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Oui, nous avons des observations préliminaires à faire. Je demande votre indulgence parce qu'il s'agit davantage de points d'allocution que d'un discours.
Monsieur le président, j'aimerais vous remercier, ainsi que les membres du comité, de nous avoir invités ici aujourd'hui.
Comme bien d'entre vous le savent, l'IPFPC représente 60 000 membres, dont près de 18 000 professionnels de la TI. C'est là le plus grand segment du personnel de la TI au sein du gouvernement fédéral; en effet, environ 80 p. 100 de ces membres sont censés être transférés à Services partagés Canada.
De notre point de vue, Services partagés Canada est un grand projet qui comporte des risques. Nous croyons que les membres de l'IPFPC — les gens que nous représentons — sont essentiels au succès du projet. L'IPFPC appuie l'idée des services partagés, mais cela dépend de la façon dont on s'y prend. La question n'est pas de savoir si c'est bien ou mal, mais comment on va procéder. C'est ce qui déterminera l'échec ou la réussite de ce type de projet.
On trouve, dans la documentation, quelques exemples de bonnes idées qui ont mal tourné. Pensons à l'expérience de l'Australie, où après sept ans et 350 millions de dollars, le résultat obtenu laisse à désirer. Dans l'ensemble, nous reconnaissons que le projet de consolidation pourrait s'avérer utile. Voilà pourquoi nous essayons de collaborer de bonne foi avec le gouvernement et la gestion du régime de Services partagés Canada.
Les professionnels de la TI qui sont membres de l'IPFPC savent qu'il y a moyen de rationaliser et de rentabiliser davantage les services de TI au sein du gouvernement fédéral. Cependant, il est aussi important de noter qu'on ne pourra pas réaliser des économies si on ne se munit pas d'un plan dès le début et si, faute de prévoyance suffisante, on ne parvient pas à régler certaines des questions stratégiques. C'est ce qu'il faut faire, au lieu de s'en tenir aux opérations quotidiennes de Services partagés Canada qui sont à l'ordre du jour.
Tout d'abord, les membres de l'IPFPC sont toujours parmi les premiers à trouver des solutions. Nous voulons mettre l'accent sur les solutions, et nous avons les connaissances nécessaires pour travailler sur place à cette fin.
Lorsque la création de Services partagés Canada a été annoncée pour la première fois, nous avons été déçus du manque de consultation et de transparence. Même si l'employeur a l'obligation juridique de nous consulter, nous avons dû nous battre fort, à coup de lettres envoyées aux ministres, afin d'être consultés de façon satisfaisante dans ce dossier. Je crois que l'employeur a fini par céder aux pressions en nous invitant à travailler avec la haute direction de Services partagés Canada.
Depuis, nous avons participé à certaines des consultations, et nous sommes résolus à collaborer avec l'employeur durant la phase de mise en oeuvre. Hélas, de nombreuses questions demeurent sans réponse, ce qui crée de l'incertitude chez nos membres. Par exemple, nous n'avons pas encore vu le plan d'activités. Il n'y a toujours pas de budget précis dans ce dossier, ni de plan des ressources humaines. Comme vous pouvez l'imaginer, ces éléments sont très importants pour un organisme de négociation comme le nôtre afin de voir dans quelle direction on s'en va et de déterminer comment nos membres retomberont sur leurs pieds ou comment ils seront protégés durant leur transfert vers d'autres organismes et ministères.
En septembre 2011, nous avons reçu l'étude de faisabilité de PricewaterhouseCoopers sur les centres de données. En passant, c'est un journaliste qui nous l'a envoyée. Cela en dit long sur une partie du problème: en effet, si on nous avait demandé d'intervenir dès le début, nous aurions pu expliquer ou prévoir les orientations à prendre dans le cadre de ce projet afin de permettre au gouvernement d'atteindre ses objectifs. Comme je l'ai dit, le fait d'avoir reçu l'étude en question de la part d'un journaliste n'est probablement pas la meilleure façon de procéder.
Après avoir examiné le rapport, nous nous sommes mis à craindre de l'éventualité d'une mise en oeuvre inadéquate. Nos membres ont certainement exprimé des inquiétudes quant à des pertes d'emploi considérables et probablement inutiles, surtout en ce qui concerne le regroupement de quelque 320 centres de données dans les collectivités locales en seulement une poignée de centres de données. Comme vous pouvez l'imaginer, certains de ces centres de données se trouvent dans des régions locales ou éloignées et dans de petites collectivités, où un emploi présente d'énormes retombées économiques comparativement à un emploi dans un plus grand centre.
Avec la création de Services partagés Canada, nous craignons également qu'il y ait un recours inutile et excessif à l'impartition, ce qui coûte cher. Non seulement il y a moins de responsabilisation, mais on court aussi le risque de compromettre des principes permanents dans les pratiques en matière de ressources humaines, comme le bilinguisme. C'est là une autre de nos préoccupations; si le gouvernement se dirige dans cette direction, nous voulons que ces principes soient maintenus pour nos membres.
À notre avis, le fait de fournir des services de TI à l'interne coûte moins cher que de confier des contrats à l'externe. À ce titre, mentionnons l'expérience du gouvernement de l'Ontario en 2005; celui-ci s'est engagé, dès le départ, à suivre cette voie et a promis qu'il n'y aurait aucune perte d'emplois. L'employeur a donc pris, dès le début, un engagement envers les employés et les agents négociateurs. Si je comprends bien, cette approche a généré d'importantes économies pour le gouvernement provincial. Or, nous n'avons pas vu, cette année, le même esprit de collaboration de la part de Services Canada, qui n'a pas fait la même offre dans le cadre de cette initiative.
Là où je en veux venir, c'est que nos membres sont des fonctionnaires dévoués à l'intérêt public et qu'ils veulent travailler à réaliser des économies. Nos membres sont également les mieux placés pour faciliter une transition harmonieuse vers le modèle de services partagés. À notre avis, ce modèle peut fonctionner si nous faisons bien les choses. Les erreurs dans le processus de planification risquent de mener à un projet de services partagés dysfonctionnel. Cette question nous préoccupe. Au bout du compte, nous devons faire en sorte que Services partagés Canada soit une entité qui sert les intérêts des Canadiens de façon optimale. Il est possible de collaborer avec le gouvernement, tout en protégeant nos membres.
Voilà ce que j'avais à dire, et je suis maintenant prêt à répondre aux questions.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur Corbett.
Le comité devrait savoir que l'IPFPC a remis un dossier d'information, dont une grande partie est dans les deux langues officielles, sauf un chapitre: il s'agit du rapport de PricewaterhouseCoopers, que l'on a déjà envoyé au bureau des députés, dans les deux langues officielles, il y a quelques mois. Étant donné que nous avons déjà ce document dans les deux langues officielles, j'aimerais demander le consentement unanime du comité afin de faire abstraction de l'exigence en matière de langues officielles et de distribuer le document d'information de l'IPFPC. Y a-t-il des objections?
D'accord. Comme il n'y a pas d'objection, l'adjoint du greffier peut alors distribuer le dossier d'information.
Sur ce, nous passons à la période des questions. Nous allons d'abord entendre Denis Blanchette, pour le compte de l'opposition officielle.
Denis, vous avez cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs Corbett, Campbell et Rodrigue, je vous souhaite la bienvenue au comité.
La création de services partagés est un sujet très important pour l'administration publique fédérale. Comme vous, je suis d'accord pour dire que, compte tenu des sommes impliquées, on doit absolument bien faire les choses. Tout autour de la planète, des gens se sont livrés à des exercices de ce genre. Certains ont échoué et d'autres ont mieux réussi.
Avez-vous l'impression, en voyant la façon dont les choses commencent, qu'on est sur la bonne voie ou qu'on doit déjà corriger le tir pour ne pas frapper le mur?
Je tiens à vous remercier d'être des nôtres. Je sais que vous avez eu peu de préavis, et nous vous sommes reconnaissants de comparaître devant le comité aujourd'hui. Vous avez réussi à préparer un dossier d'information impressionnant à si court préavis. Vous avez sûrement dû mettre les bouchées doubles, compte tenu du délai très serré.
Au printemps 2010, la vérificatrice générale a noté que de bon nombre des systèmes de TI du gouvernement « ... font appel à des applications dépassées qui tournent sur une infrastructure âgée. Ces systèmes risquent de tomber en panne, et une telle panne aurait de multiples et graves conséquences. Dans le pire des cas, le gouvernement ne pourrait plus exercer ses activités et servir les Canadiens. »
Seriez-vous d'accord pour dire qu'il est vraiment nécessaire de moderniser les systèmes de TI dont dispose le gouvernement?
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On dit qu'un expert-conseil, c'est quelqu'un à qui on donne sa montre et qu'ensuite on paie pour qu'il vous donne l'heure. Je pense qu'il y a beaucoup de vérité là-dedans.
Chaque fois que vous supprimez un poste dans la fonction publique fédérale au profit d'un sous-traitant, cette personne n'a plus le devoir de loyauté. Au Canada, on s'attend à ce qu'on satisfasse à certaines exigences, comme le bilinguisme, par exemple. Toutes ces choses ne tiennent plus. De plus, c'est là qu'intervient le concept d'intermédiaire, suivi de celui de sous-intermédiaire. Donc, en un sens, en bas de l'échelle, la personne qui fait le travail reçoit un salaire très bas. Et si cela se passe dans une collectivité, cela signifie que la collectivité en souffre aussi.
Les choses se détériorent, si vous voulez mon avis.
Pour revenir au sujet à l'étude, monsieur Corbett, j'ai été surpris par votre commentaire sur l'importance d'un emploi dans une petite collectivité. Cela m'a rappelé un examen des dépenses que nous avons fait en 2005. Je me souviens d'une importante discussion au caucus quant à savoir si un poste devait être doté à Terre-Neuve ou dans une autre région du Canada Atlantique.
D'après votre description, on dirait que vous allez passer de 308 à 20. Que les pertes d'emplois touchent les petites collectivités de façon disproportionnée est pratiquement inévitable, à moins qu'on y établisse un — ou plus — des 20 centres. C'est ma première question.
Lorsque nous l'avons fait, la réduction des effectifs s'est faite seulement par attrition. Pensez-vous que c'est une possibilité, ou procédera-t-on à des congédiements?
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Je vais prendre seulement une minute et céder le reste du temps à Mme Block.
Premièrement, je vous suis vraiment reconnaissant d’être venus aujourd’hui. Je sais que vous avez été invités vraiment à la dernière minute étant donné que nous nous sommes réunis lundi pour déterminer ce que nous ferions aujourd’hui. Je vous sais gré de votre coopération.
Nous avons eu l’occasion d’examiner votre site Web. Vous affichez la plupart des réunions auxquelles vous participez — je présume que vous le faites au profit de vos membres, pour vous assurer qu’ils sont bien informés. Comme vous êtes spécialisés dans le domaine de la TI, je suppose que c’est une bonne idée d’afficher ces renseignements à cet endroit afin que les gens puissent y avoir accès.
Si j’ai entendu correctement ce que vous avez dit, votre organisation, votre syndicat, convient que, dans le domaine de la technologie de l’information, nous pourrions mieux assurer la prestation des services destinés aux électeurs, aux Canadiens, au Parlement ou à la fonction gouvernementale. Compte tenu du rapport de la vérificatrice générale, vous reconnaissez qu’il est approprié que le gouvernement cherche des moyens d’améliorer son efficacité et que la TI peut jouer un rôle important dans cette entreprise. Est-ce exact?
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En réponse à une question posée par un membre du NPD, vous avez indiqué que vous auriez aimé recevoir le rapport de Pricewaterhouse à l’avance. À mon avis, l’idée derrière ce rapport était de déterminer si cette initiative était seulement faisable. Ces gens ont examiné la question. Je pense que nous pouvons tirer des enseignements des erreurs qui ont été commises en Australie.
Je crois que certaines grandes organisations canadiennes comme les banques — la Banque Royale, par exemple — ont adopté des approches très semblables. Je pense que le dirigeant de Services partagés Canada était en fait à la tête du projet de consolidation des services partagés de la Banque Royale.
D’après ce que je vous ai entendu dire, je pense que ce qui vous préoccupe, c’est qu’à votre avis, vous n’avez pas pris part aux discussions jusqu’à maintenant. Je tiens simplement à m’assurer que je comprends bien ce qui vous tracasse. On m’a dit que vous aviez eu l’occasion de discuter du cadre des consultations patronales-syndicales, de la version préliminaire du mandat des comités consultatifs patronaux-syndicaux, de la politique provisoire de dotation, de la liste des employés et du cadre communautaire pour les groupes. Il me semble — et vous pouvez m’expliquer en quoi j’ai tort — que nous avons fait participer le syndicat. Vous êtes peut-être en désaccord avec tout ce qui s’est passé jusqu’à maintenant mais, en toute justice, ils s’emploient à mener des consultations à ce sujet depuis le début du mois de septembre. N’êtes-vous pas d’accord?
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Je pourrais peut-être apporter quelques éclaircissements à cet égard. M. Clement a clairement identifié, lors de l'annonce de ce projet, qu'il prévoyait économiser entre 100 et 200 millions de dollars par année et que cela allait contribuer à la réduction du déficit.
Pour ce faire, il faut modifier et unifier des systèmes complexes. Il faut créer de nouveaux centres de données. Il faut regrouper des services. Il faut trouver des solutions uniques relativement aux courriels. Tout cela ne se fait pas dans des délais nécessaires pour économiser.
Si on se réfère à des exemples du secteur privé, je suis convaincu qu'à la Banque Royale du Canada, on a établi un plan d'affaires solide et un plan de ressources humaines avant de lancer une telle initiative. Nous soulignons qu'il serait important de partager ces informations avec nous afin qu'on puisse contribuer dans le cadre d'un dialogue afin de pouvoir trouver des économies.
En ce moment, je crois qu'il est opportun de se demander s'il est réaliste de penser réaliser des économies chiffrées en l'absence de données solides.
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En fait, si je parlais comme ça, c'est parce que j'y vois une occasion de mettre en valeur votre expertise, de démontrer la valeur des employés et, peut-être, de mieux cibler les vraies sources d'économies.
Souvent, on part sur une balloune théorique quant à la façon d'économiser, on rêve, et par la suite, on se frappe à un mur. Personnellement, c'est ce que je crains beaucoup dans ce projet. Je ne voudrais pas, pour les contribuables, qu'on frappe un mur.
Si vous étiez capables de montrer à Services partagés Canada ce dont vos membres sont capables et ce qu'on peut faire, avec des objectifs réalistes, vous forceriez peut-être Services partagés Canada à réajuster ses flûtes et à opter pour une démarche plus bénéfique pour la collectivité.