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Merci, monsieur le président.
J'ai préparé quelques observations préliminaires. J'imagine que le but, c'est de vous renseigner sur les éléments qui font présentement l'objet d'un examen au Commissariat à l'intégrité du secteur public.
[Français]
Je suis très honoré que le premier ministre ait proposé de me nommer au poste de commissaire à l'intégrité du secteur public à la suite d'un concours amorcé cet été par le gouvernement. Comme vous le savez, le titulaire de ce poste est un mandataire du Parlement. Pour cette raison, je me trouve ici, cet après-midi, afin de permettre aux honorables députés de prendre connaissance de ma candidature, de répondre à leurs questions et de voir s'ils sont disposés à m'accorder leur confiance.
Le Commissariat à l'intégrité du secteur public est un organisme qui a été créé en 2007 sous le régime de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles. Le commissariat offre un mécanisme sécuritaire et confidentiel permettant aux fonctionnaires et au public de divulguer des actes répréhensibles commis dans le secteur public fédéral. La loi protège contre les représailles les fonctionnaires ayant divulgué des actes répréhensibles ainsi que ceux ayant collaboré aux enquêtes.
Si ma nomination est approuvée, je devrai mon allégeance au Parlement et j'exécuterai mes fonctions relatives à la mise en application de la loi avec une indépendance et une objectivité totales. En fait, mon approche de mes fonctions continuera d'être celle que j'ai adoptée depuis que j'ai été nommé commissaire par intérim, il y a exactement un an. Cela est essentiel non seulement parce que la loi le prescrit, mais aussi pour inspirer confiance à ceux qui sont témoins d'actes répréhensibles et qui doivent prendre une décision difficile quant au fait de dénoncer une situation. Je crois fermement aux objectifs de la loi énoncés dans son préambule et j'ai tout à fait l'intention d'être un acteur clé dans l'application de ses dispositions, de la manière prévue par le législateur.
En effet, il n'y a que quatre ans que le commissariat a été créé, dans la foulée de la Loi sur la responsabilité. Il a déjà traité quelques centaines de dossiers, mais l'existence du commissariat, son rôle et les limites inhérentes de ses pouvoirs demeurent mal connus tant au sein du secteur public que de la population en général. De plus, sa crédibilité a essuyé un dur coup en décembre dernier, lors de la publication du rapport de la vérificatrice générale qui le décrivait comme n'étant pas adéquatement organisé et qui mettait en cause la fiabilité des processus décisionnels qui y avaient été employés.
[Traduction]
À titre de commissaire par intérim au cours des 12 derniers mois, je pense avoir pris des mesures propres à accroître l'efficacité du commissariat et, ce faisant, à améliorer son image et, surtout, sa crédibilité. Je me suis attaqué à trois priorités essentielles au rétablissement du fonctionnement harmonieux du commissariat et à l'établissement de sa crédibilité.
De nombreuses questions ont été soulevées concernant la validité du travail accompli avant 2007. La première étape a donc consisté à faire examiner l'ensemble des dossiers — c'est-à-dire les 228 dossiers ayant fait l'objet d'une décision de ma prédécesseure — par un tiers entièrement indépendant chargé de déceler d'éventuelles déficiences, et ce, dans les plus brefs délais. Il était convenu que, si déficiences il y avait, je serais autorisé à réexaminer les décisions prises par ma prédécesseure. Nous avons confié cette tâche à la firme Deloitte et lui avons donné jusqu'au 31 mars pour s'en acquitter. Il était important d'agir non seulement de façon rigoureuse, mais aussi rapidement, ce qui a été fait. Le personnel de Deloitte m'a confirmé que le tiers des dossiers comportait des déficiences auxquelles il fallait remédier. Nous avons tenu les plaignants et les divulgateurs informés à toutes les étapes du processus et leur avons expliqué clairement pourquoi leur dossier allait ou non faire l'objet d'un réexamen.
Deloitte a trouvé 70 dossiers comportant un nombre plus ou moins élevé de déficiences. J'ai décidé d'ordonner une enquête complète pour 6 d'entre elles, tandis que 17 autres, qui avaient été closes sans qu'aucune mesure ne soit prise, seront réexaminées afin d'en déterminer la recevabilité aux termes de la loi. Je crois que, d'ici six mois, une décision aura été prise au sujet de tous ces dossiers: un rapport sera déposé si un acte répréhensible a été commis, le dossier sera renvoyé au tribunal ou on conclura que les allégations n'étaient pas fondées.
Nous avons dû adopter ces mesures, que je surnomme l'étape du grand ménage, il y a environ un an à cause des doutes soulevés par le rapport de décembre 2010 du vérificateur général.
Notre deuxième priorité consistait à constituer un effectif permanent. Lorsque j'ai été nommé commissaire par intérim, le commissariat comptait de nombreux postes vacants, et plusieurs personnes étaient en détachement ou en affectation temporaire. J'ai donc dû procéder à une évaluation de chaque employé et déterminer qui resterait au sein de l'équipe et qui serait affecté ailleurs, puis pourvoir les postes vacants. Nous avons également conçu des outils de gestion clés dont le commissariat avait besoin et mis en place une structure de gestion moderne qui définit clairement les responsabilités de chacun à chaque étape du processus. Le vérificateur général avait indiqué que la structure organisationnelle du commissariat était déficiente, alors j'ai cherché à corriger cette lacune.
Le 31 mars dernier, nous avons adopté un manuel des politiques et procédures. Nous nous sommes, pour ce faire, inspirés du travail accompli par ma prédécesseure, mais nous l'avons enrichi et amélioré, de manière à ce que le manuel guide adéquatement les employés dans leur travail. Nous avons aussi conçu un processus de formation destiné aux nouveaux employés. Tout en respectant les limites du budget actuel, nous avons plus que doublé le personnel affecté directement à l'analyse des dossiers et aux enquêtes au moyen d'un réaménagement des ressources et par une utilisation optimale de notre budget salarial.
Nous avons également exploré un certain nombre d'approches différentes pour réduire la paperasserie et simplifier notre processus. Nous utilisons pleinement notre système de gestion des dossiers récemment réaménagé, lequel permet au commissaire adjoint et à moi-même de suivre l'évolution de chaque dossier en temps réel.
[Français]
J'ai le plaisir de vous apprendre que, malgré une augmentation marquée du nombre de dossiers qui nous ont été soumis au cours de la dernière année, nous n'avons pas comme tel d'arriéré. Nous améliorons sans cesse notre façon de faire en nous fondant sur notre objectif, à savoir finaliser l'analyse des dossiers entrants en respectant les normes de service adoptées récemment. Ces dernières exigent que les examens relatifs à la recevabilité soient terminés dans les 45 jours, dans le cas d'une divulgation d'acte répréhensible, et, évidemment, que le délai légal obligatoire de 15 jours prévu par la loi et applicable aux allégations de représailles soit respecté. C'était donc la deuxième priorité, et celle-ci était axée sur l'organisation du travail ainsi que sur la dotation, en qualité et en nombre suffisants, des postes que notre budget nous permet de pourvoir.
La troisième priorité consistait à rétablir le dialogue avec des partenaires clés. J'ai donc créé un comité consultatif permanent qui est composé des trois ONG qui s'intéressent directement au travail du commissariat. Il s'agit de FAIR, de Canadiens pour la responsabilité et de Démocratie en surveillance. Le comité compte également les présidents des deux plus importants syndicats de la fonction publique du Canada, à savoir l'Alliance de la fonction publique du Canada et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, de même que des représentants de l'Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada, connue sous le vocable APEX, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le tribunal créé en vertu de la loi pour revoir les cas de représailles.
Je me suis engagé à tenir des réunions trimestrielles, de façon à assurer une consultation et une rétroaction permanentes sur les sujets importants. Par exemple, nous sommes en train d'élaborer des politiques visant à encadrer la prise de décisions. Le comité va participer à l'entièreté du processus d'élaboration de ces politiques.
Notre plus grand défi est encore de savoir comment répondre aux critiques selon lesquelles aucun cas d'acte répréhensible n'a encore fait l'objet d'un rapport au Parlement et que trop peu d'affaires ont été déférées au tribunal.
[Traduction]
Le principal reproche qui nous est fait, c'est qu'aucun rapport concernant des allégations fondées d'acte répréhensible n'a encore été présenté au Parlement.
Tout ce que je peux dire à ce moment-ci, c'est que, sur 115 dossiers actuellement actifs, 35 font l'objet d'une enquête complète. Il s'agit d'un nombre deux fois et demie plus élevé qu'en décembre 2010.
Mon rôle ne consiste évidemment pas à préjuger du résultat d'une enquête. Le commissaire à l'intégrité du secteur public est un décideur qui doit se fier aux constatations découlant des enquêtes. Je pense néanmoins que, mathématiquement parlant, il est très probable qu'un certain nombre de cas découleront sous peu des 35 enquêtes en cours.
[Français]
Mon rôle, à titre de mandataire indépendant, n'est pas d'atteindre un certain quota, mais d'enquêter et de déterminer si chaque cas est bien fondé. Je dois analyser objectivement chaque cas, en arriver à une conclusion et prendre les mesures que la loi m'autorise à prendre.
[Traduction]
Tout comme nos critiques, je suis impatient de porter des cas valables à l'attention du Parlement. Nous avons déjà renvoyé deux cas au Tribunal de la protection des fonctionnaires. Je suis fort impatient d'en soumettre davantage, mais ceux-ci doivent être recevables selon la loi. Je suis tenu de le faire et j'ai l'intention d'agir en conséquence si ma nomination est approuvée.
Je suis convaincu que ma longue expérience dans le secteur de la justice au niveau fédéral continuera de m'être utile sur le plan du leadership que je compte offrir au commissariat. Je crois sincèrement en la mission que nous confie la Loi. Je me suis pleinement rendu compte de l'importance et du potentiel du commissariat. Je sais que je peux traiter les dossiers objectivement, en faisant appel à diverses expériences passées, notamment ma formation juridique, qui sera fort utile dans l'exercice de ces fonctions.
J'estime que ma connaissance de l'appareil fédéral constitue non pas une menace pour une partialité qui favoriserait la haute gestion, mais plutôt un atout quant à la connaissance de la culture au sein de laquelle les actes allégués ont pu se dérouler. Je vous demande de m'accorder votre confiance et de me permettre, avec mon équipe, de mettre pleinement en oeuvre cette loi au cours des sept prochaines années.
Si le Parlement entérine ma nomination, je chercherai à réaliser en priorité un certain nombre de projets clés qui feront la promotion des mêmes objectifs: soit l'accessibilité, car il est crucial que le commissariat soit véritablement accessible; la compétence, au sujet de laquelle nous avons pris des mesures qui nous permettront de mieux remplir notre mandat et dont j'ai déjà parlé et la responsabilité envers le Parlement.
J'ai déjà évoqué mon intention d'élaborer des politiques d'encadrement de la prise de décisions du commissaire dans le but d'en démystifier les rouages et de renseigner la population au sujet de la loi, qui est mal connue. Sachant combien il est difficile de s'engager dans la voie d'une dénonciation, j'examinerai également quels pourraient être des moyens concrets de fournir une aide supplémentaire, pratique et véritable aux fonctionnaires et aux citoyens qui se demandent s'ils souhaitent se prévaloir des dispositions de la loi.
Pour conclure, je suis certain que, en retenant les leçons du passé et en mettant en oeuvre d'autres mesures concrètes, nous pourrons finalement accomplir ce que le Parlement avait envisagé en 2007.
Merci beaucoup de votre attention monsieur le président. Je serais heureux de répondre aux questions de vos collègues.
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Il s'agit d'un poste de mandataire du Parlement. Au cours de ma carrière, j'ai appris ce qu'est un mandataire du Parlement: il s'agit d'une personne qui agit au nom du Parlement. Elle doit être totalement indépendante. C'est nécessaire en raison de la nature de ses fonctions. La formation juridique nous aide à comprendre ce qu'est l'indépendance et l'obligation d'être impartial. Je pense que le temps passé à 8 ou 10 endroits différents pendant les 30 ans en question me donne une bonne idée du mode de fonctionnement, de la façon de penser et de la culture de la fonction publique. Toutefois, je ne saurais en dire autant du reste du secteur public, car je n'ai jamais travaillé à l'extérieur de la fonction publique.
Je connais les façons de faire, d'agir et de voir les choses à divers niveaux de gestion. En effet, j'en ai connu plusieurs. J'ai commencé en tant que stagiaire, ensuite j'ai occupé un poste classé LA-01, celui d'un avocat qui débute, et j'ai fini comme sous-ministre, ou DM-02. J'ai connu les façons d'agir des DG, des sous-ministres adjoints, à plusieurs époques et ministères. C'est utile, quand on parle de représailles, de reconnaître certains comportements. J'en ai vu dans le passé. Il y a des façons subtiles, parfois, de faire les choses lorsqu'on veut prendre des mesures de représailles. J'en ai vu dans le passé, ce qui me permet de les reconnaître et de comprendre un peu le modus operandi d'une personne qui a décidé de mal agir.
Également, cela me permet de comprendre les méthodes de contrôle financier. J'étais responsable des finances et des ressources humaines au ministère de la Justice, par exemple. Comprendre la gestion des finances publiques et la gestion des ressources humaines est pertinent quand il est question d'actes répréhensibles. J'y ai passé plusieurs années.
J'ai bénéficié d'une connaissance du milieu tout en étant très prudent sur le plan du maintien de l'indépendance réelle, de l'objectivité réelle et de l'apparence d'objectivité. On m'a nommé commissaire intérimaire pour six mois à deux reprises. À trois occasions, j'ai indiqué que je ne pouvais traiter d'un dossier particulier parce que je craignais qu'il n'y ait une apparence de partialité du fait que je connaissais les « accusés ». D'entrée de jeu, j'avais dis que je ne toucherais pas à ce dossier, que je n'avais pas d'opinion et que le sous-commissaire s'en chargerait. Cela se produira encore à l'avenir.
J'ai évidemment connu des gens. Le cercle d'amis est plus restreint qu'on peut le penser, même quand on est dans la haute fonction publique. Le cercle se restreint de toute façon parce que les gens partent à la retraite. Mes contemporains commencent à partir à la retraite.
Merci Monsieur Dion.
C'est au tour du NPD, mais j'ai demandé de partager quelques minutes, puisque c'est la prérogative de la présidence. Je dois avouer que la question m'intéresse particulièrement. En fait, il y a plus de dix ans, mon ami, le regretté Reg Alcock, et moi avons siégé au même comité, lorsque nous tentions de mettre en oeuvre le projet de loi .
Ce qui m'inquiète aujourd'hui, Monsieur Dion, c'est que je siégeais au comité lorsque Christiane Ouimet était assise là où vous l'êtes maintenant; elle aussi semblait fort compétente. Nous avons tous approuvé sa candidature avec un certain enthousiasme. En fait, nous avons grandement manqué à nos engagements envers les divulgateurs. Il faut du courage pour être un divulgateur... nous avions promis à ces gens un lieu sûr et nous avons manqué à notre engagement. Cela me rend furieux, car je m'intéresse à cette question depuis fort longtemps.
J'ai une lettre que m'a envoyée un ancien commissaire à l'intégrité, M. Keyserlingk. Il écrit, « [...] je suis franchement consterné du fait que le gouvernement ait nommé hier [...], la lettre remonte à un an, Mario Dion au poste de CISP intérimaire ». Il ajoute qu'il ne cherche aucunement à dénigrer les compétences de Mario Dion, mais qu'à son avis, nous avons de nouveau nommé un cadre supérieur, un sous-ministre de la fonction publique. Sa lettre de six pages explique pourquoi il s'agit d'une idée désastreuse.
L'évidence empirique et la seule expérience que nous ayons d'une nomination d'un cadre supérieur de la fonction publique à ce poste montrent que cela a été un échec catastrophique, qui a possiblement brisé la confiance des fonctionnaires pendant toute une génération. Car qui dénoncera quoi que ce soit maintenant? Imaginons que vous êtes un fonctionnaire. Vous avez connaissance d'actes répréhensibles. Vous êtes éveillé la nuit et vous vous demandez, « devrais-je risquer l'avenir de ma famille et mon salaire en divulguant ce que je sais ou devrais-je simplement me taire? » Si j'étais fonctionnaire, en voyant ce qui est arrivé aux 220 ou 230 personnes qui ont parlé et qui se sont fait avoir, je me dirais, « mieux vaut ne rien dire, faire mon travail et ne pas m'en mêler ».
Il faudra possiblement une génération avant que les fonctionnaires fassent de nouveau confiance au Commissariat.
Je sais qu'il s'agit davantage d'une observation que d'une question, mais le fait que nous ne tenions pas compte de l'avis de l'ancien commissaire à l'intégrité me préoccupe énormément, même si je n'ai rien à redire contre vos compétences ou votre intégrité personnelle. Je suis convaincu que vous étiez un excellent fonctionnaire. Peut-être est-ce simplement la nomination d'un cadre supérieur de la fonction publique qui est une grave erreur. Après tout, ce sont vos amis que vous devez dénoncer. Si quelqu'un vient vous raconter qu'il sait qu'un sous-ministre au ministère de la Justice emprunte la voiture à des fins personnelles pendant la fin de semaine, il vous parle d'un ancien collègue de travail.