Passer au contenu

SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 058 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 mars 2015

[Enregistrement électronique]

(1925)

[Traduction]

    Chers collègues, je déclare ouverte la 58e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Bien sûr, la séance d'aujourd'hui portera, comme les séances précédentes, sur le projet de loi C-51.
    Conformément à l'horaire, nous recevrons ce soir trois témoins, au cours de la première heure.
    Nous accueillons M. Avi Benlolo, président et chef de la direction de l'organisme Les amis du Centre Simon Wiesenthal pour les études sur l'Holocauste.
    Par vidéoconférence, de Calgary, nous accueillons M. le juge John Major. Bienvenue, monsieur.
    Par vidéoconférence, de Vancouver, nous accueillons M. Martin Collacott, du Centre pour une réforme des politiques d'immigration. Bienvenue.
    Chaque témoin disposera de 10 minutes pour faire une déclaration, s'il le désire, après quoi nous passerons à la période de questions. J'aimerais porter à l'attention du comité le fait que M. John Major n'aura pas de déclaration préliminaire à faire, mais, bien sûr, il sera présent pour la période de questions.
    Nous allons procéder selon l'ordre du jour, et commencer par les déclarations préliminaires.
    Monsieur Benlolo, vous avez donc la parole, monsieur.
    J'aimerais cependant vérifier quelque chose, avant que vous ne commenciez.
    Monsieur le juge Major, monsieur Collacott, êtes-vous bien en vie et bien branchés, là-bas?
    Je parle au nom de John Major, et je suis bien en vie depuis quelque temps déjà.
    C'est bien, merci.
    Monsieur Collacott, êtes-vous d'aussi bonne humeur, ce soir?
    Oui, bien sûr. Je vous remercie du fond du coeur.
    Au nom du comité, je m'excuse d'avoir fait attendre tous nos témoins. Malheureusement, comme vous le savez, le Parlement n'est pas un organisme entièrement prévisible, et nous avons dû tenir un vote, ce soir. Mais nous sommes tous présents, maintenant, et nous vous remercions de votre patience. Nous allons maintenant commencer.
    Monsieur Benlolo, vous avez la parole.
    Je parlerai pendant environ huit minutes, après quoi je répondrai à vos questions, si vous le désirez.
    Bonsoir, tout le monde, et merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous ici aujourd'hui.
    Je m'appelle Avi Benlolo, et je suis le président et chef de la direction de l'organisme Les amis du Centre Simon Wiesenthal pour les études sur l'Holocauste. L'organisme a été créé dans le but de faire progresser l'humanité au nom de Simon Wiesenthal, survivant de l'Holocauste, dont la propre famille a perdu quelque 80 membres. M. Wiesenthal a consacré le reste de sa vie non pas à la vengeance, mais à la poursuite en justice des criminels de guerre, à l'éducation et à la lutte contre l'antisémitisme, la haine et l'intolérance.
    De fait, l'éducation et la défense des intérêts de la société constituent le mandat de mon organisme.
    À l'occasion d'une séance spéciale sur l'antisémitisme, qui s'est tenue à la Chambre des communes le 23 février, Les amis du Centre Simon Wiesenthal ont reçu à juste titre une reconnaissance pour leurs programmes dynamiques de lutte contre l'antisémitisme s'appuyant sur l'éducation et la promotion de la tolérance de tous.
    Aujourd'hui, la moitié de la population mondiale est privée de liberté en conséquence d'idéologies oppressives. Selon les calculs de l'organisme Freedom House, 12 % seulement des 957 millions d'habitants de l'Afrique subsaharienne sont libres, ce qui est le cas de seulement 5% des 410 millions d'habitants de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
    La démocratie, et le monde tel que nous le connaissons, sont menacés par des groupes comme l'État islamique, Boko Haram, Al Qaïda, les talibans, le Hezbollah, le Hamas et d'autres groupes, qui mettent en place des idéologies impitoyables fondées sur la haine et l'intolérance.
    Selon l'indice du terrorisme mondial, établi par l'Institut pour l'économie et la paix, il y a eu en 2013 une augmentation de 61 % du nombre d'attaques terroristes par rapport à l'année précédente. Étant donnée l'émergence de l'État islamique, on ne peut s'attendre qu'à une hausse importante en 2014.
    Les 10 derniers mois ont fait la preuve que le monde occidental est lui aussi touché par ces statistiques, et la communauté juive se sent particulièrement vulnérable. L'attaque contre le musée juif, à Bruxelles, en mars 2014, celle du supermarché casher à Paris, en janvier 2015, puis l'assassinat d'un garde juif devant la synagogue principale de Copenhague, en février 2015, ne sont que quelques exemples du terrorisme grandissant ciblant la communauté juive.
    En effet, il est devenu pour les terroristes pratique courante de cibler des juifs soit directement, comme en Bulgarie, où un autobus de touristes juifs a été bombardé, en 2012, soit dans le cadre d'attaques plus larges, comme à Mumbai, en 2008, où 160 personnes ont trouvé la mort en plus de 6 personnes qui ont été tuées dans une synagogue. Bien sûr, je ne peux passer sous silence l'attentat contre Charlie Hebdo, à Paris, qui s'est doublé d'une attaque contre un supermarché casher.
    C'est pourquoi la possibilité d'une attaque contre la communauté juive du Canada et d'un massacre collectif ne doit pas être considérée comme inimaginable. Selon les statistiques sur les crimes haineux publiées la semaine dernière seulement par le Service de police de Toronto, la communauté juive est la cible la plus fréquente des crimes haineux, et leur nombre a augmenté de 11 % en 2014. La communauté juive reste donc très vulnérable à des attaques terroristes.
    Le procès des terroristes Chiheb Esseghaier et Raed Jaser, par exemple, qui ont été reconnus coupables, a mis au jour des plans visant à faire dérailler un train de VIA Rail et à embaucher un tireur d'élite pour tuer, et je cite les dossiers de renseignements de la police, des membres notoires de la société canadienne ainsi que [traduction] « de riches juifs ».
    Les attaques atroces contre la Colline du Parlement et le meurtre de l'adjudant Patrice Vincent et du caporal Nathan Cirillo devraient être une sonnette d'alarme pour tous les Canadiens.
    La détention récente de Jahanzeb Malik, qui avait planifié de bombarder le consulat des États-Unis à Toronto, parmi d'autres immeubles du district des finances, prouve que cette menace est réelle et persistante.
(1930)
    Notre gouvernement a la responsabilité, avant toute chose, d'assurer la sécurité physique des citoyens canadiens. Voici ce qu'en dit le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme:
    La sécurité de la personne étant un droit fondamental de l’homme, la protection des individus constitue pour les gouvernements une obligation essentielle. Les États sont tenus de garantir les droits fondamentaux de leurs citoyens et des autres ressortissants en prenant des mesures positives pour les protéger contre la menace d’actes terroristes et de traduire les auteurs de tels actes en justice.
    Les amis du Centre Simon Wiesenthal appuient l'esprit du projet de loi C-51 et les efforts déployés pour améliorer la sécurité de notre pays. Nous sommes en particulier favorables à la décision d'augmenter l'échange d'information entre les institutions du gouvernement du Canada et à la création d'une infraction criminelle visant les personnes qui, sciemment, font l'apologie ou la promotion des actes terroristes.
    Ce qui me préoccupe, c'est que les gens qui s'opposent à ce projet de loi sont nombreux à n'être tout simplement pas au courant de la menace croissante que constitue le terrorisme et de la montée de la haine, ici, au Canada, en particulier sur les campus universitaires, mais pas exclusivement.
    J'aimerais vous donner quelques exemples. L'Université York, à Toronto, est un exemple typique. Au centre étudiant de l'Université York, il y a une murale qui montre un Palestinien s'apprêtant à lancer des roches qu'il cache derrière son dos. Sur son foulard, il y a une représentation d'une carte où la place d'Israël est vide. Cette image violente s'ajoute au profil Facebook de l'actuel président élu de l'association étudiante de l'Université York, dont la photographie est accompagnée de la légende [traduction] « Écrasons le sionisme ». Ces exemples, à mon avis, témoignent clairement d'un appel à la violence contre les juifs et les amis d'Israël.
    Un étudiant de York m'a dit quelque chose, récemment; il passait près d'une table où étaient assis des partisans de la Palestine qui lui ont demandé s'il voulait [traduction] « aller au paradis », ce qui est le code connu pour le recrutement de djihadistes. En outre, les organisations étudiantes qui, supposément, militent en faveur des droits de la personne, accrochent le drapeau d'organisations terroristes connues, dans le cadre de divers événements, sans conséquence.
    Je crains que l'antisémitisme et la haine croissants, sur les campus, ne mènent vers l'étape logique suivante et inspirent les étudiants à faire du recrutement ou à joindre les rangs des organisations terroristes. Mon organisation encourage la liberté d'expression et l'ouverture des débats, mais, si on tolère la propagation d'une idéologie hostile, qui cible un groupe spécifique et crée une atmosphère de peur et d'intimidation, dans nos institutions du haut savoir, on crée un dangereux précédent.
     Dans son ouvrage intitulé Radical: My Journey out of Islamic Extremism, Maajid Nawaz explique comment il s'est servi de sa position de président de l'association étudiante, au Collège Newham de Londres, pour recruter des étudiants et les gagner à sa cause radicale. Dans son livre, il donne un aperçu formidable de la question du recrutement de terroristes sur les campus universitaires et parle en faveur des lois nécessaires, notamment le projet de loi C-51 au Canada.
    C'est pourquoi nous aimerions que le projet de loi tienne compte du radicalisme croissant sur les campus canadiens. Cela comprend le financement du terrorisme, directement ou indirectement, et la prise en compte de ce que j'appelle le terrorisme économique. Cela peut comprendre, par exemple, le parrainage de flottilles qui vont soutenir et encourager les groupes terroristes et des campagnes visant à boycotter et sanctionner sur le plan économique des États démocratiques alliés du Canada.
     Les amis du Centre Simon Wiesenthal reconnaissent que les répercussions possibles du projet de loi C-51 sur les manifestations pacifiques et la liberté d'expression soulèvent des préoccupations. Nous sommes d'accord pour clarifier davantage la définition de certains termes comme « gestes légaux d'intervention ». Cependant, nous espérons que le projet de loi aidera à empêcher que les gestes publics d'intervention et de protestation n'alimentent la haine, le radicalisme et la violence, comme nous l'avons observé dans le cadre d'événements comme le rassemblement de la Journée d'Al-Quds, un événement organisé tous les étés à Queen's Park, créé ou ouvertement soutenu par l'Iran.
(1935)
     Même si nous ne voulons pas que les manifestations pacifiques soient associées au terrorisme, ce type d'incitation à la violence illustre les activités que le projet de loi C-51, à notre avis, devrait contrer. Nous sommes en outre favorables à l'objectif du projet de loi d'augmenter le niveau de surveillance de la propagande terroriste diffusée sur Internet. L'ubiquité des textes haineux en ligne ne devrait pas être considérée comme un fait de la vie moderne; il faut au contraire que les organismes qui ont la responsabilité de protéger nos libertés contre ceux qui cherchent à les détruire la remettent en question.
     Les amis du Centre Simon Wiesenthal sont on ne peut plus favorables aux objectifs et intentions du projet de loi C-51, car nous constatons de nos propres yeux que le terrorisme est une réalité, dans notre pays. Nous envisageons ce projet de loi comme une malheureuse nécessité, qui doit assurer plus de sécurité à l'ensemble des Canadiens. Cela dit, il est d'une importance critique que des mécanismes légaux et procéduriers suffisants soient mis en place pour faire en sorte que nos droits à la vie privée, aux manifestations pacifiques et à la liberté d'expression ne soient d'aucune manière minés. Je suis convaincu que nous pouvons trouver le juste équilibre.
    J'aimerais terminer sur un mot de notre fondateur, Simon Wiesenthal, dont la citation suivante est célèbre: [traduction] « La liberté n'est pas un cadeau tombé du ciel, et il faut se battre pour elle chaque jour. »
     Je crois sincèrement que c'est de cela dont il est question dans le projet de loi C-51.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Benlolo.
    Nous donnons maintenant la parole à M. Collacott. Vous avez la parole, monsieur. Vous pouvez prendre jusqu'à 10 minutes, si vous le désirez.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.
     Comme c'est la première fois que je pends la parole devant votre comité, je vais donner un bref aperçu des raisons pour lesquelles je m'intéresse au projet de loi C-51 et de mon expérience du dossier de la menace terroriste.
    J'ai travaillé pour le ministère des Affaires étrangères, à titre de haut-commissaire ou d'ambassadeur, dans un certain nombre de pays touchés par des problèmes, réels ou imminents, de terrorisme, entre autres le Sri Lanka, la Syrie, le Liban et le Cambodge. À la fin de ma carrière, je travaillais à l'administration centrale des Affaires étrangères, à Ottawa, et j'étais responsable entre autres choses de coordonner les politiques en matière de contre-terrorisme et de contre-espionnage. Après avoir pris ma retraite de la fonction publique, j'ai publié des articles dans un certain nombre de journaux et j'ai aussi fait paraître un assez long texte sur le terrorisme au Canada.
     En ce qui concerne le projet de loi C-51, laissez-moi d'abord dire que la menace du terrorisme est sérieuse, au Canada, et que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour y faire face. En plus d'attentats commis par des loups solitaires, comme les deux incidents survenus en octobre, il y a eu des complots visant à tuer le plus grand nombre possible de personnes. En ce qui a trait expressément au terrorisme inspiré par l'islam, en particulier, nous pouvons remonter jusqu'au complot fomenté par celui qu'on a appelé le « millennium bomber », Ahmed Ressam, en 1999; au projet plus récent des « 18 de Toronto » de prendre d'assaut le Parlement et de décapiter le premier ministre; aux conspirateurs qui projetaient de faire sauter un train de VIA Rail, dont le procès vient juste de se terminer; et aux accusations portées contre Jahanzeb Malik, qui aurait fait des plans élaborés pour faire sauter le consulat des États-Unis et des immeubles du secteur financier de Toronto. Je crois que M. Benlolo a mentionné ces deux derniers événements.
    Exception faite du cas d'Ahmed Ressam, les conspirations ont été déjouées, car nos responsables de la sécurité et du renseignement ont consacré d'importantes ressources à l'identification et à la surveillance de leurs auteurs. Ressam, en passant, est entré illégalement au Canada grâce à un passeport français altéré, en 1994. Même s'il était connu des autorités, il a réussi à passer sous le radar et a circulé librement jusqu'à ce qu'il soit finalement arrêté pendant qu'il tentait d'entrer aux États-Unis avec des explosifs qu'il voulait faire exploser à l'aéroport de Los Angeles.
    Nos organismes responsables de la sécurité et du renseignement assurent maintenant un suivi beaucoup plus efficace des personnes soupçonnées de terrorisme. Je crois que l'une des raisons pour lesquelles certains Canadiens croient que la menace terroriste au Canada est exagérée, c'est que nos responsables de la sécurité et du renseignement font du très bon travail. Leur réussite, toutefois, a un prix. Assurer la surveillance de ce genre de personnes ou des menaces terroristes, cela exige beaucoup de ressources, tellement, en fait, que le commissaire Paulson de la GRC a déclaré devant votre comité, le 6 mars, qu'il avait dû affecter 600 employés à temps plein aux activités de lutte contre le terrorisme en les déchargeant d'autres tâches relevant du gouvernement fédéral. Je parle des secteurs du crime organisé, des stupéfiants, de l'intégrité financière, et, je le pense, des activités d'espionnage menées par les gouvernements étrangers.
    Le Canada n'est pas le seul à faire face aux difficultés que suppose la surveillance d'un nombre élevé de menaces terroristes potentielles. En Grande-Bretagne, par exemple, les deux terroristes islamiques qui ont décapité un soldat britannique dans les rues de Londres, en mai 2013, figuraient sur la liste des personnes à surveiller, mais, étant donné que cette liste compte environ 2 000 suspects, il a été impossible de surveiller ces deux derniers assez étroitement pour empêcher le meurtre. C'est la même chose aux États-Unis, car Tamerlan Tsarnaev, qui subit actuellement son procès pour l'attentat survenu à Boston, figurait sur la liste des terroristes à surveiller du FBI.
    Non seulement faisons-nous face à l'heure actuelle à un large éventail de menaces, mais il est probable que leur nombre va continuer à augmenter. Il n'est pas facile d'estimer avec précision l'étendue exacte de ces menaces, puisqu'un certain nombre de facteurs entrent en jeu, par exemple le rôle d'Internet dans le processus de radicalisation ou la mesure de la participation des recruteurs locaux, etc. Nous devons aussi nous attendre à quelques ennuis du côté des Canadiens qui ont rejoint l'État islamique en Syrie et ont réussi à revenir au Canada la tête pleine d'opinions extrémistes. Je crois qu'il y en aurait 130, selon une estimation.
    De plus, nous allons devoir composer avec l'expansion de la collectivité musulmane, qui augmente rapidement. Selon un sondage mené par Environics en 2007, qui est l'un des sondages les plus exhaustifs qui soient, peut-être, touchant les attitudes des musulmans du Canada, un très grand pourcentage d'entre eux rejettent la violence. Seulement une personne sondée sur huit, par exemple, était d'avis que le complot des 18 de Toronto était justifié.
(1940)
    Cependant, si l'on se fonde sur les projections démographiques pour 2031 de Statistique Canada, la population musulmane connaîtra une augmentation très substantielle, passant d'un peu plus de un million aujourd'hui à deux fois et demie ce nombre en 2031. Si la proportion des gens qui croient que le complot des 18 de Toronto est justifié reste la même, à savoir d'environ un sur huit, le bassin à partir duquel des djihadistes violents pourraient émerger serait donc beaucoup plus important qu'aujourd'hui.
    Les terroristes ne viennent tous pas de la collectivité musulmane. En fait, il y a eu un certain nombre d'incidents notables où les terroristes étaient des convertis. On ne sait pas clairement combien exactement de djihadistes violents sont des convertis. Selon les études réalisées dans d'autres pays, il s'agirait de la majorité; en Australie, cette proportion s'élève à 90 %. Je dirais, mais c'est une simple supposition, que de 70 % à 90 % des terroristes, probablement, sont issus de la collectivité musulmane.
    Étant donné ces diverses considérations, il est probable que, à l'avenir, les organismes responsables de la sécurité et du renseignement devront assurer la surveillance d'un nombre considérablement plus élevé qu'aujourd'hui de suspects et qu'ils ne pourront pas assurer cette surveillance sans transférer encore plus de ressources au détriment d'autres tâches. Dans les circonstances, il est raisonnable de donner à ces organismes des pouvoirs accrus pour qu'ils puissent faire face à la menace et, même s'il faut pour cela trouver un autre équilibre entre les libertés civiles et la sécurité, je crois fermement que cela ne nous amènera pas sur une pente glissante vers un État policier, comme certains le laissent entendre. La démocratie et la société civile, au Canada, sont beaucoup trop fortes pour que cela puisse se produire, et je crois que si les propositions législatives sont jugées excessives et considérées comme une menace à nos traditions démocratiques et à nos droits civils, les institutions et mécanismes nécessaires sont en place et pourront apporter les correctifs qui s'imposent.
    D'ici là, je crois que l'on peut à juste titre défendre la nécessité de mettre en place de robustes mécanismes de surveillance et d'examen. Cela pourrait exiger des ressources supplémentaires, si les mécanismes actuels restent en place.
    Avant de conclure, j'aimerais parler d'une autre question qui est pertinente dans le cadre de notre discussion. Il est dans l'intérêt de tous les Canadiens, musulmans ou non, de faire en sorte que nos concitoyens musulmans soient bien accueillis et intégrés dans la société canadienne. Dans ce but, la GRC a participé à des programmes de sensibilisation communautaire afin de nouer des relations plus étroites avec les membres de la collectivité musulmane et d'autres minorités et pour établir une relation de confiance.
    De tels programmes comportent toutefois des écueils, et il faut agir avec une prudence considérable et s'informer des motifs des groupes qui y participent. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, la GRC a appris, en septembre dernier, que certaines des organisations à qui elle avait tendu la main n'étaient pas exactement ce qu'elles prétendaient être.
    Le Conseil national des musulmans canadiens, le CNMC, dont le directeur exécutif a comparu devant votre comité le 12 mars dernier, aurait travaillé 14 mois en collaboration avec une autre organisation musulmane à l'élaboration d'un manuel intitulé Unis contre le terrorisme. La GRC avait accepté de rédiger une section de ce manuel. De fait, le nom et le logo de la GRC figuraient sur la couverture de l'ouvrage.
    Peu avant la publication, toutefois, alors que l'impression avait déjà commencé, la GRC a décidé de se retirer du projet; selon les médias, elle aurait retiré son aide en raison du ton accusatoire de certaines parties de l'ouvrage. Selon certains articles, la GRC se préoccupait entre autres du fait que les auteurs du manuel conseillaient aux musulmans de ne collaborer que de façon limitée avec les organismes canadiens responsables de la sécurité et du renseignement.
    Si les agents de la GRC avaient procédé à un examen plus minutieux des antécédents du CNMC, ils auraient vu qu'il existait dès le départ des raisons de se montrer prudents quant à la possibilité de participer à ce projet. En 2007, par exemple, le directeur général des communications du SCRS a déclaré que l'organisation, connue alors et jusqu'en 2013 sous le nom de Council on American-Islamic Relations du Canada, semblait conseiller aux musulmans canadiens de ne pas aider le SCRS à s'acquitter de ses fonctions et lançait en même temps dans les médias de vagues accusations concernant un comportement inapproprié du personnel du SCRS; toutefois, l'organisme ne profitait jamais de la possibilité qui lui était offerte, comme il le savait, d'aviser la direction du SCRS de ce comportement inacceptable supposé.
    J'ai moi-même surveillé les activités du CNMC, au fil des changements de noms survenus à répétition au cours des 15 dernières années, et je connais donc bien ses objectifs et son modus operandi. J'ai préparé une description longue de cinq pages qui a été intégrée à une étude publiée en 2006 par l'Institut Fraser. Le Conseil national des musulmans canadiens dit clairement qu'il rejette le terrorisme, et, dans son incarnation précédente, le Council on American-Islamic Relations Canada s'est efforcé, avec un succès relatif, de se dissocier de son organisation parente, le Council on American-Islamic Relations des États-Unis, après que des membres importants de cette dernière ont été reconnus coupables de terrorisme.
(1945)
    Quoi qu'il en soit, le CNMC utilise le vocabulaire des victimes, qui divise et exagère, un peu comme le font des organismes terroristes tel l'État islamique, et qui présente les musulmans comme des cibles permanentes de discrimination. Je pourrais donner comme exemple un des arguments utilisés, selon lequel il y a eu une augmentation des actes dirigés contre l'islam après le 11 septembre. C'est vrai, il y en a eu pendant deux ou trois mois, mais après, il y a eu trois fois plus d'actes contre les juifs, même si le Canada compte bien moins de juifs que de musulmans.
    D'aucuns sont d'avis que...
(1950)
    Monsieur Collacott, je vous demanderais de conclure, si vous le voulez bien. Vous avez un peu dépassé votre temps.
    D'accord.
    Certains soutiennent que l'insistance du CNMC sur cette position de la victime vise à soutirer au gouvernement et à la société des concessions qui permettraient aux musulmans de la ligne dure de promouvoir le programme de l'islam. En général, une organisation qui est accusée de présenter des musulmans stéréotypés va plier. C'est ce qu'a fait la SRC. C'est ce qu'a fait la CIBC. La façon dont cet organisme représente les musulmans canadiens soulève d'autres questions. Je pourrais revenir sur le sujet pendant la période de questions, si cela intéresse quelqu'un.
    Merci beaucoup, monsieur le président, j'ai maintenant terminé.
    Merci beaucoup.
    Vous êtes revenu, monsieur le juge Major. Un gros merci.
    C'est maintenant le temps de la période des questions. Nous allons commencer par M. Payne, s'il vous plaît.
    Je remercie les témoins qui participent à la séance par vidéoconférence et aussi, bien sûr, M. Benlolo ici présent.
    Il s'agit de toute évidence d'un projet de loi très important. Nous avons reçu un nombre assez important de témoins, qui nous ont parlé du projet de loi. Nous avons reçu quelques témoins à titre personnel. Nous avons reçu M. Leuprecht. En résumé, il a dit que les terroristes représentaient un danger. Les terroristes sont réels. M. Mansur a dit, de plus, qu'il n'y avait pas de liberté sans sécurité et qu'il s'agit d'une guerre qui concerne le monde entier. Je voulais présenter ces réflexions et ces points en guise de préambule.
    Je crois qu'il est possible que les gens ne portent pas assez attention à ce qui se passe. Je pense aux activités terroristes qui ont eu lieu non seulement ici, au Canada, mais partout ailleurs dans le monde. Un certain nombre d'entre vous ont déjà parlé des divers incidents qui se sont produits ici, au Canada, des arrestations qui ont été faites et des accusations qui ont été portées.
    Je vais adresser mes premières questions à M. Benlolo.
    Votre organisation s'est dite favorable à ce projet dès qu'il a été présenté. Bien sûr, vous avez abordé la question de la menace à laquelle fait face la collectivité juive au Canada et ailleurs dans le monde et vous avez dit pourquoi il était important pour nous d'adopter ces lois et de fournir les outils nécessaires.
    Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions quant à la fourniture d'outils additionnels aux organismes d'application de la loi et au SCRS?
    En ce qui concerne la fourniture d'outils additionnels, je suis tout à fait en faveur. J'ai travaillé d'assez près avec les services de police, je les connais très bien. Nous parlons constamment des crimes haineux et des lois sur les crimes haineux, et nous essayons de dénoncer tous les discours haineux. J'ai parlé de la Journée d'Al-Quds; nous avions tenté d'engager des poursuites, car il nous a semblé assez déconcertant de voir qu'une personne, dans le cadre d'une manifestation, pouvait prendre la parole, prononcer un discours haineux à l'égard de la collectivité juive et menacer de partir en Israël pour tirer sur tout ce qui bouge, comme une personne l'a effectivement fait.
    Nous avons eu des échanges avec les services de police. Nous sommes d'accord avec une des déclarations qui ont été faites, soit que nous croyons que le milieu du renseignement et les services de police n'ont pas accès à des ressources suffisantes. Il en faudrait beaucoup plus. C'est pourquoi il y a bien des choses qui passent sous le radar. Étant donné que je fais ce travail depuis plus de 15 ans, je surveille des sites Web et des groupes haineux émergents en plus de suivre tout le dialogue qui se déroule sur les réseaux sociaux. Je sais donc qu'une bonne partie de tout cela échappe aux mesures de contrôle, ne fait pas l'objet d'un suivi suffisant. Je crois, oui, qu'il est nécessaire de fournir davantage de ressources, que cela est plus que nécessaire, c'est essentiel si notre pays peut fournir un filet de sécurité non seulement pour... J'ai parlé de la communauté juive, parce que j'en fais partie, mais je suis véritablement préoccupé. À Toronto, par exemple, si quelqu'un qui porte un sac à dos prend le métro, le matin, à l'heure de pointe, il faudrait s'inquiéter, vraiment. Je ne crois pas que les gens en général, au Canada, je veux dire par-là les citoyens et les organismes d'application de la loi, sont suffisamment en alerte. Je crois sincèrement que tout le monde dort encore.
    Je crois que ce projet de loi aura pour conséquence, entre autres, de réveiller les gens, et c'est exactement ce que nous faisons ici aujourd'hui, à mon avis.
(1955)
    Merci.
    Nous avons entendu ce matin un représentant du service de police de Toronto, qui est très favorable aux dispositions touchant l'apologie et la promotion du terrorisme qui vont modifier le Code criminel. Le témoin a donné de nombreux exemples d'incidents où des personnes faisaient la promotion de la haine et de la violence, mais en pesant bien leurs mots de façon à échapper aux lois en vigueur.
    Je crois que c'est probablement de cela que vous voulez parler. J'aimerais, si c'est possible, que vous fassiez d'autres commentaires à ce sujet et j'aimerais connaître votre opinion sur ces amendements.
    Avec plaisir. Je n'en avais pas parlé parce qu'il ne me restait plus assez de temps.
    Je vais répondre à votre question en lisant une citation, si vous me le permettez. Je vais vous lire un paragraphe que j'ai laissé tomber, pendant ma déclaration, et je vais vous expliquer ce qui s'est passé. Voici.
     Les discours prenant pour cibles Israël et les juifs sont indissociables de ce rassemblement — je parle de la Journée d'Al-Quds —, tout comme le sont les drapeaux du Hezbollah et les affiches de l'ayatollah Khomeini, mais ce qui nous inquiète le plus, c'est le vocabulaire utilisé par les organisateurs de ce rassemblement pour rallier les gens à leur cause. Par exemple, dans un extrait vidéo dont ont parlé le Globe and Mail et diverses autres agences de nouvelles, on voit l'ancien chef de la maison de la Palestine, participant au rassemblement de 2013, qui s'adressait en ces termes à la foule: « Nous devons leur donner un ultimatum: vous quittez Jérusalem et vous quittez la Palestine. Quand quelqu'un essaie de cambrioler une banque, la police intervient. La police ne négocie pas. Nous, nous négocions avec eux depuis 65 ans. Nous leur disons: allez-vous-en sous peine de mort. Nous leur laissons deux minutes, après quoi nous nous mettons à tirer. C'est la seule façon de nous faire comprendre. »
    Cela a été dit à Queen's Park en 2013 devant des dizaines de milliers de personnes.
    Pour répondre à votre question, nous avons rassemblé toutes ces informations. Nous avons recueilli des preuves sur vidéo, des déclarations, tout ça, nous avons monté un dossier. Nous avons communiqué avec l'unité des crimes haineux de la police de Toronto. Les agents ont examiné le dossier. Ils se sont dits d'accord avec nous et ils ont fait suivre le dossier.
    Mais le problème, quand il s'agit d'un discours haineux, c'est qu'il faut d'abord obtenir l'approbation du procureur général. Le dossier a donc été transmis au procureur général, que nous avons rencontré et à qui nous avons exposé nos réflexions. Au bout du compte, il a refusé le dossier.
    Vous savez, je crois sincèrement que s'il n'a pas voulu engager des poursuites contre cette personne, c'est parce qu'il s'agit d'un dossier politique. Cette personne est un leader, dans sa collectivité. Nous voyons ce cas se répéter encore et encore.
    Je puis vous donner un autre exemple. À l'est...
    Soyez très bref. Nous n'avons plus de temps pour la réponse.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup à vous aussi, monsieur Payne.
    Nous donnons maintenant la parole à Mme Sims, pour sept minutes.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de cet exposé et j'aimerais également remercier les témoins qui ont participé par vidéoconférence. Nous discutons ici d'une question très importante.
    Tout d'abord, j'aimerais qu'il soit très clair que je ne soutiens aucunement quelque acte de violence que ce soit. Je crois que des actes de violence, qu'il s'agisse de violence verbale ou physique, qui sont fondés sur la race, la culture ou la religion, sont répugnants. Nous vivons dans un pays qui tire une grande fierté de son caractère multiculturel. Je ne veux pas trop insister sur ce sujet, mais, à l'heure actuelle...
    J'ai également beaucoup entendu parler dans les exposés, du moins dans le second, de la communauté musulmane. Laissez-moi vous dire que j'ai eu le privilège de représenter une communauté musulmane très active, à Surrey, en Colombie-Britannique, qui a accompli un travail exemplaire pour lutter contre la radicalisation et qui a travaillé avec les jeunes non pas de façon isolée, mais avec des gens d'autres confessions. Je profite de l'occasion pour souligner l'excellent travail de l'organisme BCMA. Les gens qui se sont présentés à ces réunions sont des Canadiens comme vous et moi, et ce qu'ils ont dit — les musulmans, les sikhs, les chrétiens, et même les gens qui n'ont pas de religion —, c'est qu'ils veulent un pays sûr pour leurs enfants, qu'ils veulent ce que nous voulons pour nos enfants.
    Ma première question s'adresse un peu plus directement à M. Major.
    Comme vous le savez, la tragédie d'Air India, le plus important acte terroriste qui ait été commis sur le territoire canadien, a touché les Canadiens d'un océan à l'autre, mais en particulier ceux de Surrey, car un certain nombre de citoyens de cette collectivité — qui viennent encore me voir — comptaient des frères, des soeurs, des parents, des oncles ou des tantes, parmi les passagers. Nous savons que certaines personnes ont perdu toute leur famille. Ces gens attendent encore un moyen d'arriver à tourner enfin la page sur tout cela.
    L'enquête a révélé, entre autres choses, l'importance de la coordination entre les agences de sécurité et les agences de renseignement. Aujourd'hui, le projet de loi donne au SCRS le pouvoir de perturber, le pouvoir que jusque-là, la GRC exerçait, mais sans prévoir d'organisme de surveillance ou de coordination. Pensez-vous que cela va créer davantage de chevauchements et de différends entre les intervenants — les gens ayant tendance à défendre leur territoire — et qu'il se pourrait qu'en conséquence, certaines menaces passent inaperçues, comme cela s'est déjà passé?
(2000)
    Si j'ai bien compris, cette question m'est directement adressée.
    Oui, c'est cela.
    Je vais donc y répondre. Avant cela, toutefois, permettez-moi de vous dire que je n'avais pas l'intention de faire une déclaration, mais je devrais peut-être vous dire pourquoi. La raison, c'est que j'ai déjà comparu devant des comités de ce genre, sur le même sujet, et que j'y ai dit que j'étais en faveur du projet de loi.
    Je reconnais qu'il faut faire preuve de vigilance pour protéger le Canada contre les terroristes, mais ma plus grande préoccupation a toujours eu trait à l'absence de surveillance. Toutes les mesures de protection que le projet de loi prévoit se trouvent à l'avant-plan — il faut obtenir un mandat avant de faire quoi que ce soit —, mais il n'y a rien, à l'arrière-plan, qui permette de s'assurer que ce qui a été fait l'a été conformément au mandat.
    Je ne crois pas que le Parlement soit un organisme bien équipé pour agir à titre d'organisme de surveillance, comme le voudrait la proposition. À mon avis, il faudrait créer un poste de conseiller en matière de sécurité nationale, qui serait chargé de la surveillance des activités des divers organismes et s'assurerait qu'ils respectent les lois et la mesure de leur compétence et qu'ils ne débordent pas des pouvoirs que le mandat leur confère, en assurant un bon échange d'information.
    Cela me ramène à votre question. Il ne fait pas vraiment de doute, et vous pouvez le constater, dans notre rapport sur la tragédie d'Air India, que l'absence de voies de communication de l'information entre la GRC et le SCRS a été une cause majeure de l'incident, car c'est pour cette raison que les terroristes ont réussi à faire sauter l'avion. Si l'information avait circulé librement entre le SCRS et la GRC, il est très probable que le complot aurait été éventé.
    C'est sur cette toile de fond que je présente mon opinion au comité.
    Merci beaucoup.
    Sur le même sujet, j'ai lu le rapport, certes, et avec un très grand intérêt. J'ai bien vu, dans ce rapport, que vous aviez demandé la création d'un poste de conseiller en matière de sécurité nationale, mais qu'il n'y a pas eu de suite, car il n'y a pas de conseiller de ce type qui peut régler les différends entre les deux organismes. Prenons maintenant le nouveau projet de loi, qui permet une meilleure circulation de l'information; en quoi exactement permet-il que l'échange d'information se fasse bel et bien?
    De plus, pensez-vous que le fait de donner des pouvoirs de perturber au SCRS va tout simplement les dissuader de collaborer avec la GRC et que ces deux organismes sont davantage encouragés aujourd'hui à travailler de façon isolée plutôt que de façon concertée?
    Ce serait toujours mieux s'ils arrivaient à travailler efficacement ensemble.
    Je ne crois pas, les hommes étant ce qu'ils sont, que l'échange d'information se fera sans entrave tant qu'il n'y aura pas un poste équivalent à celui de conseiller en matière de sécurité nationale. Si la nature humaine est comme elle est, c'est pour bien des raisons, mais je ne vais pas les énumérer ici. Cependant, pour assurer cet échange vital d'information, il faut qu'il y ait, à l'arrière-plan, une surveillance.
(2005)
    Merci beaucoup.
    Je vais vous poser une dernière question, puis je vais laisser la parole à d'autres.
    Vous avez déjà dépassé votre temps, madame Sims, mais je vais vous donner une minute de plus, à cause de l'introduction.
    Merci beaucoup.
    Quelle serait à votre avis la réforme primordiale à faire si nous voulons nous assurer qu'il ne se produise plus jamais de tragédie comme celle d'Air India? Cette réforme fait-elle partie du projet de loi?
    À mon avis, le fait qu'il n'y ait pas de conseiller en matière de sécurité nationale est un obstacle, car il risque de faire en sorte que les objectifs du projet de loi ne seront pas atteints.
    Merci beaucoup, madame Sims.
    Nous allons maintenant passer à Mme Ablonczy. S'il vous plaît, vous avez sept minutes.
    Merci à tous les témoins. Nous avons un groupe de témoins distingués aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par vous, monsieur Major, parce que nous n'avons pas encore accueilli un témoin de votre envergure, si je puis dire.
    J'ai pris connaissance d'un article très intéressant du Globe and Mail du 1er mars dans lequel vous revenez sur une lettre rédigée par 100 professeurs de droit canadiens, qui estimaient que le projet de loi constitue un danger pour la démocratie et la primauté du droit. Vous avez dit qu'ils allaient vraiment trop loin, et que, dans le cadre de la lutte contre le grave problème du terrorisme au Canada, on ne peut pas se permettre de demi-mesures. J'ai trouvé vos commentaires très intéressants et j'ai deux questions à vous poser.
    Vous savez, un bon avocat ne pose jamais de questions auxquelles il ne connaît pas la réponse, mais, en toute honnêteté, je ne connais pas la réponse à la question que je m'apprête à poser. Ce matin et dans le cadre d'autres séances, des témoins nous ont dit que ce projet de loi permettra aux organismes chargés de la sécurité et de l'application de la loi au Canada de communiquer à grande échelle des renseignements personnels de tout le monde. Des témoins nous ont aussi dit que, essentiellement, toute activité que n'apprécie pas le gouvernement pourrait être interrompue sous le prétexte qu'il s'agit d'une menace à la sécurité du Canada.
    J'aimerais bien connaître votre opinion, en tant qu'éminent juriste, sur les dispositions actuelles de l'ébauche du projet de loi et ces allégations d'atteinte à la vie privée et d'interruption possible de toute activité et de l'ensemble des activités au Canada.
    Pour répondre à votre question, je dirai premièrement qu'il faut faire confiance aux responsables de l'application de la loi. On peut bien imaginer un agent chargé de l'application de la loi malhonnête aller au-delà de ses compétences et commettre des méfaits. On ne peut pas se protéger contre ces rares loups solitaires. Mais, dans l'ensemble, je suis convaincu que les organismes agiront de bonne foi et qu'ils ne fabriqueront pas de toutes pièces des motifs pour s'immiscer dans la vie privée des citoyens qui n'ont aucune bonne raison d'être soupçonnés de quoi que ce soit.
    On peut bien sûr exagérer, comme je l'ai dit dans la lettre dont vous avez parlé, on peut facilement imaginer des individus sans scrupules faire beaucoup de choses, mais la feuille de route du Canada et de nos organismes d'application de la loi montre bien que les responsables de l'application de la loi, les personnes qui oeuvrent au Parlement ou qui gouvernent notre pays agissent de façon responsable. Ce qu'il faut faire, c'est s'assurer de mettre en place des mesures de protection raisonnables pour poursuivre sur cette lancée.
    C'est pour cette raison que j'en reviens à l'examen qu'il faut faire au bout du processus et au rôle de conseiller à la sécurité nationale. J'ai dit plus tôt qu'on a prévu beaucoup de mesures de protection au début du processus — il faut obtenir des mandats, par exemple —, mais il n'y a rien au bout du compte pour s'assurer que le mandat a été respecté.
    Je vous remercie de votre intervention.
    J'ai une question pour vous, monsieur Collacott. Nous nous sommes déjà rencontrés au fil des ans, et vous êtes un expert de notre système d'immigration. Des témoins nous ont dit que la partie 5 du projet de loi, qui porte sur la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ne devrait pas être adoptée.
    Pouvez-vous nous fournir votre point de vue sur cette partie du projet de loi?
(2010)
    Faites-vous allusion à des éléments précis ou vous voulez simplement des commentaires d'ordre général?
    C'est la partie 5 de la loi. Je ne sais pas si vous avez le projet de loi devant vous, mais cette partie contient essentiellement des dispositions concernant notre système d'immigration. Si vous n'avez pas eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil, ne vous en faites pas. Je voulais seulement vous entendre là-dessus si vous l'aviez lue.
    Si vous avez des questions précises au sujet de cette partie, j'essaierai bien sûr d'y répondre.
    Je suis désolée, je ne vous ai pas entendu, il y a beaucoup d'interférence, même avec mon casque d'écoute.
    Au moins un témoin nous a dit que la partie du projet de loi liée à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ne devrait pas être adoptée. Il parlait de la partie 5 dans son ensemble. Si vous avez eu l'occasion de jeter un coup d'oeil à cette partie du projet de loi, j'aimerais bien savoir ce que vous pensez de son importance.
    Ça m'aiderait si vous précisiez la partie sur laquelle vous voulez que je formule des commentaires. Comme vous le savez, J'ai pas mal de points de vue sur les enjeux touchant l'immigration, alors j'ai probablement deux ou trois commentaires à formuler.
    Il y a un certain nombre d'articles dans le projet de loi, monsieur Collacott, à partir de la page 55. Il s'agit d'amendements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Il est question de l'interdiction de territoire de certaines personnes qui demandent la citoyenneté.
    Si vous n'avez pas eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil, je ne crois pas qu'il soit opportun d'en parler maintenant.
    Cependant, je pourrais formuler deux ou trois commentaires d'ordre général sur l'admissibilité.
    Il y a bel et bien un problème en ce qui concerne l'identité des personnes que nous accueillons au pays. En fait, nous laissons venir beaucoup de personnes qui, selon moi, n'ont pas fait l'objet de vérifications appropriées, particulièrement ceux qui viennent des pays qui produisent beaucoup d'extrémistes, comme le Pakistan, l'Afghanistan et ce genre de pays.
    Je ne sais pas si cette question est abordée dans la partie 5, mais nous devrions procéder à des entrevues beaucoup plus poussées de ces gens-là, et pas seulement pour essayer de déterminer s'ils constituent une menace, mais pour les conseiller quant à savoir si le Canada est le bon endroit pour eux.
    Récemment, un ressortissant afghan qui s'est établi au pays a assassiné ses trois filles parce que, selon moi, il ne comprenait pas bien la nature de la société canadienne. Cet aspect des choses n'est peut-être pas couvert dans la partie 5, mais nous devrions procéder à des évaluations beaucoup plus minutieuses. J'imagine que les dispositions sur l'interdiction de territoire sont judicieuses.
    Merci beaucoup.
    Je suis désolé madame Ablonczy. Nous...
    J'aimerais simplement préciser que la loi porte sur l'admissibilité des éléments de preuve, alors je crois que nous parlions de choses différentes, mais j'apprécie votre commentaire.
    Merci beaucoup, madame Ablonczy.
    Monsieur Easter, vous avez sept minutes.
    Je tiens à remercier les trois témoins, deux pour leur exposé, et le juge Major pour ses commentaires.
    Je vais commencer par vous, monsieur Benlolo.
    Ce que je constate au sujet des témoins que nous avons rencontrés jusqu'à présent — et, ce qui est surprenant, c'est aussi le cas de ceux qui sont fortement en faveur du renforcement des mesures de sécurité prévues dans le projet de loi pour assurer la sécurité des Canadiens — c'est que ces groupes — et je vous inclus dans le lot — semblent prêts à adopter une approche raisonnable pour trouver un juste équilibre avec les autres domaines du projet de loi qui préoccupent les représentants de la société civile. C'est quelque chose que j'apprécie et que je respecte.
    Selon moi, si les députés du gouvernement ne répondent pas à ce besoin et n'apportent pas les amendements nécessaires au projet de loi pour obtenir la confiance du grand public à l'égard du projet de loi, nous aurons un problème plus tard. Je vais vous donner un bref exemple: je crois qu'il faut apporter plus d'amendements importants à un certain nombre d'éléments du projet de loi. Dans la section du projet de loi qui concerne les militants environnementaux et les autres militants, il est indiqué que: « il est entendu que sont exclues les activités licites d'une cause, de protestation, de manifestation d'un désaccord ou d'expression artistique ».
    Cette clause figurait déjà dans le projet de loi de 2001, mais le gouvernement de l'époque avait retiré le mot « licite » et avait ainsi pu convaincre au moins certaines personnes qu'il n'allait pas les cibler pour avoir participé à une manifestation qui n'était pas complètement licite. J'admets avoir participé à certaines manifestations lorsque j'étais membre d'un syndicat agricole.
    Accepteriez-vous de retirer ce mot?
(2015)
    Il faudrait que je comprenne mieux l'enjeu: je ne suis pas un avocat, je suis un militant.
    Ma préoccupation, bien sûr, c'est que les organisations légitimes devraient pouvoir manifester. Je suis préoccupé par certaines organisations, et c'est la raison pour laquelle j'ai mentionné le rassemblement, qui incitait peut-être à la haine contre d'autres. C'est ce genre de choses qui me préoccupent, mais je ne voudrais pas nuire à des entités qui veulent manifester pour des raisons légitimes ni que cela ait des répercussions sur elles.
    Je crois que c'est juste. Je suis content de voir que vous êtes prêt à vous pencher sur ces éléments.
    Pour ce qui est de toute la question de la propagande haineuse — et je crois que vous en avez parlé dans vos remarques... j'imagine qu'il est question d'incitation à la violence, dans une certaine mesure, et c'est si facile à faire maintenant sur Internet —, croyez-vous que le projet de loi satisfait aux critères à cet égard et qu'il donne le pouvoir d'interdire certains types de propagande qui mèneront à la radicalisation ou de condamner ceux qui sont peut-être responsables de cette propagande?
    J'encourage le gouvernement à en faire plus.
    Selon moi, le projet de loi doit être un peu plus strict à cet égard, parce que je crains que certains types de propagande haineuse soient négligés. Par exemple, je n'apprécie pas l'élimination de l'article 13 concernant la haine sur Internet et sur support numérique. Je suis cependant heureux de voir qu'il est de retour dans le projet de loi. Évidemment, Internet est un phénomène mondial, et nous ne pouvons pas contrôler ce qui arrive de partout — d'Europe ou du Mexique —, mais nous pouvons contrôler les serveurs au pays qui hébergent peut-être du contenu haineux. Je crois que nous devons renforcer cette définition, parce qu'on a réduit au cours de la dernière décennie la notion de discours haineux.
    La raison pour laquelle j'ai parlé de l'université, de Facebook et du réseautage social, c'est que je crains qu'on ne se penche pas assez sérieusement sur ces questions. Je vous encourage à veiller à ce que le projet de loi — et je crois qu'on y arrive — adopte une approche plus stricte à cet égard.
    Merci.
    Monsieur le juge Major, si je peux me permettre, vous avez parlé d'une de vos recommandations du rapport sur l'attentat contre le vol d'Air India. Évidemment, nous vous remercions pour ce rapport. C'était du bon travail.
    Vous croyez vraiment à l'importance du rôle de conseiller à la sécurité nationale. Je crois que vous avez dit que, sans un tel conseiller, même si on procède à une meilleure mise en commun de l'information... je crois vous avoir entendu dire que le projet de loi n'atteindrait pas ses objectifs. Je crois que vous demandez soit un amendement, soit un ajout au projet de loi pour dire... Vous n'avez pas dit que vous étiez en faveur d'une surveillance, mais mettriez-vous en place un conseiller à la sécurité nationale, comme vous l'avez recommandé dans le rapport sur l'attentat contre le vol d'Air India?
    Ai-je raison? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Vous avez raison, mais sachez aussi que je suis en faveur d'une surveillance. La raison d'être du conseiller à la sécurité nationale serait justement d'assurer la surveillance. Ce serait une forme de surveillance.
    En cette ère de terrorisme, nous sommes confrontés à un très... Le risque que nous courons est indescriptible. Nous devons être prêts à accorder certains pouvoirs à notre gouvernement et aux agents d'application de la loi afin qu'ils puissent mener cette guerre très ardue. À certains égards, il faut compter sur la bonne foi des intervenants et, faute d'un meilleur mot, prendre le risque.
    Ce que je dis, c'est qu'on peut réduire au minimum le risque couru si l'on fait preuve de clairvoyance. Le projet de loi manque de clairvoyance. J'ai utilisé l'expression « conseiller à la sécurité nationale » seulement pour renvoyer à la notion de surveillance: il faut un groupe ou une personne pouvant examiner les activités réalisées par diverses agences et, lorsqu'il y a des conflits, les régler et, là où il y a de l'abus, y mettre fin.
    Dans la version actuelle du projet de loi, je ne vois pas ces mesures de protection. Elles ne nuiraient à l'efficience du projet de loi d'aucune façon. J'ai peut-être l'air de répéter toujours la même rengaine, mais je crois que c'est un élément manquant essentiel.
(2020)
    Merci beaucoup, monsieur le juge Major.
    Nous allons maintenant commencer notre deuxième série de questions.
    Monsieur Garrison, allez-y, s'il vous plaît, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos invités de leurs témoignages.
    Malheureusement, nous avons une affaire urgente à régler compte tenu de la décision du président relativement à notre rappel au Règlement concernant l'utilisation par les conservateurs de leur majorité pour annuler la décision du président relativement à la motion dont nous avons été saisis durant notre 51e séance. J'ai une motion que j'aimerais proposer maintenant, parce que le président a dit qu'il ne pouvait pas s'en occuper, sauf s'il reçoit un rapport à cet égard.
    La motion que je propose est la suivante:
Que le comité prépare un rapport qu'il présentera à la Chambre résumant les difficultés procédurales qui ont eu lieu lors de sa 51e séance, en incluant la manière dont le débat sur la motion concernant le nombre de réunions et de témoins pour le projet de loi C-51 à l'étude lors de cette réunion a été interrompu et la manière dont les questions ont été posées, et que le comité fasse rapport à la Chambre au plus tard le 26 mars 2015.
    Je crois qu'elle est distribuée actuellement. J'aimerais dire deux ou trois choses au sujet de la motion; elle concerne la fois où nous discutions de ce qu'il...
    Pardonnez-moi, monsieur Garrison, je vous interromps une seconde.
    Notre temps est vraiment presque écoulé. Puisqu'il ne reste que deux ou trois minutes à la première heure — et bien sûr, vous continuerez d'avoir la parole —, je vais permettre à nos témoins de partir. Je ne veux pas qu'ils restent ici pour rien jusqu'à ce que le temps soit écoulé.
    Au nom du comité, je tiens à remercier M. Benlolo et M. Collacott et très certainement le juge Major. Merci de tout coeur d'avoir été parmi nous aujourd'hui. Évidemment, nous devons maintenant traiter d'une autre question liée à cette motion.
    Merci d'avoir été là et je vous souhaite une bonne soirée.
    Je vous redonne la parole, monsieur Garrison.
    Merci.
    Je ne veux pas trop m'éterniser sur cette question parce que nous avons d'autres témoins à rencontrer, mais il est de plus en plus évident que beaucoup de Canadiens veulent être entendus devant le comité, et ce qui s'est passé durant la 51e séance fera en sorte qu'ils auront moins d'occasions de le faire que nous l'aurions espéré.
    J'ai essayé de rédiger la motion de façon neutre, si je peux m'exprimer ainsi. Elle ne fait qu'énoncer les faits dont il faut informer le Président de la Chambre afin qu'il puisse s'occuper du dossier. Je ne demande pas aux membres du comité de choisir un camp relativement à ce qui s'est produit, mais simplement de rapporter le conflit au Président afin qu'il puisse s'en occuper. C'est ce que j'ai compris de la décision qu'il a rendue l'autre jour, et c'est la raison pour laquelle je propose la motion actuellement.
    Merci.
    Quelqu'un a quelque chose à ajouter?
    Puisque ce n'est pas le cas, je vais demander un vote.
    Puis-je demander un vote par appel nominal?
    (La motion est rejetée par cinq voix contre quatre.)
    Puisqu'il reste moins d'une minute avant notre prochaine séance, nous allons maintenant suspendre nos travaux pendant de trois à cinq minutes pendant que nous accueillons nos nouveaux témoins.
(2020)

(2030)
    Chers collègues, nous sommes de retour.
    Bien sûr, pour notre deuxième heure, nous accueillons un groupe de témoins différent.
     Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-51, et nous accueillons Scott Tod, sous-commissaire, Enquêtes, crime organisé, de la Police provinciale de l'Ontario. Il représente aujourd'hui l'Association canadienne des chefs de police. Nous accueillons aussi Tahir Gora, directeur général, et Arooj Shahida, directrice, du Canadian Thinkers' Forum.
    Par vidéoconférence de Londres, au Royaume-Uni, nous accueillons à titre personnel Peter Neumann, de l'ICSR.
    Avons-nous une connexion en direct, monsieur? Quelle est la qualité de votre lien vidéo? Vous êtes là?
    Oui, c'est le cas. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, et merci d'être resté debout à cette heure tardive. Nous sommes désolés du petit retard, mais une procédure parlementaire a dû être réalisée en priorité et a duré environ une heure. Mais nous sommes maintenant ici, et, par conséquent, comme on le fait d'habitude, chaque groupe aura jusqu'à 10 minutes pour présenter une déclaration préliminaire, s'il le désire, puis nous passerons à la période de questions et de réponses.
    Monsieur Tod, nous allons commencer par vous. La parole est à vous, monsieur.
    Membres distingués du comité, je suis heureux d'accepter votre invitation aujourd'hui. Je suis coprésident du Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale et je représente le chef Clive Weighill, président de l'Association canadienne des chefs de police et ses membres.
    Le mandat de l'ACCP consiste à assurer la sûreté et la sécurité de tous les Canadiens grâce à un leadership policier innovateur. Ce mandat se concrétise grâce aux activités et aux projets spéciaux réalisés par un certain nombre de comités et à des interactions proactives avec les divers ordres de gouvernement et divers ministères qui assument des responsabilités législatives et exécutives liées au droit et à l'application de la loi.
    Un des principes fondamentaux de toute organisation d'application de la loi au Canada est de protéger les droits fondamentaux et les libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et par la législation sur les droits de la personne. Les organismes d'application de la loi comprennent aussi qu'il est important de respecter les victimes de crime et de comprendre leurs besoins.
    L'ACCP a appuyé la stratégie de contre-terrorisme du Canada qui consiste à accroître la résilience du pays contre le terrorisme en s'appuyant sur les quatre piliers de la stratégie: la prévention, la détection, l'interdiction et l'intervention. L'ACCP a aussi participé à l'élaboration de la législation antiterrorisme et a appuyé dans le passé des programmes et activités parrainés par le gouvernement fédéral. En prévision de la réaction de l'ACCP au projet de loi C-51 proposé, les chefs de police doivent se demander quel niveau de risque ils peuvent assumer. C'est dans la zone entre les libertés civiles et la menace terroriste que se trouve le risque. Les services de police et le public vivent dans cette zone de risque. La répression et la prévention sont des outils importants qui permettent de réduire la menace terroriste, et le projet de loi C-51 contient des dispositions législatives à même d'appuyer à la fois les efforts de prévention et de répression des représentants de l'application de la loi.
    Les récents efforts collectifs des services de police pour accroître la sécurité communautaire et le bien-être montrent bien le besoin de coopération entre les services de police, les organisations de services sociaux, les gouvernements et les collectivités. Nos efforts se reflètent dans une nouvelle approche en matière de sécurité et de bien-être communautaire grâce à la création de carrefours communautaires ou de tables de discussion. Les tables de discussion sont un système d'alerte rapide qui permet de prévoir s'il faut améliorer ou renforcer le développement social des gens et des groupes. Le fait de cerner et d'atténuer ces risques exige du leadership, de la collaboration et la mise en commun d'information sous une forme prescrite, de façon à protéger la confidentialité tout en permettant aux intervenants d'identifier les personnes dont le niveau de risque est très élevé, qui ont affiché des comportements antisociaux et auprès desquelles il faut intervenir avant qu'elles ne se radicalisent et ne se tournent vers le terrorisme ou l'adoption d'autres comportements criminels néfastes dans nos collectivités. Les services de police doivent continuer à travailler en s'appuyant sur le renseignement et les données probantes et à utiliser les tables de discussion dans la collectivité pour réduire les risques de radicalisation.
     Le projet de loi C-51 a pour effet d'inclure la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada dans la Loi antiterroriste et accorde un pouvoir clair aux institutions du gouvernemental fédéral de communiquer des renseignements avec d'autres institutions du gouvernement fédéral désignées concernant toute activité pouvant miner la sécurité du Canada. Par la communication fluide d'information, le gouvernement resserrera sa capacité d'obtenir ou de diffuser des renseignements sur diverses tribunes comme des tables de discussion, ce qui l'aidera à repérer les personnes en voie de se radicaliser ou susceptibles de devenir des terroristes. La communication d'information dans le cadre d'un processus contrôlé et méthodique visant à protéger la vie privée est possible à notre époque de grands ensembles de données et de solutions très rapides contre la radicalisation, les voyageurs à risque élevé, les personnes à risque élevé et ceux qui s'engagent sur la voie de l'extrémisme violent.
     Les services provinciaux et municipaux devront s'appuyer sur les pouvoirs et les accords officiels déjà en place pour continuer à divulguer et à communiquer de l'information au niveau local à l'appui des activités policières de prévention et de répression de la menace terroriste. Le projet de loi C-51 crée une nouvelle infraction aux termes du Code criminel — préconiser ou fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme — assortie d'une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans. Si le projet de loi C-51 est adopté, les tribunaux auraient le nouveau pouvoir d'ordonner la saisie de matériel de propagande terroriste imprimé ou audio et d'ordonner l'élimination de la propagande terroriste à laquelle le public a accès par l'intermédiaire d'un fournisseur d'accès Internet canadien. Ce texte législatif est conforme à des dispositions semblables concernant la capacité de saisir et d'éliminer d'autre matériel de nature criminelle lié aux infractions touchant la pornographie infantile, qui se trouvent à l'article 163.1 du Code criminel. Le fait de maintenant avoir une infraction semblable visant la propagande terroriste est conforme aux menaces et au paysage terroristes changeants au Canada.
     Le fait d'avoir la capacité de prévenir la production de matériel de propagande utilisé par des sympathisants et des militants qui incitent au terrorisme ou en font la promotion, ou d'éliminer ce matériel, est essentiel à la création de portes de sortie sur la vie de la radicalisation. Les nouvelles dispositions du Code criminel prévues dans le projet de loi C-51 fourniront aux organismes d'application de la loi et aux tribunaux la capacité tactique d'intervenir et d'arrêter les personnes qui, en communiquant certains messages, défendent ou prônent consciemment la perpétration d'infractions terroristes.
    Il y a aussi un deuxième aspect à cette infraction, et c'est le fait que la Couronne aura le fardeau de prouver que la personne savait que l'infraction allait être perpétrée ou a fait preuve d'insouciance quant à savoir si de telles infractions allaient être perpétrées.
(2035)
    L'article 83.222 proposé permettra à un juge, qui est convaincu par l'information obtenue sous serment qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'une publication, dont des copies sont conservées aux fins de vente ou de distribution, constitue une publication de propagande terroriste, de demander la saisie du matériel en question et sa destruction, au besoin.
    La saisie et la destruction de la propagande terroriste éliminent les influences du terrorisme, les messages terroristes, et laissent plus de place aux groupes communautaires et aux programmes gouvernementaux pour promouvoir des contre-messages.
    Parmi les autres modifications importantes du Code criminel, mentionnons les exigences touchant le seuil d'engagement où l'on remplacera « sera entreprise » et « est nécessaire pour éviter que l'activité terroriste ne soit entreprise », par « à la possibilité qu'une activité terroriste soit entreprise » et « aura vraisemblablement pour effet d'empêcher que l'activité terroriste ne soit entreprise ». Les nouveaux seuils reflètent les occasions de prévention qui s'offrent aux responsables de l'application de la loi comparativement au seuil plus élevé qui ne leur procure que des occasions d'intervention. L'amendement permet actuellement à un juge d'ordonner la détention d'une personne pendant deux périodes supplémentaires de 48 heures chacune
    Le changement proposé permettra aux forces de l'ordre de s'assurer que, lorsque le temps presse — entre le moment où l'on obtient une information concernant une possible attaque terroriste et le moment où l'on a la capacité d'identifier, de détecter et d'appréhender quelqu'un pour prévenir une attaque terroriste —, on aura l'occasion de détenir une personne à la lumière de la « possibilité qu'une activité terroriste soit entreprise ». Le nouveau seuil permettra de prévenir une attaque terroriste dans l'environnement d'aujourd'hui.
    La différence est peut-être subtile, mais, dans de récentes enquêtes, il n'y avait parfois que deux jours entre le moment où une source fournissait une information limitée et chaotique au sujet d'une attaque terroriste et la date prévue de l'attaque en question. On peut satisfaire au seuil de la « possibilité qu'une activité terroriste soit entreprise » en deux jours, ce qui n'est peut-être pas le cas du seuil selon lequel « une activité terroriste sera entreprise ». La possibilité de détenir légalement une personne pour s'assurer qu'une attaque ne se produise pas est importante dans le contexte actuel, puisque cela sert le principe de la préservation de la vie.
    Il faut parfois des jours ou des semaines pour déterminer la véracité d'une source d'information, pour la comparer aux renseignements connus, pour réaliser des analyses et pour effectuer des recherches en vue d'obtenir plus d'informations visant à prouver la fiabilité et la crédibilité de ladite source d'information ou à corroborer ou prouver l'information en question. En outre, le fait d'obtenir l'aide d'autres pays dans le cadre d'une enquête peut prendre de nombreux jours, voire des semaines.
    L'élément suivant dont je voudrais parler est la portion qui modifie le Code criminel, et plus précisément l'article 810 sur les engagements de ne pas troubler l'ordre public. Le nouvel article permettra à un juge d'ordonner à un défendeur dont on craint qu'il puisse perpétrer une infraction terroriste de s'engager à respecter et à suivre des conditions imposées par un tribunal pendant une période de un à cinq ans si, dans le passé, il a déjà été condamné pour une infraction liée au terrorisme.
    Les conditions imposées par les tribunaux au titre de l'article 810 sont d'une utilité limitée, parce que l'efficacité de l'engagement se limite à la conformité de la personne et à la capacité des services de police de la surveiller et de prendre les mesures qui s'imposent, au besoin. Il faut faire attention et s'assurer que le processus prévu à l'article 810 est utilisé pour des personnes qui ne sont pas considérées comme posant un risque élevé pour la sécurité publique, mais qui semblent déterminées à changer et chez qui on a noté un grand potentiel d'adopter à nouveau des comportements sociaux positifs.
    Je crois que les juges des tribunaux provinciaux s'attendent à ce que les services de police surveillent la conformité des engagements demandés par les tribunaux au titre de l'article 810 et en fassent rapport, au besoin, de façon responsable. Il s'agit d'un fardeau supplémentaire pour les représentants des organismes d'application de la loi.
    Comme dans le cas d'autres lois antiterroristes, il n'y a pas de nouveaux fonds liés au présent projet de loi, et l'exigence d'utiliser cette information obligera les services de police à revoir leurs priorités et à retirer leurs ressources limitées de certains autres secteurs prioritaires, y compris les crimes commerciaux, le crime organisé, les produits de la criminalité et les services de police spécialisés. Les enquêtes liées au terrorisme exigent la participation des agents qualifiés et expérimentés qui enquêtent dans le cadre d'autres infractions, mais qui seront maintenant chargés de lutter contre la nouvelle menace terroriste au Canada.
    En conclusion, je tiens à souligner que sous-estimer la menace est dangereux et que la surestimer est onéreux. Le projet de loi C-51 contient des améliorations qui permettront aux services de police fédéraux de communiquer de l'information avec leurs partenaires du milieu de la justice et du milieu de la sécurité et, ce qui est encore plus important et que nous espérons de tout coeur, avec les partenaires de la collectivité et les tables de discussion gouvernementales conçues pour atténuer la menace terroriste et améliorer la sécurité et le bien-être communautaires.
    Ce qui a assuré notre réussite jusqu'à présent ne l'assurera pas à l'avenir. Nous devons apprendre et nous perfectionner plus rapidement que les terroristes. Les membres de l'ACCP sont déterminés à faire respecter les lois du Canada et à travailler en conformité avec la législation en place.
    Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
(2040)
    Merci beaucoup, sous-commissaire Tod.
    Nous allons maintenant passer au Canadian Thinkers' Forum.
    Merci, à l'honorable président du Comité permanent de la sécurité publique, et à vous, honorables députés et mesdames et messieurs. Je m'appelle Tahir Aslam Gora. Je suis le directeur général du Canadian Thinkers' Forum et le secrétaire général de la Coalition of Progressive Canadian Muslim Organizations. Je suis en compagnie de ma collègue, Mme Arooj Shahida, directrice du Canadian Thinkers' Forum.
    Le Canadian Thinkers' Forum est une petite organisation sans but lucratif et un groupe de réflexion sur les subtilités et les complexités de la diversité humaine et de la mondialisation. Nous offrons des programmes de sensibilisation contre l'antisémitisme, la violence contre les femmes musulmanes, les crimes d'honneur et la radicalisation. Nous avons aussi conçu des programmes de déradicalisation.
     Nous avons produit un rapport d'étude intitulé Growing Islamic Radicalization in Canada au cours des trois dernières années. Nos constatations jusqu'à présent relativement à ces rapports d'étude sont très alarmantes et troublantes. Compte tenu des résultats de nos rapports d'étude, le projet de loi C-51 proposé par le gouvernement nous semble essentiel et très important.
    Grâce à nos ressources limitées, nous avons découvert dans le cadre de nos études en ligne que plus de 2 000 jeunes Canadiens musulmans sont radicalisés au point où ils ont des griefs à l'encontre du Canada en raison de sa participation en Afghanistan et, maintenant, au Moyen-Orient.
    Dans le cadre de nos études en ligne et sur le terrain, nous avons découvert que plus de 20 000 personnes liées aux centres islamiques au Canada veulent remplacer les lois laïques canadiennes par la charia. Plus de 20 000 personnes sont activement affiliées à des sections canadiennes d'organisations islamiques extrémistes comme les Frères musulmans, Jamaat-e-Islami et Hizb ut-Tahrir. Dans le cadre de nos études, nous avons constaté que 100 personnes au Canada appuyaient l'État islamique ou son idéologie. La majorité de la population musulmane canadienne est en désaccord avec le soutien qu'offre le Canada à Israël contre l'organisation terroriste du Hamas.
    À la lumière de notre étude touchant la radicalisation islamique, nous sommes très préoccupés par le nombre grandissant d'activités de nature islamique au Canada. Étant nés et ayant grandi dans des familles musulmanes, nous connaissons très bien certains états d'esprit au sein de notre diaspora qui peuvent mener à l'adoption d'une idéologie du djihad et qui minent nos propres valeurs.
    Au cours des deux dernières décennies, bon nombre de nouvelles mosquées et écoles et de nouveaux centres islamiques ont ouvert leurs portes dans la région du Grand Toronto et dans d'autres régions du Canada afin de répondre aux demandes et aux besoins de la communauté musulmane en pleine croissance. En effet, selon les estimations, il y a plus de 800 000 musulmans uniquement dans la région du Grand Toronto. Bien sûr, il n'y a aucun mal à ce qu'il y ait plus de centres islamiques, mais nous sommes alarmés par des tendances troublantes que nous constatons relativement aux enseignements dans ces centres, qui condamnent la société d'accueil et ses valeurs fondamentales. Malheureusement, la plupart des centres islamiques et des imams poussent leurs fidèles dans la direction opposée.
    Voici les facteurs en présence dans la plupart des centres islamiques du Canada et à l'étranger qui sont les principales causes de l'état d'esprit islamiste radical: numéro 1, l'inégalité entre les sexes; numéro 2, la promotion de l'islam politique grâce à la burka et au niqab; numéro 3, l'appui à des lois draconiennes comme la charia; numéro 4, la haine à l'égard de la société d'accueil; numéro 5, la haine à l'égard des autres religions; numéro 6, la pratique d'un mode de vie religieux médiéval et la tentative pour le promouvoir; numéro 7, la promotion de l'aliénation des populations musulmanes au sein de la société d'accueil; numéro 8, la dénonciation des valeurs démocratiques et libérales; numéro 9, le rejet de la liberté d'expression; numéro 10, la prédication de la doctrine du djihad armé. Si les gens n'appuient pas ouvertement la notion de djihad, ils ne la dénoncent pas non plus.
    Ayant mentionné ces facteurs, j'aimerais préciser que les femmes et les hommes musulmans qui adhèrent à une idéologie islamique médiévale et leurs centres islamiques ne sont pas représentatifs des quelque un million de musulmans du Canada, mais ils se font entendre, ils sont actifs sur le plan politique et ont beaucoup de visibilité. La plupart des musulmans canadiens sont des gens qui travaillent de 9 à 5 et qui veulent vivre une vie normale, régulière, malgré leur point de vue particulier sur certains enjeux. Ils sont aussi des victimes de l'extrémisme et du terrorisme dans leur pays d'origine et au Canada.
    Lorsqu'il sera adopté par le Parlement, le projet de loi C-51 proposé par le gouvernement aidera aussi les musulmans canadiens à éliminer les éléments extrémistes au pays. Cela dit, nous demandons à l'honorable Chambre de travailler sur d'autres mesures afin d'intégrer la communauté musulmane dans la société. Notre gouvernement devrait mettre en place un programme pour concevoir un cours de formation de un an à l'intention des imams afin qu'ils ne prêchent pas contre les valeurs libérales laïques. De plus, notre gouvernement devrait s'assurer que les programmes pédagogiques des écoles islamiques n'incluent aucune haine contre qui que ce soit et ne transmettent pas la doctrine du djihad. Tous les imams, les écoles islamiques, les mosquées et les centres islamiques devraient dénoncer le djihad islamique régulièrement dans le cadre de leurs sermons, sur leurs sites Web, dans leurs dépliants et sur leurs affiches.
    Je vais conclure en vous rappelant les commentaires alarmants d'un imam de London, en Ontario. Il a comparé nos forces armées à des criminels sur sa page Facebook en novembre dernier. Voici ce qu'il a écrit:
    Aucun musulman ne devrait honorer la mémoire de ces criminels de guerre en portant le coquelicot, tout comme ils n'honoreraient pas un criminel ayant assassiné sa mère et son père.
(2045)
     Nous prions tous les partis politiques de laisser de côté la partisanerie lorsque vient le temps de gérer le terrorisme et la radicalisation. Le gouvernement a présenté le projet de loi C-51, la Loi antiterroriste de 2015, qui est un projet de loi important visant à assurer la sécurité au Canada.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Neumann. Monsieur, la parole est à vous.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je m'appelle Peter Neumann. Je suis le directeur du International Centre for the Study of Radicalisation et j'enseigne au King's College de Londres.
    Je suis désolé de ne pas pouvoir être avec vous à Ottawa aujourd'hui, j'apprécie donc l'occasion de vous parler de loin du terrorisme et de la détresse qui en découle.
    Mon centre s'intéresse au conflit en Syrie et à la question l'État islamique et des combattants étrangers depuis plus de deux ans. Nous sommes extrêmement reconnaissants au Canada et en particulier à Sécurité publique Canada, parce que, il y a deux ans, nous avons reçu une subvention dans le cadre du projet Kanishka pour réaliser ces travaux à un moment où beaucoup d'autres gouvernements ne s'intéressaient pas beaucoup à ce sujet.
    À la lumière de nos recherches, nous savons que beaucoup de personnes se sont radicalisées et se sont jointes à l'État islamique. Nous en avons trouvé plus de 700 sur Facebook, Twitter, Instagram et Tumblr, des plateformes de médias sociaux où ils affichent des nouvelles et des mises à jour, des commentaires et des photos. Nous avons parlé à près de 100 d'entre eux sur plusieurs mois. Nous avons rencontré en personne bon nombre de facilitateurs, de transporteurs, de scheiks et de combattants eux-mêmes sur le terrain et dans les villes frontalières d'où ils ont rejoint la Syrie.
    En d'autres mots, nous avons pu brosser un portrait assez complet et très détaillé de cette population et de la menace qu'elle pose.
    Nous n'avons jamais été alarmistes. Si vous criez au loup tout le temps, les gens ne vous prennent plus au sérieux lorsqu'ils devraient le faire. Ne l'oubliez pas lorsque je vous dis que, selon nous, nous en sommes à un moment particulièrement dangereux.
    Il y a seulement quatre ans, nous croyions que le conflit contre le djihadisme tirait à sa fin. Le printemps arabe amenait avec lui la paix et la démocratie. Oussama ben Laden était mort. La quasi-totalité des principaux dirigeants d'Al-Qaïda étaient morts. Presque exactement 10 ans après le 11 septembre, beaucoup de personnes étaient prêtes à tourner la page.
    Aujourd'hui, nous savons que ce n'était pas vrai. Il s'agissait d'une lueur d'espoir trompeuse. La menace aujourd'hui est pire qu'elle n'a jamais été. Elle vient non pas d'une, mais de trois directions, et j'aimerais vous parler brièvement de chacune d'elles tour à tour.
    La première, bien sûr, c'est les combattants étrangers. Il y a seulement quelques semaines, mon centre a publié de nouvelles estimations selon lesquelles le nombre total de personnes qui se sont rendues en Syrie et en Irak pour participer au djihad au cours des trois dernières années et demie s'élève maintenant à plus de 20 000. Elles viennent de 90 pays; même si la majorité vient du Moyen-Orient, il y en a un bon quart qui vient d'Europe de l'Est et certaines aussi de l'Australie, des États-Unis et, bien sûr, du Canada.
    Nous connaissons ces personnes. Nous connaissons leur histoire. Nous savons qu'elles n'ont pas toutes les mêmes antécédents. Il y a beaucoup de différences. Certaines sont pieuses, d'autres ne le sont pas. Beaucoup ont des histoires troubles. D'autres avaient un bel avenir devant elles si elles étaient restées dans leur pays d'accueil occidental. Certaines ont été convaincues par la souffrance du peuple syrien. D'autres cherchaient les émotions fortes et l'aventure. Et, bien sûr, beaucoup étaient vraiment convaincues par l'idéologie totalitaire représentée par le groupe qui s'autoproclame l'État islamique.
    En raison de leurs personnalités, de leurs antécédents, de leurs motivations et, en fait, de leurs différentes expériences en Syrie et en Irak, les gens qui survivent et qui, au bout du compte, reviennent au Canada ou dans mon pays, représenteront des types de défis très différents. Certains d'entre eux seront désillusionnés et pourront réintégrer la société. D'autres seront troublés mentalement et auront besoin d'un soutien psychologique. Mais, ne vous méprenez pas: il y en aura aussi un certain nombre qui seront tout à fait dangereux, des gens qui reviendront après avoir suivi une formation militaire et avoir acquis une expérience. Ils auront tissé des liens à l'échelle internationale et ils auront souvent été brutalisés, désensibilisés psychologiquement et motivés par leur mission et totalement déterminés. Ils comploteront contre le Canada et contre mon pays et ils tenteront d'inspirer d'autres personnes à le faire aussi. Ils seront les futurs chefs de leur mouvement.
    On a porté beaucoup d'attention aux combattants étrangers, mais la menace imminente ne vient pas d'eux: elle vient des supporteurs de l'État islamique. C'est là le deuxième élément. Si vous regardez toutes les attaques qui se sont produites depuis septembre l'année dernière — Ottawa, Sydney, l'attaque sur le supermarché kasher à Paris et Copenhague —, vous constaterez que tous étaient des djihadistes et des supporteurs enthousiastes de l'État islamique, mais aucun d'entre eux ne s'était rendu en Syrie ni en Irak. C'est une tendance que nous avons observée partout.
(2050)
    Les combattants étrangers font partie, dans presque tous les cas, de groupes tissés serrés qui se connaissaient les uns les autres avant le conflit et qui se sont radicalisés collectivement. Tandis que certains se sont rendus en Syrie, d'autres sont demeurés chez eux, en Occident.
    Jusqu'à septembre de l'année dernière, ceux qui restaient chez eux avaient deux options: aller en Syrie eux-mêmes ou rester à la maison et soutenir les combattants au moyen de financement et de matériel. Depuis septembre de l'année dernière, ils disposent d'une troisième option, soit celle de lancer des attaques menées par des individus isolés en Occident, parce qu'en septembre de l'année dernière, le porte-parole de l'État islamique, Abu Mohammad al Adnani, a fait une annonce importante au cours de laquelle il a dit:
Si vous pouvez tuer un infidèle américain ou européen [...], tuez-le d'une façon ou d'autre. Fracassez-lui le crâne avec une pierre, égorgez-le, passez-lui sur le corps avec votre voiture, précipitez-le dans le vide, étouffez-le ou empoisonnez-le.
    Évidemment, c'est exactement ce que nous avons vu, notamment l'attaque à Ottawa. Je suis préoccupé, particulièrement à court terme, du fait qu'il y aura davantage d'attaques, perpétrées non pas forcément par des combattants étrangers, mais par des partisans au pays.
    Le troisième et dernier élément de la menace est la concurrence croissante entre l'État islamique et Al-Qaïda. Al-Qaïda existe toujours, même si, bien sûr, il a perdu beaucoup de son élan, mais certains groupes affiliés à Al-Qaïda demeurent parmi les groupes terroristes les plus forts, les plus professionnels et les plus proactifs dans le monde. Ils ont maintenant une incitation supplémentaire pour attaquer, soit de montrer au monde entier qu'ils existent toujours. Al-Qaïda et l'État islamique se livrent maintenant une concurrence ouverte pour des recrues, l'influence et le territoire. Un des moyens les plus puissants par lesquels Al-Qaïda peut montrer qu'il est toujours là et qu'il demeure important, c'est de mener des attaques spectaculaires dans les pays occidentaux. Les groupes comme Al-Qaïda au Yémen et Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) ont la capacité, les gens et l'expertise. Ils sont déterminés à prendre position.
    Depuis un an environ, j'ai parlé à de nombreux organismes d'exécution de la loi et du renseignement en Europe. Chacun d'eux m'a dit qu'il fonctionne à pleine capacité, et d'autres, au-delà de la pleine capacité; le nombre de cas auquel ils font face est sans précédent, et ils ont l'impression que les choix qu'ils doivent faire deviennent de plus en plus difficiles pour déterminer qui est dangereux et qui ne l'est pas, qui doit être surveillé et qui ne doit pas l'être et à qui consacrer des ressources précieuses.
    À long terme, le dénouement de cette situation passe par l'augmentation de façon responsable de la taille des organismes de sécurité, mais vous ne pouvez pas recruter 5 000 personnes du jour au lendemain. Je crois qu'il est absolument justifié, compte tenu de la nature de la menace, d'accroître la capacité à court terme en conférant aux organismes des pouvoirs supplémentaires précis assortis d'une surveillance adéquate afin qu'ils puissent faire de meilleurs choix, tirer des conclusions plus rapidement et procéder à des arrestations, le cas échéant, avec célérité.
    Je ne suis pas Canadien. Je n'ai pas l'intention de m'ingérer dans votre processus politique national et je ne suis pas non plus un expert de la législation canadienne en matière de lutte contre le terrorisme. Il serait inapproprié pour moi d'aborder ces questions. Je peux cependant parler de la nature de la menace et, sur ce point, permettez-moi de dire que je comprends la demande de votre gouvernement et des professionnels au sein de vos organismes de sécurité concernant des pouvoirs supplémentaires précis.
    Merci beaucoup.
(2055)
    Au nom du comité, merci beaucoup, monsieur Neumann, et je vous remercie de collaborer avec nous, outre-Atlantique.
    Nous allons commencer notre tour de questions.
    Monsieur Norlock, vous avez droit à sept minutes.
    Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
    Ma première série de questions s'adresse au sous-commissaire Tod.
     Monsieur le sous-commissaire, dans le cadre du présent comité, nous avons entendu des témoignages selon lesquels la menace terroriste qui pèse sur le pays et sur d'autres pays occidentaux, en fait sur le monde entier, change constamment. Seriez-vous d'accord pour dire qu'une menace en constante évolution exige un ensemble d'outils évoluant sans cesse pour des gens comme votre organisme et ceux que vous représentez, l'Association canadienne des chefs de police, ainsi que la GRC avec qui vous travaillez et le SCRS, qui travaille de concert avec vous, je pense? Croyez-vous que le projet de loi C-51 fait partie d'un ensemble de lois qui répond à cette menace changeante? N'hésitez pas à donner une réponse détaillée si vous le souhaitez.
    Je vous remercie de la question.
    Je suis d'accord avec vous sur le premier point: la menace qui ne cesse d'évoluer exige de nouveaux outils. La législation est l'un d'entre eux, mais nous disposons également du perfectionnement des compétences chez les enquêteurs, des recherches effectuées avec les universitaires et de meilleures relations avec nos collectivités et nos partenaires de la sécurité publique. Ce sont là trois domaines principaux dans lesquels il est possible de créer de meilleurs outils afin d'accroître nos chances de succès.
    Comme l'a si bien fait remarquer M. Neumann, le contexte de la menace change. J'occupe mon poste depuis quatre ans, et j'ai été à même de constater que la menace terroriste prend la forme de complots; le service de police ou de sécurité, étranger ou national, nous avise de l'existence d'un complot et du fait que des personnes complotaient en vue de mener une attaque terroriste. M. Neumann a très bien expliqué qu'il s'agissait désormais d'un membre individuel. Il ne communique peut-être pas avec d'autres personnes, mais il y a le sympathisant et le partisan, qui peuvent appuyer l'individu. Ce loup solitaire, bien que je souhaiterais un terme différent pour le désigner, cet acteur individuel qui commettra un acte terroriste est la menace à laquelle nous faisons face aujourd'hui. Cela peut changer demain, mais c'est la menace à laquelle nous sommes exposés actuellement, et qui s'ajoute à l'ensemble des autres techniques ou attentats terroristes antérieurs dont nous avons été témoins: les infractions de complot et les divers groupes extrémistes existants, de gauche comme de droite. Le plus récent qui retient notre attention, le loup solitaire, est certainement celui qui occupe bon nombre de nos ressources et la majeure partie de notre temps, et c'est celui qui exige la somme d'efforts la plus élevée de la part des responsables de l'exécution de la loi.
     Je crois que le projet de loi C-51 joue un rôle à cet égard. Comme je l'ai mentionné, il définit le seuil d'application observé actuellement. L'ancien seuil, selon lequel la décision devait être sans appel et qu'une attaque devait avoir lieu, se résume désormais à « la possibilité qu'une activité terroriste » soit entreprise. Je pense que cela a trait à cette personne solitaire. Il y a moins d'occasions de cerner les communications et les gestes posés qui peuvent motiver un acte terroriste.
    Merci beaucoup.
     Un des points que nous abordons — un des paragraphes, et vous l'avez mentionné — est l'engagement assorti de conditions. Cet outil, du point de vue du terrorisme, n'a pas été utilisé très souvent, mais il l'a été. Pour les gens qui ne sont pas familiarisés avec l'exécution de la loi, ce que nous appelons couramment des engagements de ne pas troubler l'ordre public, en ce qui a trait aux affaires de violence familiale, permettent de s'assurer que, dans les cas de voies de fait contre un membre de la famille, d'affaires de violence familiale ou de mésentente entre voisins, le juge dira de « ne pas troubler l'ordre public et d'observer une bonne conduite » et imposera d'autres conditions. D'un point de vue antiterroriste, certains seuils ont été modifiés dans le projet de loi C-51 afin qu'ils reflètent mieux la menace qui change. Je me demande si vous pourriez commenter l'engagement assorti de conditions en ce qui a trait au terrorisme et au contrôle de la détention en tant qu'outil précieux pour l'exécution de la loi.
(2100)
     Les possibilités d'engagement prévues dans le projet de loi C-51 concernant la possibilité d'un acte terroriste nous permettent, comme je l'ai mentionné... Le principe directeur de l'exécution de la loi est de préserver la vie. J'ai parlé de la nature de la menace maintenant, et la rapidité de l'information requise pour que les responsables de l'exécution de la loi puissent décider d'une solution tient parfois à une question de jours. Il est difficile de pouvoir s'assurer que nous avons pu établir le niveau de sécurité pour le public et de pouvoir également établir la véracité de cette menace en ce qui concerne la collecte d'information de source, la confirmation d'information de source et la collaboration avec les entités étrangères. Tout l'aspect qui consiste à pouvoir s'assurer que nous préservons la vie en ayant recours aux dispositions relatives à l'engagement prévues dans le projet de loi C-51 afin d'établir la véracité de cette menace et de mener l'enquête à terme est important. Il faut dire que les dispositions relatives à l'engagement énoncées dans la nouvelle législation sont semblables à celles de la législation existante du fait que nous devons faire comparaître la personne devant un juge. Selon les dispositions prévues, la Couronne doit remplir les conditions pour qu'un juge ordonne le maintien en détention. Les engagements prévus à l'article 810 concernant d'autres crimes prévoient actuellement le même processus, et nous y avons également recours.
    Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Neumann.
    Monsieur Neumann, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui par vidéoconférence.
     Vous avez mentionné la menace qui évolue et la façon dont elle change. Nous venons d'un pays différent et nous aimons comparer. Pourriez-vous comparer le projet de loi C-51 — je suppose que vous le connaissez un peu — à la législation antiterroriste qui a été adoptée dans votre pays pour faire face à la menace qui change? De même, par rapport aux autres pays d'Europe de l'Ouest qui tentent de faire face à la menace changeante, comment cette législation se compare-t-elle? Dans quelle mesure diffère-t-elle? Pourriez-vous expliquer en détail, s'il vous plaît?
    Je regrette, j'aimerais beaucoup entendre la réponse, monsieur Norlock, mais le temps est écoulé sur ce point. Je suis sûr que M. Neumann aura une autre occasion de donner cet exemple comparatif.
    Nous allons maintenant passer à Mme Doré Lefebvre.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais remercier les témoins qui participent à la réunion d'aujourd'hui, qu'ils soient dans cette salle ou par l'entremise de la vidéoconférence. C'est grandement apprécié.
    Je vais continuer avec vous, monsieur Neumann.
    Je considère que, dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, c'est toujours bon d'échanger sur les meilleures pratiques avec les différents pays et avec nos différents alliés. Pour moi, c'était extrêmement important de vous recevoir en comité, afin de discuter des stratégies antiterroristes et de déradicalisation que la Grande-Bretagne utilise.
    Dans sa stratégie antiterroriste, le gouvernement de la Grande-Bretagne a inclus des piliers, comme un programme de prévention, ainsi que le programme Channel qui reçoit un financement substantiel.
    Pourriez-vous nous parler davantage de l'importance de l'engagement avec la communauté? Si j'ai bien compris, dans la stratégie de la Grande-Bretagne, l'engagement avec la communauté est important. Pourquoi est-ce essentiel dans la stratégie antiterroriste en Grande-Bretagne?
    Je vous remercie beaucoup de la question. Je suis heureux de participer à la réunion d'aujourd'hui.
(2105)

[Traduction]

    Le programme Channel est un programme très important dans le cadre de la stratégie antiterroriste du Royaume-Uni. Il s'agit d'un programme d'intervention, et c'est donc dire que, si la police ou d'autres acteurs cernent des cas de personnes présentant un risque élevé qui sont sur le point de se livrer à un acte d'extrémisme violent, ces cas sont alors déférés au programme Channel, qui regroupe tous les intervenants compétents — la police... il pourrait s'agir d'agents de bien-être, de l'école, de psychologues, de consultants en théologie — afin qu'ils puissent déterminer exactement ce qui n'a pas fonctionné dans ce cas particulier et définir une intervention systématique pour empêcher cette personne d'aller plus loin et de commettre un acte d'extrémisme violent.
    Il s'agit, pour ainsi dire, du dernier arrêt avant le recours à la lutte contre le terrorisme et l'arrestation d'une personne. Il procure une dernière occasion à la personne de se retirer de la voie qu'elle a empruntée et vise à empêcher les gens de devenir des terroristes. Le programme Channel a été utilisé, je pense, dans 2 000 ou 3 000 cas au cours de la dernière décennie, et le gouvernement au Royaume-Uni dit qu'il a donné des résultats très positifs. Je pense qu'il a été très fructueux, même si j'estime que le gouvernement du Royaume-Uni s'est montré très secret à son sujet. Nous ne connaissons pas le nombre exact de récidivistes, combien de personnes n'ont pas eu d'autres démêlés. Toutefois, d'après les conversations que j'ai eues avec les intervenants du programme, c'est un outil très utile.
    Un dernier mot sur le sujet: des gens aux États-Unis m'ont dit qu'ils avaient un programme semblable au programme Channel. Les coupables de l'attentat à la bombe durant le marathon de Boston, plutôt que d'être mis en liberté après avoir été interrogés par le FBI, auraient été aiguillés vers ce programme, parce qu'il était clair pour bon nombre de personnes que ces gens étaient sur le point de se joindre à des organisations terroristes. Or, il n'y avait pas suffisamment de renseignements pour que des accusations soient portées contre eux. Je crois que c'est un outil utile.

[Français]

    C'est très intéressant.
    Vous venez de mentionner les États-Unis. Je sais que vous avez participé dernièrement à un sommet sur l'extrémisme violent, qui s'est tenu à la Maison-Blanche.
    Pouvez-vous nous donner un peu plus d'informations à ce sujet? Comment le gouvernement américain fait-il face au problème? Vous avez parlé des attentats de Boston. Sur quoi portaient exactement les discussions? Le gouvernement cherche-t-il plutôt à travailler avec les communautés sur place pour élaborer une stratégie qui ressemble à celle du programme Channel en Grande-Bretagne, ou mise-t-il sur le fait de donner davantage de pouvoirs à ses services de renseignement?

[Traduction]

    J'ai eu le privilège de participer au sommet organisé par la Maison-Blanche. Même s'il a été très critiqué par la suite, je pense que l'initiative était très valable parce qu'elle faisait ressortir l'importance de la prévention.
     Il est très important de participer à la lutte contre le terrorisme, mais cette lutte s'assimile, à bien des égards, à la lutte contre l'incendie. Il s'agit de s'occuper des cas urgents, des gens qui s'apprêtent à commettre des attaques terroristes. Si nous voulons réussir à long terme, la lutte contre le terrorisme doit s'accompagner d'initiatives de prévention.
    À mon avis, il est très bien que l'administration Obama aux États-Unis ait mis l'accent sur la prévention, ce qu'elle qualifie de lutte contre l'extrémisme violent. Chaque fois que vous entendez cet acronyme, CVE, qui signifie lutte contre l'extrémisme violent, il s'agit, dans les faits, de prévention.
    En 2011, le gouvernement américain a élaboré une stratégie visant à donner aux acteurs locaux des pouvoirs leur permettant de participer à la lutte contre l'extrémisme violent. Ces activités ne visent pas à donner le pouvoir aux services du renseignement. Je pense qu'il était très important pour les législateurs et les décideurs américains de ne pas ramener les relations avec les collectivités musulmanes à une question de sécurité, comme ils le disent; c'est pourquoi ils insistent beaucoup sur les pouvoirs confiés aux collectivités afin qu'elles fassent leur propre travail et évitent le piège de recourir à ces initiatives dans le but de recueillir des renseignements. Cela n'a pas toujours réussi, mais c'était là l'intention du gouvernement américain.
    Je crois personnellement que l'intention était honnête, même si j'admets que, depuis 2011, malgré toutes les meilleures intentions, il ne s'est pas passé grand-chose aux États-Unis. Si vous regardez de ce côté, il y a peu d'activité.
(2110)
    Je vous remercie beaucoup, madame Doré Lefebvre.
    Monsieur Falk, vous avez la parole.
    Un grand merci à tous nos témoins de nous honorer de leur présence ce soir et de compléter notre calendrier parlementaire, et particulièrement vous, monsieur Neumann, puisque vous avez adapté considérablement votre horaire afin d'être avec nous ce soir.
    Merci.
    Monsieur Gora et madame Shahida, j'aimerais commencer par vous.
    Nous avons entendu beaucoup de témoignages ces derniers jours. Tous les témoins semblent convenir de l'existence d'une menace terroriste. Ils ne sont pas tous d'accord pour dire si c'est la bonne façon d'aborder la menace.
    Vous avez effleuré la radicalisation des individus, en particulier les personnes de confession musulmane qui se radicalisent. Je me demande si vous pouvez commenter brièvement les passages de ce projet de loi qui traitent de ces préoccupations. Y accorde-t-il suffisamment d'attention?
    Merci, monsieur.
    À nos yeux, il est clair que cette législation est très importante pour aborder vraiment ces questions, car en effectuant nos recherches, nous avons réellement découvert des facteurs alarmants au sein de notre diaspora musulmane. Comme je l'ai mentionné, étant nés et ayant grandi dans une collectivité musulmane, nous pouvons observer cette grande division parmi nous.
    Évidemment, ce projet de loi donnerait des pouvoirs aux organismes d'exécution de la loi pour enquêter sur les imams particulièrement jeunes et radicalisés, qui sont impliqués dans les campagnes de djihad sur Internet. Sans cette législation, les organismes d'exécution de la loi ont peu de pouvoirs pour s'occuper de cette campagne de djihad sur Internet. Par conséquent, il s'agit d'une recommandation importante pour ce projet de loi.
    D'accord, et croyez-vous que le projet de loi C-51 a les outils qui permettent d'aborder cette question?
    En fait, je crois que ce projet de loi possède certains outils, mais il devrait en compter davantage, en réalité, pour juguler la propagande djihadiste que font sur Internet les partisans canadiens.
    Madame Shahida, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
    Bien que je sois ici à titre de simple observatrice, je l'appuie.
    Je vois que ce projet de loi peut sensibiliser: si quelque chose se prépare, que ce n'est pas déjà en place et s'ils ne font pas attention à l'extrémisme, ils suivent leurs comportements...
    Cela agit au moins comme un avertissement pour les autres, comme les jeunes, de ne pas suivre cette voie de l'extrémisme. Il s'agit au moins de prévention, un genre d'avertissement.
    Si nous pouvons étouffer quelque chose dans l'oeuf, c'est déjà très méritoire.
    Monsieur Neumann, j'aimerais reprendre...
    Monsieur Falk, je dois vous interrompre une seconde. La communication a été rompue, et M. Neumann n'est plus avec nous, de l'autre côté de l'Atlantique, depuis un moment. Nous tentons de rétablir la connexion. Dès que la présidence sera informée du rétablissement de la connexion, nous vous le ferons savoir, bien sûr.
    Entre-temps, quant à la question que vous souhaitiez ardemment poser, vous pourriez peut-être la poser à quelqu'un d'autre.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Je reviendrai à M. Gora.
    Vous avez parlé un peu des médias sociaux et de leur influence sur la radicalisation des personnes. En quoi ce projet de loi traite-t-il de tout l'aspect des médias sociaux?
(2115)
    Je ne suis pas un avocat spécialiste d'Internet ni un expert quant aux meilleures façons d'aborder la radicalisation sur Internet. Dans nos recherches, nous voyons de nombreux groupes et de nombreuses pages Facebook en arabe, en perse et en urdu, et je suis sûr que les organismes canadiens d'exécution de la loi n'ont probablement pas entièrement accès au contenu de ces pages et de ces groupes Facebook. Ils exercent leurs activités au Canada, et le sympathique gouvernement du Canada a besoin de l'aide des collectivités qui connaissent l'arabe, le perse et l'urdu. Sans cette aide, le gouvernement est probablement incapable d'agir, même si ce projet de loi est adopté. C'est donc très complexe.
    En effet, par l'entremise des médias sociaux, les entités d'exécution de la loi peuvent sûrement suivre ces personnes, mais elles doivent avoir accès au contenu, qui n'est pas en anglais.
    D'accord.
    Dans votre témoignage vous abordez un autre aspect en mentionnant que beaucoup de personnes radicalisées sont des jeunes contrairement à des personnes d'âge plus mûr. Selon vous, à quel point est-il important que les organismes d'exécution de la loi aient la capacité de parler aux parents pour prévenir et maîtriser le radicalisme?
    Oui, il est important de parler aux parents. De plus, il faut susciter une prise de conscience, comme je l'ai dit, particulièrement dans ces langues, puisque la majorité des parents pakistanais, afghans, arabes et faisant partie de la diaspora du Moyen-Orient n'interagissent même pas avec l'ensemble de la communauté. Les organismes d'application de la loi doivent parler aux parents, et ces parents doivent être conscients de ce que font leurs jeunes dans le sous-sol, et pas seulement les jeunes. Notre groupe de recherche a découvert que plus de 200 individus âgés de 40 à 50 ans tiennent des propos radicaux sur les médias sociaux, et ils vivent au Canada.
    Une partie du projet de loi donne au SCRS le pouvoir de fermer des sites Web. D'après ce que je comprends de votre témoignage, il s'agit d'un outil important que vous appuyez.
    Oui.
    Vous avez laissé entendre que le SCRS devrait avoir encore plus de pouvoirs.
    Absolument, il le devrait.
    Pourriez-vous élaborer un peu plus à ce sujet?
    Oui. Il y a un très grand nombre d'extraits vidéo tournés par des éléments radicaux canadiens sur ces sites Web, ces pages Facebook ou ces pages affichées sur les médias sociaux, particulièrement sur YouTube. Ils ont pour but de propager la haine envers la société au nom du djihad. Ces vidéos doivent être retirées. C'est la seule façon de faire obstacle à cette haine et à cette idéologie djihadiste.
    Bien. Merci, monsieur Gora.
    Merci beaucoup, monsieur Falk.
    Monsieur Gora, merci.
    Monsieur Easter, c'est à vous, monsieur.
    Monsieur le président, j'espère que la communication avec notre témoin pourra être rétablie.
    Aussitôt que la présidence saura que le signal est revenu, nous reprendrons contact avec lui.
    J'espère que personne en position d'autorité n'a brouillé le signal pour que nous ne puissions pas entendre son témoignage.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Wayne Easter: J'aimerais remercier tous les témoins de leur exposé.
    Je vais commencer par vous, monsieur le sous-commissaire Tod.
    Ce projet de loi a suscité beaucoup de controverse auprès des militants pour les droits civils, et j'ai moi-même éprouvé les mêmes préoccupations. Je crois, sans aucun doute, que nous avons besoin des pouvoirs prévus dans ce projet de loi afin d'assurer la sécurité des Canadiens, mais je crois aussi fermement qu'afin que les lois soient vraiment efficaces, il faut que la société civile, le public, soient du côté de la loi. J'ai la certitude qu'à moins que ce projet de loi soit modifié afin de garantir aux membres du public qui sont inquiets que...
(2120)
    Monsieur Easter, je vais vous interrompre pour une petite seconde.
    Et voilà, bien.
    M. Neumann est de nouveau avec nous; toutefois, veuillez continuer, monsieur.
    Le signal doit être revenu parce que j'ai dit que les communications constituaient une préoccupation.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Wayne Easter: Si le public n'est pas du côté de la loi, je crois que la capacité des organismes d'application de la loi de faire leur travail et d'obtenir les renseignements dont ils ont besoin est de beaucoup diminuée; donc, je crois fermement qu'il doit y avoir davantage d'équilibre dans ce projet de loi entre l'aspect de la sécurité et l'aspect des libertés civiles.
    Quelle est votre opinion là-dessus?
    Je crois que nous parlons de la capacité d'accéder à l'information, de partager l'information et de la divulguer, si je ne m'abuse, et de l'aspect relatif à la mise en commun de l'information.
    J'ai mentionné, dans ma déclaration préliminaire, la nouvelle approche adoptée par les corps de police dans l'ensemble du Canada relativement à la sécurité et au bien-être de la collectivité, ainsi que la table des situations. L'objectif de cette table est de permettre la mise en commun de l'information concernant des individus vivant dans nos communautés, et je parle des communautés collectives, ou il pourrait s'agir d'une communauté individuelle... mais cette information est mise en commun. Une grande partie de cette information est actuellement conservée dans des bases de données liées à la santé, à l'éducation, aux services sociaux, et dans d'autres bases de données gouvernementales. Quand ces bases de données sont mises en commun, ainsi que l'information qu'elles contiennent, comme je l'ai dit, on dispose d'un système d'alerte précoce grâce auquel nous pouvons conjointement identifier un individu extrêmement à risque, afin que plus d'une partie soit préoccupée par le comportement antisocial de l'individu, qui, dans le cas qui nous occupe, mène à la radicalisation.
    Nous pouvons mettre cette information en commun de façon privée, tout en ayant des préoccupations au chapitre de la protection des renseignements personnels. C'est une façon de faire qui comporte un processus dans lequel seuls les groupes qui ont directement affaire à l'individu mettent en commun cette information, et non pas les groupes qui n'ont pas affaire à l'individu à risque très élevé et à son comportement antisocial. L'information le concernant est mise en commun tout en respectant son droit à la vie privée. Il s'agit d'information partagée concernant l'individu, mais elle permet aussi aux organisations d'intervenir et de fournir des occasions ou d'autres solutions à cet individu afin que nous puissions freiner son comportement antisocial et, dans ce cas, avec un peu de chance, lui fournir une porte de sortie sur le chemin vers la radicalisation.
    Je crois que vous avez aussi dit dans votre exposé — et je vous reviendrai à ce sujet afin que vous puissiez y penser pendant que je m'entretiendrai avec M. Neumann — qu'aucune somme d'argent n'est allouée à ce projet de loi. Nous considérons qu'il s'agit d'un problème croissant. Le simple fait d'adopter une loi ne suffit pas. Il faut mettre en place des ressources afin qu'elle puisse être appliquée. La GRC nous dit qu'elle a dû muter plusieurs centaines de personnes, en fait, d'unités de lutte contre les crimes violents à l'unité antiterrorisme, et c'est un problème. Je vous reviendrai à ce sujet.
    Monsieur Neumann, vous avez dit, dans votre déclaration préliminaire, qu'à court terme, vous devez octroyer des ressources assorties d'une surveillance appropriée. Certains autres témoins ont dit que les organismes de sécurité et les corps de police au Royaume-Uni ont des pouvoirs accrus afin de faire leur travail. Des témoins ont aussi parlé de l'augmentation des ressources pour le comité de surveillance parlementaire. Avez-vous une opinion à ce sujet?
    À titre d'observateur, et non d'expert, je crois que le comité de surveillance parlementaire, au R.-U., a bien fonctionné. J'ai aussi témoigné devant le comité du renseignement de la Chambre des États-Unis, et la comparaison est assez frappante, puisque le comité du renseignement de la Chambre des É.-U. est composé, littéralement, des dizaines de personnes, alors que le comité de surveillance parlementaire du R.-U. comporte, je crois, quatre ou cinq personnes.
    Je ne crois pas, personnellement, qu'un groupe de 10 politiciens puisse superviser une communauté entière du renseignement sans bénéficier d'un soutien conséquent. À cet égard, je crois que le comité de surveillance parlementaire du R.-U. est probablement une bonne chose, mais qu'il doit comporter davantage de personnel afin de faire son travail. C'est le nombre d'employés qui est important, et non seulement la forme exacte du comité.
    Merci.
     Nous parlons de ressources, donc, laissez-moi revenir et vous poser cette question une fois encore, monsieur le sous-commissaire Tod. Quelles sont les conséquences s'il n'y a pas assez d'argent fourni aux organisations d'application de la loi pour faire appliquer l'élément antiterroriste du projet de loi C-51?
(2125)
    Je vais parler au nom de mon organisation, la Police provinciale de l'Ontario. Nous avons dû réaffecter et réallouer des ressources dans le secteur de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme. Cela a été fait dans le but de nous occuper de la menace immédiate que représentent le voyageur étranger, le voyageur à haut risque, l'individu à haut risque — qui vivent tous en Ontario. Des individus reviennent en Ontario en provenance de la Syrie et de l'Irak. Des personnes se radicalisent en Ontario. Nous savons, selon les accusations qui ont été portées devant les tribunaux, que des gens ont été accusés d'actes terroristes et de complots terroristes en Ontario.
    Nous avons puisé dans les ressources des crimes commerciaux, des fraudes à grande échelle. Nous avons puisé dans les ressources de nos unités de première ligne dans la lutte contre le crime, nos unités d'enquêtes criminelles et d'autres unités spécialisées; en d'autres mots, nous avons réaffecté des enquêteurs qui comprennent la législation en matière de libertés civiles, la Charte des droits et libertés, qui comprennent quel type d'autorisation est requise afin de délivrer des mandats, qui comprennent les techniques, à la fois électroniques et humaines, que nous pouvons utiliser pour surveiller des individus, et le processus judiciaire par lequel il faut présenter des demandes à cet égard, mais qui sont aussi en mesure d'établir les documents nécessaires en lien avec ces autorisations et ces dossiers de la Couronne, ainsi que de fournir de l'information à la Couronne et aux procureurs.
    Ces personnes sont très peu nombreuses au sein de notre service. Dans une grande organisation de 9 100 personnes, je pourrais peut-être nommer entre 300 et 400 personnes qui possèdent réellement ces compétences. Le fait d'être en mesure de les rassembler afin de mener des enquêtes ou d'appliquer les techniques de prévention ou de neutralisation que nous utilisons est difficile. C'est onéreux. Cela les oblige à quitter le travail qu'ils effectuent dans leur ville ou ailleurs. Ce travail doit être effectué par un autre membre qui est moins compétent, moins formé à le faire, ou le travail n'est pas fait s'il n'y a personne pour combler le poste.
    Merci beaucoup.
    Le temps est écoulé, monsieur Easter.
    Au nom du comité, j'aimerais remercier M. Tod, M. Gora, Mme Shahida et M. Neumann pour les commentaires éclairés et informatifs qu'ils ont formulés ce soir. Nous l'apprécions certainement. Votre point de vue a grandement contribué aux travaux de notre comité. Merci beaucoup.
    Chers membres du comité, nous nous voyons demain.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU