, mais il s'agissait d'un char irakien qu'on avait fait exploser et évidemment, il était contaminé à l'uranium appauvri. Nous ignorions tout de cela toutefois.
Les anciens combattants des premiers régiments du génie de combat ont oeuvré dans le théâtre de guerre le plus toxique qu'ai jamais connu le monde. Nous étions dans un environnement hors de l'ordinaire, dans des conditions hors de l'ordinaire et nous avons subi des expositions hors de l'ordinaire. Puisque la plupart d'entre nous exhibons des symptômes et des maladies chroniques hors de l'ordinaire et uniques, très graves et débilitantes, on a étiqueté cela comme la maladie de la guerre du Golfe, assortie de symptômes multiples chroniques inexpliqués. La maladie de la guerre du Golfe se manifeste par une combinaison de problèmes de mémoire et de concentration, des maux de tête persistants, une fatigue inexpliquée, des douleurs généralisées, des problèmes digestifs chroniques, des problèmes respiratoires, des éruptions cutanées, etc.
Les données scientifiques sont indéniables: la maladie de la guerre du Golfe est bien réelle. On a fait des analyses biologiques objectives de la structure et du fonctionnement du cerveau, du système nerveux autonome, du système neuroendocrinien et des modifications au système immunitaire et on mesuré la variabilité dans les enzymes qui protègent le corps contre les produits chimiques neurotoxiques, appelés aussi les PON 1. Il s'agit d'un enzyme qui aide à métaboliser n'importe quelle toxine dans le système.
Un rapport scientifique affirme que la maladie de la guerre du Golfe diffère fondamentalement des troubles de stress rapportés après d'autres guerres. Les études démontrent de façon constante que les anciens combattants de la guerre du Golfe ont des taux de TSPT inférieurs aux anciens combattants d'autres guerres. La maladie de la guerre du Golfe et l'uranium appauvri: c'est là un nouveau phénomène. Inconnu jusqu'à présent en médecine, c'est un nouvel état de santé médical.
Depuis 22 ans, tous les gouvernements, 5 premiers ministres, 14 ministres d'Anciens Combattants et 12 ministres de la Défense nationale ont tout fait pour mentir, nier, et induire en erreur les anciens combattants invalides et leur famille, pour induire en erreur le public canadien et faire croire que tout va bien dans notre cas et qu'on s'occupe bien de nous. Le Canada a minimisé la très grande gravité des conséquences sanitaires que nous subissons depuis plus de 22 ans. Le Parlement nous envoie dans des théâtres de conflit abominables pour protéger et faire respecter nos droits de la personne et notre démocratie et voilà que nous rentrons au pays et que nos propres gouvernements, ceux qui nous ont envoyés au feu, les bafouent.
Bien des gens de la famille des anciens combattants, conjoints ou enfants, et des membres de la population civile sont également atteints de la maladie de la guerre du Golfe. Un tiers d'entre eux sont atteints, ont un état qui s'aggrave, sont mourants ou morts. Plus de 80 000 anciens combattants de l'armée américaine sont morts depuis qu'ils sont rentrés de la guerre du Golfe en 1991. Plus de 8 000 militaires britanniques sont également morts. Combien de Canadiens sont morts? Qui sait? Personne ne semble s'en soucier ou le savoir.
À notre libération des Forces canadiennes, on pose un faux diagnostic ou aucun diagnostic. Nous ne sommes pas traités. Nous sommes livrés à nous-mêmes et nous devons trouver nos propres médecins, des médecins civils, des spécialistes, des thérapeutes, des psychiatres. Les anciens combattants canadiens ont été totalement abandonnés. Nos symptômes, nos maladies et nos inquiétudes ont été sous-estimés, ridiculisés, ignorés — ce serait du stress. Quant aux médecins et spécialistes qui acceptent de nous prendre comme patients, l'ACC a l'audace de contester leur diagnostic, leur traitement et leurs compétences. Anciens Combattants Canada nous dicte le nombre de traitements que nous pouvons subir et la distance que nous pouvons parcourir pour les obtenir. La politique prime constamment sur les besoins des anciens combattants malades.
Les dossiers médicaux et les livrets de vaccination des anciens combattants ont été égarés ou encore n'ont jamais existé et il y a très peu de documents qu'on nous remet au moment de notre libération. Personnellement, nous avons pu constater que les Forces canadiennes retiraient des documents d'une grande importance des dossiers des anciens combattants. Elles ont également caviardé des renseignements contenus dans nos dossiers. Comment un ancien combattant peut-il prouver qu'il souffre d'une infection particulière et la relier directement à son service militaire en l'absence de tels documents?
Cela est retenu contre nous quand nous faisons des demandes au ministère ou que nous interjetons appel, étant donné que vous devez prouver que l'affection dont vous souffrez et pour laquelle vous faites une demande est directement reliée à votre service militaire. On doit donner aux anciens combattants et à leurs familles le bénéfice du doute. C'est le ministère qui devrait avoir le fardeau de la preuve, et non pas un ancien combattant invalide. Nous avons fait la guerre, cela ne suffit-il pas? Le Canada s'est engagé dans bien des guerres et des missions au cours des 20 dernières années: la guerre du Golfe, la Somalie, le Rwanda, la Croatie, la Bosnie, le Kosovo, les Balkans, l'Afghanistan. Nous savons que l'uranium appauvri a également été utilisé en Bosnie, dans les Balkans, en Afghanistan et également en Irak.
Les anciens combattants de la guerre du Golfe et les combattants de l'époque moderne dans l'ensemble sont traités comme des déchets toxiques dont on s'est débarrassé dans nos provinces, nos familles et auprès d'êtres chers et on attend d'eux qu'ils prennent soin de nous, comprennent nos besoins et notre maladie et cela dans l'ignorance et en l'absence d'appui du ministère de la Défense nationale, du ministère des Anciens Combattants ou du Parlement. Au lieu d'investir dans la recherche scientifique, afin de pouvoir poser des diagnostics précis et prescrire des traitements adéquats, ACC et notre gouvernement ont choisi de créer plus de lois, plus de paperasserie et plus d'entraves. Pourquoi le Canada ne participe-t-il pas à la recherche qui se fait couramment à l'échelle internationale sur ces enjeux médicaux et ces maladies très graves et complexes.
Le service de recherche du ministère des Anciens Combattants est pathétique. Il accorde la priorité à la gériatrie. Il est totalement isolé à l'Île-du-Prince-Édouard. Il est coupé de la réalité et il s'enlise. Le site Web du ministère n'aide en rien. Pourquoi n'y affiche-t-on pas le résultat de la recherche que font les Américains? Pourquoi ne peut-on pas voir sur le site Web que la Société canadienne du sang exclut des donneurs comme nous, atteints de syndrome de fatigue chronique en raison d'un lien possible entre ce syndrome et le virus apparenté au virus de la leucémie murine xénotrope? Cette exclusion remonte à 2010.
Si le Canada ne peut ou ne veut pas participer à la recherche en cours, alors profitons de la recherche faite dans les pays qui s'intéressent à la question, essentiellement les États-Unis. Qu'on nous fasse participer. Qu'on applique les conclusions de leurs études, tout à fait crédibles et probantes, et les traitements suggérés. Donnez-nous de l'espoir, des réponses et une certaine qualité de vie. Les États-Unis ont consacré près d'un milliard de dollars depuis 20 ans pour tenter de trouver des réponses, des traitements qui pourraient être utiles. Depuis 2008, le Comité consultatif de recherche sur les maladies des anciens combattants de la guerre du Golfe, aux États-Unis, affirme qu'il y a là une véritable maladie qui est différente du traumatisme et des syndromes liés au stress.
Un professeur de l'Université de l'Alberta, le Dr Gordon Broderick travaille avec le Comité consultatif de recherche sur les maladies de la guerre du Golfe. Il travaille aussi avec la Dre Nancy Klimas précisément sur le virus apparenté au virus de la leucémie murine xénotrope. Ils travaillent actuellement sur les biomarqueurs. Cette recherche est appuyée par les Congressionally Directed Medical Research Programs.
Le Canada doit mettre en oeuvre une approche similaire à celle adoptée par les États-Unis pour les anciens combattants frappés de maux multisymptomatiques sans explication médicale et de maladies présumées, des neuf maladies infectieuses, des maladies présumées associées à l'exposition aux radiations liée à la guerre du Golfe, au conflit en Irak ou à l'Afghanistan. Je vous exhorte à consulter le site Web du Department of Veterans Affairs américain où figurent tous les renseignements pertinents à même de sauver des vies.
Comment Anciens Combattants Canada ose-t-il priver nos anciens combattants, leurs familles, ainsi que les docteurs et les spécialistes qui s'efforcent de nous aider, de données scientifiques et de traitements possibles aussi importants? Ce faisant, le ministère semble prolonger la douleur et la souffrance. Nous sommes nombreux à penser que c'est criminel.
Jusqu'à présent, quelle est l'approche, quelle est la réaction du gouvernement et des autorités responsables? Un abandonnement total, une négligence criminelle et une méconnaissance irréfléchie totale. La situation est non seulement une tragédie nationale mais aussi un scandale d'envergure nationale.
Il y a trop d'anciens combattants qui ont péri aux mains du gouvernement. Laissez-moi en nommer quelques-uns: Michael Peace, qui avait été en Bosnie; Terry Riordon, mort d'uranium appauvri et de toxicité de métaux lourds, un ancien combattant de la guerre du Golfe, mort en avril 1998, dont on connaît bien la femme Susan, venue à Ottawa à plusieurs reprises; Brian Dyck, atteint de sclérose latérale amyotrophique, un ancien de la guerre du Golfe, mort le 8 octobre 2010. À l'époque, le ministre Blackburn avait fait, le 15 octobre 2010, une déclaration disant que, au vu des dernières recherches médicales, le gouvernement avait apporté des changements permettant aux anciens combattants atteints de la SLA d'obtenir l'aide et le soutien dont ils avaient besoin et qu'ils méritaient plus rapidement qu'avant. C'était, je l'ai dit, le 15 octobre 2010.
Aux États-Unis, c'est en 2008 que les recherches effectuées ont amené Veterans Affairs à reconnaître la SLA comme étant une maladie présumée donnant droit à indemnisation pour tous les anciens combattants ayant 90 jours ou plus de service continu dans les forces armées, sans preuve à apporter. Voilà un exemple qui montre que nous avons déjà deux ans de retard par rapport à ces recherches. Brian Dyck et sa famille n'ont pas pu bénéficier de leur diagnostic légitime ni obtenir un traitement ou une aide quelconque.
Les anciens combattants et leurs familles méritent les meilleurs soins que puisse offrir le pays; ils en ont besoin. Anciens Combattants Canada a le mandat de prendre soin des anciens combattants et de leurs familles, de nous reconnaître et de reconnaître la communauté moderne des anciens combattants gravement malades et invalides. Il faudrait réouvrir et réexaminer chaque demande d'indemnité d'invalidité déposée depuis 1990, que les demandeurs soient vivants ou décédés, afin de les réexaminer à tête reposée et en tenant compte de la science et des recherches conclusives.
Les conflits contemporains peuvent ne pas créer d'invalidité sur le champ de bataille, mais leurs effets peuvent se manifester quand les soldats rentrent chez eux. Nos blessures de guerre peuvent n'être pas visibles à l'oeil nu, mais le fait est que nous sommes gravement malades.
On dit qu'un pays se mesure à l'aune de la façon dont il prend soin de ses anciens combattants. Je dirais que le Canada échoue à la toise.
Si le Canada ne veut pas ou ne peut pas prendre soin de nous, qu'il ne nous expédie pas.
Merci de votre exposé, madame Richard. Nous apprécions beaucoup votre présence.
Nous passons maintenant à une série de questions de cinq minutes, en commençant par M. Chicoine.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Mesdames Richard, merci d'être venues ici pour témoigner et nous faire part de votre expérience.
Vous avez laissé votre santé au combat. Je ne peux que vous exprimer notre plus sincère gratitude pour ce sacrifice. J'imagine qu'en entrant dans les forces armées, on ne pense pas y laisser sa santé.
Votre constat sur les services offerts aux anciens combattants semble assez accablant. J'aimerais donc que vous nous fassiez part de votre expérience. J'aimerais que vous nous disiez si, selon vous, vos maladies sont liées à l'uranium appauvri et, le cas échéant, ce qui vous porte à penser cela.
C'est une bonne question.
Est-ce que je pense que c'est lié à l'uranium appauvri? Oui. J'ai été testée par une équipe indépendante, outre les services qui nous avaient été offerts par le système canadien en 2000 et dans le cadre desquels, clairement, le test était assez évasif. Tous les résultats des tests gouvernementaux avaient été négatifs et je n'en étais pas surprise, parce que les deux compagnies engagées par le gouvernement avaient admis qu'elles étaient incapables de faire passer des tests pour détecter la présence d'uranium appauvri. Le fait que nous ayons été induits en erreur ainsi a vraiment causé du dommage dans la communauté des anciens combattants. La crédibilité du ministère s'en est trouvée réduite.
Quand je suis partie à la guerre du Golfe, j'avais 29 ans et j'étais une triathlète. J'y ai fêté mon 30e anniversaire. Je viens d'avoir 52 ans, le 17 mars. Cela fait donc 22 ans que je suis malade.
J'ai réalisé tout de suite, même avant de partir, que toutes les injections reçues n'étaient pas normales. C'était très clair. Habituellement, les infirmières comme moi suivent un protocole. Si quelque chose ne va pas, au moins on sait quelle injection a pu causer une réaction ou une maladie. Quand on reçoit de 8 à 12 injections le même jour et que ce n'est pas documenté, comment savoir ce qui nous incommode?
Je ne me sentais pas bien quand j'ai pris l'avion. Même ma mère, la veille de mon départ pour Trenton pour aller prendre le C-130, ne pouvait pas me serrer dans ses bras tellement j'étais en douleur. Elle ne l'oubliera jamais. Déjà, en partant, je ne me sentais pas bien. À bord du C-130, cela nous a pris 34 heures pour nous rendre en Arabie saoudite. Nous avons eu le temps de nous sentir mal. Sur place, on nous a ordonné de prendre d'autres injections non testées ni approuvées. Nous ne savions même pas ce que c'était. On nous en avait donné l'ordre. Une autre infirmière me faisait les injections, puis à mon tour, en tant qu'infirmière, je faisais les injections à mes soldats en sachant que c'était un médicament non approuvé ni testé. C'était par l'entremise des Britanniques; ce n'était même pas canadien. Je me suis posé des questions. J'ai réagi à cela. Ensuite, on nous a donné l'ordre de prendre une petite pilule toutes les huit heures. J'ai mal réagi à cela aussi. J'avais des symptômes anormaux, comme de l'hypersalivation en plein désert, des problèmes visuels, de l'incontinence urinaire et fécale, des crampes et des saignements gynécologiques. C'était trop.
En plus, nous intervenions dans le désert, où il y avait des tempêtes de sable. Nous étions exposés à tout ce qui s'y trouvait, à des maladies endémiques locales auxquelles nous n'étions pas habitués. Les Américains ont reconnu neuf maladies transmissibles liées directement à l'environnement où nous étions. C'est quand même sérieux.
On commence à mettre tout cela ensemble. On ne se sent pas bien. À 29 ans, en tant que triathlète, je ne me sentais pas bien. Je réalisais aussi que d'autres se portaient bien. Cela ne semblait pas les affecter de la même façon. Comme infirmière, je trouvais cela un peu bizarre, mais je me disais que peut-être eux avaient eu un placebo et que moi j'avais eu la vraie affaire. Qui sait? On se pose des questions.
Plus la guerre avançait, plus on avait des prisonniers de guerre et des blessés. Je me souviens entre autres d'une chirurgie avec le colonel Auger, avec qui nous travaillions. Il est par la suite devenu général Auger, puis médecin-chef en 1998, puis il a été congédié en 1999.
[Traduction]
Madame Richard, je suis désolé, mais nous avons dépassé le temps alloué. Et j'essaie de veiller à ce que le plus de députés possible puissent poser leurs questions. Il est très possible qu'une de ces questions vous donne l'occasion de poursuivre les propos entamés avec M. Chicoine. Je vous prie encore une fois de m'excuser, mais je veux que tout le monde ait la chance de poser des questions.
Nous passons à M. Hayes, s'il veut bien, pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Madame Richard, vous venez d'une famille de militaires. Nous vous remercions d'avoir maintenu leur tradition. C'est souvent le cas dans les familles de militaires.
Dans ma propre famille, par exemple, je suis l'exception. Mais, entre mon père et mes deux soeurs, je totalise 75 ans de service. Et mon beau-frère a lui aussi combattu pendant la guerre du Golfe.
Je voudrais que vous gardiez ceci à l'esprit et que vous sachiez que tous les membres du comité se soucient sincèrement des anciens combattants. Chaque membre du comité a, je crois, un lien direct avec le service militaire.
Je suis parfaitement d'accord avec vous quand vous affirmez que vous méritez les meilleurs soins, vous les avez gagnés. J'en suis intimement persuadé. Ayant parcouru le globe avec mon père, je peux dire qu'il a gagné les meilleurs des soins et qu'il les mérite. C'est vrai pour tous les anciens combattants, sans contradiction possible.
Quelle a été votre réaction à la nouvelle de la création du Comité consultatif scientifique sur la santé des anciens combattants, pour étudier l'uranium appauvri?
J'ai pensé que c'était curieusement tard, en me disant toutefois que cela n'avait rien d'étonnant.
J'étais curieuse de voir comment le comité nommé par le ministre Blaney aborderait la question, qui est complexe. L'uranium appauvri est quelque chose dont je n'avais jamais entendu parler quand je suis allée en guerre — et moi j'étais impliquée — sans vouloir même parler de ce que les autres pouvaient savoir. Vous avez peut-être entendu parler de l'uranium appauvri, mais la plupart d'entre nous non, c'est certain.
J'ai pris le temps de lire le rapport. Une chose qui m'a frappée, avant même que je l'ouvre, a été la recherche que j'ai effectuée sur le major général Pierre Morisset, dont le nom ne me disait rien. J'ai constaté qu'il avait été chirurgien général adjoint pendant quatre ans, puis nommé chirurgien général en 1992. Ainsi, quatre ans avant 1992, à partir de 1988, il était pleinement conscient du fait qu'on nous envoyait à la guerre du Golfe. Faisant partie du bureau du chirurgien général, puis devenant lui-même chirurgien général en 1992, pour le rester jusqu'en 1994, il savait pertinemment quel protocole chacun de nous recevait ou il aurait dû le savoir.
J'ai été choquée de savoir qu'il était pleinement impliqué. Je suis allée en guerre, j'en suis revenue malade, pour me faire dire: « Espèce de simulatrice, c'est tout dans ta tête. » Le MDN m'a laissée devenir de plus en plus malade et ne s'est pas occupé de mes maladies physiques, se contentant de parler de troubles post-traumatiques ou de simulation. J'ai été choquée et profondément déçue de voir qu'il avait choisi de ne rien faire.
Avez-vous eu l'occasion de fournir des documents et des renseignements au Comité consultatif scientifique?
On ne me l'a jamais demandé. J'ai toutefois envoyé un message électronique, sans obtenir de réponse. Il faut croire qu'il s'est perdu quelque part dans le cyberespace. Mais j'ai essayé.
Comme beaucoup d'anciens combattants, je constate que nous en sommes au stade où on ne fait plus vraiment confiance au ministère des Anciens Combattants. Nous savons ce qu'il s'est abstenu de faire pour nous.
Alors quand le général Morisset affirme avoir reçu seulement cinq courriels et s'être entretenu avec peut-être deux personnes, c'est plutôt attristant. Oui, plutôt attristant.
Mais vous avez eu l'occasion de fournir quelque chose, d'envoyer un ou deux messages électroniques ou...
Par votre intermédiaire, monsieur le président, est-il possible d'avoir l'occasion de prendre connaissance de ce message? Je ne crois pas que nous l'ayons vu. Je n'ai rien vu de ce type dans la documentation, alors...
Est-ce une demande que nous pouvons effectuer, monsieur le président?
Il y a peut-être une question de confidentialité, mais la greffière vérifiera auprès du Dr Morisset.
Parlons d'approche, madame Richard. Pensez-vous qu'en entendant ce que les chercheurs ont à dire ainsi que les anciens combattants, nous ayons adopté la bonne approche pour notre étude? Nous nous efforçons d'écouter tous les points de vue. J'espère que vous appréciez d'être ici aujourd'hui. Moi, en tout cas, j'apprécie votre présence.
Nous avons écouté les chercheurs, les membres du comité, les examens par des pairs et, maintenant, nous écoutons les gens les plus directement touchés.
L'approche vous semble-t-elle raisonnable?
Oui, c'est une approche raisonnable. Je dois dire, par contre, que je suis déçue par le choix des chercheurs. Le général Morisset affirme qu'on ne peut pas effectuer de tests pour l'uranium appauvri, mais ce n'est pas le cas. L'attente n'est pas acceptable. Il existe des traitements disponibles. Quand nos soldats reviennent d'un environnement où l'uranium appauvri a pu être présent, on ne doit pas attendre 10 ans ou 22 ans pour effectuer des tests. On ne doit pas dire: « Au fait, vous n'avez plus de cheveux, c'est peut-être l'uranium appauvri, vous avez peut-être été empoisonné. » Là, c'est un peu trop tard.
J'ai trouvé les références intéressantes, dans le rapport. Je me suis beaucoup intéressée au syndrome de la guerre du Golfe, très tôt, parce que j'étais moi-même affectée. En tant qu'infirmière, fréquentant à l'époque un hôpital militaire, j'ai vu beaucoup de gens manifester des symptômes curieux et beaucoup de choses bizarres se produire. Personne n'était en mesure de dire à ces gens ce qui pouvait bien se passer. Quand Internet a pris de l'ampleur, nous avons commencé à faire des recherches. Nous sommes restés au courant de ce qui se faisait sur la scène internationale, essentiellement aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Le Canada a quand même fait une étude intéressante, en 1998, le rapport Goss Gilroy. Il répondait aux appels à l'action que je réitérais, avec d'autres anciens combattants déterminés. Ils avaient ouvert une clinique, qu'ils ont ensuite fermée. C'était le Dr Ken Scott qui en était responsable. Il y avait une ligne téléphonique, qui a plus tard été coupée. Quand ils ont décidé de produire ce rapport, on n'en revenait pas qu'ils s'intéressent véritablement à notre question. Le seul problème est que c'était un questionnaire d'auto-identification, qui n'a jamais fait l'objet d'un examen par des pairs ni d'un suivi. Nous savons que le rapport du Comité consultatif scientifique sur la santé des anciens combattants évoque notre corps d'ingénieurs à Doha.
Merci, monsieur le président.
Madame Richard, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné combien il était pénible d'avoir le fardeau de la preuve quand vous traitez avec Anciens Combattants Canada. Je le mentionne sans poser de questions. Vous savez peut-être que, dans le dernier rapport du comité, le Parti libéral a rédigé un rapport minoritaire recommandant que soit abaissé le fardeau de la preuve pour les anciens combattants. Sachez qu'on a prêté oreille à ce que vous disiez et qu'on va agir.
Laissez-moi revenir à quelque chose que vous avez dit en réponse à la question de M. Hayes sur le message électronique que vous avez envoyé au comité. La greffière semble penser qu'il peut y avoir une question de confidentialité, mais ce serait seulement le cas si vous vouliez préserver cette confidentialité. Avez-vous le message et êtes-vous préparée à le transmettre au comité?
Je vous le transmettrai si j'arrive à le retrouver. J'ai eu pas mal de problèmes informatiques mais, si j'y arrive, je ne demanderais pas mieux que de vous le transmettre.
Nous vous en serions reconnaissants.
Laissez-moi enchaîner avec une autre question que vous a posée M. Hayes. Au début de sa série de questions, il a affirmé que vous avez gagné les meilleurs soins et que vous les méritiez.
Si on vous donnait ce que vous avez gagné et ce que vous méritez, cela ressemblerait à quoi? Comment cela se comparerait-il avec les soins qui vous ont été accordés? Si le gouvernement vous traitait comme il convient et vous donnait les soins que vous avez gagnés et que vous méritez, de quel ordre seraient-ils?
De quoi cela aurait l'air? Tout d'abord, d'une carte blanche.
Selon moi, nous ne devrions pas avoir à prouver quoi que ce soit. Au bout du compte, nous avons été choisis pour partir. Nous sommes partis en bonne santé; nous sommes revenus malades. Ce n'est pas à moi de payer des milliers de dollars pour subir des tests, pour faire de la recherche, pour soumettre des rapports, puis pour essuyer un refus de la part d'ACC. Alors, je dois recommencer à courir après encore des docteurs, encore des rapports; je dois payer, puis emprunter de l'argent à ma mère pour faire des tests, encore des tests.
Au bout du compte, Anciens Combattants ne fonctionne pas. Il y a un carcan de politiques, il y a des bureaucrates. Il n'y a pas d'éléments consultatifs scientifiques, là-dedans. Il y a bien un service de recherche, mais il s'occupe de la transition des anciens combattants quittant les forces pour s'insérer dans le civil, ou ceci ou cela.
Comment est-ce censé m'aider à faire face à des symptômes quotidiens physiques et émotionnels, invalidants, chroniques et complexes? Peu importe, semble-t-il, que j'ai prouvé ce que je raconte à plusieurs reprises, parce que j'ai trouvé les docteurs, parce que j'ai payé l'argent qu'il fallait pour obtenir des rapports. Si vous avez un état neurodégénératif chronique, il ne va pas s'améliorer du jour au lendemain. Nous savons tous qu'il va empirer avec le temps. Alors pourquoi mes fournisseurs de soins de santé doivent-ils, tous les trois mois ou tous les six mois, écrire des rapports à Anciens Combattants Canada afin que je quémande 10 traitements de plus?
C'est à se taper la tête contre les murs. Et ça ne devrait pas être le cas. En plus, le résultat, c'est que tous ces rapports médicaux et toutes ces recherches fournis aux bureaucrates, bureaucrates sans connaissances médicales, sans expertises dans ce domaine, partent de Charlottetown pour atterrir dans un Centre d'autorisation de traitement, un bureau de district ou encore dans le bureau de trucmuche ou machin chouette. Je le sais pertinemment parce que j'ai été touché par la fuite de renseignements personnels, monsieur.
Qui sont ces gens? Quand vous faites une demande ou même quand vous demandez 30 séances de massage ou de chiropratique, selon le cas, il y a toujours un délai avant l'approbation. Cet état chronique, ou cet état qu'essaye de traiter l'ancien combattant, va empirer à cause de l'attente. En ce qui me concerne, il faut un comité consultatif scientifique d'une sorte ou d'une autre.
Une voix: Avec des anciens combattants.
Ltv Louise Richard: Oui, avec des anciens combattants, exactement comme aux États-Unis, comme le Comité consultatif de recherche sur les maladies de la guerre du Golfe, où on parle de la science, de la recherche, des faits, établis par des chercheurs et pas par Anciens Combattants Canada.
Merci, madame Richard.
Et merci à vous, monsieur Casey.
Nous passons maintenant à M. Young, s'il veut bien.
Merci, monsieur le président.
Et merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui, madame Richard.
Permettez-moi de vous féliciter pour la façon dont vous défendez ces intérêts et de votre courage. Je suis vraiment ravi d'apprendre que votre mère a obtenu une Médaille du jubilé de diamant de la Reine. J'espère que votre leadership vous vaudra également une reconnaissance de cet ordre, bientôt, si ce n'est pas encore arrivé.
J'imagine que votre plus grand défi a été de faire savoir à tout le monde ce qui se passait et de vous heurter à l'incrédulité. Vous avez dû vous sentir très seules, quand vous étiez deux à travailler ensemble.
Oui, vraiment, félicitations.
J'aimerais vous poser trois brèves questions, si possible, puis une question ouverte parce que j'aimerais vous donner l'occasion de résumer la situation pour moi et les membres du comité.
Vous dites que le Canada ne fait pas de recherches dans ces domaines. Selon vous, pourquoi est-ce le cas? Pourriez-vous me donner une réponse brève sur ce point? Je passerai ensuite à autre chose. Alors, pourquoi le Canada n'effectue-t-il pas de recherches sur ces questions?
Eh bien je pense que, dans ce domaine comme dans d'autres, on s'imagine que tant qu'on ne s'occupe pas du problème, il n'existe pas.
C'est comme de l'aveuglement volontaire ou bien s'agit-il d'une question de coûts? Quelle conclusion en avez-vous tirée?
À mon avis, il ne devrait pas y avoir de coûts associés à n'importe quels soins pour les anciens combattants, quels qu'ils soient.
Pensez-vous que ça a été une question de coûts ou pensez-vous simplement qu'il s'agissait d'un si grand problème que personne ne voulait en parler et qu'on espérait qu'il allait disparaître?
Je crois que c'est un peu de tout, mais le fait que l'administration centrale d'Anciens Combattants soit à Charlottetown n'aide pas beaucoup. Elle devrait se trouver ici, à Ottawa.
Vous avez énuméré deux catégories de blessures ou de maladies, à savoir les traumatismes et le stress. Est-ce que la maladie due à la guerre du Golfe est une troisième catégorie ou bien considéreriez-vous cela comme un traumatisme?
Cela appartient à la troisième catégorie.
Combien d'anciens combattants ont été affectés comme vous? Désolé, je suis nouveau au sein du comité. Combien d'anciens combattants ont été affectés?
Le Canada ne dispose d'aucune statistique ou d'aucune étude et donc nous ne disposons pas vraiment de données. Il s'agit du bouche à oreille, mais au début des années 2000, j'en connaissais près de 400.
J'aimerais vous poser une question ouverte et vous accorder le reste de mes cinq minutes. Il s'agira peut-être de trois minutes et demie ou quatre minutes.
Pouvez-vous me donner une liste des mesures que vous pensez que le gouvernement devrait prendre dès maintenant si vous étiez aux commandes, c'est-à-dire des choses qui à votre avis ont été abordées dans le rapport comme il se doit et qui étaient utiles et des choses qui n'ont pas été abordées dans le rapport? Pourriez-vous me donner une courte liste pour que les membres du comité puissent ensuite délibérer et prendre des mesures et faire des recommandations en fonction de ce que vous nous aurez signalé comme étant manquant ou comme ayant été abordé de manière appropriée.
La chose qui doit être faite immédiatement est de mettre sur pied un conseil consultatif scientifique et médical qui soit actif et indépendant. Il s'agit de maladies chroniques graves difficiles à comprendre. Nous avons besoin de spécialistes comme aux États-Unis et en Grande-Bretagne. C'est la première chose que je ferais. Nous aurions de vrais médecins et nous ferions en sorte de rencontrer de vraies personnes, et non pas de faire uniquement les choses sur papier. Cela semble être la seule méthode de travail aux Anciens Combattants. Il faut que les choses soient tangibles et se fassent en personne. Nous devrions avoir le noyau ici, à Ottawa, où nous avons accès à tous ces spécialistes et universités et peut-être avoir des centres dans chaque province ou des cliniques traitant des BSO pour s'assurer d'une certaine continuité et pour avoir une norme de soins nationale, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Aujourd'hui, c'est comme si la personne qui reçoit la demande et qui décide d'interpréter les politiques d'une certaine façon constitue la saveur du jour. Il faut mettre fin à cela.
Nous devrions absolument inclure des anciens combattants au sein de ce conseil consultatif scientifique médical actif. Vraiment, je ne suis pas la seule à demander cela, mais il y a également Sean Bruyea et toutes sortes d'anciens combattants et de défenseurs qui l'ont demandé par le biais du GCBS, le Groupe consultatif sur les besoins spéciaux, et par le biais du bureau de l'ombudsman des Anciens Combattants. ACC est inefficace.
Lorsque je suis partie à la guerre et que, de retour à la maison, j'ai commencé à avoir toutes ces maladies, ils ont décidé de corriger la Table des invalidités en 2000. Il y avait déjà 10 ans que nous passions à travers les mailles du filet. Et ensuite on s'est aperçu que les choses n'avaient pas été changées depuis 1919.
Quelle est la meilleure façon de corriger les choses?
Avez-vous d'autres suggestions pour corriger les choses? Cela serait utile.
En ce qui me concerne, le système est tout simplement inefficace. Il ne fonctionne plus pour nous. Il ne s'agit pas uniquement d'une question de politique ou de supplier et de faire des demandes, de se voir refuser et d'interjeter appel et tout ce genre de choses. Cela doit prendre fin. Les gens se meurent aux portes d'Anciens Combattants en attendant une décision ou en attendant une pension d'invalidité. Les familles sont déchirées. Lorsque le ministère des Anciens Combattants ne fait rien, nous devons sortir et aller nous débrouiller par nous-mêmes. La plupart des anciens combattants ne disposent pas de cet argent. Ils sont malades, ils sont vulnérables. Ils ont besoin d'aide. Anciens Combattants doit aller vers eux et non pas le contraire.
Merci, madame la présidente.
Madame Richard, je suis très heureuse de vous voir ici et c'est très courageux de votre part de nous donner votre témoignage.
J'ai entendu un certain nombre de choses techniques sur l'uranium appauvri à savoir si c'était toxique ou pas. J'ai l'impression que nous parlons de quelque chose de beaucoup plus humain qu'uniquement de la preuve scientifique. J'aimerais vous poser une question sur ces injections que vous avez reçues. J'ai l'impression qu'il s'agit d'un cocktail terrifiant.
Comment savez-vous que certaines étaient expérimentales? Où avez-vous obtenu cette information?
Nous avons été pris à part en quelque sorte. Lorsque je suis arrivée en Arabie saoudite, nous avons fusionné avec les Britanniques, car j'étais dans un petit groupe et les Britanniques avaient déjà inoculé leurs troupes. Entre infirmières, nous avions discuté du fait que ces choses-là sont ordonnées et d'ailleurs, on n'en parle jamais, c'est un secret, mais c'est de l'anthrax. C'est une toxine botulinique. C'est la peste. Vous le prenez, vous vous taisez et il n'y a aucune trace dans les documents. Ensuite vous vous en allez et vous allez vacciner votre groupe et vous ne dites à personne ce que vous leur donnez.
Vous avez dit que le ministère des Anciens Combattants mettait au défi tous les docteurs désireux de venir discuter ou identifier ce qui vous est arrivé et désireux de vous traiter.
Pourriez-vous nous expliquer ce que vous vouliez dire par là et nous donner les détails de ce défi? Quelle est la motivation derrière tout cela, d'après vous?
Madame, si vous partiez en voyage en bonne santé et que vous reveniez malade, ne voudriez-vous pas savoir ce qui vous est arrivé et où ça vous est arrivé? Est-ce que c'est mortel? S'agit-il d'un virus qui disparaîtra dans 10 jours? C'est la nature humaine.
Lorsqu'une personne qui travaille dans le domaine médical tombe malade, la première chose qu'elle veut savoir, c'est ce qui est arrivé. C'est ainsi que je suis. Bien entendu j'ai fait de la recherche et j'ai analysé mes symptômes. Dans mon travail, je venais en aide à d'autres anciens combattants pour les aider à trouver des médecins, car lorsque vous quittez le MDN, vous êtes livré à vous-même. Comme l'a dit le général, une fois que vous quittez l'uniforme... Il m'a fallu huit mois pour obtenir un omnipraticien et c'était en fait grâce à ma mère.
Vous êtes bien évidemment restée en contact avec un certain nombre de vos camarades, un certain nombre d'anciens combattants. Vous nous avez également décrit certains des symptômes que vous ressentiez lorsque vous étiez dans le Golfe. J'aimerais savoir à quoi ressemble votre vie au quotidien, à l'heure actuelle.
C'est une vie d'existence. Ma joie de vivre est partie. J'essaie de survivre un jour après l'autre. Je souffre de multiples maladies chroniques: fatigue chronique, fibromyalgie, sensibilité à de multiples produits chimiques — très gravement. Je me suis fait opérer au dos lorsque j'étais dans l'armée en 1994 et cela n'a pas bien réussi. Ils m'ont traitée comme une malade imaginaire et m'ont dit que tout était dans ma tête et que j'étais une chialeuse de la guerre du Golfe. Ils ne m'ont pas traitée pendant un mois. Il s'est avéré que je souffrais d'ostéomyélite aiguë de la colonne vertébrale, du muscle psoas. Ça s'est ensuite déplacé dans la colonne. Ça s'est propagé partout. J'ai été à l'hôpital pendant quatre mois. Ma mère pensait que j'allais mourir.
En plus de tout cela, lorsque je vous ai dit que j'avais des saignements gynécologiques pendant la guerre du Golfe, ça s'est poursuivi très gravement après mon retour au Canada, à tel point que j'ai dû subir des transfusions de sang. Ça vous montre combien je perdais de sang. Ensuite on m'a dit: « Vous vous coupez les veines. Vous ne faites que falsifier les résultats sanguins. » Comment pouvaient-ils oser? Comment pouviez-vous oser faire cela? On nous envoie là-bas en bonne santé et nous revenons malades. Étant donné que j'étais déjà si malade dans le Golfe, mon système immunitaire a été réduit à néant. Je ne pouvais pas combattre l'infection. Je ne pouvais plus me battre contre ces choses-là.
Maintenant, je souffre de problèmes intestinaux, de graves problèmes gastro-intestinaux, comme ils l'ont dit dans le rapport, des maladies présumées que les Américains ont signalées, comme des douleurs chroniques intenses ou la fatigue chronique grave. J'ai beaucoup de mal à me concentrer. Vous devriez voir mon appartement. Alors que j'essayais de m'organiser pour cette réunion, il a l'air d'un véritable champ de bataille. Je n'arrive pas à rester concentrée. Mon cerveau est comme dans le brouillard tout le temps. Il s'agit de photophobie. Je ne peux pas conduire la nuit. Mes yeux n'en sont plus capables...
Mme Marie Richard: ... ou même passer par-dessus les ponts.
Ltv Louise Richard: ... ou passer par-dessus les ponts. Je souffre de ces phobies bizarres que je n'ai jamais eues auparavant. Voilà les dégâts subis par mon cerveau à cause de ces expositions.
Madame Richard, merci beaucoup.
Nous allons maintenant terminer nos questions pour cette série avec la secrétaire parlementaire, Eve Adams.
Nous avons un autre témoin qui va arriver incessamment.
Madame Adams.
Merci beaucoup, madame Richard, de vous être préparée à cette réunion et d'être venue. Je sais que cela a dû nécessiter beaucoup de travail de votre part. Nous sommes très heureux que vous ayez pu vous joindre à nous et que votre mère et votre frère soient ici. Chaque fois que nous envoyons des membres des Forces armées se battre, leurs familles vivent également dans l'anxiété. Le service de nos anciens combattants n'aurait pas été possible sans l'aide et sans l'amour de leurs familles et donc je vous remercie tous d'être venus.
Je sais que nous sommes pressés. Madame Richard, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de passer en revue l'étude. Anciens Combattants a chargé un comité scientifique indépendant d'examiner la question de l'uranium appauvri. Cette étude a ensuite fait l'objet d'un examen par les pairs et elle contenait sept conclusions. Si je vous lisais chacune de ces sept conclusions — et je vous demande de m'excuser d'être si rapide — pourriez-vous me dire si vous êtes d'accord avec cette conclusion ou si vous n'êtes pas d'accord?
La première conclusion de l'étude dit ce qui suit:
L'uranium appauvri peut être nocif pour la santé humaine en raison de ses effets chimiques et radiologiques.
La seconde conclusion de l'étude est la suivante:
Dans le contexte militaire, les personnes qui risquaient le plus d'être exposées à l'UA sont celles qui se trouvaient à bord ou à proximité d'un véhicule frappé par un tir fratricide; qui ont pénétré dans un tel véhicule en feu ou qui se trouvaient proximité; qui se trouvaient près d'un incendie dans lequel des munitions à l'uranium brûlaient; qui ont participé à des opérations de récupération de véhicules endommagés; ou qui ont participé à des opérations de nettoyage de sites contaminés.
La troisième conclusion dit:
Il est peu probable que des militaires canadiens aient été exposés à des concentrations d'uranium appauvri qui pourraient représenter un danger pour leur santé.
La quatrième conclusion dit:
Les études de cohortes militaires n'attestent pas de manière constante que des effets néfastes pour la santé puissent être attribués à l'uranium appauvri.
Je n'avais pas l'intention de vous mettre sur la sellette. Je vous invite à envoyer votre réponse par la suite. Je ne voulais pas vous mettre sur la sellette.
Pas de problème.
La numéro cinq dit:
Les études menées dans des populations civiles plus vastes davantage exposées à l'uranium (travailleurs des secteurs de la production et du traitement de l'uranium) et suivies pendant de longues périodes n'apportent pas de preuves solides de l'existence des faits néfastes pour la santé.
Êtes-vous au courant de fortes preuves d'effets néfastes pour la santé indiqués par des études menées dans des populations civiles?
Il y en a eu un nombre assez important en Bosnie, au Kosovo et en Irak, avec des malformations congénitales, avec une augmentation de 800 p. 100 du nombre de cancers. Cela a été très bien documenté.
La sixième dit:
Notre conclusion selon laquelle l'exposition à l'uranium n'est pas associée à un effet important ou fréquent sur la santé concorde avec les conclusions d'autres groupes d'experts.
Pas de problème. Je passe à la suivante.
La numéro sept est la suivante:
À la suite d'un déploiement ou d'un conflit armé, de nombreux anciens combattants présentent des symptômes persistants qui, bien qu'ils ne soient pas associés à l'exposition à une substance en particulier, tel l'uranium appauvri, peuvent causer beaucoup de souffrances et faire l'objet d'un traitement efficace.
Tournons-nous vers l'avenir, maintenant que l'étude est terminée, comment le gouvernement devrait-il répondre aux résultats de cette étude?
Il devrait admettre le fait que les tests d'urine réalisés par le gouvernement étaient trompeurs. Il a eu tort. Il n'a pas utilisé les installations appropriées pour faire des tests approfondis. On devrait aller un peu plus loin pour vérifier les chromosomes et les cellules de l'ARN. Il existe des preuves manifestes que ce n'est pas uniquement dans l'urine. On peut le déceler à l'échelle moléculaire également et donc nous devons aller plus loin et ne pas nous arrêter à l'urine.
Donc pour être plus précise, à l'avenir, comment pensez-vous que le gouvernement devrait répondre à des cas comme le vôtre?
Je ne suis pas la seule. Vous devriez dire des cas comme les nôtres.
Il faut retourner dans le temps et contacter chaque personne qui a été frappée à la porte du ministère des Anciens Combattants pour faire une demande quelconque, quelle qu'ait été sa maladie. Il faut retourner en arrière. Nous devons passer en revue chaque cas en remontant jusqu'en 1990, et examiner les preuves, les recherches claires. Nous devons suivre tout cela. Nous devons aider nos familles, nos médecins. Nous devons sensibiliser les Canadiens à ce sujet. Il y a neuf maladies contagieuses. C'est grave. Il y a une interdiction de donner du sang pour ceux qui souffrent du syndrome de fatigue chronique, le virus XMRV. Ils sont en train de travailler sur des biomarqueurs.
Il s'agit de choses importantes qui ne se limitent pas aux anciens combattants. Il s'agit de notre système d'approvisionnement en sang. L'uranium appauvri, comme on le sait, se propage dans tout le corps, tous les organes. Y a-t-il quelqu'un ici qui veuille un de mes organes si vous aviez un accident d'auto demain?
Une voix: Non.
Ltv Louise Richard: Moi non plus. La Croix-Rouge m'a interdit de donner du sang en 1994, car je montrais des signes de maladie à l'époque et qu'ils se posaient des questions là-dessus. J'ai participé à un programme de plasmaphérèse. J'étais très fière d'y avoir participé et donc lorsqu'on m'a dit non, je me demandais ce qui se passait.
Nous devons examiner en profondeur un grand nombre de choses qu'Anciens Combattants et le Canada n'ont fait qu'effleurer.
Capitaine Richard, merci beaucoup, au nom de tous les membres du comité, non seulement pour votre service, mais également pour votre témoignage. Merci beaucoup aussi à votre mère et à votre frère.
Votre témoignage nous est très précieux dans le cadre de notre travail. S'il y a autre chose à l'avenir que vous désirez nous soumettre par écrit, lorsque ça vous arrangera, bien entendu, cela nous serait vraiment très utile.
Je désire également informer le comité que madame a eu l'amabilité d'apporter ce CD, lequel est uniquement en anglais, je vous le précise, donc si vous désirez en avoir un exemplaire, vous pouvez venir en chercher un ici.
Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui.
Chers députés, veuillez regagner vos places.
Mesdames et messieurs, nous sommes maintenant très heureux d'accueillir le Dr Eric Daxon, directeur de recherche au Battelle Memorial Institute.
Monsieur, merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. Nous apprécions que vous nous accordiez votre temps. Vous avez la parole pour 10 minutes.
Tout d'abord, permettez-moi de vous dire combien je suis heureux et honoré d'être ici au comité. Ensuite, j'aimerais vous remercier pour le travail que vous faites pour les anciens combattants canadiens. Je crois que le comité en dit long sur l'intérêt que vous portez aux anciens combattants canadiens. Je ne suis pas moi-même un ancien combattant, mais j'ai été en service actif au sein de l'armée américaine pendant 30 ans et j'apprécie tout spécialement le travail qui est fait pour nos anciens combattants.
Avant de commencer, je dois préciser que je suis ici à titre d'expert indépendant en la matière et non à titre de représentant de ma compagnie ou de toute autre organisation. Les commentaires que vous allez entendre expriment mon opinion sur les questions à l'étude. Je suis spécialiste en radioprotection de par ma formation et mon expérience. J'ai reçu une maîtrise en génie nucléaire au Massachussetts Institute of Technology, ainsi qu'un doctorat en hygiène radiologique à l'Université de Pittsburgh. Ma participation à la recherche sur l'UA a commencé en 1992 avec mon affectation à l'Institut de recherche en radiobiologie des forces armées américaines, communément appelé AFRRI, d'abord en tant que chef de la direction, puis de directeur du département de biophysique des radiations et finalement en tant que chef d'équipe de recherche de l'UA de l'AFRRI.
Ce travail a mené à deux importants résultats. Le premier concernait le lancement du programme de recherche de l’AFRRI sur des modèles animaux pour étudier les effets sur la santé des fragments d’UA qui se sont logés dans le corps. Le second consistait à contribuer à l’élaboration du programme de suivi de Baltimore sur l’uranium appauvri. Le programme de Baltimore a été mis sur pied pour fournir un suivi clinique à long terme aux soldats américains qui ont des fragments d’UA logés dans leur corps depuis des incidents de tirs fratricides survenus au cours de la première guerre du Golfe.
Au cours de ma mission subséquente, je suis devenu le porte-parole du Département de la Défense américain en ce qui concerne la radioprotection relative à l’exposition à l’uranium appauvri, ainsi que l’expert-conseil du médecin-chef de l’armée américaine au chapitre de l’uranium appauvri. À ce titre, j’ai participé au lancement et au déroulement du projet Capstone pour l’UA. Lorsque j’ai pris ma retraite, en 2003, j’ai continué à travailler avec le projet Capstone UA. Pour être tout à fait honnête avec vous, je dois vous dire que ma compagnie actuelle, Battelle, est celle qui a mené à bien le projet Capstone.
J’ai participé aux efforts du comité lorsque le Dr Morisset m’a demandé de passer en revue le rapport sur l’expérience canadienne en matière d’uranium appauvri. Dès le départ, j’aimerais vous dire que je suis d’accord avec la méthode utilisée pour réaliser le rapport et que je souscris aux conclusions du rapport.
J’aimerais passer un peu de temps à parler de certains aspects des sujets que j’ai jusqu’ici abordés.
L'examen initial sur les éventuels effets sur la santé de l'utilisation de l'UA dans les munitions a été réalisé par le Groupe interarmées de coordination technique sur l'efficacité des munitions, au Département de la Défense américain. Dans un rapport publié en 1974, le groupe a recommandé une série de tests pour évaluer la quantité d'UA qui pouvait être inhalée ou ingérée dans différents cas de figures, y compris lors d'incendies ou dans les cas où des chars seraient frappés par de l'UA. Ces études ont commencé et ont abouti au projet Capstone sur l'uranium appauvri.
L'objectif global du projet Capstone était d'évaluer les risques pour la santé du personnel, à chacun des trois niveaux d'exposition. La première partie du projet était le test Capstone. L'objectif de ce test était de mesurer les niveaux de concentration ambiante juste après la pénétration d'une munition à l'uranium appauvri. On y est arrivé par une série d'expériences lors desquelles on a procédé au tir de munitions UA sur des véhicules blindés américains, puis en se servant d'un dispositif d'échantillonnage spécialement conçu pour recueillir les particules aérosols d'UA émises peu après la pénétration et à des intervalles précis après la pénétration.
La seconde partie du projet Capstone UA concernait l'évaluation des risques pour la santé pour les niveaux I jusqu'à III. Les données du test Capstone n'ont été utilisées que pour l'évaluation du niveau I. L'exposition de niveau I désigne les personnes qui se trouvaient à l'intérieur, sur ou à proximité d'un véhicule au moment où le véhicule a été pénétré par une munition ou les premiers répondants qui sont entrés dans le véhicule immédiatement après pour administrer les premiers soins aux occupants du véhicule. Le niveau II désigne le personnel qui, dans le cadre de son travail, entrait fréquemment dans des véhicules contaminés à l'uranium appauvri. Le niveau III désigne pratiquement toutes les autres personnes. L'évaluation des risques pour les niveaux II et III se servait d'une combinaison de données Capstone et de données publiées précédemment. L'évaluation des risques pour la santé en a conclu que l'exposition à l'UA dépassant les niveaux de sécurité était possible pour les niveaux I et II, mais pas pour le niveau III. L'exposition pour les Canadiens correspond au niveau III.
Le programme de surveillance de l'uranium appauvri des anciens combattants de Baltimore a commencé sa surveillance de la santé de personnes de niveau I, à savoir le plus fort taux d'exposition, des anciens combattants américains qui ont des fragments qui se sont logés dans leur corps en 1993 et a répété la surveillance tous les deux ans.
Les résultats de cette surveillance clinique ont été rapportés dans une multitude de publications faisant l'objet d'un examen par les pairs. L'article le plus récent, à ma connaissance, date de 2011 et a été publié dans le Journal of Toxicology and Environmental Health. Les résultats rapportés dans cet article sont conformes à des rapports précédents. Les anciens combattants ayant des fragments d'uranium appauvri logés dans leur corps émettent toujours des niveaux élevés d'uranium appauvri. On n'a observé aucune preuve de changements cliniques importants dans les reins ou dans les os, à savoir les deux organes principalement ciblés par l'uranium appauvri. Telle était la conclusion du rapport de 2011 et de tous les rapports dont je me souviens depuis que l'étude a commencé.
Les résultats des études réalisées à Baltimore sont pertinents pour l'expérience canadienne en matière d'UA, car l'exposition aux aérosols de ces anciens combattants se situait à quelques degrés de plus que le niveau III qui s'est produit à Doha ou dans d'autres scénarios d'exposition de niveau III.
Il existe de nombreuses études américaines et autres sur les effets sur la santé de l'uranium appauvri utilisé au combat. Les résultats et les conclusions du rapport que l'on m'a demandé de passer en revue sont conformes à ces études et à ma propre analyse de l'exposition à l'uranium appauvri.
Dans tous les cas, les conclusions primaires de ces rapports vont dans le même sens. À l'exception des expositions de niveau I, les gens, à savoir ceux qui se trouvent à l'intérieur ou à proximité du véhicule ou sur le véhicule au moment où il a été frappé, il est peu probable que les expositions à l'UA pendant ce conflit aient été suffisamment élevées pour entraîner des effets néfastes pour la santé. Cela ne veut pas dire cependant que nos anciens combattants ne soient pas possiblement malades à cause de leurs services pour nos pays. Ce que cela signifie, c'est que si l'on cherche à déterminer la source de cette maladie, il est fort peu probable que ce soit l'uranium appauvri. J'estime que nous pouvons mieux aider nos anciens combattants en nous concentrant sur d'autres sources de maladies qui seraient plus susceptibles de mener à un traitement efficace.
Encore une fois, j'aimerais remercier le comité pour son invitation et pour le travail que vous faites tous au nom de vos anciens combattants.
Docteur Daxon, merci beaucoup pour cette allocution très rapide et très précise.
Membres du comité, nous allons maintenant passer à une série de questions de quatre minutes étant donné l'heure qu'il est.
Nous allons commencer par Mme Papillon. Allez-y s'il vous plaît.
[Français]
[Traduction]
Docteur Daxon, en passant j'aimerais vous demander d'où vous venez. J'allais dire le Kentucky, étant donné votre accent.
Non, en fait, je suis né à Asmara, en Érythrée. Je suis fils de militaire. À l'heure actuelle, je suis basé au Texas et je peux vous garantir une chose, c'est qu'il fait beaucoup plus chaud là-bas qu'ici.
Il faisait près de 35 degrés là-bas aujourd'hui donc il fait très chaud. Ma femme et moi malheureusement aimons le froid et la neige. Je ne sais vraiment pas pourquoi nous sommes installés au Texas.
Je suis désolé de prendre si longtemps. J'imagine que mes doigts ne sont pas aussi jeunes qu'ils l'ont été.
D'accord.
Merci beaucoup.
[Français]
J'aimerais simplement revenir sur le témoignage que nous avons entendu précédemment, qui était vraiment très intéressant. En fait, ce qu'il faut en retenir surtout, c'est qu'il y a un manque criant de scientifiques. Il faut embaucher des scientifiques qui ont une expertise médicale pour pouvoir mieux répondre aux besoins des anciens combattants et leur fournir des soins plus appropriés.
J'aimerais vous entendre parler davantage de ce besoin qu'a le ministère des Anciens Combattants d'embaucher des scientifiques. Ceux-ci pourraient travailler davantage en collaboration avec les universités. J'aimerais savoir si vous avez des idées à proposer pour aller de l'avant.
[Traduction]
Je ne peux vraiment pas vous offrir de suggestions. Je suis désolé. Je sais comment fonctionne le ministère américain des anciens combattants. Ce qu'il y a aux États-Unis, et il semble que ce soit la même chose ici au Canada, c'est que la politique pour déterminer si une maladie peut ou non donner lieu à une indemnité est élaborée par le Parlement et le ministère de la Défense.
À mon avis, la communication dès le début avec les anciens combattants a été particulièrement efficace aux États-Unis. Dès la fin de la guerre du Golfe, le gouvernement américain a fait beaucoup d'efforts pour informer les anciens combattants. Je pense que cela a été extrêmement efficace.
[Français]
Il semble qu'il y ait toutefois des différences. Justement, Mme Richard, qui a témoigné devant ce comité tout juste avant vous, nous expliquait qu'il y avait des tests, qui étaient peut-être plus reconnus aux États-Unis, permettant de détecter certaines maladies ou certaines causes, comme dans le cas de l'uranium appauvri.
Pourriez-vous me parler de certains tests qu'on fait aux États-Unis et dont le Canada pourrait s'inspirer? Ce serait intéressant, en effet.
[Traduction]
Je suis spécialiste en radioprotection et je m'occupe donc surtout de la physique: de quelle manière l'UA pénètre dans l'organisme, de quelle manière il est métabolisé et les effets du rayonnement sur la santé.
Je pense que Mme Richard pensait aux tout premiers efforts américains pour mesurer le niveau d'uranium appauvri dans l'urine de nos anciens combattants. Pour le moment, comme le disait Mme Richard, il est vraiment trop tard pour faire ces mesures et déterminer s'il y a ou non une augmentation des niveaux d'UA dans l'urine. L'augmentation des niveaux d'UA dans l'urine indique une augmentation des niveaux de l'UA...
[Français]
Peut-être qu'on peut faire maintenant des analyses qui permettraient de ne pas se retrouver plus tard à l'arrache, dans des situations comme celles survenues il y a plus d'une décennie. Peut-être qu'on peut se doter tout de suite de procédures, de tests et de scientifiques qui seraient à même d'aider dès maintenant nos militaires d'aujourd'hui, qui seront nos anciens combattants de demain. Je ne sais pas si cela pourrait être une solution.
On pourrait apporter des solutions comme cela, de manière à aller au-delà de ce rapport déposé qui conclut qu'il est très peu probable qu'il y ait des cas de contamination à l'uranium appauvri. Je ne voudrais pas me concentrer strictement sur ces recommandations. Je veux des solutions. Je veux que des tests soient mis en avant. Peut-être qu'il faut changer ou revoir l'ingénierie des procédures afin de pouvoir poser des diagnostics plus rapidement. À tout le moins, il faut offrir des soins plus appropriés à nos militaires et à nos anciens combattants.
[Traduction]
Je vais vous dire ce que je sais au sujet du système américain de dépistage pré-déploiement et post-déploiement. Ce système a été élaboré essentiellement après la guerre du Golfe pour essayer de corriger certains des problèmes que nous avons rencontrés quand nos anciens combattants sont revenus de cette guerre. Le système américain commence par un questionnaire de dépistage pré-déploiement qui donne au personnel l'occasion d'évaluer leur santé et de donner une idée du genre de préoccupations qu'ils ont avant leur déploiement. Il y a des unités et des organismes de médecine préventive qui sont déployés avec nos soldats et qui contrôlent activement l'environnement pour déterminer s'il s'y trouve des toxines.
Je pense que l'élément le plus fort du programme américain concerne le retour des combattants. Il y a un questionnaire post-déploiement. Il y a un contrôle médical qui est déterminé en fonction de l'évaluation que l'ancien combattant fait de son exposition. Par exemple, si le combattant de retour de la dernière guerre en Irak coche la case d'exposition à l'uranium appauvri, on lui donnera accès à un médecin spécialiste de l'exposition à l'uranium appauvri qui pourra répondre à toutes ses questions.
Avant d'exécuter ce programme, nous avons d'abord fourni une formation sur l'UA à tout le personnel militaire. Mme Richard a raison. Les soldats qui ont participé à la première guerre du Golfe n'avaient pas été informés du fait que des munitions contenant de l'UA étaient utilisées. Aux États-Unis, nous avons mis en place un programme de formation pendant lequel tous les soldats devaient regarder un film.
Merci beaucoup.
Nous devons passer à quelqu'un d'autre. Vous pourrez poursuivre cette discussion avec le prochain membre du comité.
Monsieur Zimmer, s'il vous plaît, vous disposez de quatre minutes.
Merci, docteur, d'être parmi nous aujourd'hui. Je vous remercie pour les services que vous rendez à nos voisins du Sud, mais aussi à nos anciens combattants en témoignant aujourd'hui. Je remercie tous les anciens combattants ici présents pour les services qu'ils ont rendus au Canada.
Vous avez mentionné que les membres américains ont des fragments d'UA dans leur corps. Votre recherche porte là-dessus, sur les effets de l'UA sur la santé. Des effets négatifs sur la santé ont-ils été attribués à ces fragments?
Mis à part les blessures causées par les fragments, aucun effet négatif sur la santé n'a été attribué au fait qu'ils contiennent de l'UA. Ces soldats ont été blessés, ce qui a nui à leur santé, mais leur état n'est pas attribuable à l'uranium appauvri.
Bien sûr, ils reviennent après leur période de service. À ce jour, en 2013, a-t-on constaté des effets à long terme liés à l'exposition à l'UA?
Non. Dès la fin de la guerre du Golfe, lorsque les inquiétudes des anciens combattants ont été mentionnées, une étude a été lancée pour examiner cette relation et aucune corrélation n'a été constatée.
Très bien.
Je suppose qu'il y a un assez petit nombre de scientifiques qui s'intéressent à cette question au niveau international. Ai-je raison?
Petit est un terme relatif. De mon point de vue, ils sont plutôt nombreux, mais de votre point de vue, ils ne le sont probablement pas.
Pouvez-vous nous éclairer là-dessus?
Quels pays étudient l'UA? Est-ce que vous corroborez votre recherche et vos preuves? Est-ce que vous vous réunissez pour échanger vos données?
Le dernier symposium sur l'uranium appauvri a été parrainé par le Armed Forces Radiobiology Research Institute il y a trois ou quatre ans. Il coïncidait avec le 50e anniversaire de la création de l'AFRRI. Des résultats sont présentés périodiquement lors de rencontres professionnelles et sont publiés, notamment dans le Health Physics Society Journal. Pour ce qui est de savoir s'il y a une conférence sur l'UA, la seule dont je suis au courant est celle de l'AFRRI.
Je suppose que vous collaborez avec des scientifiques d'autres pays par téléphone. Pouvez-vous nous dire si c'est le cas et ce que vous en pensez?
Bien sûr, nous collaborons. Nous collaborons au moyen d'articles publiés dans des revues scientifiques. Nos communications sont examinées par des pairs. Des articles sont échangés afin que les résultats soient confirmés ou contestés. C'est ainsi que se fait la collaboration. Périodiquement, il y a des réunions aux États-Unis où l'on discute de l'UA, mais mises à part les communications normales entre personnes qui étudient la même chose, le principal outil c'est la publication d'articles.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Daxon, en décembre 2009, un tribunal italien a déclaré que le ministère italien de la Défense était coupable de négligence et lui a ordonné de verser 1,4 million de dollars à la famille d'un ancien combattant du Kosovo décédé des suites de la maladie de Hodgkin. Le juge a affirmé qu'il y avait un lien évident entre le déploiement dans une région où l'uranium appauvri était utilisé et les maladies graves que celui-ci peut causer, y compris la maladie de Hodgkin.
J'ai deux questions à ce sujet. Premièrement, êtes-vous au courant de cette affaire? Deuxièmement, y a-t-il eu, à votre connaissance, d'autres poursuites du même ordre?
Je ne suis pas au courant de cette affaire, ni d'aucune autre poursuite et je ne suis pas d'accord avec les conclusions.
Notre comité se rendra à Washington le mois prochain. Quel conseil pouvez-vous nous donner, en tant qu'expert dans ce domaine aux États-Unis? Y a-t-il certaines personnes ou choses que nous devrions voir et qui nous seraient utiles pour cette étude?
Je vous recommande d'aller visiter le programme de contrôle de l'UA du Baltimore VA Medical Center. Parlez au Dr McDermott et à son personnel. J'ai eu le privilège de visiter ces installations en 2001-2002. C'est un groupe de personnes pleines de compassion qui traitent correctement les anciens combattants américains.
Désolé, je me permets de vous interrompre un instant, pour vous demander si vous avez les coordonnées de cette personne. Nous serions très heureux de recevoir cette information plus tard.
L'étude scientifique qui a été menée n'a pas tenu compte des études de cas, des études de prévalence ni des études cliniques d'anciens combattants hospitalisés, peu importe les résultats. À votre avis, est-ce une faiblesse de l'étude, que ces choses aient été exclues?
Il faudrait que je lise le rapport de l'étude pour le savoir, mais en général, une étude de cas — ce n'est pas une faiblesse. Une partie du problème que posent les études de cas, c'est qu'on a affaire à un éventail de personnes qui attrapent des maladies ou n'en attrapent pas.
D'après moi, la meilleure analogie est celle d'un bocal de M&M multicolores. Une étude de cas c'est comme mettre la main dans le bocal, retirer un bonbon rouge et conclure qu'ils sont tous rouges. Il faut retirer davantage de M&M pour se faire une bonne idée de la variété de bonbons à l'intérieur du bocal.
C'est l'objectif de ces études.
C'est justement notre problème. Quelques anciens combattants ont comparu devant le comité — pleins de compassion, très convaincus et très malades — or, nous avons un rapport qui ne tient pas compte de leurs dossiers, qui tire des conclusions en se fondant sur une recherche documentaire.
L'un des anciens combattants qui a comparu devant nous nous a fourni les résultats d'analyses d'échantillons de cheveux. Pouvez-vous nous dire quelle est, à votre avis, la fiabilité de ce genre d'analyse comparativement à d'autres méthodes pour déterminer les niveaux ou les traces de matières radioactives?
Malheureusement, je ne le peux pas. Je n'ai jamais utilisé de cheveu pour déceler des matières radioactives. Tout ce que je pourrais vous dire ne serait que pure conjecture.
Merci beaucoup, monsieur Daxon.
Oh, à propos, vous n'avez pas besoin de nous fournir cette information. La dame en question va comparaître devant nous mardi.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur Daxon.
J'ai deux questions, une courte et une autre un peu plus longue.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit avoir examiné le rapport dirigé par le Dr Morisset et que vous étiez d'accord avec ses conclusions. Aurais-je raison de dire que ce rapport est à jour et qu'il a été rédigé suite à la plus vaste consultation possible sur la question de l'UA?
Oui, je le crois. Les chercheurs ont bien utilisé les multiples rapports exhaustifs des articles parus au cours des années. À mon avis, c'est une bonne démarche scientifique.
Merci.
Il nous a été difficile d'entendre le témoignage de Mme Richard car, comme vient de le dire M. Casey, et comme nombre d'entre nous l'ont dit, nous voulons aider nos anciens combattants. Je suis entré dans l'armée peu après la guerre du Golfe, et j'ai suivi les dossiers qui...
L'essentiel de son témoignage portait davantage sur le syndrome de la guerre du Golfe que sur l'UA. D'après ce que j'ai lu au fil des années, l'UA serait une cause possible de maladie idiopathique liée à la guerre du Golfe, ou de ce qu'elle a décrit comme étant une maladie multisymptomatique inexpliquée, qu'on a appelée le syndrome de la guerre du Golfe.
Est-ce que les articles examinés par l'équipe du Dr Morisset et vos propres recherches ont permis d'exclure l'UA comme cause possible du syndrome de la guerre du Golfe?
Oui. Je vais vous répondre clairement, puisque le rapport est rédigé dans un style clair.
Sur le plan scientifique, j'ai un problème, car en raison de ma formation, je ne peux pas exclure la probabilité que je puisse me lever, marcher vers ce mur et le traverser. Je ne peux pas exclure cela en raison de ma formation.
Ainsi, si vous me demandez une certitude absolue, je serais très hésitant à vous la fournir, mais le rapport a été écrit en langage clair, alors je vais vous répondre clairement. Je crois que l'UA a été exclu comme agent causal.
Cela ne veut pas dire que ces anciens combattants ne sont pas malades. Ils le sont.
Oui, et c'est la conclusion à laquelle sont parvenus sept des chercheurs de l'équipe du Dr Morisset. Lorsque le Dr Morisset a comparu, il nous a dit que son opinion professionnelle, et j'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec lui, c'est que très souvent l'origine d'une maladie idiopathique ne peut pas être déterminée. Il vaut mieux traiter les symptômes que d'essayer de déterminer la cause.
Même Mme Richard, dans sa déclaration préliminaire, nous a parlé de vaccins, de contact avec les prisonniers, d'organophosphates et des incendies de puits de pétrole.
À votre avis, qu'est-ce qui est plus important: trouver la cause ou traiter les symptômes?
Je ne suis pas médecin, mais il y a une chose que tous les médecins à qui j'ai parlé m'ont dite, c'est ceci: « Peu m'importe la dose que vous me dites, je vais traiter le patient que j'ai devant moi. » C'est donc ce que je crois. Je pense qu'il est important que les médecins puissent traiter leur patient.
Merci beaucoup, monsieur Daxon, d'être des nôtres.
Je vais poursuivre dans la même veine que les deux derniers à vous poser des questions, à savoir que des gens comme Mme Richard et M. Lacoste croient être victimes de l'uranium appauvri, et c'est cela que nous étudions.
Il y a environ une semaine, M. Nicholas Priest d'Énergie atomique du Canada limitée nous a dit que nous semblons en effet être inquiets au sujet de l'UA car lorsque nous posons des questions au sujet des produits chimiques, des vaccins et des toxines auxquels ont été exposés M. Lacoste et Mme Richard et d'autres personnes, la réponse qu'on obtient est: « Nous ne pouvons pas en parler; c'est un secret », et que pour maintenir ce secret, nous cherchons la mauvaise explication.
Êtes-vous d'accord avec M. Priest pour dire que nous devrions chercher autre chose? Qu'est-il arrivé à ces personnes? Si nous examinions ce cocktail de toxines et de vaccins, est-ce possible que nous découvrions que c'est le ministère de la Défense ici au Canada et le département de la Défense aux États-Unis qui sont les coupables? Est-ce cela le problème?
En ce qui concerne la responsabilité des vaccins, je ne peux rien vous dire. Ce serait pure spéculation de ma part.
Pour ce qui est de savoir s'il faut mentionner l'UA dans ce mélange, pour le moment, d'après ce que nous savons, la réponse est négative, et qu'il serait préférable que les gens cherchent ailleurs.
J'ai une petite histoire personnelle. J'ai eu une douleur intense au cou qui me coupait le souffle pendant un certain temps. C'était au lendemain des attaques contre le World Trade Center. C'était très douloureux. J'avais une vieille blessure et je croyais qu'elle s'était aggravée et je supposais que j'allais avoir besoin de chirurgie donc je me suis abstenu de consulter. Je suis un homme après tout. Finalement, je suis allé voir un médecin. Il m'a écouté et m'a dit: « Oh, c'est le stress. » J'ai dit: « Non, ce n'est pas cela. Vous allez devoir m'opérer. Ça ne peut pas être du stress. C'est trop douloureux. » Il m'a convaincu et j'ai commencé à prendre un médicament. Deux ou trois semaines plus tard, les épisodes douloureux ont cessé et ne se sont plus jamais reproduits. Je n'ose pas imaginer ce que j'aurais fait si j'avais été convaincu que j'avais besoin d'une chirurgie et que j'avais essayé de trouver un médecin pour m'opérer. Aucun chirurgien ayant le sens de l'éthique ne m'aurait opéré, car je n'ai rien au cou. J'avais besoin de traitement pour le stress.
C'est ainsi que je répondrais à votre question. Je crois fermement, après avoir été rabroué par de nombreux médecins, qu'ils doivent traiter le patient qu'ils ont devant eux.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je voudrais continuer un petit peu dans la même veine que Mme Mathyssen.
Vous avez mentionné également dans votre déclaration de départ qu'il était important de déterminer la source des problèmes de santé des vétérans.
Ici, au Canada, il semble qu'on a longtemps soupçonné l'uranium comme étant la cause de maladies. Or, cela semble être de moins en moins le cas. Cependant, il n'y a pas vraiment eu d'autres tests ou examens pour déterminer la source du syndrome de la guerre du Golfe, entre autres. Ce syndrome est commun aux vétérans qui, à leur retour de différents conflits, éprouvent des problèmes de santé semblables.
Quelle est votre expérience là-dessus, aux États-Unis? Des études ont-elles été faites qui pourraient pointer d'autres éléments qui pourraient être la source de ce syndrome du Golfe, notamment?
[Traduction]
J'avance une hypothèse, car ce n'est pas mon domaine, mais effectivement, je sais que des études ont été menées. Il y a plusieurs études épidémiologiques, dont certaines ont été réalisées par votre ministère des Anciens Combattants qui ont examiné d'autres agents responsables possibles.
Merci beaucoup, monsieur le président. Merci d'être venu, monsieur Daxon.
Nous parlons de tests d'urine pour déceler la présence d'uranium appauvri. Pouvez-vous dire au comité de quelle manière on détermine que l'uranium présent dans l'urine est appauvri plutôt que naturel?
Oh, avec plaisir. Sérieusement, c'est tout à fait mon domaine.
Nous examinons le rapport entre l'uranium-235 et l'uranium-238. Il y a des méthodes de spectroscopie alpha et de spectroscopie de masse qui nous permettent de déterminer ce rapport. Si la quantité d'U-235 est d'environ 0,7 p. 100, il s'agit d'uranium naturel. Si elle est inférieure à 0,7 p. 100, par définition, c'est de l'uranium appauvri. Si elle est de 0,2 p. 100, il s'agit alors d'UA produit aux États-Unis.
Merci beaucoup. Je suppose que le même principe s'appliquerait si vous utilisiez des cheveux, par exemple.
Diriez-vous que la principale conclusion du rapport est que les anciens combattants canadiens n'ont jamais été placés dans une situation où la proximité et l'exposition à l'uranium appauvri aurait pu nuire à leur santé?
Encore une fois vous utilisez ce terme « jamais » et je vous rappelle mon exemple du mur, mais je vais parler en termes clairs. D'après ce que j'ai lu dans le rapport, dans tous les cas, l'exposition de Canadiens était du niveau III, ce qui veut dire un niveau bien inférieur aux normes de sécurité. Nous pourrions presque dire, par définition, que le risque d'effets néfastes sur la santé — et je choisis bien mes mots — est très faible. Je m'adresse à deux auditoires. Je m'adresse à vous et en même temps à mes pairs, car je sais qu'ils vont vérifier ce que je dis.
Désolé, monsieur Lizon.
Monsieur Daxon, vous avez dit que ces niveaux sont inférieurs aux normes de sécurité. Est-ce que vous voulez dire qu'ils n'auraient pas été plus élevés...? Très bien. Je comprends maintenant. Je vous prie de m'excuser.
Croyez-vous que les idées fausses au sujet des effets de l'uranium appauvri sur la santé peuvent nuire aux soldats et à leurs familles?
Oui, je le crois. À cause de ma douleur au cou. Elle était causée par le stress. J'ai été traité pour le stress et je n'ai pas eu d'épisode depuis.
Le rapport indique que les chercheurs vous ont demandé, à vous et vos collègues, si vous pensiez que le rapport était clair, exact, cohérent et complet. Diriez-vous que ces termes décrivent bien ce rapport final?
Oui, à une petite exception près. Dans ce rapport on utilise le terme « shrapnel » qui aux États-Unis est défini de manière très étroite. On aurait dû utiliser le terme « fragment ».
Monsieur Daxon, monsieur Lizon, merci beaucoup.
Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir accordé de votre temps. Je regrette que vous soyez exposé au mauvais temps qu'il fait ici.
Si plus tard vous pensez à quelque chose qui pourrait nous être utile vous pouvez nous l'envoyez par écrit, ou si vous aimeriez ajouter quelque chose maintenant, nous serions honorés de le recevoir.
Au nom du comité, merci beaucoup d'être venu.
Chers collègues, la réunion de jeudi aura lieu au 1, rue Wellington, près du Château.
Merci. C'est tout. Que Dieu vous bénisse.
La séance est levée.
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