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Je dois commencer par m'excuser. Je suis terriblement nerveuse d'être ici, mais je vous suis aussi très reconnaissante de me donner l'occasion de me faire entendre. Merci beaucoup.
J'ai préparé quelque chose. Je veux vraiment vous raconter ce qui s'est passé. C'est difficile de mettre cela sur papier. Je suis ici pour vous parler de l'importance d'adopter le projet de loi .
Comme la plupart d'entre vous le savent, l'affaire Allan Schoenborn s'est déroulée à Merritt il y a environ quatre ans. Allan Schoenborn a suivi ma cousine à Merritt.
Ma cousine Darcie Clarke et ses trois enfants — Kaitlynne, 10 ans, Max, 8 ans, et Cordon, 5 ans — étaient heureux de déménager à Merritt. Les enfants avaient une bonne école et un merveilleux foyer. Darcie subvenait à leurs besoins. Elle m'a demandé si je pouvais lui fournir des références pour qu'elle puisse commencer à travailler, reprendre sa vie en main et s'assurer que ses enfants pourront grandir dans un environnement sain.
Elle s'était installée. Deux mois environ s'étaient écoulés. Comme je vous l'ai dit, elle m'a téléphoné pour me demander de lui fournir des références. Comme les enfants réussissaient bien à l'école, elle voulait commencer à travailler. Nous nous disions que le pire était passé. Allan la laissait tranquille.
Je ne me souviens plus s'il est arrivé en ville le jeudi ou le vendredi. Ma cousine Darcie avait peur. Elle ne voulait pas qu'il entre dans la maison, mais les enfants voulaient voir leur père. En bonne mère, elle a amené ses enfants au parc pour qu'il le voie. Il répétait sans cesse qu'il voulait rester. Ma cousine Darcie avait peur et lui disait qu'elle ne voulait pas.
Comme les enfants voulaient voir leur père, en bonne mère, elle ne voulait pas les en priver. C'est ce qu'elle avait en tête. Elle ne voulait pas que ses enfants lui en veuillent, et elle les a laissés voir leur père. Elle n'aurait jamais pu imaginer, même dans ses pires cauchemars, ce qu'il allait faire à ses propres enfants. Il était leur père. Elle s'attendait à ce qu'il la tue, elle, parce qu'il s'en était toujours pris à elle.
Je me souviens qu'ensuite ma mère m'a appelée pour me dire qu'Allan était en ville et que ma cousine Darcie le laissait seul avec les enfants. Elle était allée passer la nuit chez sa mère pour qu'il puisse passer du temps avec eux.
Je ne me souviens pas si c'est lui ou elle qui a appelé, mais il lui demandait sans cesse de venir à la maison. Elle lui répétait qu'elle ne voulait pas venir, qu'il devait en profiter pour passer du temps avec ses enfants, qu'ils se querellaient tout le temps et qu'ils devaient arrêter de le faire devant les enfants. Il ne voulait pas qu'elle raccroche. Il la suppliait de venir à la maison. Environ deux heures plus tard, elle voulait aller souhaiter bonne nuit aux enfants, mais il ne voulait pas. Il lui a répondu qu'ils dormaient déjà, que tout allait bien, de ne pas s'inquiéter. Elle a donc répondu « d'accord ».
Elle devait s'y faire. C'était ainsi lorsque les parents sont séparés. Le lendemain matin, elle a téléphoné, mais il n'y avait pas de réponse. Elle a rappelé un peu plus tard. Toujours pas de réponse. Même si elle habitait loin, elle s'est alors précipitée chez elle en courant. Ce qui l'attendait à son arrivée, c'était le pire cauchemar de tout être humain.
Voici ce qui s'est passé. Kaitlynne, qui avait 10 ans et était tout le portrait de sa mère — cheveux blonds, yeux bleus, tout simplement jolie — dormait quand son père l'a frappé en plein visage avec une machette. J'étais présente lorsqu'on a lu son témoignage. Allan a même mentionné que Kaitlynne lui avait dit: « Papa, je m'excuse, je m'excuse, qu'est-ce que j'ai fait? », mais il a continué à la frapper.
Puis, bien sûr, le bruit a réveillé Max, qui avait 8 ans à l'époque, et Cordon, qui avait 5 ans, et ils ont vu leur père assassiner leur soeur sans pouvoir lui venir en aide. Bien sûr, leur tour est venu ensuite. Ils ont été témoins de sa brutalité l'un après l'autre.
Max a été le suivant. Allan Schoenborn s'est emparé d'un oreiller pour l'étouffer, car la machette était trop ensanglantée. La mort n'avait pas été assez rapide dans le cas de Kaitlynne, car elle avait pu crier. Il a donc placé un oreiller sur le visage de Max pour l'étouffer, sous les yeux de Cordon. Puis il s'en est pris à Cordon.
Comme il n'était pas arrivé à étouffer Max rapidement, pendant que Cordon attendait son tour, il est allé chercher un sac de plastique pour lui mettre sur la tête pour l'étouffer.
Darcie ne voulait pas retourner à la maison. Il voulait qu'elle vienne pour la tuer, elle aussi. Elle avait toujours su qu'il voulait la tuer. En tuant tout le monde, il se disait qu'ils seraient tous ensemble au ciel.
Que fait-il alors? Il laisse Kaitlynne dans son lit, puis il place les corps de Max et de Cordon sur le divan pour que Darcie pense qu'ils dorment et s'en approchent tout près avant de se rendre compte qu'ils sont morts. Il écrit les mots « Jeunes pour toujours », avec ce qu'on pensait être du sang mais qui était en réalité de la sauce soya, au-dessus des corps des enfants, des paroles tirées des films de Disney, etc.
Darcie m'a dit ce qu'elle a ressenti en les voyant. Ils étaient là, mais ils ne bougeaient pas. Elle s'est approchée pour voir leur petit visage. Elle s'est précipitée ensuite dans la chambre pour voir Kaitlynne et l'a trouvée défigurée.
Où avait-il trouvé cette machette? Il l'avait apportée avec lui. Elle était là depuis deux mois. Il avait conduit pendant des heures. Il avait attendu pendant des jours. Il voulait qu'elle vienne à la maison. Tout était prémédité. Il avait tout planifié. Tout cela est incroyablement terrifiant. S'il sort de prison, je sais qu'il la tuera. J'aide Darcie. Il ne me laissera pas tranquille. Il voulait tuer ses enfants devant ses yeux pour la faire souffrir.
Après avoir assisté aux audiences, nous étions convaincus que le jury considérerait qu'il s'agissait d'un geste prémédité. Nous nous attendions à ce verdict, mais comme il y avait des antécédents de maladie mentale dans sa famille, on l'a jugé non criminellement responsable.
Ma cousine Darcie ne peut plus vivre à Merritt. Je compatis avec elle. Je l'ai invitée à venir habiter chez moi. J'aurais aimé qu'elle vienne habiter avec moi bien avant, mais ma mère avait peur pour moi et ne voulait pas. Elle est donc allée habiter chez sa mère à Merritt, comme il se devait. Mais mon tour est enfin venu de l'aider, d'aider ma cousine. Nous avons grandi ensemble. Nous étions très proches.
Elle est venue habiter chez moi. Quand je la regarde, je comprends ce qu'elle ressent, pourquoi elle ne veut pas quitter sa chambre. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Il m'a fallu beaucoup d'efforts pour l'amener à manger, à sortir de sa chambre, à sortir de la maison, puis elle doit aller à la révision annuelle.
Elle revient à la maison. Elle a pris un abonnement pour aller à la piscine. Voici ce qui me rend folle. Il la connaît si bien. Elle s'est abonnée à la piscine. J'étais fière d'elle, surtout de voir qu'elle voulait être avec des enfants. Comment faisait-elle si tôt après avoir perdu les siens? Elle adore les enfants. Elle aime être entourée d'enfants. Je suis si fière d'elle, fière de ses progrès. Elle est arrivée à la maison, un journal à la main. Il y avait la photo d'Allan et un article dans lequel il disait qu'il se lève tôt, et qu'il veut aller à la piscine et qu'il veut aller prendre un café à Starbucks.
Il se trouve dans notre quartier. Colony Farm se trouve juste en bas de la rue. Qu'arriverait-il s'il avait la permission de sortir? Je pourrais le croiser. Ma cousine pourrait le croiser, le voir. Je ne devrais pas avoir à vivre avec cette crainte, et elle non plus.
J'ai alors parlé à tous ceux à qui je pouvais parler. J'ai envoyé des courriels à tous ceux à qui je pouvais en envoyer. On m'a répondu: « La loi est ainsi. Nous ne pouvons rien faire. Il faut faire modifier la loi ». Je leur ai alors demandé ce que je devais faire, de m'aider. J'ai seulement besoin d'aide.
Barry Penner, qui était notre procureur général à l'époque, m'a dit: « Stacy, qu'est-ce que tu veux vraiment? Pense à une solution raisonnable. Il y a d'une part une personne malade qui a besoin de soins, et il y a d'autre part une victime qui doit subir l'épreuve d'une révision annuelle et qui risque de ne jamais s'en remettre. Qu'est-ce que tu souhaiterais dans ces circonstances? »
J'ai discuté avec ma cousine. Nous savions que même si la loi était modifiée, elle ne s'appliquerait pas à Allan. Elle ne s'appliquerait jamais à moi. Cela ne nous aiderait pas, mais cela aiderait quelqu'un d'autre. Cela aiderait une autre famille. Cela éviterait à un père ou à une mère d'avoir à subir cette épreuve. C'était suffisant. Si nous pouvions aider quelqu'un, cela en valait la peine.
Je me suis battue bec et ongles. J'ai pris part à des émissions de radio et de télé pour en parler. C'est incroyable que je me retrouve ici, devant vous, pour en parler.
Si je suis ici, c'est bien sûr parce que j'ai pu frapper aux bonnes portes et réussir à parler aux bonnes personnes au bon moment. Je vous suis très reconnaissante d'être ici, car je peux ainsi faire valoir mon point de vue, et qui sait, peut-être aider quelqu'un d'autre plus tard à trouver un peu de paix.
Ma cousine Darcie ne peut pas aller aux révisions annuelles. Elle ne peut pas se défendre. C'est moi qui dois y aller. C'est moi qui dois m'y rendre et affronter le regard de ce démon en sachant ce qu'il a fait. Je veux qu'il se fasse soigner et il doit se faire soigner, mais je veux aussi que ma cousine puisse guérir.
Si Allan passe les 30 prochaines années à cet endroit, je vais devoir assister à 30 audiences de la commission d'examen. Comment puis-je guérir? Chaque fois que ma cousine réussit un peu à remonter la pente, le moment de la révision annuelle arrive. Elle doit déjà affronter trois journées d'anniversaire, Noël, Pâques, la fête des Mères et la fête des Pères. Qui plus est, la révision annuelle se tient le même mois que les assassinats. La douleur...
Je parle trop. Je vous prie de m'excuser.
Le pire dans tout cela, c'est qu'Allan contrôlait et qu'il contrôle encore. Il peut retarder une révision. Il n'a pas à se présenter. Il peut demander un transfert. Ma cousine ne veut pas qu'il s'en aille ailleurs. Elle veut savoir où il se trouve afin que je puisse m'occuper de tout pour elle, pour que je puisse parler en son nom.
Vous pensez peut-être qu'elle n'a pas besoin de parler, que c'est logique, et qu'elle n'a pas à préparer de déclaration de la victime chaque année, que ce n'est pas nécessaire. Quand on est la victime, c'est nécessaire de le faire, c'est même très nécessaire.
Je suis désolée.
Merci beaucoup.
Je m'appelle Louise Bradley, et je suis présidente-directrice générale de la Commission de la santé mentale du Canada. Je tiens à vous remercier de l'occasion qui nous est donnée d'entendre les points de vue d'une grande variété d'intervenants, y compris les vôtres.
La commission a reçu du gouvernement le mandat de préparer la première stratégie en santé mentale du Canada, que nous avons rendue publique l'an dernier.
On nous a aussi demandé de jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre la stigmatisation liée à la maladie mentale. Nous ciblons pour ce faire les jeunes, les professionnels de la santé, les médias et les milieux de travail. Nous avons aussi reçu des fonds pour mener la plus vaste étude en Amérique du Nord sur l'itinérance et la maladie mentale. Enfin, on nous a demandé d'accroître la diffusion de l'information et des connaissances sur la santé mentale au Canada.
C'est donc à titre de proche conseiller du gouvernement et des intervenants que nous sommes ici aujourd'hui pour témoigner. Notre rôle consiste à vous fournir des renseignements factuels et pertinents pour vous aider dans vos délibérations sur cette question très délicate et très importante. On sait, par exemple, que la grande majorité des personnes souffrant de troubles mentaux ou de maladie mentale ne sont pas dangereuses ou violentes. En fait, elles sont plus susceptibles d'être des victimes.
Bien que ce ne soit pas intentionnel, il se pourrait que les résultats des discussions nuisent aux progrès que nous avons accomplis à ce jour.
La stratégie en matière de santé mentale nous rappelle que pour prévenir des tragédies comme celles dont il a été question aujourd'hui, et ainsi assurer la sécurité publique, il faut miser sur les services d'évaluation et de traitement. C'est un aspect clé des discussions sur la santé mentale et la sécurité publique, et il ne faut pas en faire abstraction.
La stratégie nous rappelle également que des services doivent être offerts à tous, et dans le contexte de notre présence ici ce matin, les besoins en santé mentale des victimes et des familles sont également importants. Nous voulons nous assurer que les familles et les victimes reçoivent tous les services et tout le soutien dont elles ont besoin.
Lorsqu'il s'agit de questions particulières comme celle que vous examinez, nous nous en remettons à d'éminents experts pour fournir aux Canadiens les meilleurs renseignements possible au moment de prendre des décisions stratégiques de cette importance. Ainsi, la commission ne peut pas prendre position sur le projet de loi en tant que tel, mais nous comptons sur un très vaste réseau d'experts et d'intervenants pour orienter nos trois grands domaines de travail.
Dans ce cas, les conseils nous viennent de notre conseil consultatif. M. Patrick Baillie, à qui je céderai le reste du temps qui nous est alloué, a été à la tête d'un de nos groupes d'experts en santé mentale et en droit. Ce groupe comprenait des membres de la famille, des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale, des professionnels et des chercheurs.
M. Baillie vous présentera des faits et des données qui reposent sur son expertise unique de psychologue et d'avocat travaillant à Calgary. Il aide beaucoup la commission. Aujourd'hui, toutefois, il témoigne à titre d'expert.
Monsieur Baillie.
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Je remercie les membres du comité de nous avoir invités ici.
Je tiens à rappeler que je m'exprime ici en mon nom personnel et qu'à ce titre, je porte plusieurs chapeaux. Je suis psychologue dans un programme judiciaire externe à Calgary. Je siège au conseil consultatif de la Commission de la santé mentale. J'offre également des consultations en psychologie au Service de police de Calgary. Cependant, les points de vue que je vais exprimer ici ne devraient pas être considérés représentatifs de l'une de ces organisations. Ils ne reflètent que ma propre expérience personnelle dans ces fonctions, dans ma collaboration avec mes collègues et dans mes rapports avec mes patients au fil du temps.
J'aimerais d'abord réagir aux observations de Mme Galt et lui faire part de mes condoléances pour la perte exceptionnelle qu'elle a subie. Je dois également mentionner que je suis d'accord avec elle pour dire qu'il y a des lacunes claires auxquelles il faut remédier dans le système actuel. Pour moi, ce projet de loi réagit directement au genre de tragédie que Mme Galt a décrite. Il faut faire quelque chose, mais je ne pense pas que ce soit le bon endroit pour solutionner le problème.
La Commission de la santé mentale, qui est financée par le Fonds de la recherche en santé du Québec, a supervisé un projet visant à étudier ce qui arrive aux personnes jugées non criminellement responsables. Cette étude a porté sur des cas relevés au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique. Étant donné la quantité remarquable de données amassées dans le cadre de ce projet, le ministère de la Justice nous a chargés de lui fournir de l'information contextuelle dans la préparation de ce projet de loi.
Nous avons constaté que les personnes trouvées coupables d'homicide, de tentative d'homicide ou d'infractions sexuelles désignées représentaient environ 10 p. 100 de toutes les personnes jugées non criminellement responsables. Il est clair que les proportions variaient d'une province à l'autre, mais dans l'ensemble, 10 p. 100 de ces personnes avaient commis ces trois types de crimes violents. Il s'agit d'une catégorie de personnes très peu susceptibles d'être jugées non criminellement responsables d'une infraction au départ. Je veux dire par là qu'il y a environ 400 000 accusations criminelles portées chaque année au Canada et que 1,8 cas sur 1 000 ou environ 720 cas chaque année se soldent par un verdict de non-responsabilité criminelle. De ces personnes, 10 p. 100 ou environ 72 par année ont commis une infraction violente grave.
La nature de l'infraction nous renseigne très peu sur la probabilité qu'une personne jugée NRC reçoive un traitement et qu'elle puisse réintégrer la collectivité. Je veux dire par là qu'il y a beaucoup de variables qui contribuent à prévoir le risque de récidive. Ces variables sont examinées par des commissions d'examen, qui recueillent le témoignage de divers experts avant de décider d'accorder ou non la libération à une personne ou d'ordonner qu'elle reste en détention.
Le taux de récidive des personnes ayant reçu une absolution inconditionnelle après un verdict de non-responsabilité criminelle tourne autour de 11 p. 100 sur une période de trois ans. La proportion de récidive violente est de 7 p. 100 et la proportion de récidive non violente, de 4 p. 100. Faites le calcul, sur 400 000 cas par année, 1,8 pour 1 000 se solde par un verdict de NRC; 10 p. 100 de ces personnes ont commis une infraction grave, et 7 p. 100 d'entre elles récidivent de façon violente, ce qui fait que le projet à l'étude risque de toucher 4 ou 5 personnes par année. Cela demeure un nombre important, compte tenu de l'information que Mme Galt vous a présentée aujourd'hui.
Je ne voudrais pas en minimiser l'importance, mais soyons clairs. Ce projet de loi vise à modifier les paramètres qui entourent le verdict de NRC. S'il vise Allan Schoenborn, Vincent Li, Guy Turcotte et Richard Kachkar, aucune de ces personnes n'avait été jugée NRC auparavant et chacune d'entre elles a été prise en charge par son régime provincial de soins de santé mentale.
Louise a parlé de la nécessité d'aider les victimes, et c'est ce que je recommande avec ferveur dans mon propre travail. Je rencontre des victimes de crime autant que des agresseurs. Cela me donne une perspective unique de l'expérience vécue par ces personnes. Ce projet de loi n'aura pas d'incidence sur le taux de récidive, mais il pénalisera les personnes en fonction de la nature de l'infraction commise.
J'incite les membres du comité à prendre connaissance des données de recherche fournies au ministère de la Justice et à se pencher sur les mécanismes qui pourraient permettre d'offrir des services adéquats dans les provinces pour que l'état des personnes atteintes de troubles mentaux ne se détériore pas au point qu'elles commettent des infractions graves et pour que les victimes reçoivent l'aide dont elles ont besoin pour pouvoir poursuivre leur vie de façon productive et significative.
Merci.
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Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de nous recevoir. Je suis ici au nom du Barreau du Québec. Je suis accompagné de Mme Lucie Joncas.
Le Barreau du Québec est un ordre professionnel d'avocats du Québec qui représente près de 24 000 avocats et avocates. Ses positions sont adoptées par des instances élues, à la suite d'analyses et de recommandations de ses comités consultatifs.
Afin de remplir sa mission, qui est la protection du public, le Barreau du Québec maximise les liens de confiance entre les avocats et les avocates, le public et l'État. Pour ce faire, le Barreau du Québec surveille l'exercice de la profession, fait la promotion de la primauté du droit, valorise la profession et soutient ses membres dans l'exercice du droit.
Quant au projet de loi, le Barreau du Québec constate que le texte modifie le cadre législatif applicable aux troubles mentaux dans le Code criminel et la Loi sur la défense nationale afin de préciser que la sécurité du public est le facteur prépondérant dans le processus décisionnel. Il crée un mécanisme afin de prévoir que certains individus qui reçoivent un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux puissent être déclarés accusés à haut risque. Le projet de loi accroît la participation des victimes et apporte aussi des modifications de nature technique ou administrative.
Le Barreau du Québec croit que lorsque le tribunal se prononce en faveur d'un verdict de non-responsabilité criminelle, mais que l'individu représente un risque important pour la sécurité du public, il y a lieu de prendre certaines mesures pour protéger celle-ci.
Néanmoins, nous croyons qu'il est important de se référer aux principes qui ont été énoncés par les tribunaux. Dans Winko c. Colombie-Britannique (Forensic Psychiatric Institute), la Cour suprême a abordé la question de la protection du public dans les situations mettant en cause des individus ayant reçu des verdicts de non-responsabilité criminelle. La cour a écrit ceci:
La partie XX.1 protège la société. Si la société veut assurer sa sécurité à long terme, elle doit s’attaquer à la cause du comportement fautif -- la maladie mentale. Elle ne peut se contenter d’interner le contrevenant qui souffre d’une maladie pendant la durée d’une peine d’emprisonnement, puis de le libérer sans lui avoir fourni la possibilité de recevoir un traitement, psychiatrique ou autre. La sécurité du public ne peut être assurée qu’en stabilisant l’état mental de l’accusé non responsable criminellement qui est dangereux.
La partie XX.1 protège également le contrevenant non responsable criminellement. Le système d’évaluation et de traitement établi en application de la partie XX.1 du Code criminel est plus équitable pour ce dernier que le système traditionnel issu de la common law. Ce contrevenant n’est pas criminellement responsable, mais souffre d’une maladie. Lui fournir la possibilité de recevoir un traitement, et non le punir, constitue l’intervention juste qui s’impose.
Les enseignements de la Cour suprême indiquent que le traitement des personnes atteintes de maladie mentale constitue la façon la plus juste et la plus équitable de protéger le public. En outre, la cour cite un autre jugement comme suit:
[TRADUCTION] [L]e traitement d’une personne qui ne peut distinguer le bien du mal vise à remédier à cette incapacité. Ni son objet ni son effet ne revêtent un caractère pénal. Lorsque la détention d’une telle personne est ordonnée, elle vise à prévenir l’accomplissement d’actes antisociaux, et non à châtier.
L'article 672.54 du Code criminel est celui qui fait l'objet d'une modification majeure. L'article se lit présentement ainsi:
672.54. Pour l’application du paragraphe 672.45(2) ou des articles 672.47 ou 672.83, le tribunal ou la commission d’examen rend la décision la moins sévère et la moins privative de liberté parmi celles qui suivent, compte tenu de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l’état mental de l’accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale :
La protection du public et les besoins de la personne malade sont ainsi considérés. C'est un équilibre important qu'il faut atteindre et qu'il faut viser dans le cadre d'une société libre et démocratique.
La modification proposée crée la notion de personne à haut risque. Les termes de l’article 672.54, au lieu de parler de « la décision la moins sévère [...] de liberté », élèvent le critère de « sécurité du public » à un niveau supérieur à tout autre critère en lien avec la situation individuelle de l’accusé. Ce faisant, les modifications réduisent l’importance de l’objectif reconnu de « l’amélioration de la condition de la personne malade non criminellement responsable » comme étant le moyen le plus juste et le plus équitable qui soit pour protéger la société.
En outre, les modifications proposées modifient le système d’évaluation et de traitement actuellement prévu à la partie XX.1 du Code criminel, pour se rapprocher davantage d’un système de punition que d’un système de traitement d’une personne aux prises avec une maladie. Nous sommes d’avis, pour reprendre les termes de la très honorable Beverley McLachlin, que « le régime instauré par la partie XX.1 du Code criminel », c'est-à-dire celle qui est présentement en vigueur, « assure un juste équilibre entre la nécessité de protéger le public contre les malades mentaux dangereux et les droits à la liberté, à l’autonomie et à la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux », et nous craignons que certains aspects du projet de loi ne donnent lieu à des débats quant à la constitutionnalité du nouveau libellé qu’il prévoit.
Le projet de loi prévoit également que la cour martiale peut déclarer que la personne est un accusé à haut risque si, selon le cas:
a) elle est convaincue qu’il y a une probabilité marquée que l’accusé usera de violence de façon qu’il pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne;
b) elle est d’avis que les actes à l’origine de l’infraction étaient d’une nature si brutale qu’il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique — pour une autre personne.
Ce deuxième critère est préoccupant, puisqu'on ne tient pas compte de l'état de la personne. À notre avis, le deuxième critère présente des faiblesses sur le plan constitutionnel. Le critère de la brutalité des actes à l'origine de l'infraction fait référence à la nature violente de l'infraction pour laquelle l'accusé a été déclaré non criminellement responsable, et non pas à l'état de santé mentale de l'accusé ou encore à sa dangerosité potentielle.
Un principe fondamental du droit criminel veut qu'il n'y ait pas de responsabilité criminelle pénale sans un état d'esprit conscient. Nous comprenons que les victimes d'actes violents et brutaux ont concrètement besoin sur le terrain de soutien physique et émotionnel de la part de l'État et de la société. Il faut aborder ces questions.
Le Barreau du Québec a toujours favorisé l'appui et l'aide aux victimes, et ce, à tous les niveaux. Leur participation, leur présence et leur écoute sont importantes, mais une société démocratique se doit aussi de créer un juste équilibre. Il faut éviter les mesures à caractère punitif, car la préoccupation principale doit être de guérir pour protéger la société.
Ma collègue Me Joncas et moi-même sommes ici pour répondre à vos questions, et nous nous ferons un plaisir d'y répondre.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, les autres témoins et tout particulièrement, madame Galt. Son récit de cet après-midi nous rappelle la nature, la gravité et l'ampleur des enjeux dont nous discutons aujourd'hui.
Je suis le Dr Alexander Simpson, psychiatre. Je suis chef de la psychiatrie médico-légale au Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, ainsi que chef de la Division de la psychiatrie médico-légale de l'Université de Toronto.
Le CAMH est le plus grand centre universitaire de sciences de la santé se consacrant à la santé mentale et à la toxicomanie au Canada. Notre programme médico-légal vise à offrir des soins et du soutien aux personnes déclarées NRC ou inaptes à subir un procès. Nous nous occupons de plus de 30 p. 100 des accusés NRC en Ontario. Nous nous intéressons donc vivement à toute modification apportée aux lois concernant le verdict de NRC susceptible de toucher nos patients et de nuire à notre aptitude à leur offrir d'excellents soins de santé mentale.
J'aimerais aborder trois aspects du projet de loi .
Le régime de NRC actuellement en vigueur existe depuis 21 ans. Le verdict de NRC est rarement utilisé, bien que son application soit plus fréquente depuis une vingtaine d'années. Il est efficace et contribue à réhabiliter avec succès des personnes atteintes d'une maladie mentale qui les a poussées à commettre une infraction. Les accusés NRC présentent moins de risque que d'autres personnes similaires considérées criminellement responsables de leur infraction et qui sont emprisonnées.
Les controverses récentes qui ont donné lieu à ce projet de loi sont un petit nombre d'infractions très graves qui ont reçu beaucoup de visibilité, comme nous le savons tous. On peut comprendre que leurs victimes sont profondément traumatisées et qu'elles trouvent la perspective de la réintégration sociale des agresseurs terrifiante.
Ce n'est toutefois pas le risque actuel qui est en cause, mais plutôt la nature du traumatisme subi d'incidents passés. C'est donc dans un contexte très difficile que le Parlement et ceux et celles d'entre nous qui s'occupent de personnes déclarées NRC abordent la question: comment peut-on être sensible aux besoins des victimes sans punir les malades. Les facteurs à l'origine de ce projet de loi sont bien réels et difficiles, mais à mon avis, les deux tiers des solutions proposées dans ce projet de loi font fausse route.
Prenons premièrement la sécurité des victimes et leur participation au processus. Le CAMH appuie la détermination exprimée dans le projet de loi d'assurer la sécurité des victimes. La sécurité des victimes est toujours le critère ultime sur lequel se fondent les décisions des commissions d'examen ainsi que les programmes de santé médico-légale et la planification des traitements. Cette partie du projet de loi rend explicite des pouvoirs qui existaient déjà.
La participation des victimes aux travaux des commissions d'examen est également très importante, et nous convenons que les victimes devraient toujours être incluses dans le processus si elles le souhaitent. Cependant, on ne peut pas répondre aux besoins des victimes simplement en leur envoyant des avis. Il serait tout aussi valable d'envisager de nouvelles options comme la justice réparatrice.
Il y a deuxièmement la création d'une catégorie de personnes « à haut risque ». Le projet de loi propose de créer le statut d'« accusé à haut risque ». Le CAMH s'inquiète de la façon dont on déterminera qu'une personne présente un haut risque et les graves restrictions qui seront imposées à ces personnes.
On parle ici de haut risque de violence future. Bien que cela puisse sembler contre-intuitif, la brutalité de l'infraction à l'origine de la peine d'une personne n'est pas un bon indicateur de la gravité du risque de récidive. Elle ne décrit que le passé. Du coup, un régime dans lequel on déterminerait qu'une personne présente un « risque élevé » seulement sur la base d'un acte de violence grave ne se fonderait pas sur des preuves ou des données scientifiques et pourrait donc être considéré arbitraire dans un régime non punitif. Si l'on ne peut pas utiliser le critère de la brutalité, il y a tout lieu de se demander ce qu'ajoute la catégorie proposée d'« accusé à haut risque ».
Je dois dire d'emblée qu'il est clair que certaines personnes jugées NRC présentent un risque élevé. Selon les règles actuelles, elles peuvent ainsi passer de longues années dans des conditions de sécurité élevée, sans contact avec la société. On ne peut retrouver le droit de contact avec la société que lorsque son risque descend au point où les contacts sociaux deviennent une option sécuritaire, si bien que la catégorie de sécurité proposée ici existe déjà pour beaucoup de personnes jugées NRC. Ensuite, la création d'une catégorie « à haut risque » limite le suivi spécialisé des soins prodigués à la personne ainsi que l'éventail des options thérapeutiques pour la traiter. Les progrès s'en trouveront donc ralentis ou le risque accru, ce qui ne favorisera pas la sécurité publique.
Pour ces raisons, ce projet de loi est mal conçu et mal ciblé, et le CAMH recommande que tout renvoi à une catégorie « à haut risque » soit supprimé du projet de loi.
Le troisième aspect est le resserrement des critères pour tous les accusés NRC. Les membres du CAMH s'inquiètent beaucoup de la recommandation contenue dans le projet de loi de modifier l'article 672.54 du Code criminel. Cette modification va resserrer les critères d'évaluation des progrès et de libération de toutes les personnes jugées NRC. Le projet de loi C-54 fait de la sécurité publique le facteur prépondérant quand un tribunal rend une décision. Bien qu'on trouve des formulations semblables dans la jurisprudence, le fait de modifier le libellé du Code criminel signale clairement la volonté d'accroître l'importance de tout le régime de NRC. L'intention d'origine des dispositions sur le verdict de NRC était de permettre un équilibre entre la sécurité publique, d'une part, et le traitement et la réhabilitation des contrevenants souffrant de maladie mentale, d'autre part. Nous craignons que ce rééquilibrage empêche les personnes NRC de recevoir les meilleurs soins possible en santé mentale, bien que nous reconnaissions l'importance de la sécurité publique.
Le projet de loi modifie également les dispositions législatives actuelles sur le verdict de NRC qui incitent les commissions d'examen à rendre la décision « la moins sévère et la moins privative de liberté », et leur dictent plutôt de rendre la décision « qui est nécessaire et indiquée dans les circonstances ». Compte du tenu du contexte dans lequel le projet de loi est déposé et de la préséance accordée à la sécurité publique, il est probable que les décisions jugées nécessaires et indiquées soient plus restrictives, qu'elles prolongeront le séjour en établissement correctionnel d'un plus grand nombre de personnes jugées NRC et que ces personnes seront détenues dans des unités de plus haute sécurité que nécessaire. Non seulement cela va-t-il compromettre la réhabilitation et la réintégration sociale de bon nombre de personnes jugées NRC, mais l'application à grande échelle de cette modification va faire augmenter la pression qui pèse sur les programmes de santé mentale médico-légaux, qui ne suffisent déjà pas à la demande.
L'article 10 du projet de loi établit une nouvelle définition législative de « risque important ». Le mot « réel » ne s'appliquerait plus pour évaluer le risque de préjudice ou de violence, ce qui semble abaisser le seuil de risque nécessaire pour garder une personne jugée NRC sous la responsabilité d'une commission d'examen. Compte tenu de l'incidence de ces modifications sur le régime de NRC dans son ensemble, le CAMH recommande que l'article 672.54 reste tel quel dans le Code criminel.
Nous craignons que ce projet de loi n'ait de graves conséquences involontaires. Nous craignons que le régime de NRC devienne beaucoup moins attirant pour les accusés si la sécurité et les restrictions ont préséance sur le traitement et la réhabilitation. Nous craignons que les avocats de la défense conseillent à des accusés susceptibles d'être jugés NRC de ne pas demander ce verdict, mais plutôt de plaider coupables et d'opter pour la prison. Cette réalité risque d'imposer un fardeau supérieur aux établissements correctionnels provinciaux et fédéraux puisque les personnes atteintes de maladie mentale pourraient dorénavant affluer en plus grand nombre vers leurs établissements. Il faut savoir que le risque de récidive des personnes libérées d'une prison est beaucoup plus grand que le risque de récidive dans le régime de NRC. Paradoxalement, nous craignons donc que ce projet de loi ne compromettre la sécurité publique.
Je vous remercie de votre attention et je suis tout disposé à répondre vos questions.
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Bien sûr. Merci beaucoup.
Tout d'abord, je tiens à signaler que je travaille auprès de la famille depuis environ deux ans et demi. J'ai été mis au courant de l'affaire en lisant le journal de ma localité. Je me suis porté volontaire, offrant le concours de mon entreprise pour m'occuper des relations avec le gouvernement, des relations publiques et des relations avec les médias, parce que j'avais constaté cette parodie au sein du système.
Nous avons axé nos efforts non seulement sur les lois fédérales, mais également sur les correctifs à apporter aux lois de la Colombie-Britannique en matière de violence familiale. En fait, la première ministre Christy Clark a présenté ses excuses à la famille l'an dernier, et un rapport a été présenté pour garantir qu'une telle situation ne se reproduira jamais plus. Nous adoptons une approche tous azimuts.
Abordons maintenant la disposition sur la prorogation du délai jusqu'à un maximum de 36 mois. Je peux vous témoigner de la douleur ressentie par cette famille. Le comité ignore peut-être qu'un accusé NCR peut, sur un coup de tête, changer la date de l'audition. Par exemple, en avril 2011, M. Schoenborn avait décidé de changer cette date, mais ne s'est pas présenté à l'audition. En 2012, il a décidé que cette date ne faisait plus son affaire.
Je vous signale en passant que la famille a essayé de changer la date, qui correspondait à l'anniversaire des meurtres. On lui a répondu que le patient devait donner son consentement.
En mars 2012, l'accusé voulait que l'audition se tienne le jour de Noël. Naturellement, nous avons contesté sa décision. L'État nous a donné raison. L'accusé a donc choisi une date en novembre. Quatre jours avant la tenue de l'audience, il a décidé que la date ne convenait plus. Il a donc choisi le jour de la Saint-Valentin.
C'est le genre de douleur que doit subir la famille. Celle-ci pourrait se rétablir davantage si l'audience se tenait tous les trois ans. C'est comme les élections. Lorsque vous les avez gagnées, vous vous préparez pour les prochaines. Lorsqu'une audience a été tenue, on se prépare à la prochaine. La famille ne dispose d'aucun temps pour se rétablir. En trois ans, l'état de l'accusé pourrait s'améliorer, et la famille pourrait également se rétablir davantage.
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Bonjour. Je me nomme André Samson. J'habite à Victoriaville, dans la province de Québec. J'ai 51 ans et je suis inapte au travail. Je vis de mes rentes d'invalidité.
Le 1er août 2002, mon frère, Martin Samson, et sa conjointe, Marie-France Foucault, ont été assassinés dans leur résidence de Victoriaville. La personne qui a assassiné mon frère et sa conjointe a été déclaré non criminellement responsable.
L'accusé a été arrêté. Il a séjourné à l'hôpital quelques heures, puis il s'est sauvé de l'hôpital Hôtel-Dieu d'Arthabaska. L'hélicoptère de la Sûreté du Québec et le groupe d'intervention n'ont pas lésiné sur les moyens pour le retracer. Après plusieurs jours de recherche, il a finalement été intercepté. Il était en train de vendre des objets pour amasser de l'argent afin de quitter la ville. Le lendemain de son arrestation, il a été accusé du double meurtre. Le procès a duré une année et demie. Nous avons été très surpris d'apprendre que le meurtrier avait été reconnu non criminellement responsable, car c'était une personne très intelligente qui étudiait à l'école des adultes.
Depuis ce temps, nous n'avons pas reçu beaucoup d'aide. Ma famille et moi appuyons le projet de loi , qui donnera plus d'information aux victimes. Cela les sécurisera. L'accès à l'information permet de sécuriser les familles, car une partie des craintes et de l'insécurité que vivent les familles de personnes assassinées provient du manque d'information qui découle du système de non-responsabilité criminelle.
Ma famille aurait bien aimé savoir ce qui se passait lors des audiences de la commission des troubles mentaux. On ne nous tenait jamais au courant des procédures. Nous n'avons jamais été invités aux audiences de la commission d'examen. Nous n'avons jamais pu nous exprimer. Nous avons été mis à l'écart. Nous étions dans le néant, nous n'avions aucune documentation. Pendant quatre ou cinq ans, nous n'avons pas su où il habitait. Si ma blonde n'avait pas été greffière, ma famille et moi n'aurions pas su dans quel hôpital il séjournait. Si elle n'avait pas été ma blonde, elle ne me l'aurait jamais dit.
On n'a pas informé ma famille. Elle n'a jamais su si l'agresseur prenait ses médicaments et s'il répondait aux traitements. Nous ne savions pas si l'agresseur avait des droits de sortie ni quand il pourrait sortir. Nous ne savions pas s'il était accompagné ou non lors de ses sorties. Nous ne l'avons jamais su quand il est sorti de l'hôpital. J'ai appris sa sortie deux semaines plus tard. Ma blonde me l'a appris et je l'ai appris à ma famille.
Mes parents ont dû prendre des moyens pour assurer leur sécurité, car ils craignaient que l'agresseur aille dans leur maison et qu'il les menace. Nous n'étions pas au courant des conditions de sa sortie.
Un jour de janvier 2011, je m'en allais au centre commercial et j'ai aperçu l'agresseur qui avait tué mon frère et sa conjointe. Quand je l'ai vu, j'ai été frustré et j'ai eu peur. J'étais stressé. J'étais dans l'inconnu.
Les victimes comme nous méritent de faire partie du processus judiciaire. Or, nous avons été totalement exclus. Je me demande souvent si nous, les victimes, des êtres humains, avons aussi droit à la sécurité et à l'information. Nos droits prévus à la Charte canadienne des droits et libertés n'ont pas été respectés. On devrait nous respecter en tant que victimes, car la Charte canadienne des droits et libertés de la personne stipule que les Canadiens ont droit à la vie et à la sécurité.
Mon frère et sa conjointe ont été privés de ce droit, et pour comble de malheur, les membres de ma famille et moi-même n'avons pas eu droit à la sécurité, car nous n'avons jamais été informés de sa sortie. La sécurité passe par l'information donnée aux victimes. Comment pouvons-nous nous sentir en sécurité si nous ne savons pas quand un meurtrier sortira de prison et quand il pourra circuler dans la rue et dans notre quartier?
Ce projet de loi redonne aux victimes le droit à la sécurité. Actuellement, les agresseurs sont mieux protégés que les victimes. Cette loi donnera plus d'encadrement aux personnes déclarées non criminellement responsables. En demeurant plus longtemps encadrés et en ayant accès à plus de ressources médicales, les agresseurs pourront suivre plus longtemps leur programme de réadaptation.
Avoir de l'information nous aurait sécurisé. Cette loi permettra aux victimes d'être informées et de se sentir en sécurité. Cette loi redonne de la dignité aux familles des personnes assassinées.
Merci.
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Il faut, entre autres, éviter tout changement au message qui risquerait de favoriser la diffusion de renseignements erronés au sujet des troubles mentaux. Plus précisément, le projet de loi ne précise pas ce qu'est un trouble mental. C'est en partie ce qui explique les critiques selon lesquelles ce projet de loi poursuit malheureusement la stigmatisation des personnes atteintes de troubles mentaux, qu'elles sont dangereuses ou incurables.
À mon avis, il est très important que le gouvernement prenne cette mesure, car nous savons qu'une stigmatisation accrue des maladies mentales nuit à la sécurité publique, puisqu'elle affecte la conscience de soi et réduit l'accès direct à des programmes, et augmente les cas de discrimination et de stéréotypie, ce qui n'est pas souhaitable.
J'aimerais maintenant parler de la pièce maîtresse de ce projet de loi, soit la définition de « accusé à haut risque », et souligner quelques points. Selon nous, il y a deux problèmes avec le libellé. D'abord, il y a deux définitions proposées; l'une à l'alinéa 672.64(1)a) et l'autre à l'alinéa 672.64(1)b).
La première dit: « il est convaincu qu’il y a une probabilité marquée que l’accusé usera de violence [...]. » Cet alinéa invite le tribunal à effectuer une évaluation prospective de la violence potentielle. Je crois que le moment est mal choisi pour une telle évaluation, puisque l'accusé n'a encore reçu aucun traitement. On met la charrue devant les boeufs, en quelque sorte.
L'alinéa 672.64(1)b) nous inquiète davantage. Il dit: « il est d’avis que les actes à l’origine de l’infraction étaient d’une nature si brutale [...]. »
Le problème ici, c'est qu'il est très difficile de déterminer à quels actes le ministre fait référence. C'est un peu, on dirait, une approche de « on verra en temps et lieu ». Bon nombre des tragédies dont il a été question soulèvent chez nous une réaction émotive si puissante, que nous pensons avoir la réponse. Ce qui nous inquiète, c'est qu'il sera très difficile pour une victime de ne pas juger qu'elle a été brutalement agressée. J'ai du mal à imaginer une victime d'agression sexuelle ou la famille d'une victime de meurtre dire que l'acte n'était pas brutal.
Afin de déterminer s'il s'agit de la bonne terminologie à employer, nous avons fait des recherches pour voir s'il y avait d'autres utilisations du mot « brutal » ailleurs dans le monde. Que signifie le mot « brutal »? Est-ce le bon terme? Selon nous, non. À notre avis, l'alinéa 672.64(1)b) devrait être retiré du projet de loi, car la définition est trop vague et trop de gens pourraient être piégés.
Le fait que le concept d'accusé à haut risque puisse entraîner la confusion concernant les approches à adopter est une autre source de critique. Il ne faut pas oublier qu'un accusé est jugé non criminellement responsable lorsqu'il a été déterminé — et il peut y avoir des erreurs — qu'il est incapable de distinguer entre le bien et le mal. On dit alors que c'est la maladie qui a commis le crime et non la personne. Dans ce contexte, il faut adopter une approche thérapeutique visant à soigner la maladie plutôt que de punir la personne. On fait erreur en se concentrant sur l'acte plutôt que sur la maladie. C'est la mauvaise approche.
En terminant, je crois qu'une évaluation quelconque est absolument essentielle. Il s'agirait, selon moi, d'un amendement adéquat au projet de loi, soit d'imposer une évaluation adéquate dans cinq ans.
Nous avons entendu aujourd'hui que les opinions diffèrent quant à savoir si cela aura comme effet pervers de réduire le nombre de personnes qui opteront pour la défense de NRC; celles qui ne le feront pas se retrouveront en prison et leurs problèmes s'aggraveront. La prison n'est pas l'endroit où l'on peut traiter efficacement les cas de maladie mentale grave. Nous le savons. Cela crée énormément de problèmes pour le système carcéral, les délinquants et les gardiens de prison. Ce n'est pas le bon endroit.
Comme nous l'indiquons dans notre évaluation, dans sa forme actuelle, le projet de loi n'atteint pas l'objectif. L'utilisation du mot « brutal » n'aidera pas les victimes non plus. Elles se sentiront offensées si les actes commis sont considérés comme n'étant pas suffisamment brutaux. À notre avis, les concepts et le langage utilisés ne traduiront pas l'intention du projet de loi.
En conclusion, nous pensons que premièrement, le gouvernement a le devoir envers la population canadienne de contrebalancer certains messages concernant la maladie mentale associés à ce projet de loi. Deuxièmement, il devrait revoir l'utilisation du mot « brutal », malgré tous les autres exemples. Troisièmement, il faut intégrer un cadre d'évaluation à la mesure législative.
[Français]
Merci.
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Bonjour. Je suis Isabelle Malo. Je comparais aujourd'hui au nom de toute la famille Malo. Ma mère, Nicole Malo, et mon frère, Sylvain Malo, sont assis derrière moi. Nous appuyons entièrement le projet de loi . L'histoire de ma famille exprime parfaitement l'urgence de changer la loi. C'est le coeur rempli de tristesse que je m'adresse à vous aujourd'hui.
Le 13 janvier 2012, notre paisible municipalité a été secouée par un terrible drame. Mon beau-père, Ronald Malo, a été sauvagement assassiné de 29 coups de couteau par son voisin Rolland Belzil, qui le harcelait depuis 15 ans.
Ma mère était elle aussi ciblée, mais par chance, elle a été épargnée en ne répondant pas à la porte, que Rolland Belzil tentait d'ouvrir. L'ordinateur de Belzil contenait la liste des personnes qui devaient être tuées, incluant ma mère. Après avoir tué Ronald Malo, Rolland Belzil s'est rendu à l'hôtel de ville de Verchères où il a poignardé le directeur général, Luc Forcier, à la tête et au cou. Son adjoint, Martin Massicotte, a été blessé aux mains en tentant de le secourir. Ils ont eu la vie sauve grâce au chef pompier.
Cette sordide histoire avait commencé en 1997 lorsque le voisin, Rolland Belzil, avait agressé ma mère en lui disant qu'elle serait à lui deux fois par semaine. Ma mère l'avait immédiatement repoussé, le sommant de la laisser tranquille. Il l'avait alors regardée dans les yeux en lui disant: « Tu ne sais pas ce que je suis capable de faire, ma belle; tu n'en as pas fini avec moi. »
Pendant 15 ans, ma mère et Ronald ont vécu un véritable calvaire, et le mot est faible. Ils ont été sans cesse harcelés, injuriés, provoqués, klaxonnés jusqu'à 150 fois de suite. Ils ont fait l'objet de menaces de mort au cours des trois années précédant le meurtre.
En avril 2010, Rolland Belzil a avoué à une intervenante qu'il s'était procuré une arme et qu'il allait tuer son voisin Ronald Malo. En juillet 2010, Rolland Belzil a été arrêté pour bris de condition. Selon une ordonnance permanente, il ne devait pas s'approcher de ma famille. Il s'est pourtant approché de nous, a sorti un bidon d'essence, du papier, de la bière et du vin, nous fixant sans cesse. Rolland Belzil a été reconnu coupable de quatre chefs d'accusation criminelle sur cinq. Il s'en est tiré avec une absolution et une amende ridicule de 400 $. Nous avons supplié la juge de ne pas le remettre en liberté. Les gens du CAVAC nous ont répondu qu'il était comme un gros chien qui aboyait mais ne mordait pas, et que les probabilités qu'il commette son geste étaient nulles.
Comme vous pouvez le constater, notre dossier comporte plusieurs lacunes. La prévention primaire, pour employer les termes du Dre Isabelle Gaston, a échoué. Notre famille appuie sans aucune réserve le projet de loi . Ce projet de loi accordera la priorité à la sécurité du public et créera la désignation « à haut risque ».
J'aimerais vous parler de deux améliorations. Il est urgent que la sécurité du public soit la priorité. Avez-vous pensé un seul instant à ce qui se passerait si cet homme était libéré? Nous ne pourrions survivre à la découverte de notre mère assassinée. Il faut donner plus de place aux victimes. Heureusement, le projet de loi fera de la sécurité du public la préoccupation prédominante quant à la décision relative aux personnes non criminellement responsables. Quand la sécurité du public sera prédominante, cela représentera une victoire pour nos droits.
À l'heure actuelle, nous croyons que si Rolland Belzil en vient à être libéré, trois vies seront assurément en danger. Il est très angoissant de penser que nous sommes à la merci de cette décision. Notre confiance envers le système de justice a disparu. Cet homme représente un réel danger pour la société. Il doit être gardé sous haute surveillance, en tout premier lieu pour qu'il soit protégé de lui-même.
Les gens vivent dans la terreur simplement en pensant au jour de la libération de Rolland Belzil, et c'est sans parler de nos sept enfants, âgés de 14 à 24 ans, qui ont perdu leur grand-père. Pour eux, le mot « justice » n'existe pas. Ils sont terrorisés. Une nuit, il y a quelque temps, ma fille de 22 ans m'a rejointe en tremblant, car elle avait rêvé que Rolland Belzil s'était évadé de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal et voulait tous nous tuer. Le fils de 20 ans de mon frère dort avec un bâton sous son lit, tandis que sa fille de 16 ans n'est jamais retournée sur les lieux du drame. Ces enfants ont vécu un énorme traumatisme. Comment ferons-nous pour les rassurer? Le fardeau est très lourd à porter pour notre famille.
J'ai un commerce à Verchères, et il ne se passe pas une journée sans qu'on m'en parle. On me demande toujours ce qu'il advient de lui et s'il est sorti. Chaque fois, mon coeur palpite. En décembre 2012, j'ai été hospitalisée. Mon coeur s'est mis à battre 170 fois par minute quand j'ai appris la remise en liberté de Guy Turcotte. J'ai cru mourir. Le nombre de victimes dépasse la famille; cela affecte toute la communauté.
Les gens craignent la remise en liberté de ces individus malades. La maladie n'est pas une excuse. Désormais, avec le projet de loi , la sécurité du public sera le facteur prioritaire. Nous attendons ce changement avec impatience.
Le projet de loi prévoit la création d'une désignation « à haut risque » qui ciblera les cas les plus dangereux. Ceux-ci devront être détenus à l'hôpital et faire l'objet d'une garde. Un accusé déclaré à haut risque ne sera pas autorisé à sortir sans escorte. Il ne pourra obtenir une permission de sortir avec ou sans escorte que dans de rares circonstances et en fonction de la sécurité du public.
Nous appuyons le fait qu'un juge, et non la commission, déterminera qui est un individu à haut risque. Nous sommes très heureux de savoir que le juge devra se baser sur les risques de préjudice grave, physique et psychologique, de même que sur les sévices commis. Cela est très important pour nous. Nous attendons impatiemment l'entrée en vigueur de ces changements. Nous sommes convaincus qu'il n'y a pas de plus haut risque que celui que nous vivons.
Dans l'ordinateur de Rolland Belzil, la police a trouvé une liste de plusieurs victimes potentielles. Lorsqu'un meurtre et deux tentatives de meurtre ont été commis, l'assassin représente un cas lourd et doit faire l'objet d'un suivi médical très serré. C'est ce que permettra le projet de loi , que je vous demande d'adopter le plus rapidement possible.
Pouvoir bénéficier d'un répit allant jusqu'à trois ans entre les évaluations, selon la gravité de chaque cas, bien sûr, est un véritable soulagement pour les victimes. Vous savez comme moi qu'une année passe très vite. Rolland Belzil a mentionné qu'il n'en avait tué qu'un sur quatre et qu'il devait terminer ce qu'il avait à faire.
À aucun moment notre esprit ne nous dicte la vengeance. Ces réformes proposées n'auront aucune incidence sur l'accès aux traitements pour les personnes accusées non criminellement responsables. Au contraire, ces personnes qui ont besoin de soins spéciaux bénéficieront de soins personnalisés. Elles seront mieux encadrées. Fournir un encadrement médical plus structuré à une personne souffrant de maladie mentale n'est pas de la stigmatisation. L'aspect de la réintégration de l'individu demeure dans la loi. Il est donc faux de dire que les personnes malades perdront des droits.
En allongeant la durée des soins, on réduit les risques de récidive, mais surtout, on sauve des vies. Il nous est impossible de baisser les bras et d'attendre. Nous nous devons de sauver la vie de notre mère.
Nous, les victimes, n'avons aucune place dans toutes ces procédures interminables. Nous ne sommes sûrement pas les derniers à vivre un tel événement. À Verchères, dont la population est de 5 000 habitants, trois personnes se sont confiées à nous en disant vivre une situation similaire à la nôtre et être terrorisées.
Nous sommes censés avoir droit à la sécurité. Actuellement, les seules personnes qui ont des droits sont celles qui ont été accusées et déclarées non criminellement responsables. Ronald avait le coeur sur la main, il était toujours souriant, calme et prêt à rendre service aux autres. Son assassinat a créé un énorme choc. La population est totalement indignée par ce geste crapuleux qui n'est pas puni.
Nous avons perdu un deuxième père, un grand-père, un conjoint, mais surtout un être exceptionnel que nous aimions plus que tout au monde. Jamais nous ne pourrons pardonner ce geste, mais nous devons maintenant apprendre à vivre avec cela. La mort de Ronald ne doit pas en être une parmi tant d'autres. Elle doit servir à faire avancer la cause des victimes. Ce projet de loi est extrêmement important pour notre sécurité et pour notre qualité de vie.
Je vous remercie tous infiniment de m'avoir consacré de votre précieux temps et de m'avoir permis d'exprimer ma soif de justice. Nous sommes derrière vous pour appuyer ce projet de loi urgent et essentiel.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité de la justice et des droits de la personne, je m’appelle Ben Bedarf. Je témoigne ici aujourd’hui en vue de vous donner mon opinion concernant le projet de loi et de répondre à vos questions.
Je suis une victime. Mon petit-fils de sept ans a été sauvagement tué par son père avec un couteau le 27 juillet 2011. Ma fille a essayé de l’en empêcher, mais elle en a récolté de graves lacérations aux mains et aux avant-bras.
Nous avons reçu un appel de l’hôpital de Campbell River aux alentours de 3 heures nous disant de nous y rendre. Rien d’autre ne nous a été dit; on ne nous a donné aucune autre information. Lorsque nous sommes passés en face de la maison de notre fille, dont nous sommes également propriétaires, nous avons remarqué un grand nombre d’agents de la GRC. Nous nous sommes arrêtés et nous leur avons demandé ce qui s’était passé. On ne nous a rien dit, outre de se rendre à l’hôpital.
À notre arrivée au service des urgences de l’hôpital, on nous a dirigés vers la chambre où ma fille recevait des points de suture. Lorsqu’elle m’a vu, elle a dit « Je m’excuse, papa; j’ai essayé de l’en empêcher. » Je l’ai prise dans mes bras et j’ai dit au docteur de terminer les points de suture. J’ai ensuite demandé où se trouvait mon petit-fils, mon rayon de soleil. Personne ne m’a répondu. J’ai ensuite vu une infirmière et je lui ai demandé où se trouvait mon petit. Elle m’a répondu « Je suis désolée; il n’a pas survécu », puis elle est partie. Il n’y avait personne vers qui se tourner à l’hôpital: aucun service aux victimes, aucun conseiller pour les victimes, aucun prêtre, aucune aide.
Le médecin est arrivé et nous a dit que nous pouvions ramener notre fille à la maison. Il lui a donné deux ou trois antidouleurs et des prescriptions pour des antidouleurs et des antidépresseurs, puis nous a dit au revoir.
Étant donné que l’accident était survenu pendant que ma fille dormait, elle ne portait qu’une chemise de nuit, qui était imbibée de sang. L’hôpital a donné à ma fille une chemise d’hôpital propre, et elle a obtenu son congé de l’hôpital. Elle n’avait pas de souliers; elle n’a eu que des couvre-chaussures en plastique. J’ai dû lui donner mon propre manteau pour qu’elle ait quelque chose à se mettre sur le dos pour retourner à la maison.
Avant de quitter l’hôpital, j’ai demandé à voir le corps de mon petit-fils, ce qui m’a été refusé.
Le lendemain, nous avons dû aller magasiner des vêtements et des articles de toilette avec notre fille. Nous ne pouvions pas entrer dans sa maison pour prendre des objets en raison de l’enquête médico-légale. La GRC a dit qu’on ne pouvait pas entrer dans la maison avant que les services médico-légaux aient terminé leur enquête, ce qui prendrait environ quatre jours. Si nous n’avions pas été là, elle n’aurait eu nulle part où aller.
L’équipe médico-légale a terminé son travail, et nous avons eu l’autorisation d’entrer dans la maison, mais on nous a dit de ne pas y aller avant que les services de rénovation soient venus nettoyer le tout et repeindre les murs, en raison de l’ampleur des éclaboussures de sang. Ce qui se trouvait dans la maison a été en grande partie jeté, ce qui a laissé la maison vide de tout meuble et de tout vêtement.
Le lendemain, les gens des services aux victimes de la GRC ont communiqué avec nous. C’était vital, parce que ces personnes nous ont donné des renseignements concernant des faits. Étant donné que les agents de la GRC sont les premiers répondants, ils devraient pouvoir donner toute l’aide immédiate nécessaire en vue de rassurer la victime, y compris de l’aide financière par l’entremise du Programme d’aide aux victimes de la GRC.
M. Brent Warren a été accusé de meurtre au premier degré; il a été reconnu non coupable en raison d’un trouble mental.
Actuellement, il ne se trouve plus dans le système de justice pénale; il est plutôt un patient dans un hôpital psychiatrique, et il recevra son congé lorsque son état se sera amélioré. Ce sera en fonction de l’opinion d’un groupe de psychiatres. On ne se demande plus s’il sera libéré, mais bien quand il le sera. Selon des spécialistes dans le domaine, cela pourrait prendre seulement de deux à cinq ans.
Que pouvons-nous faire à ce sujet?
Je recommande d’accorder aux victimes un financement immédiat pour payer les dépenses engagées et trouver un logement sécuritaire; l’accès au compte dans le cas où il n’est qu’au nom de la conjointe; un financement immédiat, dans certains cas, pour le transport vers la maison des parents ou des grands-parents, même si la famille habite à l’extérieur de la province. Des fonds devraient être disponibles en vue d’offrir une aide à long terme aux gens qui en ont besoin par l’entremise de l’assurance-emploi, du Régime de pensions du Canada, de l’assurance-invalidité ou de tout autre mécanisme adéquat en vue d'assurer la survie à long terme de la victime et possiblement des enfants, y compris des adolescents.
Le procureur de la Couronne doit agir rapidement et ne pas laisser traîner le dossier, parce que cela peut créer une plus grande angoisse pour les victimes et leur famille.
Selon moi, lorsqu’il sera libéré, des accusations devraient être déposées concernant les blessures subies par ma fille. Rien n’a été déposé. Il ne devrait pas y avoir de date limite pour déposer des accusations criminelles dans un tel cas. Il devrait y avoir une peine minimale de 10 ans dans un hôpital psychiatrique ou toute autre institution jugée nécessaire pour une personne qui a commis un meurtre et qui a été reconnue non coupable en raison d’un trouble mental.
On devrait émettre une ordonnance de non-communication, si une demande est faite en ce sens. Il ne devrait pas être libéré dans la province où le geste violent a été posé. Je ne souhaite pas le croiser en me promenant. Il sait ce qui risquerait de se passer.
Je vous ai présenté cet exposé le 10 juin 2013.
Merci, monsieur le président.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité et les témoins. Ces histoires de victimes sont très tragiques et déchirantes. Bien honnêtement, elles abordent des aspects du système qui vont bien au-delà des modifications au Code criminel dont il est question aujourd’hui.
Je m’appelle Peter Coleridge. Je suis chef de la direction nationale de l’Association canadienne pour la santé mentale, aussi connue sous le sigle ACSM. Je suis accompagné par Mark Ferdinand qui est notre directeur national des politiques publiques.
L’ACSM est le plus gros et le plus vieux fournisseur de services de santé mentale dans les collectivités partout au Canada. Elle a été fondée en 1918. Nous fournissons des services à des milliers de Canadiens chaque jour dans des centaines de collectivités partout au pays. Nous dépendons du travail du personnel et de milliers de bénévoles en vue de faciliter l’accès aux ressources nécessaires aux gens en vue de maintenir et d'améliorer leur santé mentale, de réintégrer la société, d'accroître leur résilience et de soutenir leur rétablissement lié à un trouble mental.
En plus d’être un fournisseur de première ligne de services de santé mentale dans les collectivités, nous sommes aussi un grand défenseur de la santé mentale pour tous les Canadiens. Nous faisons activement la promotion d’une bonne santé mentale, des manières dont les gens peuvent mettre l’accent sur les forces, le bien-être et le fonctionnement dans la collectivité, à la maison, à l’école et au travail. Nous donnons des conseils quant à l’élaboration de bonnes politiques publiques qui soutiennent une bonne santé mentale et nous améliorons l’accès à du soutien au sein de la collectivité et à des services de santé mentale de qualité, et c’est pourquoi nous sommes ici. Nous partageons bon nombre des préoccupations émises par nos partenaires du domaine de la santé mentale qui ont pris la parole avant nous, dont la Société canadienne de la schizophrénie et le Centre de toxicomanie et de santé mentale.
Nous nous efforçons aussi de sensibiliser davantage la société à la maladie mentale. Malheureusement, notre société a de nombreuses perceptions erronées concernant la maladie mentale. La représentation dans les médias et les étiquettes accolées dans notre société donnent l’impression que les crimes graves et violents sont commis par des gens ayant un trouble mental et que c’est commun, alors que c’est peu fréquent. La majorité des gens violents n’ont pas de maladie mentale. Les gens ayant des maladies mentales ne sont pas plus violents que tout autre groupe dans notre société; en fait, les gens ayant une maladie mentale sont plus susceptibles d’être victimes de violence. Il importe aussi de comprendre que certaines personnes qui entrent dans le système de justice pénale n’avaient pas reçu au préalable un diagnostic de maladie mentale; ce diagnostic est survenu après que les gens sont entrés dans le système de justice pénale à la suite d’un crime.
Ces gens ont besoin de traitements et de soins. Les punir ne mènera pas au rétablissement des personnes qui ont été reconnues non criminellement responsables d’un crime. Cela pourrait expliquer en partie pourquoi le taux de récidive des gens qui ont reçu un verdict de non-responsabilité criminelle en raison de troubles mentaux est de trois à quatre fois plus faible que dans la population de délinquants en général. Au dire de tous, la maladie mentale est complexe. Je crois que tous les témoins vous l’ont clairement dit. Cependant, avec le soutien adéquat et l’accès à des soins, les gens ayant une maladie mentale, y compris ceux qui ont des troubles mentaux graves, peuvent être aidés. L’espoir est actuellement plus grand que jamais, à savoir que nous pouvons efficacement traiter ces maladies et améliorer les chances de rétablissement.
Des recherches à long terme ont démontré que bien des gens ayant des troubles mentaux graves sont en mesure de vivre une vie productive. Comme vous le savez, le Canada a réalisé des progrès considérables en vue de réduire la discrimination et le rejet associés à la maladie mentale. L’ACSM souhaite poursuivre cette progression avec tous les Canadiens, le gouvernement fédéral, la Commission de la santé mentale du Canada et ses nombreux partenaires en santé mentale partout au Canada. Par contre, nous craignons que les modifications proposées aux dispositions du Code criminel sur les verdicts de non-responsabilité criminelle influent négativement sur la vie des gens qui reçoivent un verdict de non-responsabilité criminelle et attisent de façon injustifiable le rejet que vivent les gens ayant une maladie mentale, rejet qui est omniprésent dans notre société aux niveaux systémique, communautaire et individuel.
Par exemple, nous craignons que les dispositions visant à créer une catégorie d’accusés à haut risque et à restreindre les permissions de sortir sans escorte puissent avoir des conséquences involontaires sur la capacité des professionnels en santé mentale de surveiller et d’évaluer adéquatement les gens qui ont reçu un verdict de non-responsabilité criminelle. Nous craignons également que la création d’une catégorie d’accusés à haut risque renforce le rejet associé à la maladie mentale, dont l’établissement d’un lien entre la maladie mentale et le danger pour la population et la violence.
Des études nous rapportent que de nombreuses personnes qui pourraient profiter de soins ou de services de santé mentale ne chercheront pas à en recevoir ou à participer pleinement à leurs traitements pour éviter qu’on leur colle des étiquettes qui pourraient nuire à leur estime de soi et à leurs relations sociales.
Enfin, en ce qui a trait à la disposition relative au facteur prépondérant de la sécurité du public, nous n’avons vu aucune preuve que les commissions d’examen ne tiennent pas déjà compte de la sécurité du public lorsqu’elles prennent des décisions. Donc, rien ne prouve que les modifications proposées aient un quelconque effet sur la protection du public. Une telle modification alimentera seulement le rejet en donnant l’impression que tous les gens qui sont reconnus non criminellement responsables sont susceptibles de récidiver.
En proposant le présent projet de loi, nous comprenons que le gouvernement fédéral cherche à avoir une meilleure cohérence et une meilleure uniformité dans l’application du Code criminel partout au Canada. En vue d’atteindre cet objectif double d’uniformité et de cohérence, nous recommandons que les parlementaires se renseignent sur les conséquences des dispositions proposées sur les victimes, les gens ayant reçu un verdict de non-responsabilité criminelle, la sécurité du public et les fournisseurs de services de santé et de services de santé mentale partout au pays.
L’évaluation de ces effets est encore plus importante lorsque nous considérons que la santé mentale est une question qui touche plusieurs secteurs. Ces questions sont très complexes.
Comme l'ont dit bon nombre d’autres témoins selon leur point de vue différent, étant donné que nous ne sommes pas encore au courant des conséquences possibles des présentes modifications sur les gens et nos systèmes, nous vous recommandons fortement d’inclure dans le projet de loi une disposition qui établirait un cadre d’évaluation à la fois flexible et rigoureux. Cela permettrait de mieux comprendre les conséquences des modifications proposées au Code criminel sur la capacité d’une victime d'accéder à des renseignements pertinents et utiles sur l’accusé ayant reçu un verdict de non-responsabilité criminelle, les problèmes de capacité dans le système psychiatrique médico-légal, les effets réels sur la sécurité du public, les traitements, les taux de récidive et la santé des accusés ayant reçu un verdict de non-responsabilité criminelle.
Une simple disposition, comme on en retrouve dans d’autres lois fédérales et provinciales, suffirait à assurer un examen régulier des effets des mesures sur les gens et à déterminer si nous arrivons aux résultats escomptés.
En terminant, nous croyons qu’il est approprié que le gouvernement entreprenne des examens périodiques des dispositions sur les troubles de santé mentale figurant dans le Code criminel. Nous croyons aussi que même si nous étions en mesure de trouver l’équilibre parfait entre les droits individuels et l’intérêt public par l’entremise de dispositions du droit pénal, nous serions encore terriblement loin de ce qui est nécessaire en vue d’aborder la partie de l’iceberg que nous ne pouvons pas voir ou que nous refusons parfois de voir.
En fin de compte, une meilleure coopération et une meilleure coordination entre les ordres de gouvernement sont désespérément nécessaires en vue d’améliorer la manière dont nous traitons les délinquants ayant des troubles mentaux dans le système de justice pénale. Nous serions ravis d’avoir l’occasion d’aborder cette question pressante. Cet enjeu devrait inclure la réduction du rejet, l’amélioration du rétablissement, la continuité des soins, la réintégration dans la société et l’amélioration de la sécurité du public.
Nous savons que le projet de loi a été rédigé avec soin, et ceux qui y ont participé ont soigneusement examiné les questions juridiques et même constitutionnelles liées au projet de loi. Cependant, une véritable consultation et une meilleure uniformité des politiques sont nécessaires.
En particulier, nous devons savoir que la participation des victimes dans le système des commissions d’examen est adéquate, que la sécurité du public est véritablement améliorée, que les droits des accusés ne sont pas violés et que le rétablissement et l’accès à des traitements efficaces ne sont pas involontairement rendus plus difficiles ou plus limités en raison de ces modifications.
Monsieur le président, merci de nous avoir donné l’occasion de témoigner devant votre comité. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
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Bonjour. Je m'appelle Michel Surprenant et je suis président de l'AFPAD, soit l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues.
Je tiens à remercier les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes de me recevoir aujourd'hui à l'occasion de l'étude du projet de loi .
J'aimerais vous présenter quelques exemples de cas de non-responsabilité criminelle qui ont préoccupé les familles membres de l'association au cours des dernières années et qui justifient l'appui de l'AFPAD à ce projet de loi.
Permettez-moi d'abord de vous parler, en quelques mots, de l'AFPAD, que je représente. Fondée par des familles de victimes pour des familles des victimes, l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues a pour mission principale d'accompagner et de conseiller des familles touchées par un homicide ou une disparition dans des circonstances d'apparence criminelle et de défendre leurs intérêts. L'AFPAD compte plus de 500 familles membres.
Au cours des dernières années, plusieurs cas ont attiré l'attention des victimes au Québec. J'aimerais vous entretenir au sujet de certains de ces cas.
J'aborderai premièrement le cas de Pascal Morin. Le 10 février 2012, il y a un peu plus d'un an, dans un élan de folie meurtrière et affecté par une maladie mentale, Pascal Morin a tué tour à tour sa mère, Ginette Roy-Morin, 70 ans, et ses deux nièces, Laurence et Juliette Fillion. Au terme de son procès, Pascal Morin a été reconnu non criminellement responsable de ses gestes en vertu de l'article 16 du Code criminel.
Personne ne questionne le fait qu'il était malade. Il est actuellement à l'hôpital sous la responsabilité de la Commission de la santé mentale. Cependant, la perspective d'une libération de Pascal Morin fait très peur à la famille, mais aussi à la communauté, qui connaît pourtant bien Pascal Morin.
La perspective de libérer de telles personnes fait craindre le pire aux familles des victimes ainsi qu'aux autorités. Je tiens à vous citer les propos de Francis Fillion, le père des victimes: « Notre autre fille de cinq ans se demande encore si son oncle viendra la voir pour la tuer. Tout ce que je veux maintenant, c'est de prendre soin de ma famille sans avoir la crainte qu'il puisse la visiter! »
Par ailleurs, les maires de la région de Saint-Romain ont demandé au gouvernement d'intervenir afin de prévenir ce genre de cas. Le 8 décembre 2012, le conseil des maires de la MRC du Granit a exprimé l'urgence de trouver des pistes de solution afin que des drames de ce genre ne se reproduisent plus à l'avenir.
Selon l'AFPAD, en plus d'un renforcement des ressources médicales destinées aux personnes souffrant de troubles mentaux, le projet de loi représente une solution incontournable.
Comme le disait la Dre Gaston lors de son témoignage devant le comité le 5 juin 2013, il faut faire une distinction entre la prévention primaire et la prévention secondaire. La prévention primaire consiste à donner des ressources pour traiter les personnes souffrant de troubles mentaux avant que leurs cas deviennent si lourds qu'elles représentent un danger pour les autres membres de la société. C'est donc le gouvernement provincial qui doit s'en occuper, puisque cela relève de la responsabilité des autorités en matière de santé.
Par ailleurs, quand un crime a été commis et qu'il s'agit de sévices graves perpétrés sur une personne, l'AFPAD croit qu'il est raisonnable et juste de prendre des mesures préventives afin qu'une personne qui a commis un crime, mais qui a été jugée non criminellement responsable, ne puisse pas en commettre un de nouveau. Pour y parvenir, il faut que la personne demeure encadrée et suivie de très près pendant un certain nombre d'années.
Le projet de loi fera en sorte que les cas les plus lourds ne puissent faire l'objet d'une sortie hâtive à l'extérieur des murs d'un hôpital. Il ne s'agit pas de les mettre en prison, mais de leur donner les soins nécessaires.
Le projet de loi est une réponse raisonnable et juste qui pourrait permettre aux proches de la famille de M. Ronald Malo de se sentir respectés comme victimes. Nous rappelons que M. Ronald Malo a été assassiné froidement par Rolland Belzil à l'hôtel de ville de Verchères. Rolland Belzil a été déclaré non criminellement responsable après avoir été accusé en 2012 de tentative de meurtre contre deux employés de la Ville de Verchères, en Montérégie. Une troisième accusation, cette fois de meurtre à l'endroit de son voisin de 80 ans, Ronald Malo, a été déposée plus tard.
Le système de justice a besoin du projet de loi pour rétablir la confiance du public envers les institutions du système judiciaire. Non seulement une perte de confiance des citoyens envers le système de justice entraîne la méfiance à l'égard des juges, des avocats de la défense et des procureurs de la Couronne, mais elle suscite aussi la méfiance et la peur dans les familles et au sein de la communauté. Ces craintes ne sont pas injustifiées.
Rolland Belzil a poignardé à mort son voisin Ronald Malo à la suite d'une chicane de clôture qui a persisté pendant 12 ans. Il se serait ensuite rendu à l'hôtel de ville où il aurait attaqué le directeur général de la Ville, Luc Forcier, et son adjoint, Martin Massicotte, à la pointe du couteau. Permettez-moi de citer l'avocate des victimes qui ont eu la chance de se faire représenter. Voici les propos de Me Christine Dubreuil-Duchaine parus dans un article:
« À quel moment déclare-t-on qu’une personne est dangereuse ou pas? Jusqu’où peut-on aller sans qu’il y ait de véritables conséquences? Pour moi, cette affaire est le pendant de celle de Guy Turcotte. [...] », dit Me Dubreuil-Duchaine.
Selon l’avocate, le système juridique québécois doit se poser les bonnes questions, afin qu’il n’y ait plus d’autre Ronald Malo. La justice doit-elle se montrer plus sévère? Doit-on intervenir plus rapidement?
« Quelqu’un a payé de sa vie pour que ces questions soient posées », déplore Me Dubreuil-Duchaine [...] »
Je vais aussi vous parler du cas d'Alain Piché, un comptable qui vivait au Cap-de-la-Madeleine et qui n'avait pas d'antécédents criminels. Pourtant, le 19 mars 2007, Alain Piché a tué ses parents. Il leur a coupé la tête au moyen d'une hache et d'un objet contondant avant de cacher les corps dans un congélateur. En juillet 2008, le tribunal a prononcé son verdict et l'a jugé non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux. En juin 2009, Piché a été interné à l'Institut Philippe-Pinel.
La Commission d'examen des troubles mentaux avait autorisé Piché à bénéficier de sorties sans accompagnement. Je répète: il s'agissait de sorties sans accompagnement. La seule condition qui lui avait été imposée était de ne pas communiquer avec des membres de sa famille. L'équipe médicale traitante se voyait même confier le pouvoir de déterminer les modalités, la durée et la fréquence de ses sorties en fonction de son état clinique et de son comportement.
Cela avait soulevé l'indignation du procureur aux poursuites criminelles et pénales chargé de ce dossier, Me Jean-François Bouvette. Le procureur avait notamment déploré le fait qu'il incombait au commissaire d'encadrer les sorties d'Alain Piché et d'émettre des conditions pour assurer la protection du public. Cet exemple révèle bien la crainte que ce genre de permission a pu entraîner dans la communauté. Cet exemple démontre aussi les risques que comporte le fait de donner trop de marge de manoeuvre à la Commission d'examen des troubles mentaux.
Grâce au projet de loi , les cas les plus lourds de sévices contre des personnes pourront être mieux encadrés. Ce sera au juge de déterminer quand une personne sera à haut risque et quand elle ne le sera plus. Une personne à haut risque ne pourra pas sortir dans la communauté. Elle devra faire l'objet de soins médicaux intensifs, entourée de personnel médical formé. Certains diront que ça constitue une stigmatisation à l'égard des personnes souffrant de maladie mentale. L'AFPAD est d'avis qu'il s'agit d'une mesure de prévention secondaire, qui protégera la vie et la sécurité des membres de la communauté, incluant les familles et les personnes souffrant de maladie mentale qui n'ont pas commis de crimes graves.
Je terminerai en rappelant que ces causes de non-responsabilité, notamment la cause de Guy Turcotte, qui a tué ses deux enfants, ont touché la population. Très choquée par l'issue du procès de Guy Turcotte, une mère de famille de Sherbrooke, Fanny Denoncourt, a pris l'initiative d'organiser une marche pour dénoncer la violence faite aux enfants. La manifestation s'est déroulée le 2 mars 2013 dans les rues de Sherbrooke, et d'autres manifestations semblables ont eu lieu simultanément ailleurs au Québec, notamment pour réclamer le durcissement des lois criminelles.
Au nom des victimes, au nom des futures victimes qui auront à vivre des drames, au nom de la population, nous vous demandons d'appuyer le projet de loi et de l'adopter au plus vite, sinon le système de justice perdra encore de sa légitimité.
Merci.
Nous allons parler plus particulièrement des articles suivants: l'article 9, sur la prépondérance de la sécurité du public; l'article 10, sur la définition de risque important pour la sécurité du public; et l'article 12, qui ajoute au Code criminel la notion d'accusé à haut risque, et tous les articles concordants avec cette notion.
Nous estimons que ces articles diminuent l'exercice des droits des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, qu'ils renforcent la stigmatisation à leur égard, qu'ils entretiennent les préjugés et qu'ils restreignent l'accès à des recours crédibles, transparents, impartiaux et respectueux des droits.
Même si nous ne sommes pas juristes, il nous apparaît que ces trois dispositions nuisent grandement aux principes de base de justice fondamentale et à l'esprit même de la Charte canadienne des droits et libertés.
Ce projet de loi propose un retour vers le passé. Vous vous souvenez probablement tous que certaines de ces dispositions ont été abrogées en 2005. Elles reviennent en 2013, un peu différemment, mais ce sont les mêmes.
De plus, ce projet de loi renforce la désinformation. Il associe santé mentale et violence, alors que la plupart du temps, les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale en sont victimes et vivent le seul système coercitif de la médecine.
Nous ne vous parlerons pas vraiment de la recherche. Vous avez eu énormément de temps et entendu parler des résultats des recherches de Mme Anne Crocker.
Les gens pensent qu'une personne ayant reçu un verdict de non-responsabilité criminelle rentre chez elle libre, or c'est tout à fait faux. Souvent, la personne reste incarcérée pendant une période plus longue que si elle avait été criminellement responsable de ses actes.
Aussi, les gens croient que la santé mentale est due à un déséquilibre chimique du cerveau ou à l'hérédité. Actuellement, aucune recherche n'est capable de prouver cela. Malheureusement, ce projet de loi n'empêchera pas des actes fous.
L'AGIDD-SMQ estime que ces mesures restreignent les droits des personnes dans des limites qui ne sont pas raisonnables et qu'elles ne peuvent pas se justifier dans le cadre d'une société libre et démocratique, en lien avec l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Par ailleurs, ces mesures contreviennent aux principes de base de justice fondamentale, soit la dignité humaine, la liberté et le respect de l'autonomie, conformément à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Pour toutes ces raisons, nous demandons le retrait des articles 9, 10 et 12 ainsi que de tous les articles concordants.
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Les travaux, les recherches, le processus et la jurisprudence ont permis jusqu'à maintenant de diminuer l'arbitraire et de respecter les articles 1, 7, 9 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, de créer la section XX.1 du Code criminel et de privilégier la priorité à la mise en liberté.
Introduire la notion d'« accusé à haut risque » et modifier la procédure en ce sens relèvent davantage d'un processus punitif, notamment en ce qui a trait à diverses dispositions.
Tout d'abord, la première disposition concerne la déclaration d'accusé à haut risque. Cette mesure pourrait devenir une procédure habituelle pour tout accusé et faire en sorte qu'il soit automatiquement privé de sa liberté et détenu dans un hôpital. Comme le disait ma collègue, cette mesure associe santé mentale et dangerosité en élargissant la probabilité de récidive à la brutalité de l’acte.
La deuxième disposition a trait à la possibilité de modification des délais de révision, qui ferait passer la détention de 1 à 3 ans.
La privation automatique de la liberté et détention dans un hôpital constitue une troisième disposition.
Comme on en a parlé, il est ensuite question des éléments suivants: l'ajout de la définition de « risque important pour la sécurité du public »; l'inclusion des traitements suivis et à venir de l'accusé et la volonté de celui-ci de suivre ces traitements; et l'impossibilité de séjours à l’extérieur de l’hôpital pour l’accusé à haut risque, qui fait que la détention devient la norme.
Les lois, et encore moins le Code criminel, ne peuvent être arbitraires et s’éloigner de la primauté du droit et de l’esprit de la Charte canadienne des droits et libertés. Or, ces mesures sont d’une portée excessive et remettent en cause directement l’esprit et la portée de la partie XX.1 du Code criminel.
Ces mesures reflètent une certaine imprécision, en particulier du point de vue des facteurs à considérer pour déclarer un accusé à haut risque. Le domaine de la santé mentale est uniquement basé sur une série de symptômes et de comportements. Il s'agit donc d'un domaine propice à la subjectivité.
Ces mesures renforcent la vulnérabilité des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale en les stigmatisant.
Enfin, une certaine concordance serait de mise avec l’esprit de la stratégie canadienne que nous a présentée cet après-midi la Commission de la santé mentale du Canada, qui a été créée en 2007 par le gouvernement actuel.