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Mesdames et messieurs, bonjour. Je suis très heureuse d'être ici et d'avoir l'occasion de participer à cette discussion sur le projet de loi , Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares.
Étant immigrante et travaillant avec des victimes de violence conjugale, j'ai constaté que certaines pratiques culturelles archaïques, comme les mariages forcés et les mariages d'enfants, empêchent les femmes d'exercer leurs droits, parce que ces pratiques sont en général associées à une violence et une oppression accrues.
J'appuie le projet de loi à bien des égards, parce que je crois en l'égalité des droits de tous les hommes et de toutes les femmes dans l'exercice des activités politiques, économiques, culturelles, personnelles et sociales. Je tiens cependant à dire que, même si ce projet de loi contient plusieurs dispositions avantageuses, il comporte aussi de nombreuses failles. Je suis contre les pratiques culturelles barbares qui empêchent les femmes d'exercer leur droit à l'égalité.
Nous avons besoin d'une politique aussi claire que le projet de loi pour mettre fin à ces vieilles pratiques barbares au Canada et à l'étranger, parce que nous vivons au XXIe siècle et que les choses ont évolué, en particulier nos structures sociales.
Nous devons élaborer une stratégie pour mettre un terme à toutes les formes de violence sexiste. Heureusement, au Canada, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, les immigrants et les immigrantes ont le droit et la liberté de mettre en pratique librement leurs croyances religieuses. Malheureusement, certains immigrants continuent d'appliquer dans le domaine matrimonial une idéologie qui ne correspond pas nécessairement aux valeurs canadiennes et qui empiète peut-être même sur les droits et libertés des femmes. Sous prétexte d’une prétendue liberté, ces pratiques culturelles s'exercent aux dépens de la vraie liberté, du bien-être et du bonheur des femmes et des jeunes filles qui les subissent. Une liberté qui permet à des individus de se livrer à des pratiques culturelles traditionnelles qui oppriment autrui n'a rien à voir avec la liberté: c'est de la tyrannie.
Il est moralement impératif d'appuyer le projet de loi , Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, afin de protéger les femmes qui ont grandi dans la société occidentale. Ces femmes risquent de se retrouver en conflit permanent avec leur famille, qui préférerait les soumettre aux pratiques traditionnelles. Elles risquent de subir d'énormes pressions pour céder aux souhaits de leur famille ou de leur communauté. Si elles vivent dans une famille rigoureusement orthodoxe, elles lui résistent au péril de leur vie. On a vu cette situation poussée à l'extrême deux fois au Canada: dans le cas des quatre femmes de la famille Shafia à Kingston, en Ontario, en 2009, et dans le cas de Masira Fazli à Ajax, en Ontario, en 2013. C'est sans parler de toutes les autres femmes qui ont été victimes de violence conjugale et qui continuent de l'être.
Permettez-moi de citer quelques grands facteurs qui rendent les femmes immigrantes particulièrement vulnérables à la violence conjugale.
D’abord, il y a la résidence permanente conditionnelle. Pour conserver la résidence permanente, la personne immigrante doit maintenir une relation conjugale avec celui qui la parraine et doit vivre sous le même toit, pendant deux ans. Le projet de loi ne corrige pas cette lacune. Si la femme immigrante ne remplit pas ces deux conditions, elle risque de perdre sa résidence permanente et de se faire déporter. Dans la plupart des cas, les victimes ne connaissent pas leurs droits et ne sont pas au courant des normes culturelles qui prévalent au Canada. En désespoir de cause, elles acceptent une relation abusive pour remplir cette condition.
Ensuite, les femmes immigrantes dépendent financièrement de leur agresseur ou de leur conjoint. Je dois cependant souligner que le premier facteur est celui que l'on considère le plus complexe et c'est peut-être le plus susceptible d'accroître le risque de violence conjugale pour les femmes immigrantes. Même si j'appuie le projet de loi à bien des égards, j'insiste pour dire qu'il y a là une grave lacune.
J'aimerais vous faire les recommandations suivantes pour remédier à ces carences. Premièrement, les personnes qui s'inscrivent au programme de parrainage devraient être obligées d'étudier une brochure sur les droits et libertés fondamentaux, en particulier les droits des femmes, et réussir un examen à leur sujet avant de pouvoir entrer au Canada.
Deuxièmement, les femmes immigrantes qui ne sont pas autonomes financièrement risquent de dépendre dangereusement de leur conjoint. Chez les femmes, ce type de dépendance financière a des conséquences comme la perte d'estime de soi, l'isolement et des problèmes de santé psychologique, mentale et sociale. On devrait obliger les femmes qui arrivent au Canada à suivre des cours de langue.
En adoptant le projet de loi , Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, le gouvernement est tenu de créer de nouveaux programmes et services. Il faut aller plus loin. Si, en tant que Canadiens, nous croyons que notre pays est le chef de file mondial en matière de promotion et de protection des femmes, des droits des femmes et de l'égalité des sexes, que devons-nous faire pour traduire ces principes en action?
La polygamie, les mariages forcés et les meurtres d'honneur sont des pratiques odieuses et barbares. Il est temps d'y mettre un terme. Ces pratiques ne font qu'ajouter à la violence conjugale.
Loin d'être amorale, l'élimination de la violence sexiste est une démarche éthique. Pour faire disparaître ce fléau, le gouvernement canadien doit développer sérieusement ses programmes et services et sensibiliser les travailleurs de première ligne — policiers, médecins, thérapeutes et agents d'établissement — ainsi que le personnel judiciaire et l'ensemble de la population.
Les femmes du Canada et du monde entier méritent de vivre sans crainte de violence et de mauvais traitement. Je demande à notre gouvernement de protéger les femmes contre les conséquences désastreuses des pratiques culturelles barbares dont elles sont victimes sur le sol canadien. Si le gouvernement est prêt à accepter des immigrants dans notre pays, il doit être prêt à leur enseigner les pratiques, les valeurs et les croyances qui sont culturellement acceptables ici, et à leur expliquer le droit canadien.
Encore une fois, permettez-moi de vous exprimer à tous ma gratitude pour votre courage et votre appui. Ensemble, nous pourrons changer les choses.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je suis encore une fois très honoré de comparaître devant votre comité.
Aujourd'hui, je souhaite vous parler d'un rapport de renseignements produit par la section chargée du renseignement sur les migrations, Division d'opérations et analyse du renseignement, Direction des opérations relatives à l’exécution de la loi et au renseignement de l’Agence canadienne des services frontaliers. Ce rapport contient des indicateurs de renseignement. Mon objectif, dans l'optique d'un système d'analyse factuelle, est de présenter au comité un rapport de renseignement qui justifie entièrement les orientations du projet de loi.
Je n'ai que trois phrases à vous lire. Elles sont importantes. Ce rapport de renseignement de l'ACSF destiné à Immigration Canada, un de nos partenaires en application de la loi, fait état d'une tendance inquiétante. Je cite:
Une autre tendance inquiétante est celle du mut'a — mot arabe désignant la joie et l'épanouissement du plaisir et du consentement, dans le contexte du mariage, et l'observance du contrat de mariage selon l'Islam —, qui consiste à acheter des femmes et à leur faire épouser de riches musulmans du Moyen-Orient et d'Afrique, le mariage étant conclu à des fins sexuelles pour une brève période et suivi d'un rapide divorce. Un article qualifie cette pratique de « tourisme sexuel musulman ». Elle a cours dans le sud de l'Inde, parce qu'elle y coûte trois fois moins cher que dans le pays des « maris ».
Le rapport visait à mettre en garde nos ambassades du monde entier contre une forme de mariage frauduleux. Voilà quel était le but des services d'immigration.
Quand j'ai lu ce document — qui a été obtenu légalement — je me suis dit que le comité étudiant le projet de loi devait être mis au courant de faits qui en justifient les orientations. Je suis sûr que l'ACSF serait heureuse d'éclairer votre lanterne à ce sujet; cependant, à mon avis, il n'y a rien de mal à ce qu'un projet de loi, en tant qu'expression des valeurs canadiennes, signale au monde ce que l'on ne tolère pas au Canada.
Voilà qui conclut mes observations.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui.
Ce projet de loi est très important pour notre gouvernement. À la suite du dernier examen, nous avons passé presqu'une année complète à chercher de quelle façon le système d'immigration du Canada pourrait mieux protéger les femmes et, madame Fakhri, je suis heureux de vous dire que la question de la résidence permanente conditionnelle a occupé une place considérable dans nos discussions. Il y avait aussi dans le rapport une recommandation importante voulant que l'on instruise les personnes immigrantes au sujet de leurs droits avant leur arrivée sur notre territoire, parce qu’en réalité, elles ne sont pas obligées de rester avec un conjoint violent. Il y a une multitude de ressources à leur disposition; cependant, nous avons découvert grâce à cette étude qu'elles ne les connaissaient pas. On recommande d'informer les gens au sujet de leurs droits avant leur arrivée pour qu'une fois ici, ils ne se sentent pas prisonniers de leur relation conjugale.
En décembre de cette année, Antonio Guterres, le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, a fait adopter une initiative. Il a publié un communiqué soulignant 16 jours d'action contre la violence sexuelle et la violence faite aux enfants. Ces 16 jours d'action ont culminé par la célébration de la Journée internationale des droits de la personne, le 10 décembre. Cette année, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés s'est donné pour thème la protection des droits et la préservation de l'enfance ainsi que de la lutte commune contre le mariage des enfants. M. Guterres a pressé les gouvernements d'agir en disant, je cite:
Nous devons intervenir auprès des gouvernements pour que le mariage des enfants soit interdit par la loi et pour que les lois adoptées soient véritablement appliquées.
Je suis très heureux et très fier que notre gouvernement donne l'exemple à cet égard, car c'est une démarche que nous avons entreprise bien avant que M. Guterres ne lance son récent appel.
Je me demande ce que vous en pensez. En particulier, est-ce que vous savez ce que font les autres gouvernements pour lutter contre ce problème, partout dans le monde? Car ce phénomène ne touche pas seulement le Canada; il touche d'autres gouvernements aussi.
Peut-être pourriez-vous commencer, monsieur Kurland.
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L'action des gouvernements partout dans le monde, est un sujet trop vaste pour moi, malheureusement.
Chaque pays exprime ses valeurs dans son régime de droit. Chaque système judiciaire national prévoit les peines correspondant aux actes prohibés. C'est là que l'on passe aux choses sérieuses, si j’ose dire. Dans les sociétés occidentales, l'une des règles fondamentales de l'organisation sociale, c'est que tout est permis, sauf ce qui est interdit. À cause de cette pierre angulaire de l'organisation sociale, certains pays ont du mal à régler le problème qui nous intéresse, et je ne parle pas des théocraties.
Alors, quelle limite certains pays occidentaux ont-ils fixée? Depuis 20 ans, dans les sociétés européennes occidentales, la question de savoir comment on peut débusquer, coincer et punir les auteurs de ces pratiques est devenue une patate chaude. On peut faire mieux, mais l’important n'est pas tant la peine, la sanction que prévoit le projet de loi canadien. L'important est d'envoyer un signal aux autres pays, notamment ceux d’Europe de l'Ouest, qui se débattent avec ce problème, mais qui refusent de regarder les choses en face, et je pense ici à la France.
Maintenant que le Canada décide d’engager le fer sur le terrain des valeurs, et ce, face au monde entier selon moi, pour affirmer ce qui sera toléré et ce qui ne le sera pas, je crois que notre pays sera considéré comme un modèle par les autres, notamment ceux d'Europe de l'Ouest, de la même façon que les pays d'Europe de l'Ouest et d'Asie le considèrent comme un modèle pour ce qui est du régime et du droit de l'immigration. Voilà la prochaine étape.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier les témoins de leur participation aujourd'hui à l'étude du projet de loi .
Je veux commencer en disant que la controverse autour de ce projet de loi ne porte pas sur la question de savoir s'il existe ou non des pratiques barbares envers les femmes. Je vous assure que tout le monde autour de cette table est d'accord pour dire qu'il y a des pratiques barbares et inacceptables envers les femmes ici, au Canada, et probablement dans tous les pays. Bien sûr, il y a certaines pratiques qu'on trouve plus fréquemment dans d'autres pays. Le débat autour du titre n'a pas trait au fait qu'il y a ou non des pratiques barbares.
Il est certain que nous devons lutter contre ces pratiques. Nous sommes tous et toutes d'accord là-dessus. La violence faite aux femmes, quelle que soit la forme qu'elle prend, est complètement inacceptable. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour l'arrêter et pour atteindre l'égalité des sexes, comme vous l'avez dit.
Il est important de recadrer un peu l'opinion des gens de ce comité par rapport à la violence faite aux femmes. Là où nous ne sommes pas d'accord, c'est sur la façon la plus efficace de lutter contre ce genre de violence faite aux femmes. C'est sur cela que porte le débat par rapport à ce projet de loi.
Madame Fakri, vous avez expliqué un peu plus tôt certains éléments de vulnérabilité des femmes. Ces éléments font en sorte qu'on peut plus facilement retrouver dans leur entourage certains types de violence, comme le mariage forcé. Vous avez souligné à plusieurs reprises la dépendance financière. Cela semble être un élément important pour vous. Or il n'y a rien dans le projet de loi qui traite de ce problème.
Récemment, le comité a fait une étude sur la vulnérabilité des femmes dans notre système d'immigration. C'est un élément qui est ressorti, mais depuis la publication du rapport, il n'y a toujours rien concernant cet élément.
Comme vous travaillez en première ligne avec les femmes, quelles mesures concrètes proposeriez-vous pour améliorer l'égalité liée à l'indépendance financière entre les hommes et les femmes nouveaux arrivants?
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Comme nous le savons, la question de la violence conjugale est très compliquée, et nous sommes tous conscients que ce n'est pas seulement un problème culturel. Elle a cours dans toutes les cultures, dans toutes les sociétés, et ainsi de suite.
Dans mon travail auprès des victimes de violence conjugale, j'ai vu des femmes arriver ici, des femmes qui avaient été parrainées et qui étaient au Canada depuis un an ou deux, et qui ne savaient toujours pas comment prendre un autobus ou composer le 911. Leurs maris ne sont pas sur l'aide sociale et ils ont des moyens. Elles ne vont pas à l'école — on leur interdit d'aller à l'école — et elles n'ont personne sur qui elles peuvent compter.
Une sur cent pourrait avoir de la chance et trouver quelqu'un — une voisine ou une inconnue — qui donnera un coup de téléphone à sa place et qui lui permettra de demander de l'aide.
Je crois que, dans toute démarche de parrainage où une femme vivant à l'étranger est parrainée par son mari ou son conjoint, il y a une période d'attente de deux ou trois ans avant que l’on règle son dossier et qu’on la laisse entrer au Canada. Si on donnait à cette femme une brochure rédigée dans sa langue et qu'on lui disait de l'étudier, en l'avertissant qu'on l'interrogera à ce sujet lors de l'entrevue, elle arriverait au Canada informé, elle saurait quel pays elle choisit et quels sont ses droits dans ce pays. Je crois que cela change les choses, quand on sait qu’il existe des services.
J'ai entendu tant de femmes dire qu'elles ne savaient pas qu'il existait des services et que, si elles l'avaient su, elles auraient quitté leur conjoint bien avant. Mais elles arrivent ici, elles entrent au Canada, et elles restent sous la domination de leur conjoint.
C'est pareil du côté financier. Le fait que ces femmes dépendent de leur agresseur, qu'elles dépendent financièrement de la personne qui les a parrainées, c’est un grave problème. Ces femmes n'ont jamais eu accès à de l'argent, n'ont jamais eu de compte en banque. Nous devons les prendre par la main pour leur montrer comment ouvrir un compte en banque. Elles n'ont jamais eu leur propre compte en banque.
Voici les mesures qu'il faut prendre pour éliminer certains facteurs de violence conjugale, notamment en travaillant avec les agents d'établissement. Pendant au moins deux ans, ceux-ci devraient faire un suivi obligatoire des nouveaux arrivants et rencontrer les femmes régulièrement sans leur mari. Nous devons trouver le moyen de renseigner toutes les femmes et tous les enfants qui sont victimes de ces situations. Les femmes arrivent dans un pays inconnu. Elles n’y connaissent personne. Elles n'ont personne vers qui se tourner. La seule personne qu'elles connaissent, dans certains cas, c'est celle qui les a parrainées.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
Monsieur Kurland, quand vous avez parlé de mariage mut'a, vous m’avez rappelé ma faculté de droit en Inde. Je me souviens d’un de nos cours obligatoires, qui portait sur la loi sur le mariage hindouiste, et l’autre portait sur le droit musulman.
À l’époque, nous étions jeunes et nous avions tendance à rire un peu en étudiant ce mariage mut'a. Pour dire la vérité, nous pensions que ce n’était pas vrai. Comment peut-on se marier avec quelqu’un pour quatre heures, trois heures, trois jours ou deux jours? Nous pensions que, après ça, les gens étaient automatiquement divorcés. Aucune responsabilité, rien de ce genre.
Je suis très impressionné que l’ASFC ait ainsi approfondi l’étude de toutes les lois et qu’elle ait découvert ce terme.
J’ai deux ou trois questions. D’abord, du point de vue de l’immigration, c’est-à-dire du risque d’abus, est-il possible que ce droit mut'a soit invoqué? Ensuite, très rapidement, car le président ne me laissera pas dépasser mon temps de parole, selon votre perspective d’avocat, j’aimerais que vous nous parliez de l’application de la loi et de l’utilisation des engagements à ne pas troubler l’ordre public contre les personnes qui facilitent un mariage forcé ou un mariage de mineur.
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Je vais essayer d'utiliser tout le temps disponible.
Merci de m'avoir invité à prendre la parole au sujet de cet important texte de loi pénale. Comme on vous l'a dit, j'exerce le droit pénal à Ottawa et je suis associé au sein du cabinet d'avocats Abergel Goldstein and Partners. J'ai déjà siégé au conseil d'administration de la Criminal Lawyers' Association. Je siège actuellement au comité législatif de cette organisation, et je suis vice-président de la Defence Counsel Association of Ottawa.
J'ai représenté des personnes accusées de meurtre, j'ai pris part au processus d'engagement de ne pas troubler l'ordre public et j'ai plaidé dans des affaires où la provocation a été invoquée. J'ai l'habitude de comparaître devant le Comité de la justice et je suis heureux de témoigner devant vous aujourd'hui, bien que ce soit un peu étrange, étant donné qu'il s'agit d'un projet de loi qui concerne essentiellement le droit pénal.
C'est un projet de loi qui, à mon avis, s'inscrit dans la tendance des autres projets de loi présentés par ce gouvernement, c'est-à-dire — selon moi — qu'il est conçu pour occulter des changements législatifs majeurs et pour limiter le débat. Dans ce contexte, je pense qu'il est important de détailler les conséquences de ce projet de loi sur notre droit pénal. En particulier, je veux parler de la provocation et des engagements de ne pas troubler l'ordre public.
Actuellement, la provocation est régie par l'article 232 du Code criminel et prévoit la défense de provocation, qui, dans certains cas, réduit l'accusation de meurtre à homicide involontaire coupable. Il est essentiel de vraiment bien comprendre ce que veut dire le terme « provocation ».
Lors de son témoignage, le ministre a passé des commentaires dans lesquels, à l'occasion, il comparait la provocation au meurtre prémédité. Du point de vue juridique, c'est complètement erroné. Pour qu'il y ait provocation, il faut qu'il y ait eu une action injuste ou une insulte qui suffirait à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser et qui ferait en sorte que cette personne agisse sous l'impulsion du moment, avant d'avoir eu le temps de reprendre son sang-froid.
La provocation reflète des circonstances atténuantes. Autrement dit, il s'agit d'une reconnaissance de la fragilité humaine. On reconnaît qu'un meurtre, même intentionnel, pourrait être atténué par la perte complète de sa maîtrise de soi et serait moins odieux qu'un meurtre intentionnel commis par une personne ayant des intentions rationnelles.
Mais il y a des limites à la provocation. Le ministre nous a dit que les mesures contenues dans le projet de loi modifieraient le Code criminel de sorte que la conduite légale d'une victime ne puisse pas être considérée, d'un point de vue juridique, comme de la provocation. C'est déjà le cas. Le Code criminel prévoit clairement qu'on ne peut pas, d'un point de vue juridique, être provoqué par une personne qui fait quelque chose que la loi lui permet de faire ou que l'accusé l'a incitée à faire.
Comme je l'ai dit, la provocation exige qu'un acte injuste ait été commis ou qu'une insulte ait été proférée qui suffirait à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser. Or, les crimes d'honneur, ce qui est censé justifier les modifications apportées à la notion de provocation dans ce projet de loi, ne répondent pas à ces critères. Nos tribunaux ont maintes et maintes fois rejeté la religion et l'honneur comme bases de définition de la provocation.
La provocation, après tout, concerne le critère de la personne ordinaire. La Cour suprême a clairement affirmé dans l'arrêt Tran que la personne raisonnable, la personne ordinaire, souscrit aux normes de comportement contemporaines, y compris à des valeurs fondamentales comme la recherche de l'égalité. L'arrêt Tran, 2010 CSC 58, a en fait confirmé la déclaration de culpabilité pour meurtre qui avait fait l'objet d'un appel, où l'accusé prétendait avoir été provoqué par la vue de son épouse ayant des relations sexuelles avec un autre homme. Ce qui est clair comme de l'eau de roche, c'est que le fait que la défense de provocation finisse par être présentée ou non devant un jury dépend de l'apparence de vraisemblance de cette défense, aspect que les tribunaux étudient attentivement.
Le vous a dit que toute personne accusée de meurtre peut invoquer la provocation pour tenter de réduire la peine encourue à celle associée à l'homicide involontaire. Une telle affirmation est trompeuse et simplement fausse. La défense doit avoir un caractère vraisemblable pour être soumise à un jury.
Le gouvernement soutient que les changements proposés dans le projet de loi sont nécessaires. Il a tout simplement tort. Le ministre s'est servi de l'affaire Shafia pour justifier ces modifications à la disposition relative à la provocation. Bien entendu, on connaît très bien les faits de cette affaire et on sait aussi très bien que la provocation n'a pas été soulevée dans l'affaire Shafia et que M. Shafia a été reconnu coupable de quatre chefs d'accusation de meurtre au premier degré.
Qu'est-ce que nos tribunaux ont à dire au sujet de la provocation basée sur l'honneur? Eh bien, examinons le cas dont le ministre ne vous a pas parlé: la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Humaid, en 2006. Dans cette affaire, la Cour d'appel de l'Ontario a confirmé une déclaration de culpabilité pour meurtre au premier degré et dénoncé les crimes d'honneur dans des termes que même un spécialiste en immigration devrait être en mesure de comprendre.
La cour a affirmé que même si on présumait que les croyances religieuses et culturelles d'un accusé sont contraires aux valeurs fondamentales canadiennes, comme l'égalité des hommes et des femmes, cela ne saurait satisfaire au critère de la personne ordinaire dans le cadre de l'enquête sur la provocation. La Cour d'appel est allée encore plus loin en qualifiant ces types de motifs non de provocation mais de mobile.
Le témoignage que vous avez entendu fait état de trois défenses de provocation basées sur des critères culturels qui n'ont pas fonctionné. Le ministre vous a dit que cette défense a été invoquée dans plusieurs cas de crimes dits d'honneur au Canada. J'espère qu'il n'essaie pas ainsi d'insinuer que l'application de cette défense est chose courante. Ce serait là une fausseté irresponsable. On parle de trois occurrences à peu près.
Ce projet de loi fait plus que limiter l'application de la provocation aux crimes d'honneur. Si c'était là l'intention de ce texte de loi, il aurait sans doute fallu le rédiger en employant des termes plus précis.
La Cour suprême vient juste de faire connaître sa décision dans l'affaire Nur: elle rejette les peines minimales obligatoires. Les motifs exprimés par le ministre renvoyaient à la volonté de cibler ainsi des situations factuelles précises, et le tribunal conclut que leur application est trop générale. Ce pourrait être la même chose ici, car le projet de loi s'applique à beaucoup plus de situations que la simple provocation basée sur l'honneur. Il interdit également l'application de la provocation à un éventail d'autres cas qui ont toujours été soumis à un jury jusqu'à présent. Les insultes racistes, les discours haineux, les erreurs de fait, toutes ces situations seront limitées du point de vue de la capacité de présenter une défense de provocation.
On peut imaginer diverses situations où, dans ces circonstances, la provocation pourrait être soumise au jury — ne pas dire au jury d'accepter cette défense, mais de laisser ce dernier en juger.
Imaginez le père d'une jeune fille qui s'est suicidée à cause de la cyberintimidation, qui a été victime d'agression sexuelle et de harcèlement en ligne. Imaginez ce père devant la tombe de sa fille au moment où l'ami du délinquant le défie en lui disant les choses les plus abjectes que personne n'oserait dire dans pareil lieu, des choses inhumaines, et crache sur la tombe de sa fille. En vertu du projet de loi, si le père avait une réaction violente, il ne serait pas en mesure d'invoquer la provocation, même s'il agissait sous l'impulsion du moment dans un accès de colère.
Même si on associait un tel comportement avec des infractions comme la corruption des moeurs, le fait de rendre disponible du matériel sexuellement explicite, la corruption d'enfants, des actes indécents, l'exposition de ses organes génitaux devant une personne de moins de 16 ans, la violence contre des membres du clergé, le fait de troubler des offices religieux ou de funérailles, l'enregistrement et la distribution de renseignements, l'omission de remplir l'obligation de fournir les choses nécessaires à l'existence, l'administration d'une substance délétère, des menaces de mort contre des animaux, l'incitation à la haine ou la promotion de celle-ci, le vol, la fraude et les méfaits, ce projet de loi ferait totalement obstacle à l'application de la défense de provocation.
Cela témoigne peut-être du refus du gouvernement de lire la jurisprudence ou de son incapacité à comprendre que la vie peut être compliquée. Ce projet de loi va tout simplement trop loin et est trop vaste quant à la provocation.
Maintenant, pendant le peu de temps qu'il me reste, j'aimerais parler des engagements de ne pas troubler l'ordre public. Ces engagements existent déjà. On pourrait faire valoir que l'article 810 traite déjà de ce que contient le projet de loi.
Même s'il n'est pas nuisible d'ajouter un article au Code criminel pour cibler plus précisément ce que vise le projet de loi — et c'est là une préoccupation dont il faut décider avec soin, car plus le Code criminel grossit, plus il est difficile de le comprendre, et nous sommes censés savoir ce qu'il y a dans ce projet de loi —, il faut examiner attentivement ce qu'il va vraiment entraîner.
Le gouvernement propose qu'une fillette de 14 ans prenne l'initiative de déposer une demande d'engagement de ne pas troubler l'ordre public contre sa famille. C'est ridicule. Je suppose qu'un organisme extérieur tel que la Société d'aide à l'enfance pourrait intervenir et déposer la demande au nom de l'enfant, mais cette option existe déjà. L'organisme a déjà la compétence de retirer l'enfant de son milieu. Il peut déjà s'adresser à la police.
Peu importe le mécanisme en place pour le dépôt d'une demande d'engagement de ne pas troubler l'ordre public, la question n'est pas réglée pour autant dès le dépôt de cette demande. Ce qui lance le processus, c'est le fait de se rendre devant le tribunal et de prêter serment sur les documents justifiant la demande d'engagement. L'accusé est convoqué. L'engagement n'est pas imposé automatiquement. Nous avons encore une chose appelée le respect de l'État de droit, dans ce pays.
Ensuite, une audience est fixée afin que l'affaire soit instruite par nos tribunaux sous-financés...
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Je vous remercie de m'avoir invitée de nouveau.
Je suis convaincue que le projet de loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares est un bon départ.
C'est un grand honneur pour moi d'être ici. Comme vous le savez, je m'appelle Kamal Dhillon et je prends la parole à titre de témoin d'actes de violence. Je suis devenue la défenderesse des femmes qui, comme moi, ont fait l'objet de violence familiale.
La dernière fois que j'étais devant vous, je vous ai fait part de mon histoire. Par la suite, j'ai écrit un livre, intitulé Black and Blue Sari, qui relate les 12 années et demie de mon mariage à un homme qui m'a agressée, torturée et menacée violemment et régulièrement.
Dans le livre, je décris les événements éprouvants qui se sont déroulés dès le jour où j'ai épousé un homme apparemment chaleureux et charmant jusqu'au jour où notre mariage a pris fin. Sans entrer dans les détails, je vais vous en raconter quelques-uns.
J'ai été brutalement violée par lui le soir de notre lune de miel. À partir de cette nuit-là, j'ai fait l'objet de mauvais traitements émotionnels, physiques, sexuels et financiers plusieurs fois par semaine. Il a même tenté de me tuer à plusieurs reprises. En raison de ces sévices corporels et de sa rage, je vis constamment avec la douleur. J'ai une mâchoire artificielle. J'ai subi 10 interventions chirurgicales à la mâchoire et d'autres sont à venir.
Je porte des séquelles à vie en dépit du fait que mon époux soit décédé d'une mort violente il y a quelques années. Je suis toujours hantée par le souvenir de ces horribles sévices. Je suis une mère monoparentale de quatre enfants adultes en plus d'être la grand-mère de deux petits-enfants.
L'une des raisons pour lesquelles je partage publiquement mon récit, c'est pour mettre un terme à cette épidémie bien cachée derrière des portes closes. On dit qu'un parcours de mille milles débute avec le premier pas. Il vaut la peine de remarquer que cette maxime s'applique autant aux longs trajets qu'aux courtes distances. Je suis pas mal certaine qu'on parle ici d'objectifs, de tâches, de projets et autres démarches. Je crois qu'on renvoie à tout ce qui exige d'une personne de faire le premier pas.
Je félicite le gouvernement de faire les premiers pas pour abolir la violence faite aux femmes et aux filles, mais il faut admettre qu'il reste beaucoup de mesures à prendre pour ce qui risque d'être un parcours sans fin vers le respect et l'estime de soi. Pourtant, faire un pas, aussi petit soit-il, est tout de même mieux que de rester sur place.
Je vous remercie de faire votre part à cet égard. Même si j'en ai envie, je ne critiquerai pas le gouvernement pour son inaction. En fait, je vous félicite de prendre des initiatives. Ça vaut certainement la peine d'y consacrer du temps. Je me joins à vous pour signifier une juste indignation face à quelques-unes des pratiques culturelles barbares que notre société a laissé percoler dans notre culture. Laisser faire, c'est approuver. Détester au plus haut point des pratiques que d'autres cultures admettent est une chose, intervenir face aux injustices en est une autre. La violence basée sur l'honneur n'a rien d'honorable, et les crimes d'honneur sont vraiment des meurtres.
Je vais faire mon possible pour faire changer les choses pour les victimes de violence conjugale, même si c'est pour une seule à la fois. Si nous travaillons de concert, nous pouvons apporter des changements. Comme vous pouvez l'imaginer, il est très difficile de mesurer la véritable portée de la violence à l'égard des femmes, puisque la plupart des incidents de violence familiale et d'agression sexuelle ne sont pas rapportés.
Quelqu'un comme moi qui a grandi dans ce pays n'a pas le droit de parler de ses sévices. C'était une question de fierté pour la famille. Pour plein de femmes qui immigrent dans ce pays, la langue est une barrière importante. Elles ont peur d'être déportées si elles parlent. En fait, elles ne savent même pas que des ressources sont disponibles. Les membres de la plupart des communautés ethniques sont très soudés et ils exercent beaucoup de pression sur l'épouse pour qu'elle reste avec son époux.
Malheureusement, quand une famille élargie partage un même logement, un grand nombre de ces immigrantes se font aussi maltraiter par d'autres membres de la famille. Dans la culture d'Asie du Sud, les immigrantes sont élevées dans la croyance qu'elles n'ont aucun droit. On va jusqu'à leur faire croire qu'elles pourraient même perdre la garde de leurs enfants. Dans notre culture, le mariage est considéré comme étant permanent, et nous devons nous soumettre à notre mari, quelles que soient les circonstances.
Un autre signe de la violence conjugale est l'isolement, qui empêche la femme de sortir de chez elle et d'obtenir l'aide dont elle a désespérément besoin. La violence conjugale peut créer un sentiment de honte et d'embarras qui fait que les relations abusives restent cachées. Aucune victime ne veut admettre qu'elle se fait maltraiter. La violence que subissent les femmes nuit non seulement aux victimes, mais à leurs enfants ainsi qu'aux membres de leur famille, à leurs amis, à leur employeur et à leurs collègues. La maltraitance a également des retombées financières, sociales, psychologiques et elle nuit à la santé. De plus, le processus à suivre pour traduire les agresseurs en justice coûte cher.
La maltraitance est un problème lié aux droits de la personne. Je suis une survivante qui a subi une violence extrême et de la torture aux mains de mon mari et de membres de sa famille élargie, et j'ai choisi de briser mon silence, d'en dévoiler le secret et de le divulguer pour vous décrire ce qu'est réellement la violence familiale et à quel point elle est grave. J'espère aussi que mon témoignage vous troublera tellement, vous enragera tellement que vous m'aiderez à apporter des changements positifs afin d'éliminer la violence familiale.
Je voudrais voir un plus grand nombre d'hommes et de femmes s'unir pour lutter contre ces sévices. Si nous ne faisons rien pour contrer cela, j'ai bien peur que cette violence ne s'accroisse. J'ai bien l'impression que de nombreuses femmes maltraitées ont abandonné tout espoir pour leur avenir. Mon expérience de femme maltraitée m'a convaincue que nous devons prendre des mesures initiales en établissant des plans pour les femmes. Nous devons leur donner un peu d'espoir.
Mais j'ai une question à vous poser. Comment protéger les jeunes filles et les victimes de plus de 16 ans, et qu'entendons-nous par tolérance zéro? Parlons-nous de probation ou d'une période de détention? Et comment traiterons-nous les récidivistes?
Je vais conclure en vous remerciant de m'avoir invitée. Ensemble, nous pouvons transformer cette situation en positif. Je vous remercie du fond du coeur d'avoir pris cette initiative.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour.
Je m'appelle Madeline Lamboley et je suis doctorante en criminologie à l'Université de Montréal. J'ai récemment déposé ma thèse de doctorat sur le mariage forcé de femmes immigrantes au Québec.
Aujourd'hui, j'aimerais faire part de mon point de vue sur la criminalisation du mariage forcé. Je vous remercie de cette initiative.
J'ai fait ma thèse de doctorat à partir d'une approche qualitative qui s'est construite autour d'entretiens de type « récit de vie » effectués auprès de 11 femmes âgées entre 18 et 50 ans, vivant, ayant vécu ou ayant été menacées d'un mariage forcé au Québec. J'ai complété cela avec 17 entrevues de type « récit d'expérience » menées auprès d'informateurs clés provenant des milieux de pratique de la police, de la justice, et du milieu social et communautaire.
Durant la préparation de cette thèse de doctorat, je me suis demandé si la criminalisation spécifique du mariage forcé serait une solution.
Il ressort de l'analyse de mes données que, malgré la grande vulnérabilité des victimes d'un mariage forcé vivant au Canada, pour le moment, la criminalisation spécifique de cette forme d'union conjugale ne paraît pas pouvoir être envisagée comme une solution.
Pourquoi est-ce ainsi? Quatre raisons sont ressorties.
Il faut comprendre avant d'agir. Plusieurs informateurs clés s'entendent pour dire qu'avant de criminaliser le mariage forcé, il est essentiel d'en comprendre tous les tenants et aboutissants et, en premier lieu, de s'entendre sur une définition commune afin de faire la même lecture de la problématique. Or, ce n'est pas encore le cas.
Par ailleurs, il n'y a pour ainsi dire aucune donnée quantitative sur le sujet; on ne connaît pas son ampleur réelle. Les mariages forcés existent au Québec et au Canada, mais dans quelle proportion? C'est à cette question qu'il faudrait répondre avant d'entamer une quelconque démarche en vue de légiférer ou de prendre quelque autre mesure. Par ailleurs, il existe d'autres voies qui permettent de criminaliser les comportements néfastes qui découlent des mariages forcés.
En effet, même si cela donnerait certainement plus de pouvoir d'action aux autorités, le Canada ne paraît pas prêt à prendre une telle mesure. D'ailleurs, est-elle nécessaire? L'État ne possède-t-il pas déjà toutes les ressources juridiques pour intervenir? Le Canada n'est en effet pas démuni pour faire face à cette problématique dans la mesure où il est possible d'intervenir judiciairement pour criminaliser les actions répréhensibles qui marquent grand nombre de situations de mariage forcé (menaces, agression, agression sexuelle, enlèvement, séquestration, mariage feint, extorsion, intimidation, voies de fait, meurtre, tentative de meurtre, et autres) sans toutefois leur être spécifique.
Il reste une panoplie de situations plus insidieuses, déjà bien documentées, qui marquent la réalité des mariages forcés: exploitation, servitude domestique, voire même, dans certains cas extrêmes, esclavage. Ces situations sont beaucoup plus difficiles à faire valoir légalement, ou même socialement. Il faut renforcer les mesures législatives déjà en place.
Je me suis demandé si, dans un contexte migratoire et en l'absence d'un instrument international de protection spécifique pour les victimes de mariage forcé, il serait pertinent d'envisager l'application du Protocole relatif à la traite des personnes. Le protocole a été ratifié par un grand nombre d'États, dont le Canada. Il prévoit de mettre en oeuvre des mesures en vue d'assurer la sécurité physique des personnes et d'examiner la possibilité de prendre des mesures législatives grâce auxquelles les victimes pourraient rester au pays de manière temporaire ou permanente. À défaut de sanction spécifique, le protocole serait une avenue possible de solution à explorer.
Si la criminalisation spécifique du mariage forcé n'est pas envisageable ou souhaitable, pourrait-il être envisageable ou souhaitable, par exemple, que la condition forcée du mariage s'ajoute au contexte conjugal pour former un facteur aggravant des violences encourues qui pourrait comprendre la notion d'exploitation?
On a des doutes quant à l'effet dissuasif d'une loi criminelle. Plusieurs auteurs, dont Mme Rude-Antoine et M. Neyrand, dont je partage l'avis, se sont questionnés sur la faisabilité d'une interdiction du mariage forcé. Les textes juridiques sont nombreux. Pour autant, on n'est pas convaincu de voir dans cette action législative une efficacité et une adéquation avec la réalité sociale de ces mariages forcés qu'elle prétend combattre.
La difficulté du principe de cette démarche de pénalisation s'avère double. Il s'agit, en effet, d'une part de pouvoir identifier le moment du passage de la suggestion, que propose un mariage arrangé, à l'imposition que réalise un mariage forcé; et, d'autre part, d'éviter que la pénalisation, en stigmatisant les parents, les familles et leur culture d'origine, n'incite encore plus de jeunes filles à donner leur consentement malgré elles.
Qui est visé par la criminalisation? Ce sont les parents, le mari, la belle-famille, la famille élargie et la communauté.
Depuis que certains pays européens ont criminalisé cela, combien de cas ont été mis en accusation ou abouti à une peine? C'est tout le défi que représente l'application d'une loi interdisant une pratique préjudiciable.
La loi n'est pas inutile, mais l'éradication des mariages forcés exige davantage que l'approche judiciaire. De plus, ce serait peut-être un fardeau supplémentaire pour la victime. De surcroît, plusieurs personnes interviewées, tant des informateurs clés que j'ai rencontrés que des femmes, doutent de l'effet dissuasif d'une disposition criminelle spécifique pour les mariages forcés. Par ce moyen, la société canadienne affirmerait son désaccord face à une telle pratique, mais pourrait-elle dans la foulée assurer la protection des femmes qui en sont victimes? Bon nombre s'entendent plutôt pour dire que l'on stigmatiserait ainsi encore un peu plus les victimes dont le lot de vulnérabilité pèse déjà assez lourd.
Le projet de loi dénote une prise de conscience de la part du gouvernement, que je salue pour cela. Toutefois, il manque de nuances et il pourrait avoir l'effet inverse de celui recherché et isoler un peu plus les victimes de mariage forcé, voire exacerber la violence dont elles font l'objet. Ce projet de loi ne s'appuie pas, selon moi, sur une bonne compréhension des enjeux complexes des violences faites aux femmes et aux enfants dans un contexte d'honneur.
Si l'avenue de la criminalisation n'est pas ouverte à ce stade des connaissances, quelles sont les solutions possibles pouvant être mises en place ou simplement utilisées par le Canada et le Québec afin de venir en aide aux victimes?
Le projet de loi prévoit que l'âge légal du mariage soit élevé à 16 ans, mais pourquoi ne pas l'élever plutôt à 18 ans, à l'âge de la majorité? Aussi, le mariage doit être célébré civilement. En France par exemple, le mariage doit être célébré civilement par l'autorité compétente avant d'être célébré religieusement. Ce serait peut-être une avenue à envisager. Il y a un problème lié aux célébrants, c'est-à-dire qu'un père ou une mère, en signant un formulaire, peut devenir célébrant. Cela pose beaucoup de difficulté.
Il faut éduquer, former les milieux de pratique et sensibiliser plus largement la population. Il faut certainement offrir des services de soutien et mettre en place un plan d'action national favorisant le travail de concertation entre les institutions et les organismes communautaires. Il faut qu'il y ait un protocole de lutte contre les mariages forcés. On pourrait aussi mettre en place une cellule de recueil d'informations préoccupantes comme ce qu'a fait la France; avoir une politique...
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Merci, monsieur le président.
Un grand merci aux témoins.
Monsieur le président, je voudrais présenter une brève observation au sujet de ce que M. Spratt a dit lorsqu'il a mentionné la provocation.
Bien entendu nous savons tous, monsieur le président, que la provocation est un moyen juridique de défense au Canada. D'un autre côté, le moyen de défense dont nous parlons dans le cas d'un crime d'honneur a été invoqué au moins trois fois au Canada. Les comportements provocateurs allégués dans ces causes étaient l'infidélité réelle ou perçue par le mari ainsi que l'autre comportement de la victime que l'agresseur avait perçu comme lui manquant de respect et le défiant, lui ou les membres de sa famille ou la culture de sa famille.
Ces allégations ont été rejetées — et M. Spratt le sait aussi — parce que les preuves présentées ne suffisaient pas. Bien entendu, l'amendement qu'apporterait ce projet de loi moderniserait ce moyen de défense pour qu'il ne s'applique que si le comportement provocateur allégué s'avère objectivement grave, autrement dit s'il s'agit d'un délit criminel entraînant une peine maximale de cinq ans. Évidemment, cette réforme limiterait ce moyen de défense pour qu'il ne puisse plus excuser un meurtre commis pour un comportement provocateur légitime.
On a beaucoup discuté du fait que ce moyen de défense a été rejeté parce qu'il avait été présenté dans le cadre d'un crime d'honneur commis ici au Canada. Bien que ce soit le cas jusqu'à présent, rien n'empêchera un tribunal de l'accepter à l'avenir. Le common law l'accepte peut-être, mais dans notre société actuelle, l'épouse d'un homme ne constitue pas un bien personnel. Nous devons reconnaître l'esprit de notre époque. Bien entendu, j'ai aussi entendu affirmer que nous disposons déjà de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. J'ai aussi entendu dire que nous n'avons pas besoin de ce projet de loi parce qu'il n'est pas absolument nécessaire. Mais dans le contexte de l'immigration potentielle — mariages forcés ou mariages précoces visant uniquement à permettre à quelqu'un d'immigrer — je crois que ces situations relèvent de la Loi sur l'immigration.
Madame Dhillon, je reviens à vous parce que mon temps est très limité.
Je suis convaincu que ce projet de loi transmet un message très clair aux personnes qui viennent dans notre pays, leur indiquant que les pratiques culturelles violentes et causant des torts ne sont pas acceptées au Canada. Elles sont incompatibles avec les valeurs canadiennes, et nous ne les tolérerons pas. Vous avez aussi entendu des témoins citer des critiques qui affirment que ce projet de loi n'est pas nécessaire, comme s'ils affirmaient que notre gouvernement crée un problème qui n'existe pas vraiment. Je ne suis pas d'accord avec eux.
Qu'en pensez-vous? Pensez-vous que ce projet de loi n'est pas nécessaire?