CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 5 mai 2015
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à la 46e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Nous étudions le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d'autres lois en conséquence.
Nous accueillons trois témoins, dont deux que nous avons déjà rencontrés plusieurs fois. Raheel Raza est la présidente du Council for Muslims Facing Tomorrow. Avvy Go est la directrice de clinique du Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic. Nous accueillons aussi de Copenhague, par vidéoconférence, Susanne Willaume Fabricius, à titre personnel. Bonjour à vous tous.
Je crois que nous allons commencer avec Mme Willaume Fabricius. Vous avez un maximum de huit minutes pour présenter un exposé.
Pour commencer, je tiens à vous remercier de m'avoir invitée.
Je crois qu'il est très important pour vous, en tant que nation, de vous élever clairement contre les mariages forcés et les mariages d'enfants. Nous devons protéger les femmes et les enfants contre ces infractions.
Bien sûr, il est toujours possible qu'une famille décide de le faire quand même, peut-être en secret. Elle peut aussi décider d'aller célébrer le mariage dans un autre pays. Compte tenu des familles élargies, il est très difficile de vérifier si les gens respectent les règles ou non. Prennent-ils des arrangements relativement à un mariage au Canada ou à l'étranger? Beaucoup de personnes accepteront volontiers de cacher la vérité dans de telles situations.
En ce qui concerne la polygamie, nous devons tenir compte du fait que, s'ils ne font que divorcer, pour eux, le mariage civil sera encore valide, et l'homme pourra épouser plus d'une femme. C'est difficile de le savoir. Ces choses ont souvent lieu en secret sans qu'aucun document ne soit rempli.
Il y a un risque que la première épouse soit laissée dans le pays d'origine, où elle est encore plus exposée à des dangers et de la violence. Elle risque même parfois de perdre la vie.
Il faut tenir compte des représailles contre les femmes et les jeunes lorsqu'on traite avec ces familles. Par exemple, vous avez parlé d'un programme de lutte contre la violence familiale. À ce sujet, ma préoccupation concerne les risques de représailles contre les femmes ou les jeunes filles, par exemple. La famille peut croire que c'est à cause de la jeune, qu'elle est à blâmer parce qu'elle a participé au programme et que, à cause d'elle, les autorités sont au courant des affaires privées de la famille.
Je ne crois pas que la loi soit suffisante. En raison des solides liens familiaux et des familles élargies, il est très difficile de contrôler ce qui se passe. Il y a tellement de personnes qui sont prêtes à en aider une autre à faire ce genre de choses. En fait, on s'attend d'elles à ce qu'elles aident dans ces cas. L'honneur et les promesses au sein des familles et des collectivités sont des choses tellement importantes et contraignantes que certaines personnes sont prêtes à aller loin pour les protéger.
Je suis convaincue que certaines personnes qui fournissent une aide dans de tels cas ne le feraient même pas vraiment elles-mêmes, mais elles estiment ne pas avoir d'autre choix en raison de l'important contrôle social, comme nous le constatons aussi ici, au Danemark.
Comme je l'ai dit, la loi ne peut pas tout faire. Il faut mettre en place un bon système général de soutien à l'intention des victimes potentielles. Il faut fournir du counseling et des lignes directes, réaliser des campagnes de sensibilisation et former les professionnels de façon à ce qu'ils puissent découvrir les cas problèmes et aiguiller les jeunes aux bons endroits afin qu'ils puissent obtenir de l'aide, aborder cette question dans les écoles, et ainsi de suite.
J'aimerais vous demander de prendre trois choses en considération. Il faudrait entre autres mettre en place un très important système de soutien en plus des dispositions législatives. Les mentalités sont très difficiles à changer. La loi n'y arrivera pas seule. Il faut aussi accroître la sensibilisation et renforcer l'autonomie des jeunes afin que certains d'entre eux puissent livrer leur propre bataille ou vous demander de l'aide.
Les liens familiaux sont très forts. Les jeunes femmes sont très loyales à l'égard de leurs parents et de leur famille et elles connaissent très bien les conséquences. Cela ne vous facilitera pas la tâche. C'est pourquoi, par exemple, ici, au Danemark, aucun dossier ne s'est rendu devant les tribunaux après qu'une jeune femme a parlé à la police. En effet, après coup, elle revient pour dire qu'il n'y a rien, que c'était un mensonge, qu'elle ne le pensait pas et que sa famille ne ferait jamais une chose pareille.
C'est pourquoi, selon moi, il vous faut un très bon système de soutien.
Merci de votre exposé, madame Fabricius.
Il y a deux autres invités qui vont présenter un exposé, puis j'imagine que les membres du comité auront des questions pour vous.
Maître Go, c'est maintenant à vous.
Je représente la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, un organisme communautaire sans but lucratif qui offre gratuitement des services juridiques aux membres à faible revenu des communautés chinoises et sud-est asiatiques. Je vous remercie de m'offrir l'occasion d'être ici aujourd'hui pour parler du projet de loi S-7.
Je tiens aussi à remercier le comité d'étudier cette question. L'objectif avoué du projet de loi est de protéger les femmes contre la violence et, par conséquent, je crois que nous devons évaluer l'efficacité du projet de loi à la lumière de son but avoué.
Essentiellement, la violence contre les femmes est un problème canadien. La violence conjugale touche toutes les femmes au Canada, qu'elles soient nées ici ou à l'étranger. De nombreuses études ont porté sur l'ampleur du problème au Canada. Par exemple, une étude révèle que la moitié des femmes du Canada ont été victimes d'au moins un acte de violence physique ou sexuelle depuis l'âge de 16 ans. Tous les six jours, une femme au Canada est tuée par son partenaire intime et, tous les jours, plus de 3 000 femmes et enfants doivent séjourner dans des refuges afin d'échapper à la violence conjugale.
Par conséquent, il est évident que la violence contre les femmes est un grave problème qui exige l'attention de tous les ordres de gouvernement. De plus, il est urgent de prendre des mesures pour y mettre fin.
La seule question que nous devons nous poser est la suivante: quelle serait la façon la plus efficace de lutter contre la violence à l'égard des femmes au Canada? C'est de ce point de vue que nous commentons le projet de loi S-7, et c'est aussi de ce point de vue que nous tenons respectueusement à formuler d'importantes préoccupations.
Pour commencer, le projet de loi vise à expulser les personnes polygames, y compris les femmes, que le gouvernement affirme vouloir protéger. Le fait de retirer aux personnes impliquées dans des relations polygames leur statut de résident permanent ou temporaire n'aura pas l'effet escompté de protéger les femmes. Cela empêchera simplement les femmes dans de telles relations de venir au Canada en premier lieu.
Dans un même ordre d'idées, le fait de criminaliser le mariage forcé ne mettra pas fin à cette pratique, comme l'a souligné l'experte du Danemark. Ce qui arrivera, c'est que les mariages seront célébrés clandestinement et que ce sont les survivantes de mariages forcés qui en pâtiront. En effet, elles sont nombreuses à vouloir mettre fin à la relation, sans pour autant souhaiter que des membres de leur famille soient poursuivis en justice.
Dans les cas où une femme a été mariée de force ou est dans une relation polygame et qu'elle arrive au Canada en tant qu'épouse parrainée, en raison de la règle touchant le statut de résident permanent conditionnel, selon laquelle une épouse parrainée doit cohabiter avec son répondant pendant deux ans, elle court le risque de perdre son statut d'immigration.
De plus, nous sommes aussi grandement préoccupés par le nom du projet de loi, qui renvoie à des stéréotypes racistes et exacerbe la xénophobie à l'égard de certaines communautés racialisées. Il laisse entendre que la pratique polygame à l'étranger est un signe d'infériorité culturelle, tout en faisant abstraction du fait que la polygamie est pratiquée ici même, au Canada, par certains Canadiens. En fait, trop de relations au Canada prennent fin en raison d'aventures extraconjugales impliquant un époux ou les deux. Cela empêche les Canadiens d'avoir vraiment une discussion honnête sur la violence conjugale et de voir la violence conjugale pour ce qu'elle est vraiment, soit un enjeu lié à l'inégalité des genres et non d'identité culturelle.
Au bout du compte, rien n'indique qu'il y a plus de violence contre les femmes au sein de certaines populations immigrantes, mais il y a beaucoup de données probantes selon lesquelles la violence contre les femmes a aussi cours à l'extérieur des relations polygames et des mariages forcés. Par conséquent, lutter contre la violence conjugale dans l'optique de la loi sur l'immigration et en rehaussant la criminalisation n'est pas nécessairement la bonne méthode.
Selon nous, s'il voulait vraiment protéger les femmes contre la violence, y compris les femmes mariées de force, le gouvernement devrait chercher des solutions plus efficaces dans des domaines autres que le droit et à l'extérieur du cadre juridique. Par exemple, nous demandons au comité permanent de formuler les recommandations suivantes au gouvernement:
Premièrement, il devrait éliminer la période de résidence permanente conditionnelle à laquelle sont assujettis les époux parrainés. Deuxièmement, il devrait accorder la résidence permanente aux femmes victimes de violence n'ayant aucun statut au Canada. Troisièmement, il devrait fournir un soutien aux victimes de mariages forcés sous la forme d'aide au logement, de counseling et d'autres types de soutien sociaux. Quatrièmement, il devrait accroître le financement accordé aux services d'aide à l'établissement. Enfin, il devrait améliorer la situation économique et les perspectives d'emploi des immigrantes grâce à la prise de mesures liées à l'équité en emploi, à la formation et d'autres types de programme de soutien.
En conclusion, la façon la plus efficace de protéger les immigrantes victimes de violence conjugale est de s'assurer que ces femmes ont accès à la résidence permanente inconditionnelle sans crainte d'expulsion et en leur fournissant tout le soutien dont elles ont besoin pour bien s'intégrer dans la société canadienne.
Merci. Voilà qui termine ma déclaration. Je suis prête à répondre à vos questions.
Merci, maître Go. Je suis sûr que nous en aurons pour vous dans quelques minutes.
Madame Raza, si vous voulez bien formuler quelques commentaires, ce serait apprécié.
Merci et bonjour. J'ai le privilège d'être ici pour défendre les droits de la personne, et plus précisément, les droits des femmes. Vous comprendrez que, pour notre organisation, il s'agit d'un projet de loi extrêmement important.
Il y a un facteur très important à ne pas perdre de vue tandis que nous discutons du projet de loi. Selon moi, il s'applique non seulement à un segment précis de la société, mais à toutes les femmes, parce que, comme nous le savons très bien, la violence contre les femmes prend de nombreuses formes et existe dans de nombreuses cultures. Selon des données du catalogue 85-002 de Statistique Canada, la moitié des femmes canadiennes ont été victimes de violence physique ou sexuelle. Si nous prenons en considération les femmes et les filles des communautés influencées par la religion et des traditions de soumission, comme les Canadiens le font, alors il faut s'attendre à ce qu'elles soient traitées de la même façon.
Mon très bref exposé d'aujourd'hui portera sur la violence liée à l'honneur. C'est le thème sur lequel j'ai travaillé tout récemment, et j'aimerais ajouter que, selon nous, la violence conjugale est distincte de la violence fondée sur l'honneur. Le fait que le projet de loi utilise le mot « barbare » est extrêmement important. En effet, la violence dont les femmes sont victimes pour des raisons d'honneur n'est rien de moins que barbare. Par conséquent, mon organisation appuie totalement le projet de loi et son objectif d'éradiquer de telles pratiques.
Cependant, il ne faut pas oublier que la violence fondée sur l'honneur fait aussi des victimes parmi les hommes, surtout dans le cas des meurtres d'honneur. La violence fondée sur l'honneur est liée à trois enjeux principaux: les meurtres d'honneur, les mariages forcés et précoces et la mutilation génitale des femmes, que j'appellerai la MGF. Il y a eu 24 cas répertoriés de meurtre d'honneur au Canada depuis 2009, alors qu'un serait déjà trop. Et là, on parle seulement des cas répertoriés. Combien restent cachés? Nous ne le savons pas. Par conséquent, il faut sensibiliser les intervenants dans les établissements d'enseignement, les organismes d'application de la loi et le système judiciaire au contexte et aux éléments déclencheurs qui mènent aux meurtres d'honneur.
Je crois aussi qu'il est important d'obtenir plus de statistiques sur les meurtres d'honneur, la MGF et les mariages forcés et précoces parce que, si nous voulons adopter une loi, c'est très important d'avoir ces données. Plus particulièrement, on n'a pas fait un suivi complet des cas de mutilation génitale féminine au Canada. Pour ce qui est des mariages forcés et précoces, ce qui déclenche l'alarme, c'est l'âge minimum au mariage des jeunes filles. Selon moi, il faudrait l'augmenter à 18 ans, ce qui accorderait aux filles plus de temps pour connaître leurs droits et lutter contre un mariage forcé.
Le projet de loi n'interdit pas la pratique liée au prix de la fiancée et n'impose aucune restriction à ce sujet. Le prix de la fiancée, c'est le prix que paye le futur marié à la future mariée, et la dot, ce sont les biens donnés au futur marié par la famille de la future mariée. Ces deux pratiques traditionnelles ont déjà causé la mort de plusieurs femmes dans plusieurs communautés au Canada. Le fait de ne pas mentionner le prix de la fiancée et la dot revient à dire que ce ne sont pas des pratiques néfastes, même si les gens au Canada et à l'étranger constatent une augmentation des taux de meurtres d'épouse par le feu et de suicide d'épouse.
Le projet de loi S-7 ne prévoit la mise en place d'aucun organisme de soutien pour les femmes et les jeunes filles victimes de mariages arrangés ou forcés à l'extérieur du Canada ou au pays. Par conséquent, il sera extrêmement important de mettre en place un genre de ligne d'écoute téléphonique pour traiter des enjeux liés précisément à la violence fondée sur l'honneur. Nous savons que, en Grande-Bretagne, des jeunes filles nées au pays ont été amenées en Asie du Sud. Elles ne savaient pas pourquoi on les ramenait dans leur pays ancestral. Une fois qu'elles arrivaient là-bas, on les mariait de force, sans leur consentement.
Cependant, la Grande-Bretagne a mis sur pied des cellules spéciales au sein de son ministère des Affaires étrangères et dans ses ambassades dans les pays où la probabilité que surviennent de tels incidents est élevée afin de prévenir de tels mariages forcés et, dans de nombreux cas, ramener les filles qui en sont victimes au pays et poursuivre les parents ou les personnes responsables. La Grande-Bretagne a aussi créé une unité sur le mariage forcé qui travaille en collaboration avec le ministère de l'Immigration et les organismes d'application de la loi pour retrouver les filles qui ont été forcées de se rendre dans d'autres pays.
L'un des moyens les plus intéressants qu'ils utilisent pour prévenir certains de ces cas de mariages forcés est le suivant: les organismes sociaux d'Angleterre ont informé les filles que, si elles sont enlevées de force et contre leur gré, elles doivent mettre un objet en métal dans leurs vêtements afin que, lorsqu'elles passeront le détecteur de métal, il sonnera, et elles seront amenées à part. Mais c'est seulement parce qu'on connaît le problème.
Nous voulons savoir pourquoi on n'a pas tenu compte de l'expérience britannique au moment de rédiger le projet de loi S-7. Il faut aussi se demander de quelle façon on peut résoudre ce problème bien réel, qui, nous le savons, existe dans nos collectivités. De plus, le projet de loi S-7 ne reconnaît pas le fait que les filles âgées de plus de 18 ans ont aussi besoin de protection contre le mariage forcé et arrangé. Selon un sondage, dans environ 31 % des mariages forcés, les filles et les femmes étaient âgées de 19 à 24 ans. De plus, dans 25 % des cas, elles étaient âgées de 25 à 34 ans. Le fait de définir un âge limite au soutien offert aux femmes victimes de violence laisse environ 56 % des femmes totalement sans défense.
En terminant, je veux vous parler de la MGF, un acte d'une barbarie inouïe. Récemment, les Nations unies ont publié un rapport révélant une augmentation de cette pratique. J'ai participé à la Conférence du forum CIVITAS dimanche dernier. Il y avait un groupe de discussion avec deux médecins. Je leur ai posé des questions sur la MGF et leur ai demandé ce qu'ils feraient si une famille venait les voir avec une jeune fille qui avait eu ce genre d'excision génitale. Ils m'ont tous les deux regardé et m'ont demandé: « Est-ce comme un tatouage ou comme la circoncision masculine? »
J'aimerais vous offrir chacun une copie de Honor Diaries, pour vous sensibiliser, parce que notre mandat est d'exposer et d'éradiquer les pratiques barbares et de sensibiliser les gens. En plus du projet de loi S-7, il faut vraiment mieux comprendre ce à quoi nous sommes confrontés.
Merci beaucoup.
Merci, madame Raza.
Merci à vous tous de vos exposés.
Les membres du comité vont maintenant vous poser des questions afin de préciser certaines choses.
Monsieur Menegakis.
Merci aux trois témoins d'être là aujourd'hui.
J'aimerais commencer par vous, madame Raza, si vous me le permettez. Je vois et j'ai entendu dire que vous avez participé à la création de Honor Diaries. Premièrement, merci beaucoup. J'ai bien hâte de le visionner. J'ai aussi lu sur le site web que c'est le premier film qui brise le silence sur la violence liée à l'honneur contre les femmes et les filles. Pouvez-vous nous fournir un peu de renseignements sur le film?
Absolument.
Il y a deux ans et demi, une avocate spécialisée en droits de la personne qui était témoin du printemps arabe s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de discussion ouverte sur la violence fondée sur l'honneur, et encore moins de la part des femmes musulmanes. Je le dis, bien sûr, parce que je suis moi aussi une musulmane, et que l'incidence de la violence fondée sur l'honneur est statistiquement plus élevée dans les sociétés majoritairement musulmanes. Personnellement, je viens du Pakistan où il y a environ 800 cas répertoriés de meurtre d'honneur par année. Et comme je l'ai déjà dit, ce ne sont là que les cas répertoriés.
Il y a très peu de poursuites dans ces dossiers. Le code pénal de la Jordanie, par exemple, prévoit que, si un homme tue un membre de sa famille par honneur, il ne doit pas être poursuivi. Nous avons donc créé ce film pour briser le silence. Il y a neuf femmes militantes dans le film, et ce sont les trois enjeux dont elles ont parlé très ouvertement sans se soucier de la rectitude politique. Bien sûr, tout ce qui est dit s'appuie sur les statistiques des Nations unies et du Forum économique mondial. Le film ne vise pas seulement à exposer le problème; c'est aussi un appel à l'action. Depuis que le film a été produit, les lois en Angleterre ont changé. Je crois que le projet de loi S-7 aborde en fait certains de ces enjeux. Mais il faut accroître la sensibilisation. Le film a été utilisé comme outil de sensibilisation. Il a été visionné par les membres du HCR des Nations unies, à Genève, et dans des campus partout aux États-Unis, et ici, au Canada. Nous organisons des visionnements suivis de périodes de questions et de réponses, principalement pour sensibiliser les gens ordinaires afin qu'ils sachent que ces problèmes existent, pas seulement à l'étranger, mais ici aussi.
Par exemple, il y a eu 120 000 cas répertoriés de mutilation génitale de femmes, et ce, seulement aux États-Unis.
Merci.
Évidemment, il y a certains parallèles à faire, une certaine corrélation entre le film et le projet de loi. Avez-vous rencontré beaucoup de jeunes victimes que le projet de loi protégera?
En effet. En fait, les projections du film ont poussé certaines victimes à venir de l'avant. Prenons un exemple précis. Nous avons organisé une projection pour la Washington Press Association, et une jeune femme née en Gambie est venue de l'avant. Elle était venue d'Atlanta en avion. Elle a affirmé avoir été une victime de mutation génitale dans le cadre d'un mariage forcé. Elle s'était réfugiée à Atlanta, et, lorsqu'elle a entendu parler du film, elle s'est sentie suffisamment à l'aise pour venir prendre la parole. Elle a lancé une campagne en ligne et a obtenu plus d'un million de signatures contre la MGF, ce qui a ensuite encouragé, en quelque sorte, le président Obama et son épouse à demander une étude spéciale sur la MGF aux États-Unis. J'ai personnellement rencontré une jeune fille d'Afghanistan, qui est venue me voir à Vancouver pour me dire qu'elle a vu sa mère être assassinée par son père, parce que sa mère avait fait des études, mais pas son père. Beaucoup de victimes ne veulent pas nécessairement s'exprimer ouvertement, parce qu'elles ont peur, mais j'entends parler d'elles régulièrement.
Je comprends.
Vous avez parlé des Nations unies. En fait, en décembre, nous avons entendu qu'António Guterres, le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés a produit un communiqué soulignant les 16 jours d'activisme contre la violence sexuelle et la violence contre les enfants. Ces 16 jours d'activisme ont mené à la Journée internationale des droits de l'homme, le 10 décembre. Cette année, le thème du Conseil des droits de l'homme est « Protéger les droits et préserver l'enfance: lutter ensemble contre le mariage des enfants ».
M. Guterres demande aux gouvernements de faire quelque chose. En fait, il a dit « Nous devons intervenir auprès des gouvernements pour que le mariage des enfants soit interdit par la loi » — ce qui va à l'encontre de certains des commentaires que nous avons entendus ce matin — « et pour que les lois adoptées soient véritablement appliquées. »
Du point de vue du gouvernement, nous sommes très heureux de voir que nous avons pris les devants dans ce dossier.
Pouvez-vous formuler quelques commentaires à ce sujet?
Absolument.
J'ai toujours dit que les mariages forcés et précoces ne sont rien de moins que de la violence à l'égard des enfants. Nous avons des lois contre ce type de violence. Par conséquent, ces actes devraient être considérés comme tels. C'est la première forme de violence faite aux enfants.
Je suis vraiment heureuse de voir que notre gouvernement s'intéresse autant à cette question. Il y a des milliers de jeunes femmes et d'enfants qui, sinon, ne seront pas protégés. La loi leur donnera...
Il va sans dire que la loi n'éradiquera pas totalement ces pratiques, mais ce sera une façon de dissuader ceux qui croient pouvoir le faire et s'en tirer indemnes.
J'aimerais poser la même question à Mme Susanne Willaume Fabricius. J'espère que j'ai bien prononcé votre nom.
En ce qui concerne le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, M. Guterres demande aux gouvernements de faire adopter une loi pour interdire le mariage des enfants.
Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet s'il vous plaît? Pourriez-vous aussi nous parler de l'initiative du HCR et de ce que vous pensez du fait que notre gouvernement emboîte le pas et présente un projet de loi?
En fait, je ne crois pas que vous ayez le choix. Vous devez adopter ce genre de lois. Dans des sociétés comme la vôtre et la mienne, on ne peut pas accepter que des gens pensent pouvoir s'en sortir lorsqu'ils posent des actes violents contre des enfants. Ce n'est pas bien. Il faut dire clairement que ce n'est pas approprié. Les gens ne peuvent pas agir ainsi.
Puis, il faut aider les jeunes. Ils ne peuvent pas engager des poursuites eux-mêmes. Nous devons les aider, en tant que société. Il faut demander aux professionnels qui entourent les jeunes de communiquer avec la police ou je ne sais quel autre organisme pour que quelque chose soit fait dans ce genre de dossiers.
Si je peux me permettre, je suis tout à fait d'accord avec une bonne partie des choses dites par Mme Raza.
En outre, je crois moi aussi que 16 ans, c'est jeune pour se marier. Les filles seraient beaucoup plus indépendantes et elles auraient beaucoup plus de connaissances leur permettant de refuser si...
[Français]
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup à vous trois d'être ici avec nous aujourd'hui dans le cadre de l'étude de cet important projet de loi. Je dois vous souligner, particulièrement à Mme Willaume Fabricius, que le débat sur le projet de loi S-7 ne porte pas sur l'existence de pratiques barbares et cruelles de violence contre les femmes. Tous les partis de la Chambre reconnaissent qu'il y a un problème à cet égard, qu'il faut s'y attaquer sérieusement et mettre en place les ressources nécessaires. Le débat porte plutôt sur la façon de le faire. Certains éléments du projet de loi S-7 soulèvent des inquiétudes et pourraient empirer le problème plutôt que de le régler. Ce ne sont pas toutes les mesures qui posent problème, mais certaines d'entre elles suscitent de l'inquiétude. C'est de cela que je voudrais vous parler.
Madame Willaume Fabricius, entendez-vous bien l'interprétation?
Mme Susanne Willaume Fabricius: Oui.
Mme Lysane Blanchette-Lamothe: Cette technologie qui nous permet de parler dans toutes les langues à des gens de tous les coins du monde est merveilleuse.
Il y a six ans, le Danemark a adopté des lois pour criminaliser les mariages forcés. Madame Willaume Fabricius, pouvez-vous nous parler davantage de ces lois et des répercussions qu'elles ont eues? Je pense que vous êtes spécialisée dans le travail auprès des victimes et des gens sur le terrain. Ces mesures ont-elles été efficaces? Ont-elles eu des effets bénéfiques pour les victimes?
[Traduction]
Merci.
Au départ, je ne savais pas dans quelle mesure vous me connaissiez, mais je travaille uniquement sur la violence fondée sur l'honneur et les crimes d'honneur. Cela dit, la loi est un avertissement important à envoyer aux familles qui envisagent de faire ce genre de choses — mais aucun cas ne s'est retrouvé devant les tribunaux. Je ne crois pas que ça mérite [Note de la rédaction: difficultés techniques] parce que, comme vous l'avez dit, je travaille sur le terrain et je rencontre des jeunes chaque jour. Ils me disent: « Je ne veux pas faire de peine à ma famille. » Elles sont très loyales à l'égard de leur famille. En même temps, elles ont tellement peur du mariage. Par exemple, elles me disent qu'elles se sentiront violées chaque fois qu'elles vont avoir une relation sexuelle avec leur époux parce qu'elles ne l'ont pas choisi. Quelqu'un leur a dit: « Tu dois avoir des relations sexuelles avec lui, que tu l'aimes ou non. » Et malgré tout, les liens familiaux sont forts, et en raison de la façon dont les filles ont été élevées, il n'est pas acceptable pour elles d'aller à l'encontre des décisions de la famille.
La crainte de décevoir leur famille ou de la mettre en colère pèse lourd sur leur conscience. Bien sûr, il ne faut pas non plus oublier les conséquences si elles disent: « je refuse » ou si elles fuient dans l'un de nos refuges, par exemple.
[Français]
Merci.
Dans le projet de loi S-7, il y a une mesure qui a pour but de criminaliser tous les gens qui sont présents à un mariage forcé et qui savent que ce mariage ne constitue pas un libre choix pour l'une des deux personnes qui se marient. Une des inquiétudes soulevées concerne le fait que l'un des principaux problèmes entourant la pratique des mariages forcés est le silence. Or on se demande si une mesure pouvant criminaliser toute la famille et une partie de la communauté n'aurait pas comme effet d'inciter la victime à se taire plutôt qu'à chercher de l'aide.
Que pensez-vous de cette mesure?
[Traduction]
Ce risque est toujours présent, et je crois qu'il est présent chaque fois que nous essayons d'aider quelqu'un dans ce genre de situation. Nous craignons que le fait que quelqu'un demande de l'aide va [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Je crois tout de même qu'il faut faire les deux. Il faut mettre en place un bon système de soutien réunissant beaucoup de personnes, qui connaissent ces dossiers, et qui peuvent bien aider les jeunes. En même temps, il faut dire aux familles et à tous les complices — parce qu'il y a beaucoup de personnes qui sont prêtes à aider dans ces situations — que ce n'est pas bien. C'est un processus de sensibilisation à long terme. Il faut beaucoup de temps pour changer les mentalités concernant ce genre de choses. C'est lié à quelque chose de bien ancré dans la famille, alors ce n'est pas quelque chose qui changera du jour au lendemain.
[Français]
Merci.
Plusieurs experts disent que la plupart des situations problématiques ciblées dans le projet de loi S-7 sont déjà interdites ici et qu'un projet de loi n'est pas nécessairement une bonne façon de diffuser un message fort. Une personne qui a témoigné devant ce comité la semaine dernière avait subi un mariage forcé quand elle était jeune. Or en tant que jeune victime, elle ne connaissait ni ses droits, ni les projets de loi adoptés par le Parlement.
Étant donné que les mariages d'enfants, les mariages forcés et la polygamie sont déjà interdits au Canada, croyez-vous que le projet de loi S-7 est vraiment la meilleure façon de diffuser un message fort? Le gouvernement ne pourrait-il pas utiliser un autre moyen pour dire ou rappeler clairement à la population que ces pratiques sont inacceptables et interdites au Canada?
Selon vous, comment pourrait-on rejoindre les victimes et les familles et de quelles façons pourrait-on leur envoyer un message clair et fort?
[Traduction]
Je me répète peut-être, mais je crois vraiment qu'il faut réaliser des initiatives de sensibilisation à différents niveaux, dans les écoles, grâce à l'éducation, dans beaucoup d'endroits. Il faut sensibiliser les gens à cette question grâce à d'importantes campagnes. En 2012, le gouvernement a créé un plan sur quatre ans, qui incluait beaucoup de ces choses, comme la sensibilisation, l'éducation des professionnels, l'éducation des jeunes grâce à l'autonomisation, la formation [Note de la rédaction: difficultés techniques], beaucoup de ces choses, qui pourraient toutes aider, et, bien sûr, mon ONG, qui est la plus importante au pays, pour fournir un soutien adéquat aux familles.
Nous offrons aussi des services de médiation, mais c'est quelque chose que vous utilisez seulement si vous [Note de la rédaction: difficultés techniques] parce qu'il y a toujours un risque d'empirer la situation. Les familles savent très bien que ce doit être une affaire privée, et ce peut être dangereux si ce ne l'est pas.
La façon dont les choses fonctionnent ici, malheureusement, c'est que nous vous posons des questions. Le comité propose des questions...
Un jour, nous allons peut-être changer les règles et laisser les gens s'exprimer sans contraintes. Nous verrons.
Monsieur McCallum.
Merci, monsieur le président.
Bienvenue aux trois témoins.
Je veux simplement me faire l'écho de ce que mon collègue du NPD a dit au début. Bien sûr, tous les partis s'opposent à ces pratiques. La question consiste à déterminer quelle est la meilleure façon de s'y attaquer, et c'est là, de toute évidence, qu'il y a certains désaccords. Je suis tout à fait d'accord avec Me Go par rapport au fait que nous devons envisager ces questions en tentant de trouver des solutions pour réduire la violence à l'égard des femmes.
J'aimerais poser une question à Mme Willaume Fabricius sur la polygamie. Je crois que vous avez entendu qu'il y a certains désaccords avec la loi au Canada et qu'il pourrait y avoir des conséquences imprévues et un impact négatif sur les enfants et les épouses si les personnes polygames sont expulsées. Je me demande de quelle façon vous gérez cette question au Danemark. Avez-vous des recommandations précises à nous formuler à cet égard à la lumière de votre expérience?
Les femmes renvoyées dans leur pays d'origine peuvent être exposées à de grands dangers. Dans certains cas, au Danemark, les femmes peuvent encore être mariées religieusement, mais séparées ou divorcées civilement, mais, dans leur esprit, elles sont encore mariées. Par exemple, lorsqu'un homme veut une autre épouse, il obtient un divorce civil et renvoie sa première épouse en Afghanistan. Cela peut l'exposer à de grands dangers; elle peut être victime de violence, assassinée ou je ne sais quoi. Certains peuvent, avant son arrivée, avoir commencé à faire courir des rumeurs selon lesquelles c'est une traînée, et cela peut être très dangereux.
Souvent, l'homme garde les enfants, alors les femmes sont vraiment des victimes dans ces situations.
Je comprends, mais alors, quelle est la solution? Je comprends le problème. De quelle façon le Danemark gère-t-il cet enjeu? Que nous recommanderiez-vous de faire? Ne devrions-nous pas expulser les polygames? Est-ce la solution?
Il faut examiner chaque dossier très minutieusement parce que les risques sont là.
De mon côté, j'écris parfois aux autorités pour arrêter l'expulsion d'une femme pour cette raison. Si une étrangère a été victime de violence, de violence physique, ce n'est pas si difficile de la garder au Danemark. Cependant, s'il s'agit de violence psychologique ou sexuelle ou de choses du genre, alors, c'est plus difficile, mais parfois nous le faisons, parce que nous savons comment sont les choses dans certains de ces pays.
Merci.
Maître Go, je suis évidemment tout à fait d'accord avec vous au sujet du besoin d'éliminer l'exigence de résidence conditionnelle des épouses à l'étranger, mais nous y avons déjà réfléchi. Les témoins aussi sont d'accord. Il faut le faire. La situation actuelle est différente.
Je vous ai écoutée, et, essentiellement, je suis d'accord avec ce que vous dites, mais je ne sais pas si vous accordez un certain mérite au projet de loi. Si vous vous limitez au cadre du projet de loi, plutôt que de parler d'autres choses que nous pourrions aussi faire, préféreriez-vous que le projet de loi ne soit pas adopté? Ou croyez-vous qu'il y aurait des façons de le modifier et de l'améliorer?
Par exemple, nous parlons du mariage d'enfants. À mon avis, il faut établir une distinction entre le mariage d'enfants et les mariages forcés ou les relations polygames. Je ne vois rien de mal à interdire le mariage d'enfants. L'âge minimum du mariage varie selon la province où l'on vit. J'estime, par exemple, que le fait de hausser l'âge du consentement présente un certain intérêt.
Je suis passablement préoccupée par les autres dispositions. Même la spécialiste danoise a demandé au comité de ne pas s'en tenir aux seules lois. Il faut avoir une vue d'ensemble des choses. On ne peut pas séparer le projet de loi des autres mesures que le gouvernement prend ou ne prend pas. Nous devons parler des autres choses que vous faites. Devrait-on accroître le financement de Condition féminine plutôt que de sabrer le financement de ses programmes et de fermer ses bureaux? Devrions-nous faire davantage de sensibilisation, comme mon amie du Danemark l'a mentionné? Des femmes font actuellement l'objet de mesures d'expulsion. Certaines de nos clientes sont victimes de violence. Si une femme est parrainée par son mari ici même, au Canada, mais que son mari décide de ne plus agir à titre de répondant pour elle, rien ne garantit qu'elle sera autorisée à demeurer au pays pour des motifs d'ordre humanitaire, même si nous parvenons à prouver qu'elle a été victime de mauvais traitements. Cela aussi doit changer.
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous ceux qui ont témoigné.
Madame Raza, vous vouliez plus tôt faire un commentaire en réaction aux propos de Mme Fabricius. J'aimerais entendre ce que vous aviez à dire.
Je voulais faire observer que l'adoption d'une nouvelle loi devait toujours s'assortir d'une campagne de sensibilisation du public. On a évoqué la diffusion de messages d'intérêt public touchant la violence conjugale. De même, il faudrait lancer une campagne de manière à éduquer les personnes qui ne connaissent pas leurs droits. Au sein de nombreuses communautés d'immigrants, les femmes ne connaissent même pas leurs droits. C'est grâce à une campagne d'éducation et de sensibilisation diffusée dans les médias, vu que nous vivons à l'époque d'Internet, que... Une fois qu'elles auront pris connaissance de leurs droits, elles pourront se mettre à les exercer. Une loi est un moyen de dissuasion. Ses effets ne sont pas immédiats, mais, à coup sûr, au bout d'un certain temps, elle en viendra à dissuader ceux qui envisagent de contraindre leurs filles à demeurer à la maison et à contracter un mariage forcé. Le seul fait que la loi existe constituera un élément dissuasif.
Les communautés de ce genre sont souvent très fermées. Il arrive aussi qu'on y trouve, peut-être en raison de ce caractère fermé, un taux élevé d'analphabétisme. À votre avis, comment doit-on s'y prendre pour établir le contact avec elles?
On doit s'adresser à elles dans une langue qu'elles comprennent. Ce qui fait la beauté d'un pays qui présente une grande diversité, c'est la présence d'une multitude de langues. En Angleterre, les messages d'intérêt public, les dépliants et les documents d'information sont diffusés dans diverses langues. Là-bas, on transmet l'information à la population et aux collectivités dans la langue qu'elles comprennent. Je ne suis pas en train de dire que la seule adoption du projet de loi changera la vie des femmes du jour au lendemain. Il s'agit d'un processus. Nous sommes toujours en présence d'un processus lorsqu'il s'agit d'une loi. Ce processus doit émerger de la population, c'est-à-dire des familles, des collectivités et des organismes de services sociaux, et il doit également être de nature descendante, c'est-à-dire émerger du gouvernement. Il faut que cette initiative soit de nature concertée si nous voulons réussir à changer la vie de millions de femmes.
Si vous le permettez, j'aimerais passer à un autre sujet. Je suis impressionné par la diversité et l'ampleur du public que vous avez touché. De toute évidence, vous avez discuté et communiqué avec de nombreuses victimes et des organismes à propos de toutes sortes de questions, par exemple la violence fondée sur l'honneur et le mariage forcé. Bon nombre de ces questions sont liées à la culture. Comme vous l'avez dit précédemment, vous avez rencontré une femme de la Zambie, et vous avez eu des échanges avec des personnes au Pakistan. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? J'aimerais que vous nous parliez des autres organisations avec lesquelles vous avez discuté et des commentaires qu'elles ont formulés à propos du projet de loi qui nous occupe.
J'ai discuté avec des membres d'organisations d'horizons très divers. Lorsque les victimes se manifestent, on prend conscience du fait que la violence fondée sur l'honneur ne connaît ni barrières ni frontières. Notre mot d'ordre est le suivant: la violence est inexcusable. La violence fondée sur l'honneur est présente au sein de la communauté sikhe, de la communauté hindoue et de la communauté musulmane. Des jeunes victimes sud-américaines m'ont dit que leurs parents les empêchaient de vivre librement ou d'épouser une personne en particulier.
À bien des égards, cela transcende les frontières de l'origine ethnique, de la foi, de la culture et de la religion. Ce phénomène existe, mais il caractérise surtout les communautés sud-asiatiques. Cela est peut-être attribuable aux pressions exercées par la foi ou le patriarcat. Au sein des sociétés très patriarcales... Je vois que mon amie au Danemark hoche la tête. Le patriarcat joue assurément un rôle à ce chapitre. Il y a aussi les sociétés où l'analphabétisme représente un problème. Dans ces sociétés, les femmes ne comprennent pas qu'elles ont des droits. C'est la raison pour laquelle je reviens constamment sur le fait que l'adoption de toute loi doit s'accompagner d'une campagne de sensibilisation et d'éducation.
Avez-vous rencontré des victimes originaires d'une culture européenne, par exemple, ou bien d'une culture judéo-chrétienne traditionnelle?
Oui. Cela est arrivé, mais ces cas sont très rares. Cela ne veut pas dire que le problème n'existe pas au sein des sociétés occidentales ou de la culture judéo-chrétienne. D'un point de vue historique, il y a quelque 150 ans, la société occidentale était extrêmement imprégnée de la culture de l'honneur. Dans les communautés chrétiennes, les jeunes filles qui avaient des enfants hors mariage étaient placées dans des couvents. Cette idée de l'honneur a assurément existé. Il y a eu des chasses aux sorcières. Il y a eu de la violence à l'endroit des femmes. Ce que nous voulons, c'est éclairer et éduquer les gens, car il est possible de mettre fin à tout cela lorsqu'on a la liberté de parler de ces questions.
Ne perdons pas de vue que bon nombre des victimes originaires des communautés sud-asiatiques que nous rencontrons ne disposent pas de cette liberté de s'exprimer. Elles n'ont pas la liberté de parler de cela. Il faut leur donner les moyens de savoir que le système juridique est là pour les protéger. Si nous diffusons des messages d'intérêt public et mettons en place une ligne d'écoute téléphonique, elles seront en mesure de s'exprimer. En Angleterre, le service d'écoute téléphonique créé expressément pour aider les personnes victimes de violence fondé sur l'honneur reçoit chaque mois quelque 600 appels, provenant surtout de membres de la communauté sud-asiatique.
Qu'en est-il des cultures de l'Extrême-Orient? J'entends par là la région qui s'étend, disons, du Japon jusqu'au Sud-Est asiatique. Est-ce que des victimes de cette région se sont adressées à vous?
Je n'ai pas eu de contacts avec des personnes de cette région, et je n'ai pas eu beaucoup de discussions à propos de la situation qui y règne à ce chapitre. Quelques filles originaires de Chine ont mentionné que leurs droits avaient été en quelque sorte violés il y a de cela un certain temps, mais aucun incident lié directement à la violence fondée sur l'honneur ne nous a été signalé.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les trois témoins d'être venus ici et de nous faire profiter de leur expertise. Leur contribution jouera un rôle important au moment où le comité devra prendre une décision à propos du projet de loi, vu que, de toute évidence, nous espérons qu'il aura les effets escomptés.
On revient sans cesse sur le fait qu'il est nécessaire de faire de la sensibilisation, et je suis très d'accord avec cela.
Madame Raza, vous avez parlé de la conférence Civitas. J'ai été étonnée de vous entendre dire que des membres de la communauté médicale semblaient ne pas savoir ce qu'était la mutilation génitale des femmes. Cela nous ramène à la sensibilisation. Comment est-il possible qu'un médecin ne connaisse pas ou ne comprenne pas ce type de violence?
La mutilation génitale des femmes se pratique généralement derrière des portes closes. Lorsqu'on consulte les statistiques, on est horrifié d'apprendre que des grand-mères, des mères et des sages femmes ont pratiqué la mutilation génitale. Les médecins concernés ne se sont pas montrés disposés à fournir des renseignements à propos de ce qu'ils ont vu ou de ce que leurs patientes ont subi. C'est l'an dernier qu'un médecin a été poursuivi pour la première fois au Royaume-Uni relativement à ce genre de mutilation, même si elles sont pratiquées là-bas depuis plus d'une décennie ou presque. Les gens ne sont pas suffisamment informés.
Je vais être très honnête avec vous: j'ai grandi au Pakistan, et c'est lorsque je suis arrivée au Canada que j'ai entendu pour la première fois le terme « MGF ». Il s'agit essentiellement d'une pratique culturelle tribale africaine que des immigrants ont exportée dans les pays occidentaux où ils se sont installés. Lorsque j'ai commencé à m'informer et à apprendre des choses sur le sujet, j'ai pris conscience de l'ampleur effroyable de la méconnaissance de cette question. Les enseignants, les personnes du secteur de l'éducation et les gens du milieu de la santé sont ceux qui rencontrent ces jeunes femmes. Ils doivent être informés.
Merci.
Madame Go, vous avez vous aussi dit que l'éducation était nécessaire. Un budget vient d'être adopté au pays. Est-ce que des fonds suffisants ont été affectés, dans le cadre de ce budget, à des mesures favorisant la sensibilisation et la compréhension à l'égard de la violence qui imprègne la société?
Si j'ai bonne mémoire, le budget ne prévoyait rien à ce chapitre, mais il se peut que je me trompe. À mes yeux, si nous tentons de transmettre un message, si le projet de loi vise principalement à transmettre un message, ce message aurait une plus grande portée si le gouvernement affectait des fonds à la lutte contre la violence faite aux femmes. J'estime qu'on applique parfois la règle du deux poids, deux mesures. Je suis témoin de cas de violence dans ma collectivité. Des victimes de violence viennent à ma rencontre — il ne s'agit pas nécessairement de violence fondée sur l'honneur, mais c'est tout de même de la violence. Toutefois, comme il ne s'agit pas de violence fondée sur l'honneur, cela ne fait pas les manchettes et n'attire pas l'attention du comité.
Si la violence nous préoccupe, il faut que toutes les formes de violence nous préoccupent.
Nous sommes préoccupés par les relations polygames, et nous devons l'être par tous les types de relation polygame. Là encore, je constate que des femmes qui sont des maîtresses de riches hommes d'affaires de la Chine et de Hong Kong sont admises au Canada parce qu'elles disposent de l'argent leur permettant de le faire. Une fois ici, ces femmes sont laissées pour compte et abandonnées par leur mari, et elles n'ont aucun moyen de subvenir à leurs besoins. Cependant, si nous établissons qu'elles sont engagées dans des relations polygames, elles seront expulsées du jour au lendemain.
Je pense que nous devons vraiment réfléchir aux mesures à prendre pour traiter ces problèmes d'une façon plus cohérente.
L'une des inquiétudes est liée à la criminalisation des gens et au fait que cela favorise la clandestinité des pratiques en question. Je crois que l'une des craintes que suscite le projet de loi tient à ce qu'il criminalise et effraie les gens. Êtes-vous d'accord avec cela?
Oui, et je pense qu'il s'agit de la plus grande crainte. La question de savoir si la criminalisation constitue la meilleure voie à emprunter fait l'objet d'un débat parmi les femmes préoccupées par la violence. Ce débat a lieu depuis de nombreuses décennies. Le fait que ce débat se poursuive en dit long à propos de l'inefficacité des mesures de ce genre.
À coup sûr, nous sommes en présence de paradoxes. On dit que le projet de loi place l'intérêt supérieur des femmes et des enfants au coeur de ses préoccupations, et pourtant, il autorise toujours leur expulsion. La question qui se pose est la suivante: en quoi le fait de renvoyer une famille dans son pays d'origine est-il dans l'intérêt supérieur des femmes et des enfants?
À mon avis, d'aucune façon. En fait, même aujourd'hui, de telles mesures sont prises: nous renvoyons des femmes et des enfants victimes de violence dans leur pays d'origine lorsque leur répondant fait savoir qu'il ne souhaite plus les parrainer. Cela se passe même en ce moment.
Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue aux témoins et les remercie de contribuer à l'élaboration du projet de loi, qui revêt une très grande importance.
Bien entendu, la polygamie constitue un outrage aux valeurs canadiennes. J'ai été personnellement ravi d'entendre dire qu'il s'agissait d'une pratique illégale depuis 1890, mais nous savons tous que la polygamie demeure une honteuse réalité dans notre pays. Je vais donc m'adresser à vous, madame Raza. Pouvez-vous m'expliquer dans vos propres mots de quelle façon le projet de loi protégera les valeurs canadiennes et fera savoir aux communautés concernées que les pratiques de ce genre ne sont pas vues d'un bon oeil ici, au Canada?
Tout d'abord, je crois que les Canadiens doivent faire l'exercice de se demander quelles sont leurs valeurs. Lorsque je lance cela à un auditoire, on me répond: « D'accord, et alors? »
Pour ma part, les valeurs canadiennes, les valeurs auxquelles j'ai adhéré en venant ici sont celles de l'égalité entre les sexes, de l'égalité entre les hommes et les femmes, de la pensée et de la liberté individuelles, de la liberté de la presse, de la liberté de choix et de la liberté d'expression. Lorsque nous présentons ces valeurs, nous devons le faire non pas par la négative en disant que nous ne faisons pas ceci ou cela, mais plutôt en transmettant un message positif énonçant les valeurs que défendent les Canadiens. Il faut ensuite que les gens saisissent ce message.
Nous ne coupons pas les parties génitales de nos jeunes filles. Si je le dis aussi crûment, c'est parce que je veux que vous compreniez à quel point une telle pratique est barbare. Tant que nous ne présenterons pas cette pratique pour ce qu'elle est, à savoir quelque chose de répugnant que des milliers de filles subissent en ce moment même, nous ne parviendrons pas à changer les mentalités.
Ainsi, quelques-unes des pratiques en question sont fondées sur l'idéologie, la culture et la tradition. Cependant, les idéologies, la culture et les traditions sont souples, et elles doivent évoluer et changer au fil du temps. Nous devons assurément dire haut et fort en quoi consistent les valeurs canadiennes, et faire savoir que nous ne sommes pas favorables aux pratiques violentes à l'égard des hommes et, bien entendu, des femmes.
Merci.
Le mariage forcé constitue également une pratique extrêmement barbare, surtout lorsqu'il s'agit de jeunes filles. Comment pourrait-on qualifier autrement une telle pratique? Ce type de mariage a-t-il lieu au Canada, ou les familles envoient-elles généralement les filles à l'extérieur du pays?
Les deux situations se produisent. Habituellement, on sort les filles du pays, mais des mariages ont aussi lieu ici. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, aucun suivi n'a été effectué à l'égard de ces filles. Un certain travail doit donc être fait afin d'obtenir des statistiques, et, une fois que l'on aura pris conscience du problème, ces filles seront en mesure de s'exprimer, et les gens qui travaillent au sein des systèmes de soutien ou des systèmes d'éducation ou les travailleurs sociaux qui sont témoins de ces situations pourront les signaler. Je vais vous donner un bref exemple. Quand des filles sont retirées du système scolaire pour des périodes prolongées, aucune question n'est posée quand il s'agit de filles provenant de certaines cultures. Il est entendu que, dans cette culture, une fille peut être retirée de l'école, puis retirée du système scolaire. Une jeune fille canadienne m'a envoyé un courriel pour me dire qu'elle et ses trois soeurs étaient forcées de rester à la maison et qu'on leur disait que tout ce qui se trouvait à l'extérieur était mal et qu'elles n'auraient pas le droit d'aller à l'école. Personne n'a cherché à savoir pourquoi elles n'étaient pas à l'école, pourquoi elles ne recevaient pas d'éducation.
Les travailleurs sociaux, les enseignants et les professionnels de la santé, les premières personnes à entrer en contact avec les jeunes, doivent être sensibilisés à cet égard. Pour répondre à votre question, des mariages ont lieu au Canada et à l'extérieur du pays.
Pourriez-vous me dire de quelle façon les modifications proposées empêcheraient les jeunes filles d'être forcées à quitter le sol canadien?
Une loi qui permettrait d'accuser des parents ou quiconque serait impliqué dans le mariage forcé d'une jeune fille aurait sans aucun doute un effet dissuasif. Le simple fait de savoir qu'ils peuvent être criminalisés pour ce geste, et c'est le cas maintenant en Angleterre... cette loi a été adoptée environ un an après la sortie de Honor Diaries. C'est maintenant une loi, et des parents ont été poursuivis pour avoir forcé leur fille à se marier. Une fois encore, cela découle d'une certaine sensibilisation. La loi établit que quiconque, y compris les parents, la parenté, la famille élargie, joue un rôle quelconque dans l'organisation du mariage forcé d'une jeune fille commet un acte criminel.
Merci.
Les intervenants de première ligne mettent l'accent sur l'importance de former les policiers. Je crois qu'il est important que les agents de la force publique disposent des outils dont ils ont besoin pour intervenir dans les cas de violence fondée sur l'honneur. Tout d'abord, croyez-vous que le projet de loi octroiera aux intervenants de première ligne de meilleurs outils pour criminaliser et même prévenir la violence fondée sur l'honneur?
Je crois qu'une fois qu'ils seront conscients des éléments qui déclenchent la violence fondée sur l'honneur, ce qui veut dire qu'ils devront participer à des ateliers et suivre une formation, ils seront davantage en mesure d'y faire face.
Ils seront mieux outillés pour faire face aux enjeux relatifs au mariage forcé. Par exemple, si une jeune fille appelle un policier ou compose le 911 et qu'elle dit qu'elle a peur que ses parents la forcent à se marier, on ne peut rien faire vu qu'aucun crime n'a été commis. Nous avons vu ce genre de situation à plusieurs reprises dans des cas de meurtres d'honneur, où une fille appelle et dit qu'elle craint pour sa vie et qu'elle croit que ses parents vont lui faire du mal, mais qu'aucun crime n'a été commis. Par conséquent, cette sensibilisation et cette formation, selon moi, sont des éléments très importants qui doivent accompagner le projet de loi.
Merci, monsieur Aspin.
C'est ainsi que se conclut notre première heure. J'aimerais remercier Mme Raza, Mme Go et Mme Fabricius d'être venues nous faire part de leurs réflexions et d'avoir aidé le comité à préparer ses commentaires relatifs au projet de loi.
Merci beaucoup.
La séance est suspendue.
Mesdames et messieurs, nous accueillons notre deuxième groupe.
Nous avons avec nous deux représentants de l'Association du Barreau canadien: Peter Edelmann, membre de l'exécutif de la Section du droit de l'immigration, et Suzanne Costom, vice-présidente de la Section du droit pénal. Nous recevons aussi Debbie Douglas, directrice générale du Ontario Council of Agencies Serving Immigrants. Une fois encore, bienvenue. Vous avez témoigné à de nombreuses reprises déjà, merci.
Mme Arooj Shahida est aussi présente.
Bonjour à tous.
Je crois que nous allons commencer par vous, madame Shahida. Vous avez un maximum de huit minutes pour nous présenter votre déclaration préliminaire.
Bonjour, monsieur le président et membres du comité permanent. Merci de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui au sujet de cette importante mesure législative.
Je m'appelle Arooj Shahida. Je suis animatrice pour une station locale de radio à Toronto, et je produis une émission de radio axée sur la culture sud-asiatique, Canada Zindabad. L'émission est une initiative visant à promouvoir une prise de conscience à l'égard de la Charte canadienne des droits et libertés et son appréciation accrue. Mon objectif est d'éduquer les gens et de favoriser l'appréciation de ces libertés au sein de notre collectivité, particulièrement au sein de la communauté sud-asiatique qui vit et travaille au Canada, et de les encourager à reconnaître véritablement ces valeurs, afin de pouvoir contribuer pleinement à notre pays et à notre prospérité à tous.
La Charte établit les bases des valeurs canadiennes et a une large portée humanitaire. Il ne faut pas tenir cela pour acquis. Puisque le système de valeurs canadien nourrit de nombreuses libertés fondamentales, il faut faire preuve d'un engagement et d'un respect continus à l'égard des droits de tout un chacun. Étant donné que mon travail est axé sur la communauté sud-asiatique que je souhaite mobiliser, et par l'entremise des interactions que j'ai eues avec les gens de cette communauté, j'ai eu conscience de situations semblables à celles que le projet de loi actuel vise à prévenir.
À cet égard, puisque je suis une activiste qui milite pour les droits de la personne, l'émancipation des femmes et l'épanouissement des jeunes, j'appuie pleinement l'intention du projet de loi S-7, la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, déposé par Chris Alexander, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada.
L'histoire des femmes que j'ai rencontrées me touche sur de nombreux plans — en tant que citoyenne canadienne, en tant que membre de la communauté sud-asiatique, en tant que femme et que personne. Ce qui relie toutes ces histoires, l'émotion sous-jacente, c'est la peur: la peur de leurs proches, qui leur sont chers, la peur des représailles de leur famille ou de leur communauté et la peur de perdre l'avenir prometteur qui leur serait autrement offert dans notre merveilleux pays. Il y a aussi la peur pour leur vie et la peur d'être abandonnées par leur famille.
Toutefois, selon moi, l'aspect le plus tragique, sans aucun doute, c'est le sentiment constant de désespoir, le sentiment qu'elles ne peuvent pas chercher et obtenir de l'aide afin de changer leur situation ou du soutien afin de se battre pour le respect de leurs droits individuels tout en protégeant les liens familiaux très solides qui constituent une partie fondamentale de leur communauté.
Il y a des exemples navrants de situations où ces peurs sont devenues réalité, où des femmes ont été trahies par ceux à qui elles ont fait confiance toute leur vie. Jaswinder Kaur Sidhu, de la Colombie-Britannique, a été tuée sur les ordres de sa propre mère à Ludhiana, en Inde. Il y a eu la tragédie de la famille Shafia à Kingston, en Ontario, où Zainab, âgée de 19 ans, Sahar, qui avait 17 ans, Geeti, qui en avait 13, et Rona Amir ont été assassinées par le mari de Rona, la deuxième épouse de celui-ci et leur fils. Khatera Sadiqi, âgée de 20 ans, et son fiancé ont été tués par balle dans un centre commercial d'Ottawa. Aqsa Parvez, qui avait 16 ans, a été tuée par son père et son frère à Mississauga, en Ontario.
Comment pouvons-nous qualifier ces tragédies si ce n'est que de pratiques culturelles barbares? Il s'agit de quelques exemples les plus graves des tragédies qui peuvent survenir au sein des relations sociales les plus intimes. Ces relations constituent un obstacle majeur à ce projet de loi, mais elles sont aussi la clé de son succès.
Dernièrement, j'ai pu me familiariser avec le sujet pendant mon émission de radio en direct, durant une ligne ouverte dans le cadre de laquelle j'ai diffusé une entrevue récente du ministre Chris Alexander au sujet du projet de loi S-7. J'ai principalement reçu des appels d'hommes, et aussi des appels de femmes, mais beaucoup moins. Quand j'ai demandé aux femmes de parler à l'antenne, il ne faisait aucun doute qu'elles hésitaient, comme si elles avaient peur que quelqu'un puisse reconnaître leur voix et que cela leur cause des ennuis. Cette situation m'a rappelé les femmes que j'ai rencontrées quand je faisais du travail bénévole auprès d'un psychiatre dans un hôpital au Pakistan, où les femmes ne disaient pas un seul mot au sujet de leurs problèmes devant d'autres membres de leur famille.
Honorables membres, si vous le permettez, imaginez ce qui suit pour un moment. Rappelez-vous votre jeunesse: vous étiez libre de poursuivre vos études, de faire les activités que vous aimiez, de fréquenter les amis que vous appréciiez, de rêver à l'avenir qui s'offrait à vous. Maintenant, imaginez que les personnes qui vous ont élevés, vos frères et soeurs et votre famille élargie, qui sont les seules personnes que vous avez connues dans votre vie, vous disent que l'avenir que vous espériez ne vous est pas offert.
C'est très difficile à imaginer, mais quand vous faites face aux représailles et au rejet des personnes que vous connaissez et aimez, c'est une situation écrasante et accablante, semblable à celle que vivent les femmes qui ont de la difficulté à se sortir d'une situation de violence conjugale. Elles ont le sentiment qu'elles n'ont personne vers qui se tourner, aucune porte de sortie et que l'exercice de leurs libertés individuelles ne mènerait qu'à la misère. Cela peut les laisser sans espoir et résignées à leur sort.
Je demande aux membres du comité de bien vouloir tenir compte de façon importante dans le cadre de leur examen de la façon dont nous pouvons réellement aider les victimes de pratiques horribles en empêchant qu'elles ne deviennent des victimes dès le début.
Avec ce projet de loi, je peux constater le désir de s'attaquer aux enjeux qui représentent un fléau au sein de ces groupes depuis de nombreuses années. Le défi est réel, les obstacles sont nombreux, mais j'ai espoir que ce projet de loi constitue un premier pas vers un changement important, non seulement dans la façon dont nous faisons face à ceux qui croient pouvoir piétiner les droits des autres, mais dans la façon dont nous pouvons tendre la main avec succès aux victimes et leur redonner espoir.
Le Canada a toujours été un chef de file au chapitre de la protection des libertés et des droits fondamentaux, et j'applaudis nos représentants d'avoir encore une fois pris les devants relativement à ces enjeux. J'espère que les membres du comité chercheront à faire de cette mesure législative une loi efficace et utile qui soutiendra les femmes et les jeunes qui vivent cette réalité au quotidien.
Merci.
Eh bien, merci, madame Shahida, de votre déclaration. Nos deux autres invités présenteront des déclarations semblables à la vôtre, puis les membres du comité poseront des questions. Merci.
Madame Douglas, bienvenue.
L'OCASI, comme beaucoup d'entre vous le savent, représente la voix collective des organisations oeuvrant auprès des immigrants et des réfugiés en Ontario. Le conseil a été fondé en 1978. Quelque 220 organisations dans la province travaillent auprès des immigrants et des réfugiés à de nombreux égards, y compris au chapitre de la violence à l'égard des femmes et des filles.
J'aimerais remercier le comité de me donner l'occasion de formuler des commentaires au sujet du projet de loi S-7. L'OCASI est extrêmement préoccupé par le projet de loi, et plus précisément par le fait qu'il a le potentiel de soumettre à une discrimination certains groupes racialisés, d'isoler ses membres afin qu'ils soient davantage surveillés et d'utiliser les lois en matière d'immigration afin d'imposer des sanctions doubles, plus importantes que celles qui seraient imposées à une personne née au Canada, pour certaines infractions.
Nous avons trois recommandations à faire.
La première est de retirer le projet de loi.
La deuxième recommandation, c'est que le gouvernement devrait utiliser toutes les mesures déjà en place afin de prévenir la violence à l'égard des femmes et de protéger les droits de la personne. Entre autres, il devrait s'y prendre des façons suivantes: investir de façon importante et continue dans les programmes d'éducation du public et de prévention de la violence; éliminer les barrières systémiques qui empêchent les femmes de signaler les cas de violence et de maltraitance, comme la résidence permanente conditionnelle des époux parrainés; s'assurer que les victimes de violence sont soutenues, en offrant, entre autres, des logements sociaux, un soutien du revenu et une stabilité financière et investir dans les soutiens sociaux pour les femmes immigrantes, y compris les services d'établissement, les cours de langue et les programmes d'intégration au marché du travail.
Troisièmement, le gouvernement devrait investir dans un plan d'action national visant à modifier les attitudes afin de prévenir la violence à l'égard des femmes, y compris dans des mesures pour contrer le racisme et la xénophobie.
Ces recommandations sont fondées sur les observations suivantes relativement au projet de loi.
En ce qui a trait à la polygamie, il est interdit depuis 1892, au Canada, d'avoir plus d'un époux. Les lois actuelles en matière d'immigration permettent le parrainage d'un seul époux. Par conséquent, le Canada a déjà des mesures en place pour prévenir l'entrée de familles polygames. Le seul changement que permet le projet de loi S-7, c'est d'isoler les immigrants afin qu'ils reçoivent un traitement particulier.
Le projet de loi aura cet effet en intégrant de nouvelles mesures punitives aux lois en matière d'immigration qui feront en sorte de doubler les sanctions et de stigmatiser certaines communautés afin d'empêcher ses membres d'entrer au Canada et de renvoyer ceux qui sont déjà au pays. Ces mesures puniront les femmes au lieu de les protéger, puisque, selon le libellé actuel du projet de loi, toutes les parties d'un mariage polygame, y compris les femmes qui sont forcées d'épouser leur conjoint polygame parfois sans le savoir, seront aussi touchées. Si une femme dans une telle situation est victime de violence conjugale, elle n'aura accès à aucun service et sera susceptible d'être expulsée, et les enfants nés au Canada pourraient être séparés de leurs parents.
En ce qui a trait au mariage forcé, le Code criminel comprend déjà des dispositions qui peuvent être utilisées pour faire face à des enjeux comme la violence, la contrainte et les enlèvements, qui ont souvent lieu dans les cas de mariage forcé. Bien que la criminalisation soit l'une des nombreuses dispositions qui peuvent être nécessaires afin de prévenir et de contrer la violence à l'égard des femmes, elle ne peut pas être la seule approche adoptée par le gouvernement. Le projet de loi S-7 vise non pas uniquement à criminaliser le mariage forcé, mais intègre aussi aux lois en matière d'immigration des mesures punitives supplémentaires qui ont pour objectif de cerner certains immigrants pour qu'ils reçoivent des sanctions doubles. En vertu des modifications proposées, non seulement les auteurs du crime, mais les membres vulnérables de la famille, qui sont eux-mêmes victimes de contrainte, sont susceptibles d'être criminalisés et de faire face à l'expulsion, ce qui met les femmes encore davantage en danger.
Le projet de loi exacerberait la vulnérabilité des femmes qui arrivent au pays en tant qu'épouse parrainée. La résidence permanente conditionnelle des époux parrainés, mise en place par le gouvernement du Canada en 2012, prévoit une exception pour les victimes de violence conjugale. Toutefois, même avec cette exception, la vaste majorité des femmes parrainées qui appartiennent à la catégorie de la résidence permanente conditionnelle demeurent dans leur relation à cause de la peur d'être expulsées.
Le projet de loi S-7 et les autres politiques et règlements connexes sont fondés sur la croyance que la violence à l'égard des femmes est plus répandue chez certaines communautés, y compris les communautés d'immigrants. Des intervenants précédents vous ont donné certaines statistiques concernant les femmes canadiennes et la violence. Une étude effectuée par Statistique Canada en 2013 a établi que la violence conjugale est moins répandue chez les femmes immigrantes que chez les femmes nées au Canada. De plus, rien ne prouve que la violence à l'égard des femmes est plus répandue au sein de certains types de relations conjugales que d'autres.
Comme le démontrent les statistiques, la violence à l'égard des femmes est un problème important au Canada, y compris pour les personnes nées au Canada. Nous savons que des femmes de toutes les couches de la société sont victimes de violence, y compris des membres du Parlement, et très peu de femmes le signalent. Même quand les femmes signalent les cas de violence, comme les personnes qui exigent des réponses relativement aux femmes autochtones disparues et assassinées, elles n'obtiennent pas toujours la sécurité et la solution qu'elles désirent. Nous reconnaissons qu'il n'est pas raisonnable ou efficace de forcer les femmes nées au Canada à signaler les cas de violence; par conséquent, comment pouvez-vous vous attendre qu'il en aille différemment pour les femmes immigrantes?
Le projet de loi S-7 n'empêchera pas le mariage forcé, il n'y mettra pas fin, mais il pourrait au contraire le pousser vers la clandestinité et rendre les femmes davantage vulnérables en les isolant de leurs communautés, et il ne leur propose aucune autre forme de recours qui leur assurerait un statut au Canada.
Nous avons entendu nos témoins de l'Europe du Nord, ce matin, dire que, depuis l'adoption de leur loi, les tribunaux n'ont eu absolument aucun dossier à traiter. J'ai été très surprise d'entendre ma collègue d'ici, au Canada, madame Raza, parler des nombreuses poursuites entamées en Angleterre, étant donné que, selon l'information réunie grâce à la recherche menée par la South Asian Legal Clinic of Ontario, depuis que la loi est entrée en vigueur dans ce pays, l'an dernier, il n'y a eu aucune poursuite, ce qui confirme encore nos craintes que cela finira dans la clandestinité.
Nous aimerions aussi formuler un commentaire sur le titre du projet de loi. Le titre du projet de loi S-7, le vocabulaire du discours au sujet de ce projet de loi ainsi que les modifications législatives qu'il cherche à faire adopter évoquent, ensemble, des stéréotypes racistes et la xénophobie à l'égard de certaines minorités, origines raciales ou communautés religieuses du Canada. Nous avons entendu, entre autres questions, un témoin se faire demander de parler des types de communautés, fondées sur l'origine ethnique ou la culture, où le mariage forcé et la violence à l'égard des femmes se vivent. Je crois qu'il est instructif de constater que toutes les communautés citées étaient des communautés d'une même origine raciale et venaient d'une région du monde en particulier.
C'est en complète contradiction avec le discours de la démocratie et du respect des nombreuses communautés qui forment la nation que nous appelons notre patrie. Il laisse entendre que la violence à l'égard des femmes est un fait propre à certaines communautés et renforce la notion selon laquelle c'est la culture, plutôt que les systèmes d'oppression, y compris le patriarcat, qui constitue le terreau de la violence.
Le plan d'action de l'Ontario contre la violence à caractère sexuel est un bon pas en avant qui devrait entraîner un changement d'attitude. Nous encourageons le gouvernement fédéral à envisager de mettre en oeuvre à l'échelle nationale un plan d'action similaire, qui portera également sur le changement du discours en matière de racisme et de xénophobie.
En conclusion, je tiens à dire que nous sommes heureux que le gouvernement prenne des mesures pour prévenir la violence à l'égard des femmes et des filles. Nous soulignons, encore une fois, que la meilleure façon d'y arriver est de retirer le projet de loi S-7, de supprimer les barrières systémiques en place, par exemple la résidence permanente conditionnelle contre les épouses parrainées, en lui suggérant d'investir dans des programmes et des services qui donneront aux femmes un pouvoir économique.
J'attends avec impatience de pouvoir participer à la discussion.
Merci, madame Douglas.
Maître Costom, maître Edelmann, vous disposez à vous deux de huit minutes pour votre déclaration préliminaire.
Merci d'être venus.
Merci d'avoir invité l'Association du Barreau canadien à vous présenter son point de vue sur le projet de loi S-7.
L'Association du Barreau canadien est un organisme national qui regroupe plus de 36 000 avocats, notaires, universitaires et étudiants en droit, et un aspect important de son mandat consiste à chercher des moyens d'améliorer la loi et l'administration de la justice. C'est dans cette perspective que nous nous adressons à vous aujourd'hui.
Notre mémoire sur le projet de loi S-7 a été préparé par les Sections du droit pénal et du droit de l'immigration, le Comité sur le droit des enfants et la Conférence sur l'orientation et l'identité sexuelles.
Il va sans dire que l'Association du Barreau canadien appuie toutes les lois qui permettraient d'éradiquer la discrimination à l'égard des femmes, l'inégalité et la violence contre les femmes et les enfants, et c'est justement ce que proposent les auteurs de ce projet de loi. Malheureusement, selon notre analyse, il en sera autrement.
Avant de commenter le fond du projet de loi, permettez-moi un bref commentaire au sujet du titre abrégé. Je me fais l'écho de l'intervenante précédente, Mme Douglas. Comme elle l'a souligné, le titre sèmera la discorde et il est trompeur, car il laisse entendre que la violence à l'égard des femmes et des enfants est un problème culturel qui se limite à certaines communautés.
À une autre échelle, l'Association du Barreau canadien a toujours recommandé au gouvernement de s'abstenir d'utiliser des titres abrégés qui, à notre avis, visent davantage à faire réagir les Canadiens qu'à les informer. Par exemple, cette loi modifiera de manière radicale la défense partielle de provocation, mais rien, dans le titre abrégé, ne renseigne le public à ce sujet.
La défense partielle de provocation a été intégrée au Code criminel depuis l'adoption de ce code, en 1892 et, comme nous le savons tous, cette défense ne s'applique pas à tous les crimes. La défense partielle ne peut s'appliquer qu'en cas d'accusation de meurtre et elle permet de ramener l'accusation de meurtre à une accusation d'homicide, lorsque les conditions prévues dans le code sont réunies. Le fait que le code prévoie cette défense, ou cette défense partielle, tient au fait qu'il nous faut reconnaître que, au bout du compte, nous ne sommes que des humains et que nous avons tous un point de rupture. Le projet de loi S-7 impose un seuil beaucoup plus élevé pour le recours à cette défense partielle.
Les auteurs du projet de loi font valoir que cette modification est nécessaire, car elle fait en sorte d'empêcher une personne d'invoquer la défense de provocation dans les meurtres prétendument motivés par l'honneur. Toutefois, notre recherche nous aura permis de savoir que cette défense, lorsqu'elle est invoquée dans de telles affaires n'est jamais fructueuse. Cela a d'ailleurs été confirmé par une représentante du ministère de la Justice, Joanne Klineberg, avocate principale à la Section de la politique en matière de droit pénal. La loi cherche à régler un problème qui n'existe tout simplement pas.
La Cour suprême a fait les déclarations suivantes, en 2010, en parlant de la défense de provocation. J'ai tiré certains extraits choisis de l'arrêt Tran:
[…] le droit criminel s’attache à l’établissement de normes de comportement humain.
On s’attend à ce que chacun, indépendamment de ses idiosyncrasies, respecte cette norme.
La notion de « personne ordinaire » est circonscrite en fonction des normes de comportement actuelles, y compris les valeurs fondamentales comme la recherche de l’égalité consacrée par la Charte canadienne des droits et libertés.
[…] cette norme objective ne saurait admettre […] la justification de quelque forme de meurtre que ce soit par un sens de l’« honneur » envisagé de manière inacceptable.
Nos tribunaux ont également affirmé de manière explicite que la provocation n'est pas une défense possible dans les meurtres qui seraient liés à l'honneur.
Il est déjà bien malheureux de s'attaquer à un problème qui n'existe pas, mais cela pose un problème particulier, car la modification pourrait aussi avoir des conséquences imprévues, ce qui m'amène à notre point suivant.
Il s'agit d'un changement important touchant la substance du droit pénal. Il a été proposé sans qu'une évaluation éclairée et complète ait été faite des motifs justifiant que l'on modifie la défense et sans un examen de la jurisprudence pertinente, et en l'absence d'un examen des répercussions concrètes de ces modifications sur l'ensemble des aspects touchant le droit pénal. Quand une modification de cette nature est proposée, il faudrait organiser de larges consultations, et il n'y en a pas eu.
Enfin — c'est mon dernier point; je vais ensuite donner la parole à Peter —, en tant que praticiens, nous croyons qu'il sera très difficile, en pratique, de faire ce changement relativement à la provocation. Selon les nouveaux critères, il serait possible d'invoquer cette défense dans le seul cas où la conduite de la personne décédée constituait un acte criminel passible d'un emprisonnement de cinq ans ou plus. Il faut pour établir cela énormément de preuves, des déclarations difficiles pour la défense et pour la Couronne, et il ne fait aucun doute que cela compliquera davantage les procès de meurtre qui sont hors de tout doute déjà complexes. Je pourrai vous fournir d'autres exemples pendant la période de questions.
Je vous remercie, je laisse maintenant la parole à Me Edelmann.
[Français]
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. Je vais parler brièvement des changements proposés à la Loi sur le mariage civil avant de me concentrer sur la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Nous convenons que les mesures visant la réduction du nombre de mariages forcés sont louables, en particulier le fait d'énoncer que le mariage requiert le consentement libre et éclairé des deux personnes. Concernant la question de l'âge où une personne peut se marier, je vais souligner les commentaires de ma collègue.
De façon générale, nous recommandons que les titres abrégés servent à indiquer de façon succincte et neutre l’objet d'un projet de loi. Encadrée comme une ligne séparant la civilisation de la barbarie, la nature arbitraire du jour où une personne atteint ses seize ans est marquante.
[Traduction]
Nous entretenons des préoccupations très concrètes au sujet des changements de la LIPR. Certes, nous devrions féliciter de manière générale l'assemblée législative d'avoir utilisé un vocabulaire précis, tiré du Code criminel, mais il n'y a que très peu de jurisprudence sur l'interprétation de l'article 293. Le dernier cas de poursuite dont on a entendu parler se serait produit, il semble, il y a près de 80 ans.
L'étude la plus détaillée concernant cet article, qu'ont menée nos tribunaux, a servi à la Cour suprême de la Colombie-Britannique en 2010-2011. Cette affaire a exigé de nombreuses séances qui se sont étalées sur cinq mois et la comparution de deux procureurs généraux, d'un intervenant désintéressé, de 11 intervenants et de nombreux témoins; elle a également exigé des centaines de rapports sur la polygamie et les relations polygynes ainsi qu'une étude de l'histoire des dispositions.
Le juge en chef Bauman a constaté que, exception faite de la communauté de Bountiful, la polygamie était un phénomène assez rare au Canada. De nombreuses interprétations de la polygamie ont été soumises au juge du procès. La décision s'étendait sur 200 pages, mais, à partir du paragraphe 905, elle présente un certain nombre d'interprétations de la loi.
Au paragraphe 1025, le tribunal parle de l'interprétation présentée par le procureur général du Canada. Le tribunal s'exprime en ces termes:
Cela m’amène à exposer mes grandes préoccupations quant à la position du procureur général du Canada. La première tient à son opinion selon laquelle il faudrait interpréter [le sous-alinéa 293(1)a)(i) du Code criminel] comme concernant les non-résidents du Canada qui se marient à l’étranger en respectant les lois de cet autre pays, puis émigrent au Canada. En tout respect, je ne suis pas d’accord.
Le tribunal a conclu que l'article 293 ne s'appliquait pas à la situation à laquelle, selon la loi, l'article 293 devait s'appliquer, et c'est bien ce qui nous préoccupe, étant donné que les documents d'information semblent être fondés sur l'interprétation de la loi qu'avait rejetée le juge en chef Bauman.
Selon les documents d'information, les changements proposés feraient en sorte qu'un résident permanent ou un étranger polygame qui se trouve ou se trouvera effectivement présent au Canada, accompagné même d'une de ses épouses polygames, sera réputé pratiquer la polygamie au Canada. Ce n'est pas ce que le tribunal avait conclu. Cela nous pose un problème important, étant donné que nous devons conseiller nos clients au sujet de la nature de cette nouvelle interdiction de territoire.
À quoi exactement le gouvernement fait-il référence quand il parle de « la pratique de la polygamie »? Il ne semble pas qu'il se soit appuyé sur l'interprétation faite par les tribunaux du Code criminel.
Les gens devraient être en mesure de comprendre très clairement quelle sorte de comportement les place en situation de risque et quelle est la portée de ce risque. Est-ce que la seule présence de deux épouses en sol canadien suffit à établir qu'il s'agit de « pratique de la polygamie »? Y a-t-il quelque chose de plus? Doivent-ils se parler? Doivent-ils être concrètement polygames?
La définition de la « pratique de la polygamie » n'est pas manifeste, étant donné qu'il est clair qu'il ne s'agit pas là de la définition claire donnée par les tribunaux.
Pour terminer, j'aimerais souligner que, si cette modification vise à protéger les femmes vivant dans une relation polygyne, elles ne prévoient pas clairement en quoi le fait de rendre ces femmes interdites de territoire pourrait les aider, elles et leurs enfants.
[Français]
Je vous remercie de votre invitation. Si vous le voulez, je serai heureux de répondre à vos questions et de fournir plus de détails au sujet de ma présentation.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les quatre témoins d'être venus ici ce matin pour discuter avec nous.
Il est inquiétant, étant donné que nous essayons d'améliorer le sort des femmes vivant dans notre pays, de constater que nous n'arrivons même pas à nous comprendre nous-mêmes, dans notre propre pays, comme vous l'avez dit, Peter.
J'aimerais poser une question à Arooj. Les travailleurs de première ligne soulignent l'importance de former les agents de police. J'ai travaillé de nombreuses années dans le domaine de l'exécution de la loi. Je crois qu'il est important que les agents de la paix aient accès aux outils nécessaires pour traiter les cas de violence fondés sur l'honneur.
Pensez-vous que ce projet de loi donnera aux travailleurs de première ligne de meilleurs outils pour criminaliser les personnes impliquées ou même pour prévenir la violence fondée sur l'honneur?
Ce projet de loi leur procurera certainement des avantages. C'est un bon outil, un premier pas dans le dossier des crimes d'honneur, mais ils doivent suivre une formation sur la façon de voir les choses de cette communauté et les moyens de traiter avec elle, parce que sa mentalité est parfois très complexe. J'ai vu des cas où les choses allaient jusque là, et il y a eu des rapports, des agents se sont présentés dans ces familles, même si un crime n'avait pas encore été commis, mais les circonstances étaient présentes, et ils n'ont pas réussi à comprendre ce qui se passait réellement. Parfois, ils ne parviennent pas à comprendre, étant donné l'unité de la famille, le type de contrôle que la famille exerce sur ces victimes. Ils ont besoin de cette formation pour comprendre, en premier lieu, la mentalité de cette communauté.
Ils ont besoin de ces outils non pas pour contrôler, mais pour punir les criminels qui commettent ce crime. Mais je ne vois pas en quoi cela pourrait réellement les aider à empêcher quiconque d'être victime de ce crime. Pour cela, nous aurions besoin d'une formation spéciale non seulement pour les agents de police et les experts, mais aussi pour les communautés, pour les amener à changer leur façon de voir par l'éducation, la sensibilisation, la communication, par le truchement de leurs propres leaders communautaires, et cela concerne surtout les jeunes, qui sont nés et ont grandi ici et qui comprennent la valeur des droits et libertés individuels.
Les gens de l'autre génération, qui ont grandi dans un autre pays avant de s'établir ici, ont une mentalité particulière. Ils n'ont pas pris la peine de comprendre ce que signifient les droits et libertés. Ils ne savent pas de quelle façon respecter ces droits. Ils ont besoin d'être renseignés, mais il faut que cela vienne des jeunes. Dans mon domaine de travail, je crée des programmes de sensibilisation et d'éducation de base. J'amène les gens à se poser des questions, à se demander s'ils respectent les normes des valeurs humanitaires ou les normes canadiennes en matière de droits et libertés. Ils ne comprennent même pas pourquoi je pose cette question.
D'accord.
Je vais vous présenter un scénario clé. Une famille part à l'étranger pour marier sa fille de 12 ans; elle revient sans la fille. Comment allons-nous le savoir? Devons-nous attendre qu'un membre du public ou que l'école nous l'annonce? Devons-nous sensibiliser les intervenants des écoles, des agences de voyage ou des aéroports pour qu'ils comprennent que, lorsqu'une famille de cinq personnes quitte le pays et que quatre personnes seulement y reviennent, une personne a disparu. Où est cette cinquième personne?
Pourriez-vous faire un commentaire? Avez-vous déjà discuté, pendant votre émission, de situations de ce genre? Qui va avertir le gouvernement? Est-ce que la communauté elle-même va nous laisser savoir qu'une personne a disparu?
La communauté présente les mêmes lacunes que la famille. C'est le pire des obstacles, les membres de la communauté ne vont pas se défendre les uns les autres. On pourrait même dire qu'ils ont peur. C'est une mentalité très complexe. Ils voient bien qu'un crime a été commis, et il y a des gens qui le condamnent, mais ils ne vont pas prendre l'initiative de dénoncer les familles qui commettent ce type de crime. Ils craignent pour leur vie.
Dans ce domaine, il faut éduquer les enfants sur les façons dont ils peuvent se protéger et sur les personnes à contacter. Ils peuvent le faire. Cela devrait être facile, ils ne devraient avoir aucune crainte, ils devraient pouvoir faire confiance à toute personne qui leur assure une protection. Il peut s'agir des intervenants de l'école, des enseignants, des agents de la paix. Mais les travailleurs sociaux qui viennent de la même communauté ne leur sont pas utiles. Quand je parle à ces groupes de jeunes, je leur dis toujours de communiquer avec une personne qui est née et qui a grandi ici, et qui comprend la véritable valeur des droits et libertés. Quand ils parlent aux enfants, ils ne peuvent pas leur faire des confidences, leur dire qu'ils peuvent tout dire sans aucune crainte.
[Français]
Merci.
Je remercie les témoins d'être ici avec nous aujourd'hui dans le cadre de cette importante étude.
Comme je le fais au début de chaque intervention, je tiens à préciser que nous soutenons tous le but de ce projet de loi, qui vise à lutter contre la violence faite aux femmes, les mariages forcés et les mariages forcés d'enfants. Tout le monde soutient ce type d'objectif. Le débat porte plutôt sur la façon d'approcher la question ou sur les mesures qu'on se donne pour combattre ces situations.
Ma question s'adresse à Mme Costom ou à M. Edelmann. Vous jugerez qui est en mesure de répondre.
Aujourd'hui, un témoin a parlé de mutilations génitales à l'endroit des femmes. Je sais qu'une ministre a déjà indiqué sur son site Internet que le projet de loi S-7 allait fournir des outils pour contrer ces types de mutilation. Pouvez-vous cibler des mesures dans ce projet de loi qui vont spécifiquement donner des outils pour lutter contre ce type de pratique?
Ce serait dans deux situations différentes.
La première serait si cela se passait au Canada. Dans ce cas, il est clair que ce serait un crime. Il n'y a aucun doute qu'au Canada, la mutilation génitale constitue un crime.
Ce sont des voies de fait graves. Il n'y a pas de doute à cet égard et je ne crois pas qu'on pourrait nier que c'est déjà illégal au Canada.
D'après ce que je peux voir, rien dans le projet de loi ne modifie la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés par rapport à la mutilation. La seule question qui pourrait se poser porterait sur la mutilation génitale pratiquée à l'étranger. Cela pourrait être la question en cause. Je n'ai connaissance d'aucun pays ou c'est légal et où ce n'est pas un crime. Si c'est un crime à l'étranger, ce pourrait être une façon d'imposer une interdiction de territoire à quelqu'un en vertu de l'article 36.
Par exemple, à l'heure actuelle, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, il y a des dispositions qui existent si on a la preuve que quelqu'un a participé à une mutilation génitale à l'étranger. Selon ce que je sais, il n'y a pas de pays dans lequel il y aurait une mesure qui permettrait de se défendre relativement à l'article 36.
Merci.
En ce qui a trait à la polygamie, vous avez dit que sa définition était floue. Si le projet de loi S-7 est adopté, les agents d'immigration auront le pouvoir de décider de façon plus ou moins arbitraire si une personne pratique la polygamie ou non et si on lui interdit l'entrée sur notre territoire. Est-ce aussi ce que vous comprenez à ce sujet? L'agent d'immigration aura-t-il bel et bien ce pouvoir? Avez-vous un commentaire à formuler sur ce type de pouvoir discrétionnaire qu'aurait un agent d'immigration?
Ce n'est pas que le pouvoir serait arbitraire ou discrétionnaire. Le problème que nous y voyons, c'est qu'on ne sait pas à l'avance quelle sera l'interprétation qui sera donnée. Selon l'interprétation présentée dans les documents d'information, l'intention est différente de la seule interprétation faite par les tribunaux. Ces derniers disent qu'il ne s'agit pas de cette interprétation.
Il est très important de comprendre quelles sont les raisons invoquées. Je vous recommande de lire la décision du juge Bauman. Il fait une distinction entre la polygynie, la polyandrie et la polyamorie, qui sont trois choses différentes. Ce juge a trouvé que la polygamie cible toutes ces choses. L'intention de l'article 293 du Code criminel n'est pas de viser les pratiques barbares, mais plutôt de protéger l'institution que représente la monogamie. C'est une intention très différente et c'est sur cette base que l'article 293 a été trouvé constitutionnel.
Si le législateur commence à interpréter différemment les dispositions du Code criminel sur la polygamie, la donne par rapport à la constitutionnalité des procédures qui se déroulent en ce moment à Bountiful, par exemple, pourrait peut-être changer. Cela ne serait peut-être pas prévu par le projet de loi S-7. Ce qui n'est pas clair pour nous, c'est quelle conduite serait visée, car selon les interprétations actuelles, la conduite visée ne l'est pas par le Code criminel.
Quels amendements au projet de loi S-7 proposeriez-vous par rapport aux mesures sur la polygamie?
Il y a deux éléments à considérer.
Premièrement, il faudrait créer une autre définition qui vise précisément la polygynie abusive. Toute la discussion ne traite pas de la polygamie, mais de la polygone. Les pratiques dites barbares sont beaucoup plus limitées que l'étendue de ce qui a été qualifié comme de la polygamie par le juge Bauman et qui a été présenté par le procureur général du Canada comme étant l'étendue de la polygamie.
Ce n'est pas sur cette petite partie de pratiques dites barbares que portent les discussions ici et au Sénat. On peut inclure cette définition dans la LIPR ou la préciser dans le Code criminel. À cet égard, la donne constitutionnelle pourrait changer si l'objectif prévu dans le Code criminel n'est pas l'institution de la monogamie ou sa protection. L'article a été trouvé presque constitutionnel. Sauf en ce qui concerne une petite partie qui a été considérée un peu trop large par rapport aux jeunes de 16 ans à 18 ans, l'article a été trouvé constitutionnel par le juge Bauman.
J'aimerais poser une brève question sur les mariages forcés et les crimes d'honneur.
Le projet de loi S-7 donne-t-il des outils pour prévenir les crimes n'ayant pas encore été commis, mais où les victimes craignent qu'ils soient commis? Si une jeune femme craint que ses parents la force à se marier ou commettent un crime d'honneur, le projet de loi S-7 donne-t-il des outils supplémentaires pour prévenir cela?
Comme cela concerne des articles de la LIPR, je vais demander à ma collègue de répondre à votre question.
Je sais qu'on a ajouté une ordonnance visant à ne pas troubler l'ordre public, et ce, en vue d'empêcher une personne de commettre une infraction relative au mariage forcé
Cela n'est pas mentionné dans nos présentations écrites que vous avez tous, mais nous croyons que ces outils existent déjà dans le Code criminel.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Je remarque que Mme Douglas a dit que la meilleure chose que le gouvernement pourrait faire serait de retirer ce projet de loi. Je constate que l'analyse de l'ABC était assez accablante.
Voici ma première question. Croyez-vous que le gouvernement devrait retirer ce projet de loi?
Maître Costom ou maître Edelmann?
Certainement, en ce qui concerne la défense de provocation, nous nous opposons au projet de loi, surtout parce que, comme je l'ai dit, c'est vraiment un changement intégral du droit criminel, et cela ne devrait pas être fait de manière fragmentaire. Pour cette seule raison, nous croyons que le projet de loi S-7 a été proposé sans consultation et sans réflexion adéquates quant à ses conséquences indirectes. Comme l'a fait remarquer mon collègue — et je le laisserai étoffer à ce sujet —, nous louons les objectifs, mais nous ne pensons pas que ce projet de loi les atteigne, et, par conséquent, il n'ajoute rien de neuf.
J'ai dit plus tôt que, naturellement, tous les partis politiques sont totalement opposés à ces pratiques. Là n'est pas la question. La question est de savoir si ce projet de loi va protéger davantage les femmes, ou s'il va plutôt causer plus de tort que de bien.
En ce qui concerne la polygamie, j'ai d'abord pensé, après avoir écouté les témoins, que la meilleure chose à faire serait de fournir une définition, parce que si on doit expulser quelqu'un pour une infraction, il est bon d'avoir une définition de l'infraction. Puis, après avoir écouté Mme Douglas et d'autres témoins, je me demande si la loi est suffisante, même si la définition est appropriée, parce qu'on ne cesse de nous répéter que bien des torts seront causés aux enfants et aux épouses de polygames. Peut-être que le mieux serait non pas de définir le terme, mais bien de ne pas adopter ce projet de loi.
J'aimerais poser cette question à Me Edelmann ou à Me Costom.
Je vous renvoie à la décision dans le renvoi sur la polygamie, où différents intervenants ont proposé un certain nombre de définitions. Il y avait, d'une part, des définitions très restreintes qui portaient particulièrement sur l'exploitation ou sur les genres de problèmes que l'on constate qui font l'objet d'une bonne partie de la discussion sur les relations polygames, par exemple les idées entourant la nature violente de certaines relations polygames, l'inégalité et d'autres problèmes qui surgissent dans certaines relations polygames. Lorsque je dis « certaines relations polygames », ce que le juge en chef Bauman a découvert, c'est que la polygamie est un sujet bien plus vaste que celui des relations polygynes qui ont été au coeur du débat.
Si l'on ciblait les relations polygynes et si oui ou non certaines personnes étaient interdites de territoire... lorsque nous avons affaire à des cas de violence conjugale, par exemple, la victime n'est pas interdite de territoire à cause de l'agresseur. Dans ce cas-ci, le problème avec certaines formes de polygynie, c'est que l'homme qui a plusieurs épouses est au centre de la relation de violence ou d'exploitation dans certaines circonstances, mais toutes les personnes dans la relation deviennent interdites de territoire. Vous parlez d'interdire de territoire toutes les épouses également.
Si c'est un grave problème, et qu'il faut faire quelque chose, je suggère de le définir plus précisément et de dire que nous ciblons ce genre de relations, et de les définir par rapport aux cas d'exploitation ou à la situation particulière, afin de définir plus précisément ce que l'on vise.
La définition de l'article 293 est beaucoup plus vaste que ce qui est ciblé, et l'interprétation qui est donnée n'est pas la même que celle qui est utilisée dans les tribunaux criminels. Si c'est un problème, ciblez votre définition en conséquence. Il est évident que la portée du problème ne correspond pas à l'interdiction de territoire ni à la façon dont cette interdiction de territoire a été définie.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins de nous aider dans le cadre de ce projet de loi.
Personnellement, je crois qu'une autre modification importante de la Loi sur le mariage civil est l'ajout de l'expression « consentement libre et éclairé », qui est exigée pour les mariages. Il s'agit clairement d'une mesure importante, et j'ai été franchement étonné d'apprendre qu'elle n'existait pas auparavant.
Ma question s'adresse à vous, madame Shahida. Comment le fait d'ajouter ces mots aide-t-il à protéger davantage les victimes de mariage forcé?
Vous parlez de l'ajout dans ce projet de loi, n'est-ce pas?
Avant que le couple n'obtienne un certificat lui permettant de se marier, il peut y avoir quelque chose qui leur permet de comparaître devant une certaine figure d'autorité. C'est ce que je suggère. On pourrait exiger que les conjoints se présentent devant une autorité avant le mariage pour dire qu'ils sont prêts et qu'ils consentent à ce mariage.
D'accord.
Je crois bien que j'ai mis l'accent sur cette expression particulière, le « consentement libre et éclairé », lequel est exigé pour le mariage, qui doit être ajoutée à la Loi sur le mariage civil. Selon vous, de quelle façon l'ajout de cette expression protège-t-il davantage les victimes de mariage forcé?
Cela les protège, parce que, si nous observons les collectivités, nous ne voyons pas cela, étant donné les pressions familiales et tout le reste. Les conjoints n'ont pas la liberté de consentir au mariage. Ils font l'objet de pressions familiales et de manipulations. En ajoutant cette expression, on ferait une mise en garde à ces familles et à ces personnes qui forcent le mariage. Cela peut leur servir d'avertissement.
La seule autre chose que nous pouvons faire, c'est de les prévenir que s'ils forcent quelque chose comme un mariage, ou quelque chose qui va à l'encontre des droits d'une personne, cela peut être un crime. Cette mesure peut certainement aider à prévenir ce genre de chose. Je ne peux pas dire que cela sera entièrement utile, mais cela peut aider à prévenir certains cas.
D'accord, merci.
J'aimerais aussi vous demander... dans le projet de loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, on a finalement fait passer l'âge minimum à 16 ans. Bien franchement, j'ai été surpris et choqué d'apprendre que cela n'était pas le cas avant. Nous avons vu certains débats au sujet de l'âge minimum dans la common law, certaines personnes établissant l'âge à 12 ans pour les filles et à 14 ans pour les garçons, et d'autres, à aussi bas que 7 ans.
La semaine dernière, Kathryn Marshall, avocate et militante des droits des femmes, a expliqué que nous ne pouvons pas nous appuyer sur la common law et que nous devrions codifier l'âge minimum.
Pouvez-vous vous prononcer sur cette question? Croyez-vous qu'il s'agit d'une mesure importante?
C'est une mesure très importante. Je trouve que même 16 ans est trop jeune. Cela devrait être 18 ans.
Merci.
La semaine dernière aussi, nous avons entendu M. Tahir Gora, du Canadian Thinkers' Forum, dire que « [l]es critiques s'en sont pris au titre du projet de loi, le qualifiant de tendancieux. » Pour parler bien franchement, je crois qu'il est mieux d'appeler un chat un chat. Il a dit aussi que « [l]a violence envers les femmes est un acte de barbarie absolue », et que le fait d'« appeler un chat un chat ne devrait pas être un enjeu politique dans un pays comme le Canada, où les droits de la personne garantissent des droits égaux aux hommes et aux femmes. »
Êtes-vous d'accord avec cela?
Je suis d'accord. Je crois que les droits individuels sont subsumés par l'égalité des sexes. Nous devrions appeler un chat un chat. Je tenais seulement à dire qu'il est très approprié de parler de « pratiques culturelles barbares », même si cela concerne un seul enfant, une seule fille ou une seule personne. C'est barbare. C'est même bien plus que cela lorsque nous voyons ce qui en ressort. Certaines choses sont dissimulées.
Ce sont des « pratiques culturelles barbares », parce que la vie d'une seule personne est importante...
Bon. Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président? Une minute, d'accord.
Il y a deux semaines, Salma Siddiqui a mentionné que, en abordant la question de la polygamie par l'intermédiaire de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, « [l]e gouvernement uniformise les règles pour les immigrants et les Canadiens. » Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous en dire plus sur cette idée? Quelle est l'importance pour les immigrants de comprendre que ces valeurs ne sont pas les bienvenues au Canada?
C'est très important. Comme je l'ai dit, les communautés tiennent cela pour acquis. Elles devraient comprendre ce que sont les valeurs canadiennes. Les valeurs canadiennes consistent en réalité à respecter les droits et les libertés de chaque personne. Chaque immigrant devrait connaître ces valeurs avant d'immigrer.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins. Je vous suis très reconnaissante de votre témoignage.
Nous avons beaucoup discuté du fait que des lois existent déjà pour protéger les gens de notre pays. Cela étant, le projet de loi S-7 est-il un document juridique ou un document politique?
Qui souhaite aborder cette question?
Des voix: Oh, oh!
Mme Suzanne Costom: Je vais être très prudente.
On ne peut s'empêcher de se demander quel est le but d'un projet de loi qui semble réagir à un problème inexistant ou fournir des outils qui ne sont pas nécessaires parce qu'ils existent déjà, ou encore qui sont inadéquats.
Ce dont nous avons vraiment besoin, si nous souhaitons faire cesser la violence contre les femmes et les enfants, c'est d'une plus grande sensibilisation et d'un meilleur financement. Nous devons sensibiliser les enfants dès leur plus jeune âge, aussitôt qu'ils arrivent au pays, aux valeurs canadiennes communes qui nous sont chères.
On peut se demander, dans un cas comme celui-ci, quel est le but de la loi. Je dirai seulement qu'elle ne semble pas s'attaquer à un problème juridique, et je n'en dirai pas plus.
Y a-t-il d'autres braves ou est-ce que je poursuis? C'est bon, merci beaucoup.
Madame Douglas, je suis heureuse de vous revoir. Vous avez parlé de la meilleure façon de faire cesser la violence. Ce projet de loi prétend justement faire cela; or il manque des choses. Dans vos commentaires, vous avez fait allusion à des femmes autochtones disparues et assassinées. Pourriez-vous nous en dire plus sachant que le but est de réduire la violence contre les femmes?
Je pense que les cas de femmes autochtones disparues et assassinées et l'appel continu pour la tenue d'une enquête publique, pour que nous puissions examiner les causes profondes, en disent long sur le but d'un tel projet de loi. C'est donc ma réponse à votre autre question.
Nous croyons fermement qu'on pourra mettre fin à la violence contre les femmes lorsqu'on pensera à l'autonomie économique des femmes, qu'on s'assurera que les femmes ont les soutiens nécessaires pour être en mesure de quitter des relations de violence et qu'on s'assurera que les femmes, particulièrement celles qui sont pauvres et racialisées, y compris les femmes autochtones, ont les ressources nécessaires pour être en mesure de participer pleinement sans craindre la violence ni être mises dans une position où elles sont confrontées à la violence.
Cela ne revient pas à dire que la violence ne touche que les femmes pauvres — pas du tout. Mais nous savons que les cas de femmes qui sont pauvres et n'ont pas les ressources économiques nécessaires ont tendance à ne pas être reconnus. Elles sont le moins susceptibles de signaler la violence, en raison de leur expérience auprès du système de justice criminelle. Elles sont souvent victimisées de nouveau, et elles ne se mettent donc pas dans cette position ou elles n'ont peut-être même pas accès au système. Dans le cas d'immigrantes et de réfugiées, c'est souvent une question de langue. Mais nous croyons fermement que la façon de réagir à la violence contre les femmes est de s'assurer que nous avons des services en place afin de sensibiliser les hommes et les femmes au sujet des droits des femmes et d'aborder les questions du patriarcat, peu importe le groupe culturel auquel appartiennent les femmes.
Le logement abordable, l'éducation supérieure, le soutien entrepreneurial, le soutien à la participation au marché du travail et la garde d'enfants sont le genre de soutiens dont les femmes ont besoin pour participer pleinement.
Merci.
J'ai une question d'ordre général. Devrions-nous craindre d'aborder la question de la violence familiale dans l'optique de la loi sur l'immigration et du droit criminel?
Je pense que nous devons aborder la violence contre les femmes en passant par le droit criminel. En abordant la violence contre les femmes par l'intermédiaire de l'immigration, nous pénalisons deux fois les criminels, comme je l'ai dit. Les immigrants sont punis parce qu'ils violent notre droit criminel, puis nous les expulsons. La violence contre les femmes, c'est inacceptable, peu importe qui la commet, peu importe les motivations ou les raisons qui se cachent derrière. Le Code criminel est le bon outil pour traiter les questions de violence contre les femmes, et pas la loi sur l'immigration.
Merci, monsieur le président.
Je souhaite remercier nos témoins d'avoir comparu devant nous.
Il s'agit évidemment d'une question très délicate. Ce projet de loi ne s'attaque pas à un problème inexistant. Le problème existe bel et bien, dans nos collectivités de la région du Grand Toronto et certainement partout au pays. Nous avons entendu de nombreux témoins parler du besoin de ce projet de loi, du besoin d'un outil supplémentaire d'application de la loi pour poursuivre ceux qui commettent des actes de violence, particulièrement à l'égard des femmes.
Le titre du projet de loi auquel quelques-uns d'entre vous se sont opposés, « le projet de loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares », revient à appeler un chat un chat, si je peux reprendre les mots de M. Aspin. Ce sont des pratiques barbares, et elles sont ancrées dans la culture de certaines communautés. Le projet de loi ne cible pas une culture ou un groupe ethnique particulier. Je crois que cela se produit dans de nombreuses cultures. En fait, dans mon bureau et dans ma vie, j'ai reçu de l'information provenant de personnes qui ont été victimes de violence de nombreuses fois, et j'ai essayé de les orienter adéquatement pour qu'elles puissent régler leurs problèmes.
Certainement, tout commentaire ou toute insinuation comme quoi le titre du projet de loi incite à un certain genre de ferveur contre des groupes culturels particuliers est au mieux tiré par les cheveux. Ce sont des pratiques culturelles barbares, point à la ligne.
Je dirais que, lorsqu'une jeune fille naît aujourd'hui à l'hôpital général de Toronto — ou il y a 14 ans — et qu'elle se trouve dans une situation où sa famille dit: « Tu vas épouser la personne à qui je t'ai promise lorsque tu vas avoir 14 ans, c'est notre culture; c'est notre façon de faire, que cela te plaise ou non », c'est barbare et injuste pour la jeune femme.
Combien de temps me reste-t-il? C'est presque fini?
S'il me reste une minute, laissez-moi poser une question rapide à Mme Shahida.
Madame Shahida, croyez-vous que ce projet de loi est nécessaire pour donner un outil additionnel aux personnes chargées de l'application de la loi afin de les aider à arrêter les personnes qui commettent de tels actes de terreur, particulièrement à l'égard de jeunes femmes?
Oui, je le crois.
Il peut aider à empêcher de nombreuses personnes de devenir des victimes. Il peut servir de menace à des criminels éventuels qui commettraient autrement ce crime si la loi n'existait pas. Cela servira assurément à semer la peur dans leur esprit. Pour les criminels qui ne sont pas si forts, ou pour d'autres criminels qui commettent des crimes à quelque titre ou dans quelques circonstances que ce soit, cette loi pourrait du moins être une menace pour eux.
Je crois qu'il faut prévenir davantage. Cette loi vise davantage à punir et à menacer les criminels. Il devrait y avoir une plus grande sensibilisation au sujet de ce projet de loi également.
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