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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 030 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 mars 2012

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    En poursuivant l'étude du projet de loi C-23, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et le royaume hachémite de Jordanie, nous avons, au cours de la première heure, deux témoins que j'aimerais vous présenter.
    De Bruxelles et représentant la Confédération syndicale internationale, nous avons M. Jeff Vogt, conseiller juridique au Département des droits humains et syndicaux. Merci de votre présence.
    Est-ce que la communication se fait bien?
    Parfait.
    Nous avons en outre de Toronto et représentant l'Association canadienne du droit de l'environnement, Theresa McClenaghan, directrice exécutive et conseillère juridique.
    Theresa, est-ce que la communication se fait bien pour vous aussi?
    Parfait, c'est comme si vous étiez dans la salle. Merci de votre présence.
    Vous pourrez chacun faire vos observations préliminaires et nous passerons ensuite aux questions et réponses.
    Jeff, la parole est à vous.
    Merci beaucoup.
    Bonjour. Je m'appelle Jeff Vogt et suis conseiller juridique au Département des droits humains et syndicaux de la CSI. La CSI est une confédération mondiale de 176 millions de travailleurs, dont ceux du Canada.
    Encore une fois, merci de m'avoir invité à témoigner devant le Comité permanent du commerce international au sujet du projet d'accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie.
    Si nombre d'aspects de l'accord commercial méritent une étude attentive, puisqu'ils touchent des travailleurs au Canada et en Jordanie, nous nous demanderons aujourd'hui si le royaume de Jordanie respecte actuellement les engagements qu'il doit assumer aux termes de l'accord sur la coopération dans le domaine du travail. À notre avis, il ne le fait tout simplement pas.
    L'article 1 de l'accord sur la coopération dans le domaine du travail stipule que chacune des parties « fait en sorte que son droit du travail et ses pratiques dans le domaine du travail confirment et protègent » les principes et les droits entrant dans huit catégories, les quatre premières étant les droits fondamentaux du travail de l'OIT, énoncés dans sa déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, de même que quatre autres catégories, notamment, des normes minimales acceptables d'embauche; la rémunération, tels que le salaire minimum et la rémunération du temps supplémentaire; la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles; et la non-discrimination en matière de conditions de travail à l'égard des travailleurs migrants.
    Si le royaume de Jordanie a instauré certaines réformes ces dernières années, son code du travail n'est pas conforme aux exigences de l'article 1. Ainsi, l'article 98 de ce code exige un minimum de 50 travailleurs pour former un syndicat. Selon le traité de l'OIT sur la liberté d'association, la création d'un syndicat peut être considérablement freinée, voire même rendue impossible, lorsque le nombre minimum de membres est fixé à un niveau manifestement trop élevé, comme c'est le cas, puisque la législation exige que le syndicat ait au moins 50 membres à sa fondation.
    Deuxièmement, l'article 98 du code autorise en outre un comité tripartite à définir les industries dans lesquelles les travailleurs peuvent créer des syndicats et empêche ces travailleurs de former plus d'un syndicat dans chacune d'entre elles. Là encore, le traité sur la liberté d'association stipule que le fait d'établir un nombre limité de professions aux fins de la reconnaissance du droit d'association viole le principe selon lequel les travailleurs de n'importe quelle profession doivent avoir le droit de créer une organisation de leur choix.
    L'article 10 du code exige que la confédération générale des syndicats soit établie aux termes du traité. Toutefois, la question de savoir s'il convient de former une fédération ou une confédération doit être déterminée uniquement par les travailleurs et les organisations. De plus, une situation de monopole imposée par des lois ne correspond pas aux principes de la liberté d'association.
    Bien qu'un amendement apporté en 2010 supprime la disposition interdisant aux travailleurs migrants d'adhérer à des syndicats, la loi comporte une disposition qui interdit à ces travailleurs de créer des syndicats de leur choix. Elle maintient par ailleurs l'exigence selon laquelle les membres fondateurs doivent être des Jordaniens. Ainsi, le droit d'organisation des travailleurs étrangers n'est pas entièrement garanti, ceux-ci n'étant pas autorisés à participer à la création d'un syndicat ou à en devenir le chef.
    De plus, l'OIT a remarqué cette année que si le code du travail interdit les ingérences relativement aux accidents, les amendes imposées pour les violations de cette disposition varient entre 50 et 100 dinars jordaniens, soit entre 70 et 140 $ US, somme que l'OIT considère bien trop modeste pour avoir quelque portée que ce soit.
    Voilà quelques-uns des faits saillants qui montrent que le cadre juridique actuel n'est pas conforme à l'accord sur la coopération dans le domaine du travail.
    De plus, en vertu de l'article 3 de cet accord, le royaume de Jordanie est tenu d'appliquer ses lois. Dans le secteur du vêtement, les conditions se sont quelque peu améliorées depuis 2006, à la suite d'un exposé du comité national de la main-d'oeuvre — je crois d'ailleurs que le dirigeant de cette organisation témoignera aujourd'hui — et de plaintes déposées par la FAT-COI à propos de l'accord de commerce bilatéral américano-jordanien, et qui a attiré l'attention sur les conditions de travail horribles constatées dans les zones industrielles admissibles.
    Depuis 2008, l'OIT a créé le programme Better Work, qui régit un certain nombre d'usines implantées dans les zones industrielles admissibles de Jordanie. Toutefois, le troisième rapport de synthèse, qui vient d'être publié il y a quelques semaines, fait état de plusieurs problèmes graves dans ces zones.
    Au sujet du travail forcé, l'OIT faisait remarquer dans un rapport publié il y a tout juste quelques semaines:
La question des frais de recrutement versés à des tiers reste un grave problème. Les travailleurs migrants sont souvent forcés de payer des sommes substantielles à des agents de recrutement et à leurs mandataires dans leur pays d'origine. Dans plus de 40 p. 100 des usines, les travailleurs indiquaient que cette dette les empêchait de quitter leur emploi. Il n'existe dans le droit jordanien aucune disposition empêchant que ces travailleurs ne soient recrutés dans de pareilles circonstances.
    …
Better Work Jordanie a [par ailleurs] constaté dans certaines usines une pratique selon laquelle les travailleurs dont le contrat a expiré sont tenus de conserver leur emploi jusqu'à ce qu'on puisse leur trouver un remplaçant, ce qui prend quelquefois plusieurs mois.
    En ce qui concerne les heures de travail, le droit jordanien n'impose pas de limite générale sur le total des heures supplémentaires ou le nombre maximum d'heures totales par semaine et tolère de ce fait des journées et des semaines de travail excessivement longues et le temps supplémentaire obligatoire, autant de facteurs qui inquiètent gravement Better Work Jordanie.
[Autre] facteur inquiétant, la discipline s'exerce par des punitions physiques ou des traitements humiliants. Dans six usines…
— qui représentent 25 p. 100 de celles qui ont été étudiées dans le rapport —
…on a constaté que les travailleurs étaient soit soumis à des violences verbales ou physiques, soit menacés s'ils n'atteignaient pas leurs objectifs de production.
    Quant aux dortoirs, ils ne font l'objet d'aucune norme minimale dans le droit du travail jordanien et ils ne sont pas inspectés de façon régulière.
    À cet égard, le rapport fait état de graves problèmes concernant la ventilation, les sanitaires, les égouts, la protection contre la chaleur ou le froid, les insectes et les risques d'incendie. Ces problèmes persistent dans près de la moitié des usines évaluées.
    Toujours selon ce rapport, dans une usine, 32 travailleurs se sont vus refuser leurs indemnités et leurs primes parce qu'ils avaient participé à une grève.
    Ces derniers mois, Better Work Jordanie a peaufiné son évaluation de la liberté d'association, surtout [par rapport à] l'ingérence et la discrimination, et prévoit trouver en conséquence, et selon son rapport, bien plus de cas de non-conformité.
    Les problèmes ne se limitent évidemment pas au secteur de l'exportation des vêtements. Nous constatons des violations du code du travail dans tous les secteurs de l'économie jordanienne, mais je crois que je n'ai pas besoin d'en dire plus aux fins d'une évaluation initiale de la situation.
    C'est avec plaisir que je répondrai à toute question que vous pourriez avoir sur la pratique jordanienne en matière de droit du travail.
    Merci.
(1110)
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Je donne maintenant la parole à Theresa McClenaghan.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de cette occasion que vous me donnez de témoigner et de vous présenter un exposé.
    L'Association canadienne du droit de l'environnement est une clinique juridique qui fait partie du système d'aide juridique de l'Ontario. Nous existons depuis 41 ans et sommes constitués en ONGE selon une loi fédérale. En plus de représenter des groupes, des familles et des particuliers, nous avons le mandat de proposer des réformes du droit de l'environnement et de sensibiliser le public.
    Nous avons eu l'occasion d'examiner l'accord de libre-échange canado-jordanien ainsi que l'accord sur l'environnement signé par les deux parties, que le comité étudie aujourd'hui.
    Certains de mes commentaires d'aujourd'hui reprendront ceux que j'ai faits devant votre comité à l'occasion de législatures précédentes à propos d'autres accords de libre-échange — par exemple, celui conclu avec le Pérou et l'éventuel Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne.
    Notre analyse part généralement du principe que chaque ordre de gouvernement au Canada peut et doit agir pour protéger l'environnement par divers moyens. Nous avons plaidé cette cause devant les tribunaux et ceux-ci, y compris la Cour suprême du Canada, ont convenu que nous avons dans notre pays un solide plan d'action en la matière, qui est suivi par les administrations municipales, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, et bien sûr par les Premières nations, sans parler de l'action énergique que nous menons au niveau international.
    Voilà pourquoi, lorsque nous examinons les projets d'accords commerciaux et faisons des recommandations en notre qualité d'Association canadienne du droit de l'environnement, nous sommes surtout soucieux de faire en sorte que les divers niveaux de compétences et de capacités déployés pour protéger l'environnement soient souples, bien reconnus et protégés.
    Je vais maintenant passer aux sujets relevant de l'accord de libre-échange canado-jordanien.
    Le premier concerne les dispositions relatives au traitement national proposées. Dans ce projet d'accord, nous trouvons, comme d'habitude, ces dispositions. Elles reprennent celles du GATT qui prévoient une exception dans le cas des mesures environnementales nécessaires à la « protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux et la préservation des végétaux ».
    Dans cet accord, nous recommandons que ces dispositions dépassent celles du GATT afin qu'elles ne se limitent pas simplement aux mesures nécessaires, mais aussi aux mesures « destinées » à atteindre les objectifs en matière d'environnement et de santé ou les « concernant ».
    Le second sujet porte évidemment sur le fait que l'accord sur l'environnement, que nous avons sous les yeux, est un accord parallèle. Là encore, cette pratique n'est pas inhabituelle puisque je l'ai constatée dans divers régimes d'ententes bilatérales.
    Nous avons également passé en revue ce chapitre. La définition de « lois environnementales » dans l'accord sur l'environnement exclut explicitement la santé publique, la santé en milieu de travail et la sécurité publique. Nous vous recommandons que l'accord parallèle ne se limite pas aux lois dont la fin principale est la protection de l'environnement, mais inclut d'autres lois pouvant également avoir, du moins en partie, une incidence sur la protection de l'environnement. Par ailleurs, l'exclusion, dans l'accord parallèle, des lois en matière de santé publique ou de santé et de sécurité au travail nous paraît déraisonnable.
    Par exemple, et cela est bien connu, l'une des lois fondamentales du Canada en matière de protection de l'environnement, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, vise à protéger tout autant la santé des personnes que celle des animaux et des autres organismes vivants. Il en va de même pour une autre loi récemment adoptée, la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, laquelle comporte d'importants éléments en matière de santé et de sécurité publique, ainsi que des dispositions visant la santé environnementale, notamment en ce qui a trait à l'environnement intérieur.
    Parmi les autres améliorations à l'accord sur l'environnement, signalons l'inclusion de l'exigence que les parties tiennent compte des renseignements de nature scientifique et technique ainsi que du principe de précaution, que l'association appuie sans réserve. Le principe de précaution et les renseignements de nature scientifique et technique sont des éléments tout aussi importants en ce qui touche la santé et la sécurité en milieu de travail, et devraient donc être intégrés dans l'accord parallèle — de même que, je dirais, même si je ne l'ai pas étudié, dans l'accord de coopération dans le domaine du travail. J'ai d'ailleurs remarqué que cette disposition n'y figurait pas.
    Une disposition semblable a en outre été proposée par l'UE dans le cadre des négociations actuelles sur la conclusion d'un accord économique et commercial global, et nous l'avions recommandée précédemment au comité.
    L'association souhaiterait également un libellé plus contraignant en ce qui a trait à l'obligation faite aux parties de mettre en oeuvre dans leur législation et leurs pratiques nationales respectives les exigences énoncées dans les accords multilatéraux sur l'environnement qui sont énumérés ici — les Conventions de Stockholm, de Bâle et de Rotterdam, le Protocole de Montréal et la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction — au lieu de prévoir simplement que ces accords multilatéraux ont préséance en cas d'incohérence dans l'application des dispositions. Nous aimerions que l'accord aille plus loin et stipule la mise en oeuvre de ces engagements entre les parties.
(1115)
    À propos des achats, par ailleurs, nous prônons des dispositions propices aux approvisionnements écologiques, notamment ceux qui permettraient la transformation des marchés, appuieraient des pratiques, produits et services durables, et seraient propices aux emplois environnementaux dans les économies des parties.
    J'aimerais aussi parler de l'expropriation. Apparemment, l'accord sur l'investissement n'est pas visé par les travaux du comité, mais par rapport à sa portée environnementale, nous ne pouvons pas passer sous silence ses conséquences. Nous recommanderions donc de dénoncer à la première occasion, tant sur le plan de la procédure que sur le fond, les dispositions de l'accord permettant des demandes d'indemnisation en cas d'expropriation indirecte dans tous les cas liés à la réglementation en matière d'environnement.
    Dans son libellé, l'accord limite ces demandes d'indemnisation dans de rares cas. Mais comme je l'ai déjà exprimé devant votre comité, la meilleure approche, à notre avis, serait celle qui a été adoptée dans le cadre de l'accord bilatéral de libre-échange entre les États-Unis et l'Australie, lequel ne contient pas de disposition de cette nature, au-delà de celles qui sont prévues aux termes des lois nationales de chaque partie.
    Pour être plus précise, l'Australie a publié en avril 2011 — ce qui, dans le contexte, est récent — un énoncé de politique en matière de commerce international aux termes duquel elle n'était pas disposée à négocier des dispositions dans un traité « qui auraient pour effet de conférer des droits juridiques plus importants aux entreprises étrangères que ceux dont peuvent se prévaloir les entreprises nationales » ou qui «…auraient pour effet de restreindre la capacité des gouvernements australiens d'édicter des lois en matière sociale, environnementale et économique dans des circonstances où ces lois ne discrimineraient pas… »
    Nous pensons qu'il s'agit là d'une politique très sensée dans le contexte canadien. Nous serions donc extrêmement favorables à l'adoption d'une politique similaire dans cet accord et pour toutes les autres négociations commerciales bilatérales. Nous croyons en effet que la suppression des dispositions conférant à l'État investisseur des recours qui dépassent ceux déjà prévus en vertu des lois nationales serait une amélioration importante.
    Nous ne nous sommes jamais opposés à l'inclusion de dispositions pertinentes visant les cas d'expropriation directe dans les lois nationales et internationales. La common law et, souvent, la législation en général prévoient de solides protections. Par contre, nous nous sommes depuis longtemps inscrits en faux contre l'argument voulant qu'une réglementation d'intérêt public constitue en soi une expropriation, ou qu'une indemnité soit versée lorsque les activités sont entravées en raison de cette réglementation. Nous recommanderions que, s'il doit y avoir expropriation, elle soit limitée à une expropriation directe.
    Avant de finir sur ce point, je dirais que le fait que des demandes puissent être instituées, même si nous ne croyons pas qu'elles puissent aboutir aux termes de l'accord, constitue déjà un problème. Cela pourrait susciter une réticence à réglementer de la part des gouvernements nationaux et infranationaux, qui perdraient du temps à se demander si la réglementation qu'ils prévoient appliquer pourrait être contestée.
    J'aimerais faire valoir un dernier point avant de conclure, de répondre à vos questions et d'en débattre avec vous. Avec la prolifération des accords bilatéraux de libre-échange, nous commençons à voir une mosaïque de règles hétéroclites destinées à assurer la protection, ou quelquefois l'absence de protection, des droits souverains du Canada et des provinces, ainsi que d'autres nations, de mettre en place des législations et des réglementations qu'ils jugent appropriées en matière d'environnement, de santé, de sécurité et des droits des travailleurs. Chacun de ces accords restreint d'une façon ou d'une autre la capacité des gouvernements d'agir dans ces domaines, même lorsque le libellé de l'accord prétend protéger cette capacité.
    Le fait que des poursuites puissent être intentées est en soi problématique tout comme le fait, à notre avis, qu'elles puissent être évaluées au cas par cas et que l'on puisse remettre en question le caractère raisonnable, la légitimité ou la bonne foi du gouvernement qui prend des mesures pour protéger l'environnement.
(1120)
    En terminant, comme nous l’avons dit au sujet d’autres accords que nous avons examinés, nous vous encourageons fortement à apporter des modifications au texte de l’ensemble de l’accord et de l’accord parallèle pour garantir les meilleures dispositions possible, des règles et une protection environnementales solides par les parties, ainsi que les approches les plus durables possible.
    Nous vous recommandons d’informer le gouvernement qu’il devrait retourner à la table des négociations et tenir compte des recommandations précédentes, y compris un libellé qui exprime mieux la capacité d’adopter sans obstacle des règlements environnementaux sur la scène nationale. Selon nous, cela devrait se traduire par un libellé solide axé sur la précaution et la protection dans l’accord parallèle, l’accord principal, ainsi que les dispositions semblables qui, comme je l’ai dit, se trouvent dans l’accord sur l’investissement.
    Comme je l’ai aussi mentionné, nous recommandons également que le gouvernement adopte une déclaration en matière de politique commerciale semblable à celle adoptée par l’Australie, qui ferait en sorte que les investisseurs étrangers ne se verraient pas accorder plus de droits que les investisseurs nationaux.
    Merci encore une fois de nous donner l’occasion de vous faire part de nos opinions.
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Passons aux séries de questions.
    Monsieur Masse, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leur présence.
    Au cours du présent examen, nous voulions entre autres voir si l’accord avec la Jordanie avait été grandement amélioré en ce qui a trait aux lois sur le travail et l’environnement depuis la dernière fois qu’il avait été examiné par le Parlement. Nous avons entendu l’autre jour le témoignage de l’ambassadeur de la Jordanie. Il a dit que des améliorations considérables avaient depuis été apportées dans le secteur du travail.
    Monsieur Vogt, j’aimerais que vous me donniez des précisions concernant certains enjeux. Il semble y avoir des différences entre notre recherche et une autre. J’aimerais obtenir des précisions à cet effet.
    Est-ce que tous les travailleurs jordaniens ont le droit de former un syndicat? Si ce n’est pas le cas, quels groupes ne l’ont pas? De plus, les Jordaniens peuvent-ils mettre en place des syndicats indépendants ou des associations de travail?
    Il y a un certain nombre de problèmes. Tout d’abord, je crois que la loi en Jordanie exige qu’une confédération syndicale détienne le monopole. Il s’agit de la GFJTU, la General Federation of Jordanian Trade Unions. C’est en fait une violation des principes de la liberté d’association.
    La loi dit aussi qu’il ne peut y avoir de syndicats que dans certaines industries désignées, et ces industries ne comptent qu’une fédération.
    En ce qui concerne les travailleurs qui peuvent faire partie des syndicats, je crois que des changements importants ont été apportés. Par le passé, les travailleurs migrants n’étaient pas protégés en vertu du Code du travail. Ils peuvent désormais être membres d’un syndicat, mais c’est clair de... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... que les fondateurs soient... [Note de la rédaction: difficultés techniques]...
    Il semble aussi qu’il y ait des restrictions concernant les chefs syndicaux...
(1125)
    Un instant. Pourriez-vous répéter une partie?
    Nous avons des problèmes techniques, et la communication est un peu saccadée. Pourriez-vous répéter lentement la dernière phrase? Voyons voir si cela fonctionne.
    Certainement.
    Je disais que la loi avait été modifiée. Par le passé, les travailleurs migrants ne pouvaient pas faire partie d’un syndicat, et le tout a été corrigé. Les travailleurs migrants peuvent désormais adhérer à un syndicat. Cependant, ils ne peuvent pas former de syndicats. Bref, ils ne peuvent en fait pas créer leur propre syndicat; ils doivent adhérer à un syndicat existant.
    Il semble aussi que des travailleurs migrants ne puissent pas devenir des dirigeants syndicaux.
    Ils doivent donc adhérer à l’un des syndicats désignés.
    Vous serez peut-être aussi en mesure de préciser l’élément suivant. Si je comprends bien, les syndicats doivent obtenir la permission pour avoir le droit de déclencher une grève ou de faire des représentations auprès du gouvernement lorsque les pratiques de travail posent problème.
    J’aimerais ensuite rapidement revenir sur un élément que j’ai trouvé très troublant dans votre exposé. Je vais le mentionner maintenant, et vous pourrez y répondre. J’aimerais tout simplement avoir de plus amples renseignements concernant cet aspect.
    Vous avez parlé des agents et des sous-agents. Vous avez aussi dit que des gens ne pouvaient littéralement pas quitter leur emploi avant plusieurs mois. Je crois que c’est de l’esclavage, et j’aimerais que vous nous en parliez davantage. Si les travailleurs ne peuvent littéralement pas quitter leur lieu de travail, c’est ni plus ni moins qu’une forme d’esclave en fin de compte.
    En ce qui concerne votre première question sur les grèves, il faut aviser les autorités longtemps d’avance pour faire une grève, et c’est encore pire si elle touche un service public. En pratique, il faut obtenir l’autorisation de déclencher une grève. La loi permet également au gouvernement d’intervenir et d’avoir recours à la médiation et à la conciliation, ce qui vient enlever le droit de grève aux syndicats.
    Le droit de grève est clairement restreint, ce qui vient à l’encontre des principes de la liberté d’association et de la négociation collective.
    Pour ce qui est du travail forcé, cet aspect est encore une fois tiré d’un rapport de l’OIT publié il y a deux semaines. Ce n’est pas un problème propre à la Jordanie. C’est présent dans l’ensemble de la région du golfe, mais il y a deux ou trois enjeux à ce chapitre. Premièrement, pour entrer en Jordanie, certains doivent contracter des prêts importants à des taux d’intérêt très élevés. Ensuite, ces gens sont pris dans une situation dans laquelle ils ne souhaitent peut-être pas se trouver, parce qu’ils doivent continuer de travailler pour rembourser une dette insoutenable, et ce, pour partir librement.
    L’OIT a aussi noté que, même si leur contrat de travail est arrivé à échéance, certains travailleurs doivent attendre que des remplaçants soient trouvés avant de quitter leur emploi. Encore une fois, c’est expliqué très clairement dans le rapport de Better Work Jordanie publié en mars dernier.
    Il vous reste une minute.
    J’ai une question pour l’Association canadienne du droit de l'environnement. Je suis très curieux. Très rapidement, pourriez-vous nous expliquer la politique d’achats écologiques que vous prônez?
    Merci.
    Premièrement, en vertu de l’ALENA, les gouvernements infranationaux ne sont pas soumis aux restrictions concernant les achats. Deuxièmement, leurs achats sont protégés. Nous avons une préoccupation continue, à mesure que les gouvernements infranationaux commencent à être soumis à ces accords, et il pourrait y avoir une disposition à ce sujet dans l’avenir si les provinces donnent leur accord; le Canada pourrait le mentionner au gouvernement jordanien.
    De plus, sur la scène mondiale, nous avons beaucoup de concurrence concernant l’économie et les emplois verts. Nous aimerions aussi voir un renforcement de ces aspects sur la scène nationale, et le développement de cette capacité prend du temps. Donc, durant cette période et dans l’avenir, nous voulons nous assurer que les accords ne restreignent pas la capacité des gouvernements de déterminer les exigences des achats écologiques, particulièrement en ce qui concerne leurs achats.
(1130)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Keddy.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue aux témoins.
    Madame McClenaghan, vous avez dit beaucoup en peu de temps, et j’ai eu un peu de difficulté à tout comprendre. Dans vos commentaires, vous avez abordé les mesures environnementales et vous avez dit que nous devrions avoir un traitement infranational et un régime solide de protection environnementale. Je crois que tout le monde ici est d’accord avec cet aspect.
    Ensuite, vous avez parlé du principe de précaution. Selon ce que je comprends, vous demandez que des politiques environnementales s’appliquent dans les règlements sur le travail et l’investissement et que ce principe environnemental soit toujours présent. Vous vous opposez aux dispositions sur le règlement des différends entre un investisseur et l’État, mais vous demandez en gros exactement la même chose que ce qui se trouve dans ces dispositions. Vous examinez des exigences individuelles dans la loi et vous dites qu’il devrait toujours y avoir une mesure pour veiller à la protection de l’environnement. Bien honnêtement, les dispositions sur le règlement des différends entre un investisseur et l’État protègent les investisseurs et les États; elles n’empêchent pas l’autre pays de les contester devant les tribunaux. Si une partie est en désaccord, elle n’est pas forcée d’appliquer les lois en question, mais elle est forcée d’offrir un dédommagement.
    Pourriez-vous expliquer brièvement la différence qui existe entre les deux enjeux?
    Certainement. Les notes que je vous ferai parvenir cet après-midi vous donneront de plus amples renseignements à ce sujet.
    Notre problème n’est pas que les deux États entament des poursuites et en viennent à un règlement s’il semble que l’une des parties ait violé l’accord. Notre problème à ce sujet est qu’un investisseur, une société, un particulier ou une personne morale peut poursuivre l’État pour avoir adopté des règlements sur l’environnement, la santé et le travail. Voilà le problème.
    Nous n’avons pas une telle disposition sur la scène nationale pour nos propres entreprises. Si l’Ontario ou le gouvernement du Canada adopte des règlements environnementaux, nos entreprises canadiennes peuvent faire des représentations auprès des autorités canadiennes pour leur dire que ce n’est pas une bonne idée et que cela risque d’avoir des répercussions non voulues sur leurs entreprises. C’est bien. En fin de compte, le gouvernement pèsera le pour et le contre et décidera peut-être que cette mesure est vraiment nécessaire pour protéger l’environnement. Une entreprise canadienne ne peut pas se rendre devant les tribunaux pour démontrer qu’elle a subi des dommages à la suite de l’adoption de la mesure et exiger un dédommagement.
    Cependant, les accords commerciaux donnent ce droit aux investisseurs étrangers. Cet aspect commence à entraîner ce que j’appelle une paralysie du régime réglementaire. En effet, les gouvernements doivent y penser à deux fois avant d’agir. Ils doivent examiner non seulement les divers intérêts, mais aussi le bien-fondé des allégations concernant la possibilité de telles poursuites. Sont-elles légitimes? Les plaignants risquent-ils de gagner leur cause? Le gouvernement devra-t-il verser un dédommagement?
    Comme je l’ai dit, même si je crois que le libellé aborde un peu la question, les accords permettent tout de même d’intenter des poursuites. Nous avons vu Dow contester le code sur les pesticides du Québec; ce dossier vient de se régler dans les derniers mois. Ce recours a littéralement été intenté, parce que l’Ontario envisageait à l’époque d’interdire l’utilisation des pesticides à des fins esthétiques.
    Je crois que c’est un problème très réel. Pour remédier à la situation, je vous rappelle qu’une telle disposition n’existe pas entre l’Australie et les États-Unis. Je ne crois pas qu’elle soit nécessaire. À mon avis, en permettant une telle disposition, nous allons au-delà de ce qui est nécessaire en ce qui a trait à l’évaluation des autres intérêts entre lesquels le gouvernement essaye de maintenir un équilibre.
(1135)
    Je vous remercie. C’est simplement une déclaration; ce n’est pas une question. En ce qui concerne l’interdiction des pesticides au Québec, cela n’a certainement pas empêché le Québec d’en interdire l’utilisation à des fins esthétiques. Les municipalités ont en fait encore le droit d’appliquer les règlements environnementaux.
    J’aimerais passer à M. Vogt.
    Monsieur Vogt, j’aimerais revenir un peu sur ce que M. Masse disait au sujet des syndicats. Je comprends ce que vous dites, mais lorsque vous avez témoigné devant le comité la dernière fois en 2008, vous avez dit que la Jordanie avait modernisé son droit du travail. Je crois que les étrangers ont maintenant le droit d’adhérer à des syndicats; toutefois, ils n’ont pas le droit de vote et ne peuvent donc pas voter sur le déclenchement d’une grève.
    Selon ce que nous comprenons des changements apportés — et je crois qu’il faudrait avoir des précisions à ce sujet —, en vertu des nouvelles lois, les travailleurs étrangers ont le droit de faire partie de syndicats depuis 2010, je crois. Ils doivent adhérer à un syndicat existant en Jordanie, et je crois comprendre qu’ils n’ont peut-être pas le droit d’occuper de poste au sein d’un syndicat, mais ils ont certainement le droit de vote. Pourriez-vous nous donner des précisions à cet égard?
    Oui. J’ai les modifications de 2010. Elles disent clairement qu’un syndicat doit être fondé par un Jordanien. Les travailleurs étrangers ne peuvent pas créer leur propre syndicat. Cela contrevient à la liberté d’association. De plus, il ne semble pas que les travailleurs étrangers puissent diriger un syndicat, ce qui est aussi un problème. Ce qui est différent, c’est qu’à l’époque les travailleurs migrants ne pouvaient pas devenir membres d’un syndicat. C’est désormais possible.
    À titre de précision, ils ont le droit de vote.
    Je présume que c’est le cas s’ils peuvent faire partie d’un syndicat.
    D’accord.
    Vous avez aussi parlé lors de votre dernière présence devant notre comité des travailleurs du vêtement. En ce qui concerne principalement ce secteur, particulièrement avec l’accord américain, nous croyons comprendre que les conditions se sont améliorées.
    Oui. Je crois qu’elles se sont améliorées par rapport à celles de 2006. Je vous rappelle que j’ai participé à la rédaction des plaintes que l’AFL-CIO a déposées à l’époque contre la Jordanie. L’autre personne qui témoignera plus tard devant votre comité a aussi aidé à dénoncer les violations dans le secteur du vêtement.
    Est-ce que la situation s’est améliorée? Je dirais que oui. Toutefois, est-ce que la Jordanie applique ses lois comme l’exige l’article 3 de l’accord? Je dirais que non dans un certain nombre de secteurs. Encore une fois, il y a deux ou trois semaines, l’OIT...
    Pourrions-nous avoir une réponse succincte? Le temps est écoulé.
    Encore une fois, l’OIT a démontré il y a deux ou trois semaines qu’il y a encore dans un certain nombre de secteurs importants des problèmes de travail forcé, d’heures supplémentaires forcées, de violations de la liberté d’association, de dortoirs horribles...
    C’est bien. Merci beaucoup de votre réponse.
    Monsieur Easter, vous avez la parole.
    Monsieur le président, vous verrez qu’il est difficile d’interrompre les gens avec la nouvelle technologie. Voilà la différence entre avoir un témoin en chair et en os ou en vidéoconférence.
    Je trouve difficile d’interrompre des témoins même lorsqu’ils sont devant moi. Allez-y.
    Je tiens à remercier nos deux témoins.
    Monsieur Vogt, puisque nous n'avons pas eu l'occasion de nous rendre sur le terrain en Jordanie pour vérifier les conditions de travail, nous nous fondons dans une certaine mesure sur ce qui a été dit. Vous avez parlé de conditions de travail épouvantables dans ce que vous avez appelé, je crois, les zones de travail qualifiées.
    Pourriez-vous simplement nous décrire ces conditions de travail épouvantables? Je crois que cela nous donnerait une meilleure idée de la situation. J'espère que nous pourrons aller voir ce qui se passe sur le terrain, mais au cas où nous ne le pourrions pas, pouvez-vous nous en donner une idée?
(1140)
    Certainement. Encore une fois, je crois que le troisième témoin, qui comparaîtra après nous deux, a déjà visité ces zones et qu'il vous donnera de nombreux détails.
    Je pense que le dernier rapport relatif au programme Better Work Jordan de l'OIT constitue une source très fiable et très récente. J'ai tiré ces exemples de ce rapport. Il y a des personnes qui travaillent de très longues heures, qui ne sont pas nécessairement rémunérées pour ces heures de travail, qui vivent dans des dortoirs, au mieux dans des conditions primitives, qui sont menacés physiquement et verbalement par les employeurs. De nombreux travailleurs —40 p. 100, selon l'OIT — sont si endettés qu'ils ne peuvent quitter librement leur emploi, et certaines personnes ont fait l'objet de représailles pour avoir entrepris des activités syndicales concertées. L'OIT indique, je crois, que compte tenu de sa nouvelle méthode relativement à la liberté d'association, elle s'attend à ce qu'il y ait davantage d'infractions dans l'avenir, et non le contraire.
    À mon avis, il est clair que ces exemples ne correspondent pas à ce que le Canada exige de la Jordanie dans le cadre de l'accord de coopération dans le domaine du travail. Je vous encourage donc fortement à examiner le programme Better Work...
    Monsieur le président, je propose que nous nous procurions une copie du rapport relatif au programme Better Work Jordan de l'OIT, si les attachés de recherche peuvent en obtenir une. Je crois que cela nous serait utile.
    Je vous remercie. Je vais peut-être revenir à vous si le temps me le permet, mais j'aimerais m'adresser à Mme McClenaghan.
    D'abord, comment évalueriez-vous l'accord parallèle sur l'environnement avec la Jordanie, actuellement? Ensuite, vous avez parlé d'accords parallèles modèles sur l'environnement et mentionné celui de l'AECG, ainsi que l'accord entre les États-Unis et l'Australie. Selon vous, quel est le meilleur modèle pour assurer la meilleure protection environnementale pour le Canada, de même que pour la Jordanie?
    Si nous utilisons l'ALENA comme point de référence, nous constatons une amélioration de la formulation dans certains accords bilatéraux négociés depuis. C'était, évidemment, il y a quelque temps. Comme je l'ai dit, nous verrons à quel point on améliorera les conditions.
    Ce que j'aime bien en ce qui concerne l'accord entre les États-Unis et l'Australie, c'est qu'il n'autorise pas les réclamations des investisseurs étrangers contre l'Australie. Il revient aux États-Unis et à l'Australie de négocier entre eux s'ils croient avoir des différends, mais aucun des investisseurs des deux pays ne peut directement présenter une réclamation en vertu de l'accord afin d'être compensés pour un règlement qui a été pris. C'est ce que j'aime à propos de cet accord. Tant que les autres accords ne contiendront pas quelque chose de semblable, je crois qu'ils auront un défaut important, puisqu'ils continueront d'autoriser ce genre de réclamation.
    L'accord entre le Canada et l'Europe, le CETA, qui progresse bien — il y a eu diverses rondes sur la formulation —, dépendra de la position des parties, au bout du compte, sur ces dispositions environnementales qu'elles sont en train de négocier. Lorsque j'ai comparu devant le comité il y a quelques mois, nous avons indiqué les endroits où nous préférions le texte de l'Union européenne et ceux où nous préférions le texte canadien.
    Si on utilise la meilleure formulation en matière d'environnement pour cet accord et si on élimine les dispositions investisseur-État, je crois que nous aurons un accord très solide. Il y a des suggestions très prometteuses entre les parties dans cet accord.
    Nous voyons donc de façon itérative le texte commencer à s'améliorer et nous verrons, bien sûr, comment cela se traduira sur le terrain.
    Est-ce que vous...
(1145)
    Mais je dois dire, pour répondre à votre question, que l'accord avec la Jordanie se compare davantage aux anciens accords, et le texte est encore assez calqué sur ces anciens accords.
    Je vais permettre seulement une très brève question et une réponse rapide.
    Vous dites que c'est nécessaire afin d'éliminer la protection investisseur-État. Pourquoi?
    Pas en ce qui concerne l'expropriation directe, mais le problème, c'est lorsqu'on dit que la réglementation environnementale constitue de l'expropriation indirecte.
    Donc...
    Le simple fait qu'un gouvernement adopte une mesure de protection de l'environnement ne signifie pas que quelqu'un devrait pouvoir présenter une réclamation.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Hiebert.
    Ma question s'adresse à Mme McClenaghan. Vous avez longuement parlé, dans votre déclaration préliminaire, de l'expropriation directe et indirecte. Je me demande si vous pourriez nous parler davantage de ce qui est énoncé dans l'accord parallèle sur l'environnement à ce sujet. Ou est-ce le fait que l'accord est muet sur cette question qui vous préoccupe le plus?
    Non, il y a une disposition à ce sujet, et comme je l'ai dit, elle est meilleure que celle de l'ALENA. Sur ce point, le texte n'est pas si mal. On dit:
Sauf dans de rares cas, par exemple lorsque la mesure ou le train de mesures est si rigoureux au regard de son objet qu'on ne peut raisonnablement penser qu'il a été adopté et appliqué de bonne foi, ne constituent pas une expropriation indirecte les mesures non discriminatoires d'une Partie qui sont conçues et appliquées dans un but légitime de protection du bien-être public, par exemple en matière de santé, de sécurité et d'environnement.
    Ce n'est pas si mal, à première vue. Cela semble assez bon. Ce qui me préoccupe, c'est que les entreprises peuvent encore présenter cette réclamation — et nous savons qu'elles le font — et dire, par exemple, que ce n'était pas raisonnable, que ce n'était pas de bonne foi, ou que cela ne visait pas la santé, la sécurité ou l'environnement. Cela laisse encore la porte ouverte à ces tentatives de nuire au programme réglementaire, avant même qu'il soit appliqué, puisque l'on peut présenter ce genre de réclamation. C'est ce qui me préoccupe.
    Je n'aime vraiment pas que le gouvernement canadien et ses gouvernements infranationaux voient leurs pouvoirs de réglementation en matière d'environnement être limités par cela.
    J'ai quelques...
    C'est mieux que l'ALENA, mais c'est... Nous ne devrions même pas permettre les réclamations.
    Avez-vous des exemples d'autres formulations semblables utilisées à cette fin, comme vous l'avez décrit, ou est-ce davantage ce qui pourrait se produire, selon vous?
    En ce qui concerne ce que nous prévoyons, nous avons reçu beaucoup de réclamations faites à l'endroit du Canada, par exemple, en vertu de l'ALENA. La plus récente est celle de Dow. En fin de compte, cela a été résolu.
    D'un autre côté, nous avons un bon précédent dans une affaire appelée Methanex, où un groupe spécial arbitral a donné tort au demandeur et a indiqué que ce genre de règlement ne constitue pas de l'expropriation. Le problème, c'est que cela n'engage aucunement les groupes arbitraux subséquents. Dans l'accord même, on dit que c'est au cas par cas. Les questions concernant le caractère raisonnable, la légitimité et la bonne foi, notamment, pourront chaque fois faire l'objet d'un débat.
    Je pose cette question parce que je sais aussi que dans l'accord parallèle sur l'environnement, les deux parties — le Canada et la Jordanie — s'engagent non seulement à se conformer à leurs lois environnementales nationales actuelles, mais également à ne pas les affaiblir, mais plutôt à les renforcer, à mettre en place des mécanismes de recours, à sensibiliser davantage le public, et à veiller à ce qu'il y ait des évaluations environnementales. Il semble qu'en collaborant avec la Jordanie, nous renforçons ses dispositions environnementales et nous lui permettons de rehausser ses normes. N'est-ce pas ce à quoi on s'attendrait de cet accord? Si c'était le cas, le fait de donner la possibilité aux entreprises de contester ces normes plus élevées serait incompatible avec l'accord.
    Oui, le fait de contester les normes plus élevées ou plus protectrices serait incompatible. Ces dispositions sont bonnes, je crois. Même dans l'ALENA, nous avions la Commission de coopération environnementale, qui fait de très bonnes choses. Par exemple, elle compare les émissions nationales des grands pollueurs dans les trois pays. Ces dispositions supplémentaires sont utiles.
    Il sera intéressant, étant donné que de plus en plus de ces accords sont négociés, de voir dans quelle mesure les parties — c'est-à-dire les États — les appliqueront et verront à quel point elles permettent d'améliorer et de rehausser leur protection environnementale. Le libellé est utile. Il est plutôt vague, mais il est utile, surtout si les parties suivent cette piste et demandent: « Qu'avez-vous fait dernièrement pour améliorer votre protection environnementale? Pouvez-vous le démontrer? »
(1150)
    Je ne vous ai pas entendu le dire, mais on dirait presque que vous craignez que la Jordanie ou tout autre pays signataire d'un accord contenant ce libellé pourrait tenter d'utiliser les normes environnementales comme barrière non tarifaire. C'est ce à quoi s'opposeraient les entreprises qui seraient touchées . Est-ce là une manière indirecte de dire ce qui vous préoccupe?
    Je ne crains pas que la réglementation environnementale se traduise par des barrières non tarifaires, mais c'est ce qu'invoque souvent l'industrie. Dans une bonne partie du texte des accords de libre-échange, on tente de régler la question de l'évitement des barrières non tarifaires, tout en permettant la réglementation environnementale. Je crois que cela provient, au départ, des rédacteurs.
    J'ai aussi lu que l'accord parallèle sur l'environnement ne prévoit aucune sanction pécuniaire pour une partie qui est réputée ne pas respecter le rapport d'un groupe arbitral. Cela vous a-t-il intrigué ou bien est-ce la norme?
    Ni l'un ni l'autre. J'étais plus intéressée de savoir si cela s'étendrait à l'accord sur l'investissement, mais ce n'est pas le cas. Dans l'accord sur l'investissement, les investisseurs ont encore le droit de présenter des réclamations pour expropriation ou expropriation indirecte.
    Je ne suis pas tellement surprise que les parties ne présentent pas de réclamations financières relativement à la prise de règlements dans l'intérêt de l'environnement. Si elles pensaient, par exemple, que l'autre partie ne respectait pas les dispositions prévoyant une réglementation rigoureuse, je présume qu'elles utiliseraient d'autres recours prévus dans cet accord, comme les discussions ou la création d'un comité.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ravignat.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être là.
    Ma question s'adresse à monsieur Vogt. Lorsque les droits des travailleurs ne sont pas acquis, ce sont souvent les femmes et les enfants qui subissent les conditions de travail les plus difficiles. Je me demande si vous pourriez décrire la situation des travailleurs enfants et des femmes dans le Royaume hachémite de Jordanie.

[Traduction]

    Dans l'industrie du vêtement, comme dans bien d'autres industries, la main-d'oeuvre est composée en majorité de femmes. Je ne suis certainement pas un spécialiste de la question du travail des enfants en Jordanie, mais je peux tout de même faire des recherches et vous fournir de l'information à ce sujet. C'est probablement tout ce que je peux vous offrir pour le moment. Je serai heureux de vous préparer quelque chose par écrit sur cette question.

[Français]

    Ce serait très intéressant.
    Souvent les syndicats qui sont actifs dans la région ont peut-être une meilleure connaissance de la situation des travailleurs et des avantages d'un éventuel traité ou les désavantages d'un éventuel traité de libre-échange.
    Savez-vous quelles sont les préoccupations des syndicats dans le Royaume hachémite de Jordanie concernant la libéralisation du commerce? Appuient-ils cette initiative, oui ou non?

[Traduction]

    J'ignore quelle est la position de la fédération sur cette question. Je sais cependant que depuis que la Jordanie a conclu un accord de libre-échange avec les États-Unis, la superficie des zones industrielles qualifiées a considérablement diminué. Je crois donc que tout indiquait que ce serait une bouée de sauvetage pour l'industrie du vêtement en Jordanie, mais au bout du compte, cela n'a pas été le cas. Je ne peux pas parler au nom des Jordaniens relativement à cette mesure législative.
(1155)

[Français]

    C'est bien.
    En parlant des États-Unis, j'ai une question pour vous. Il s'agit du principe même des accords parallèles sur le travail. Dans le traité de libre-échange avec les États-Unis, on n'a pas inclus un accord parallèle sur le travail, mais dans l'accord commercial principal, il y a certaines clauses sur le travail.
    À partir de l'expérience américaine, pensez-vous que la partie sur le domaine du travail dans l'accord entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie devrait être incluse dans le texte principal? Cela améliorerait-il les choses? Les accords parallèles peuvent-ils être mis en vigueur, effectivement?

[Traduction]

    Je pense que la véritable question est de savoir quelles sont les normes et les mécanismes de règlement des différends dans ces circonstances. La raison pour laquelle il y a eu un tel tollé en ce qui a trait aux dispositions sur le travail de l'ALENA, c'est que dans les accords parallèles, on avait des processus de règlement des différends qui ne répondaient manifestement pas aux normes; si l'on place le texte à l'intérieur de l'accord, mais qu'il est encore lié à des mécanismes différents ou restreints de règlement des différends, on n'accomplit pas grand-chose.
    Par exemple, dans le cas de la CAFTA, aux États-Unis, les dispositions relatives au travail ont été intégrées au texte principal, mais on avait aussi un mécanisme secondaire de règlement des différends. On n'obtenait pas grand-chose de plus du fait que les dispositions se trouvent dans le texte de l'accord, car on avait un mécanisme plus restreint de règlement des différends.
    Je crois que ce qui est important, c'est d'avoir des normes élevées, que ces normes soient entièrement applicables, et qu'elles s'accompagnent de pénalités dans l'éventualité où l'une des parties ne respecterait pas son engagement pris en vertu de l'accord.
    Je pense que l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie en est un exemple. Les deux parties ont conclu cet accord. À l'époque, il contenait probablement les dispositions les plus rigoureuses sur le travail et pourtant, dès le début, les lois sur le travail les enfreignaient. Encore aujourd'hui, bien des années plus tard, il reste des questions à régler, moins qu'auparavant, mais il en reste tout de même, et la mise en oeuvre est encore problématique...
    Merci beaucoup.
    Nous allons devoir donner la parole au prochain intervenant.
    Monsieur le président, je tiens simplement à m'assurer que les informations concernant les conditions de travail des femmes et des enfants seront transmises au comité.
    En fait, nous devrions poser cette question au prochain intervenant. Je crois que vous obtiendriez probablement davantage d'information de première main.
    Monsieur Shory.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aussi aux témoins.
    Monsieur le président, tout le monde sait que le gouvernement a un programme commercial ambitieux, parce que nous croyons fermement que le commerce crée des emplois et fournit aussi des occasions d'affaires aux entreprises, surtout pour les PME, et cela crée des emplois ici au Canada. Je crois que c'est une situation où tout le monde est gagnant. Cet accord de libre-échange sera profitable tant pour le Canada que pour la Jordanie, car il ouvrira des marchés pour les exportateurs canadiens et jordaniens en fournissant un accès sans précédent à nos marchés respectifs et en éliminant les tarifs sur plusieurs produits clés.
    Monsieur le président, je ne comprends pas le point de vue du NPD selon lequel ouvrir les marchés nous fera perdre des emplois au Canada. Fait étrange, pendant le congrès à la direction de leur parti, les néo-démocrates ont fait appel à une entreprise espagnole plutôt qu'à une entreprise canadienne. Peut-être devraient-ils prêcher par l'exemple.
    Ma question s'adresse à M. Vogt. Comme ce fut le cas pour l'Accord de libre-échange Canada-Colombie, nous croyons que grâce au libre-échange, notre engagement auprès de la Jordanie permettra de hausser le niveau de vie et d'améliorer les normes du travail et les normes environnementales de la Jordanie. Toutefois, le NPD croit que « la seule façon de pousser des pays comme la Colombie à hausser leurs normes du travail et à mieux respecter les droits de la personne, c'est de les empêcher de participer au commerce mondial des capitaux ».
    Depuis la signature de l'accord de libre-échange avec la Colombie, nous avons constaté des améliorations dans ce pays. Ma question est...
(1200)
    Venez-en très rapidement à votre question.
    Croyez-vous, comme ce fut le cas avec la Colombie, que la signature de l'accord de libre-échange Canada-Jordanie entraînera une amélioration des normes du travail et des normes environnementales?
    Nous avons le temps pour une très brève réponse.
    Je pense qu'en ce moment — et on pourrait dire la même chose au sujet de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Colombie —, vous avez, avant la conclusion d'un accord, un pouvoir considérable qui vous permet d'insister auprès de l'autre pays pour qu'il respecte ses obligations juridiques au titre de l'accord de libre-échange. Après la ratification et l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange, les pays sont habituellement réticents à appliquer avec vigueur les dispositions relatives au travail. Je pense que dans le cas des États-Unis, retarder la ratification de l'accord avec la Colombie a créé un important moyen de pression qui, au fil du temps, a permis de négocier un plan d'action plutôt étendu en matière de travail — pas parfait, mais étendu —, que le gouvernement colombien s'emploie à mettre en oeuvre. Encore une fois, ce n'est pas entièrement terminé, et il y a sans doute des problèmes.
    Toutefois, dans le cas de l'accord États-Unis-Jordanie, la seule signature de l'accord n'a pas entraîné le respect des droits des travailleurs. Ce n'est qu'après la publication d'un important dossier dans le New York Times et du dépôt d'une plainte en matière de commerce contre la Jordanie que nous avons commencé à voir des progrès.
    Madame McClenaghan, monsieur Vogt, je vous remercie de votre témoignage et de vos réponses.
    Cela met fin à cette partie de la réunion. Nous allons nous préparer à accueillir notre prochain invité.
    Je vous remercie du temps que vous avez passé avec nous. Je vous souhaite une bonne journée.
(1205)
    Reprenons.
    Nous avons eu un petit problème technique avec la vidéoconférence de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Monsieur Charles Kernaghan, vous nous parlez de l'Institute of Global Labour and Human Rights. Nous entendez-vous bien?
    Il semble y avoir un petit retard, mais faisons une tentative, et nous verrons comment cela se passera.
    Nous voulons vous remercier de vous être joint à nous et de témoigner au sujet du projet de loi C-23, l'Accord de libre-échange Canada-Jordanie.
    La parole est à vous, monsieur.
    Merci beaucoup de me donner l'occasion de témoigner sur la question des droits des travailleurs en Jordanie.
    Lorsque l'institut a commencé son travail en Jordanie, nous avons découvert que de 2001 à 2006, l'accord de libre-échange États-Unis-Jordanie avait dégénéré en trafic de travailleurs étrangers. On confisquait leur passeport, on les maintenait dans des conditions de servitude, on les obligeait à travailler pendant de longues et pénibles heures sans leur verser le salaire auquel ils avaient droit.
    Après la publication de notre rapport, il y a eu des changements mineurs. Notamment, beaucoup de travailleurs étrangers ont pu récupérer leur passeport.
    Cela à part, les violations se poursuivent. J'aimerais vous mettre à jour sur l'une de ces violations, qui se produit en ce moment, aujourd'hui.
    Nous avons publié ce rapport hier. Il concerne une usine appelée Rich Pine, dans le parc industriel Cyber City. On y fabrique des vêtements pour Liz Claiborne, J.C. Penney, Macy's et Kohl's. Les travailleurs étrangers chinois et bangladais travaillent 14 heures par jour, sept jours par semaine. Ils sont à l'usine 96 heures par semaine. C'est la norme. Ils n'ont eu qu'une journée de congé dans les 120 derniers jours, c'est-à-dire en quatre mois. Les travailleurs sont payés environ 70 ¢ l'heure, ce qui semble... c'est plus bas que le salaire minimum en Jordanie, qui est de 74,5 ¢.
    Les travailleurs n'ont absolument aucun droit. C'est un véritable atelier clandestin. Les travailleurs sont logés dans des dortoirs primitifs. Les travailleurs, tant chinois que bangladais, n'ont pas leur mot à dire. L'hiver, dans les dortoirs, on manque de chauffage et d'eau chaude. Pour se laver, ils ne disposent que d'un seau d'eau; ils s'aspergent d'eau à l'aide d'une tasse. Les travailleurs sont traités comme s'ils n'avaient absolument aucun droit.
    Je dirais qu'à l'usine Rich Pine, tous les droits des travailleurs établis dans la loi jordanienne et dans l'accord de libre-échange avec les États-Unis sont bafoués de façon éhontée, au vu et au su de tous.
    J'aurais seulement deux autres commentaires.
    Nous savons que l'accord de libre-échange États-Unis-Jordanie est le meilleur accord commercial jamais négocié par les États-Unis parce qu'au coeur de l'accord, il y a des droits fondamentaux en matière de travail: la liberté d'association, le droit d'organisation et de négociation collective. Ce qui s'est passé, c'est que le gouvernement jordanien a apporté des modifications à la zone de libre-échange.
    Savez-vous ce que le gouvernement jordanien a fait? Il a indiqué qu'avant de pouvoir former un syndicat, les travailleurs étrangers devront avoir travaillé dans le secteur privé pendant cinq ans. Le problème, c'est que les travailleurs étrangers obtiennent des contrats de trois ans.
    Ensuite, pour empirer les choses, le gouvernement jordanien a dit que si les travailleurs étrangers veulent se syndiquer, ils devront retourner dans leur pays d'origine pour demander, dans un pays comme la Chine, par exemple, l'adoption d'une mesure législative accordant aux travailleurs chinois qui sont en Jordanie le droit de se syndiquer.
    Autrement dit, le droit d'organisation et de négociation collective est restreint par le gouvernement jordanien. Nous avons les documents qui le prouvent, les messages que nous avons reçus. Donc, je doute fort de la capacité du gouvernement jordanien de respecter les droits établis dans la loi jordanienne et dans l'accord de libre-échange avec les États-Unis.
    Dix ans après la signature de l'accord de libre-échange, nous savons que les travailleurs étrangers ne jouissent pas du droit de se syndiquer ni du droit de négociation collective en raison des obstacles mis en place par le gouvernement. Encore une fois, c'est ce que révèlent les documents du gouvernement américain.
    Enfin, j'aimerais parler brièvement de l'usine Classic, en Jordanie. Il s'agit de la plus importante usine du pays. Elle compte 5 000 travailleurs qui viennent d'Égypte, du Bangladesh, du Sri Lanka et de la Chine.
(1210)
    Cette usine exporte des produits pour une valeur de 125 millions de dollars aux États-Unis, la plus grande partie de ces produits étant destinée à Walmart et à Hanes. Les employés travaillent 14 ou 15 heures par jour. Ils ont peut-être deux vendredis de congé par mois. Les employés sont giflés et on leur crie des injures. Lorsque des marchandises doivent être livrées, ils travaillent pendant des quarts de 18 heures et demie.
    Mais c'est ce qu'il y a de moins grave. Nous avons découvert qu'à l'usine Classic, qui est la plus grande usine de Jordanie, des dizaines et des dizaines de travailleuses invitées ont été violées.
    Je vais vous dire comment nous avons appris cela. Nous étions en Jordanie en décembre 2010. Des jeunes femmes nous ont approchés et nous aurons remis des disques. Elles nous ont remis des enregistrements qu'elles ont faits elles-mêmes au moyen de leur téléphone cellulaire pendant qu'elles témoignaient au sujet des viols, nous implorant de leur venir en aide, nous implorant de faire cesser ces viols.
    Une jeune femme, Kamala, nous a parlé des hommes — il s'agissait d'Anil Santha dans ce cas, mais il y avait également Priyantha et d'autres personnes:
J'ai fait l'objet de tous les abus… Cet homme m'a torturée. Il a beaucoup abusé de moi sexuellement… Je devais me plier à tous ses désirs parce que j'étais dans une situation extrêmement vulnérable et que j'étais intimidée… Tout mon corps me fait mal… Je ne peux regarder mes parents dans les yeux. Je suis détruite. Je ne peux même pas changer de vêtements devant ma mère parce que Priyantha m'a détruite. J'ai des marques de morsures sur tout le corps.
     Elle a poursuivi en disant qu'elle était tellement horrifiée et humiliée, qu'elle se serait suicidée:
Je ne peux m'enlever la vie parce que je suis extrêmement pauvre. Je suis seule pour m'occuper de mes parents. C'est la raison pour laquelle je suis venue ici [en Jordanie].
Cette jeune Sri Lankaise est arrivée à l'usine Classic et elle a été violée de manière répétée.
    Et cela se poursuit sans cesse. C'est indiqué dans notre rapport. C'est indiqué dans nos mises à jour.
    Nous sommes venus au secours d'une jeune Bangladaise, Nazma, en juin 2011. On l'a retirée d'une usine et on lui a dit qu'elle irait travailler dans une autre. Elle était effrayée, étant donné qu'elle venait tout juste d'arriver. Elle travaillait dans une des usines Classic; il y en a cinq en tout.
    Lorsqu'un superviseur est venu lui dire qu'elle devait aller dans une autre usine, elle est sortie et est montée dans une voiture en compagnie du directeur général de l'usine, Anil Santha, et ils sont partis. La voiture s'est arrêtée devant une maison. Elle était confuse. Ce n'était pas une usine. Elle commençait à avoir peur. La porte s'est ouverte, ils sont entrés dans la maison et elle pensait qu'il y aurait peut-être une usine derrière la porte suivante. Évidemment, il n'y en avait pas. L'homme l'a renversée sur un lit et l'a violée. Il a déchiré sa robe et l'a mordue à l'épaule. Il a fait cela en mars 2011. En mai 2011, il l'a violée à deux autres reprises, la mordant à l'épaule, laissant une grosse ecchymose.
    Nous travaillons en ce moment même sur d'autres témoignages de victimes de viol. Nous n'allons pas laisser tomber cette affaire.
    En 2010, les travailleurs ont fait la grève: 2 500 travailleurs sri lankais et indiens ont fait la grève. Ils ont été battus et aspergés de gaz lacrymogène par la police. Les grévistes demandaient que l'on se débarrasse du directeur général, Anil Santha, qui violaient les femmes.
    Tout le monde le sait. La seule raison pour laquelle ils peuvent s'en tirer impunément, c'est que les femmes musulmanes ne peuvent dire qu'elles ont été violées sinon leur mari les quittera, on leur enlèvera leurs enfants ou elles seront victimes d'ostracisme.
    Je vois d'énormes problèmes en Jordanie ainsi que l'absence de respect des droits de la personne et des droits des femmes.
(1215)
    Merci beaucoup, merci de ce témoignage.
    Nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses.
    Monsieur Côté, vous avez la parole pour sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout d'abord, monsieur Kernaghan, je vous remercie beaucoup de votre témoignage. Serait-il possible de transmettre à notre comité les preuves que vous nous avez montrées?

[Traduction]

    Oui, évidemment. Il y a également des articles du Wall Street Journal, du Huffington Post et de l'Associated Press.

[Français]

    Merci.
    Monsieur le greffier, il sera possible de les obtenir pour les membres du comité.
    Je mets en parallèle ce que vous nous avez dit avec ce que nous a exposé M. Vogt, de la Confédération syndicale internationale. Vous nous avez dit qu'il y avait certaines améliorations en ce qui a trait aux droits humains et aux droits du travail en Jordanie.
    Par contre, comme M. Vogt nous le disait tout à l'heure, même l'Organisation internationale du travail révise ses normes, ce qui pourrait amener cette organisation à signaler plus de problèmes en Jordanie.
    Concrètement, généralement, croyez-vous qu'il y a quand même une amélioration  —et sous quelle forme et selon quels facteurs — des conditions de travail des travailleurs immigrants au Royaume hachémite de Jordanie?
(1220)

[Traduction]

    Je pense que le problème en Jordanie, c'est qu'il y a très peu de recherche réelle sur les conditions des travailleurs et sur les conditions qui règnent dans les usines. C'est bien triste à dire, mais la Jordanie est un pays très corrompu. Vous pouvez acheter n'importe qui très facilement.
    Par exemple, l'usine Rich Pine dont je viens tout juste de parler fait partie de la « Liste d'or » du ministère du Travail comme étant l'une des meilleures usines de Jordanie. Pourtant, les gens y travaillent 14 heures par jour, sept jours par semaine.
    En d'autres mots, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Oui, les travailleurs ont récupéré leur passeport et, oui, les travailleurs ne sont pas battus sauvagement ou tués. Mais lorsque vous avez encore des cas de viol chez les jeunes femmes, et que vous avez encore des heures de travail excessives, et que les travailleurs n'ont aucun droit...
    Le gouvernement jordanien n'autorisera pas ces travailleurs à s'organiser. Même les médias en Jordanie; 94 p. 100 des journalistes disent qu'ils s'autocensurent de peur de recevoir une amende de 28 000 $ pour avoir offensé le gouvernement.
     En d'autres mots, il s'agit d'un cas très difficile. Si vous allez de l'avant, il serait très important d'exiger vraiment que les travailleurs aient le droit de s'organiser et aient le droit à la négociation collective. À l'heure actuelle, ils n'ont absolument aucun pouvoir.

[Français]

    Ce que vous exposez est très intéressant. En effet, une des idées que je défends souvent, au sein de ce comité, est qu'il est bien beau d'avoir certaines règles et certains droits établis, mais s'il n'y a aucune volonté ou capacité de les appliquer, cela ne vaut pratiquement rien. Finalement, ça ne vaut que la valeur du papier sur lequel c'est écrit.
    J'aimerais revenir aux améliorations qui ont été signalées. Elles semblent très disparates et surtout très lentes à venir. D'ailleurs, c'est ce que vous avez expliqué relativement à l'accord entre les États-Unis et la Jordanie, qui était une très bonne entente à la base, mais qui, malheureusement, a été amendée par le Royaume hachémite de Jordanie.
    Considérant la faiblesse des structures et la faible volonté du gouvernement, considérez-vous que les améliorations qu'on pourrait espérer seront encore trop lentes et ne pourront pas vraiment régler, dans un délai raisonnable, les problèmes de violations répétées des droits des travailleurs?

[Traduction]

    Nous pourrions l'espérer, mais cela nécessiterait un nouveau ministère du Travail. Il faudrait que le gouvernement des États-Unis exerce des pressions réelles.
    Parlant de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie, notre gouvernement sait exactement ce qui se passe, parce que dans cette dépêche, on dit que l'on doit exercer plus de pression sur le gouvernement jordanien; nous devons rappeler à la Jordanie que nous lui accordons une aide de plus de 600 millions de dollars par année, etc.
    Alors, tout le monde est au courant du problème, mais les problèmes ne sont pas corrigés. Les travailleurs invités souffrent vraiment.
    En fait, savez-vous ce que le gouvernement jordanien a fait? Lorsque nous avons publié notre rapport en 2006 qui exposait pour la première fois le trafic de travailleurs et les encans de travailleurs, il a interdit aux Bangladais de travailler en Jordanie. Sa réponse a été d'imposer une interdiction en 2006 faisant en sorte qu'aucun Bangladais ne pouvait venir en Jordanie. Cela a duré trois ans et demi, jusqu'en 2010, alors que la Jordanie a eu besoin de plus de travailleurs bangladais. Elle a levé l'interdiction et a permis aux femmes bangladaises d'entrer en Jordanie, mais pas aux hommes. Alors, toute cette question a été une manipulation du début à la fin.
    On pourrait améliorer les choses, mais il faudrait des discussions à un haut niveau avec le gouvernement et il faudrait que ce soit un exercice sérieux. Ils devraient être tenus de rendre plus de comptes.
    Vous pourriez peut-être réussir à le faire. Vous pourriez peut-être faire une percée.

[Français]

    Je le souhaite bien.
    J'ai une dernière, très courte question, monsieur le président.
    Cela nous fera plaisir, en tant qu'alliés et amis des États-Unis, d'aider à la demande de comptes.
    J'aimerais revenir aux questions de libertés syndicales. Si j'ai bien compris votre exposé, on peut conclure que les très faibles droits syndicaux qu'accorde le gouvernement jordanien semblent constituer un autre obstacle à l'amélioration des conditions des travailleurs. Est-ce exact?
(1225)

[Traduction]

    Eh bien, oui, en vertu de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie, les droits sont assez explicites. Il s'agit des droits soutenus par l'Organisation internationale du Travail, l'OIT; le droit à la négociation collective et le droit de s'organiser. La loi jordanienne est complètement différente.
    Récemment, lorsque nous étions en Jordanie, nous avons vu le président du syndicat des travailleurs du vêtement de Jordanie rencontrer le propriétaire de l'usine Classic chaque fois que nous avons soulevé les allégations au sujet du viol de ces jeunes femmes. Je pense qu'il faut exercer beaucoup plus de pression.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Adler pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux vous remercier, monsieur Kernaghan, pour ces observations très franches.
    Je suis curieux. Est-ce que ce dégénéré travaille toujours à l'usine Classic? Le savez-vous?
    Oui, Anil Santha a de longs antécédents de viol. Il a fait la même chose à Doubaï, et au Koweït, je pense. Les gens le connaissent très bien.
    Est-il toujours employé là-bas?
    Il a maintenant été suspendu de ses fonctions, mais nous ne savons pas vraiment quel est son statut. Il ne met pas les pieds à l'usine tous les jours, mais il est encore en Jordanie.
    Monsieur Kernaghan, pendant combien de temps avez-vous dirigé le National Labor Committee?
    Cela fait plus de 25 ans.
    Au cours de cette période de temps, avez-vous déjà vu un accord de libre-échange que vous avez vraiment aimé, quelque chose qui serait un modèle d'accord bilatéral et qui, à votre avis, devrait servir de modèle pour tous les accords de libre-échange et, si oui, lequel?
    Eh bien, en fait, l'Accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie était le modèle, et il a reçu l'appui de la FAT-COI. Il a reçu l'appui du mouvement syndical aux États-Unis. Il a reçu l'appui de syndicats très progressistes comme le Syndicat des métallurgistes unis d'Amérique. En d'autres mots, il s'agissait vraiment de la première percée. L'accord a été rédigé sous l'administration Clinton en 2000. Il est entré en vigueur en 2001, mais il s'agissait vraiment du porte-étendard, et tout le monde s'est rallié derrière lui.
    Mais, à votre avis, au cours de ces quelque 20 ans, pendant ces deux décennies, quel accord avez-vous aimé personnellement?
    Eh bien, cela aurait été l'accord avec la Jordanie mais, en fait, nous avons voyagé au Mexique. Il y avait de nombreux problèmes avec l'ALENA. Nous sommes allés en Amérique centrale. Nous avons travaillé là-bas pendant des années. Il y avait beaucoup de problèmes en vertu de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et l'Amérique centrale. Nous espérions que le modèle de la Jordanie fonctionnerait véritablement.
    Au chapitre des améliorations sur le terrain, vous dites que le texte de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie est un excellent modèle. Vous dites également qu'il a reçu l'appui bilatéral du Congrès américain. Il a reçu l'appui du président Clinton. Il a reçu l'appui du milieu des affaires et celui du milieu syndical. Toutefois, vous dites également que sur le terrain en Jordanie, le texte — ne parlons même pas de l'esprit — de l'accord de libre-échange n'est pas respecté.
    Est-ce exact?
    Oui, il n'est pas respecté.
    Avant l'accord de libre-échange, à quoi ressemblaient les conditions comparativement à la période qui a suivi l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange? Y a-t-il eu une quelconque amélioration d'une période à l'autre?
    Dans le cas de la Jordanie en particulier, il s'agit d'un accord de libre-échange très étrange, parce que vous avez des travailleurs invités qui arrivent de Chine, du Bangladesh, de l'Inde, du Sri Lanka et du Myanmar; les Jordaniens ne voudraient pas travailler dans les usines. Les Jordaniens ne font que commencer à travailler à l'usine et, habituellement, ils ne constituent qu'un faible pourcentage des travailleurs — 10 à 15 p. 100. Alors, le travail se fait véritablement par les travailleurs invités. L'accord de libre-échange est également étrange du fait que l'usine Classic a exporté pour 125 millions de dollars de biens aux États-Unis. Et tout cela, en franchise de droits. Alors, nous avons accordé à l'usine Classic un taux tarifaire de 20 millions de dollars et, en plus de cela, tous les textiles viennent de Chine. Alors, les deux tiers de la valeur de l'accord de libre-échange profitent véritablement à la Chine.
(1230)
    Exact.
    Quel pourcentage des importations de la Jordanie aux États-Unis provient des usines qui emploient des travailleurs invités en Jordanie?
    C'est 100 p. 100. En d'autres mots, il n'y a pas d'usine de vêtements sans travailleurs invités; les Jordaniens refusent de travailler dans les usines là-bas.
    Je crois savoir qu'il y a une usine jordanienne qui est en train de voir le jour et dont la main-d'oeuvre serait entièrement jordanienne. Je dois m'excuser de ne pas en savoir suffisamment sur cette question, mais en termes d'exportations, les produits exportés proviennent tous des usines qui emploient des travailleurs invités.
    Êtes-vous d'accord pour dire que l'engagement constituerait la meilleure solution possible? Politiquement, les États-Unis et la Jordanie sont engagés. Commercialement, un accord de libre-échange ne peut qu'accroître cet engagement. Cela ne mène-t-il pas à un meilleur résultat? N'est-il pas préférable d'avoir un accord de libre-échange pour pouvoir travailler afin que ces travailleurs retrouvent une plus grande dignité et qu'ils aient de meilleures conditions de travail, plutôt que de tout simplement les abandonner à leur sort?
    Oui. Le problème, c'est que l'accord de libre-échange est en vigueur depuis plus de 10 ans et qu'il n'a pas amélioré le sort des travailleurs. La volonté n'y est tout simplement pas. S'il avait été mis en oeuvre correctement, cet accord aurait certainement constitué un nouveau modèle. C'est quelque chose que les États-Unis, la Jordanie et le Canada auraient pu trouver très satisfaisant et très encourageant. Mais, à l'heure actuelle, ce que nous voyons dans les dépêches que nous recevons du département d'État américain, c'est que la Jordanie ne joue pas le jeu — même avec le gouvernement américain.
    Est-ce que les syndicats, le mouvement syndical aux États-Unis, ont dénoncé cette situation de quelque façon que ce soit?
    Oui.
    Oui?
    Oui, ils lui ont retiré leur appui.
    Encore une fois, de nombreux syndicats, mais en particulier le Syndicat des métallurgistes unis d'Amérique, ont fait des représentations sans équivoque auprès du département d'État, et de manière très décente, mais ils posent des questions très difficiles.
    Monsieur Kernaghan, je n'ai qu'une courte question: y a-t-il un accord de libre-échange sur cette terre que vous avez appuyé?
    L'accord avec la Jordanie, mais aucun autre, et cela s'est avéré un échec.
    Alors, vous avez appuyé l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie, mais vous n'avez jamais appuyé d'autres accords de libre-échange, y compris l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis ou l'ALENA?
    L'ALENA? Non.
    Non, nous sommes allés assez souvent au Mexique. Il n'est pas en bon état.
    Êtes-vous jamais venu au Canada?
    Votre temps est écoulé…
    Êtes-vous venu au Canada?
    Non, vous avez terminé.
    Franchement, je passe mon…
    Monsieur Easter, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Kernaghan. Votre témoignage est assez accablant et inquiétant, je dirais, surtout que l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie est en place, et que vous estimiez, je pense, qu'il s'agissait d'un bon accord.
    Je suppose qu'il y a une question clé pour nous. Comme vous le savez, la raison pour laquelle nous tenons ces audiences, c'est pour déterminer si nous appuyons l'initiative du gouvernement d'aller de l'avant avec un accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie. Je veux y revenir à la fin, mais j'ai simplement quelques questions au sujet de la propriété de l'usine Rich Pine et de l'usine Classic, comme vous l'avez dit, je crois. Qui est propriétaire de ces entreprises? Le savez-vous?
    L'usine Rich Pine appartient à des intérêts taïwanais et emploie surtout des travailleurs chinois. Ils ne viennent pas de Taiwan, mais de la Chine continentale. L'usine Classic appartient à un gestionnaire indien, qui a fait la plus grande partie de sa fortune à Dubaï.
    Alors, la situation réelle en Jordanie, c'est que ces usines sont situées en Jordanie, dans des zones de libre-échange, qu'elles appartiennent à des intérêts de l'extérieur de la Jordanie et leur main-d'oeuvre provient dans une très large mesure — à 90 p. 100 — de l'extérieur de la Jordanie.
(1235)
    Oui.
    D'après votre témoignage, il s'agit pratiquement d'une exploitation humaine absolue.
    Je dirais oui à 100 p. 100.
    Je crois personnellement que si de telles conditions de travail existent dans des régions, et que vous, en tant que pays — le Canada — mettez sur pied un accord de libre-échange prévoyant certaines règles et certaines conditions, vous êtes, en fait, mieux en mesure d'exercer des pressions sur ce pays et sur ces entreprises qui travaillent dans ce pays pour qu'ils améliorent les conditions de travail et les conditions des travailleurs.
    Cela ne s'est certainement pas produit avec l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie. Comment pensez-vous que nous pouvons contourner ce problème? D'un côté, j'ai été certainement favorable jusqu'ici à l'adoption de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie, parce que je pense que vous progressez des deux côtés et que vous améliorez effectivement les conditions. Mais compte tenu de l'expérience acquise dans le cadre de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie, je commence à m'interroger.
    Comment pouvons-nous, à votre avis, contourner ces difficultés? Est-ce que cela signifie qu'il doit y avoir des pressions exercées par les gouvernements au niveau international sur la Jordanie?
    Mardi, nous avons reçu l'ambassadeur de Jordanie devant le comité. Je vais simplement vous dire ce qu'il nous a dit et vous demander de commenter.
    Sur la question de l'application de la loi jordanienne aux résidents permanents et aux travailleurs migrants, l'ambassadeur jordanien a répondu ceci:
Nos nouvelles lois s'appliquent maintenant à tous les travailleurs en Jordanie, qu'ils soient des travailleurs étrangers ou domestiques. Personne n'est exclu ni traité différemment.
    Et il a ajouté:
Cela n’a rien à voir avec l’origine des travailleurs; il est plutôt question du secteur dans lequel ils travaillent. Si un secteur compte plus de deux ou trois travailleurs, ils sont tous protégés.
    Quelle est votre réaction à ces affirmations? Ce que nous a dit l'ambassadeur est en contradiction très nette avec votre témoignage.
    Oui.
    Je vous cite un message d'un haut fonctionnaire du département d'État américain:
C'est uniquement lorsque le roi et le gouvernement seront convaincus du sérieux du Congrès des États-Unis et de l'administration américaine à l'égard de certaines réformes qu'ils s'intéresseront à la question pour essayer de faire changer les choses. L'engagement incessant de hauts fonctionnaires américains comme... maintiendra la pression sur les Jordaniens en leur indiquant que leurs efforts de réforme sont surveillés de près par ceux qui suivent également les niveaux considérables d'aide étrangère dont bénéficie la Jordanie.
    Autrement dit, je crois que le gouvernement des États-Unis a une bonne idée de ce qui se passe là-bas, mais n'agit toujours pas.
    Je ne suis donc pas d'accord avec l'ambassadeur. Le message que je viens de vous citer vient d'un haut fonctionnaire du département d'État. Comme je viens de le dire, je crois que le département d'État est au courant de ce qui se trame, mais n'intervient pas pour une raison ou pour une autre.
    Mais comment croyez-vous que cela va se faire? Nous estimons faire la bonne chose en allant de l'avant avec une entente commerciale. Sinon, c'est comme si l'on admettait que ces pratiques vont se poursuivre avec d'autres pays. Nous n'avons aucun moyen d'appliquer de la pression pour faire changer les choses. À votre avis, quelle est la meilleure façon de procéder?
    À mes yeux, c'est carrément inacceptable; s'il était question de pétrole, plutôt que d'êtres humains, le gouvernement des États-Unis serait déjà passé à l'action. Mais voilà qu'un riche pays occidental permet l'exploitation d'êtres humains pour pouvoir acheter des vêtements bon marché. Cela n'a aucun sens.
    Comment devrait-on s'y prendre pour protéger les droits de ces personnes?
(1240)
    Je serais nettement favorable à la tenue d'une conférence réunissant les États-Unis et le Canada avec la participation d'instances représentant les travailleurs dans ces deux pays ainsi que de nos ambassades.
    S'il était possible de réunir tous ces gens-là avant de conclure un accord de libre-échange, je crois que l'on enverrait un message très clair à la Jordanie. Il va falloir que des changements interviennent avant qu'on puisse instaurer le libre-échange.
    C'est malheureusement la politique qui tient le haut du pavé en Jordanie. Ce pays est ainsi récompensé pour certains de ses agissements, alors que les travailleurs en paient le prix.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Keddy.
    Merci beaucoup à notre témoin.
    Monsieur Kernaghan, votre témoignage a été très catégorique et, sans l'ombre d'un doute, perturbant. Je conviens avec M. Easter qu'on peut faire avancer un pays en le mobilisant, plutôt qu'en l'isolant. On n'a recours à l'isolement qu'en l'absence de toute autre solution, lorsqu'il n'y a plus d'autres cartes dans notre jeu.
    Il y a quelque chose que j'ai du mal à comprendre. Vous avez dit que l'accord entre les États-Unis et la Jordanie est une entente valable. Je sais qu'elle a certes contribué à intensifier les échanges commerciaux entre ces deux pays. Du point de vue du travail, on avait l'impression que l'accord allait instaurer une certaine modernité et, fort probablement, des normes du travail équitables en Jordanie.
    Alors si — et ce n'est pas un « si » pour remettre en question votre témoignage — les règles du travail ont été enfreintes pour donner lieu à des situations extrêmes dans certains cas, le gouvernement jordanien aurait dû prendre en charge les mesures pénales rendues nécessaires. Ainsi, ce sont les tribunaux qui auraient dû s'occuper de l'individu soupçonné de viol.
    Quoi qu'il en soit, il y a toujours entre les États-Unis et la Jordanie une entente en vigueur renfermant des dispositions qui peuvent affecter les échanges commerciaux entre les deux pays. Pourquoi le gouvernement des États-Unis hésite-t-il tant à déclencher ce processus? Je n'arrive pas à le comprendre.
    Si je comprends bien votre question, je crois que cela se passe juste au-dessus de moi. Je pense que le gouvernement des États-Unis entretient une relation très étroite avec celui de la Jordanie et que l'accord de libre-échange visait à créer une alliance entre la Jordanie et les pays voisins, comme Israël. Il y a donc bien des facteurs qui entrent en jeu.
    Il est malheureux à mon avis que cette volonté soit à l'origine de l'accord de libre-échange, car il est plutôt étrange dans un tel contexte de devoir faire appel à des travailleuses étrangères pour faire fonctionner les usines.
    Bien évidemment, cela ouvre la porte à différents abus: ces jeunes femmes ne connaissent pas la langue du pays et doivent verser de fortes sommes pour obtenir ces contrats de travail en Jordanie. Dans le cas de Classic, les jeunes filles ne peuvent sortir de l'usine que pendant six heures par semaine, le vendredi, et sont interrogées à leur retour.
    Il y a donc quelque chose qui cloche. Il est possible de rectifier le tir, mais il faudra que le gouvernement jordanien se pose de très sérieuses questions.
    Je comprends que la situation peut être beaucoup plus complexe que les simples abus constatés, que le problème soit flagrant dans tous les secteurs de l'économie ou seulement dans quelques-uns.
    Contentons-nous de dire que les États-Unis négligent de faire respecter les règles. Toutefois, cela ne m'amène certes pas à conclure qu'il en irait de même pour le Canada. Nous avons signé une entente commerciale avec la Jordanie. Nous l'avons fait en toute bonne foi. Nous espérons voir des améliorations au chapitre du respect des droits du travail, de l'environnement et des droits de la personne. Les Jordaniens nous ont dit qu'ils allaient faire le nécessaire.
    Avec les ententes de libre-échange que nous avons conclues avec d'autres pays du monde... Je suis un partisan du libre-échange. J'apprécie votre honnêteté lorsque vous avouez que vous n'étiez pas favorable à ces accords auparavant. Si on se tourne vers l'avenir, j'aimerais vous donner l'exemple de l'accord de libre-échange que nous avons signé avec la Colombie.
    La Colombie a connu par le passé des difficultés très importantes, et il ne fait aucun doute que ce pays a encore de grands défis à relever. Quoi qu'il en soit, le sort des Colombiens s'est amélioré dans toutes les catégories possibles. Je ne dis pas que tout est parfait, loin de là, mais la vie est meilleure en Colombie. Que ce soit au chapitre de la liberté d'association, de la possibilité de voyager, de la sécurité personnelle, du respect de l'environnement ou de la capacité à trouver un emploi, la situation du Colombien moyen est meilleure qu'auparavant, et ce, sous tous les aspects. Mais je répète que ce n'est pas encore la perfection.
    Cet accord-ci devrait — et j'utilise le conditionnel — procurer une partie des mêmes avantages aux Jordaniens. Quant à savoir si ce sont les Jordaniens eux-mêmes qui vont travailler dans les usines, c'est une toute autre question d'ordre culturel que nous n'allons pas régler aujourd'hui.
    Nous continuons d'acheter leurs produits. Par le passé, lorsque des abus flagrants à l'endroit des travailleurs ont été mis au jour dans différents pays, les citoyens des États-Unis, du Canada et de l'Union européenne ont boycotté les coupables. Si la situation est aussi grave que vous le dites, je suis un peu consterné de ne noter aucune réaction semblable de la part des consommateurs.
(1245)
    Nous ne sommes pas des experts en ce qui a trait à la Colombie, mais je crois que ce pays accuse toujours, et ce par une grande marge, le taux de décès le plus élevé au monde parmi les syndicalistes. Il y a donc encore des problèmes.
    Si certains d'entre vous voulaient nous accompagner en Jordanie, je peux leur donner ma parole que nous pourrions réunir 1 000 ou 2 000 travailleuses étrangères de l'usine Classic qui vous diraient toute la vérité, pour autant qu'on puisse leur garantir qu'il n'y aura pas de représailles.
    Nous l'avons déjà fait. Je crois que c'était en 2008. Nous nous sommes rendus à l'usine Classic et nous avons réuni quelque 2 000 ou 3 000 travailleuses dans un auditorium géant en présence des représentants du ministère du Travail. Les travailleuses nous ont alors raconté ouvertement comment on les tripotait et on les battait, et quelles conditions de travail on leur imposait. Autrement dit, il est relativement facile de découvrir ce qui se passe en consultant directement les travailleuses et les preuves documentées qu'elles nous soumettent, et en allant visiter les dortoirs pour voir combien d'heures elles travaillent.
    Je suis peut-être en train d'excéder légèrement nos attributions. Nous sommes en fait des chercheurs et des défenseurs des droits des travailleurs; nous oeuvrons pour les droits de la personne. Nous ne sommes pas présents au sein des plus hautes instances gouvernementales des États-Unis ou d'ailleurs. Notre travail consiste essentiellement à faire enquête en vue d'améliorer le sort des travailleurs.
    Je pars demain à destination du Bangladesh. C'est ce que nous faisons toujours. Nous nous déplaçons pour effectuer ces enquêtes. Nous exerçons des pressions sur les grandes marques pour qu'elles améliorent les conditions d'emploi.
    Nous laissons à d'autres l'aspect théorique.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Masse, je crois que vous partagez votre temps avec Mme Péclet.
    Oui. Merci, monsieur le président.
    Merci d'être des nôtres aujourd'hui.
    Pour ce qui est de la situation en Colombie, notre accord avec ce pays n'est en vigueur que depuis six mois, alors il faudra attendre pour voir s'il y a amélioration. À mon avis, il ne s'est pas encore écoulé suffisamment de temps pour permettre une évaluation complète des effets de l'accord en matière de droits de la personne.
    Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour vos observations. L'ambassadeur était d'accord et nous a invités en Jordanie.
    Pourriez-vous nous indiquer les noms de vos représentants élus au Congrès et au Sénat qui ont travaillé à ce dossier, et seriez-vous disposé à collaborer avec nous pour créer un groupe de travail Canada-États-Unis-Jordanie afin de concrétiser les grands idéaux de l'accord de libre-échange avec les États-Unis avant que nous ratifiions l'entente Canada-Jordanie?
    Êtes-vous prêt à jouer ce rôle? Vous nous parliez de l'idéal visé, mais nous savons que les choses ne se déroulent pas de cette manière. Comment y parvenir? C'est l'essentiel.
    Je suis un grand partisan de la politique de la carotte et du bâton: vous devez offrir les incitatifs voulus, mais être toujours prêt à intervenir pour veiller à atteindre les objectifs visés avant d'avoir tout concédé.
(1250)
    Je trouve que c'est une excellente idée. Je sais qu'il y a des hauts fonctionnaires très compétents du département d'État américain qui ont beaucoup travaillé à ce dossier au sein du bureau du représentant au Commerce des États-Unis. Ils ne nous ont jamais imposé d'entraves et n'ont pas interrompu le dialogue. Le bureau du représentant au Commerce a été formidable. Même chose pour le bureau chargé de lutter contre le trafic des personnes. Le département d'État a aussi été d'un grand secours.
    Il est possible que nous soyons sur une bonne piste. Vous avez peut-être trouvé un moyen de rassembler tout le monde pour mener une dernière offensive contre la Jordanie.
    Pouvez-vous nous transmettre ces renseignements? Nous voulons que les choses fonctionnent bien, mais cela passe en définitive par la reddition de comptes. Nous vous serions donc très reconnaissants de bien vouloir nous transmettre ces informations que notre greffier communiquera à tous les membres du comité.
    Il y a peut-être une lueur d'espoir.
    Merci beaucoup.
    Madame Péclet.
    Vous vous êtes rendu en Jordanie. Vous savez sans doute qu'à l'occasion du printemps arabe, la population a vivement manifesté son opposition au gouvernement et au régime en place, une monarchie détenant la plupart des pouvoirs.

[Français]

    Comment pensez-vous que cette situation empêche le gouvernement — qui utilise, par exemple, les forces armées pour empêcher les gens de manifester dans la rue — d'aller faire des vérifications dans ce genre de manufactures?
    Quels sont les effets de cette opposition, par rapport aux possibilités du gouvernement de faire respecter les droits humains?

[Traduction]

    Vous avez tout à fait raison pour ce qui est du manque de démocratie, de liberté de presse et de droit d'organisation en Jordanie. Les travailleuses étrangères elles-mêmes — et nous essayons d'adopter leur point de vue — se rendent dans des endroits comme la Jordanie parce qu'elles sont extrêmement pauvres. Elles veulent offrir à leur famille une vie un peu meilleure et sont prêtes à faire tout le chemin depuis le Bangladesh ou le Sri Lanka pour travailler dans une usine comme celle de Classic.
    Elles veulent simplement que l'on respecte leurs droits fondamentaux. Elles ne demandent pas un salaire de 10 $ l'heure. Elles ne réclament pas deux jours de congé par semaine. Elles ne revendiquent pas la journée de huit heures. Autrement dit, il devrait en fait être relativement facile d'amener ces usines à se conformer aux normes internationales en matière de droit du travail. Mais d'après ce que je puis constater dans l'état actuel des choses, il y a un manque de bonne foi de la part du ministère jordanien du Travail et des autres intervenants.
    J'ai déjà parlé des médias; leur indépendance est essentielle. Nous constatons toutefois un climat de terreur au sein des médias jordaniens. Les journalistes s'autocensurent parce qu'ils s'exposent à des amendes et à quatre années d'emprisonnement.
    L'un d'entre eux, le chef de bureau de l'Associated Press en Jordanie, a rédigé un article troublant de vérité que je vous ferai parvenir au sujet du viol de jeunes travailleuses à l'usine Classic. Les entreprises américaines ont alors pris le téléphone pour essayer de le faire congédier en appelant le siège social d'Associated Press à New York.
    Il se passe donc bien des choses. C'est ce que font les grandes marques. C'est une situation très pénible. C'est toujours le cas lorsqu'on fait venir des travailleurs qui se retrouvent isolés et privés de leurs droits à des milliers de kilomètres de leur pays d'origine.
(1255)
    Vous n'avez plus de temps. Merci beaucoup.
    Monsieur Holder.
    Merci à notre témoin pour sa participation.
    Monsieur Kernaghan, à qui exactement au sein du gouvernement des États-Unis avez-vous fait part de vos préoccupations relativement aux exactions commises dans le contexte de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie?
    J'ai témoigné à différentes reprises devant le Congrès et le Sénat. En fait, nous transmettons immédiatement nos informations au bureau du représentant au Commerce des États-Unis ainsi qu'au Département d'État et au ministère du Travail. Je sais que le président des Métallurgistes unis d'Amérique, Leo Gerard, a été impliqué auprès des plus hautes instances du département d'État.
    Il prend vraiment le parti de ces travailleuses. Nous avons donc parlé à de nombreux représentants élus du Congrès et du Sénat.
    Monsieur Kernaghan, j'aimerais savoir comment votre organisation évalue l'efficacité de ses rapports avec les États-Unis concernant cet accord de libre-échange.
    Je ne veux pas remettre en question votre témoignage. Nous cherchons tous des solutions. Vous avez indiqué que si l'on permet à ces travailleuses de s'exprimer librement, elles vont le faire pour autant qu'il n'y ait pas de représailles. Vous avez également dit qu'elles ont été des milliers à se rassembler pour exprimer leurs doléances, et je pense que c'est formidable.
    Mais j'en reviens à ma question. Comment votre organisation mesure-t-elle son efficacité? Il est bien évident que vous cherchez à être le plus efficace possible. Dans vos relations avec les États-Unis, la plus grande puissance économique au monde qui n'arrive pas à exercer les pressions voulues sur la Jordanie... Comment évaluez-vous vos résultats auprès des Américains?
    Par exemple, lorsque nous avons publié notre rapport en 2006, le gouvernement américain a été frappé par une véritable onde de choc. Le chef du bureau du représentant au Commerce des États-Unis nous a demandé comment nous étions parvenus à ce résultat.
    Autrement dit, pendant les cinq premières années d'application de l'accord de libre-échange, le gouvernement des États-Unis n'avait aucune idée de ce qui se passait là-bas. Le chef du bureau du représentant...
    Désolé, puis-je vous interrompre un moment?
    Lorsque vous avez ainsi mis les Américains au fait de la situation, à leur grand désarroi, comment ont-ils réagi? Avez-vous pu constater une différence notable dans les relations entre le pays le plus puissant de la planète, les États-Unis, et la Jordanie en vue d'assurer un plus grand respect des droits des travailleurs, qu'il s'agisse de migrants ou peu importe?
    Il y a eu des améliorations mineures, mais les conditions à l'intérieur des usines demeurent illégales et dignes des pires ateliers clandestins.
    Je vous remercie.
    Pour ce qui est des médias, vous avez dit que les journalistes avaient peur de faire des reportages en raison des risques de représailles sous forme d'amendes et de peines d'incarcération.
    Pourriez-vous nous fournir les noms des journalistes qui ont dû payer l'amende de 28 000 $? Je pense qu'il pourrait être très utile pour nous que ces gens-là nous expliquent comment les choses se sont passées. Vous n'avez pas à nous transmettre ces renseignements immédiatement, mais avez-vous ces noms?
    Les messages américains ne mentionnent pas vraiment de noms, mais on indique ici que le haut fonctionnaire en question a souligné certaines restrictions particulières au ministre de la Justice Odeh, y compris les menaces d'amende pouvant atteindre 20 000 dollars américains — on a indiqué ensuite que c'était 28 000 $ — en vertu de la loi sur la presse et les publications en plus des risques d'emprisonnement en vertu du code d'incarcération.
    Il a été déterminé que plus de 90 p. 100 des journalistes se livrent à l'autocensure.
    Je ne crois pas que...
    Qu'en est-il du 10 p. 100 qui reste? Certains sont-ils mis à l'amende?
    Certainement.
    Vous serait-il possible de nous fournir leurs noms? Je crois en effet que ce sont des témoignages que nous souhaiterions entendre. J'estime que ce serait bénéfique pour notre travail.
    Il y a eu quelque part un complot monstre que je ne comprends pas très bien. Vous nous avez dit que votre gouvernement savait ce qui se passait et que le département d'État était aussi au courant. Vous avez pourtant aux États-Unis un président, M. Obama, qui est un grand défenseur des droits à l'échelle planétaire. Je n'arrive pas à m'imaginer que la plus grande puissance mondiale puisse laisser une telle situation perdurer sans ne rien faire. J'en suis stupéfait.
    Je n'ai plus de temps. Je vous demande simplement de nous fournir les renseignements que je vous ai demandés. Je vous en serais très reconnaissant.
    Merci.
(1300)
    Merci beaucoup, monsieur Kernaghan. Votre témoignage était fort convaincant et nous sera d'une grande utilité dans la poursuite de nos discussions au sujet de ce projet de loi.
    Je m'adresse maintenant aux membres du comité. S'il y a des témoins que vous souhaitez voir comparaître, exprimez-vous maintenant ou gardez le silence à jamais. Si aucun nouveau témoin n'est proposé, nous allons amorcer l'étude article par article dès mardi. Je vous laisse voir ce qui en est. Il n'y a pas de possibilité de report, mais nous pouvons en discuter.
    Monsieur le président, c'est bien, mais nous ne pouvons pas passer immédiatement à l'étude article par article. Il faut que ces renseignements nous soient transmis et qu'ils soient traduits auparavant... Nous avons eu droit à d'excellents témoignages.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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