Que la Chambre reconnaisse: a) le droit fondamental de tous les Canadiens à la liberté d’expression, à la liberté de communication et à la vie privée, ainsi que la nécessité d’affirmer clairement que ces droits doivent être respectés dans toutes les formes de communication; b) que la collecte, par le gouvernement, de données et de renseignements personnels sur les activités en ligne des Canadiens, sans limites, sans règles et sans supervision judiciaire constitue une violation de la Charte canadienne des droits et libertés pour ce qui est des protections qu’elle offre contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives; c) que les Canadiens qui ont exprimé de vives inquiétudes au sujet du projet de loi C-30 ne devraient pas être qualifiés d’amis de la pornographie juvénile ou de défenseurs de la criminalité; d) que la Charte constitue la garante des libertés et des droits fondamentaux de tous les Canadiens; e) que la Charte a préséance sur toute disposition du Code criminel; par conséquent, la Chambre demande au premier ministre de veiller à ce que toute loi présentée par ce gouvernement respecte les dispositions de la Charte et la valeur qu’elle accorde aux principes de l’application régulière de la loi, du respect de la vie privée et de la présomption d’innocence.
— Je suis heureux d'avoir l'occasion d'intervenir sur cette question importante à la Chambre. Nous conviendrons tous, j'en suis persuadé, que la présentation du projet de loi a suscité des réactions très vives partout au pays. Il est important que les députés incitent non seulement leurs collègues à la Chambre, mais aussi la population en général, à débattre sérieusement des véritables enjeux que soulève ce projet de loi. Il est aussi important que les députés montrent qu'ils comprennent et appuient les principes garantis par la Charte et le rôle joué par les tribunaux dans l'évaluation de l'objet de la Charte des droits et libertés et qu'ils soient conscients que, dans sa forme actuelle, la mesure législative pourrait fort bien faire l'objet d'objections. Il faut traiter ces objections avec respect et civilité et éviter de les rejeter du revers de la main en prétextant qu'elles sont le fruit d'un groupe de pression qui soutient la criminalité au pays.
D'entrée de jeu, je vais citer la juge en chef Beverley McLachlin qui s'est prononcée dans une affaire récente, l'arrêt Gomboc. Cette affaire portait sur l'accès, par la police, à des renseignements concernant la consommation d'électricité d’une habitation dans laquelle on soupçonnait l’existence d’une culture de marijuana. Je crois qu'il est important de lire des extraits de cette décision, non pas en raison de ce qu'ils nous apprennent au sujet de cette affaire, mais plutôt parce qu'ils nous rappellent à quel point les enjeux dont nous débattons aujourd'hui sont importants.
La juge en chef McLachlin a déclaré ce qui suit:
Chaque jour, nous permettons à un certain nombre de personnes d’avoir accès à des renseignements sur les activités qui se déroulent dans nos maisons; pensons notamment à celles qui nous apportent notre courrier, réparent nos appareils en panne, nous livrent du mazout, nous approvisionnent en électricité ou nous fournissent des services téléphoniques, télévisuels ou Internet. Notre consentement à ces « intrusions » dans notre vie privée et dans nos maisons est à la fois nécessaire et conditionnel: nécessaire, parce que nous nous priverions autrement de services considérés comme essentiels de nos jours; conditionnel, parce que nous ne donnons accès à nos renseignements personnels que dans le seul but, précis et limité, de recevoir ces services.
Ce consentement nécessaire et conditionnel n’élimine pas pour autant notre attente raisonnable de respect de la vie privée relativement aux renseignements communiqués dans ce but limité et bien compris. Lorsque nous nous abonnons à des services de câblodistribution, nous ne renonçons pas de ce fait à notre attente en matière de vie privée à l’égard des sites que nous visitons sur Internet, des émissions que nous regardons à la télévision ou écoutons à la radio, ou encore des messages que nous échangeons par courriel avec d’autres personnes au moyen de notre ordinateur.
De même, lorsque nous nous abonnons à un service public, nous n’autorisons pas la police à réquisitionner le service concerné pour s’introduire — physiquement ou électroniquement — dans nos foyers, sans autorisation judiciaire, dans le cadre d’une enquête criminelle. Nous n’autorisons ni les agents d’infiltration de la police, ni des employés des services publics qui agiraient pour le compte de celle-ci à s’immiscer ainsi dans notre vie privée.
Le projet de loi soulève des questions importantes. Je tiens à le souligner, car nous devons tous être clairs sur ce point: le projet de loi vise à étendre les pouvoirs d'enquête que confère le Code criminel aux policiers à l'égard des modes de communication. Il ne concerne pas seulement la pornographie infantile. Son titre abrégé est franchement trompeur et ne reflète pas du tout l'objectif du projet de loi. La mesure législative traite bien sûr de la pornographie juvénile, mais aussi de toute activité criminelle, notamment des activités déjà visées par la Loi antiterroriste et la Loi sur la concurrence. Elle vise essentiellement à étendre les pouvoirs d'enquête et d'intrusion dans toute une multitude de domaines, quelles que soient les méthodes employées, pour tous les modes de communication.
Soyons clairs. En vertu des dispositions actuelles du Code criminel, que tous les députés de la Chambre soutiennent, les policiers et les responsables de la sécurité assujettis à la Loi sur le SCRS se voient conférés le pouvoir de surveiller ce que font les gens. S'ils croient qu'un acte criminel est en train d'être perpétré, la loi leur accorde le pouvoir de demander à un juge s'il est possible, conformément aux dispositions actuelles du Code criminel, d'intercepter des appels téléphoniques et d'autres formes de communications. De ce côté-ci de la Chambre, personne n'insinue le moindrement qu'il est inapproprié que les forces policières demandent l'obtention de pouvoirs leur permettant de vérifier ce qui se passe, lorsque des motifs établissent clairement la possibilité qu'un acte criminel est en cours ou sur le point d'avoir lieu. Cela n'est pas inapproprié.
Au printemps, nous célébrerons le 30e anniversaire de la Charte. Cette dernière découle de la volonté de la Chambre des communes et du Sénat de consacrer certains droits fondamentaux de la personne et offre des protections relatives à la vie privée. Il est important que nous reconnaissions que la Charte énonce et codifie simplement ce qui, dans les faits, est établi par le droit canadien et, bien entendu, par la common law dans les pays qui ont adopté la common law, ainsi que dans le Code criminel, qui s'applique dans toutes les provinces et tous les territoires au Canada et qui est le fondement de notre jurisprudence depuis des centaines d'années et qui renferme des limites quant à la capacité de l'État de s'immiscer dans la vie privée des gens. Nous devons d'abord obtenir l'approbation des tribunaux si nous souhaitons franchir cette limite.
Le problème soulevé plus directement par le projet de loi tient surtout aux articles 16 et 17. Les dispositions de l'article 16 traitent des demandes écrites et celles de l'article 17, des demandes orales.
Dans l'article 16, on peut lire:
Sur demande écrite de toute personne désignée [...] le télécommunicateur lui fournit les renseignements identificateurs qu’il a en sa possession ou à sa disposition concernant les nom, adresse, numéro de téléphone et adresse de courriel de tout abonné de ses services de télécommunication et l’adresse de protocole Internet et l’identificateur du fournisseur de services locaux associés aux services et à l’équipement de l’abonné.
L'article 17 permet, non pas uniquement aux personnes autorisées, mais à tout officier de police qui a des motifs raisonnables de croire que l'urgence est telle qu'il lui faut les renseignements immédiatement de les obtenir simplement en faisant un appel téléphonique et en disant: « Il nous faut cette information tout de suite ».
Il y a certainement lieu de tenir un débat légitime pour déterminer si l'obtention de ces renseignements constitue ou non une violation de la vie privée.
[Français]
Nous avons la Charte canadienne des droits et libertés, mais même avant la Charte, il y avait un principe de notre système de droit et légal, je dirais un droit primordial, à l'effet que l'État ne peut pas intervenir dans les affaires privées des personnes sans avoir l'autorisation nécessaire d'un juge de la cour. C'est clair. C'est effectivement le problème que nous voyons. Nous pensons qu'il faut tenir un débat civil, qui dise clairement que nous reconnaissons le droit à la vie privée des gens. J'irai même plus loin que ça: avec les articles 7 et 8 de la Charte, il faut dire clairement que la loi devrait spécifiquement protéger les droits privés et la vie privée.
[Traduction]
Le débat d'aujourd'hui peut prendre différentes avenues. Je crois qu'il est très important que la Chambre accueille le point de vue des personnes qui ont des réserves au sujet du projet de loi avec un minimum d'ouverture d'esprit et de respect.
Nous, de ce côté-ci de la Chambre, n'irions jamais dire que nous ne croyons pas qu'il y a des raisons pour lesquelles un fournisseur de services pourrait être tenu de fournir aux policiers et à d'autres enquêteurs les renseignements qu'il détient, et qu'il existe des moments et des façons pour ce faire, de la même manière qu'une compagnie de téléphone pourrait devoir permettre qu'un appel soit intercepté. De plus, si un crime est commis sur Internet ou avec un cellulaire ou un autre moyen de communication numérique, il est évidemment acceptable que les policiers aient accès à l'information pour déterminer ce qui se passe.
La principale question qui se pose est de savoir si la Chambre est prête à dire aux Canadiens que ces renseignements peuvent être obtenus, mais pas sans autorisation judiciaire préalable. Il s'agit d'une question extrêmement pointue. Par ailleurs, le projet de loi est très volumineux et ses dispositions sont complexes.
Nous nous réjouissons du fait qu’en réponse au tollé sans précédent provoqué par ce projet de loi, le gouvernement a décidé de le renvoyer au comité avant la deuxième lecture. Je pense que c’est une bonne idée. Je dirais que ce serait également une bonne idée pour bon nombre d’autres projets de loi. Nous serions heureux que cela soit fait à d’autres occasions. Le gouvernement doit savoir qu’à notre avis, il est important de procéder ainsi.
De notre côté, nous sommes absolument déterminés à discuter de cette question, au moins pour reconnaître la légitimité des préoccupations concernant la protection de la vie privée. Si nous devions tout simplement écarter le droit à la vie privée, nous irions à l’encontre non seulement de la Charte, mais aussi de l’interprétation que la Cour suprême du Canada en a fait dans des dizaines de décisions qu’elle a prises depuis que la Chambre des communes l'a adoptée, en 1981.
J’hésite à le mentionner, mais ma place est située non loin de l’endroit où je me trouvais quand je me suis levé pour voter en faveur de la Charte et du rapatriement de la Constitution. Je ne vais pas citer ce que j’ai dit à l’époque, mais j’invite le député d’en face à lire le discours. Je le lui recommande parce que cela pourrait l’éclairer.
J’ai entendu des députés décrier la Charte ici même, à la Chambre. Quand ils disent que la Charte est un instrument qui favorise les criminels et non les autres, c’est tout à fait faux. Lorsque nous défendons le droit à la vie privée, nous ne défendons pas l’activité criminelle. Nous discutons de la limite entre ce qui est privé et ce que l’État a des motifs raisonnables de vouloir connaître. Quels sont les critères auxquels l’État doit satisfaire pour pouvoir franchir cette limite?
Les tribunaux ont défini des critères auxquels les personnes devaient satisfaire. Les tribunaux insistent pour que les services de police respectent ces ensembles de règles. Oui, dans certaines circonstances cela peut être difficile et pénible. Oui, si les étapes ne sont pas bien suivies, une décision exigeant la tenue d’un nouveau procès peut être rendue parce que les règles régissant l’admissibilité de la preuve n’ont pas été respectées. Nous avons un nom pour cette notion dans notre société. C'est ce que nous appelons la primauté du droit.
Nous n’avons pas donné aux tribunaux de nouveaux rôles, des rôles qu’ils n’avaient pas avant l’adoption de la Charte. Les tribunaux ont toujours eu pour fonction et pour responsabilité de dire que, lorsque les législateurs vont trop loin ou manquent de jugement, il faut pouvoir revenir en arrière. Souvent, au cours de l’histoire du Canada, bien avant l’avènement de la Charte, les tribunaux ont dit que nous pouvions faire ceci, mais pas cela.
Certains députés d’en face se souviennent peut-être de l’infâme projet de loi sur la presse, en Alberta, quand l’Assemblée législative, sous la direction du prédécesseur intellectuel du gouvernement que nous avons ici, le Crédit social de l’Alberta, a déclaré que la presse devait présenter la version gouvernementale de tous les articles qu’elle publiait. La presse devait présenter la position officielle afin d’assurer une information équilibrée. La Cour suprême du Canada a statué qu’il était impossible d’exiger une telle chose, que c’était là une violation de la liberté de la presse et de la liberté d’expression.
Au Québec, bien avant l’adoption de la Charte, le premier ministre Duplessis a dit lui-même que M. Roncarelli pouvait avoir un restaurant, mais qu’en raison de ses liens avec les Témoins de Jéhovah, son restaurant ne pouvait pas détenir de permis d’alcool. Dans un arrêt très connu, la Cour suprême a déclaré qu’il ne pouvait pas évoquer un argument totalement non pertinent pour empêcher quiconque de se prévaloir de ses droits.
La Charte visait essentiellement à enchâsser et à officialiser les droits dont nous jouissions depuis toujours, et je crois que c'est ce qu'elle fait, dans l'ensemble. La Charte garantit efficacement ces droits. Pour tout dire, le Parlement doit aussi les garantir.
Il est important qu’à la Chambre nous comprenions les enjeux de ces discussions. Il s’agit de notre engagement commun à respecter la primauté du droit, de l’engagement du Parlement à respecter les lois canadiennes, y compris la Charte des droits et libertés, et de notre engagement à traiter nos opposants avec courtoisie.
Rien ne justifie que le gouvernement vote contre cette motion. Rien ne justifie que quiconque à la Chambre vote contre cette motion. Elle énonce de manière très équilibrée les principes de la Charte, les enjeux et la raison pour laquelle il est si important qu’à titre de Canadiens nous traitions cette question avec intelligence.
La police doit pouvoir faire son travail. Nous devons pouvoir prendre des mesures concernant les actes de violence, les actes de terrorisme, les prédateurs d’enfants et les crimes visant des enfants. Toutefois, nous devons le faire d’une façon qui respecte entièrement la primauté du droit dans notre pays.
[Français]
Naturellement, nous allons suivre le débat avec beaucoup d'intérêt. Mais comme je l'ai déjà dit, dans la motion présentée aujourd'hui, il y a une certaine clarté: oui au droit privé; oui à la Charte des droits et libertés; et oui à la notion importante indiquant que nous pouvons tous accepter un équilibre nécessaire, le rôle des cours nécessaire, le respect des citoyens et un débat civil sur cette question.
[Traduction]
Ce débat suscite beaucoup d’émotions. Il est important que nous comprenions ce qui suscite toute cette émotion. Nous devons pouvoir débattre ces questions dans le respect mutuel et étudier minutieusement le projet de loi. Je peux garantir au gouvernement que nous, du Parti libéral, dans notre fonction d’opposition, nous allons le faire de manière responsable. Nous continuerons de travailler pour améliorer le Code criminel et appuyer une police efficace et aussi pour assurer aux Canadiens une protection qui garantit aussi les droits que nous avons tous au respect de notre vie privée et à la primauté du droit.
:
Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur la motion dont nous sommes saisis aujourd’hui. Au cours des dernières semaines, le projet de loi , Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs, a beaucoup retenu l’attention.
Contrairement à ce que laisse entendre la motion du chef intérimaire du Parti libéral, notre gouvernement conservateur est fortement attaché aux principes de l’application régulière de la loi, du respect de la vie privée et de la présomption d’innocence. Le projet de loi respecte ces principes. Nous essayons, grâce à cette mesure législative, d’actualiser nos lois, qui ne protègent pas adéquatement les Canadiens contre l’exploitation en ligne. Nous voulons moderniser nos lois tout en maintenant un juste équilibre entre la répression du crime et la protection de la vie privée. C’est la raison pour laquelle nous avons l’intention de renvoyer directement le projet de loi à un comité parlementaire pour un examen complet.
Depuis le dépôt du projet de loi, il y a près de deux semaines, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les commentaires de plusieurs députés. Je me suis également intéressé aux observations de différents groupes et particuliers qui se sont exprimés par l’entremise des médias tant pour appuyer le projet de loi que pour s’y opposer.
Nous savons tous fort bien qu’un sain débat constitue l’un des piliers de notre démocratie parlementaire. En fait, c’est un pilier de notre démocratie tout court. Toutefois, nous savons tout aussi bien que pour être sain, le débat doit être éclairé et fondé sur des faits plutôt que sur des conjectures et des peurs irraisonnées suscitées par des alarmistes. Le débat doit s’appuyer sur des faits réels plutôt que sur des attaques personnelles et des demi-vérités.
Comme le le sait bien, notre gouvernement est fortement attaché aux principes de l’application régulière de la loi, du respect de la vie privée et de la présomption d’innocence. Le fait que cette motion donne à penser le contraire n’est pas surprenant.
Le chef intérimaire du Parti libéral s’est justement excusé hier des agissements de l’un de ses principaux recherchistes qui a lancé une campagne de diffamation contre moi. Comme je l’ai dit hier, je n’ai rien à redire à une attaque lancée ouvertement à la Chambre des communes, au vu et au su de tout le monde. Toutefois, je suis indigné à l’idée que l’argent des contribuables a pu servir à s’attaquer secrètement à un député.
Malgré les révélations et les excuses d’hier, le Parti libéral et son doivent encore des explications aux Canadiens. Le recherchiste principal du Parti libéral, Adam Carroll, a-t-il utilisé l’argent des contribuables et, si oui, quel montant? Le Parti libéral du Canada compte-t-il rembourser ce montant à la Chambre? De quelle façon le député de est-il impliqué dans cette campagne? Quand a-t-il appris qu’un employé du parti y a trempé? Une fois qu’il l’a appris, qu’a-t-il fait pour mettre fin à la campagne de diffamation? En fait, qu’a-t-il fait personnellement en faveur de cette campagne?
Malgré la campagne de diffamation, je continuerai, au nom de mon gouvernement, à faire mon devoir et à m’acquitter de mes responsabilités liées à ce projet de loi. Je suis donc très heureux d’avoir l’occasion d’exposer la vérité concernant le projet de loi et de rétablir les faits sur un certain nombre de fronts.
Les Canadiens méritent d’entendre un dialogue raisonnable sur les questions qui touchent leur vie et leur sécurité globale, un dialogue fondé sur la raison plutôt que sur l’hystérie, basé sur des faits plutôt que sur les complots extravagants imaginés par le député de . Je veux donc concentrer mes propos d’aujourd’hui sur ce que le projet de loi fait, puis parler de ce qu’il ne fait pas. Autrement dit, je veux établir une nette distinction entre la réalité et la fiction.
J'ai consacré l'essentiel de ma carrière à la cause de la sécurité des Canadiens. En tant que procureur, avocat à la protection de l'enfance, procureur général fédéral et provincial et actuellement à titre de ministre de la Sécurité publique du Canada, je me suis fixé pour objectif de faire passer les droits des victimes avant les intérêts des criminels.
Au fil des ans, il m'est apparu de plus en plus évident, comme à des milliers et des milliers d'autres Canadiens, que nos lois étaient de plus en plus dépassées par rapport aux technologies utilisées par les criminels. La frustration accumulée par les policiers depuis des années est manifeste.
Quand je me suis lancé en politique, j'ai entendu tant de fois les agents du maintien de l'ordre me répéter la même chose que j'ai commencé à me demander si l'on pourrait un jour régler le problème. Et peu après avoir été nommé ministre fédéral de la Justice en 2006, j'ai découvert la notion d'accès légal et les défis que représentent la lutte contre la criminalité et les enquêtes sur les menaces à l'ère des nouvelles technologies de communication. J'ai été frappé de constater que nous abordions l'Internet avec la vision d'une génération antérieure qui se limitait à des appareils comme le télex.
C'est un problème que j'ai entendu évoquer par les responsables du maintien de l'ordre et de la sécurité partout au Canada ainsi que par nos alliés internationaux. Précisons que ces alliés internationaux ont adopté ces dispositions. À cet égard, le Canada n'est pas en avance sur les autres démocraties occidentales. En 2009, le chef de la police de Vancouver, Jim Chu, a déclaré que nos lois avaient été « écrites à l'origine à l'époque du téléphone à cadran ». Le projet de loi rectifiera la situation.
Ce n'est pas la première fois que nous essayons de moderniser nos lois. On connaît bien le problème. Comme l'a reconnu le chef intérimaire du Parti libéral, même les libéraux le connaissaient. Le Parti libéral a présenté des projets de loi analogues à trois reprises et sa position actuelle sur le projet de loi montre clairement que les libéraux sont un parti dénué de valeurs, dénué de principes et dénué d'idées qui est prêt à accepter et à adopter n'importe quelle position sur une question à l'ordre du jour. Les libéraux ont appuyé des mesures analogues à celle-ci pendant dix ans, avec moins de protections de la vie privée. Notre gouvernement a présenté deux fois des projets de loi analogues, en 2009 et en 2010.
À la déception de beaucoup, et malgré les efforts acharnés de gens comme Paul Gillespie, anciennement de la police de Toronto et qui dirige maintenant la Kids Internet Safety Alliance, et comme Roz Prober de l'organisation Au-delà des frontières, les efforts pour apporter ces modifications nécessaires à la loi ont été vains, car ces projets de loi sont tous morts au Feuilleton. Je suis sûr que de nombreux députés ont entendu M. Gillespie parler avec passion de la charge émotionnelle que représentent les enquêtes sur l'exploitation des enfants pour les agents de première ligne. Chaque jour, ils sont confrontés à la réalité brutale des agressions sexuelles perpétrées sur des milliers d'enfants, de la façon la plus choquante et la plus inimaginable qui soit. En réalité, ces policiers n'ont tout simplement pas les outils requis pour lutter efficacement contre ces crimes. C'est le cas non seulement pour la pornographie juvénile, mais aussi pour le vol d'identité, le crime organisé en ligne, et d'innombrables escroqueries et fraudes sur Internet.
Voilà plus d'une décennie que les policiers ont brisé leur silence et informé le gouvernement de l'époque qu'ils n'avaient pas les outils nécessaires pour suivre le rythme des évolutions technologiques. Voici un exemple parmi tant d'autres qui illustre la frustration et les problèmes persistants liés à l'actuel système. Il m'a été fourni par la gendarme-détective Stephanie Morgan de la police de Kingston. La détective Morgan a reçu des renseignements par Internet selon lesquels une personne envisagerait de mettre fin à ses jours. Lorsqu'elle a contacté un fournisseur de services de télécommunications afin d'obtenir de l'aide pour retracer ladite personne, elle s'est heurtée à un mur. Voici ce qu'elle a déclaré:
Dans le cas que j'ai soulevé, le fournisseur d'accès Internet a refusé de nous communiquer le renseignement, par respect de la vie privée de la personne. À ce jour, je ne sais pas qui a envoyé le message, si la personne était en détresse ou si elle a mis fin à ses jours par la suite. [...] Je pense que cette situation ne se serait pas produite si cette mesure législative était en vigueur.
Permettez-moi de donner un deuxième exemple. Les députés ont peut-être entendu parler de ce cas. Dans le cadre d'une vaste enquête mondiale sur la pornographie juvénile, l'Allemagne a alerté les forces de l'ordre canadiennes que 200 adresses IP assignées à des clients de fournisseurs d'accès Internet canadiens étaient associées à l'exploitation d'enfants sur Internet. La GRC s'est adressée à ces fournisseurs d'accès Internet canadiens, afin qu'ils l'aident à identifier les suspects potentiels. Malheureusement, la GRC n'a pas pu identifier les détenteurs de 47 adresses IP, car certains fournisseurs d'accès Internet ont refusé de coopérer. Par conséquent, 47 pistes ont mené à une impasse et d'innombrables enfants courent encore un risque aujourd'hui.
J'ai un troisième exemple, celui d'une enquête criminelle internationale portant notamment sur 78 adresses IP canadiennes utilisées pour l'achat de pornographie juvénile. Dans ce cas-ci, les enquêteurs ont présenté une demande aux fournisseurs d'accès Internet concernés en vue d'obtenir le nom et l'adresse des clients. Là encore, certains fournisseurs ont refusé de divulguer les renseignements de base de leurs abonnés. Par conséquent, 18 suspects n'ont pas pu être identifiés et restent libres de porter atteinte à la sécurité de jeunes Canadiens.
Il ne s'agit pas de cas isolés. L'année dernière seulement, la GRC s'est vu refuser 62 demandes de renseignements de base sur les abonnés présentées par son Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants situé à Ottawa. C'est tout simplement inacceptable.
C'est pourquoi, le 14 février dernier, j'ai présenté de nouveau une mesure législative qui ressemble beaucoup à celle présentée par le précédent gouvernement libéral, mais pas sans y avoir apporté d'importantes améliorations visant à mieux protéger la vie privée des Canadiens. Je signale que tous les procureurs généraux et tous les ministres de la Sécurité publique des provinces et des territoires appuient ce projet de loi. La volte-face des libéraux concernant ce projet de loi me laisse tout simplement perplexe.
Le projet de loi permettrait à la police de demander six types de renseignements de base sur les abonnés pour faciliter le genre d'enquêtes dont je viens tout juste de parler. Il est toutefois important de souligner aussi que la police devrait, dans tout les cas, rendre des comptes: elle ferait en effet l'objet de vérifications et elle serait tenue d'établir des rapports qu'elle présenterait aux commissaires à la protection de la vie privée fédéral et provinciaux.
Penchons-nous sur le premier point, qui porte sur les renseignements de base des abonnés.
Ce type de renseignements est essentiel pour les enquêtes criminelles et pour les enquêtes sur la sécurité nationale; il permet aussi de répondre à d'autres besoins, notamment en facilitant les recherches des familles qui essaient de retrouver de jeunes fugueurs. Nous avons amélioré le projet de loi en faisant passer de 11 — comme le prévoyait la version concoctée par les libéraux — à 6 le nombre de types de renseignements que la police peut demander aux fournisseurs de services. Ces renseignements sont expressément prévus dans le projet de loi, il s'agit des nom, adresse, numéro de téléphone et adresse courriel de l'abonné ainsi que de l'adresse de protocole Internet et de l'identificateur du fournisseur de services locaux, un point c'est tout. C'est l'équivalent moderne des renseignements que l'on trouve dans l'annuaire téléphonique.
Le projet de loi établirait un équilibre qui n'existe tout simplement pas aujourd'hui. Par exemple, seuls les agents désignés pourraient présenter une demande de renseignements sur des abonnés, et il n'y en aurait qu'un nombre restreint, soit au maximum 5 personnes par organisme ou le nombre correspondant à 5 p. 100 de son effectif, si ce dernier nombre est supérieur. La loi prévoirait expressément que toute demande de renseignements de base sur les abonnés devrait être présentée dans l'exercice d'une fonction de l'organisme où travaille l'agent désigné.
À des fins de vérification interne, les agents seraient tenus — pour chaque demande de renseignements de base sur les abonnés — de consigner dans un rapport pourquoi ils l'ont présentée. La police, le Service canadien du renseignement de sécurité et le Bureau de la concurrence mèneraient régulièrement des vérifications internes pour s'assurer que leurs pratiques et leurs procédures liées à ce type de demandes respectent la loi. Les conclusions de ces vérifications, y compris toute réserve et mesure prise ou envisagée, seraient ensuite communiquées soit au ministre de la Sécurité publique, soit au ministre de l'Industrie, ainsi qu'à l'organisme de vérification responsable de l'organisation visée, tel que le commissaire à la protection de la vie privée.
Les renseignements de base sur les abonnés n'incluent pas les sites Web visités, le contenu des courriels ou les appels téléphoniques effectués ou reçus. La police demeurera tenue d'obtenir une autorisation judiciaire ou un mandat avant de demander de genre de renseignements à un fournisseur d'accès Internet, comme c'est le cas aujourd'hui. Il n'y a aucun changement dans la loi à cet égard. Le projet de loi ne créerait aucuns nouveaux pouvoirs d'accéder au contenu des courriels, à l'historique des sites Web visités ou à des appels téléphoniques qui iraient au-delà des pouvoirs qui existent déjà dans la loi canadienne.
Les responsables de l'application de la loi et de la sécurité nationale devront encore obtenir l'assentiment d'une autorité légitime avant d'être autorisés à intercepter des communications. C'est le cas depuis 40 ans, et il continuera d'en être ainsi en vertu du projet de loi . J'insiste sur ce point car jusqu'à maintenant, il y a eu énormément de fausses informations véhiculées au sujet de ce volet de la mesure législative.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les policiers peuvent d'ores et déjà intercepter des communications privées dans des circonstances très exceptionnelles, sans obtenir au préalable l'autorisation d'un juge. On reconnaît simplement qu'il existe des situations où il faut agir rapidement, notamment dans les cas de kidnappings ou de menaces à la bombe, et où une interception immédiate pourrait contribuer à sauver des vies. En outre, la mesure propose d'ajouter à la législation existante de solides garanties qui augmenteront la reddition de comptes et la transparence.
D'aucuns m'ont accusé de ne pas avoir lu un projet de loi que j'ai contribué à façonner depuis plus de cinq ans. Ironiquement, lorsque je lis dans la presse la plupart des articles concernant le projet de loi , je suis frappé de voir à quel point il est mal compris par bien des journalistes.
Voilà pourquoi le gouvernement a l'intention de renvoyer le projet de loi directement au comité compétent pour qu'il y subisse un examen approfondi. J'espère que tous les Canadiens, et particulièrement les députés et les membres des médias, le liront, en discuteront et y réfléchiront. Diverses parties concernées, des groupes de défense des victimes, des associations de corps policiers, tous les procureurs généraux et tous les ministres de la Sécurité publique du pays ont réclamé ces changements et les appuient, tout comme un grand nombre de simples citoyens.
Comme je l'ai déjà dit, les propositions que nous avançons ne sont pas nouvelles, ni même révolutionnaires. Le projet de loi ne vise aucunement à créer de nouveaux pouvoirs d'interception. Il n'aura pas pour effet de porter atteinte à la vie privée des Canadiens ou d'imposer un fardeau indu aux entreprises. Il extirpera la loi canadienne de l'époque de la guerre froide pour la faire entrer dans le XXIe siècle, sur un pied d'égalité avec la législation de toutes les autres démocraties occidentales.
Cette mesure fournira aux forces de l'ordre et au SCRS les outils pointus dont ils ont besoin, tout en offrant le maximum de souplesse à l'industrie des télécommunications et en imposant des garanties rigoureuses visant à protéger la vie privée. Elle établit un équilibre adéquat entre les besoins des autorités policières et du SCRS, la compétitivité de l'industrie et la protection de la vie privée des Canadiens.
Lors de la dernière campagne électorale, nous avons promis aux Canadiens de continuer notre lutte contre le crime. Nous avons tenu cette promesse. Nous leur avons promis de répondre aux besoins des victimes du terrorisme en leur permettant de poursuivre en justice les auteurs d'actes terroristes et ceux qui les soutiennent. Nous avons aussi tenu cette promesse. Nous avons abattu beaucoup de besogne et nous continuons de travailler.
Je suis impatient de poursuivre la discussion sur le projet de loi , tant au comité qu'à la Chambre.
:
Madame la Présidente, je prends la parole pour appuyer la motion présentée par le député de , qui demande à la Chambre de reconnaître le droit fondamental de tous les Canadiens à la liberté d'expression, à la liberté de communication et à la vie privée, ainsi que la nécessité d'affirmer clairement que ces droits doivent être respectés dans toutes les formes de communication, La motion demande également que la Chambre reconnaisse que la collecte, par le gouvernement, de données et de renseignements personnels sur les activités en ligne des Canadiens, sans limites, sans règles et sans supervision judiciaire constitue une violation de la Charte canadienne des droits et libertés pour ce qui est des protections qu’elle offre contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. Je souscris évidemment à la motion.
La motion nous demande de réaffirmer les droits et les libertés fondamentales de l'ensemble des Canadiens, tel que définis dans la Charte canadienne des droits et libertés. Je trouve déplorable que le député de ait été obligé de présenter une motion pour nous demander à nous, les députés des Communes, de réaffirmer un principe que nous devrions pourtant défendre tous les jours et qui devrait constamment nous guider dans nos travaux, en tant que législateurs. Le député a été obligé de présenter cette motion à cause des dispositions mal conçues et irresponsables du projet de loi , qui renferme de sérieuses violations des droits et libertés des Canadiens respectueux des lois.
Lorsque des députés ont pris la parole à la Chambre pour demander au de reconsidérer ce projet de loi irresponsable, le ministre a répondu à l’un d’entre eux: « Le député a le choix de se joindre à nous ou aux adeptes de pornographie juvénile. » On nous prévient souvent que les droits et libertés ne sont pas permanents, que nous ne pouvons les conserver que si nous nous battons pour les garder. Toutefois, lorsque des députés se portent à la défense de ces droits menacés par le gouvernement, ils se font accuser de sympathiser avec les adaptes de la pornographie juvénile.
Cet incident a fait comprendre aux Canadiens qui ne le savaient pas déjà que le gouvernement actuel est différent de ce que nous avons vu par le passé, car il s’agit d’un gouvernement qui est non seulement prêt à s’attaquer aux droits fondamentaux et aux libertés des Canadiens, mais qui recourt aussi à l’intimidation et aux menaces de la pire façon qui soit lorsqu’il se fait interroger sur cette offensive contre les droits.
J’appuie la motion, mais je déplore que le gouvernement ait créé les conditions propres à la rendre nécessaire.
Les Canadiens devraient faire très attention non seulement au projet de loi en question, mais aussi à ce qui apparaît comme un mépris total des principes fondamentaux de la démocratie, des droits et des libertés et un manque de respect pour un processus électoral libre et juste. Il y a à peine quelques mois, les conservateurs ont plaidé coupable à des accusations de fraude électorale. Et voici que nous apprenons que la campagne conservatrice a été entachée de tactiques visant à empêcher des électeurs de voter. Encore une fraude électorale.
Je vais partager mon temps de parole avec la députée de .
Vendredi dernier, j’ai eu l’occasion d’assister à une cérémonie de citoyenneté chez moi, à Surrey, en Colombie-Britannique. C’était une journée marquante pour ceux qui recevaient leur certificat de citoyenneté.
J’ai vécu la même chose, il y a une vingtaine d’années, lorsque je suis devenu citoyen canadien. Il y avait là environ 85 personnes, des jeunes, des vieux, des gens de toutes les sphères d’activité. Ils étaient originaires d’environ 20 pays. Beaucoup m’ont dit qu’ils étaient venus au Canada pour avoir une vie meilleure. Un certain nombre d’entre eux viennent de pays déchirés par la guerre. D’autres de pays tombés dans l’anarchie ou encore de pays où sévit la brutalité policière. Beaucoup ont fui ces situations terribles pour adopter le Canada comme leur nouveau pays. La fierté brillait dans les yeux de ces nouveaux immigrants.
Pour se préparer à devenir des citoyens, les nouveaux venus ont appris ce qu’était la Charte des droits. On peut sans doute dire que la plupart d’entre eux s’attendent à ce que le gouvernement et le parti au pouvoir au Canada respectent la Charte.
J'ai eu l'occasion de m'adresser aux nouveaux citoyens à la fin de la cérémonie et de les encourager à participer au processus politique au Canada s'ils ne le faisaient pas déjà. Je les ai encouragés à exercer leur droit de vote. Je ne peux qu'imaginer ce que ressentent ces nouveaux citoyens lorsqu'ils voient les manchettes qui touchent leur nouveau pays. Ils ont fait tellement d'efforts pour en devenir des citoyens. Or, voilà que ces droits et libertés sont menacés par le gouvernement en place et que le parti au pouvoir est déjà coupable de fraude électorale, et peut-être même d'avoir dissuadé un grand nombre de citoyens de voter.
En mai, j'ai été élu pour représenter les gens de Surrey-Nord à la Chambre. Les électeurs nous ont donné, à moi et à tous les députés fédéraux, un privilège extraordinaire, mais celui-ci vient toutefois avec une responsabilité énorme. Les néo-démocrates se battent pour protéger les libertés et les droits fondamentaux des Canadiens, pour freiner la grave érosion du droit à la vie privée et pour contrer l'expansion des pouvoirs de surveillance non contrôlés prévus dans le projet de loi .
Je mets au défi les députés d'en face de faire ce qui s'impose et de rejeter le projet de loi . Ils devraient songer à la responsabilité qui leur incombe et à l'importance de nos droits et libertés, puis prendre la décision qui s'impose.
La motion demande aussi à la Chambre de reconnaître que la Charte a préséance sur toute disposition du Code criminel du Canada, et elle demande au de veiller à ce que toute loi présentée par le gouvernement respecte les dispositions de la Charte et la valeur qu'elle accorde aux principes de l'application régulière de la loi, du respect de la vie privée et de la présomption d'innocence. Sans ces principes, et sans un mécanisme approprié de surveillance judiciaire, notre système judiciaire et, en définitive, notre démocratie cessent de fonctionner.
Je demande aux députés d'en face d'envisager sérieusement d'appuyer la motion, mais aussi de prendre conscience de la gravité de la menace que le projet de loi représente pour nos droits et libertés. Je les invite à réfléchir à leurs responsabilités en tant que législateurs et membres du parti au pouvoir, qui a fait preuve d'un grave manque de respect, non seulement à l'égard de nos droits et libertés, mais aussi de notre démocratie. Nous ne devrions pas avoir à débattre de cette motion à la Chambre, mais si nous le faisons c'est en raison des gestes posés par le gouvernement. Les Canadiens méritent mieux.
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Madame la Présidente, compte tenu du projet de loi , il est essentiel de recommencer la discussion sur l'importance de protéger la vie privée. Les partis de l'opposition comprennent la nécessité de moderniser nos lois, sauf que le projet de loi va au-delà de ce qui est nécessaire et il empiète directement sur l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège notre vie privée contre des fouilles non nécessaires. Quand un ministre propose de tels projets de loi, il faut commencer la discussion, et je suis heureuse qu'on en parle aujourd'hui.
Plusieurs acteurs de la société civile, des commissaires à la vie privée, mes collègues et moi-même avons écrit des lettres au pour lui faire part de nos inquiétudes et de celles de nos concitoyens quant à l'article 16 de l'ancienne version de ce projet de loi, le projet de loi . Le ministre a eu l'occasion de corriger son projet de loi. On lui a parlé des problèmes que nous voyions et de nos inquiétudes. A-t-il des fait des changements? Oui, il en a fait. On a entendu le ministre le dire tout à l'heure durant son discours, dans l'article 16, on a réduit le nombre d'identificateurs de 11 à 6. C'est vrai mais, comme l'a mentionné mon collègue de , il a aussi ajouté en catimini des dispositions au projet de loi, les alinéas 64(1)q) et 64(1)r), qui donnent le pouvoir au gouvernement de prescrire et d'ajouter des identificateurs à la liste. A-t-on vraiment corrigé la loi? Non. Ce ne sont que des changements cosmétiques. Cela me semble être un grand problème.
Quand on a fait part de nos inquiétudes par rapport à ce projet de loi, on a aussi parlé de la supervision judiciaire. Il n'y en avait pas assez. On trouvait problématique de donner accès aux informations privées des internautes sans avoir de supervision judiciaire. Le gouvernement a-t-il apaisé cette crainte? Je dirais que non. Bien sûr, il a mis en place un système, mais il s'agit d'un système de vérification interne. Pour les Canadiens qui s'inquiètent de la protection de leur vie privée, ce n'est qu'un semblant de supervision judiciaire. Ce n'est pas suffisant, et les Canadiens ne sont pas satisfaits de ces mesures.
Si le ministre avait pris le temps de lire nos lettres et d'écouter les inquiétudes des Canadiens et des commissaires à la vie privée, il aurait pu corriger ces erreurs. Au lieu de cela, il cache ces erreurs en envoyant le projet de loi en comité. De plus, il nous a accusés d'appuyer la pornographie juvénile. On voit un ministre qui a eu l'occasion de corriger son projet de loi et de protéger notre droit à la vie privée et qui ne l'a pas fait.
Ce n'est pas pour rien que la Charte canadienne des droits et libertés existe. Il faut la respecter. Ce n'est pas pour rien qu'il existe une protection de la vie privée pour une raison. C'est écrit dans l'article 8 de la Charte. C'est le responsabilité de la Chambre de prendre des décisions. Et lorsqu'elle les prend, elle doit tenir compte de ce qui est écrit dans la Charte. C'est notre Charte canadienne des droits et libertés, il faut la respecter, surtout quand on prend des décisions et quand on est en train de légiférer dans cette salle.
Quand je vois des projets de loi comme être proposés à la Chambre, je me demande vraiment si ce gouvernement respecte la Charte. En effet, ce n'est pas la première fois non plus qu'il propose des projets de loi allant à l'encontre de ce qui protège nos droits et libertés. Au lieu d'écouter l'opposition et les citoyens inquiets pour leur vie privée, les conservateurs nous ont accusés d'appuyer la pornographie juvénile. Ils ont accusé des mères, des pères, des grands-parents, des commissaires à la vie privée et leur ancien collègue Stockwell Day d'appuyer la pornographie juvénile.
Dans une démocratie comme la nôtre — je sais bien que ces jours-ci, on a l'impression d'être moins dans une démocratie que d'habitude —, il est incroyable qu'un gouvernement puisse accuser ses propres électeurs d'appuyer la pornographie juvénile parce qu'ils sont contre un projet de loi. Je pensais qu'on vivait dans une démocratie, et qu'on avait le droit de parler et de protester contre quelque chose.
On est à une époque où la technologie est chose très courante. On a tous un BlackBerry, un iPhone, un iPad, des laptops. On emmène nos téléphones cellulaires avec nous. Par ce projet de loi, le gouvernement se dote d'un outil qui peut déterminer notre emplacement géographique en tout temps. Il est en train de nous dire que les mêmes informations sont disponibles dans un bottin téléphonique, mais la dernière fois que j'ai vérifié dans un bottin téléphonique, j'ai remarqué qu'on n'y retrouvait pas mon emplacement géographique en tout temps. Il y avait mon adresse, mon numéro de téléphone et mon nom, mais on n'y retrouvait pas mon adresse de protocole Internet ni mon numéro d'identification auprès de mon fournisseur d'accès à Internet.
C'est vraiment un problème: notre ministre est en train de dire aux Canadiens que ce sont les mêmes informations que l'on retrouve dans un bottin téléphonique, ce qui est tout à fait faux. Ce sont des informations qui vont permettre au gouvernement de supprimer l'anonymat de l'utilisateur d'Internet. Ces jours-ci, Internet est utilisé comme un forum de discussion civique, un forum où les citoyens peuvent dire ce qui leur pose problème.
Je remercie la Chambre de cette discussion. J'espère que tous les députés vont se lever et appuyer la motion de l'opposition libérale pour protéger la vie privée de leurs concitoyens, ceux qui les ont élus.
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Madame la Présidente, je crois que c'est un débat intéressant aujourd'hui. On apprend beaucoup de choses. J'aimerais qu'on commence en discutant un peu de la nature de la technologie.
[Traduction]
Le projet de loi se rapporte essentiellement à la technologie, une technologie très complexe et en rapide évolution, que nous utilisons quotidiennement mais que nous ne comprenons pas toujours très bien.
Les Canadiens, toutefois, commencent à comprendre que la technologie de communication numérique et ses applications pratiques quotidiennes, par exemple le courrier électronique, l’Internet et les communications mains libres qui utilisent des dispositifs portables comme les téléphones intelligents, menacent la vie privée. Cette réalité a provoqué deux réactions distinctes.
D’une part, il y a ceux qui considèrent que cela est déconcertant, que nous devons agir pour empêcher la notion de vie privée de s’éroder encore plus dans l’univers nouveau des communications électroniques. D’autre part, il y a ceux qui disent qu’il faut s’y faire, parce que n’avons pas de solution à ce problème. Ils affirment que nous devons apprendre à vivre ainsi, avec les nouvelles communications, et qu’en fin de compte personne ne se soucie vraiment des détails de nos vies privées. Ils soutiennent que nous sommes tous dans la même situation, que nous devrions oublier nos préoccupations et nous adapter.
Quelqu’un qui a vu un emploi lui échapper en raison d’une entrée idiote et imprudente qu’il a affichée sur sa page Facebook des années auparavant jugera ce second point de vue extrêmement naïf. On ne peut pas croire qu’il suffit d’apprendre à composer avec les nouvelles violations de nos vies privées.
Je vais m’écarter un peu du sujet pour parler de la nature inhérente de la technologie. Ce que je sais repose sur un ouvrage de l’éminent philosophe politique canadien George Grant intitulé Technology and Justice, que j’ai lu il y a de nombreuses années.
Ce qui m’est resté de ce livre, c’est que la technologie n’est pas neutre. Bien des gens diront que c'est une évidence, un lieu commun, que la technologie peut être utilisée tant pour faire le bien qu’à des fins moins nobles. La technologie nucléaire, par exemple, peut servir à diagnostiquer des maladies et à produire de l’énergie pour alimenter les hôpitaux, les foyers et les entreprises, ou elle peut être utilisée pour livrer des guerres destructrices pour tous les opposants. Je pense que c’est quelque chose que nous comprenons tous. Je pense que c'est évident.
L’argument de Grant va un peu plus loin. La technologie n’est pas neutre en ce sens qu’elle n’est pas mise au point simplement pour satisfaire la curiosité ou pour rester sur une étagère. Nous ne parlons pas ici de la recherche fondamentale, qui est souvent le fait de scientifiques qui manient des idées et découvrent des choses nouvelles simplement pour satisfaire leur curiosité. Un théoricien de la physique peut dire que l’objet de son travail quotidien est simplement l’exploration et le maniement d’idées pour le plaisir qui, au bout du compte, peuvent déboucher sur une découverte inattendue.
Nous ne pouvons pas nous empêcher d’utiliser la technologie lorsque nous la possédons. De fait, c’est la raison pour laquelle nous la mettons au point, pour façonner notre réalité et notre environnement, pour répondre à nos besoins concrets et servir nos intérêts.
Évidemment, lorsque nous mettons au point une technologie, la majorité d’entre nous avons le sentiment de poursuivre un objectif noble, même quand cette technologie peut être utilisée à des fins douteuses ou destructrices.
La technologie est faite pour être utilisée. Elle est faite pour manipuler ou contrôler notre réalité dans notre intérêt à nous, humains, à notre profit à nous, humains, que ce soit pour prodiguer un traitement médical afin de restaurer la santé des gens ou pour faire de l’argent avec les sables bitumineux de l’Alberta, ce qui est avantageux pour notre balance commerciale.
Prenons la technologie informatique. Les ordinateurs permettent de créer des bases de données. C’est l’une des premières utilisations qui en a été faite. Les bases de données informatisées sont utiles. Quand nous pouvons en créer, nous voulons tout cataloguer, ce que certains déplorent d’ailleurs. Nous voulons recueillir de l’information, parfois simplement pour le plaisir, en attendant de trouver un usage à ces données. Les bases de données sont utilisées, parfois de façon plutôt entreprenante, pour atteindre un objectif précis, et les exemples abondent.
Les partis politiques utilisent des bases de données pour communiquer avec les électeurs, obtenir des appuis et recueillir des fonds. Ces bases de données peuvent être utilisées de façon sournoise, comme le révèle le scandale des appels automatisés qui éclabousse actuellement les conservateurs, mais ce n’est pas là où je veux en venir.
La technologie a changé beaucoup de choses dans la société en général, mais aussi dans le travail de la police. Il fut un temps où ce travail consistait simplement à attraper les criminels ou à décourager les crimes en assurant une présence, comme lorsqu’un policier fait des rondes. Maintenant, comme le dit David Lyon, chercheur de réputation mondiale dans le domaine de surveillance:
Comme pour le marketing par bases de données, les systèmes de maintien de l’ordre suivent la tendance générale. Dans ce cas, la tendance est à la prédiction et à la prévention de comportements de même qu’à l’avènement d’une justice dite «actuarielle», dans laquelle la transmission de connaissances sur les probabilités joue un rôle beaucoup plus important dans l’évaluation des risques.
Cela veut dire que, de nos jours, le maintien de l’ordre passe de plus en plus par la collecte de données, forcément au moyen de la surveillance et de l’élaboration de profils à partir de ces données, puis par la filature des personnes qui pourraient théoriquement représenter une menace à la sécurité publique.
Tout cela est bien beau. Nous voulons prévenir les crimes. Nous voulons que la police soit proactive et vigilante de manière à empêcher les crimes. Toutefois, les nouveaux outils technologiques sophistiqués de prévention de la criminalité ont aussi des effets indésirables. Il y en a que nous préférerions éviter ou, à tout le moins, restreindre en adoptant des lois rigoureuses, judicieuses et efficaces ou en demandant des comptes au gouvernement lorsqu’il propose des mesures législatives qui découlent de la fascination de l’humain pour le pouvoir et les possibilités que donne la technologie de contrôler son environnement.
Les partisans d’une plus grande surveillance par l’État disent que nous n’avons pas à nous en faire si nous ne faisons rien de mal. Toutefois, un tel point de vue, outre le fait qu’il semble sortir du téléviseur interactif de Big Brother, ne tient pas compte du fait que des personnes puissent être lésées par les conséquences de la surveillance, même si elles n’ont rien à se reprocher. Il suffit de penser à Maher Arar et à d’autres qui ont été injustement détenus à la frontière ou à l’aéroport et qui étaient tout à fait innocents. Les moyens technologiques de surveillance les ont mal classés dans la base de données de Big Brother, même s’ils n’avaient rien à cacher.
Voilà où peut nous mener la technologie de surveillance moderne si on ne prend pas soin de la baliser au moyen d'une bonne législation qui protège le droit à la vie privée que nous garantit la Charte et celui de vivre dans une saine démocratie où règne la liberté de pensée. Les nouveaux outils de surveillance sur Internet peuvent piéger des innocents dans leur toile en expansion constante.
Christopher Parsons, de l'Université de Victoria, a décrit comment cela pourrait se produire. Imaginons le scénario suivant — je vais citer M. Parsons parce que je pense que personne n'aurait pu mieux présenter la situation. Il dit ceci:
Au collège/à l'université/au quotidien, vous communiquez [...] avec des personnes qui protestent ou ont déjà protesté pacifiquement contre certains [comportements] de l'État. Vous n'êtes peut-être pas au courant que les agissements de ces personnes [il est possible que vous n'en sachiez rien. Quoi qu'il en soit,] vous [...] discutez avec elles sur Internet, que ce soit sur des sites Web où s'exprime une opposition à certains comportements de l'État, dans la section commentaires d'articles de journaux ou par d'autres moyens électroniques. Si les services policiers désiraient pister quiconque s'intéresse à une question (p. ex., la légalisation de la marijuana [ou] une manifestation contre des décisions fédérales relativement à des immigrants sri-lankais [avec qui vous avez échangé]), ils pourraient demander [vos] données d'abonné [et celles] de toutes les personnes qui ont pris part à la discussion en ligne. Maintenant, imaginons [...] que vous n'appuyez pas l'opposition à une position officielle du gouvernement et [...] que vous n'intéressez peut-être pas directement les autorités. Les services policiers pourront néanmoins demander vos données d'abonné et celles de toutes les autres personnes qui ont pris part à ces échanges. Aucun mandat ne sera nécessaire pour obtenir cette information. [...] Les services policiers obtiendraient les mêmes renseignements pour chaque participant à la discussion. Munis de cette information, ils pourraient ensuite aller consulter quiconque a fourni le compte de courriel et contacter le fournisseur d'accès Internet d'où provient l'adresse IP utilisée au moment précis où vous avez publié votre message. Grâce aux renseignements obtenus du fournisseur d'adresse courriel, ils pourraient être en mesure d'identifier pour de bon votre fournisseur d'accès Internet et, de là, de découvrir votre nom, votre adresse et tout cela. [...] [Vous] ignorerez toujours que [votre] nom se trouve désormais dans une telle base de données parce que le fournisseur de service ne serait pas légalement autorisé à [vous] révéler que l'information a été communiquée. Par conséquent, des portes pourraient se fermer devant [vous] parce que vous aurez frayé et discuté avec des personnes qui, comme vous ont pris part à des activités licites d'expression et d'association.
Certains diront qu'ils n'auraient jamais ce genre de discussion en ligne, seulement au téléphone. Les dispositions du projet de loi C-30, qui permettent à l'État d'obtenir sans mandat six éléments d'information sur les abonnés, rendraient quand même vulnérables les citoyens respectueux de la loi. Prenons l'exemple d'une personne munie d'un téléphone cellulaire qui magasine au centre-ville. Elle passe près d'une manifestation, comme celles organisées dans le cadre du G20, et s'arrête pour observer la scène avec un ami, car ce n'est pas quelque chose qu'on voit tous les jours. Ou bien imaginons qu'elle visite un camp d'indignés ou qu'elle assiste passivement aux émeutes survenues à Vancouver en 2011, lors des finales de hockey. Dans toutes ces situations, la police pourrait recueillir l'identité de son téléphone cellulaire en ayant recours à une technologie connue aux États-Unis sous le nom de capteur Stringray IMSI. Il s'agit d'un appareil qui agit comme une tour de transmission de téléphonie cellulaire pour capter les numéros d'abonné IMSI dans un rayon de plusieurs kilomètres.
L'acronyme IMSI signifie « numéro d'identité internationale de l'abonné mobile ». En vertu du paragraphe 16(1) du projet de loi , ce numéro peut être présenté à un fournisseur de téléphonie mobile pour obtenir le nom, l'adresse et le numéro de protocole Internet d'une personne. En d'autres mots, l'abonné à un service de téléphonie cellulaire pourrait voir ses renseignements communiqués à la police et inscrits dans une base de données policières.
En vertu de l'article 23 du projet de loi , le télécommunicateur n'aurait pas le droit d'informer l'abonné que ses renseignements de base ont été communiqués à un organisme d'application de loi, à la demande de celui-ci. Christopher Parsons conclut comme suit:
Compte tenu de la capacité de recueillir une grande quantité de numéros d'abonné IMSI et des pouvoirs prévus par la loi pour exiger la divulgation de renseignements sur les abonnés, il serait possible de mener des enquêtes au hasard, en fonction des lieux où se trouvent physiquement certaines personnes.
Certains pourraient penser que la police n'utiliserait jamais ce moyen pour surveiller des personnes et qu'elle n'irait pas jusqu'à recueillir des renseignements sur leurs amis et leurs connaissances. Cependant, des preuves montrent le contraire. En fait, lors des Jeux olympiques de Vancouver, des personnes qui agissaient et manifestaient en toute légalité ont été la cible d'un appareil de surveillance qui a suivi leurs interventions sur des forums Internet, et ce, même si des notes de service obtenues avant la tenue des Jeux indiquaient qu'il n'existait aucune menace crédible.
Par ailleurs, il ajoute:
La surveillance et la collecte de renseignements ne se concentraient pas uniquement sur les citoyens en cause [...] mais aussi sur leurs contacts, leurs amis, leurs étudiants, leurs anciens conjoints, leurs relations universitaires et professionnelles.
Des efforts ont été déployés pour recruter des voisins, des amis et des connaissances pour espionner les présumés activistes.
Dans la crainte que le projet de loi ouvre la porte encore un peu plus à la capacité de l'État de surveiller les manifestants qui expriment légalement leurs opinions dans une démocratie, j'ai posé une question au le 14 février. Le caractère disproportionné de la réponse du ministre avait alors déclenché un tollé national.
Ceux qui proposent d'élargir les pouvoirs de surveillance en adoptant le projet de loi prétendent que ces pouvoirs ne seront utilisés que pour enquêter sur les crimes les plus graves. L'expérience vécue dans d'autres pays révèlent toutefois que ce n'est pas ce qui se produit. Ailleurs, des pouvoirs semblables ont servi à enquêter sur des infractions moins graves.
Selon Nestor Arellano, d'abondantes recherches indiquent que la mise en place de systèmes de surveillance en ligne dans l'Union européenne et aux États-Unis comportait de multiples lacunes, a donné lieu à nombre d'abus et a engendré des coûts qui ont finalement été assumés par les fournisseurs de services Internet que le gouvernement avait essentiellement chargés d'espionner leurs clients.
Il y a plus de 10 ans, le Royaume-Uni a adopté une loi sur la réglementation des pouvoirs d'enquête pour élargir l'accès des organismes d'application de la loi aux systèmes de communication et aider ainsi les forces policières à combattre le crime et les activités reliées au terrorisme. En vertu d'un code de pratique volontaire, les fournisseurs de services Internet conservent des données comme le contenu des serveurs de courrier électronique, les journaux des serveurs de courrier électronique, les adresses IP, les messages textes et d'autres données pendant une période de 6 à 12 mois. Les rapports du commissaire à l'interception, qui fournit une évaluation annuelle de l'interception du trafic de communications, révèlent qu'un nombre croissant d'erreurs d'interception se produisent. En 2007, 24 erreurs d'interception et manquements ont été décelés, ce que le commissaire considérait beaucoup trop élevé d'après M. Parsons.
En 2009, on a décelé 36 erreurs d'interception et manquements attribués au quartier général des communications générales des services secrets, à l'Agence du revenu et à l'Agence des douanes de sa Majesté, à l'Agence sur le crime organisé, au gouvernement écossais, au commandement de la lutte contre le terrorisme de la police métropolitaine et au Centre national d'assistance technique. Pendant cette année, un nombre total de 525 130 demandes liées à des données de communications ont donné lieu à 661 erreurs.
Un rapport publié par le groupe britannique de défense des libertés civiles Big Brother Watch présente une image troublante de la façon dont les agents des organismes de sécurité manipulent les données qui leur passent entre les mains. Big Brother Watch a découvert qu’entre 2007 et 2010, des violations de la loi nationale sur la protection des données avaient entraîné la condamnation au criminel de 243 agents de police et employés d’organismes de sécurité, le congédiement de 98 autres et la prise de mesures disciplinaires internes contre 904 autres agents et employés. Dans un cas digne de mention, pas moins de 208 agents et employés ont reçu des avertissements pour avoir accédé à des dossiers informatiques liés à un crime hautement médiatisé. Dans un autre, un employé a été congédié pour avoir parlé de renseignements policiers sur Facebook. De nombreux autres ont eu accès à des dossiers criminels et à des renseignements personnels sans raisons évidentes liées à des mesures policières.
Aux États-Unis, le problème est encore plus important d’après Parsons, qui dit que le pays « souffre d’une insuffisance endémique de surveillance ». Il ajoute que l’Agence nationale de sécurité dirige un système de tables d’écoute sans mandat avec l’aide de grandes sociétés de télécommunications telles qu’AT&T. Une grande partie de la surveillance effectuée par les organismes fédéraux et d’État ne fait l’objet d’aucun rapport.
Cela m’amène à ma conclusion. Le respect de la vie privée est une caractéristique fondamentale d’une saine démocratie. C’est la raison pour laquelle notre Charte canadienne des droits et libertés contient l’article 8, d’après lequel chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Cette disposition constitue pour les Canadiens la principale source du droit constitutionnellement garanti de vivre à l’abri de toute intrusion déraisonnable de l’État. Concrètement, cette disposition protège les renseignements privés pouvant être obtenus en procédant à une fouille personnelle ou en s’introduisant chez quelqu’un.
Pourquoi le respect de la vie privée est-il fondamental? Si des citoyens respectueux des lois ont l’impression d’être épiés, ils commenceront à s’abstenir des activités normales de la vie, comme le fait de s’exprimer d’une façon libre et légitime, y compris par des moyens de communication numériques. S’ils s’abstiennent, le germe de la peur commencera à s’insinuer en eux, ce qui les rendra vulnérables aux manipulations de ceux qui détiennent le pouvoir. Ces gens, qui aiment ordinairement le sentiment de puissance que cela leur procure, chercheront, peut-être inconsciemment, à accumuler encore plus de pouvoir. Ils le feront toujours sous prétexte d’agir pour le bien public. Ces gens — du moins les moins sagaces et probablement les plus sincères d’entre eux — croiront au fond de leur cœur qu’en augmentant les pouvoirs de l’État, ils agissent dans l’intérêt général.
Les partisans du projet de loi affirment que nous devons nous aligner sur ce que font les autres pays, mais le Canada n’est ni l’Europe ni les États-Unis. Nous avons une charte des droits plus moderne que celle de n’importe quel autre pays. Nous sommes hautement évolués et souvent en tête de file quand il s’agit du respect des libertés individuelles. Comme Parsons l’a dit, il n’y a pas lieu d’envier d’autres pays et administrations à cet égard.
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Monsieur le Président, je partagerai le temps qui m'est accordé avec le député d'.
Je suis heureuse de pouvoir prendre la parole aujourd'hui pour participer au débat sur la motion du chef libéral intérimaire. Je suis également heureuse de pouvoir corriger l'avalanche de déclarations ronflantes, de désinformation et d'incompréhension qui ensevelit le projet de loi et sur laquelle repose la motion du député de .
Notre gouvernement présente un projet de loi pour que les lois du Canada protègent adéquatement les Canadiens lorsqu'ils utilisent les réseaux électroniques. Nous espérons que le Parlement effectuera un examen rigoureux de notre projet de loi pour que nous trouvions le juste milieu entre la protection des Canadiens contre la criminalité et le respect de leur droit à la confidentialité.
Je voudrais répéter une chose. Je crois que tous les députés partagent le même objectif: nous voulons protéger les Canadiens et nous assurer que les criminels ne sont pas capables de se servir d'Internet pour faire du mal aux plus vulnérables de notre société, en particulier nos enfants. Parallèlement, nous voulons protéger la vie privée des Canadiens. Je pense que c'est une occasion magnifique de nous comporter en chefs de file et de collaborer pour effectuer, s'il le faut, les modifications qui fourniront à la police les outils nécessaires tout en respectant le principe de la confidentialité.
Je vous rappelle que les libéraux se sont montrés favorables pendant dix ans à des projets de loi semblables, avec toutefois une protection moindre de la confidentialité. Les députés libéraux ont présenté des projets de loi à trois reprises, en 2005, 2007 et 2009. Évidemment, les députés d'en face savent qu'ils peuvent présenter des projets de loi, c'est-à-dire des projets de loi d'initiative parlementaire, même si leur parti n'est pas au pouvoir. D'ailleurs, en 2007 et 2009, des projets de loi ont été présentés par des députés libéraux et ont été entièrement appuyés par leurs collègues libéraux.
Il s'agit une fois de plus d'un exemple troublant de deux poids, deux mesures. Au moins, les députés du NPD sont très constants dans leur opposition, et je le leur accorde, même si je voudrais bien qu'ils soient un peu plus précis lorsqu'ils font valoir leur point de vue. Les libéraux, eux, sont complètement incohérents. C'est vraiment décevant. Il semble que les libéraux ne soient pas capables de formuler eux-mêmes des idées et qu'ils prennent constamment leurs décisions selon la direction du vent et par opportunisme politicien. Il y a lieu de s'inquiéter pour la démocratie et pour l'intérêt des Canadiens, quelle que soit leur opinion dans ce dossier.
Je vais commencer par rétablir les faits. Le projet de loi ne vise pas à permettre aux policiers d'épier ou d'espionner les Canadiens. Il ne vise pas à avoir accès à leurs sites de clavardage ou à leurs visites sur le Web, non plus qu'à lire leurs courriels ou à consulter leurs pages Facebook. Il vise plutôt à donner aux agents de la paix les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail, c'est-à-dire protéger nos enfants et nos familles.
Je veux être claire. L'opposition a fait des allégations choquantes, comme dire que les policiers vont épier les Canadiens respectueux des lois, qu'ils vont chercher des renseignements, qu'ils vont lire leurs courriels et qu'ils vont scruter leur activité sur le Web. C'est ridicule. C'est complètement faux mais, malheureusement, ces allégations ont ramené le débat sur le projet de loi à un niveau très troublant et destructeur, notamment pour certains députés. Ce débat a aussi un effet destructeur sur la démocratie. J'espère qu'aujourd'hui nous pourrons tourner la page et discuter du projet de loi d'une manière honnête et respectueuse, même si nous divergeons d'opinions. Nous pourrons le renvoyer à un comité et y apporter des modifications. J'espère donc que nous pourrons tourner la page et avoir un débat respectueux et honnête, dans lequel les députés ne lanceront pas d'attaques personnelles. Parfois, nos familles sont très blessées par ce qui se passe ici.
Je veux aussi mentionner que je me suis entretenue avec un certain nombre de policiers, de chefs de police et de représentants de corps policiers qui s'occupent d'activités criminelles en ligne. Ceux-ci m'ont dit qu'ils ont besoin de ressources et qu'ils ressentent encore les effets des compressions faites par les libéraux dans les années 1990, y compris la décision de fermer la Division dépôt de la GRC.
Je veux expliquer pourquoi les policiers sont unanimes, y compris les agents de première ligne, c'est-à-dire les policiers sur le terrain, et les associations policières. Ils sont unanimes relativement au projet de loi , et ils souhaitent que nous tous ici cessions d'essayer de nous faire du capital politique en tenant des propos alarmistes et en utilisant des expressions comme « bracelets de surveillance électronique », en référence au projet de loi. Les policiers veulent que nous laissions tomber les discours alarmistes et que nous discutions de cette mesure d'une façon honnête. Les Canadiens ont demandé à la police de s'acquitter d'une tâche très difficile, surtout lorsqu'il s'agit de lutter contre la pornographie juvénile. Ils ont besoin que nous leur donnions les outils qui leur permettront de s'acquitter de cette responsabilité.
Les représentants des forces de l'ordre de tout le pays nous ont demandé de leur fournir des outils et des technologies du XXIe siècle pour lutter contre les criminels du XXIe siècle et de ne plus les laisser les mains liées alors que les criminels font ce qu'ils veulent.
Tom Stamatakis, président de l'Association canadienne des policiers, a bien résumé la situation en disant qu'on demandait aux policiers de se contenter de « machines à écrire et de téléphones à cadran alors que les criminels ont des téléphones intelligents et des tablettes ».
L'Association canadienne des chefs de police a approuvé le projet de loir sur l'accès légal quand il a été présenté initialement par l'ancienne ministre libérale de la Sécurité publique Anne McLellan il y a plus de dix ans. Les Canadiens sont conscients des avancées phénoménales de la technologie ces dernières années. Quand les libéraux disent que, puisqu'on dispose de moyens plus intelligents, plus rapides et plus avancés depuis quelques années, on n'a pas besoin de lois plus intelligentes et plus avancées, c'est complètement ridicule. C'est justement à cause de cela que nous avons besoin de lois et d'outils pour les policiers.
On demande aux forces de l'ordre de protéger la population et les collectivités de notre pays en s'appuyant sur des lois qui datent des années 1970 et de l'époque du téléphone à cadran. Les policiers ont besoin d'avoir légalement accès aux communications et aux informations dans le cadre d'enquêtes sur des cas de violence sexuelle contre les enfants où la rapidité d'action est critique, mais aussi face au crime organisé, au trafic de drogues et au terrorisme.
C'est aussi important pour des affaires de nature non criminelle, comme les tentatives de suicide ou les disparitions. Dans ce genre de situation, les renseignements élémentaires sur l'abonné sont le point de départ de l'enquête et peuvent peut-être permettre de sauver une vie. Mais il y a des gens qui disent qu'il faudrait obtenir une ordonnance du tribunal à chaque fois, que pour toute demande d'information élémentaire sur un individu, il faudrait une ordonnance du tribunal.
Voyons tous ensemble, si vous le voulez bien, l'état actuel de l'exploitation sexuelle des enfants en ligne. D'après le Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants de la GRC, le CNCEE, rien qu'au cours des 30 derniers jours, plus de 7 890 adresses IP canadiennes sur des forums Internet ont servi à échanger ou à diffuser en ligne de la pornographie juvénile. On parle juste des 30 derniers jours, et uniquement des adresses auxquelles a eu accès le CNCEE.
Imaginons que le fournisseur de services de télécommunications refuse de fournir des renseignements élémentaires sur les abonnés. Cela signifierait 7 890 demandes d'ordonnance de communication. Une demande d'ordonnance simple peut prendre jusqu'à trois jours de travail, soit 23 670 jours de travail pour ces 7 000 et quelques demandes d'ordonnances. On parle ici d'adresses servant directement à produire et à diffuser de la pornographie juvénile au Canada.
Par ailleurs, lorsque les fournisseurs de services obtempèrent rapidement, les mêmes renseignements peuvent être obtenus en seulement quelques heures. Plus on perd de temps à courir après des ordonnances judiciaires pour obtenir des renseignements de base sur les abonnés, moins on dispose de temps pour traiter les dossiers et, surtout, pour sauver des enfants.
On peut facilement s'imaginer le fardeau que l'on imposerait aux ressources et à l'appareil judiciaire si les policiers devaient obtenir un mandat chaque fois qu'ils ont besoin de ces renseignements, alors que ces mêmes renseignements sont l'équivalent de la plaque d'immatriculation ou de l'information que l'on trouverait dans un annuaire téléphonique moderne. Si une personne passait en automobile à côté d'un point de contrôle et que les policiers faisaient une recherche grâce au numéro de sa plaque d'immatriculation, ils obtiendraient plus de renseignements que s'ils présentaient une demande en vertu de ce projet de loi.
Entre 2009 et 2011, on a constaté que le nombre de cas de pédopornographie signalés au Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants avait connu une augmentation constante d'environ 1 000 cas par année. Ces signalements ont été faits par Cyberaide, par des organismes canadiens et internationaux chargés de faire appliquer la loi et par le public. Il faut garder à l'esprit qu'un seul cas peut viser 1 000 adresses IP au Canada. Plus la technologie progresse, plus il est facile pour les criminels de commettre rapidement ce genre de crimes.
Il est aussi très important de noter que, alors que nous débattons de ce projet de loi, le chef par intérim du Parti libéral, l'auteur de la présente motion, a confirmé qu'Adam Carroll, un de ses employés d'expérience, a lancé des attaques très personnelles contre le . Je suis très heureuse de voir que cette personne a démissionné, et ce, même si, semble-t-il, elle n'a pas donné sa démission avant que vous l'ayez identifiée, Monsieur le Président.
Par ailleurs, de graves questions restent sans réponse. Adam Carroll et le bureau de recherche du Parti libéral ont-ils utilisé l'argent des contribuables pour orchestrer cette campagne de salissage? Si c'est le cas, combien cette campagne de salissage a-t-elle coûté? Nous espérons que...
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Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de prendre la parole au sujet de cette motion qui demande au gouvernement de respecter les principes de l'application régulière de la loi, du respect de la vie privée et de la présomption d'innocence. Le gouvernement croit fermement dans ces principes.
Je félicite le député de d'avoir présenté ses excuses hier à la Chambre et d'avoir présenté cette motion aujourd'hui. Nous savons que le Parti libéral a déjà essayé, dans le passé, de présenter une mesure législative sur l'accès légal et que cette question est un grand sujet de préoccupation pour tous les Canadiens. Quel est le but de notre débat d'aujourd'hui? Nous ne sommes pas ici pour débattre d'un projet de loi qui permet aux forces de l'ordre d'espionner les Canadiens innocents et respectueux de la loi sans supervision judiciaire, car ce n'est pas ce que propose le projet de loi . L'enjeu est beaucoup plus important. Il s'agit de déterminer comment nous, les députés, allons faire pour protéger les intérêts des Canadiens dans un monde axé autour et sur Internet. Réfléchissons un instant sur l'importance de cet enjeu.
On apprenait récemment que des pirates avaient réussi à s'introduire dans le système informatique de Nortel Networks et à nuire gravement à l'entreprise. Les pirates auraient eu accès à la propriété intellectuelle, à des dossiers d'appel d'offres, à des stratégies opérationnelles, à des plans de commercialisation, à des documents de recherche et développement, ainsi qu'à des rapports de recherche. Nous soulignons souvent le fait que le Canada est riche en ressources naturelles, mais nous avons tendance à oublier que notre pays est également riche en propriété intellectuelle. Or où se trouve et où est conservée la quasi-totalité de la propriété intellectuelle? En ligne, bien sûr.
On apprenait également que des pirates informatiques avaient réussi à s'introduire sur le site Web de l'Association canadienne des chefs de police. Les pirates informatiques ont prouvé, sans l'ombre d'un doute, qu'ils ont facilement accès à nos renseignements personnels et même à des renseignements personnels concernant les forces de l'ordre. Des aînés de ma circonscription, victimes de cyberfraude, ont perdu toutes leurs économies. Des familles de travailleurs ont été victimes de vol d'identité en ligne. Pire encore, des enfants innocents ont été ciblés par des déviants. Dans certaines régions du pays, des adolescents victimes de cyberintimidation se sont suicidés. Aujourd'hui, ces incidents malheureux sont l'exception, mais qu'en sera-t-il demain? Les crimes de cette nature vont en augmentant et non en diminuant.
Reconnaissons également que de plus en plus de Canadiens dépendent d’Internet pour gérer leurs affaires bancaires et leurs placements, mais ce n’est pas tout. Le commerce électronique crée des emplois dans tout le pays. Des entreprises existantes trouvent de nouveaux clients, mais ce n’est pas tout. Bien des régions adoptent les dossiers médicaux électroniques accessibles en ligne, ce qui peut non seulement accroître considérablement l’efficience, mais aussi améliorer les soins aux patients, notamment et surtout dans le contexte des salles d’urgence.
Même nous, députés, comptons de plus en plus sur Internet et les moyens électroniques pour faciliter notre travail. L’esprit de parti n’a rien à y voir. C’est une réalité.
Le Canada est un pays de plus en plus branché, mais au fur et à mesure que la transition se fait, nous sommes de moins en moins à même d'assurer la sécurité, la surveillance et la protection des citoyens. Nous devons même reconnaître que, dans l’état actuel des choses, les forces policières sont mieux équipées pour faire enquête sur un banal délit de fuite que sur des crimes graves commis en ligne. Je m’explique.
Si on remarque un véhicule suspect dont le conducteur commet un délit de fuite et si on prend note du numéro de plaque, il est entendu que, grâce à cette information, les policiers peuvent, sans mandat, obtenir les renseignements élémentaires sur le véhicule, comme le nom du propriétaire, son adresse et ses coordonnées. Ce genre de renseignement permet de pousser l’enquête. Nous comprenons que les policiers peuvent obtenir ces renseignements personnels élémentaires sans l’autorisation d’un juge, mais nous comprenons également que ces renseignements de base, s’ils permettent à la police de retrouver l’auteur d’un délit de fuite, ne lui permettent pas pour autant d’accéder, sans mandat, à ses communications personnelles.
Ces outils de base que les policiers peuvent utiliser dans le monde concret ne pourraient-ils pas être utilisés pour lutter contre le crime dans le cyberespace? Voilà au fond les questions qu’il faut se poser dans ce débat, car les outils qui sont à la disposition des policiers canadiens depuis des décennies, parfaitement encadrés par le Code criminel du Canada et la surveillance judiciaire, n’existent pas pour l’instant dans le monde virtuel. C’est l’enjeu ultime de notre débat.
Nous, parlementaires, sommes tenus de protéger les Canadiens et l'intérêt de notre pays. Les économies accumulées pendant toute une vie, l’innocence de nos jeunes, la propriété intellectuelle du secteur de la recherche et du développement, notre cybercommerce et bientôt nos dossiers médicaux dépendent de notre capacité de protéger cette information.
J’ai lu le projet de loi , et j’estime qu’il moderniserait nos lois pour aider à protéger l'intérêt des Canadiens. Il maintiendrait aussi un équilibre en reconnaissant le droit au secret des communications personnelles tout en fournissant les coordonnées de base dont les policiers pourraient se servir pour mener leurs enquêtes.
Pendant la dernière semaine de relâche, j’ai pu discuter du projet de loi avec bien des gens, dont un groupe de policiers à la retraite. Il est essentiel de pouvoir obtenir des renseignements de base, puisque cela aide à élucider les crimes. Le projet de loi ferait en sorte que ces renseignements de base soient à la disposition des policiers. Dans certains cas, ces renseignements seraient fournis de plein gré, mais parfois non. J’admets que, à cet égard, il faut davantage d’uniformité. Il importe aussi qu’on puisse recueillir des preuves avant qu’elles ne soient supprimées ou détruites, et le projet de loi C-30 traite de cette question. Ces processus supposent aussi une surveillance judiciaire. Et le plus important, c’est que le projet de loi veillerait à ce que, au bout du compte, les fournisseurs d’accès Internet se dotent de la technologie voulue pour réprimer le crime sur Internet, lorsque le problème surgit. Là encore, il y aurait contrôle judiciaire.
Y a-t-il un coût associé à cela? C'est une question tout à fait raisonnable. Bien sûr qu'il y a un coût, mais il y a aussi un coût lié au statu quo et à l'inertie. Songez aux investissements canadiens en R&D et à notre riche propriété intellectuelle. Depuis des décennies, notre pays investit dans l'innovation et la technologie.
Dans ma circonscription d'Okanagan—Coquihalla, le Centre de recherches agroalimentaires du Pacifique a travaillé en partenariat pour mettre au point une nouvelle technologie de conditionnement d'aliments, ce qui est très important pour le secteur agricole. Cette technologie permettra de prolonger grandement la durée de conservation des légumes, d'allonger les délais de livraison et de développer de nouveaux marchés. Cela représente un potentiel économique énorme pour de nombreuses régions, pas seulement pour la mienne. Nous devons être en mesure de protéger nos investissements et notre propriété intellectuelle.
À mon avis, ce qu'il en coûtera aux télécommunicateurs pour lutter contre les cybercriminels est un investissement bien minime par rapport aux avantages qu'on obtiendra. Nous devons nous assurer que notre pays dispose de moyens électroniques pour protéger les Canadiens. Selon certains critiques, il faut s'inquiéter d'accorder de nouveaux pouvoirs qui seront conférés aux autorités policières. Cependant, à la lecture du projet de loi , il est évident que les changements envisagés n'auraient aucunement pour effet de conférer de nouveaux pouvoirs à la police. Ces changements visent plutôt à faire en sorte que les outils dont elle dispose à l'heure actuelle, dont certains existent depuis des décennies, s'appliquent aussi au cyberespace. La question qu'il faut se poser est la suivante: pourquoi certains groupes d'intérêts estiment-ils qu'Internet devrait être une entité soustraite à toute surveillance?
En conclusion, je vous laisse sur cette pensée. Notre avenir passera de plus en plus par le cyberespace. C'est sans doute un point sur lequel nous pouvons tous nous entendre. Si nous voulons vraiment protéger l'intérêt des Canadiens et ne pas affaiblir notre pays, nous devons surmonter nos différences partisanes et comprendre qu'il est dans l'intérêt national de protéger les renseignements personnels des Canadiens en ligne. Les criminels, les pirates informatiques et les perpétrateurs anonymes de cybercrimes ont déjà montré qu'ils peuvent avoir accès à ces renseignements en toute impunité. Le moment n'est-il pas venu de faire en sorte que les autorités policières disposent des mêmes moyens? C'est mon avis. Je tiens à remercier mes collègues de la Chambre d'avoir participé à cette importante discussion.
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Monsieur le Président, je partagerai le temps qui m'est accordé avec le député de .
Je prends la parole au sujet de la motion présentée par notre chef, en cette journée de l'opposition accordée au Parti libéral. La motion demande à la Chambre de reconnaître le droit fondamental de tous les Canadiens à la liberté d'expression, la liberté de communication et la vie privée. Elle a été présentée en réponse au projet de loi , du gouvernement conservateur, qui porte atteinte à la vie privée.
Pour que le Canada demeure une société vraiment démocratique, il doit trouver le juste équilibre entre, d'une part, la sécurité et, d'autre part, les libertés civiles et les droits et libertés individuels. Tel que rédigé, le projet de loi ne garantit pas l'équilibre entre ces principes.
Dès le départ, les conservateurs ont manifesté leur mépris des libertés civiles et des droits individuels des Canadiens. Plutôt que de discuter avec eux et de tenir un débat honnête sur les points forts et les points faibles du projet de loi , le gouvernement se sert de formules creuses pour essayer de manière irresponsable de noyer le débat.
Le est même allé jusqu'à réprimander l'un de mes collègues, qui ne faisait qu'exprimer les inquiétudes d'innombrables Canadiens, dans le cadre du débat. Le ministre a dit: « Le député a le choix de se joindre à nous ou aux adeptes de pornographie juvénile. »
S'efforcer de diaboliser les adversaires du projet de loi , qui sont nombreux dans ma circonscription, et les qualifier d'amis des adeptes de la pornographie juvénile n'est pas seulement irresponsable, mais aussi totalement injustifié. Le n'a pas encore présenté ses excuses pour avoir offensé les Canadiens qui ne souscrivent pas à certaines dispositions du projet de loi C-30.
Il est normal que des Canadiens de partout au pays ne fassent pas confiance au gouvernement pour protéger leurs renseignements personnels. Après tout, les conservateurs n'ont pas un bilan très reluisant pour ce qui est de la gestion des renseignements personnels des Canadiens.
Qu'il s'agisse d'épier les comptes Facebook des gens et de se servir de l'information qu'on y trouve pour empêcher les Canadiens d'assister à des rassemblements publics de campagne électorale, qu'il s'agisse de passer au crible les dossiers médicaux des anciens combattants qui posent trop de questions ou qu'il s'agisse de détourner les bases de données contenant les listes d'électeurs pour faire des appels automatisés constituant de la fraude électorale, le gouvernement ne ménage pas les efforts pour attiser la méfiance des Canadiens.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi obligerait les fournisseurs de services Internet à conserver les renseignements sur leurs abonnés canadiens, y compris leur adresse de courriel et leur adresse IP, et à remettre ces renseignements aux autorités dès qu'elles en font la demande, sans qu'elles soient obligées d'obtenir un mandat. Ainsi, la loi accorderait aux gens du le droit de surveiller les courriels des Canadiens et de suivre à la trace leur utilisation des réseaux électroniques sans qu'un juge ait à autoriser ce genre de surveillance.
Les conservateurs ont aboli le questionnaire détaillé de recensement parce que selon eux il contenait des questions trop personnelles et empiétait sur la vie privée des Canadiens. Pourtant, ils proposent maintenant un projet de loi qui viole carrément la vie privée des Canadiens et qui traite tous les utilisateurs d’Internet comme des criminels. Les Canadiens ne sont pas tous des criminels!
Après le dépôt du projet de loi , les protestations vigoureuses des Canadiens et du Parti libéral ont obligé le gouvernement à reconnaître que son projet de loi était très imparfait et à rompre avec son habitude en renvoyant immédiatement son propre projet de loi à l’examen du comité avant d’en débattre, pour en corriger d’abord les faiblesses. Le gouvernement a affirmé qu’il allait examiner les amendements proposés par l’opposition, et nous nous en réjouissons.
Malheureusement, c’est ce même gouvernement qui a abusé de sa majorité en comité pour tenir les débats à huis clos, rendant les délibérations des comités plus secrètes qu’elles ne l’ont jamais été auparavant, et qui fait la sourde oreille à toutes les demandes pour mettre fin à ces tactiques. Si le gouvernement oblige le comité à travailler à huis clos, il n'y aura aucune surveillance publique pour l'empêcher de rejeter les amendements raisonnables et équitables que les libéraux ont l’intention de proposer, et cela constitue une très sérieuse préoccupation.
Le fait de renvoyer le projet de loi directement au comité pour qu’il soit amendé est une première étape importante, car c'est l’admission que le projet de loi comporte de graves lacunes, mais les actes sont plus éloquents que les paroles. La sincérité du gouvernement sera mise à l’épreuve pendant les travaux du comité. Si les conservateurs croient véritablement que les Canadiens ont le droit de déterminer la façon dont leurs renseignements personnels seront traités, alors ils devraient agir en conséquence et accepter les amendements que les libéraux proposeront en comité.
Les Canadiens, y compris mes électeurs, dans Random—Burin—St. George's, suivent avec intérêt le débat au sujet du projet de loi . Un de mes électeurs a très bien décrit ce projet de loi en disant que c’était purement et simplement une invasion de la vie privée.
Un autre électeur m’a écrit pour me dire qu’il était préoccupé par ce projet de loi. Il écrit: « Il s’agit d’une violation des droits fondamentaux de tous les Canadiens, et le fait d’accorder de tels pouvoirs à une institution, quelle qu’elle soit, ouvre la porte aux abus. » Il ajoute: « En outre, ce sont les contribuables qui devront payer la note et les criminels pourraient bien y trouver un autre moyen de pirater les comptes des citoyens. »
Un autre électeur m’a écrit pour m’exprimer son inquiétude, précisant ceci: « Les projets de loi sur l’espionnage en ligne, sur “l’accès légal“, sont mal conçus et permettent de façon irréfléchie à tout un éventail de pouvoirs de consulter des données personnelles sans mandat. »
Toujours dans ma circonscription, un électeur est allé encore plus loin et a déclaré qu’une telle surveillance massive et incontrôlée constituait une violation de son droit fondamental à la vie privée.
Ce ne sont que quelques exemples de la correspondance que j’ai reçue. C’est ce que disent les Canadiens, et je suis convaincue que tous les députés entendent la même chose du nord au sud et d’est en ouest. Je n’ai pas encore reçu la moindre lettre à l’appui du projet de loi .
Le respect de la vie privée est une liberté fondamentale inscrite dans la Charte, et les Canadiens ont raison de se préoccuper de la surveillance accrue de leurs activités en ligne. L'utilisation de renseignements personnels sans mandat constitue une violation inacceptable de la Charte des droits et libertés.
Parce que le projet de loi ne prévoit pas une surveillance judiciaire suffisante concernant les renseignements sur les abonnés et obligerait les fournisseurs de services Internet et de télécommunication à maintenir la capacité de retracer toutes les communications effectuées dans leur système, les libéraux craignent que l'on s'engage ainsi sur une pente très glissante.
La commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Jennifer Stoddart, est du même avis. Son bureau, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, a pour mandat de surveiller le respect de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Afin de remplir sa mission, qui consiste à protéger et à promouvoir le droit des personnes à la vie privée, la commissaire a écrit au en octobre dernier pour lui faire part de ses inquiétudes concernant ce que le gouvernement propose en matière d'accès légal. Voici ce qu'elle disait dans sa lettre:
Je m’inquiète [...] de l’adoption de seuils inférieurs pour obtenir des renseignements personnels auprès d’entreprises privées. Les nouveaux pouvoirs envisagés ne sont pas limités à des infractions précises ou graves, ou encore à des situations urgentes ou exceptionnelles. Quand on veut accéder aux données sur des abonnés, il n’est même pas nécessaire qu’un crime ait été commis pour justifier l’accès à leurs renseignements personnels — nom véritable, adresse domiciliaire, numéros confidentiels, adresse courriel, adresse IP, et plus encore — sans avoir de mandat.
Aux préoccupations exprimées par les Canadiens d'un bout à l'autre du pays s'ajoutent ainsi celles de la commissaire à la protection de la vie privée.
Le gouvernement doit assurer la protection des renseignements personnels en ligne des Canadiens respectueux de la loi. Je tiens à rappeler que ce ne sont pas tous les Canadiens qui sont des criminels. Or, la surveillance sans mandat de leurs activités en ligne reviendrait à faire passer injustement tous les internautes canadiens pour des criminels.
Le projet de loi , le projet de loi — aussi connu sous le nom de projet de loi omnibus sur la criminalité —, le projet de loi et combien d'autres nous amènent à nous interroger sérieusement sur la volonté du gouvernement de respecter la Charte des droits et libertés. Les libéraux travailleront d'arrache-pied à l'étape de l'étude en comité pour trouver des solutions logiques et proposer un juste équilibre entre la protection du public et celle de la vie privée.
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Monsieur le Président, je ne suis pas sûr que le débat soit vraiment terminé autour de moi. Quand j'étais enfant, je pensais que ce n'était pas drôle du tout d'être assis dans un coin. Mais depuis que je suis à la Chambre des communes, je peux vous dire que, dans le coin où je suis, les discussions sont très animées et loin d'être ennuyeuses.
Je suis heureux de pouvoir dire quelques mots au sujet de cette motion. Je tiens à féliciter tous ceux qui ont pris la parole aujourd'hui au sujet de cette mesure qu’on nous a présentée il y a quelques jours et qui, depuis, suscite énormément d’intérêt dans tout le pays. Elle a d'ailleurs suscité l'envoi d'un grand nombre de messages électroniques au Canada et à l’étranger. Il est donc bon que nous ayons ce débat avant que le projet de loi ne soit renvoyé au comité, en l’occurrence avant l’étape de la deuxième lecture.
Un grand nombre de personnes m’ont posé des questions au sujet des ramifications de cette mesure. Je félicite le gouvernement d'avoir renvoyé ce projet de loi à un comité avant la deuxième lecture, car cela permettra d’y apporter des amendements substantiels avant la deuxième lecture. Sinon, à l’étape de la deuxième lecture, il aurait eu un débat et un vote à la Chambre et les principes du projet de loi auraient été adoptés. Le gouvernement étant majoritaire à la Chambre, on n'aurait rien pu y faire. Par la suite, tout amendement allant à l’encontre des principes fondamentaux du projet de loi en question, c’est-à-dire le projet de loi , aurait pu être jugé irrecevable par le Président.
Par conséquent, je me réjouis que nous puissions discuter aujourd’hui de cette motion, sinon nous n’aurions pas eu l’occasion de débattre du projet de loi à la Chambre avant qu’il ne soit renvoyé au comité. Le gouvernement prétend vouloir accélérer le processus en renvoyant le projet de loi au comité pour qu’il fasse l’objet d’un débat fructueux. J’aimerais bien qu’on puisse avoir ce débat à la Chambre avant que le projet de loi ne soit renvoyé au comité, car si nous le renvoyons au comité avant la deuxième lecture, cela signifie que la Chambre a ensuite la possibilité de se prononcer sur un texte qui aura subi d’importantes modifications sans que celles-ci puissent être jugées irrecevables par le Président ou par qui que ce soit d'autre à la Chambre. La procédure prévoit que nous pouvons apporter des changements substantiels au texte. Pourquoi alors ne pas avoir un débat à la Chambre avant de renvoyer le projet de loi au comité?
La Chambre doit reconnaître le droit fondamental de tous les Canadiens à la liberté d’expression, à la liberté de communication et à la vie privée, et doit affirmer clairement que ces droits doivent être respectés dans toutes les formes de communication.
Nous savons tous, comme mon collègue de l’a dit tout à l’heure, que la technologie en cause change maintenant chaque mois. Quand je suis arrivé ici en 2004, on disait qu’elle changeait tous les 10 ou 15 ans, puis tous les 4 ou 5 ans. Maintenant, on dirait qu’elle change tous les ans, surtout en ce qui concerne les médias sociaux. Nous avons vu comment Facebook s’est imposé sur la planète en un rien de temps, et maintenant c’est au tour de Twitter.
Quand je suis arrivé ici, on jugeait les politiciens avec des clips sonores de huit secondes; maintenant, on juge les politiciens avec des textos de 140 caractères au maximum. Ça montre bien comment on est passés de l’ère de la radiodiffusion à l’ère des médias sociaux. Désormais, les toutes dernières nouvelles, c’est sur Twitterverse qu’elles se propagent, et non plus nécessairement dans l’univers de la télévision à 500 chaînes, 24 heures sur 24, 7 jours par semaine. C’est ça le monde d’aujourd’hui.
Mais il faut reconnaître que les médias sociaux offrent quelque chose de plus par rapport à l’ancien univers aux 500 chaînes. En effet, non seulement nous recevons de l’information instantanément, dès qu’elle est disponible, mais nous pouvons aussi propager cette information instantanément, illico, dans le feu de l’action. Mais nous n’utilisons pas les moyens traditionnels, à l’exception du téléphone peut-être, pour envoyer des informations aux gens avec lesquels nous sommes en contact. Nous utilisons désormais les médias électroniques à un rythme tel qu’un grand nombre d’informations sont confiées à des entreprises privées comme les FSI, lesquelles transportent ainsi, sous forme de données électroniques, toutes sortes d’informations, secrètes ou non, sur nos vies privées. Par conséquent, la capacité d’accéder à ces données représente aujourd’hui une atteinte beaucoup plus grande à la vie privée, surtout si l’objectif recherché est d’obtenir toutes les informations disponibles sur une personne donnée.
Parfois les gens propagent des informations sans être en cause. Pour reprendre l’exemple de mon collègue de , quelqu’un peut transporter des images d’une manifestation sur son cellulaire et les autorités ont le pouvoir d’intercepter la transmission de ces images, même si la personne en question n’est qu’un simple badaud et non un participant à la manifestation, qu’elle ne fait rien de mal et se contente tout simplement de retransmettre des images de ce qui se passe.
Je reviens à la motion que nous avons présentée à la Chambre: « Que la Chambre reconnaisse [...] que les Canadiens qui ont exprimé de vives inquiétudes au sujet du projet de loi C-30 ne devraient pas être qualifiés d’amis de la pornographie juvénile ou de défenseurs de la criminalité; que la Charte constitue la garante des libertés et des droits fondamentaux de tous les Canadiens; que la Charte a préséance sur toute disposition du Code criminel; par conséquent la Chambre demande au premier ministre de veiller à ce que toute loi présentée par ce gouvernement respecte les dispositions de la Charte et la valeur qu’elle accorde aux principe de l’application régulière de la loi, du respect de la vie privée et de la présomption d’innocence. »
Le rappel de la présomption d’innocence est opportun car on semble l’avoir oublié dans ce projet de loi. Lorsque le a provoqué tout un tollé dans les médias parce qu’il avait dit qu’on était soit avec eux soit contre eux, c’est exactement ce que je crains des débats et des discours à la Chambre. Tout devient manichéen. Autrement dit, c’est tout noir ou tout blanc, alors qu’en fait, c’est rarement le cas. Nous sommes donc saisis d’un projet de loi fort complexe, qui doit faire l’objet de beaucoup de discussions et de consultations dans tout le Canada, et qui va nous permettre de documenter et d’affirmer vigoureusement nos opinions.
Ce qui me dérange, c'est le fait d'accoler des étiquettes dès le début d'un débat. J'ai utilisé cet exemple, mais ne nous racontons pas d'histoires: nous savons que les 308 députés de la Chambre ont, à l'occasion, succombé à cette tentation. Nous devons être honnêtes avec nous-mêmes. Il faut parfois prendre du recul. Parfois, de simples excuses s'imposent depuis longtemps, ou bien il faut tenir un débat sérieux, qui nous permet d'approfondir les enjeux. Les députés parlent sans cesse de débats sérieux, mais, pour une raison que j'ignore, cela ne se produit jamais. Ils ont peut-être raison: c'est le temps de passer de la parole aux actes. Il est important de souligner que nous débattons à la Chambre de ces mesures particulières. Nous visons essentiellement à débattre du projet de loi à la Chambre avant qu'il soit renvoyé à un comité et qu'il soit adopté à l'étape de la deuxième lecture.
Je félicite le député de d'avoir présenté cette motion, ainsi que tous les autres députés qui prendront la parole sur cette question, car elle revêt une importance cruciale.
Plusieurs experts ont fait remarquer que certains éléments clés du projet de loi posaient problème. D'une part, nous souhaitons vivement que la police dispose des outils nécessaires pour faire son travail. Je sais que, dans ma circonscription, un grand nombre de policiers aimeraient bien disposer de ces outils. D'autre part, nous devons tenir compte de l'article 8 de la Charte, qui garantit le droit à la protection de la vie privée au Canada. Certaines personnes ont rédigé des articles à ce sujet, dont Michael Geist. Voici ce qu'il a dit:
Certains de ces renseignements pourraient sembler relativement inoffensifs; toutefois, la possibilité d'établir des rapprochements avec d'autres données peut souvent mener à la création d'un profil détaillé sur une personne identifiable. Compte tenu de sa nature potentiellement délicate, la décision d'exiger la divulgation de renseignements sans mécanisme de surveillance devrait susciter des inquiétudes au sein du milieu canadien de la protection de la vie privée.
Comme ma collègue de l'a souligné, Jennifer Stoddart entretenait les mêmes réserves à ce sujet.
Il faut également se pencher sur l'intention visée par le projet de loi. Le gouvernement diffuse un message sur la sécurité publique, autorise une période de transition de 18 mois et réduit les obligations visant les petits fournisseurs de services pour les trois premières années. Tout cela est parfait; toutefois, non seulement nous disposons de la capacité technologique pour ce faire, mais nous devons aussi être en mesure d'en débattre et veiller à prendre les mesures qui s'imposent avant de nous rendre compte qu'il faut faire marche arrière et apporter des changements.
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Monsieur le Président, je vais partager mon temps avec l'honorable députée de .
Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui en réponse à la motion. Le projet de loi apporte aux organismes d'application de la loi et de sécurité nationale les outils nécessaires pour leur permettre de mener leurs enquêtes dans un monde où les appels téléphoniques et le courrier ordinaire sont remplacés par des technologies de communication en constante évolution. Même si son but premier est de veiller à ce que le système judiciaire pénal suive le rythme de cette évolution et des nouvelles méthodes employées par les criminels, le gouvernement est attentif aux préoccupations exprimées en ce qui a trait à la vie privée relativement à certaines techniques d'enquête.
C'est pourquoi nous avons longuement déployé des efforts pour consulter les Canadiens et les intervenants. Ces consultations ont duré des années et ont englobé des discussions avec le commissaire à la protection de la vie privée du Canada et les commissaires à la protection de la vie privée des provinces. Ces discussions nous ont aidés à mettre au point le projet de loi dont il est question aujourd'hui. Je peux vous assurer que chacun des pouvoirs d'enquête prévus dans le projet de loi a été établi avec soin en tenant compte des attentes en matière de vie privée.
Nous parlons ici de nouvelles mesures qui garantissent avec précision la protection des renseignements personnels. Or, il semble que certains redoutent que le projet de loi change de manière fondamentale la façon dont la vie privée des Canadiens est protégée et qu'il confère aux services de police de vastes nouveaux pouvoirs qui leur donneront un accès libre à notre vie privée.
Ces inquiétudes ne sont pas fondées. Dans certains cas, il se peut qu'on ait mal compris les propositions complexes conçues pour tenir compte des modes de télécommunications de plus en plus modernes. Je tiens à assurer tous les députés et tous les Canadiens que le projet de loi n'a jamais visé l'interception courante des télécommunications et communications privées des Canadiens. Le projet de loi C-30 n'a jamais eu pour but de surveiller les activités des Canadiens sur le Web ou de les empêcher de transmettre des courriels de manière anonyme. Il a toujours eu pour objectif de faire en sorte que les organismes d'application de la loi soient à la hauteur des nouvelles technologies de communication.
En réponse à ces préoccupations, j'aimerais présenter quelques faits. Depuis les années 1970, les services de police au Canada ont pu intercepter des communications privées lorsqu'ils y étaient autorisés par un tribunal en vertu du Code criminel. Dans ce contexte, le juge doit être convaincu que l'interception de la communication servira au mieux l'administration de la justice et qu'on a essayé sans succès d'autres méthodes d'enquête. Ce n'est que dans des circonstances rares et urgentes, comme un enlèvement ou une menace à la bombe, et où le temps presse, que les organismes d'application de la loi peuvent intercepter des communications privées sans autorisation d'un juge.
Le projet de loi ne change rien à cette approche. En fait, le projet de loi propose d'ajouter des mesures de protection supplémentaires aux dispositions du Code criminel ayant trait à l'autorisation des interceptions dans des circonstances exceptionnelles, qui sont prévues à l'article 184.4.
J'aimerais également parler d'un autre point qui suscite des malentendus, à savoir que les organismes d'application de la loi et le Service canadien du renseignement de sécurité pourront obtenir des renseignements de base sur les abonnés des télécommunicateurs. Les agents d'application de la loi et de sécurité nationale sont déjà autorisés à demander aux télécommunicateurs des renseignements sur leurs abonnés. Toutefois, la communication de ces informations se fait strictement de manière volontaire par les télécommunicateurs, et il y a très peu de mécanismes de surveillance et d'examen en ce moment. Cette façon de procéder est problématique, car certains télécommunicateurs présentent ces informations sur demande, alors que d'autres prennent beaucoup de temps pour le faire ou encore refusent de coopérer.
Il en découle un régime discrétionnaire et irrégulier à l'échelle du pays, ce qui menace la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. Le projet de loi propose un processus juste et uniforme qui facilitera l'accès aux renseignements de base sur les abonnés, au besoin. Il prévoit également un régime solide de production de rapports et de vérification, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
L'accès aux renseignements de base des abonnés, comme le nom ainsi que les adresses postale et électronique, est particulièrement important dans le contexte informatique, car les criminels se servent d'Internet pour mener leurs activités dans l'anonymat.
Par exemple, une enquête menée en 2011 sur une affaire d'exploitation d'enfants sur Internet au Nouveau-Brunswick, ma province, a été retardée de plus de six mois parce que les autorités ont eu de la difficulté à obtenir des renseignements de base sur les abonnés d'un fournisseur de services. Lorsqu'elles ont finalement obtenu les renseignements voulus, les autorités ont appris qu'un adolescent de la région avait été victime de mauvais traitements aux mains du suspect. Ce genre de situation est inacceptable.
Avec le projet de loi , non seulement nous empêcherons ce genre de situation, mais nous mettrons en place divers mécanismes pour assurer la responsabilisation de ceux qui accéderont aux renseignements de base sur les abonnés. Il s'agit, encore une fois, d'une mesure qui n'existe pas aujourd'hui.
Par exemple, le projet de loi obligera les autorités à tenir un registre de toutes les demandes d'accès à des renseignements de base sur les abonnés, ainsi qu'à procéder à des vérifications et à produire des rapports régulièrement.
De plus, le projet de loi confirme à nouveau le rôle qu'ont les organismes de surveillance, comme le Commissariat à la protection de la vie privée, d'assurer une vérification des organismes relevant de leur compétence.
Le projet de loi obligera également les autorités à transmettre un avis lorsqu'elles feront appel aux pouvoirs d'écoute électronique dans des circonstances exceptionnelles et à produire un rapport à ce sujet.
Ces obligations existent déjà pour d'autres activités, comme l'écoute électronique autorisée par le Code criminel, et il est logique de les mettre en place également dans ce cas.
Pour ce qui est de la surveillance électronique, il existe déjà, en plus des autorisations ministérielles, des freins et contrepoids pour assurer la responsabilisation des organismes d'application de la loi qui exercent ces pouvoirs exceptionnels. Par exemple, les personnes désignées conformément aux articles 185, 186 et 188 du Code criminel doivent obtenir une autorisation d'un juge pour intercepter les communications privées et ce, pour chaque cas faisant l'objet d'une enquête. Les éléments de la preuve doivent être présentés sous serment au cours des instances criminelles découlant des enquêtes. Le ministre de la Sécurité publique doit présenter un rapport annuel sur les interceptions ayant trait à des infractions pour lesquelles des poursuites peuvent être intentées par le procureur général ou en son nom. Ce rapport, fondé sur les données transmisses par les services de police, doit être représenté au Parlement, conformément à la loi.
Lorsque des droits importants sont en jeu, comme les attentes raisonnables d'une personne relativement à la vie privée, il est dans l'intérêt de tous de savoir dans quel cas et de quelle manière sont utilisés les pouvoirs d'enquête comme celui dont il est question.
La collecte de données et de statistiques sur l'exercice de ces pouvoirs d'enquête permet d'informer le public et aide les législateurs à dégager les habitudes d'utilisation pour modifier la loi au besoin.
Nous n'avons pas à choisir entre la sécurité et le respect de nos droits. Il faut atteindre une coexistence équilibrée. Notre gouvernement est d'avis que ce projet de loi atteint cet équilibre. Par contre, nous croyons aussi que c'est le rôle du Parlement d'étudier ce projet de loi afin de déterminer si cet équilibre est bel et bien réussi. Nous espérons que cette étude va avoir lieu dans un environnement non partisan et sans désinformation de la part des partis de l'opposition.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet de la motion. Comme l'ont déclaré mes collègues qui sont intervenus avant moi, le est tenu d'informer la Chambre des communes si une mesure législative enfreint les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. J'insiste sur ce point. Le croit que le projet de loi n'enfreint aucun des droits prévus par notre Charte.
Est-ce que cela signifie que le projet de loi n'aura absolument aucune incidence sur le droit à la vie privée des Canadiens? Bien sûr que non. Toute mesure législative qui confère de nouveaux pouvoirs d'enquête à la police aura inévitablement une incidence sur la vie privée des Canadiens. Néanmoins, ce qui importe, c'est de savoir si l'incidence sur la vie privée est justifiée pour assurer la sécurité publique de notre pays.
Le gouvernement est convaincu qu'il a proposé une mesure législative garantissant que les lois du Canada protègent adéquatement les Canadiens en ligne, sans pour autant enfreindre leurs droits constitutionnels. Tous les nouveaux pouvoirs proposés ont été soigneusement élaborés afin de veiller à ce qu'ils soient assujettis à un examen approprié, notamment aux principes de la transparence et de la surveillance.
J'aimerais rappeler aux députés d'en face que les libéraux ont non seulement présenté des projets de loi similaires en 2005 — alors qu'ils formaient le gouvernement —, en 2007 et en 2009, comme l'ont souligné certains de nos collègues, mais que les changements qu'ils préconisaient alors étaient identiques à ceux prévus dans le projet de loi dont nous sommes saisis, mais moins solides sur les plans de la surveillance et de la protection de la vie privée.
Le but du projet de loi est de fournir aux policiers des outils modernes leur permettant de lutter contre la criminalité. Il vise à moderniser les techniques d'enquête, afin qu'ils puissent appréhender ceux qui se servent de la technologie pour commettre des crimes.
Il y a 30 ans, la plupart des crimes informatiques étaient commis localement et la méthode d'enquête ou de poursuite ne différait pas vraiment de celle utilisée pour les crimes traditionnels. Internet a changé la donne. Internet est omniprésent, à l'instar de la cybercriminalité. Aucune frontière ne l'arrête et nous ne pouvons pas mener d'enquête ou engager de poursuites sans l'aide de nos partenaires internationaux.
En fait, le projet de loi permettrait, entre autres, au Canada de ratifier la Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l'Europe. Or, pour qu'il puisse ratifier des traités internationaux, il doit d'abord conformer sa loi aux exigences du texte. Dans le cas de ladite convention, par exemple, l'État membre doit pouvoir conserver des données informatiques. Le projet de loi C-30 répondrait à cette exigence en créant l'ordonnance de conservation dans la loi canadienne.
Cette convention, également appelée Convention de Budapest, est le principal traité international traitant de la cybercriminalité. Le Canada fait partie des pays ayant participé aux négociations entourant son adoption et a joué un rôle clé dans l'inclusion des dispositions concernant la pornographie juvénile.
Le projet de loi permettrait au Canada de ratifier la Convention de Budapest, ce qui aurait deux effets notables. Premièrement, nous pourrions ainsi compter sur une meilleure coopération internationale dans ce domaine, ce qui est essentiel. Deuxièmement, les Canadiens jouiraient d'une sécurité accrue, puisque les policiers auraient à leur disposition les outils dont ils ont besoin.
Cette convention, qui oblige les États participants à respecter les normes internationales pertinentes en matière de droits de la personne et à établir des infractions et des pouvoirs procéduraux fondamentaux, procure aux États un mécanisme de coopération internationale. Grâce à cette collaboration accrue avec nos alliés dans la lutte contre la cybercriminalité, particulièrement la pornographie juvénile, nous serons mieux outillés pour capturer les criminels qui se servent des frontières internationales pour déjouer les enquêtes.
Enfin, 32 pays ont déjà ratifié cette convention, dont deux de nos principaux partenaires, les États-Unis et le Royaume-Uni. Un autre de nos principaux alliés, l'Australie, a aussi été invité à ratifier la convention. La participation de tous ces États confirme l'importance de cette convention.
Quand le Canada aura ratifié la convention, nos forces policières auront accès à un réseau mondial, qui continuera de s'étendre à mesure que des pays non européens deviendront parties à la convention. Ainsi, nous pourrons traduire un plus grand nombre de cybercriminels devant les tribunaux et faire du Canada un pays plus sûr, particulièrement pour nos enfants.
J'aimerais répéter ce que j'ai déjà dit. Cette mesure législative n'est pas une nouveauté. Je trouve très ironique que le chef libéral dépose une motion qui vise à critiquer une mesure législative que son parti avait proposée et appuyée quand il était au pouvoir. Comme je l'ai souligné, la version précédente proposée par les libéraux ne protégeait pas aussi bien la vie privée des Canadiens.
Le Parti libéral est vraiment mal placé pour faire la leçon au Parlement quand il s'agit de protéger les Canadiens tout en respectant leur vie privée. Cet exemple montre, encore une fois, que les libéraux sont dénués de valeurs, de principes et d'idées. Ils se contentent d'adopter la position qui leur semble la plus populaire à propos de la question à l'étude. Ce n'est pas le rôle que doit jouer un Parlement élu.
Le gouvernement s'attend à ce que le Parlement tienne un débat de fond à propos du projet de loi proposé et l'examine attentivement de façon à trouver un juste équilibre entre la nécessité de protéger les Canadiens contre les crimes et la nécessité de respecter leur droit à la vie privée.
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Monsieur le président, je vais partager mon temps de parole avec la députée de .
Je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui au sujet d’une motion très importante. J’espère, et je pense bien qu’ils vont le faire, que les conservateurs et les néo-démocrates vont se joindre à nous pour en reconnaître l’importance dans le contexte de notre Charte et de la protection de la vie privée.
Le projet de loi que nous citons abondamment est, bien sûr, le projet de loi , et nous le faisons pour une bonne raison. Le gouvernement lui-même s’est rendu compte qu’il avait fait fausse route. Il s’est fait vertement critiquer par l’opinion publique à cause des dispositions inacceptables du projet de loi .
Le n’a pas la réputation de faire marche arrière même quand il s’est trompé, mais sur cette question-là, on peut dire qu’il a eu une sorte de révélation quand il a vu l’indignation des Canadiens. C’est tout à son honneur qu’il s’en soit rendu compte, puisqu’il est prêt maintenant à envoyer le projet de loi en comité.
L’un de mes collègues m’a rappelé qu’avec le gouvernement conservateur, les réunions de comités finissent toujours par se dérouler à huis clos. Les conservateurs ont recours à ce stratagème pour ne pas que les gens voient ce dont on discute dans un comité. Quand le gouvernement décrète qu’un comité va se réunir à huis clos, c’est simplement une façon polie de dire qu’il ne veut pas que la population participe et entende ce qui se dit derrière les portes closes. Aucun gouvernement n’a eu autant de réunions à huis clos que le gouvernement conservateur majoritaire depuis les quelques mois qu’il est au pouvoir.
Nous savons bien sûr que les conservateurs sont rebelles au changement. On a beau leur dire qu’ils se sont trompés, ils refusent de reconnaître leurs erreurs. Il faut beaucoup de persuasion pour les convaincre.
Revoyons un peu ce qui s’est passé avec le projet de loi . Le Parti libéral avait proposé des amendements en comité, mais le gouvernement a voté contre. Il ne voulait rien entendre. Qu’est-il arrivé? Les sénateurs conservateurs ont représenté les mêmes amendements car le gouvernement, têtu comme il est, n’en avait pas saisi l’importance. Je suis sûr que le gouvernement n’est pas très à l’aise maintenant.
Nous nous réjouissons tous que le gouvernement ait enfin compris qu’il était sage de soumettre le projet de loi à un comité avant d’en débattre en Chambre. C’est la raison pour laquelle il est tout à fait justifié d’examiner la motion présentée par l’opposition. J’attends impatiemment qu’un député conservateur me donne publiquement l’assurance qu’il n’y aura pas de réunions à huis clos du comité saisi du projet de loi , et que les réunions seront accessibles à tous ceux qui veulent suivre les débats. Nous attendons avec impatience.
Les conservateurs parlent des droits des victimes comme s’ils avaient le monopole de la protection des droits des victimes. Ce n’est pas parce qu’ils le répètent sans cesse qu’ils sont mieux placés que des députés de l’opposition pour défendre les droits des victimes. Non seulement nous nous intéressons aux droits des victimes, mais nous voulons protéger les gens avant qu’ils ne deviennent des victimes. C’est la raison pour laquelle nous nous intéressons à la prévention du crime, pour éviter qu’il n’y ait des victimes. Les conservateurs n’ont pas le monopole de la protection des droits des victimes
Les conservateurs prétendent qu’ils veulent protéger les citoyens respectueux de la loi. À mon avis, une bonne façon de le faire serait d’appuyer la motion proposée par le Parti libéral, dont nous sommes saisis aujourd’hui.
Je lirai le libellé de la motion pour que les députés puissent y réfléchir avant de voter.
Que la Chambre reconnaisse: a) le droit fondamental de tous les Canadiens à la liberté d’expression, à la liberté de communication et à la vie privée, ainsi que la nécessité d’affirmer clairement que ces droits doivent être respectés dans toutes les formes de communication; b) que la collecte, par le gouvernement, de données et de renseignements personnels sur les activités en ligne des Canadiens, sans limites, sans règles et sans supervision judiciaire constitue une violation de la Charte canadienne des droits et libertés pour ce qui est des protections qu’elle offre contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
Si les conservateurs cherchaient vraiment à protéger les honnêtes citoyens, ils feraient bien de voter en faveur de cette motion, qui contribuerait grandement à la protection de leurs droits.
Internet sert maintenant à faire différentes choses. Je crois que nous sous-estimons l'utilisation qu'en font quotidiennement les Canadiens. Selon les données que j'ai entendues, le nombre de personnes qui ont accès à Internet est plus important au Canada qu'ailleurs, et les Canadiens sont les gens qui l'utilisent le plus. Nous avons vu les avantages qu'offre Internet. On n'a qu'à observer les médias sociaux, entre autres Facebook, pour constater à quel point les gens s'en servent. Pensons au nombre de gens qui font des opérations bancaires et des achats en ligne. La grande majorité des Canadiens utilise quotidiennement Internet, qui fait maintenant partie de nos vies.
Il est intéressant de constater que les néo-démocrates et les conservateurs ont les mêmes notes. Ils s'y réfèrent parce qu'ils sont un peu mal à l'aise que le Parti libéral ait une approche pratique et qu'il désire protéger les droits des personnes. Néo-démocrates et conservateurs confondus sortent donc leurs notes pour répéter que les libéraux ont proposé telle chose en 2002, en 2005 et en 2007. Je pense même avoir entendu une autre année.
Eh bien oui, le Parti libéral a une approche proactive pour ce qui est de présenter des mesures législatives. La différence, c'est que les libéraux sont ouverts aux idées, aux amendements et aux changements. Le gouvernement actuel, lui, n'a jamais donné l'impression de l'être. Quant au NPD, j'espère qu'il n'aura jamais l'occasion de gouverner. Je ne ferai pas de conjectures sur ce que les Canadiens pourraient décider, mais j'ai vu des administrations néo-démocrates à l'oeuvre dans ma propre province, et je peux dire que c'était décevant.
Ils affirment vouloir défendre les intérêts des Canadiens. Le Parti libéral, lui, a des inquiétudes majeures. Les libéraux suggèrent aux députés des autres partis, aussi bien les verts que les néo-démocrates et les conservateurs, de se reporter avant 2002. Ils devraient se rappeler 1981 et la Charte des droits et libertés, qui garantit le droit à la vie privée.
La vaste majorité des Canadiens veut qu'on ait des motifs valables et qu'il soit nécessaire de passer par un juge, ce qui peut prendre une demi-heure, mais peu importe le temps qu'il faut. Les libéraux ne sous-estiment pas les capacités des forces de l'ordre ni des tribunaux. Des personnes fantastiques y travaillent et peuvent accélérer la procédure. Elles peuvent accomplir des choses rapidement lorsque c'est nécessaire. Ne faisons pas abstraction de l'importance de protéger le droit à la vie privée.
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Monsieur le Président, l'élément fondamental de cette motion d'opposition que les libéraux présentent, c'est la démocratie. Dans une société démocratique, l'application régulière de la loi, la primauté du droit et une magistrature indépendante sont des éléments fondamentaux. Nous ne voulons pas vivre dans un pays où l'État a tous les pouvoirs et les citoyens n'ont absolument aucun droit. C'est pourquoi nous nous reportons à la Charte des droits et libertés. C'est la loi fondamentale et toutes les autres lois y sont subordonnées. La Charte vise à établir un équilibre entre le droit à la vie privée des particuliers et leur intégrité personnelle, et la sécurité de l'État. C'est ce qui est en cause ici.
Comment trouver cet équilibre? Comment pouvons-nous, au nom de la sécurité de l'État, trouver le moyen de ne pas fouler aux pieds les droits des citoyens? C'est là qu'entrent en jeu l'application régulière de la loi et la primauté du droit. Dans toute société démocratique, il y a des processus fondamentaux comme un système judiciaire indépendant, l'application régulière de la loi et la primauté du droit, ainsi que la liberté d'expression et la liberté de presse, qu'il s'agisse de l'Internet ou de tout autre médium.
À une certaine époque, un célèbre premier ministre libéral a dit que l'État n'avait pas sa place dans les chambres à coucher de la nation. Par extension, on peut dire que l'État n'a pas sa place dans les disques durs de la nation, ou du moins qu'il y a une limite. Si l'on a des raisons de soupçonner qu'une personne est coupable d'une activité criminelle, de trahison ou d'un acte de terrorisme contre l'État, alors la loi suit son cours. Je voudrais donner un exemple pour illustrer pourquoi ce projet de loi va trop loin et en fait violerait la Charte des droits et libertés.
Récemment, il y a eu une opération policière très médiatisée contre un réseau de pornographie juvénile au Canada. L'opération a eu beaucoup de succès: 22 personnes ont été accusées, 75 accusations ont été portées, 25 mandats de perquisition ont été obtenus et 16 localités de l'Ontario ont été ciblées. Cependant, tout cela a été fait dans le cadre de l'application régulière de la loi. Il y avait des raisons de soupçonner ces personnes et des mandats ont été accordés. Les agents de police ont trouvé le moyen de faire tout cela dans le cadre du Code criminel actuel et en appliquant la loi en bonne et due forme. Nous savons donc que le processus fonctionne bien. Quand des gens sont soupçonnés, les outils nécessaires existent et donnent satisfaction.
Je reviens tout juste de Vienne où j'ai assisté à une réunion de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. On y traitait de régimes répressifs qui ont fait fi de la loi pour arrêter des gens en portant des accusations inventées de toutes pièces, sans la moindre preuve ni même la moindre présomption de culpabilité, les ont jetés en prison et les ont torturés. Le Canada s'est prononcé catégoriquement contre de tels agissements. L'un des buts premiers de l'OSCE est de créer des sociétés démocratiques.
Le Canada ne peut pas, d'une part, se prononcer contre ce qui se passe dans le monde réel, dire que nous sommes contre de tels agissements et appuyer la démocratie et la primauté du droit et, d'autre part, trouver au Canada des moyens insidieux de contourner la loi et laisser entendre qu'il y a des croque-mitaines un peu partout. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire cela dans notre pays. Si nous voulons avoir de la crédibilité dans le monde quand nous défendons la liberté de parole et les droits individuels, prenons position contre le terrorisme, appuyons la sécurité de l'État dans le cadre de l'application régulière de la loi et d'une magistrature indépendante, alors nous devons en faire autant chez nous. Nous ne pouvons pas avoir deux poids, deux mesures. Le Canada ne peut pas agir d'une manière chez lui et dire tout le contraire à l'étranger. Voilà l'essentiel de notre discours.
La Charte des droits et libertés devrait être un modèle. Elle devrait être un point de référence à l'aune de laquelle nous mesurons tout ce que nous espérons accomplir sur le plan de la primauté du droit dans notre pays, pour vérifier si nos actes se conforment à la Charte ou y contreviennent. C'est justement ce que font les juges quand ils examinent n'importe quelle loi. Le Parlement n'a pas préséance sur la primauté du droit. La conduite du Parlement doit être dictée par la primauté du droit. Il doit lui-même se soumettre à la loi.
Par conséquent, ce qui se passe actuellement est inacceptable. Quand des gens s'opposent à de telles violations de la primauté du droit, nous ne pouvons pas décider que ces gens ont tort, qu'ils appartiennent à une bande de criminels, les traiter d'escrocs, de pornographes ou d'autre chose. C'est une norme à l'aune de laquelle un État doit juger ses propres citoyens. Nous vivons dans une société libre et démocratique où la société civile et les partis de l'opposition peuvent s'opposer à ce qu'ils estiment être une atteinte à la primauté du droit, une atteinte à la démocratie. Cependant, quand des gens s'opposent effectivement, il n'est pas acceptable qu'ils soient dénigrés et se fassent accuser d'appartenir à quelque groupe subversif ou de se livrer à des activités criminelles dans le cadre de ces groupes.
C'est ce qui arrive dans les régimes répressifs, comme en Biélorussie, en Russie et en Ukraine. À un moment donné, leurs dirigeants sont jetés en prison parce qu'ils se retrouvent dans l'opposition et ne sont pas d'accord avec le gouvernement. Nous ne pouvons pas faire cela dans notre pays. Nous avons été considérés partout dans le monde comme un bastion de la démocratie, un pays qui croit aux principes de la démocratie et de la primauté du droit.
Un tel projet de loi n'a aucune pertinence. Il existe déjà une procédure et elle fonctionne. Si un policier, un employé du SCRS ou un ministre a des soupçons, il peut s'adresser à un juge, qui, en tant que personne indépendante faisant partie d'une société démocratique, déterminera si la requête lui semble fondée et délivrera un mandat de saisie. Permettre aux policiers, aux agents du SCRS ou au ministre de prendre de telles décisions selon leur bon vouloir équivaudrait cependant à dire que certaines institutions sont au-dessus des lois. Or, aucune institution ne peut se soustraire à la primauté du droit au Canada. L'État ne peut pas non plus commencer à espionner ses propres citoyens sans aucune raison. S'il existe une bonne raison, elle sera confirmée par un mandat.
Nous ne pouvons pas adopter cette nouvelle pratique selon laquelle un ministre prendrait une décision puis demanderait à un fournisseur de services Internet de se doter de la technologie qui lui permettrait d'accéder aux renseignements en ligne des gens. On ne le fait pas pour l'écoute téléphonique. Il faut obtenir un mandat et suivre la procédure établie pour surveiller les conversations téléphoniques. Si je mentionne sans cesse les procédures établies, c'est parce que je parle de la démocratie et de la primauté du droit. J'essaie de faire comprendre au gouvernement que, même s'il détient la majorité, il n'est pas au-dessus de tout, qu'il ne peut pas soudainement se comporter comme un dictateur et qu'il doit rendre compte de ses actes.
C'est l'une des choses qui inquiètent beaucoup de gens parmi nous. Nous apprenons que, s'étant aperçu qu'il était allé trop loin, le gouvernement souhaite écouter les amendements qui seront proposés lors de l'étude du projet de loi par le comité. Or, depuis que le gouvernement est majoritaire, il s'est emparé des comités. Selon les règles parlementaires, les comités doivent décider eux-mêmes quelles questions ils étudieront et quel sera leur programme. Ils sont maîtres de leur destin et déterminent ce qu'ils mettent à leur ordre du jour. Mais ce n'est plus le cas. Si, lors des travaux d'un comité, quelqu'un ose s'opposer au gouvernement ou présenter une motion qui ne lui plaît pas, le huis clos est immédiatement décrété, et personne ne peut savoir ce qui se passe. Le gouvernement estime que, dans une société démocratique, les comités sont tenus de lui obéir. Ce n'est pas vrai. Le Parlement est une institution démocratique, et ce genre de détournement doit cesser.
Le gouvernement a pris le pouvoir en promettant de réduire la taille de l'État et de ne pas empiéter sur la vie privée des gens. Le gouvernement abolit le registre des armes à feu et efface les noms qu'il contient parce qu'il ne veut pas se mêler de la vie privée des citoyens. Pourtant, le projet de loi C-30 permettrait d'épier les gens, sans que l'on soit obligé de suivre la procédure normale. Voilà ce dont nous discutons. Si ce projet de loi était conforme aux règles de droit, il ne violerait pas la Charte comme il le fait actuellement.
Je demanderais au gouvernement de s'en tenir aux principes de la démocratie, d'écouter les amendements qui seront proposés, de s'en inspirer et, s'ils sont bons, de les adopter. Il ne devrait pas déclarer publiquement qu'il écoutera les propositions d'amendement faites lors des travaux du comité s'il compte voter systématiquement contre et se servir de sa majorité pour empêcher tout changement. Je lance un appel au gouvernement pour qu'il revienne aux principes de la démocratie, qu'il se comporte comme il a le devoir de le faire, qu'il écoute le point de vue de l'opposition et qu'il respecte le Parlement et les règles de droit.