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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 077 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 10 juin 2013

[Enregistrement électronique]

(1550)

[Traduction]

     La séance est ouverte.
    Merci à nos témoins. Nous sommes allés voter, et c'est pourquoi nous sommes un peu en retard. Je vous souhaite la bienvenue à la 77e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 28 mai, nous examinons le projet de loi C-54, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (troubles mentaux).
    Nous avons trois groupes de témoins aujourd'hui.
    Je veux d'abord m'assurer que tous les témoins auront dix minutes pour nous faire part de leur point de vue, puis nous poserons autant de questions que possible.
    Nous devrons probablement retourner voter cet après-midi. Il se pourrait donc que nous interrompions la réunion. Pour gagner du temps et éviter de nous répéter, vous pourrez vous présenter lorsque j'inviterai votre organisation à témoigner.
    Nous accueillons tout d'abord Stacy Galt et Dave Teixeira, qui témoignent à titre personnel.
    Madame Galt, vous avez les cinq premières minutes. Allez-y.
    Je dois commencer par m'excuser. Je suis terriblement nerveuse d'être ici, mais je vous suis aussi très reconnaissante de me donner l'occasion de me faire entendre. Merci beaucoup.
    J'ai préparé quelque chose. Je veux vraiment vous raconter ce qui s'est passé. C'est difficile de mettre cela sur papier. Je suis ici pour vous parler de l'importance d'adopter le projet de loi C-54.
    Comme la plupart d'entre vous le savent, l'affaire Allan Schoenborn s'est déroulée à Merritt il y a environ quatre ans. Allan Schoenborn a suivi ma cousine à Merritt.
    Ma cousine Darcie Clarke et ses trois enfants — Kaitlynne, 10 ans, Max, 8 ans, et Cordon, 5 ans — étaient heureux de déménager à Merritt. Les enfants avaient une bonne école et un merveilleux foyer. Darcie subvenait à leurs besoins. Elle m'a demandé si je pouvais lui fournir des références pour qu'elle puisse commencer à travailler, reprendre sa vie en main et s'assurer que ses enfants pourront grandir dans un environnement sain.
    Elle s'était installée. Deux mois environ s'étaient écoulés. Comme je vous l'ai dit, elle m'a téléphoné pour me demander de lui fournir des références. Comme les enfants réussissaient bien à l'école, elle voulait commencer à travailler. Nous nous disions que le pire était passé. Allan la laissait tranquille.
    Je ne me souviens plus s'il est arrivé en ville le jeudi ou le vendredi. Ma cousine Darcie avait peur. Elle ne voulait pas qu'il entre dans la maison, mais les enfants voulaient voir leur père. En bonne mère, elle a amené ses enfants au parc pour qu'il le voie. Il répétait sans cesse qu'il voulait rester. Ma cousine Darcie avait peur et lui disait qu'elle ne voulait pas.
    Comme les enfants voulaient voir leur père, en bonne mère, elle ne voulait pas les en priver. C'est ce qu'elle avait en tête. Elle ne voulait pas que ses enfants lui en veuillent, et elle les a laissés voir leur père. Elle n'aurait jamais pu imaginer, même dans ses pires cauchemars, ce qu'il allait faire à ses propres enfants. Il était leur père. Elle s'attendait à ce qu'il la tue, elle, parce qu'il s'en était toujours pris à elle.
    Je me souviens qu'ensuite ma mère m'a appelée pour me dire qu'Allan était en ville et que ma cousine Darcie le laissait seul avec les enfants. Elle était allée passer la nuit chez sa mère pour qu'il puisse passer du temps avec eux.
    Je ne me souviens pas si c'est lui ou elle qui a appelé, mais il lui demandait sans cesse de venir à la maison. Elle lui répétait qu'elle ne voulait pas venir, qu'il devait en profiter pour passer du temps avec ses enfants, qu'ils se querellaient tout le temps et qu'ils devaient arrêter de le faire devant les enfants. Il ne voulait pas qu'elle raccroche. Il la suppliait de venir à la maison. Environ deux heures plus tard, elle voulait aller souhaiter bonne nuit aux enfants, mais il ne voulait pas. Il lui a répondu qu'ils dormaient déjà, que tout allait bien, de ne pas s'inquiéter. Elle a donc répondu « d'accord ».
    Elle devait s'y faire. C'était ainsi lorsque les parents sont séparés. Le lendemain matin, elle a téléphoné, mais il n'y avait pas de réponse. Elle a rappelé un peu plus tard. Toujours pas de réponse. Même si elle habitait loin, elle s'est alors précipitée chez elle en courant. Ce qui l'attendait à son arrivée, c'était le pire cauchemar de tout être humain.
    Voici ce qui s'est passé. Kaitlynne, qui avait 10 ans et était tout le portrait de sa mère — cheveux blonds, yeux bleus, tout simplement jolie — dormait quand son père l'a frappé en plein visage avec une machette. J'étais présente lorsqu'on a lu son témoignage. Allan a même mentionné que Kaitlynne lui avait dit: « Papa, je m'excuse, je m'excuse, qu'est-ce que j'ai fait? », mais il a continué à la frapper.
    Puis, bien sûr, le bruit a réveillé Max, qui avait 8 ans à l'époque, et Cordon, qui avait 5 ans, et ils ont vu leur père assassiner leur soeur sans pouvoir lui venir en aide. Bien sûr, leur tour est venu ensuite. Ils ont été témoins de sa brutalité l'un après l'autre.
     Max a été le suivant. Allan Schoenborn s'est emparé d'un oreiller pour l'étouffer, car la machette était trop ensanglantée. La mort n'avait pas été assez rapide dans le cas de Kaitlynne, car elle avait pu crier. Il a donc placé un oreiller sur le visage de Max pour l'étouffer, sous les yeux de Cordon. Puis il s'en est pris à Cordon.
    Comme il n'était pas arrivé à étouffer Max rapidement, pendant que Cordon attendait son tour, il est allé chercher un sac de plastique pour lui mettre sur la tête pour l'étouffer.
    Darcie ne voulait pas retourner à la maison. Il voulait qu'elle vienne pour la tuer, elle aussi. Elle avait toujours su qu'il voulait la tuer. En tuant tout le monde, il se disait qu'ils seraient tous ensemble au ciel.
    Que fait-il alors? Il laisse Kaitlynne dans son lit, puis il place les corps de Max et de Cordon sur le divan pour que Darcie pense qu'ils dorment et s'en approchent tout près avant de se rendre compte qu'ils sont morts. Il écrit les mots « Jeunes pour toujours », avec ce qu'on pensait être du sang mais qui était en réalité de la sauce soya, au-dessus des corps des enfants, des paroles tirées des films de Disney, etc.
    Darcie m'a dit ce qu'elle a ressenti en les voyant. Ils étaient là, mais ils ne bougeaient pas. Elle s'est approchée pour voir leur petit visage. Elle s'est précipitée ensuite dans la chambre pour voir Kaitlynne et l'a trouvée défigurée.
    Où avait-il trouvé cette machette? Il l'avait apportée avec lui. Elle était là depuis deux mois. Il avait conduit pendant des heures. Il avait attendu pendant des jours. Il voulait qu'elle vienne à la maison. Tout était prémédité. Il avait tout planifié. Tout cela est incroyablement terrifiant. S'il sort de prison, je sais qu'il la tuera. J'aide Darcie. Il ne me laissera pas tranquille. Il voulait tuer ses enfants devant ses yeux pour la faire souffrir.
    Après avoir assisté aux audiences, nous étions convaincus que le jury considérerait qu'il s'agissait d'un geste prémédité. Nous nous attendions à ce verdict, mais comme il y avait des antécédents de maladie mentale dans sa famille, on l'a jugé non criminellement responsable.
     Ma cousine Darcie ne peut plus vivre à Merritt. Je compatis avec elle. Je l'ai invitée à venir habiter chez moi. J'aurais aimé qu'elle vienne habiter avec moi bien avant, mais ma mère avait peur pour moi et ne voulait pas. Elle est donc allée habiter chez sa mère à Merritt, comme il se devait. Mais mon tour est enfin venu de l'aider, d'aider ma cousine. Nous avons grandi ensemble. Nous étions très proches.
    Elle est venue habiter chez moi. Quand je la regarde, je comprends ce qu'elle ressent, pourquoi elle ne veut pas quitter sa chambre. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Il m'a fallu beaucoup d'efforts pour l'amener à manger, à sortir de sa chambre, à sortir de la maison, puis elle doit aller à la révision annuelle.
    Elle revient à la maison. Elle a pris un abonnement pour aller à la piscine. Voici ce qui me rend folle. Il la connaît si bien. Elle s'est abonnée à la piscine. J'étais fière d'elle, surtout de voir qu'elle voulait être avec des enfants. Comment faisait-elle si tôt après avoir perdu les siens? Elle adore les enfants. Elle aime être entourée d'enfants. Je suis si fière d'elle, fière de ses progrès. Elle est arrivée à la maison, un journal à la main. Il y avait la photo d'Allan et un article dans lequel il disait qu'il se lève tôt, et qu'il veut aller à la piscine et qu'il veut aller prendre un café à Starbucks.
    Il se trouve dans notre quartier. Colony Farm se trouve juste en bas de la rue. Qu'arriverait-il s'il avait la permission de sortir? Je pourrais le croiser. Ma cousine pourrait le croiser, le voir. Je ne devrais pas avoir à vivre avec cette crainte, et elle non plus.
    J'ai alors parlé à tous ceux à qui je pouvais parler. J'ai envoyé des courriels à tous ceux à qui je pouvais en envoyer. On m'a répondu: « La loi est ainsi. Nous ne pouvons rien faire. Il faut faire modifier la loi ». Je leur ai alors demandé ce que je devais faire, de m'aider. J'ai seulement besoin d'aide.
    Barry Penner, qui était notre procureur général à l'époque, m'a dit: « Stacy, qu'est-ce que tu veux vraiment? Pense à une solution raisonnable. Il y a d'une part une personne malade qui a besoin de soins, et il y a d'autre part une victime qui doit subir l'épreuve d'une révision annuelle et qui risque de ne jamais s'en remettre. Qu'est-ce que tu souhaiterais dans ces circonstances? »
    J'ai discuté avec ma cousine. Nous savions que même si la loi était modifiée, elle ne s'appliquerait pas à Allan. Elle ne s'appliquerait jamais à moi. Cela ne nous aiderait pas, mais cela aiderait quelqu'un d'autre. Cela aiderait une autre famille. Cela éviterait à un père ou à une mère d'avoir à subir cette épreuve. C'était suffisant. Si nous pouvions aider quelqu'un, cela en valait la peine.
(1555)
    Je me suis battue bec et ongles. J'ai pris part à des émissions de radio et de télé pour en parler. C'est incroyable que je me retrouve ici, devant vous, pour en parler.
    Si je suis ici, c'est bien sûr parce que j'ai pu frapper aux bonnes portes et réussir à parler aux bonnes personnes au bon moment. Je vous suis très reconnaissante d'être ici, car je peux ainsi faire valoir mon point de vue, et qui sait, peut-être aider quelqu'un d'autre plus tard à trouver un peu de paix.
    Ma cousine Darcie ne peut pas aller aux révisions annuelles. Elle ne peut pas se défendre. C'est moi qui dois y aller. C'est moi qui dois m'y rendre et affronter le regard de ce démon en sachant ce qu'il a fait. Je veux qu'il se fasse soigner et il doit se faire soigner, mais je veux aussi que ma cousine puisse guérir.
    Si Allan passe les 30 prochaines années à cet endroit, je vais devoir assister à 30 audiences de la commission d'examen. Comment puis-je guérir? Chaque fois que ma cousine réussit un peu à remonter la pente, le moment de la révision annuelle arrive. Elle doit déjà affronter trois journées d'anniversaire, Noël, Pâques, la fête des Mères et la fête des Pères. Qui plus est, la révision annuelle se tient le même mois que les assassinats. La douleur...
    Je parle trop. Je vous prie de m'excuser.
    Le pire dans tout cela, c'est qu'Allan contrôlait et qu'il contrôle encore. Il peut retarder une révision. Il n'a pas à se présenter. Il peut demander un transfert. Ma cousine ne veut pas qu'il s'en aille ailleurs. Elle veut savoir où il se trouve afin que je puisse m'occuper de tout pour elle, pour que je puisse parler en son nom.
    Vous pensez peut-être qu'elle n'a pas besoin de parler, que c'est logique, et qu'elle n'a pas à préparer de déclaration de la victime chaque année, que ce n'est pas nécessaire. Quand on est la victime, c'est nécessaire de le faire, c'est même très nécessaire.
    Je suis désolée.
    Merci beaucoup.
(1600)
    Merci, madame Galt, de votre exposé, même si c'était très pénible pour vous.
    Les 10 minutes sont écoulées. Êtes-vous d'accord? Il se pourrait que vous puissiez répondre à certaines questions aujourd'hui.
    Nous passons maintenant à Louise Bradley et Patrick Baillie, qui représentent la Commission de la santé mentale du Canada. Vous avez 10 minutes.
    Je m'appelle Louise Bradley, et je suis présidente-directrice générale de la Commission de la santé mentale du Canada. Je tiens à vous remercier de l'occasion qui nous est donnée d'entendre les points de vue d'une grande variété d'intervenants, y compris les vôtres.
    La commission a reçu du gouvernement le mandat de préparer la première stratégie en santé mentale du Canada, que nous avons rendue publique l'an dernier.
    On nous a aussi demandé de jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre la stigmatisation liée à la maladie mentale. Nous ciblons pour ce faire les jeunes, les professionnels de la santé, les médias et les milieux de travail. Nous avons aussi reçu des fonds pour mener la plus vaste étude en Amérique du Nord sur l'itinérance et la maladie mentale. Enfin, on nous a demandé d'accroître la diffusion de l'information et des connaissances sur la santé mentale au Canada.
    C'est donc à titre de proche conseiller du gouvernement et des intervenants que nous sommes ici aujourd'hui pour témoigner. Notre rôle consiste à vous fournir des renseignements factuels et pertinents pour vous aider dans vos délibérations sur cette question très délicate et très importante. On sait, par exemple, que la grande majorité des personnes souffrant de troubles mentaux ou de maladie mentale ne sont pas dangereuses ou violentes. En fait, elles sont plus susceptibles d'être des victimes.
    Bien que ce ne soit pas intentionnel, il se pourrait que les résultats des discussions nuisent aux progrès que nous avons accomplis à ce jour.
    La stratégie en matière de santé mentale nous rappelle que pour prévenir des tragédies comme celles dont il a été question aujourd'hui, et ainsi assurer la sécurité publique, il faut miser sur les services d'évaluation et de traitement. C'est un aspect clé des discussions sur la santé mentale et la sécurité publique, et il ne faut pas en faire abstraction.
    La stratégie nous rappelle également que des services doivent être offerts à tous, et dans le contexte de notre présence ici ce matin, les besoins en santé mentale des victimes et des familles sont également importants. Nous voulons nous assurer que les familles et les victimes reçoivent tous les services et tout le soutien dont elles ont besoin.
    Lorsqu'il s'agit de questions particulières comme celle que vous examinez, nous nous en remettons à d'éminents experts pour fournir aux Canadiens les meilleurs renseignements possible au moment de prendre des décisions stratégiques de cette importance. Ainsi, la commission ne peut pas prendre position sur le projet de loi en tant que tel, mais nous comptons sur un très vaste réseau d'experts et d'intervenants pour orienter nos trois grands domaines de travail.
    Dans ce cas, les conseils nous viennent de notre conseil consultatif. M. Patrick Baillie, à qui je céderai le reste du temps qui nous est alloué, a été à la tête d'un de nos groupes d'experts en santé mentale et en droit. Ce groupe comprenait des membres de la famille, des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale, des professionnels et des chercheurs.
    M. Baillie vous présentera des faits et des données qui reposent sur son expertise unique de psychologue et d'avocat travaillant à Calgary. Il aide beaucoup la commission. Aujourd'hui, toutefois, il témoigne à titre d'expert.
    Monsieur Baillie.
(1605)
    Je remercie les membres du comité de nous avoir invités ici.
    Je tiens à rappeler que je m'exprime ici en mon nom personnel et qu'à ce titre, je porte plusieurs chapeaux. Je suis psychologue dans un programme judiciaire externe à Calgary. Je siège au conseil consultatif de la Commission de la santé mentale. J'offre également des consultations en psychologie au Service de police de Calgary. Cependant, les points de vue que je vais exprimer ici ne devraient pas être considérés représentatifs de l'une de ces organisations. Ils ne reflètent que ma propre expérience personnelle dans ces fonctions, dans ma collaboration avec mes collègues et dans mes rapports avec mes patients au fil du temps.
    J'aimerais d'abord réagir aux observations de Mme Galt et lui faire part de mes condoléances pour la perte exceptionnelle qu'elle a subie. Je dois également mentionner que je suis d'accord avec elle pour dire qu'il y a des lacunes claires auxquelles il faut remédier dans le système actuel. Pour moi, ce projet de loi réagit directement au genre de tragédie que Mme Galt a décrite. Il faut faire quelque chose, mais je ne pense pas que ce soit le bon endroit pour solutionner le problème.
    La Commission de la santé mentale, qui est financée par le Fonds de la recherche en santé du Québec, a supervisé un projet visant à étudier ce qui arrive aux personnes jugées non criminellement responsables. Cette étude a porté sur des cas relevés au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique. Étant donné la quantité remarquable de données amassées dans le cadre de ce projet, le ministère de la Justice nous a chargés de lui fournir de l'information contextuelle dans la préparation de ce projet de loi.
    Nous avons constaté que les personnes trouvées coupables d'homicide, de tentative d'homicide ou d'infractions sexuelles désignées représentaient environ 10 p. 100 de toutes les personnes jugées non criminellement responsables. Il est clair que les proportions variaient d'une province à l'autre, mais dans l'ensemble, 10 p. 100 de ces personnes avaient commis ces trois types de crimes violents. Il s'agit d'une catégorie de personnes très peu susceptibles d'être jugées non criminellement responsables d'une infraction au départ. Je veux dire par là qu'il y a environ 400 000 accusations criminelles portées chaque année au Canada et que 1,8 cas sur 1 000 ou environ 720 cas chaque année se soldent par un verdict de non-responsabilité criminelle. De ces personnes, 10 p. 100 ou environ 72 par année ont commis une infraction violente grave.
    La nature de l'infraction nous renseigne très peu sur la probabilité qu'une personne jugée NRC reçoive un traitement et qu'elle puisse réintégrer la collectivité. Je veux dire par là qu'il y a beaucoup de variables qui contribuent à prévoir le risque de récidive. Ces variables sont examinées par des commissions d'examen, qui recueillent le témoignage de divers experts avant de décider d'accorder ou non la libération à une personne ou d'ordonner qu'elle reste en détention.
    Le taux de récidive des personnes ayant reçu une absolution inconditionnelle après un verdict de non-responsabilité criminelle tourne autour de 11 p. 100 sur une période de trois ans. La proportion de récidive violente est de 7 p. 100 et la proportion de récidive non violente, de 4 p. 100. Faites le calcul, sur 400 000 cas par année, 1,8 pour 1 000 se solde par un verdict de NRC; 10 p. 100 de ces personnes ont commis une infraction grave, et 7 p. 100 d'entre elles récidivent de façon violente, ce qui fait que le projet à l'étude risque de toucher 4 ou 5 personnes par année. Cela demeure un nombre important, compte tenu de l'information que Mme Galt vous a présentée aujourd'hui.
    Je ne voudrais pas en minimiser l'importance, mais soyons clairs. Ce projet de loi vise à modifier les paramètres qui entourent le verdict de NRC. S'il vise Allan Schoenborn, Vincent Li, Guy Turcotte et Richard Kachkar, aucune de ces personnes n'avait été jugée NRC auparavant et chacune d'entre elles a été prise en charge par son régime provincial de soins de santé mentale.
    Louise a parlé de la nécessité d'aider les victimes, et c'est ce que je recommande avec ferveur dans mon propre travail. Je rencontre des victimes de crime autant que des agresseurs. Cela me donne une perspective unique de l'expérience vécue par ces personnes. Ce projet de loi n'aura pas d'incidence sur le taux de récidive, mais il pénalisera les personnes en fonction de la nature de l'infraction commise.
    J'incite les membres du comité à prendre connaissance des données de recherche fournies au ministère de la Justice et à se pencher sur les mécanismes qui pourraient permettre d'offrir des services adéquats dans les provinces pour que l'état des personnes atteintes de troubles mentaux ne se détériore pas au point qu'elles commettent des infractions graves et pour que les victimes reçoivent l'aide dont elles ont besoin pour pouvoir poursuivre leur vie de façon productive et significative.
(1610)
    Merci.
    Je vous remercie de cet exposé.
    Nos prochains témoins représentent le Barreau du Québec, il s'agit de Me Battista et de Me Joncas.
    La parole est à vous pour 10 minutes.

[Français]

    Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de nous recevoir. Je suis ici au nom du Barreau du Québec. Je suis accompagné de Mme Lucie Joncas.
    Le Barreau du Québec est un ordre professionnel d'avocats du Québec qui représente près de 24 000 avocats et avocates. Ses positions sont adoptées par des instances élues, à la suite d'analyses et de recommandations de ses comités consultatifs.
     Afin de remplir sa mission, qui est la protection du public, le Barreau du Québec maximise les liens de confiance entre les avocats et les avocates, le public et l'État. Pour ce faire, le Barreau du Québec surveille l'exercice de la profession, fait la promotion de la primauté du droit, valorise la profession et soutient ses membres dans l'exercice du droit.
    Quant au projet de loi, le Barreau du Québec constate que le texte modifie le cadre législatif applicable aux troubles mentaux dans le Code criminel et la Loi sur la défense nationale afin de préciser que la sécurité du public est le facteur prépondérant dans le processus décisionnel. Il crée un mécanisme afin de prévoir que certains individus qui reçoivent un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux puissent être déclarés accusés à haut risque. Le projet de loi accroît la participation des victimes et apporte aussi des modifications de nature technique ou administrative.
    Le Barreau du Québec croit que lorsque le tribunal se prononce en faveur d'un verdict de non-responsabilité criminelle, mais que l'individu représente un risque important pour la sécurité du public, il y a lieu de prendre certaines mesures pour protéger celle-ci.
    Néanmoins, nous croyons qu'il est important de se référer aux principes qui ont été énoncés par les tribunaux. Dans Winko c. Colombie-Britannique (Forensic Psychiatric Institute), la Cour suprême a abordé la question de la protection du public dans les situations mettant en cause des individus ayant reçu des verdicts de non-responsabilité criminelle. La cour a écrit ceci:
    La partie XX.1 protège la société. Si la société veut assurer sa sécurité à long terme, elle doit s’attaquer à la cause du comportement fautif -- la maladie mentale. Elle ne peut se contenter d’interner le contrevenant qui souffre d’une maladie pendant la durée d’une peine d’emprisonnement, puis de le libérer sans lui avoir fourni la possibilité de recevoir un traitement, psychiatrique ou autre. La sécurité du public ne peut être assurée qu’en stabilisant l’état mental de l’accusé non responsable criminellement qui est dangereux.
    La partie XX.1 protège également le contrevenant non responsable criminellement. Le système d’évaluation et de traitement établi en application de la partie XX.1 du Code criminel est plus équitable pour ce dernier que le système traditionnel issu de la common law. Ce contrevenant n’est pas criminellement responsable, mais souffre d’une maladie. Lui fournir la possibilité de recevoir un traitement, et non le punir, constitue l’intervention juste qui s’impose.
    Les enseignements de la Cour suprême indiquent que le traitement des personnes atteintes de maladie mentale constitue la façon la plus juste et la plus équitable de protéger le public. En outre, la cour cite un autre jugement comme suit:
[TRADUCTION] [L]e traitement d’une personne qui ne peut distinguer le bien du mal vise à remédier à cette incapacité. Ni son objet ni son effet ne revêtent un caractère pénal. Lorsque la détention d’une telle personne est ordonnée, elle vise à prévenir l’accomplissement d’actes antisociaux, et non à châtier.
    L'article 672.54 du Code criminel est celui qui fait l'objet d'une modification majeure. L'article se lit présentement ainsi:
    672.54. Pour l’application du paragraphe 672.45(2) ou des articles 672.47 ou 672.83, le tribunal ou la commission d’examen rend la décision la moins sévère et la moins privative de liberté parmi celles qui suivent, compte tenu de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l’état mental de l’accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale :

[...]
    La protection du public et les besoins de la personne malade sont ainsi considérés. C'est un équilibre important qu'il faut atteindre et qu'il faut viser dans le cadre d'une société libre et démocratique.
(1615)
    La modification proposée crée la notion de personne à haut risque. Les termes de l’article 672.54, au lieu de parler de « la décision la moins sévère [...] de liberté », élèvent le critère de « sécurité du public » à un niveau supérieur à tout autre critère en lien avec la situation individuelle de l’accusé. Ce faisant, les modifications réduisent l’importance de l’objectif reconnu de « l’amélioration de la condition de la personne malade non criminellement responsable » comme étant le moyen le plus juste et le plus équitable qui soit pour protéger la société.
    En outre, les modifications proposées modifient le système d’évaluation et de traitement actuellement prévu à la partie XX.1 du Code criminel, pour se rapprocher davantage d’un système de punition que d’un système de traitement d’une personne aux prises avec une maladie. Nous sommes d’avis, pour reprendre les termes de la très honorable Beverley McLachlin, que « le régime instauré par la partie XX.1 du Code criminel », c'est-à-dire celle qui est présentement en vigueur, « assure un juste équilibre entre la nécessité de protéger le public contre les malades mentaux dangereux et les droits à la liberté, à l’autonomie et à la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux », et nous craignons que certains aspects du projet de loi C-54 ne donnent lieu à des débats quant à la constitutionnalité du nouveau libellé qu’il prévoit.
    Le projet de loi C-54 prévoit également que la cour martiale peut déclarer que la personne est un accusé à haut risque si, selon le cas:
a) elle est convaincue qu’il y a une probabilité marquée que l’accusé usera de violence de façon qu’il pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne;
b) elle est d’avis que les actes à l’origine de l’infraction étaient d’une nature si brutale qu’il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique — pour une autre personne.
    Ce deuxième critère est préoccupant, puisqu'on ne tient pas compte de l'état de la personne. À notre avis, le deuxième critère présente des faiblesses sur le plan constitutionnel. Le critère de la brutalité des actes à l'origine de l'infraction fait référence à la nature violente de l'infraction pour laquelle l'accusé a été déclaré non criminellement responsable, et non pas à l'état de santé mentale de l'accusé ou encore à sa dangerosité potentielle.
    Un principe fondamental du droit criminel veut qu'il n'y ait pas de responsabilité criminelle pénale sans un état d'esprit conscient. Nous comprenons que les victimes d'actes violents et brutaux ont concrètement besoin sur le terrain de soutien physique et émotionnel de la part de l'État et de la société. Il faut aborder ces questions.
    Le Barreau du Québec a toujours favorisé l'appui et l'aide aux victimes, et ce, à tous les niveaux. Leur participation, leur présence et leur écoute sont importantes, mais une société démocratique se doit aussi de créer un juste équilibre. Il faut éviter les mesures à caractère punitif, car la préoccupation principale doit être de guérir pour protéger la société.
    Ma collègue Me Joncas et moi-même sommes ici pour répondre à vos questions, et nous nous ferons un plaisir d'y répondre.
    Merci.
     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Notre prochain témoin nous vient du Centre de toxicomanie et de santé mentale.
    Monsieur Simpson, vous avez 10 minutes.
(1620)
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, les autres témoins et tout particulièrement, madame Galt. Son récit de cet après-midi nous rappelle la nature, la gravité et l'ampleur des enjeux dont nous discutons aujourd'hui.
    Je suis le Dr Alexander Simpson, psychiatre. Je suis chef de la psychiatrie médico-légale au Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, ainsi que chef de la Division de la psychiatrie médico-légale de l'Université de Toronto.
    Le CAMH est le plus grand centre universitaire de sciences de la santé se consacrant à la santé mentale et à la toxicomanie au Canada. Notre programme médico-légal vise à offrir des soins et du soutien aux personnes déclarées NRC ou inaptes à subir un procès. Nous nous occupons de plus de 30 p. 100 des accusés NRC en Ontario. Nous nous intéressons donc vivement à toute modification apportée aux lois concernant le verdict de NRC susceptible de toucher nos patients et de nuire à notre aptitude à leur offrir d'excellents soins de santé mentale.
    J'aimerais aborder trois aspects du projet de loi C-54.
    Le régime de NRC actuellement en vigueur existe depuis 21 ans. Le verdict de NRC est rarement utilisé, bien que son application soit plus fréquente depuis une vingtaine d'années. Il est efficace et contribue à réhabiliter avec succès des personnes atteintes d'une maladie mentale qui les a poussées à commettre une infraction. Les accusés NRC présentent moins de risque que d'autres personnes similaires considérées criminellement responsables de leur infraction et qui sont emprisonnées.
    Les controverses récentes qui ont donné lieu à ce projet de loi sont un petit nombre d'infractions très graves qui ont reçu beaucoup de visibilité, comme nous le savons tous. On peut comprendre que leurs victimes sont profondément traumatisées et qu'elles trouvent la perspective de la réintégration sociale des agresseurs terrifiante.
    Ce n'est toutefois pas le risque actuel qui est en cause, mais plutôt la nature du traumatisme subi d'incidents passés. C'est donc dans un contexte très difficile que le Parlement et ceux et celles d'entre nous qui s'occupent de personnes déclarées NRC abordent la question: comment peut-on être sensible aux besoins des victimes sans punir les malades. Les facteurs à l'origine de ce projet de loi sont bien réels et difficiles, mais à mon avis, les deux tiers des solutions proposées dans ce projet de loi font fausse route.
    Prenons premièrement la sécurité des victimes et leur participation au processus. Le CAMH appuie la détermination exprimée dans le projet de loi C-54 d'assurer la sécurité des victimes. La sécurité des victimes est toujours le critère ultime sur lequel se fondent les décisions des commissions d'examen ainsi que les programmes de santé médico-légale et la planification des traitements. Cette partie du projet de loi rend explicite des pouvoirs qui existaient déjà.
    La participation des victimes aux travaux des commissions d'examen est également très importante, et nous convenons que les victimes devraient toujours être incluses dans le processus si elles le souhaitent. Cependant, on ne peut pas répondre aux besoins des victimes simplement en leur envoyant des avis. Il serait tout aussi valable d'envisager de nouvelles options comme la justice réparatrice.
    Il y a deuxièmement la création d'une catégorie de personnes « à haut risque ». Le projet de loi C-54 propose de créer le statut d'« accusé à haut risque ». Le CAMH s'inquiète de la façon dont on déterminera qu'une personne présente un haut risque et les graves restrictions qui seront imposées à ces personnes.
    On parle ici de haut risque de violence future. Bien que cela puisse sembler contre-intuitif, la brutalité de l'infraction à l'origine de la peine d'une personne n'est pas un bon indicateur de la gravité du risque de récidive. Elle ne décrit que le passé. Du coup, un régime dans lequel on déterminerait qu'une personne présente un « risque élevé » seulement sur la base d'un acte de violence grave ne se fonderait pas sur des preuves ou des données scientifiques et pourrait donc être considéré arbitraire dans un régime non punitif. Si l'on ne peut pas utiliser le critère de la brutalité, il y a tout lieu de se demander ce qu'ajoute la catégorie proposée d'« accusé à haut risque ».
    Je dois dire d'emblée qu'il est clair que certaines personnes jugées NRC présentent un risque élevé. Selon les règles actuelles, elles peuvent ainsi passer de longues années dans des conditions de sécurité élevée, sans contact avec la société. On ne peut retrouver le droit de contact avec la société que lorsque son risque descend au point où les contacts sociaux deviennent une option sécuritaire, si bien que la catégorie de sécurité proposée ici existe déjà pour beaucoup de personnes jugées NRC. Ensuite, la création d'une catégorie « à haut risque » limite le suivi spécialisé des soins prodigués à la personne ainsi que l'éventail des options thérapeutiques pour la traiter. Les progrès s'en trouveront donc ralentis ou le risque accru, ce qui ne favorisera pas la sécurité publique.
    Pour ces raisons, ce projet de loi est mal conçu et mal ciblé, et le CAMH recommande que tout renvoi à une catégorie « à haut risque »  soit supprimé du projet de loi.
(1625)
    Le troisième aspect est le resserrement des critères pour tous les accusés NRC. Les membres du CAMH s'inquiètent beaucoup de la recommandation contenue dans le projet de loi C-54 de modifier l'article 672.54 du Code criminel. Cette modification va resserrer les critères d'évaluation des progrès et de libération de toutes les personnes jugées NRC. Le projet de loi C-54 fait de la sécurité publique le facteur prépondérant quand un tribunal rend une décision. Bien qu'on trouve des formulations semblables dans la jurisprudence, le fait de modifier le libellé du Code criminel signale clairement la volonté d'accroître l'importance de tout le régime de NRC. L'intention d'origine des dispositions sur le verdict de NRC était de permettre un équilibre entre la sécurité publique, d'une part, et le traitement et la réhabilitation des contrevenants souffrant de maladie mentale, d'autre part. Nous craignons que ce rééquilibrage empêche les personnes NRC de recevoir les meilleurs soins possible en santé mentale, bien que nous reconnaissions l'importance de la sécurité publique.
    Le projet de loi modifie également les dispositions législatives actuelles sur le verdict de NRC qui incitent les commissions d'examen à rendre la décision « la moins sévère et la moins privative de liberté », et leur dictent plutôt de rendre la décision « qui est nécessaire et indiquée dans les circonstances ». Compte du tenu du contexte dans lequel le projet de loi C-54 est déposé et de la préséance accordée à la sécurité publique, il est probable que les décisions jugées nécessaires et indiquées soient plus restrictives, qu'elles prolongeront le séjour en établissement correctionnel d'un plus grand nombre de personnes jugées NRC et que ces personnes seront détenues dans des unités de plus haute sécurité que nécessaire. Non seulement cela va-t-il compromettre la réhabilitation et la réintégration sociale de bon nombre de personnes jugées NRC, mais l'application à grande échelle de cette modification va faire augmenter la pression qui pèse sur les programmes de santé mentale médico-légaux, qui ne suffisent déjà pas à la demande.
    L'article 10 du projet de loi C-54 établit une nouvelle définition législative de « risque important ». Le mot « réel » ne s'appliquerait plus pour évaluer le risque de préjudice ou de violence, ce qui semble abaisser le seuil de risque nécessaire pour garder une personne jugée NRC sous la responsabilité d'une commission d'examen. Compte tenu de l'incidence de ces modifications sur le régime de NRC dans son ensemble, le CAMH recommande que l'article 672.54 reste tel quel dans le Code criminel.
    Nous craignons que ce projet de loi n'ait de graves conséquences involontaires. Nous craignons que le régime de NRC devienne beaucoup moins attirant pour les accusés si la sécurité et les restrictions ont préséance sur le traitement et la réhabilitation. Nous craignons que les avocats de la défense conseillent à des accusés susceptibles d'être jugés NRC de ne pas demander ce verdict, mais plutôt de plaider coupables et d'opter pour la prison. Cette réalité risque d'imposer un fardeau supérieur aux établissements correctionnels provinciaux et fédéraux puisque les personnes atteintes de maladie mentale pourraient dorénavant affluer en plus grand nombre vers leurs établissements. Il faut savoir que le risque de récidive des personnes libérées d'une prison est beaucoup plus grand que le risque de récidive dans le régime de NRC. Paradoxalement, nous craignons donc que ce projet de loi ne compromettre la sécurité publique.
    Je vous remercie de votre attention et je suis tout disposé à répondre vos questions.
    Je vous remercie de cet exposé, monsieur.
    Cela vient clore les exposés du groupe de témoins d'aujourd'hui. Comme vous le savez peut-être, le timbre va retentir dans cinq ou six minutes. J'ai besoin du consentement unanime des membres du comité pour poursuivre les délibérations à partir de ce moment-là. Je vais le demander le moment venu, parce que qui sait ce qui se passe à la Chambre.
    Pour être à peu près à l'heure, nous allons dépasser un peu 16 h 30 et permettre une série de questions de cinq minutes par parti. Partagez votre temps au besoin. Au premier tour de table, il y a deux interventions pour les conservateurs, une pour le NPD et une pour les libéraux. Nous allons terminer nos discussions avec ce groupe, puis voir si nous pouvons commencer à entendre le suivant avant de nous quitter.
    Sur ce, le premier intervenant est M. Mai, qui représente le Nouveau Parti démocratique. Monsieur Mai, je vais vous limiter à cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je remercie les témoins d'être présents aujourd'hui.

[Traduction]

    Je vous remercie tout particulièrement, madame Galt, de votre témoignage. Je suis certain que je parle au nom de tout le monde ici quand je dis que nous vous avons bien entendue et que nous vous admirons vraiment pour le courage dont vous faites preuve pour venir nous raconter votre histoire.

[Français]

    Ma question s'adresse aux représentants de la Commission de la santé mentale du Canada.
    Nous avons questionné le gouvernement sur les consultations. Plusieurs témoins, notamment de l'Association des psychiatres du Canada, nous ont appris qu'il n'y en avait pas eu.
     Or le ministre nous répète souvent que cette situation cause problème. Ce dossier, où il est question d'un taux de récidive de 38 %, a fait l'objet d'une certaine politisation.
    Pourriez-vous nous dire si, oui ou non, il y a eu des consultations et nous donner des chiffres exacts sur le récidivisme?

[Traduction]

    Je vais répondre à la première partie de cette question, après quoi M. Baillie pourra répondre à la deuxième.
    Nous avons demandé à rencontrer le ministre en novembre dernier, dès que les médias ont commencé à en parler. Il nous a accordé un entretien très peu après. Nous avons donc effectivement offert les services de nos experts pour informer le ministre. Je ne sais pas trop s'il les a rencontrés. Tout récemment, M. Baillie est venu rencontrer des personnes ici, mais je ne sais pas si le ministre est allé beaucoup plus loin, je n'en suis pas certaine, mais il est clair qu'il m'a rencontrée et que nous lui avons offert les services de nos experts.
(1630)
     J'ajouterais que pendant les rencontres que j'ai eues au début mars, j'ai beaucoup apprécié l'ouverture dont ont fait preuve les membres de tous les partis à l'égard des propositions que j'ai faites. J'ai également envoyé un courriel à tous les membres du comité aujourd'hui au sujet d'amendements que vous pourriez envisager. J'espère que tous l'ont reçu.
    Au sujet des statistiques sur les récidives, il y a malheureusement une erreur qui s'est glissée dans la première ébauche de rapport qui a été remise au ministère de la Justice en novembre 2012. C'est la source du chiffre de 38 p. 100.
    Il y a eu une erreur à la saisie de données. Cette erreur a été découverte le 14 mars, et nous avons immédiatement communiqué avec le cabinet du ministre, puis un rapport révisé et corrigé a été déposé le 18 mars. Les cinq jours qui se sont écoulés entre les deux ont été assez laborieux, parce que nous avons dû retourner voir nos fichiers d'origine pour comprendre ce qui s'était passé. En toute candeur, ce qui s'est passé, c'est que les statistiques sur les personnes ayant déjà été trouvées coupables d'un crime avaient été additionnées aux statistiques sur les personnes qui avaient déjà été déclarés NRC, d'où la statistique que vous avez citée. Ce chiffre est erroné.
    Il est clair que le nombre de personnes qui avaient déjà été trouvées coupables d'un crime était beaucoup plus élevé que le nombre de personnes qui avaient déjà été jugées NRC. Un nouveau rapport a été envoyé au cabinet du ministre le 18 mars à ce sujet. Il montre que parmi les personnes trouvées coupables d'homicide, 5,2 p. 100 avaient déjà été déclarées NRC; que parmi les personnes trouvées coupables de tentative de meurtre, 4,6 p. 100 avaient déjà été déclarées NRC et que parmi les personnes trouvées coupables d'infractions à caractère sexuel, 9,5 p. 100 avaient déjà été jugées NRC.
    Je souligne qu'il s'agit là des statistiques par type d'infraction chez les personnes jugées NRC. Dans chacune des catégories, il y avait une personne qui avait déjà été trouvée coupable d'une infraction connexe. Donc une personne qui avait déjà commis un homicide a été jugée NRC d'un homicide; il y avait un cas pour tentative de meurtre et un cas pour une infraction à caractère sexuel.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Ma question s'adresse à Me Battista, du Barreau du Québec.
    L'Association du Barreau canadien a aussi émis des inquiétudes concernant d'éventuels problèmes liés à la constitutionnalité, surtout quant à l'exigence d'une décision moins sévère. Le fait que le terme « brutalité » ne soit pas vraiment défini et les situations où l'accusé serait considéré comme étant à haut risque sont deux problèmes qui ont également été soulevés.
    Vous nous avez parlé brièvement d'éventuels problèmes constitutionnels. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
    Il vous reste 30 secondes.

[Traduction]

    Oui, je vais essayer.

[Français]

    Fondamentalement, il s'agit toujours de l'équilibre entre la protection de la société et celle de l'individu. Comme les experts vous le diront, il est toujours très difficile d'évaluer la dangerosité d'une personne à partir du geste qu'elle a commis. Le geste est certainement un facteur important, mais ce n'est pas ce qui nous dit si la personne va récidiver ou non.
    J'ouvre une parenthèse. Le Barreau du Québec se réjouit du fait que ce sont les juges qui vont devoir évaluer ces questions. C'est une bonne chose. Par contre, nous croyons que si une personne est désignée en vertu de l'infraction et de la brutalité de l'infraction qui a été commisse — il s'agit là d'une notion qui est tout de même vaste — et que la loi encadre très fortement le processus, un carcan sera créé. Dans un tel cas, c'est la liberté de la personne qui est mise en jeu, alors que parfois, ce n'est pas nécessaire.
     Quand c'est nécessaire, les tribunaux agissent en conséquence. Ça se fait tous les jours. Les gens dangereux sont envoyés à l'hôpital et font l'objet d'une certaine privation de liberté. Quoi qu'il en soit, notre crainte est qu'un carcan soit créé.
(1635)

[Traduction]

    Notre prochain intervenant est M. Wilks, qui représente le Parti conservateur.
    Merci infiniment, monsieur le président, et merci infiniment aux témoins qui sont ici aujourd'hui.
    Mes questions s'adressent à Stacy et à Dave.
    Vous nous avez présenté un excellent témoignage, Stacy. En tant qu'ancienne policière, vous nous avez présenté de bonnes preuves aussi.
    Vous avez mentionné dans votre exposé que chaque année, vous deviez participer à un examen pour déterminer si la détention de M. Schoenborn sera prolongée. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée qu'une commission examen ait le pouvoir de prolonger la période d'examen jusqu'à 36 mois, afin de permettre à la victime d'avancer dans son processus de guérison.
    Lorsque vous m'aurez répondu, je vais céder le reste de mon temps à M. Seeback.
    Je m'excuse. Vous me demandez...
    Comment vous sentez-vous, Darcie et vous, à l'idée que le processus dure trois ans plutôt qu'un?
    Quelle serait notre réaction si le délai était de trois ans au lieu d'un an?
    Du point de vue de la victime et de son rétablissement grâce à une période beaucoup plus longue, estimez-vous qu'il est préférable qu'une commission d'examen tienne l'audience de révision tous les trois ans et non pas tous les ans, comme c'est le cas actuellement?
    Madame Galt, avant que vous répondiez, je dois signaler que la sonnerie d'appel retentit. Nous devons obtenir le consentement unanime afin de terminer la présente série de questions.
    Des voix: D'accord.
    Le président Je vous redonne la parole, madame Galt.
    C'est effectivement préférable. Lorsqu'un examen a lieu après un an, on appréhende beaucoup toute la peine qu'on ressentira en rédigeant la déclaration et en songeant à ce qui va se passer. Nous savons que c'est ce que nous ressentirons tous les mois d'avril. Si l'examen était tenu à tous les trois ans, ma cousine Darcie aurait la chance de mieux se rétablir et même d'envisager d'être heureuse si tant est qu'elle puisse y aspirer un jour. Ce serait merveilleux si elle pouvait simplement sortir de la maison en ayant l'impression d'être un élément normal de la société. Cependant, vivre en craignant constamment qu'il soit libéré... Je sais que des spécialistes s'en occupe et qu'ils sont très compétents. On ne libérera pas quelqu'un qui ne devrait pas être libéré, mais il devrait...
    Il faudrait tenir compte des droits de ma cousine autant que des siens. À l'heure actuelle, les victimes ne semblent pas avoir voix au chapitre. Cela changerait beaucoup de choses pour Darcie si elle devait s'acquitter de ces modalités tous les trois ans au lieu de tous les ans. Je pourrais peut-être ainsi me réapproprier ma vie, car une telle situation vous vide littéralement.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Seeback.
    Monsieur Battista, vous êtes un des témoins nous ayant affirmé que cela est très subjectif et pourrait porter atteinte aux droits que d'exiger dans une disposition du projet de loi qu'il suffit simplement de montrer que l'infraction était d'une nature brutale.
    Ce qui me pose problème, c'est que cette affirmation n'est pas très juste. Si vous examinez la disposition, vous remarquerez qu'elle précise clairement ceci: « il est d'avis que les actes à l'origine de l'infraction étaient d'une nature si brutale qu'il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique — pour une autre personne ». La nature brutale de l'infraction n'est pas le seul critère. On dénature donc un peu les faits en l'affirmant.
    Avant de rendre une telle décision, le tribunal doit tenir compte de plusieurs facteurs et non pas uniquement de la nature brutale de l'infraction. Il devrait tenir compte notamment de l'avis d'experts qui ont examiné l'accusé, de l'état mental de celui-ci et de la répétition d'actes comme celui qui est à l'origine de l'infraction. La nature brutale de l'infraction ne sera pas le seul critère. Il y en aura beaucoup d'autres.
    N'êtes-vous pas d'accord avec moi?
    Je suis d'accord avec vous que... Comme je l'ai dit lors de ma dernière intervention, nous sommes heureux que les tribunaux aient le pouvoir discrétionnaire d'évaluer ces facteurs, et nous sommes convaincus qu'ils rendront des décisions pertinentes. Cependant, ce qui nous inquiète, c'est qu'en raison du libellé du projet de loi... Le principe, c'est que le législateur a toujours un motif lorsqu'il choisit les termes devant figurer dans une mesure législative.
    Nous estimons qu'en recourant à des notions comme la brutalité de l'infraction... Il y a bien sûr d'autres facteurs dont il faut tenir compte, mais il n'en demeure pas moins que le tribunal devra déterminer si les actes étaient d'une nature brutale qu'il y a un risque de préjudice psychologique grave pour une autre personne. C'est très difficile de déterminer la brutalité des actes, qui peut en fait n'avoir aucun lien avec le risque de récidive.
(1640)
    Mais ce n'est pas le seul facteur. Il faut aussi tenir compte de l'avis des experts, entre autres. À mon avis, c'est faux d'affirmer qu'on tient compte uniquement de la nature brutale des actes.
    Monsieur Simpson, vous avez repris les allégations formulées par d'autres selon qui une personne pourrait choisir de ne pas être un accusé NRC en raison de ces modifications. Je ne m'explique pas qu'on puisse parler ainsi parce que le libellé du projet de loi précise ceci à propos d'un accusé NRC: « [...] il y a une probabilité marquée que l'accusé usera de violence de façon qu'il pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne ». Il est question ici d'un accusé très dangereux, comme M. Turcotte ou la personne mise en cause par Mme Galt ou même l'individu dans l'affaire Tim McLean. Je doute fortement que ces accusés choisiraient d'être jugés comme une personne criminellement responsable, car ils seraient ainsi passible de 25 ans d'incarcération. Je ne comprends pas que vous puissiez affirmer que des accusés chercheraient à éviter un verdict de NRC.
    Veuillez m'excuser, monsieur Battista, mais vous n'aurez pas l'occasion de répondre, car le temps est écoulé depuis longtemps.
    Le prochain intervenant est M. Cotler du Parti libéral.
    Merci, monsieur le président. Je veux remercier également les témoins. Madame Galt, je sais que vous avez éprouvé beaucoup de peine en témoignant aujourd'hui.
    Je voudrais poser une question à M. Baillie.

[Français]

    S'il me reste du temps, j'en poserai une à Me Battista également.

[Traduction]

    Monsieur Baillie, vous avez fait allusion à deux versions préliminaires d'un rapport de recherche sous l'égide d'Anne Crocker de l'Université McGill. Comme vous l'avez indiqué, il y a des différences importantes entre ces deux versions, des différences qui découlent d'une erreur dans le codage des données.
    Selon vous, le gouvernement a-t-il été informé de ces erreurs dans la version du rapport du mois de novembre?
    Si je peux me permettre une précision, monsieur, je voudrais contester le choix de votre expression « erreurs importantes ». La principale erreur découlait du codage des cas précédents d'accusé NRC. Nous avons constaté que les données demeuraient les mêmes lorsque nous avons examiné les taux de récidivisme, le nombre de personnes accusées NRC ou la nature des infractions en cause.
    Nous avons pris conscience de l'erreur le 14 mars et en avons informé le bureau du ministre le jour même. Le rapport modifié a été par la suite acheminé à la division de la recherche le 18 mars. On y indiquait qu'on cherchait la cause de l'erreur de codage. Le bureau était donc au courant de tout cela en mars.
    Seriez-vous surpris d'apprendre que les données erronées ont été citées par la suite par un ministre le 27 mai dernier et de nouveau mercredi dernier par M. Armstrong devant notre comité?
    À mon avis, il est important que le comité dispose de données justes et à jour sur un problème aussi sérieux, et j'espère que le rapport qui a été remis en mars au bureau du ministre pourra être distribué aux membres du comité dans le cadre de leurs travaux sur cet enjeu.
    J'estime que les commissions d'examen rendent en général des décisions très pertinentes. La loi en vigueur comporte des dispositions permettant l'intervention d'une cour d'appel. En outre, les données sur le récidivisme ont été corrigées et montrent essentiellement que les commissions d'enquête rendent des décisions pertinentes.
    Merci, monsieur Baillie.

[Français]

    Maître Battista, est-ce que des aspects de ce projet de loi pourraient poser des problèmes quant à la Charte canadienne des droits et libertés?
    Comme je l'ai dit plus tôt, la question qui se pose ici est la prépondérance donnée à la privation de liberté dans le cas d'une personne qui est responsable, dans les faits, de la commission d'un crime grave alors qu'elle n'en est pas responsable sur le plan pénal.
     La prépondérance accordée à la privation de liberté pose problème. En effet, la préoccupation à l'égard de la sécurité du public doit également comprendre la réhabilitation et la réinsertion de la personne. On doit chercher cet équilibre. Or ce projet de loi ne crée pas cet équilibre. Il prône plutôt la sécurité du public de façon prépondérante, sans tenir compte suffisamment de la réhabilitation et de la réinsertion de la personne. C'est notre avis. Dans certains cas, la réinsertion est le meilleur moyen de permettre à une personne de se réhabiliter et de guérir.
    Ma collègue va compléter ma réponse.
(1645)
    Un aspect est vraiment occulté dans le discours, et c'est le fait qu'une personne déclarée non criminellement responsable aujourd'hui va normalement subir une période de détention de 3 à 30 fois plus longue qu'une personne ayant présenté un plaidoyer de culpabilité. Je pense qu'on ne doit pas occulter cette réalité. Il est absolument faux qu'une personne déclarée non criminellement responsable subit des conséquences moindres.
    La protection de la société passe par la réhabilitation et le traitement. On vous a fourni des chiffres à ce sujet. Les personnes atteintes de troubles mentaux qui vont en prison ont un taux de récidive beaucoup plus élevé que celles déclarées non criminellement responsables qui séjournent plutôt à l'hôpital.
    Merci.

[Traduction]

    Il vous reste une minute.
    Très bien.
    Monsieur Simpson, les installations qui traitent les accusés NRC sont-elles en mesure d'accueillir davantage de patients? Quelles seraient les conséquences d'une telle augmentation dans ces installations?
    Je ne peux répondre qu'au nom de mon organisation, mais je suis également coprésident du Canadian Forensic Mental Health Network. Je connais donc bien certains problèmes touchant l'ensemble du pays.
    La plupart des établissements de médecine légale fonctionnent ou sont pleins ou presque. La plupart des établissements ontariens sont débordés. De toute évidence, les risques de violence augmentent dans un établissement de santé mentale surpeuplé: violence d'un patient envers un autre ou d'un patient envers un membre du personnel. Le milieu de ces établissements devient plus dangereux et offre moins de traitements.
    Les problèmes sont exacerbés lorsqu'il y a une liste d'attente et que les personnes doivent demeurer dans un établissement carcéral provincial, ce qui entraîne d'autres conséquences négatives tant pour les détenus que pour l'établissement carcéral.
    Lorsqu'il faut davantage de lits pour le traitement d'accusés dont le rétablissement nécessitera plus de temps, il faut prendre les mesures qui s'imposent en ce sens. De tels lits sont les plus coûteux dans l'ensemble du système de santé mentale.
    Merci de ces questions et réponses.
    Le dernier intervenant est M. Albas du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins de leur présence aujourd'hui, particulièrement Mme Galt. Votre témoignage a été fascinant. Il est essentiel que les législateurs entendent ce genre de propos. Nous avons adopté des lois, mais nous oublions parfois les gens qui subissent un préjudice sérieux à cause de ce genre d'acte. Je vous remercie d'avoir comparu aujourd'hui.
    Entre autres, le projet de loi C-54 permettrait aux tribunaux de déclarer qu'une personne non responsable criminellement est un accusé à haut risque. Il faudrait que l'État en fasse la demande dans le cas d'une personne souffrant de troubles mentaux qui aurait commis une infraction grave contre la personne. Lorsque le tribunal rend une telle décision, la commission d'enquête provinciale serait tenue d'ordonner la détention de l'accusé en interdisant les permissions de sortir sans escorte. Le délai préalable à la tenue d'une audience de révision est actuellement de 12 mois. La commission d'examen pourrait — et je pense qu'on emploie « peut » pour le projet de loi — proroger ce délai jusqu'à un maximum de 36 mois pour les accusés souffrant de troubles mentaux qui ont été déclarés à haut risque.
    Madame Galt, je pense que vous avez répondu à M. Wilks que vous appuyez ce nouveau délai. J'aimerais entendre l'avis de M. Teixeira sur la question.
    Tout d'abord, je tiens à signaler que je travaille auprès de la famille depuis environ deux ans et demi. J'ai été mis au courant de l'affaire en lisant le journal de ma localité. Je me suis porté volontaire, offrant le concours de mon entreprise pour m'occuper des relations avec le gouvernement, des relations publiques et des relations avec les médias, parce que j'avais constaté cette parodie au sein du système.
    Nous avons axé nos efforts non seulement sur les lois fédérales, mais également sur les correctifs à apporter aux lois de la Colombie-Britannique en matière de violence familiale. En fait, la première ministre Christy Clark a présenté ses excuses à la famille l'an dernier, et un rapport a été présenté pour garantir qu'une telle situation ne se reproduira jamais plus. Nous adoptons une approche tous azimuts.
    Abordons maintenant la disposition sur la prorogation du délai jusqu'à un maximum de 36 mois. Je peux vous témoigner de la douleur ressentie par cette famille. Le comité ignore peut-être qu'un accusé NCR peut, sur un coup de tête, changer la date de l'audition. Par exemple, en avril 2011, M. Schoenborn avait décidé de changer cette date, mais ne s'est pas présenté à l'audition. En 2012, il a décidé que cette date ne faisait plus son affaire.
    Je vous signale en passant que la famille a essayé de changer la date, qui correspondait à l'anniversaire des meurtres. On lui a répondu que le patient devait donner son consentement.
    En mars 2012, l'accusé voulait que l'audition se tienne le jour de Noël. Naturellement, nous avons contesté sa décision. L'État nous a donné raison. L'accusé a donc choisi une date en novembre. Quatre jours avant la tenue de l'audience, il a décidé que la date ne convenait plus. Il a donc choisi le jour de la Saint-Valentin.
    C'est le genre de douleur que doit subir la famille. Celle-ci pourrait se rétablir davantage si l'audience se tenait tous les trois ans. C'est comme les élections. Lorsque vous les avez gagnées, vous vous préparez pour les prochaines. Lorsqu'une audience a été tenue, on se prépare à la prochaine. La famille ne dispose d'aucun temps pour se rétablir. En trois ans, l'état de l'accusé pourrait s'améliorer, et la famille pourrait également se rétablir davantage.
(1650)
    Donc, selon vous, actuellement, l'accusé jugé non criminellement responsable peut utiliser le système pour persécuter sans relâche les victimes.
    Absolument. D'ailleurs, le système actuel... Ça me choque lorsque j'entends des spécialistes dire que ce projet de loi stigmatise les personnes atteintes de troubles mentaux. Le système actuel stigmatise ces personnes, à cause de la classification de NCR. L'accusé peut être jugé NCR qu'il ait lancé une brique dans une fenêtre ou tué trois enfants sans défense. Cette mesure ne stigmatise pas, au contraire. Elle réaffirme que les personnes atteintes de troubles mentaux ne sont pas dangereuses, que les NCR ne sont pas dangereux.
    Mais il faut cesser d'être politiquement correct. Il y a des gens dangereux. Ce projet de loi le reconnaît et propose des mesures pour protéger la société, laisser le temps aux victimes de se soigner et permettre aux NCR d'obtenir l'aide nécessaire. Donc, un délai de 36 mois, c'est excellent.
    La Couronne devrait alors demander qu'un accusé soit désigné comme étant à haut risque en raison de troubles mentaux.
    L'alinéa 672.64(1)a) dit ceci: « il est convaincu qu’il y a une probabilité marquée que l’accusé usera de violence de façon qu’il pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne ». Ça ressemble beaucoup à ce que votre cousine a vécu. Ensuite, l'alinéa 672.64(1)b) dit: « il est d’avis que les actes à l’origine de l’infraction étaient d’une nature si brutale qu’il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique — pour une autre personne ».
    Il y a d'autres facteurs dont le tribunal doit tenir compte. Selon moi, il est logique, comme l'a souligné le Dr Baillie, qu'il y ait un nombre limité de cas, mais un fait demeure: la Couronne demanderait à ce qu'un accusé soit désigné comme étant à haut risque en raison de troubles mentaux uniquement si c'est dans l'intérêt public.
    C'est exact.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus. Ce ne fut pas facile de vous avoir tous dans le même groupe. Je vous suis vraiment reconnaissant de votre contribution.
    La sonnerie d'appel se fait entendre et nous devons nous rendre à la Chambre pour la tenue d'un vote. Nous serons de retour tout de suite après.
    Je tiens à informer les membres du comité que, jusqu'à maintenant, nous avons reçu 55 amendements, dont au moins 22 sont recevables. Donc, attendez-vous à une longe séance, mercredi soir, alors que nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi.
    Merci beaucoup. Je vous donnerai plus de détails à ce sujet à notre retour.
    Nous allons maintenant suspendre la séance.
(1650)

(1720)
    Nous sommes maintenant prêts à reprendre la séance numéro 77.
    J'aimerais remercier les témoins de nous avoir attendus. Nous accueillons maintenant trois témoins. Mesdames et messieurs, vous disposerez chacun de 10 minutes pour présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres. Nous accueillerons ensuite un autre groupe de trois témoins. Nous devons libérer la salle avant 19 heures, car elle a été réservée. Dans l'espoir de rattraper le temps perdu, nous allons limiter le nombre de séries de questions.
    Un des témoins, André Samson, se joint à nous par téléconférence de Victoriaville, au Québec. Monsieur Samson, vous m'entendez?

[Français]

    Oui, je vous entends très bien.

[Traduction]

    Vous avez dix minutes pour nous présenter votre exposé. Allez-y.

[Français]

    Bonjour. Je me nomme André Samson. J'habite à Victoriaville, dans la province de Québec. J'ai 51 ans et je suis inapte au travail. Je vis de mes rentes d'invalidité.
     Le 1er août 2002, mon frère, Martin Samson, et sa conjointe, Marie-France Foucault, ont été assassinés dans leur résidence de Victoriaville. La personne qui a assassiné mon frère et sa conjointe a été déclaré non criminellement responsable.
    L'accusé a été arrêté. Il a séjourné à l'hôpital quelques heures, puis il s'est sauvé de l'hôpital Hôtel-Dieu d'Arthabaska. L'hélicoptère de la Sûreté du Québec et le groupe d'intervention n'ont pas lésiné sur les moyens pour le retracer. Après plusieurs jours de recherche, il a finalement été intercepté. Il était en train de vendre des objets pour amasser de l'argent afin de quitter la ville. Le lendemain de son arrestation, il a été accusé du double meurtre. Le procès a duré une année et demie. Nous avons été très surpris d'apprendre que le meurtrier avait été reconnu non criminellement responsable, car c'était une personne très intelligente qui étudiait à l'école des adultes.
    Depuis ce temps, nous n'avons pas reçu beaucoup d'aide. Ma famille et moi appuyons le projet de loi C-54, qui donnera plus d'information aux victimes. Cela les sécurisera. L'accès à l'information permet de sécuriser les familles, car une partie des craintes et de l'insécurité que vivent les familles de personnes assassinées provient du manque d'information qui découle du système de non-responsabilité criminelle.
    Ma famille aurait bien aimé savoir ce qui se passait lors des audiences de la commission des troubles mentaux. On ne nous tenait jamais au courant des procédures. Nous n'avons jamais été invités aux audiences de la commission d'examen. Nous n'avons jamais pu nous exprimer. Nous avons été mis à l'écart. Nous étions dans le néant, nous n'avions aucune documentation. Pendant quatre ou cinq ans, nous n'avons pas su où il habitait. Si ma blonde n'avait pas été greffière, ma famille et moi n'aurions pas su dans quel hôpital il séjournait. Si elle n'avait pas été ma blonde, elle ne me l'aurait jamais dit.
    On n'a pas informé ma famille. Elle n'a jamais su si l'agresseur prenait ses médicaments et s'il répondait aux traitements. Nous ne savions pas si l'agresseur avait des droits de sortie ni quand il pourrait sortir. Nous ne savions pas s'il était accompagné ou non lors de ses sorties. Nous ne l'avons jamais su quand il est sorti de l'hôpital. J'ai appris sa sortie deux semaines plus tard. Ma blonde me l'a appris et je l'ai appris à ma famille.
(1725)
    Mes parents ont dû prendre des moyens pour assurer leur sécurité, car ils craignaient que l'agresseur aille dans leur maison et qu'il les menace. Nous n'étions pas au courant des conditions de sa sortie.
    Un jour de janvier 2011, je m'en allais au centre commercial et j'ai aperçu l'agresseur qui avait tué mon frère et sa conjointe. Quand je l'ai vu, j'ai été frustré et j'ai eu peur. J'étais stressé. J'étais dans l'inconnu.
    Les victimes comme nous méritent de faire partie du processus judiciaire. Or, nous avons été totalement exclus. Je me demande souvent si nous, les victimes, des êtres humains, avons aussi droit à la sécurité et à l'information. Nos droits prévus à la Charte canadienne des droits et libertés n'ont pas été respectés. On devrait nous respecter en tant que victimes, car la Charte canadienne des droits et libertés de la personne stipule que les Canadiens ont droit à la vie et à la sécurité.
    Mon frère et sa conjointe ont été privés de ce droit, et pour comble de malheur, les membres de ma famille et moi-même n'avons pas eu droit à la sécurité, car nous n'avons jamais été informés de sa sortie. La sécurité passe par l'information donnée aux victimes. Comment pouvons-nous nous sentir en sécurité si nous ne savons pas quand un meurtrier sortira de prison et quand il pourra circuler dans la rue et dans notre quartier?
    Ce projet de loi redonne aux victimes le droit à la sécurité. Actuellement, les agresseurs sont mieux protégés que les victimes. Cette loi donnera plus d'encadrement aux personnes déclarées non criminellement responsables. En demeurant plus longtemps encadrés et en ayant accès à plus de ressources médicales, les agresseurs pourront suivre plus longtemps leur programme de réadaptation.
    Avoir de l'information nous aurait sécurisé. Cette loi permettra aux victimes d'être informées et de se sentir en sécurité. Cette loi redonne de la dignité aux familles des personnes assassinées.
    Merci.
(1730)
    Merci, monsieur.

[Traduction]

    Nous accueillons maintenant deux représentantes de l'Association canadienne des libertés civiles.
    Veuillez vous présenter. Vous disposez de 10 minutes.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Bonjour. Je m'appelle Nathalie Des Rosiers. Je suis l'avocate principale pour l'Association canadienne des libertés civiles. Je suis accompagnée d'une étudiante à nos bureaux, Michelle Thomarat.
(1735)
    C'est bien.
    Je vais parler en français d'abord et, par la suite, en anglais. Je vais présenter essentiellement trois points.
    Oui.
    Premièrement, l'association soutient qu'il faut une approche qui réponde totalement aux besoins des victimes, et les besoins d'information des victimes sont certainement reconnus ici. Elle reconnaît aussi qu'il y a de grandes lacunes dans les services de soutien et d'aide financière pour les victimes et aussi dans l'accès aux services de santé mentale qui peuvent permettre la prévention des tragédies qui sont en cause ici.
    Oui, oui.
    D'une certaine façon, comme premier point, nous jugeons qu'il serait préférable que ce projet de loi s'inscrive dans un cadre plus large de soutien, dans une stratégie de protection et de soutien envers les personnes qui sont victimes de crime et, particulièrement, dans une stratégie plus large qui vise à contrer la maladie mentale et ses effets dans la société.
    Mon deuxième point portera essentiellement sur une réflexion à faire, ou une critique. La pièce maîtresse de ce projet de loi est la définition d'« accusé à haut risque ». Ici, le ministre veut faire une distinction. Or, il faudrait chercher à savoir si, pour ce faire, il a utilisé le bon langage et le bon concept.
    Oui.
    C'est à se demander si on n'est pas en train, d'une certaine façon, de transformer une approche thérapeutique, qui serait nécessaire pour le traitement de la maladie mentale, en la confondant avec une approche plus pénitentiaire, dont la punition est l'élément primordial et dont l'aspect thérapeutique, c'est-à-dire la gestion de la maladie mentale, est un élément secondaire.
    Finalement, mon troisième point portera sur la nécessité d'une évaluation de ce projet de loi s'il sera mis en oeuvre, puisqu'il y a beaucoup de désaccords entre les experts quant au véritable effet de ce projet de loi sur la sécurité publique.
    Oui, oui, oui.

[Traduction]

    Les trois points que j'aimerais souligner sont les suivants.
    Premièrement, ce projet de loi devrait être intégré dans une stratégie plus large de la santé mentale.

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Dans une certaine mesure, même si l'objectif du projet de loi est de satisfaire les besoins informationnels des victimes, il ne satisfait pas à d'autres besoins, notamment en matière d'aide financière ou de soutien. Il aborde à peine les besoins en matière de prévention et le manque d'accès à des services de santé mentale, un problème dont nous sommes très conscients, puisque nous recevons beaucoup d'appels à ce sujet.

[Français]

    Oui, oui.

[Traduction]

    Essayez-vous de..?

[Français]

    C'est bien.

[Traduction]

    Monsieur Samson, lorsqu'un autre témoin présente son exposé, vous n'avez pas à émettre de commentaires.
    Les membres vous poseront des questions dans quelques minutes. Vous en serez informé en temps et lieu.

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Nous vous entendons dire « oui ».

[Français]

    C'est parfait.
    Tant mieux. Ah, ah!

[Traduction]

    Vous êtes d'accord et c'est bien, mais on s'en fout.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Vous pouvez poursuivre, madame Des Rosiers.
    Il faut, entre autres, éviter tout changement au message qui risquerait de favoriser la diffusion de renseignements erronés au sujet des troubles mentaux. Plus précisément, le projet de loi ne précise pas ce qu'est un trouble mental. C'est en partie ce qui explique les critiques selon lesquelles ce projet de loi poursuit malheureusement la stigmatisation des personnes atteintes de troubles mentaux, qu'elles sont dangereuses ou incurables.
    À mon avis, il est très important que le gouvernement prenne cette mesure, car nous savons qu'une stigmatisation accrue des maladies mentales nuit à la sécurité publique, puisqu'elle affecte la conscience de soi et réduit l'accès direct à des programmes, et augmente les cas de discrimination et de stéréotypie, ce qui n'est pas souhaitable.
    J'aimerais maintenant parler de la pièce maîtresse de ce projet de loi, soit la définition de « accusé à haut risque », et souligner quelques points. Selon nous, il y a deux problèmes avec le libellé. D'abord, il y a deux définitions proposées; l'une à l'alinéa 672.64(1)a) et l'autre à l'alinéa 672.64(1)b).
    La première dit: « il est convaincu qu’il y a une probabilité marquée que l’accusé usera de violence [...]. » Cet alinéa invite le tribunal à effectuer une évaluation prospective de la violence potentielle. Je crois que le moment est mal choisi pour une telle évaluation, puisque l'accusé n'a encore reçu aucun traitement. On met la charrue devant les boeufs, en quelque sorte.
    L'alinéa 672.64(1)b) nous inquiète davantage. Il dit: « il est d’avis que les actes à l’origine de l’infraction étaient d’une nature si brutale [...]. »
    Le problème ici, c'est qu'il est très difficile de déterminer à quels actes le ministre fait référence. C'est un peu, on dirait, une approche de « on verra en temps et lieu ». Bon nombre des tragédies dont il a été question soulèvent chez nous une réaction émotive si puissante, que nous pensons avoir la réponse. Ce qui nous inquiète, c'est qu'il sera très difficile pour une victime de ne pas juger qu'elle a été brutalement agressée. J'ai du mal à imaginer une victime d'agression sexuelle ou la famille d'une victime de meurtre dire que l'acte n'était pas brutal.
    Afin de déterminer s'il s'agit de la bonne terminologie à employer, nous avons fait des recherches pour voir s'il y avait d'autres utilisations du mot « brutal » ailleurs dans le monde. Que signifie le mot « brutal »? Est-ce le bon terme? Selon nous, non. À notre avis, l'alinéa 672.64(1)b) devrait être retiré du projet de loi, car la définition est trop vague et trop de gens pourraient être piégés.
    Le fait que le concept d'accusé à haut risque puisse entraîner la confusion concernant les approches à adopter est une autre source de critique. Il ne faut pas oublier qu'un accusé est jugé non criminellement responsable lorsqu'il a été déterminé — et il peut y avoir des erreurs — qu'il est incapable de distinguer entre le bien et le mal. On dit alors que c'est la maladie qui a commis le crime et non la personne. Dans ce contexte, il faut adopter une approche thérapeutique visant à soigner la maladie plutôt que de punir la personne. On fait erreur en se concentrant sur l'acte plutôt que sur la maladie. C'est la mauvaise approche.
    En terminant, je crois qu'une évaluation quelconque est absolument essentielle. Il s'agirait, selon moi, d'un amendement adéquat au projet de loi, soit d'imposer une évaluation adéquate dans cinq ans.
(1740)
    Nous avons entendu aujourd'hui que les opinions diffèrent quant à savoir si cela aura comme effet pervers de réduire le nombre de personnes qui opteront pour la défense de NRC; celles qui ne le feront pas se retrouveront en prison et leurs problèmes s'aggraveront. La prison n'est pas l'endroit où l'on peut traiter efficacement les cas de maladie mentale grave. Nous le savons. Cela crée énormément de problèmes pour le système carcéral, les délinquants et les gardiens de prison. Ce n'est pas le bon endroit.
    Comme nous l'indiquons dans notre évaluation, dans sa forme actuelle, le projet de loi n'atteint pas l'objectif. L'utilisation du mot « brutal » n'aidera pas les victimes non plus. Elles se sentiront offensées si les actes commis sont considérés comme n'étant pas suffisamment brutaux. À notre avis, les concepts et le langage utilisés ne traduiront pas l'intention du projet de loi.
    En conclusion, nous pensons que premièrement, le gouvernement a le devoir envers la population canadienne de contrebalancer certains messages concernant la maladie mentale associés à ce projet de loi. Deuxièmement, il devrait revoir l'utilisation du mot « brutal », malgré tous les autres exemples. Troisièmement, il faut intégrer un cadre d'évaluation à la mesure législative.

[Français]

    Merci.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Le dernier témoin de ce groupe est Mme Malo. Vous avez la parole pour 10 minutes.

[Français]

    Bonjour. Je suis Isabelle Malo. Je comparais aujourd'hui au nom de toute la famille Malo. Ma mère, Nicole Malo, et mon frère, Sylvain Malo, sont assis derrière moi. Nous appuyons entièrement le projet de loi C-54. L'histoire de ma famille exprime parfaitement l'urgence de changer la loi. C'est le coeur rempli de tristesse que je m'adresse à vous aujourd'hui.
     Le 13 janvier 2012, notre paisible municipalité a été secouée par un terrible drame. Mon beau-père, Ronald Malo, a été sauvagement assassiné de 29 coups de couteau par son voisin Rolland Belzil, qui le harcelait depuis 15 ans.
    Ma mère était elle aussi ciblée, mais par chance, elle a été épargnée en ne répondant pas à la porte, que Rolland Belzil tentait d'ouvrir. L'ordinateur de Belzil contenait la liste des personnes qui devaient être tuées, incluant ma mère. Après avoir tué Ronald Malo, Rolland Belzil s'est rendu à l'hôtel de ville de Verchères où il a poignardé le directeur général, Luc Forcier, à la tête et au cou. Son adjoint, Martin Massicotte, a été blessé aux mains en tentant de le secourir. Ils ont eu la vie sauve grâce au chef pompier.
    Cette sordide histoire avait commencé en 1997 lorsque le voisin, Rolland Belzil, avait agressé ma mère en lui disant qu'elle serait à lui deux fois par semaine. Ma mère l'avait immédiatement repoussé, le sommant de la laisser tranquille. Il l'avait alors regardée dans les yeux en lui disant: « Tu ne sais pas ce que je suis capable de faire, ma belle; tu n'en as pas fini avec moi. »
     Pendant 15 ans, ma mère et Ronald ont vécu un véritable calvaire, et le mot est faible. Ils ont été sans cesse harcelés, injuriés, provoqués, klaxonnés jusqu'à 150 fois de suite. Ils ont fait l'objet de menaces de mort au cours des trois années précédant le meurtre.
    En avril 2010, Rolland Belzil a avoué à une intervenante qu'il s'était procuré une arme et qu'il allait tuer son voisin Ronald Malo. En juillet 2010, Rolland Belzil a été arrêté pour bris de condition. Selon une ordonnance permanente, il ne devait pas s'approcher de ma famille. Il s'est pourtant approché de nous, a sorti un bidon d'essence, du papier, de la bière et du vin, nous fixant sans cesse. Rolland Belzil a été reconnu coupable de quatre chefs d'accusation criminelle sur cinq. Il s'en est tiré avec une absolution et une amende ridicule de 400 $. Nous avons supplié la juge de ne pas le remettre en liberté. Les gens du CAVAC nous ont répondu qu'il était comme un gros chien qui aboyait mais ne mordait pas, et que les probabilités qu'il commette son geste étaient nulles.
    Comme vous pouvez le constater, notre dossier comporte plusieurs lacunes. La prévention primaire, pour employer les termes du Dre Isabelle Gaston, a échoué. Notre famille appuie sans aucune réserve le projet de loi C-54. Ce projet de loi accordera la priorité à la sécurité du public et créera la désignation « à haut risque ».
    J'aimerais vous parler de deux améliorations. Il est urgent que la sécurité du public soit la priorité. Avez-vous pensé un seul instant à ce qui se passerait si cet homme était libéré? Nous ne pourrions survivre à la découverte de notre mère assassinée. Il faut donner plus de place aux victimes. Heureusement, le projet de loi C-54 fera de la sécurité du public la préoccupation prédominante quant à la décision relative aux personnes non criminellement responsables. Quand la sécurité du public sera prédominante, cela représentera une victoire pour nos droits.
    À l'heure actuelle, nous croyons que si Rolland Belzil en vient à être libéré, trois vies seront assurément en danger. Il est très angoissant de penser que nous sommes à la merci de cette décision. Notre confiance envers le système de justice a disparu. Cet homme représente un réel danger pour la société. Il doit être gardé sous haute surveillance, en tout premier lieu pour qu'il soit protégé de lui-même.
(1745)
    Les gens vivent dans la terreur simplement en pensant au jour de la libération de Rolland Belzil, et c'est sans parler de nos sept enfants, âgés de 14 à 24 ans, qui ont perdu leur grand-père. Pour eux, le mot « justice » n'existe pas. Ils sont terrorisés. Une nuit, il y a quelque temps, ma fille de 22 ans m'a rejointe en tremblant, car elle avait rêvé que Rolland Belzil s'était évadé de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal et voulait tous nous tuer. Le fils de 20 ans de mon frère dort avec un bâton sous son lit, tandis que sa fille de 16 ans n'est jamais retournée sur les lieux du drame. Ces enfants ont vécu un énorme traumatisme. Comment ferons-nous pour les rassurer? Le fardeau est très lourd à porter pour notre famille.
    J'ai un commerce à Verchères, et il ne se passe pas une journée sans qu'on m'en parle. On me demande toujours ce qu'il advient de lui et s'il est sorti. Chaque fois, mon coeur palpite. En décembre 2012, j'ai été hospitalisée. Mon coeur s'est mis à battre 170 fois par minute quand j'ai appris la remise en liberté de Guy Turcotte. J'ai cru mourir. Le nombre de victimes dépasse la famille; cela affecte toute la communauté.
    Les gens craignent la remise en liberté de ces individus malades. La maladie n'est pas une excuse. Désormais, avec le projet de loi C-54, la sécurité du public sera le facteur prioritaire. Nous attendons ce changement avec impatience.
     Le projet de loi C-54 prévoit la création d'une désignation « à haut risque » qui ciblera les cas les plus dangereux. Ceux-ci devront être détenus à l'hôpital et faire l'objet d'une garde. Un accusé déclaré à haut risque ne sera pas autorisé à sortir sans escorte. Il ne pourra obtenir une permission de sortir avec ou sans escorte que dans de rares circonstances et en fonction de la sécurité du public.
    Nous appuyons le fait qu'un juge, et non la commission, déterminera qui est un individu à haut risque. Nous sommes très heureux de savoir que le juge devra se baser sur les risques de préjudice grave, physique et psychologique, de même que sur les sévices commis. Cela est très important pour nous. Nous attendons impatiemment l'entrée en vigueur de ces changements. Nous sommes convaincus qu'il n'y a pas de plus haut risque que celui que nous vivons.
    Dans l'ordinateur de Rolland Belzil, la police a trouvé une liste de plusieurs victimes potentielles. Lorsqu'un meurtre et deux tentatives de meurtre ont été commis, l'assassin représente un cas lourd et doit faire l'objet d'un suivi médical très serré. C'est ce que permettra le projet de loi C-54, que je vous demande d'adopter le plus rapidement possible.
    Pouvoir bénéficier d'un répit allant jusqu'à trois ans entre les évaluations, selon la gravité de chaque cas, bien sûr, est un véritable soulagement pour les victimes. Vous savez comme moi qu'une année passe très vite. Rolland Belzil a mentionné qu'il n'en avait tué qu'un sur quatre et qu'il devait terminer ce qu'il avait à faire.
    À aucun moment notre esprit ne nous dicte la vengeance. Ces réformes proposées n'auront aucune incidence sur l'accès aux traitements pour les personnes accusées non criminellement responsables. Au contraire, ces personnes qui ont besoin de soins spéciaux bénéficieront de soins personnalisés. Elles seront mieux encadrées. Fournir un encadrement médical plus structuré à une personne souffrant de maladie mentale n'est pas de la stigmatisation. L'aspect de la réintégration de l'individu demeure dans la loi. Il est donc faux de dire que les personnes malades perdront des droits.
    En allongeant la durée des soins, on réduit les risques de récidive, mais surtout, on sauve des vies. Il nous est impossible de baisser les bras et d'attendre. Nous nous devons de sauver la vie de notre mère.
    Nous, les victimes, n'avons aucune place dans toutes ces procédures interminables. Nous ne sommes sûrement pas les derniers à vivre un tel événement. À Verchères, dont la population est de 5 000 habitants, trois personnes se sont confiées à nous en disant vivre une situation similaire à la nôtre et être terrorisées.
    Nous sommes censés avoir droit à la sécurité. Actuellement, les seules personnes qui ont des droits sont celles qui ont été accusées et déclarées non criminellement responsables. Ronald avait le coeur sur la main, il était toujours souriant, calme et prêt à rendre service aux autres. Son assassinat a créé un énorme choc. La population est totalement indignée par ce geste crapuleux qui n'est pas puni.
    Nous avons perdu un deuxième père, un grand-père, un conjoint, mais surtout un être exceptionnel que nous aimions plus que tout au monde. Jamais nous ne pourrons pardonner ce geste, mais nous devons maintenant apprendre à vivre avec cela. La mort de Ronald ne doit pas en être une parmi tant d'autres. Elle doit servir à faire avancer la cause des victimes. Ce projet de loi est extrêmement important pour notre sécurité et pour notre qualité de vie.
(1750)
    Je vous remercie tous infiniment de m'avoir consacré de votre précieux temps et de m'avoir permis d'exprimer ma soif de justice. Nous sommes derrière vous pour appuyer ce projet de loi urgent et essentiel.
    Merci, madame Malo.

[Traduction]

    Je remercie les témoins. Nous allons passer aux questions. J'espère que M. Samson est encore en communication avec nous.
    M. Marston, du Nouveau Parti démocratique, est le premier intervenant.
    Merci, monsieur le président. Je présume que M. Samson est à l'écoute; j'aimerais adresser mes premières observations à Mme Malo et à M. Samson.
    La peur est un sentiment très réel, en particulier dans les situations dramatiques dont vous avez tous deux été victimes. Je tiens à souligner que l'un des amendements proposés par le NPD vise à faire aviser les familles, si elles le souhaitent, du lieu de résidence d'une personne remise en liberté dans la collectivité. Vos deux témoignages sont bouleversants, mais vous avez tous les deux été très clairs; je vais donc adresser mes questions à Mme Des Rosiers. Ai-je bien prononcé votre nom?
(1755)

[Français]

    C'est parfait.

[Traduction]

    On ne m'a jamais dit que mon français était parfait.
    Une kyrielle d'experts sont venus témoigner devant nous. Il y a manifestement un écart entre ce que la collectivité estime être ses besoins en matière de protection et de compréhension des circonstances, et ce que les tribunaux ont statué dans le passé au sujet des prétendus droits de la personne accusée. De mon point de vue, les témoins ont remis en question l'approche adoptée par le gouvernement en ce qui concerne ce projet de loi. Comme je l'ai déjà dit ici, au comité, nous avons la responsabilité de rédiger la meilleure mesure législative possible.
    Les témoignages que j'ai entendus ici aujourd'hui, ainsi que les autres témoignages que nous avons déjà entendus, y compris celui de M. Battista, me portent à croire qu'il est fort probable qu'il y ait contestation devant les tribunaux, en raison des déclarations et positions antérieures de la Cour suprême du Canada. Vous avez parlé de l'engorgement du système. Il y a toutes sortes de facteurs. J'aimerais que vous nous en parliez.
    Je pense que tout le monde veut que le système ait un bon équilibre et tienne compte de la nécessité d'assurer la sécurité du public. Là-dessus, tout le monde est d'accord. Nous sommes d'avis que le projet de loi répond à certains des besoins des victimes, mais pas à tous. Il leur donne le droit à l'information, mais il ne leur donne pas le droit d'obtenir de l'aide financière, des services, du soutien. C'est une erreur.
    Le second volet a trait à une stratégie de santé mentale qui examine la façon dont on pourrait prévenir une partie des... afin d'améliorer la façon de faire pour l'accès aux services et l'identification, afin que ce soit fait comme il se doit. Je pense que c'est ce que nous entendons. Nous craignons que l'utilisation du mot « brutal », à l'alinéa 672.64(1)b), concernant les accusés à haut risque, ne soit inapplicable. C'est assez vague et assez arbitraire pour ne pas atteindre les objectifs que le gouvernement s'est fixés, et cela pourrait faire l'objet de contestations constitutionnelles.
    Enfin, je veux vous rappeler à quel point il serait important d'avoir un cadre d'évaluation efficace afin de connaître l'incidence de ce projet de loi sur le terrain. Les experts craignent qu'il ait l'effet inverse. Je pense que si vous allez de l'avant, la façon responsable de procéder serait au moins de vous assurer que vous pourrez, dans trois à cinq ans, vérifier si les choses fonctionnent bien et si les objectifs prévus par le gouvernement sont atteints.
    Je pense aussi, en écoutant Mme Galt, Mme Malo et M. Samson, à la consultation et au soutien relativement à leur propre santé mentale, aux pressions exercées sur les familles, à l'horrible peur de l'inconnu. L'une de nos plus grandes peurs, c'est l'inconnu. J'ai passé une nuit dans la même maison qu'un patient non responsable criminellement qui avait assassiné ma soeur 10 ans auparavant. Je n'ai pas dormi. J'avais 12 ans, à l'époque. Durant toute la fin de semaine, mon imagination s'est laissée emporter. Pour ce qui est de l'utilisation du mot « brutal » dans le projet de loi, si un parent tue son propre enfant, peu importe la brutalité du geste, le fait qu'il a commis ce geste est brutal en soi. Il me semble que nous devons en faire davantage relativement à ce projet de loi. Il est possible d'en faire plus pour les droits des victimes que ce que propose actuellement le projet de loi. En consultant des experts, nous pourrions travailler à l'améliorer.
    Je suppose que mon temps est écoulé.
    Votre temps est écoulé, mon ami. Je vous remercie de ces questions et réponses.
    M. Goguen, du Parti conservateur, est le prochain intervenant.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Je vous remercie de votre témoignage. Il a été fort apprécié. Ce dossier est très complexe.
     Madame Malo, en écoutant votre témoignage, j'ai compris que vous étiez très favorable à ce projet de loi. Vous avez constaté que dans le dossier des personnes ayant reçu un verdict de non-responsabilité criminelle, la protection du public constitue la première préoccupation. C'est primordial.
    Le 5 juin dernier, Mme Isabelle Gaston a témoigné devant ce comité. Elle a insisté sur le fait que notre projet de loi C-54 allait offrir une meilleure protection aux victimes et à la société en général. Elle a dit ceci: « [...] ce projet de loi me redonne une certaine confiance qu'un jour, la balance, symbole de notre justice, retrouvera un certain équilibre envers les parties impliquées. » Elle a aussi dit ceci: « J'ai l'impression qu'on joue à la roulette russe avec ma vie. Je ne me sens vraiment pas protégée en ce moment. »
    Nous avons aussi entendu le témoignage d'une autre mère endeuillée, qui a fait écho à celui de Mme Gaston. C'était celui de Carol de Delley, la mère de Tim McLean, qui a été tué alors qu'il dormait dans un autocar de Greyhound. Le meurtrier, Vince Li, a reçu un verdict de non-responsabilité criminelle. On connaît l'atrocité du geste.
     Madame Malo et monsieur Samson, je vous demanderais de répondre tous les deux. Croyez-vous que le projet de loi C-54 offrira une meilleure protection aux victimes et à la société en général?
(1800)
    Oui.
    Voilà qui est une réponse brève.
    Qu'en pensez-vous, madame Malo?
    Il est certain que ce projet de loi offrira une meilleure protection. La prévention primaire a complètement échoué dans notre cas. Rolland Belzil est déjà devant la commission, un an et demi seulement après le meurtre. Savoir que la décision de sa remise en liberté est entre les mains de ces gens est terrorisant. Cet homme a passé sa vie à manipuler les autres en sa faveur. Rien ne nous rassure.
    Il a dit qu'il n'avait pas terminé son travail et qu'il n'en avait tué qu'un sur quatre. Imaginez, s'il sort. Je ne pourrai plus vivre. Même si cet homme était escorté, je ne serais pas rassurée, parce qu'on ne sait jamais ce qui peut se passer. Pendant 12 ans, nous avons eu des démêlés avec lui, qu'il s'agisse de justice civile ou de justice criminelle, et jamais il n'a été question de maladie mentale dans son cas.
    Il était toujours bien vêtu, avec sa mallette et tout. On dit qu'une psychose a causé le meurtre de Ronald, mais pendant des années, il l'a menacé et lui a dit qu'il allait le tuer. Nous ne comprenons plus, nous sommes mêlés. À aucun moment nous n'avons eu le droit de dire un seul mot. Seules les déclarations de l'accusé ont compté. Jamais un psychiatre ne nous a questionnés, qu'il soit de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal ou de la contre-expertise. Nous sommes des statues dans la salle. Nous n'avons jamais eu notre mot à dire, nous n'avons jamais pu faire part de notre opinion. Seule la journée du meurtre a compté.
    Pour nous, qu'il y ait la déclaration « à haut risque » et que les gens doivent attendre trois ans avant de pouvoir passer de nouveau devant la commission, c'est beaucoup, c'est déjà un grand pas. Ce projet de loi nous redonnera confiance en la justice.

[Traduction]

    Monsieur Samson, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

[Français]

    Oui, c'est cela. Ce projet de loi nous sécurisera beaucoup. Avant cela, nous n'avions absolument rien, nous n'étions au courant de rien. Cela va nous sécuriser davantage. En effet, ma famille et moi sommes en faveur de ce projet de loi.
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir entendu.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    M. Cotler, du Parti libéral, est notre prochain intervenant.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à Nathalie Des Rosiers.
    Tout d'abord, permettez-moi de vous féliciter de votre nomination au poste de doyenne de la Faculté de droit, programme de common law, à l'Université d'Ottawa. Soyez à nouveau la bienvenue.
    J'aimerais vous poser une question qui fera appel à vos connaissances juridiques.
    Si vous deviez donner un devoir à vos étudiants dans lequel vous leur demanderiez d'élaborer des réformes au régime de NRC, mais des réformes qui devraient être conformes à la Constitution, et qu'ils vous présentaient le projet de loi C-54, considéreriez-vous qu'il s'agit en fait d'un régime conforme à la Constitution?
    Comme je l'ai indiqué, il contient des dispositions qui sont vulnérables. L'utilisation du mot « brutal » ne suscite pas suffisamment de certitude sur le plan définitionnel pour satisfaire au critère du caractère arbitraire. C'est le premier volet.
    Le deuxième volet, c'est qu'il est difficile de concilier la façon dont le cadre limite l'approche thérapeutique, dont il limite la façon dont on traite la maladie. Cela peut également soulever des inquiétudes au sujet de la sécurité de la personne, la justice fondamentale...
    Selon nous, c'est là où le bât blesse, soit dans la malléabilité des termes utilisés. Il ne sera pas suffisant de dire que nous savons ce que nous voulons dire parce que ce sont des tragédies sur lesquelles le Parlement s'est penché à l'époque. C'est ce qui nous préoccupe. Le libellé ne correspond tout simplement pas aux objectifs que l'on cherche à atteindre.
    Il est tout à fait possible de donner des droits en matière d'information aux victimes; il devrait y en avoir dans tout le système, et il y en a. On devrait continuer de les défendre avec vigueur. On devrait également s'occuper des autres besoins.
    Il y a un argument intéressant selon lequel l'article 7 prévoit aussi des façons de concilier ces droits.
(1805)
    Dans la même veine, le projet de loi élimine l'exigence voulant que la décision imposée à l'accusé déclaré non responsable criminellement soit « la moins sévère et la moins privative de liberté  » possible, tout en haussant, si l'on veut, l'exigence de protéger le public, qui doit être incluse, comme nous en convenons tous. Vous en avez parlé.
    Le passage que j'ai cité provient directement de la décision rendue par la Cour suprême. Pouvez-vous nous parler des conséquences, tant sur le plan pratique que constitutionnel, de la suppression de ce critère?
    Le fait est qu'en raison de la suppression du fardeau le moins lourd, que nous devrions toujours vouloir pour des raisons de morale, parce que c'est moins coûteux pour le système, parce que c'est la bonne chose à faire... La meilleure façon de protéger la société, c'est de surveiller adéquatement les gens tout au long de leur traitement.
    Il existe aussi une certaine vulnérabilité sur le plan constitutionnel. De nombreux intervenants en ont déjà parlé, alors je n'ai pas abordé la question. Le Barreau du Québec est très explicite au sujet de cette vulnérabilité également.

[Français]

    Ma question s'adresse à Isabelle Malo et à André Samson.
     Comme vous le savez, plusieurs groupes du domaine de la santé mentale et du droit ont dit, lors de leurs témoignages, qu'ils s'opposaient à ce projet de loi. Ils ont notamment cité des chiffres et des études qui semblent démontrer que les mesures prévues dans ce projet de loi ne seront ni efficaces ni justes.
    Comment expliquez-vous cette divergence d'opinions? Remettez-vous en question ces chiffres ou les interprétez-vous différemment?
    Pour ma part, je pense que ce serait déjà un grand pas. Bien sûr, rien n'est parfait, mais il faut commencer quelque part. Ces gens ont besoin de soins spéciaux. Pour avoir fait l'objet de cet acharnement pendant autant d'années, je ne crois pas qu'un an soit suffisant.
    Nous ne sommes pas encore passés devant la Commission d'examen des troubles mentaux. Nous ne savons pas du tout comment ça fonctionne. Nous n'avons obtenu aucun renseignement à ce sujet. Tout ce que nous savons, c'est que nous avons le droit de lire une lettre afin d'expliquer pourquoi nous nous opposons à la libération de cette personne. J'imagine que ce cas est vraiment à haut risque. Le fait que nous puissions bénéficier d'un répit de trois ans avant qu'une autre évaluation ait lieu est vraiment important pour nous.
    La vie, c'est important. Ronald n'a pas eu le droit de se défendre. Il n'a plus droit à rien. C'est à nous d'agir. Protéger notre vie et sauver celle de notre mère est ce qui compte pour nous. La sécurité est primordiale. Or, nous sommes vraiment lancés dans l'inconnu. Nous faisons ce que nous pouvons avec ce que nous avons.

[Traduction]

    Merci, madame.
    Le dernier intervenant est M. Seeback, du Parti conservateur.
(1810)
    Merci, monsieur le président.
    Nathalie, c'est un plaisir de vous voir. Je disais que j'étudiais à la faculté de droit de l'Université Western quand vous y enseigniez.
    Je trouve intéressant que ce soit moi, maintenant, qui pose les questions; c'est très différent de ce qui se passe à la faculté de droit.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Kyle Seeback: J'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait dans votre exposé. Vous parliez du paragraphe 672.64(1), qui porte sur la désignation d'un accusé à haut risque. Vous disiez que l'évaluation serait faite au mauvais moment, car ce serait avant le traitement.
    Je doute que ce soit exact. En fait, je crois que c'est complètement faux.
    Le paragraphe en question dit: « Sur demande du poursuivant faite avant toute décision portant libération inconditionnelle de l'accusé... » Cela se passe avant l'audience de la commission d'examen; c'est lorsqu'un examen peut être effectué par la commission. La personne a été déclarée non responsable criminellement par un tribunal. Elle va recevoir un traitement à l'hôpital. En vertu des articles, les gens qui sont déclarés non responsables criminellement vont à l'hôpital pour recevoir un traitement. C'est lorsque la commission d'examen décidera de la libération inconditionnelle de la personne que la Couronne pourra présenter la demande.
    Par conséquent, lorsque vous dites que le traitement n'a pas eu lieu, c'est faux, car la personne a été traitée, et suffisamment pour qu'une commission estime qu'il est temps de la libérer inconditionnellement.
    Je vous donne l'occasion de rectifier les faits.
    L'argument que je tentais de faire valoir portait sur la façon dont cela oblige le tribunal à effectuer une évaluation en se fondant sur les probabilités, notamment.
    Nous ne nous entendrons pas quant à savoir si l'alinéa 672.64(1)a) est le critère approprié. À mon avis, l'alinéa b) est celui qui nous préoccupe particulièrement.
    Nous pouvons être en désaccord quant à savoir si le critère est parfait sur le plan sémantique, mais vous conviendrez que l'affirmation selon laquelle cela se fait avant le traitement était inexacte.
    Oui. Je voulais dire que c'est à l'extérieur du cadre de thérapie... Vous avez raison.
    Très bien.
    Beaucoup de personnes nous ont dit avoir des réserves au sujet de cette évaluation, du fait que l'acte qui a été commis était brutal et que c'est ce qui sera utilisé pour déterminer si une personne doit être libérée ou non, mais comme je l'ai souligné, ce n'est pas ce que dit l'article. Il dit:
les actes à l’origine de l’infraction étaient d’une nature si brutale
     — et voici l'élément clé —
qu’il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique — pour une autre personne.
    C'est davantage un double critère, mais cela ne s'arrête pas là. L'article donne ensuite une série d'éléments qu'un juge peut prendre en compte pour déterminer si cela va répondre à ce double critère. Parmi ces éléments, on trouve l'avis des experts qui ont examiné l'accusé.
    Ce n'est donc pas... L'évaluation n'est pas faite seulement en fonction du fait que tel crime était brutal et que tel autre ne l'était pas, n'est-ce pas?
    Vous avez raison de dire que l'article continue et qu'il s'agit d'une évaluation complète — il faut l'espérer; autrement, ce serait tout à fait inconstitutionnel.
    Nous devons dire que de toute évidence, il doit s'agir d'une évaluation complète qui ne fait pas totalement abstraction de l'aspect thérapeutique ou des préoccupations liées à la maladie. Je crains qu'il ne soit très difficile d'utiliser le critère du mot « brutal », peu importe à quel point on modifie...
    Ce n'est pas seulement le mot « brutal », c'est « d’une nature si brutale qu’il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique — pour une autre personne ».
    C'est vrai, et à mon sens, l'expression « d'une nature si brutale qu’il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique » ne rend pas les choses moins ambigües. Voilà où je veux en venir.
    Je pense que vous pourriez supprimer le mot « brutal ». Vous pourriez hausser le niveau. Je crois que l'alinéa 672.64(1)b) est problématique.
    D'accord.
    Il y a une dernière chose dont je veux parler. Un certain nombre de personnes semblent dire que le terme « facteur prépondérant » pose problème, ou « la sécurité du public est le facteur prépondérant ». Bien des gens disent que c'est très problématique dans cette mesure législative.
    Mais à ma connaissance, dans l'arrêt R. c. Conway...
    C'est déjà le cas.
    ... la Cour suprême du Canada, pas plus tard qu'en 2010, a dit bien clairement que la sécurité du public est le « facteur prépondérant ».
    Nous ne faisons que codifier une décision existante de la Cour suprême du Canada, n'est-ce pas?
    Eh bien, d'aucuns diront que ce n'est pas nécessaire, que votre mesure législative n'est pas nécessaire, car la jurisprudence a déjà indiqué que la sécurité du public est prépondérante.
(1815)
    Mais ce n'est pas l'argument que l'on fait valoir ici. On dit que ce terme ne devrait pas être là.
    Par contre, le projet de loi ajoute le nouveau concept d’un accusé à haut risque avec la difficulté d’interprétation que je viens de souligner. Je crois que c’est la différence clé. Cela ne crée pas une nouvelle catégorie de délinquants; cela ne codifie pas la décision de la Cour suprême du Canada...
    D’accord, mais la Cour suprême du Canada a clairement dit que...
    Je m’excuse, mais vous n’avez plus le temps de vous disputer avec la professeure.
    Merci aux témoins.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Samson.

[Traduction]

    J’espère que vous pouvez m’entendre. Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre nos travaux le temps de passer au prochain groupe de témoins.
(1815)

(1815)
    Nous reprenons la séance.
    Avant de laisser la parole aux témoins du dernier groupe, nous devons libérer cette pièce à 19 heures. Nous n’aurons donc malheureusement pas beaucoup de temps pour les questions.
    À titre informatif, comme je l’ai mentionné, nous entendrons deux autres groupes de témoins mercredi, puis de 17 h 30 à 18 h 30, nous entreprendrons l’étude article par article. Cela prendra peut-être plus d’une heure.
    La séance aura lieu dans cette pièce. Nous avons été en mesure de changer de pièce. C’est une bonne nouvelle, d’une certaine façon. Il y aura également de la nourriture.
    Si nous sommes de retour la semaine prochaine, comme c’est prévu à l’horaire, nous examinerons le projet de loi de James Bezan. J’en oublie le numéro, mais c’est notre prochain dossier. Nous commencerons nos travaux par le témoignage de M. Bezan, et nous verrons jusqu’où nous nous rendrons à cet égard. C’est ce que nous ferons la semaine prochaine, si nous avons une séance.
    Merci, mesdames et messieurs, de votre patience. Nous accusons un retard sur l’horaire. Nous irons donc le plus vite possible, mais je veux m’assurer que vous avez vos 10 minutes.
    Premièrement, nous avons, à titre personnel, M. Ben Bedarf. Vous avez 10 minutes.
(1820)
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité de la justice et des droits de la personne, je m’appelle Ben Bedarf. Je témoigne ici aujourd’hui en vue de vous donner mon opinion concernant le projet de loi et de répondre à vos questions.
    Je suis une victime. Mon petit-fils de sept ans a été sauvagement tué par son père avec un couteau le 27 juillet 2011. Ma fille a essayé de l’en empêcher, mais elle en a récolté de graves lacérations aux mains et aux avant-bras.
    Nous avons reçu un appel de l’hôpital de Campbell River aux alentours de 3 heures nous disant de nous y rendre. Rien d’autre ne nous a été dit; on ne nous a donné aucune autre information. Lorsque nous sommes passés en face de la maison de notre fille, dont nous sommes également propriétaires, nous avons remarqué un grand nombre d’agents de la GRC. Nous nous sommes arrêtés et nous leur avons demandé ce qui s’était passé. On ne nous a rien dit, outre de se rendre à l’hôpital.
    À notre arrivée au service des urgences de l’hôpital, on nous a dirigés vers la chambre où ma fille recevait des points de suture. Lorsqu’elle m’a vu, elle a dit « Je m’excuse, papa; j’ai essayé de l’en empêcher. » Je l’ai prise dans mes bras et j’ai dit au docteur de terminer les points de suture. J’ai ensuite demandé où se trouvait mon petit-fils, mon rayon de soleil. Personne ne m’a répondu. J’ai ensuite vu une infirmière et je lui ai demandé où se trouvait mon petit. Elle m’a répondu « Je suis désolée; il n’a pas survécu », puis elle est partie. Il n’y avait personne vers qui se tourner à l’hôpital: aucun service aux victimes, aucun conseiller pour les victimes, aucun prêtre, aucune aide.
    Le médecin est arrivé et nous a dit que nous pouvions ramener notre fille à la maison. Il lui a donné deux ou trois antidouleurs et des prescriptions pour des antidouleurs et des antidépresseurs, puis nous a dit au revoir.
    Étant donné que l’accident était survenu pendant que ma fille dormait, elle ne portait qu’une chemise de nuit, qui était imbibée de sang. L’hôpital a donné à ma fille une chemise d’hôpital propre, et elle a obtenu son congé de l’hôpital. Elle n’avait pas de souliers; elle n’a eu que des couvre-chaussures en plastique. J’ai dû lui donner mon propre manteau pour qu’elle ait quelque chose à se mettre sur le dos pour retourner à la maison.
    Avant de quitter l’hôpital, j’ai demandé à voir le corps de mon petit-fils, ce qui m’a été refusé.
    Le lendemain, nous avons dû aller magasiner des vêtements et des articles de toilette avec notre fille. Nous ne pouvions pas entrer dans sa maison pour prendre des objets en raison de l’enquête médico-légale. La GRC a dit qu’on ne pouvait pas entrer dans la maison avant que les services médico-légaux aient terminé leur enquête, ce qui prendrait environ quatre jours. Si nous n’avions pas été là, elle n’aurait eu nulle part où aller.
    L’équipe médico-légale a terminé son travail, et nous avons eu l’autorisation d’entrer dans la maison, mais on nous a dit de ne pas y aller avant que les services de rénovation soient venus nettoyer le tout et repeindre les murs, en raison de l’ampleur des éclaboussures de sang. Ce qui se trouvait dans la maison a été en grande partie jeté, ce qui a laissé la maison vide de tout meuble et de tout vêtement.
    Le lendemain, les gens des services aux victimes de la GRC ont communiqué avec nous. C’était vital, parce que ces personnes nous ont donné des renseignements concernant des faits. Étant donné que les agents de la GRC sont les premiers répondants, ils devraient pouvoir donner toute l’aide immédiate nécessaire en vue de rassurer la victime, y compris de l’aide financière par l’entremise du Programme d’aide aux victimes de la GRC.
    M. Brent Warren a été accusé de meurtre au premier degré; il a été reconnu non coupable en raison d’un trouble mental.
    Actuellement, il ne se trouve plus dans le système de justice pénale; il est plutôt un patient dans un hôpital psychiatrique, et il recevra son congé lorsque son état se sera amélioré. Ce sera en fonction de l’opinion d’un groupe de psychiatres. On ne se demande plus s’il sera libéré, mais bien quand il le sera. Selon des spécialistes dans le domaine, cela pourrait prendre seulement de deux à cinq ans.
    Que pouvons-nous faire à ce sujet?
    Je recommande d’accorder aux victimes un financement immédiat pour payer les dépenses engagées et trouver un logement sécuritaire; l’accès au compte dans le cas où il n’est qu’au nom de la conjointe; un financement immédiat, dans certains cas, pour le transport vers la maison des parents ou des grands-parents, même si la famille habite à l’extérieur de la province. Des fonds devraient être disponibles en vue d’offrir une aide à long terme aux gens qui en ont besoin par l’entremise de l’assurance-emploi, du Régime de pensions du Canada, de l’assurance-invalidité ou de tout autre mécanisme adéquat en vue d'assurer la survie à long terme de la victime et possiblement des enfants, y compris des adolescents.
    Le procureur de la Couronne doit agir rapidement et ne pas laisser traîner le dossier, parce que cela peut créer une plus grande angoisse pour les victimes et leur famille.
    Selon moi, lorsqu’il sera libéré, des accusations devraient être déposées concernant les blessures subies par ma fille. Rien n’a été déposé. Il ne devrait pas y avoir de date limite pour déposer des accusations criminelles dans un tel cas. Il devrait y avoir une peine minimale de 10 ans dans un hôpital psychiatrique ou toute autre institution jugée nécessaire pour une personne qui a commis un meurtre et qui a été reconnue non coupable en raison d’un trouble mental.
(1825)
    On devrait émettre une ordonnance de non-communication, si une demande est faite en ce sens. Il ne devrait pas être libéré dans la province où le geste violent a été posé. Je ne souhaite pas le croiser en me promenant. Il sait ce qui risquerait de se passer.
    Je vous ai présenté cet exposé le 10 juin 2013.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre exposé, monsieur.
    Nos prochains témoins représentent l’Association canadienne pour la santé mentale. Veuillez vous présenter. Vous avez 10 minutes.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité et les témoins. Ces histoires de victimes sont très tragiques et déchirantes. Bien honnêtement, elles abordent des aspects du système qui vont bien au-delà des modifications au Code criminel dont il est question aujourd’hui.
    Je m’appelle Peter Coleridge. Je suis chef de la direction nationale de l’Association canadienne pour la santé mentale, aussi connue sous le sigle ACSM. Je suis accompagné par Mark Ferdinand qui est notre directeur national des politiques publiques.
    L’ACSM est le plus gros et le plus vieux fournisseur de services de santé mentale dans les collectivités partout au Canada. Elle a été fondée en 1918. Nous fournissons des services à des milliers de Canadiens chaque jour dans des centaines de collectivités partout au pays. Nous dépendons du travail du personnel et de milliers de bénévoles en vue de faciliter l’accès aux ressources nécessaires aux gens en vue de maintenir et d'améliorer leur santé mentale, de réintégrer la société, d'accroître leur résilience et de soutenir leur rétablissement lié à un trouble mental.
    En plus d’être un fournisseur de première ligne de services de santé mentale dans les collectivités, nous sommes aussi un grand défenseur de la santé mentale pour tous les Canadiens. Nous faisons activement la promotion d’une bonne santé mentale, des manières dont les gens peuvent mettre l’accent sur les forces, le bien-être et le fonctionnement dans la collectivité, à la maison, à l’école et au travail. Nous donnons des conseils quant à l’élaboration de bonnes politiques publiques qui soutiennent une bonne santé mentale et nous améliorons l’accès à du soutien au sein de la collectivité et à des services de santé mentale de qualité, et c’est pourquoi nous sommes ici. Nous partageons bon nombre des préoccupations émises par nos partenaires du domaine de la santé mentale qui ont pris la parole avant nous, dont la Société canadienne de la schizophrénie et le Centre de toxicomanie et de santé mentale.
    Nous nous efforçons aussi de sensibiliser davantage la société à la maladie mentale. Malheureusement, notre société a de nombreuses perceptions erronées concernant la maladie mentale. La représentation dans les médias et les étiquettes accolées dans notre société donnent l’impression que les crimes graves et violents sont commis par des gens ayant un trouble mental et que c’est commun, alors que c’est peu fréquent. La majorité des gens violents n’ont pas de maladie mentale. Les gens ayant des maladies mentales ne sont pas plus violents que tout autre groupe dans notre société; en fait, les gens ayant une maladie mentale sont plus susceptibles d’être victimes de violence. Il importe aussi de comprendre que certaines personnes qui entrent dans le système de justice pénale n’avaient pas reçu au préalable un diagnostic de maladie mentale; ce diagnostic est survenu après que les gens sont entrés dans le système de justice pénale à la suite d’un crime.
    Ces gens ont besoin de traitements et de soins. Les punir ne mènera pas au rétablissement des personnes qui ont été reconnues non criminellement responsables d’un crime. Cela pourrait expliquer en partie pourquoi le taux de récidive des gens qui ont reçu un verdict de non-responsabilité criminelle en raison de troubles mentaux est de trois à quatre fois plus faible que dans la population de délinquants en général. Au dire de tous, la maladie mentale est complexe. Je crois que tous les témoins vous l’ont clairement dit. Cependant, avec le soutien adéquat et l’accès à des soins, les gens ayant une maladie mentale, y compris ceux qui ont des troubles mentaux graves, peuvent être aidés. L’espoir est actuellement plus grand que jamais, à savoir que nous pouvons efficacement traiter ces maladies et améliorer les chances de rétablissement.
    Des recherches à long terme ont démontré que bien des gens ayant des troubles mentaux graves sont en mesure de vivre une vie productive. Comme vous le savez, le Canada a réalisé des progrès considérables en vue de réduire la discrimination et le rejet associés à la maladie mentale. L’ACSM souhaite poursuivre cette progression avec tous les Canadiens, le gouvernement fédéral, la Commission de la santé mentale du Canada et ses nombreux partenaires en santé mentale partout au Canada. Par contre, nous craignons que les modifications proposées aux dispositions du Code criminel sur les verdicts de non-responsabilité criminelle influent négativement sur la vie des gens qui reçoivent un verdict de non-responsabilité criminelle et attisent de façon injustifiable le rejet que vivent les gens ayant une maladie mentale, rejet qui est omniprésent dans notre société aux niveaux systémique, communautaire et individuel.
    Par exemple, nous craignons que les dispositions visant à créer une catégorie d’accusés à haut risque et à restreindre les permissions de sortir sans escorte puissent avoir des conséquences involontaires sur la capacité des professionnels en santé mentale de surveiller et d’évaluer adéquatement les gens qui ont reçu un verdict de non-responsabilité criminelle. Nous craignons également que la création d’une catégorie d’accusés à haut risque renforce le rejet associé à la maladie mentale, dont l’établissement d’un lien entre la maladie mentale et le danger pour la population et la violence.
(1830)
    Des études nous rapportent que de nombreuses personnes qui pourraient profiter de soins ou de services de santé mentale ne chercheront pas à en recevoir ou à participer pleinement à leurs traitements pour éviter qu’on leur colle des étiquettes qui pourraient nuire à leur estime de soi et à leurs relations sociales.
    Enfin, en ce qui a trait à la disposition relative au facteur prépondérant de la sécurité du public, nous n’avons vu aucune preuve que les commissions d’examen ne tiennent pas déjà compte de la sécurité du public lorsqu’elles prennent des décisions. Donc, rien ne prouve que les modifications proposées aient un quelconque effet sur la protection du public. Une telle modification alimentera seulement le rejet en donnant l’impression que tous les gens qui sont reconnus non criminellement responsables sont susceptibles de récidiver.
    En proposant le présent projet de loi, nous comprenons que le gouvernement fédéral cherche à avoir une meilleure cohérence et une meilleure uniformité dans l’application du Code criminel partout au Canada. En vue d’atteindre cet objectif double d’uniformité et de cohérence, nous recommandons que les parlementaires se renseignent sur les conséquences des dispositions proposées sur les victimes, les gens ayant reçu un verdict de non-responsabilité criminelle, la sécurité du public et les fournisseurs de services de santé et de services de santé mentale partout au pays.
    L’évaluation de ces effets est encore plus importante lorsque nous considérons que la santé mentale est une question qui touche plusieurs secteurs. Ces questions sont très complexes.
    Comme l'ont dit bon nombre d’autres témoins selon leur point de vue différent, étant donné que nous ne sommes pas encore au courant des conséquences possibles des présentes modifications sur les gens et nos systèmes, nous vous recommandons fortement d’inclure dans le projet de loi C-54 une disposition qui établirait un cadre d’évaluation à la fois flexible et rigoureux. Cela permettrait de mieux comprendre les conséquences des modifications proposées au Code criminel sur la capacité d’une victime d'accéder à des renseignements pertinents et utiles sur l’accusé ayant reçu un verdict de non-responsabilité criminelle, les problèmes de capacité dans le système psychiatrique médico-légal, les effets réels sur la sécurité du public, les traitements, les taux de récidive et la santé des accusés ayant reçu un verdict de non-responsabilité criminelle.
    Une simple disposition, comme on en retrouve dans d’autres lois fédérales et provinciales, suffirait à assurer un examen régulier des effets des mesures sur les gens et à déterminer si nous arrivons aux résultats escomptés.
    En terminant, nous croyons qu’il est approprié que le gouvernement entreprenne des examens périodiques des dispositions sur les troubles de santé mentale figurant dans le Code criminel. Nous croyons aussi que même si nous étions en mesure de trouver l’équilibre parfait entre les droits individuels et l’intérêt public par l’entremise de dispositions du droit pénal, nous serions encore terriblement loin de ce qui est nécessaire en vue d’aborder la partie de l’iceberg que nous ne pouvons pas voir ou que nous refusons parfois de voir.
    En fin de compte, une meilleure coopération et une meilleure coordination entre les ordres de gouvernement sont désespérément nécessaires en vue d’améliorer la manière dont nous traitons les délinquants ayant des troubles mentaux dans le système de justice pénale. Nous serions ravis d’avoir l’occasion d’aborder cette question pressante. Cet enjeu devrait inclure la réduction du rejet, l’amélioration du rétablissement, la continuité des soins, la réintégration dans la société et l’amélioration de la sécurité du public.
    Nous savons que le projet de loi a été rédigé avec soin, et ceux qui y ont participé ont soigneusement examiné les questions juridiques et même constitutionnelles liées au projet de loi. Cependant, une véritable consultation et une meilleure uniformité des politiques sont nécessaires.
    En particulier, nous devons savoir que la participation des victimes dans le système des commissions d’examen est adéquate, que la sécurité du public est véritablement améliorée, que les droits des accusés ne sont pas violés et que le rétablissement et l’accès à des traitements efficaces ne sont pas involontairement rendus plus difficiles ou plus limités en raison de ces modifications.
    Monsieur le président, merci de nous avoir donné l’occasion de témoigner devant votre comité. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
(1835)
    Merci beaucoup pour cet exposé.
    Notre prochain témoin est avec l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues.
    Veuillez vous présenter.

[Français]

    Bonjour. Je m'appelle Michel Surprenant et je suis président de l'AFPAD, soit l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues.
    Je tiens à remercier les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes de me recevoir aujourd'hui à l'occasion de l'étude du projet de loi C-54.
    J'aimerais vous présenter quelques exemples de cas de non-responsabilité criminelle qui ont préoccupé les familles membres de l'association au cours des dernières années et qui justifient l'appui de l'AFPAD à ce projet de loi.
    Permettez-moi d'abord de vous parler, en quelques mots, de l'AFPAD, que je représente. Fondée par des familles de victimes pour des familles des victimes, l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues a pour mission principale d'accompagner et de conseiller des familles touchées par un homicide ou une disparition dans des circonstances d'apparence criminelle et de défendre leurs intérêts. L'AFPAD compte plus de 500 familles membres.
    Au cours des dernières années, plusieurs cas ont attiré l'attention des victimes au Québec. J'aimerais vous entretenir au sujet de certains de ces cas.
    J'aborderai premièrement le cas de Pascal Morin. Le 10 février 2012, il y a un peu plus d'un an, dans un élan de folie meurtrière et affecté par une maladie mentale, Pascal Morin a tué tour à tour sa mère, Ginette Roy-Morin, 70 ans, et ses deux nièces, Laurence et Juliette Fillion. Au terme de son procès, Pascal Morin a été reconnu non criminellement responsable de ses gestes en vertu de l'article 16 du Code criminel.
    Personne ne questionne le fait qu'il était malade. Il est actuellement à l'hôpital sous la responsabilité de la Commission de la santé mentale. Cependant, la perspective d'une libération de Pascal Morin fait très peur à la famille, mais aussi à la communauté, qui connaît pourtant bien Pascal Morin.
    La perspective de libérer de telles personnes fait craindre le pire aux familles des victimes ainsi qu'aux autorités. Je tiens à vous citer les propos de Francis Fillion, le père des victimes: « Notre autre fille de cinq ans se demande encore si son oncle viendra la voir pour la tuer. Tout ce que je veux maintenant, c'est de prendre soin de ma famille sans avoir la crainte qu'il puisse la visiter! »
    Par ailleurs, les maires de la région de Saint-Romain ont demandé au gouvernement d'intervenir afin de prévenir ce genre de cas. Le 8 décembre 2012, le conseil des maires de la MRC du Granit a exprimé l'urgence de trouver des pistes de solution afin que des drames de ce genre ne se reproduisent plus à l'avenir.
    Selon l'AFPAD, en plus d'un renforcement des ressources médicales destinées aux personnes souffrant de troubles mentaux, le projet de loi C-54 représente une solution incontournable.
    Comme le disait la Dre Gaston lors de son témoignage devant le comité le 5 juin 2013, il faut faire une distinction entre la prévention primaire et la prévention secondaire. La prévention primaire consiste à donner des ressources pour traiter les personnes souffrant de troubles mentaux avant que leurs cas deviennent si lourds qu'elles représentent un danger pour les autres membres de la société. C'est donc le gouvernement provincial qui doit s'en occuper, puisque cela relève de la responsabilité des autorités en matière de santé.
    Par ailleurs, quand un crime a été commis et qu'il s'agit de sévices graves perpétrés sur une personne, l'AFPAD croit qu'il est raisonnable et juste de prendre des mesures préventives afin qu'une personne qui a commis un crime, mais qui a été jugée non criminellement responsable, ne puisse pas en commettre un de nouveau. Pour y parvenir, il faut que la personne demeure encadrée et suivie de très près pendant un certain nombre d'années.
    Le projet de loi C-54 fera en sorte que les cas les plus lourds ne puissent faire l'objet d'une sortie hâtive à l'extérieur des murs d'un hôpital. Il ne s'agit pas de les mettre en prison, mais de leur donner les soins nécessaires.
    Le projet de loi C-54 est une réponse raisonnable et juste qui pourrait permettre aux proches de la famille de M. Ronald Malo de se sentir respectés comme victimes. Nous rappelons que M. Ronald Malo a été assassiné froidement par Rolland Belzil à l'hôtel de ville de Verchères. Rolland Belzil a été déclaré non criminellement responsable après avoir été accusé en 2012 de tentative de meurtre contre deux employés de la Ville de Verchères, en Montérégie. Une troisième accusation, cette fois de meurtre à l'endroit de son voisin de 80 ans, Ronald Malo, a été déposée plus tard.
(1840)
     Le système de justice a besoin du projet de loi C-54 pour rétablir la confiance du public envers les institutions du système judiciaire. Non seulement une perte de confiance des citoyens envers le système de justice entraîne la méfiance à l'égard des juges, des avocats de la défense et des procureurs de la Couronne, mais elle suscite aussi la méfiance et la peur dans les familles et au sein de la communauté. Ces craintes ne sont pas injustifiées.
    Rolland Belzil a poignardé à mort son voisin Ronald Malo à la suite d'une chicane de clôture qui a persisté pendant 12 ans. Il se serait ensuite rendu à l'hôtel de ville où il aurait attaqué le directeur général de la Ville, Luc Forcier, et son adjoint, Martin Massicotte, à la pointe du couteau. Permettez-moi de citer l'avocate des victimes qui ont eu la chance de se faire représenter. Voici les propos de Me Christine Dubreuil-Duchaine parus dans un article:
« À quel moment déclare-t-on qu’une personne est dangereuse ou pas? Jusqu’où peut-on aller sans qu’il y ait de véritables conséquences? Pour moi, cette affaire est le pendant de celle de Guy Turcotte. [...] », dit Me Dubreuil-Duchaine.
Selon l’avocate, le système juridique québécois doit se poser les bonnes questions, afin qu’il n’y ait plus d’autre Ronald Malo. La justice doit-elle se montrer plus sévère? Doit-on intervenir plus rapidement?
« Quelqu’un a payé de sa vie pour que ces questions soient posées », déplore Me Dubreuil-Duchaine [...] »
     Je vais aussi vous parler du cas d'Alain Piché, un comptable qui vivait au Cap-de-la-Madeleine et qui n'avait pas d'antécédents criminels. Pourtant, le 19 mars 2007, Alain Piché a tué ses parents. Il leur a coupé la tête au moyen d'une hache et d'un objet contondant avant de cacher les corps dans un congélateur. En juillet 2008, le tribunal a prononcé son verdict et l'a jugé non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux. En juin 2009, Piché a été interné à l'Institut Philippe-Pinel.
    La Commission d'examen des troubles mentaux avait autorisé Piché à bénéficier de sorties sans accompagnement. Je répète: il s'agissait de sorties sans accompagnement. La seule condition qui lui avait été imposée était de ne pas communiquer avec des membres de sa famille. L'équipe médicale traitante se voyait même confier le pouvoir de déterminer les modalités, la durée et la fréquence de ses sorties en fonction de son état clinique et de son comportement.
     Cela avait soulevé l'indignation du procureur aux poursuites criminelles et pénales chargé de ce dossier, Me Jean-François Bouvette. Le procureur avait notamment déploré le fait qu'il incombait au commissaire d'encadrer les sorties d'Alain Piché et d'émettre des conditions pour assurer la protection du public. Cet exemple révèle bien la crainte que ce genre de permission a pu entraîner dans la communauté. Cet exemple démontre aussi les risques que comporte le fait de donner trop de marge de manoeuvre à la Commission d'examen des troubles mentaux.
    Grâce au projet de loi C-54, les cas les plus lourds de sévices contre des personnes pourront être mieux encadrés. Ce sera au juge de déterminer quand une personne sera à haut risque et quand elle ne le sera plus. Une personne à haut risque ne pourra pas sortir dans la communauté. Elle devra faire l'objet de soins médicaux intensifs, entourée de personnel médical formé. Certains diront que ça constitue une stigmatisation à l'égard des personnes souffrant de maladie mentale. L'AFPAD est d'avis qu'il s'agit d'une mesure de prévention secondaire, qui protégera la vie et la sécurité des membres de la communauté, incluant les familles et les personnes souffrant de maladie mentale qui n'ont pas commis de crimes graves.
(1845)
    Je terminerai en rappelant que ces causes de non-responsabilité, notamment la cause de Guy Turcotte, qui a tué ses deux enfants, ont touché la population. Très choquée par l'issue du procès de Guy Turcotte, une mère de famille de Sherbrooke, Fanny Denoncourt, a pris l'initiative d'organiser une marche pour dénoncer la violence faite aux enfants. La manifestation s'est déroulée le 2 mars 2013 dans les rues de Sherbrooke, et d'autres manifestations semblables ont eu lieu simultanément ailleurs au Québec, notamment pour réclamer le durcissement des lois criminelles.
    Au nom des victimes, au nom des futures victimes qui auront à vivre des drames, au nom de la population, nous vous demandons d'appuyer le projet de loi C-54 et de l'adopter au plus vite, sinon le système de justice perdra encore de sa légitimité.
    Merci.
    Merci, monsieur.
    Le prochain groupe de témoins représente l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec.
    Monsieur le président, monsieur le vice-président et membres du comité, nous vous remercions de nous avoir invités à vous présenter notre mémoire.
    L'Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec, ou l'AGIDD-SMQ, a été fondée en 1990. Elle lutte en faveur de la reconnaissance et de l'exercice des droits pour les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale. Nous sommes un organisme sans but lucratif, un organisme communautaire.
    Nous avons acquis, depuis notre fondation, une expertise reconnue concernant les droits des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale. Nous portons un regard critique sur les pratiques en santé mentale et nous nous impliquons dans le renouvellement de ces pratiques.
    D'entrée de jeu, je tiens à préciser que l'AGIDD-SMQ n'a jamais cautionné la violence quelle qu'elle soit et ne le fera jamais. Avoir un problème de santé mentale n'excuse pas la violence. Je veux le préciser d'emblée. Toutefois, nous considérons qu'opposer les droits des victimes à ceux des criminels ne garantit aucunement la justice. Au contraire, mettre en place des mesures punitives ne soulagera ni la perte ni la souffrance.
    Le gouvernement du Canada doit mettre en place des mesures pour assurer aux victimes l'accès à la justice, à des services psychosociaux, à des services d'aide directe et de soutien ainsi qu'à des mesures financières compensatoires, comme plusieurs personnes vous l'ont dit aujourd'hui.
    Je laisse la parole à ma collègue, Mme Serradori.
     Nous allons parler plus particulièrement des articles suivants: l'article 9, sur la prépondérance de la sécurité du public; l'article 10, sur la définition de risque important pour la sécurité du public; et l'article 12, qui ajoute au Code criminel la notion d'accusé à haut risque, et tous les articles concordants avec cette notion.
    Nous estimons que ces articles diminuent l'exercice des droits des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, qu'ils renforcent la stigmatisation à leur égard, qu'ils entretiennent les préjugés et qu'ils restreignent l'accès à des recours crédibles, transparents, impartiaux et respectueux des droits.
    Même si nous ne sommes pas juristes, il nous apparaît que ces trois dispositions nuisent grandement aux principes de base de justice fondamentale et à l'esprit même de la Charte canadienne des droits et libertés.
     Ce projet de loi propose un retour vers le passé. Vous vous souvenez probablement tous que certaines de ces dispositions ont été abrogées en 2005. Elles reviennent en 2013, un peu différemment, mais ce sont les mêmes.
    De plus, ce projet de loi renforce la désinformation. Il associe santé mentale et violence, alors que la plupart du temps, les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale en sont victimes et vivent le seul système coercitif de la médecine.
    Nous ne vous parlerons pas vraiment de la recherche. Vous avez eu énormément de temps et entendu parler des résultats des recherches de Mme Anne Crocker.
    Les gens pensent qu'une personne ayant reçu un verdict de non-responsabilité criminelle rentre chez elle libre, or c'est tout à fait faux. Souvent, la personne reste incarcérée pendant une période plus longue que si elle avait été criminellement responsable de ses actes.
    Aussi, les gens croient que la santé mentale est due à un déséquilibre chimique du cerveau ou à l'hérédité. Actuellement, aucune recherche n'est capable de prouver cela. Malheureusement, ce projet de loi n'empêchera pas des actes fous.
    L'AGIDD-SMQ estime que ces mesures restreignent les droits des personnes dans des limites qui ne sont pas raisonnables et qu'elles ne peuvent pas se justifier dans le cadre d'une société libre et démocratique, en lien avec l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Par ailleurs, ces mesures contreviennent aux principes de base de justice fondamentale, soit la dignité humaine, la liberté et le respect de l'autonomie, conformément à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Pour toutes ces raisons, nous demandons le retrait des articles 9, 10 et 12 ainsi que de tous les articles concordants.
(1850)
    Les travaux, les recherches, le processus et la jurisprudence ont permis jusqu'à maintenant de diminuer l'arbitraire et de respecter les articles 1, 7, 9 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, de créer la section XX.1 du Code criminel et de privilégier la priorité à la mise en liberté.
    Introduire la notion d'« accusé à haut risque » et modifier la procédure en ce sens relèvent davantage d'un processus punitif, notamment en ce qui a trait à diverses dispositions.
    Tout d'abord, la première disposition concerne la déclaration d'accusé à haut risque. Cette mesure pourrait devenir une procédure habituelle pour tout accusé et faire en sorte qu'il soit automatiquement privé de sa liberté et détenu dans un hôpital. Comme le disait ma collègue, cette mesure associe santé mentale et dangerosité en élargissant la probabilité de récidive à la brutalité de l’acte.
    La deuxième disposition a trait à la possibilité de modification des délais de révision, qui ferait passer la détention de 1 à 3 ans.
    La privation automatique de la liberté et détention dans un hôpital constitue une troisième disposition.
    Comme on en a parlé, il est ensuite question des éléments suivants: l'ajout de la définition de « risque important pour la sécurité du public »; l'inclusion des traitements suivis et à venir de l'accusé et la volonté de celui-ci de suivre ces traitements; et l'impossibilité de séjours à l’extérieur de l’hôpital pour l’accusé à haut risque, qui fait que la détention devient la norme.
    Les lois, et encore moins le Code criminel, ne peuvent être arbitraires et s’éloigner de la primauté du droit et de l’esprit de la Charte canadienne des droits et libertés. Or, ces mesures sont d’une portée excessive et remettent en cause directement l’esprit et la portée de la partie XX.1 du Code criminel.
    Ces mesures reflètent une certaine imprécision, en particulier du point de vue des facteurs à considérer pour déclarer un accusé à haut risque. Le domaine de la santé mentale est uniquement basé sur une série de symptômes et de comportements. Il s'agit donc d'un domaine propice à la subjectivité.
     Ces mesures renforcent la vulnérabilité des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale en les stigmatisant.
    Enfin, une certaine concordance serait de mise avec l’esprit de la stratégie canadienne que nous a présentée cet après-midi la Commission de la santé mentale du Canada, qui a été créée en 2007 par le gouvernement actuel.
    En conclusion, nous allons vous proposer deux préalables qui devraient être réalisés avant de penser à tout changement législatif.
    Le premier préalable est de contrer la désinformation systémique et sensibiliser le public, les différents acteurs concernés et les médias sur les droits, les recours, la santé mentale et les psychotropes.
    À cette fin, il serait important qu'une sensibilisation soit offerte en matière de santé mentale en se servant, par exemple, du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le DSM. Nous vous proposons également toute une formation critique sur les effets des psychotropes. Nous tentons aussi d'élargir la vision de la santé mentale à d'autres acteurs que les psychiatres, tels que les sociologues, les neurologues et autres spécialistes, et cela inclut bien évidemment les personnes vivant ou ayant vécu des problèmes de santé mentale. Il est aussi question de la réalisation des droits de la personne.
    Il existe un deuxième préalable, également très important: le gouvernement devrait agir sur les déterminants sociaux avant de proposer tout changement à la loi.
    L'OMS décrit ainsi les déterminants sociaux de la santé:
Les déterminants sociaux de la santé sont les circonstances dans lesquelles les individus naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent ainsi que les systèmes mis en place pour faire face à la maladie.
    Nous pensons que de s'attaquer aux causes est souvent plus efficace que de s'attaquer aux symptômes. Par exemple, les modifications à l'assurance-emploi produiront certains effets sur la santé mentale des travailleurs et travailleuses. Nous considérons que le gouvernement devrait travailler pour agir sur les déterminants sociaux.
(1855)

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Nous allons y aller d'une question par parti, alors vous disposez d'une ou deux minutes.
     Monsieur Jacob, à vous les premières questions.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos invités d'être ici ce soir.
    Ma première question s'adresse aux représentants de l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec et de l'Association canadienne pour la santé mentale. Ils pourront répondre l'un à la suite de l'autre.
    Vos deux associations ont-elles été consultées au sujet du projet de loi C-54? Si oui, de quelle façon?
    Ma réponse sera très brève: nous n'avons jamais été consultés.
    Qu'en est-il de votre côté?

[Traduction]

    Oui, la mienne aussi le sera. Nous avons eu une réunion avec quelques membres du personnel du cabinet du ministre, et c'était tout.
    C'est tout.
    Le prochain intervenant est M. Armstrong, du parti Conservateur.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je ne poserai qu'une question, puis je me remettrai en ligne.
    Le projet de loi C-54 permettrait d'imposer une ordonnance de non-communication entre l'accusé déclaré non criminellement responsable et la victime, et une ordonnance interdisant à l'accusé de se trouver dans un lieu donné, à la demande de la victime.
    Monsieur Bedarf, vous avez mentionné cela dans un de vos commentaires, alors je présume que vous appuyez ces deux mesures législatives.
    Tout à fait. C'est une condition incontournable pour la tranquillité d'esprit de la victime.
    Merci.
    Monsieur Coleridge, appuyez-vous ces deux mesures législatives?
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    Monsieur...

[Français]

    Je m'excuse, mais je n'ai pas bien compris votre question.

[Traduction]

    Je vous demande si vous appuyez cette partie du projet de loi C-54 qui permet à une victime de demander que l'accusé, une fois remis en liberté, ne se trouve pas dans un lieu donné, et aussi qu'une ordonnance de non-communication puisse être imposée.

[Français]

    Oui, je suis d'accord.

[Traduction]

    Madame Provencher.

[Français]

    Je ne sais pas quoi répondre à cette question.

[Traduction]

    Je vous demande si vous êtes d'accord avec le fait qu'une victime puisse demander, sachant que l'accusé est sur le point d'être libéré, que ce dernier ne se trouve pas dans un endroit donné à un moment donné. Seriez-vous disposée à donner au moins ce droit aux victimes?

[Français]

    Écoutez...

[Traduction]

    D'accord. Merci, monsieur le président.
    Merci.
    La dernière minute est pour M. Cotler, du parti Libéral.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Coleridge et à M. Ferdinand.
     Durant ces audiences, nous avons entendu les avis d'un certain nombre de personnes, tant du côté des partisans que des opposants. Nous avons parlé de l'importance d'offrir des traitements préventifs à l'intention des personnes souffrant de troubles graves de santé mentale, avant qu'elles ne commettent des actes violents. Y a-t-il quoi que ce soit dans ce projet de loi qui pourrait faciliter la prestation de tels traitements? Y a-t-il quoi que ce soit dans la loi qui rendrait les choses plus faciles pour le personnel chargé de l'application des lois, pour le personnel médical ou pour les amis et parents d'un particulier affligé d'une maladie mentale, afin d'assurer qu'il reçoive ces traitements?
    Non. Il n'y a pas de dispositions en ce sens, et je ne m'attendrais pas à ce qu'il y en ait puisqu'il s'agit du Code criminel et que ce dernier ne traite pas de ces choses-là. C'était d'ailleurs aussi l'un de mes premiers points. Les problèmes et les défis pour un grand nombre de victimes — qui, encore une fois, sont déchirants — ne seront pas pris en compte dans le cadre de ces changements au Code criminel.
    Merci à tous nos témoins. Nous avons vos observations et vos témoignages, alors merci d'avoir été là aujourd'hui.
    Je signale aux membres du comité que nous traiterons à nouveau de cette question mercredi prochain, à 15 h 30. Nous poursuivrons nos délibérations jusqu'à ce que l'examen article par article soit terminé, ce qui, avec un peu de chance, devrait arriver quelque temps en soirée.
    Merci beaucoup.
    Sur ce, la séance est levée.
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