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Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité permanent. Bonsoir. Je serai brève.
C'est pour moi un honneur et un privilège d'être ici ce soir à titre de présidente du Council for Muslims Facing Tomorrow.
Mon organisation appuie l'essence du projet de loi , et nous remercions le gouvernement de reconnaître que l'islamisme, soit l'Islam politique, comme nous l'appelons, représente clairement un danger dans le monde, et plus particulièrement, au Canada.
Nous lui sommes également reconnaissants de partager nos préoccupations. Ainsi, il faut premièrement limiter la communication de renseignements de sécurité au sein du gouvernement et deuxièmement, veiller à ce que le transport aérien soit sécuritaire pour les passagers et à ce qu'il ne serve pas à des fins terroristes. Troisièmement, il importe que le gouvernement essaie de limiter la propagande terroriste, qui transpire de la rhétorique de l'Islam politique et se répand par la voix de certaines personnes, d'organisations islamiques et sur certaines tribunes. Je suis certaine que vous savez que cette propagande a des répercussions profondes sur les communautés canado-musulmanes et particulièrement, sur nos jeunes. Quatrièmement, il faut que le gouvernement reconnaisse la valeur de la perturbation pour contrer les menaces terroristes.
En aparté, permettez-moi de mentionner que j'arrive directement de la Floride, aux États-Unis, où je suis allée parler de radicalisation et de terrorisme à des Américains très politisés. Quand j'ai mentionné le projet de loi et l'effort de notre premier ministre pour reconnaître le problème, j'ai été étonnée de recevoir une ovation debout. Vous savez peut-être qu'au sud de notre frontière, on ne peut même pas utiliser les mots « terrorisme » et « islamiste » dans la même phrase, encore moins faire quelque chose pour l'empêcher.
Tout cela pour dire que le monde a les yeux rivés vers le Canada, pour que nous ne devenions pas une autre Europe, où le problème de l'extrémisme a tellement explosé qu'il semble presque impossible à renverser. En lisant le National Post aujourd'hui, j'ai été ravie de voir une citation de Stephen Harper, qui a dit: « Les Canadiens n'ont pas inventé la menace du terrorisme djihadiste, et nous ne l'avons certainement pas invitée, comme nous ne pouvons pas protéger [notre pays ou] notre société en choisissant de l'ignorer. »
Je crois que cela en dit beaucoup sur notre premier ministre.
Sur une note personnelle, je suis arrivée au Canada comme immigrante en décembre 1988, avec mon mari et mes deux fils, parce que notre seule motivation à affronter la vie, et bien sûr les hivers rigoureux qui l'accompagnent au Canada, c'était que nous étions en train d'échapper au gouvernement du général Zia-ul-Haq, au Pakistan, qui était tranquillement en train de façonner l'idéologie même qui a détruit le Pakistan depuis. Malheureusement, nous voyons que la même idéologie est importée au Canada aujourd'hui.
En 2000, j'ai commencé à écrire des articles pour mettre les musulmans canadiens en garde contre les dangers de la radicalisation, particulièrement chez les jeunes, qui étaient confus et n'avaient nulle part où aller, outre la mosquée et les centres commerciaux, pour trouver des réponses à leurs questions. Ils avaient tous les prérequis pour attirer des mercenaires islamiques prêts à bourrer le cerveau de leurs victimes.
Permettez-moi de me rétracter quelques secondes, cependant. Le mot « islamiste » n'a pas le même sens que le mot « islamique »; je tiens à établir très clairement la distinction entre l'Islam spirituel et l'Islam politique, qui correspondent respectivement à l'« Islam » et à l'« islamisme ».
Ces jeunes étaient frustrés, pour toutes sortes de raisons fondées ou imaginées, et un nombre croissant de recruteurs avaient une idéologie à leur offrir à laquelle ils pouvaient se rattacher. Au besoin, ils auraient sans doute accès à du financement étranger pour appuyer leurs points de vue extrémistes naissants. C'est là où nous nous sommes rendu compte que le wahhabisme, le salafisme (cette idéologie) avait réussi à s'infiltrer au Canada.
Vous vous demandez peut-être en quoi consiste cette idéologie. Nous, les musulmans loyaux envers le Canada, pour qui la sécurité canadienne est la priorité absolue, savons à quoi nous avons affaire et nous surveillons la hausse de l'extrémisme au Canada depuis très longtemps. La radicalisation et l'extrémisme ne se font pas toujours ouvertement, et le genre de bataille que nous menons actuellement est une bataille idéologique, ce qui signifie qu'elle ne se mène pas toujours avec les armes.
C'est pour cette raison que j'ai rédigé un essai qui a été publié par l'Institut Mackenzie il y a quatre ans, et c'est toute une coïncidence que ses représentants soient ici aujourd'hui.
J'y présente la montée du terrorisme islamiste au Canada, tel que je le vois se déployer depuis 28 ans. Je crois que vous devriez y trouver pas mal tout ce dont nous allons discuter aujourd'hui, ainsi que nos préoccupations sur l'escalade des menaces (le radicalisme, l'extrémisme et le terrorisme au Canada), et les défis que présente l'EIIL à l'heure actuelle n'y sont même pas abordés, ni ses méthodes de recrutement pour rallier nos enfants à sa cause.
Je dois m'excuser, parce que ce document n'est pas dans les deux langues officielles, mais au moment de la publication, ce n'était pas une exigence. Je vous demanderais humblement votre permission pour pouvoir déposer ce document avec ma présentation (j'en ai 12 exemplaires) parce qu'il explique pourquoi je suis ici ce soir et pourquoi, avec d'autres organisations et personnes, nous consacrons autant de temps et d'efforts à appuyer le projet de loi .
Au sujet du projet de loi plus précisément, j'aimerais prendre la liberté de dire que nous y voyons quelques faiblesses outre les forces qui en ressortent. Je ne suis absolument pas une spécialiste du droit, mais c'est ce que me porte à croire ma participation citoyenne et ma compréhension générale du projet de loi.
La proposition de conférer au SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité, un pouvoir de perturbation pose problème. À la défense du gouvernement, on peut dire que comme ces pouvoirs contreviendraient à la loi sinon, le SCRS devrait d'abord obtenir un mandat l'autorisant à perturber des activités. Cependant, je serais portée à croire que la démarche pour obtenir cette autorisation pourrait ne pas suffire pour garantir les limites appropriées de cette technique. Par conséquent, il pourrait être utile d'élargir le mandat du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le CSARS, pour que les nouveaux pouvoirs de ce ministère ou organisme fassent l'objet d'un examen approprié.
J'aimerais aussi souligner que toutes les activités du gouvernement menées au Canada sont assujetties à la Constitution canadienne, qui comprend notamment la Charte des droits et libertés. Par conséquent, nous demandons au gouvernement de prévoir un examen et d'autres mécanismes en conséquence, puisque toutes les activités du gouvernement sont ultimement assujetties à la Constitution.
Permettez-moi d'ajouter que nous aimerions voir le projet de loi comme un outil de travail en évolution et que nous sommes donc persuadés que les correctifs voulus seront apportés avant la promulgation de la loi. Il ne fait aucun doute que notre organisation et les personnes qui la composent souhaitent que ce projet de loi devienne loi. Je comprends parfaitement que dans le monde occidental, où la démocratie se fonde sur les libertés civiles, cette loi puisse être perçue comme une atteinte aux libertés et aux valeurs individuelles. Cependant, nous voulons repousser les menaces envers le Canada, des menaces que nous connaissons tous et qui se révèlent de plus en plus dans divers procès et incidents, au cours desquels la loyauté envers le pays où nous vivons n'a jamais été une priorité.
Je vous remercie infiniment de votre temps.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Hassan Yussuff et c'est seulement l'une des raisons pour lesquelles je m'oppose à ce projet de loi. Mais 3,3 millions d'autres raisons me viennent des travailleurs syndiqués canadiens dont les droits sont menacés.
Permettez-moi d'abord de vous assurer que le Congrès du travail du Canada est pleinement conscient des responsabilités du gouvernement qui doit assurer notre sécurité publique. C'est d'ailleurs exactement ce que s'emploient à faire bon nombre des travailleurs que nous représentons, comme ceux des services frontaliers.
Ce projet de loi est inconsidéré. Son adoption aurait pour effet de miner cette même liberté que le gouvernement prétend vouloir protéger. Nous sommes d'accord avec les nombreux Canadiens qui estiment que le projet de loi vise davantage le positionnement avant les élections qu'une meilleure protection de notre sécurité publique. Nous sommes également d'accord avec ceux qui affirment que ce projet de loi et les beaux discours qui en font la promotion encouragent le ciblage des musulmans, des Arabes et des autres communautés raciales. Pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à vous rappeler du traitement auquel Ihsaan Gardee, directeur général du Conseil national des musulmans canadiens, a eu droit lors de sa comparution devant ce comité il y a quelques jours à peine.
Nous joignions également notre voix à celles des organisations et des experts qui ont été nombreux à déplorer l'absence dans ce projet de loi des mesures nécessaires pour répondre au besoin urgent de surveillance et d'examen des nombreuses agences qui s'occupent de notre sécurité nationale. Nous n'arrivons tout simplement pas à comprendre les raisons pour lesquelles ce gouvernement continue de faire fi des constats et des recommandations de la commission Arar, un long processus que plusieurs intervenants ont mené à terme à la demande et aux frais des Canadiens.
Nous craignons surtout que l'adoption de ce projet de loi limite la liberté d'expression, de dissidence et de défense d'une cause. La portée de ce projet de loi devient simplement trop générale lorsqu'on considère qu'il y a menace envers la sécurité du Canada si l'on « entrave », par exemple, la « stabilité économique ou financière du Canada » ou « le fonctionnement d'infrastructures essentielles », d'autant plus que le projet de loi ne définit pas ce qu'on entend exactement par « entraver ». On aurait pu préciser par exemple s'il s'agit d'« attaques », de « perturbations », de « dommages » ou même d'« entraves importantes ».
Ce projet de loi exempte peut-être les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord, mais nous estimons que le sens que l'on donne à « licites » est très étroit. On modifiera ainsi les dispositions existantes du Code criminel qui exemptent tous les actes commis dans le cadre de revendications, de protestations, de manifestations d'un désaccord ou d'un arrêt de travail qui n'ont pas pour but de mettre en danger la vie d'une personne ou de compromettre sa santé. Ainsi, les manifestations, les marches ou les ralliements syndicaux sans permis seraient considérés comme une menace à la sécurité nationale. Nos arrêts de travail, même s'ils sont pacifiques, pourraient être jugés illégaux et si ces actions sont considérées comme une menace à la sécurité nationale, nos membres seront assujettis aux dispositions permettant la communication d'information entre les 17 agences gouvernementales s'occupant de sécurité nationale et pourraient faire l'objet de mesures de perturbation en vertu des nouveaux pouvoirs policiers conférés au SCRS.
Les Canadiens ont pu constater, dans le cas de Maher Arar comme dans bien d'autres, à quel point les mesures semblables peuvent être préjudiciables.
Nous sommes également très préoccupés par le fait que ce projet de loi créera une nouvelle infraction criminelle pour quiconque préconise ou fomente la perpétration d'actes de terrorisme en général. Nous craignons que la portée très vaste de cette infraction ait pour effet de criminaliser des personnes qui n'ont aucun lien avec le terrorisme et aucune intention de fomenter la perpétration d'actes de violence politique. Cela aura pour effet de limiter la liberté de parole, la liberté d'opinion, la liberté de presse et la liberté d'enseignement. Le gouvernement n'a pas réussi à démontrer la nécessité de procéder à de tels changements, d'autant plus que l'on réussit très bien, en vertu du Code criminel en vigueur, à mener à terme de nombreuses arrestations et condamnations liées au terrorisme, et ce, à grand renfort de publicité.
J'aimerais conclure en disant qu'il est profondément troublant de voir certains députés ici présents s'employer activement à empêcher la comparution de nombreux témoins. J'exhorte les membres du comité à revenir sur ces décisions.
Les Canadiens ne veulent pas que ce projet de loi soit adopté à la hâte sans avoir fait l'objet d'un débat suffisant et éclairé. Je suis persuadé que les Canadiens s'attendent à ce que leurs représentants élus puissent bénéficier de l'expertise du commissaire à la protection de la vie privée, de défenseurs de différentes causes et d'autres intervenants qui ont demandé à témoigner devant le comité, mais n'ont pas pu le faire.
Au nom du Congrès du travail du Canada, je vous remercie, monsieur le président
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Merci, monsieur le président.
En ma qualité de président du conseil des gouverneurs de l'Institut Mackenzie, je vais vous présenter notre exposé. Notre directeur général, Andrew Majoran, pourra également répondre à vos questions.
Notre conseil tient à remercier le président et le comité de lui donner l'occasion de présenter ses observations concernant le projet de loi . Comme vous le savez peut-être, l'Institut Mackenzie est un organisme sans but lucratif qui s'emploie depuis plus de deux décennies à sensibiliser les chefs de file et les citoyens canadiens à l'importance de la sécurité. La sécurité est vraiment au coeur de nos préoccupations.
Je vais passer outre les aspects commerciaux de notre travail. Je ne vais donc pas vous parler de ce que nous faisons, des tribunes où nous avons pris la parole et des articles qui nous ont été consacrés. Je vais vous dire simplement que notre conseil des gouverneurs est entièrement formé de membres canadiens qui ont eu de longues carrières dans des postes de direction au sein des services de police, des forces militaires, du système correctionnel, du milieu de l'enseignement et du monde des affaires. Notre conseil consultatif, présidé par le major-général Lewis MacKenzie qui a récemment pris sa retraite, peut actuellement compter sur des membres possédant une expérience de direction dans les secteurs de la sécurité et des forces militaires au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Inde. Mais notre vision est également internationale.
Avant de parler directement du projet de loi , nous aurions plusieurs observations importantes à vous soumettre.
Premièrement, comme c'est le cas pour de nombreuses sociétés occidentales, la sécurité physique et sociale du Canada est confrontée à des menaces sans précédent sous l'effet de forces économiques, idéologiques et même religieuses par des voies détournées. L'effet bien senti de l'une seule de ces forces serait suffisant pour que nous ayons à nous inquiéter et à intervenir sur le plan stratégique. Même en l'absence de coordination, leur effet combiné pourrait mettre très sérieusement à l'épreuve notre résistance en exigeant une vaste action gouvernementale intégrée et bien coordonnée. Comme toujours, il faudrait s'assurer que cette action gouvernementale produit bien les résultats escomptés et n'est pas simplement un exercice de création d'emplois ou de renforcement de la bureaucratie.
Deuxièmement, bien des gens s'interrogent sur les impacts des gestes que peut poser le gouvernement, notamment en application de ce projet de loi, sur les droits des citoyens. C'est une préoccupation tout à fait légitime. Comme le dit souvent un de mes amis, les droits sont un peu comme les avantages sociaux des employés; il est beaucoup plus difficile de les réduire et de les supprimer que de les accorder.
Troisièmement, ceux qui expriment leur profonde inquiétude au sujet de ce qui a toute l'apparence d'une intrusion gouvernementale dans la vie privée des citoyens peuvent peut-être se consoler du fait que cette intrusion va désormais se produire de manière plus transparente. Nous devrions tous nous rappeler que le programme Echelon, un protocole international d'échange de renseignements entre le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l'Australie a permis à ces différents gouvernements de surveiller les communications des citoyens des autres pays participants pour les transmettre ensuite à leurs gouvernements respectifs. Pendant de nombreuses années, ces gouvernements ont ainsi pu opposer un démenti plausible aux allégations voulant qu'ils espionnent leurs propres citoyens.
Voilà déjà plusieurs décennies que les gouvernements s'intéressent de plus en plus aux communications entre les entreprises privées et entre les citoyens. Il faut se réjouir du fait que cet intérêt plus soutenu s'est traduit plus souvent qu'autrement par une plus grande transparence dans la reddition de comptes par les entreprises. Cependant, la croissance d'Internet et l'apparition de nombreuses applications commerciales a permis un plus grand accès à ce qui était considéré auparavant comme des renseignements personnels et, partant, à de plus grands risques d'atteinte à la vie privée. En cette ère de l'information, le problème fondamental n'est peut-être pas cette atteinte à la vie privée ou l'ampleur qu'elle peut prendre. Comme d'autres ont su bien l'exprimer avant moi, il convient peut-être davantage de s'interroger sur les motifs de cette atteinte, les personnes qui en sont à l'origine et les pouvoirs qui leur permettent de le faire. Comment les choses se passent-elles et quels sont les recours pour la personne visée?
Certains peuvent se demander s'il est vraiment nécessaire d'adopter sans cesse de nouvelles lois, alors que celles déjà existantes semblent efficaces lorsqu'on les applique à bon escient. Ceux qui s'en prennent aux structures de notre société sont appréhendés, comme ce fut le cas des 18 de Toronto ou des individus qui ont récemment voulu attaquer un train. Cela n'a toutefois pas d'empêcher que l'on renverse un militaire des Forces canadiennes dans un stationnement et que l'on en tue un autre par balles sur la Colline parlementaire. Ces événements se seraient produits même si de nouvelles lois avaient été adoptées. Les deux individus qui ont commis ces crimes haineux figuraient sur au moins une liste de surveillance et avaient reçu la visite des autorités. Il faut toutefois malheureusement déplorer le manque de coordination entre ces autorités.
Il semblerait qu'il n'y ait eu aucune planification coordonnée des interventions dans une situation comme celle de l'attentat contre le Parlement. Je me demande bien comment on peut prétendre que nos responsables de la sécurité devraient considérer que le Canada est à l'abri de telles attaques alors même que notre pays a été identifié comme cible par des organisations terroristes étrangères.
Il est possible que le problème vienne surtout, non pas de pouvoirs législatifs insuffisants ou de la nécessité d'adopter de nouvelles lois, mais bien du manque de planification intégrée et de coordination entre les agences chargées d'appliquer les lois en vigueur.
Par exemple, je sais qu'une administration municipale de la région d'Ottawa a émis il y a plusieurs années une demande de propositions pour se doter d'un nouveau système de communication radio pour les policiers. On demandait notamment aux soumissionnaires de proposer un système ne devant pas utiliser ou même transmettre les fréquences déjà occupées par les services avoisinants. Il y a lieu de se demander pourquoi. D'après ce qu'on m'a dit à l'époque, on ne voulait pas que les policiers d'une municipalité puissent entendre les communications ou les conversations de ceux de la municipalité voisine.
Comme la météo, le crime et le terrorisme transcendent les frontières et les sphères de compétence des gouvernements.
Peut-être le moment est-il venu d'envisager la mise en place d'un mécanisme de coordination à l'instar des centres de fusion de l'information établis par nos voisins du Sud. Le gouvernement doit permettre la communication efficace et responsable de renseignements pertinents pour notre sécurité locale et nationale entre les ministères et les agences au niveau opérationnel, et pas uniquement entre les cadres supérieurs. Il revient encore à chaque ministère de déterminer quels renseignements il va communiquer, mais on a besoin d'une réglementation stricte quant au partage de l'information de manière à pouvoir mieux détecter les menaces et y réagir.
Aucun système n'est parfait, mais la collaboration et l'échange d'information au quotidien entre les diverses agences de sécurité pourraient permettre d'optimiser les capacités existantes, plutôt que de simplement ajouter de nouvelles lois.
L'Institut Mackenzie se réjouit des dispositions du projet de loi qui vont dans le sens, financement à l'appui, d'une meilleure coordination et d'une communication plus efficace de l'information en vertu de lignes directrices adéquates, mais nous partageons également les préoccupations exprimées relativement aux conséquences possibles d'autres dispositions de ce projet de loi.
Tout d'abord, nous estimons qu'il faudrait établir plus clairement la distinction entre « manifestation d'un désaccord » et « terrorisme ». Le projet de loi va criminaliser la défense ou la promotion des actes terroristes. Suivant la position adoptée par le gouvernement, il n'y a aucun problème avec les activités licites de défense d'une cause, de protestation, de manifestation d'un désaccord ou d'expression artistique. Il faut toutefois se demander ce qu'on entend par « licite » et qui se charge de définir ce terme. Le libellé doit être très clair. Une opposition raisonnable, même si elle va jusqu'à la manifestation, ne devrait pas être considérée comme du terrorisme à moins qu'elle ne prenne une tangente destructrice. Et encore là, il faut s'assurer de faire la distinction entre une émeute, qui peut être contenue au moyen de mesures conventionnelles, et une attaque terroriste, qui exige une intervention non conventionnelle.
Il est possible que certaines modifications doivent être apportées à la loi en vigueur, mais il faut bien réfléchir à toutes les incidences que pourraient avoir ces changements.
Par exemple, la Loi sur le SCRS dans sa forme actuelle est une mesure législative efficace, mais n'offre au SCRS qu'un pouvoir d'intervention directe très limité. Compte tenu de la conjoncture en matière de sécurité, il pourrait être souhaitable d'élargir les pouvoirs conférés au SCRS pour lui permettre de mener des interventions d'envergure restreinte et des activités visant à atténuer la menace, par exemple en entrant en contact avec un individu pour l'empêcher d'emprunter la voie de la radicalisation. Dans l'état actuel des choses, le SCRS ne peut même pas avertir les parents que leur enfant s'apprête à participer à des activités violentes aux côtés des djihadistes.
Il est déjà arrivé que le Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité critique le SCRS pour avoir pris des mesures semblables afin d'atténuer la menace, notamment parce que cela n'était pas prévu dans son mandat.
Selon ce que prévoit ce projet de loi, un mandat judiciaire pourrait permettre au SCRS d'enfreindre la loi et de contrevenir à la Charte, comme le disait un témoin qui a comparu devant vous. On pourrait certes considérer que le juge qui délivre le mandat et le SCRS lui-même outrepasseraient ainsi les droits que leur confère la Charte. Il convient de trouver un plus juste équilibre entre les résultats souhaités et les moyens juridiques utilisés pour y parvenir.
D'autres ont fait valoir que l'application de la loi devait être assujettie à une surveillance indépendante accrue, sans attaches politiques. Nous estimons préférable de soumettre nos agences de sécurité nationale à une surveillance indépendante par des experts non partisans, plutôt que de permettre une intervention politique dans le processus. L'exemple australien de l'inspecteur général montre bien que cela peut se faire de façon indépendante.
En outre, il doit être bien clair que les principaux pouvoirs conférés par la nouvelle loi seront assujettis à un examen judiciaire et des autorisations légales.
Il faut également se préoccuper des risques que l'on utilise à mauvais escient les pouvoirs découlant au quotidien de l'application des lois existantes ou à venir. Dans certains cas rapportés récemment par les médias ou dont j'ai eu moi-même connaissance, des lois existantes et leurs pouvoirs afférents ont été utilisés à mauvais escient en raison d'un jugement déficient ou indolent, ou de manière délibérée.
Il faut espérer que ceux qui se voient confier la responsabilité de faire appliquer nos lois ne sont pas des automates, mais chaque être humain a ses points faibles, ce qui justifie tout au moins la mise en place d'un processus d'approbation bien défini et transparent pour éviter toute atteinte à la vie privée. Et ce processus doit en outre être assorti d'un mécanisme d'appel indépendant, transparent, équitable et rapide. Ainsi donc, l'Institut Mackenzie souscrit aux dispositions du projet de loi qui vont dans le sens, financement à l'appui, d'une meilleure coordination et d'une communication plus efficace de l'information sous réserve de lignes directrices adéquates, mais partage les préoccupations exprimées quant aux conséquences possibles d'autres aspects du projet de loi.
Pour pouvoir chercher des dossiers au domicile de quelqu'un ou à son bureau, il faut un mandat de perquisition en bonne et due forme. Il me semble que la portée de la loi devient bien élastique lorsqu'on va jusqu'à exiger le mot de passe d'un ordinateur à un poste frontalier. Les soupçons ne suffisent pas en l'absence d'un motif probable. La simple curiosité ne permet pas d'agir en l'absence de preuves. Il nous apparaît tout au moins contradictoire de permettre à un juge d'enfreindre une loi ou de ne pas tenir compte de la Charte dans le but de faire respecter la loi ou de protéger une société fondée sur le droit.
Toute loi comporte des imperfections, quels que soient...
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Tout à fait. Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais, car j'ai reçu mon éducation dans un autre pays.
Je me contenterai de dire ceci. En ce qui concerne le groupe Toronto 18, notre institut a organisé une série de rencontres interagences qui ont permis aux divers acteurs de se réunir. Nous avions donc la GRC, la Police provinciale de l'Ontario et la police de Toronto qui se rencontraient une fois par mois pour discuter de questions liées à la sécurité. C'était des rencontres à huis clos, officieuses, auxquelles le public n'avait pas accès, et l'inspecteur responsable de la GRC s'est levé lors d'une rencontre et a dit: « Vous savez, si l'Institut Mackenzie », c'est-à-dire notre organisation, « ne nous avait pas réunis pour discuter des opérations, nous n'aurions jamais pu coopérer aussi bien que nous ne l'avons fait pour mener l'enquête difficile sur le groupuscule Toronto 18. »
C'est la raison pour laquelle nous parlons de centres de fusion. On peut bien sûr réunir des chefs de police et des directeurs d'agence. Ils ont cependant tendance à parler des politiques, des effectifs, ainsi que des mandats et des budgets. Mais lorsqu'on parle à des gens qui travaillent sur le terrain, et comme nous disons dans le monde de la sécurité, ce sont les gens qui sont confrontés à ce problème au jour le jour et ils ont besoin de se réunir de façon quotidienne et de se transmettre les renseignements dans les plus brefs délais.
Quant aux incidents survenus sur la Colline parlementaire et au Québec, les agences connaissaient ces particuliers mais ne se transmettaient pas les renseignements assez rapidement. Si ma mémoire est bonne, l'un d'entre eux s'était même fait retirer son passeport, mais on n'en avait pas informé les autres agences, et il n'y a pas eu de suivi.
Je ne dis pas que l'on aurait pu empêcher leurs actes. Rien ne peut empêcher des actes isolés, c'est la brillance et la terreur du terroriste qui fait cavalier seul, dont mon collègue a des connaissances expertes. On en aurait certainement réduit la probabilité. De nos jours, nous ne profitons pas des outils dont nous disposons déjà afin de mieux intégrer le travail.
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Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, merci de m'avoir invité ici ce soir.
Je vais parler un peu moins du terrorisme et peut-être un peu plus de la violence politique et de l'extrémisme, et je me concentrerai moins sur la situation à l'étranger et davantage sur la situation canadienne. Les discussions publiques récentes ont surtout mis l'accent sur les attentats inspirés par lSIS ici au Canada, en France, en Tunisie, en Australie et au Danemark. Cependant, ce phénomène n'est pas nouveau. Déjà au début des années 1980, le Canada avait produit une série ininterrompue de gens voués à des causes islamistes, et j'utilise le terme dans le même sens que l'a utilisé Mme Raheel Raza.
Ainsi, Ahmed Said Khadr a été radicalisé au début des années 1980 lorsqu'il était membre de l'Association des étudiants musulmans de l'Université d'Ottawa. Devenu agent financier opérationnel principal de l'Al-Qaïda, il détournait l'argent du contribuable recueilli par l'oeuvre caritative Human Concern International.
Comme l'a noté Michelle Shephard, journaliste du Toronto Star, ainsi que les Frères musulmans, l'Association des étudiants musulmans a été fondée par les Frères musulmans.
Qutbi al-Mahdi était membre de l'Association des étudiants musulmans de l'Université McGill avant de devenir chef du Service du renseignement étranger du Soudan en 1989, qui était à l'époque gouverné par un parti inspiré des Frères musulmans. Salman Ashrafi était président de l'Association des étudiants musulmans de l'Université de Lethbridge avant de perpétrer un attentat suicide en Irak qui a fait de 20 à 40 victimes, selon les sources.
Ce recrutement, cet extrémisme, ne se produisent pas en vase clos. Le Canada recèle des réseaux cachés qui ont l'argent, l'idéologie et l'infrastructure nécessaires pour encourager ce genre d'activité. Ces organisations cherchent à créer un espace politique, social et culturel propice à l'avancement de l'extrémisme et de la violence politique, et toute opposition est étouffée en invoquant l'islamophobie et le racisme. Ces réseaux extrémistes sont créés par des groupes tels que les Frères musulmans, Hizb ut-Tahrir, et les adhérents au mouvement khomeyniste de l'Iran. Les renseignements indiquent également que Babbar Khalsa et la Fédération internationale de la jeunesse sikhe, des mouvements séparés et distincts, bien sûr, des groupes islamistes, font leur retour au Canada.
Vu le temps limité accordé ce soir, je me concentrerai uniquement sur les Frères musulmans. Selon la Fondation Quilliam, peut-être le chef de file mondial en ce qui concerne l'étude de l'extrémisme, les Frères musulmans sont à l'origine intellectuelle de tous les groupes islamistes qui existent aujourd'hui. Ce point de vue est également entretenu par de nombreux érudits du Moyen-Orient et par le président el-Sisi d'Égypte, qui vient de le déclarer en Égypte.
Les Frères musulmans, qui ont vu le jour en 1928, ont comme objectif de créer un état islamiste mondial gouverné par leur interprétation grandement politisée de l'islam. Selon la Fondation Quilliam et les Frères musulmans eux-mêmes, l'organisation se cache derrière des organisations de façade. Les Frères musulmans ont déclaré au milieu des années 1970 qu'ils avaient renoncé à la violence, même si quelques sous-groupes, tels les Frères musulmans syriens, le Hamas et le Djihad islamique égyptien, ont maintenu leurs tendances violentes.
En janvier de cette année, cependant, les Frères musulmans ont annoncé officiellement sur leur site Web, Ikhwanweb, qu'ils allaient suivre un nouveau chemin, celui de la violence. Les frères ont revendiqué: « un long djihad, sans compromis, durant laquelle nous demanderons la possibilité de devenir des martyrs ».
Outre ses tendances antidémocratiques, antilaïques et antipluralistes, la mouvance des Frères musulmans est également antifemme. Je crois qu'il est juste de dire que c'est un mouvement carrément misogyne. Par exemple, l'Association des étudiants de l'Université York a distribué gratuitement des livres dans le cadre de sa semaine annuelle de sensibilisation à l'islam en février de cette année. L'un des livres comportait une section sur la façon de discipliner sa femme. On y conseille de ne battre sa femme que dans le cadre d'un processus à trois volets de correction et d'éducation.
On y indique également qu'il y a divers types de femmes dans ce monde, et je cite: « des femmes soumises ou dominées. Il se peut même que ces femmes accueillent les coups à certains moments comme signe d'amour ou de sollicitude. » Ironiquement, le livre a comme titre Women in Islam & Refutation of some Common Misconceptions. Permettez-moi de répéter la citation: « Il se peut même que ces femmes accueillent les coups à certains moments comme signe d'amour et de sollicitude ».
Allo, Margaret Atwood. Allo, les féministes. Où est la levée de boucliers?
De plus, l'année dernière, Le Journal de Montréal a évoqué la possibilité que M. Chiheb Battikh, qui avait tenté d'enlever le petit-fils d'un milliardaire montréalais pour en extraire une rançon, pourrait avoir été membre des Frères musulmans et avoir commis l'enlèvement pour le compte de la mouvance. Le reportage, long de cinq pages et signé Andrew McIntosh, a paru en juin 2014.
Quel est le point de vue du Moyen-Orient? En 2014, les Émirats arabes unis ont dressé la liste de 86 organisations qui sont des entités terroristes, des groupes de façade, des groupes interposés, des agents financiers ou encore des fournisseurs d'armes. La liste a été accueillie et approuvée par la Ligue des États arabes. Sur cette liste compréhensive d'organisations, deux avaient leur siège aux États-Unis, ainsi que des bureaux et des effectifs au Canada. Ce sont CAIR-USA et la Muslim American Society. Notons que plus de 20 déclarations ont été faites par CAIR-USA, CAIR-CAN ou NCCM, ainsi que le Département d'État des États-Unis. On y indique notamment que le Département d'État des États-Unis a confirmé que CAIR-CAN, qui s'appelle maintenant le NCCM, est la filiale canadienne de CAIR-USA. CAIR-USA a déclaré maintes fois qu'il a une filiale canadienne, CAIR-CAN. CAIR-CAN, le NCCM, a noté de nombreuses fois dans ses textes juridiques qu'il a été formé pour appuyer CAIR-USA.
Il suffit de regarder rapidement la mission des Frères musulmans. Dans leurs propres mots, c'est-à-dire dans un document qui remonte à 1991, à l'issue d'un examen de 10 ans, le mouvement a fait la déclaration suivante:
Les [Frères] doivent comprendre que leur travail en Amérique est un genre de grand djihad qui servira à éliminer et à détruire la civilisation occidentale de l'intérieur et à « saboter » sa malheureuse maison de leurs propres mains.
Des déclarations semblables sont faites ici au Canada. La semaine dernière, le groupe Young Muslims in Canada avait toujours son site Web et on pouvait y trouver le professeur Fahmy qui citait Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans. Que dit-il? « Préparez-vous au djihad et embrassez la mort. La vie elle-même viendra vous trouver. »
Si vous vous demandez d'où vient la radicalisation et l'extrémisme, si vous vous demandez pourquoi de jeunes gens partent faire des bêtises, il serait peut-être bon de vous pencher sur ces éléments.
Quelle est l'incidence de ces réseaux? Que se passe-t-il? En octobre 2014, le président de la Assalam Mosque Association d'Ottawa, un monsieur qui porte le nom de Abdulhakim Moalimishak, a indiqué que les mosquées traditionnelles au Canada sont remises en cause par les extrémistes.
Il précise:
Je ne dirais pas que c'est un incident isolé. À mon avis, ce sont des groupes qui cherchent à s'établir dans les centres islamiques.
En février 2015, un résident de Calgary a témoigné devant le Sénat, ce que je suis censé appeler « l'autre chambre » lorsque je suis ici, pour indiquer que l'idéologie terroriste se fait prêcher dans les mosquées et les universités canadiennes, et qu'Ottawa, et je crois comprendre qu'il veut dire le gouvernement, réagit lentement pour arrêter ce « lavage de cerveaux ».
La CBC a envoyé un journaliste avec une caméra cachée à la mosquée Al Sunnah de Montréal. Le vidéoclip contenait de nombreuses déclarations intéressantes, notamment l'idée qu'ils devraient « tuer tous les ennemis de l'islam, sans en épargner un seul. »
Un sondage mené par Environics concernant les arrestations des membres du Toronto 18 indiquait que 12 % des musulmans canadiens croyaient que les attentats que planifiait le Toronto 18 auraient été justifiés et 5 % d'entre eux ont dit qu'ils accueilleraient un attentat terroriste au Canada.
Monsieur le président, chers membres du comité, je vous dis que les gens qui nient le fait que ce genre de phénomène se produit dans les mosquées, les écoles et les universités ont tort, car nous observons les imams canadiens qui soulèvent le même problème, et nous en voyons des preuves physiques qui sortent des universités, ainsi que divers reportages.
En ce qui concerne le projet de loi , l'extrémisme non violent peut se vanter de sa légitimité. En ce qui concerne les valeurs canadiennes, la Constitution et la Charte des droits et libertés, je crois que ce genre de groupe est tout aussi menaçant que ceux qui sont ouvertement dangereux et violents. Pour contrer ce problème, nous devons changer la définition et les pratiques de la sécurité, y compris les termes comme la « déradicalisation ». Le projet de loi n'aborde pas le fait que certaines personnes cherchent à entrer au Canada, ni comment le processus politique, les oeuvres de charité, les écoles et les universités peuvent servir à faire avancer la cause extrémiste. Les membres du comité voudront peut-être suivre l'exemple des gouvernements du Royaume-Uni et de la France qui sont confrontés à ces mêmes problèmes actuellement. Vous verrez des termes comme « perturber », « entrisme » et « contester le discours des Frères musulmans » utilisés dans ce contexte.
Pour terminer, monsieur le président, comme analyste du renseignement, et j'évolue dans ce domaine depuis 1986, je crois que nous sommes confrontés à un monde qui change rapidement, où les valeurs des Canadiennes et des Canadiens se trouvent maintenant dans la mire de ceux qui nous attaqueraient depuis l'intérieur et l'extérieur. En tant qu'ancien militaire déployé à l'étranger, j'ai vu ce qui se passe lorsque les extrémistes prennent le dessus. La Bosnie et la Croatie en sont de bons exemples. Les Canadiens sont choqués actuellement par les images de décapitation et de têtes brandies comme des trophées. Ceux d'entre nous qui avons servi sur le terrain en Bosnie et en Croatie avons vu des images de têtes sevrées qui ont été brandies par les moudjahiddinnes étrangers et par les Gardiens de la révolution islamique de l'Iran. C'étaient malheureusement sur des sites courants qui revenaient encore et encore lorsque nous travaillions au tribunal des crimes de guerre.
En tant que citoyen, j'ai une opinion légèrement différente à ce sujet.
Je crois que nous devrions maintenir le plus possible l'accès à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, à la Cour fédérale et aux tribunaux criminels. À titre d'expert judiciaire en matière de terrorisme et en tant qu'individu qui possède une expertise en matière de fiabilité du renseignement et de preuves reconnues par la Cour fédérale du Canada, j'ai participé à la formation d'avocats et de juges spéciaux. Je crois qu'ils fournissent un service important au pays et au secteur du renseignement. Il est vrai que le processus des tribunaux est peut-être lent, difficile et parfois douloureux, mais ce sont les partenaires principaux dans la lutte contre l'extrémisme. Je crois que c'est la forme ultime de surveillance pour les services du renseignement et de l'application de la loi. Si nous maintenons l'accès aux tribunaux, si nous leur permettons de fonctionner et si les citoyens et les gens qui sont accusés ont accès à un système judiciaire, je crois que ça va.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie.
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Monsieur le président, monsieur le greffier, mesdames et messieurs les membres du comité, bonsoir.
Nous sommes très heureux de pouvoir comparaître devant le comité ce soir. Comme vous le savez, l'ABC est une association nationale qui regroupe plus de 36 000 avocats, étudiants en droit, notaires et professeurs de droit. Je suis ravi que notre présidente, Michele Hollins, ait pu se joindre à nous ce soir.
L'un des aspects importants du mandat de l'ABC, c'est qu'il consiste à chercher à améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est cette approche qui nous amène devant vous aujourd'hui. Pour ma part, je préside la Section nationale du droit pénal, une section qui est représentée de façon égale par des avocats criminalistes et des procureurs de la Couronne. Je suis accompagné de Peter Edelman, membre de l'exécutif de la Section du droit de l'immigration. Avec plus de 36 000 membres, nous pouvons offrir des services dans bon nombre de domaines du droit qui se rapportent à votre étude du projet de loi . En fait, le mémoire que vous devriez avoir aujourd'hui a été préparé avec l'apport des sections nationales du droit pénal, du droit de la vie privée, du droit des organismes de bienfaisance, du droit de l'immigration, du droit des Autochtones et du droit de l'environnement.
Nous donnons cet ensemble d'opinions juridiques au comité parce que nous voulons l'aider à améliorer le projet de loi. On ne dira jamais trop à quel point ce projet de loi est important, et nous croyons que le comité devrait prendre le temps nécessaire pour en faire un examen minutieux plutôt que superficiel et écouter tous les groupes concernés. Pour faire notre examen du projet de loi , nous avons adopté une approche fondée sur le bon sens. L'élaboration de nouvelles mesures législatives dont nous doutons de la constitutionnalité, de mesures qui déclarent illégaux des actes qui sont déjà visés par des lois existantes, ou de mesures qui recoupent des lois existantes ne fera qu'engendrer de l'incertitude, plus de contestations judiciaires et des coûts pour les contribuables.
Permettez-moi également d'être clair à propos d'un autre aspect. L'ABC appuie sans réserve l'idée qu'il faut assurer la sécurité des Canadiens. À ce titre, nous appuyons l'objectif déclaré du projet de loi , et notre mémoire contient 23 recommandations précises visant à le corriger. Comme je l'ai dit, je n'ai pas le temps de vous parler de chacune d'entre elles. Pendant mon exposé, je ne souhaite parler que de deux éléments, avant de passer la parole à M. Edelmann.
Le premier a trait à la création d'une infraction concernant le fait de fomenter la perpétration infractions de terrorisme. L'ABC s'oppose à la création d'une infraction concernant le fait de préconiser ou de fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme dans le Code criminel. Cette disposition est largement inutile. Il est illégal de recommander à qui que ce soit de commettre une infraction de terrorisme ou de tenir des propos haineux. La définition de terrorisme est vaste et couvre des actes préparatoires ou des activités de soutien. Comme d'autres témoins l'ont dit, cette infraction peut être contre-productive en faisant en sorte que les discussions sur le terrorisme et la radicalisation seront davantage cachées, ce qui nuira au travail de la police, qui ne pourra plus les détecter. Enfin, cette disposition aura un effet dévastateur sur notre concept de liberté d'expression dans une société démocratique. Disons les choses clairement: on rend illégales des réflexions exprimées en mots. La liberté d'expression protège même les pensées et les opinions que la majorité des Canadiens trouvent révoltantes. La démocratie canadienne est-elle à ce point fragile qu'il nous faut déclarer illégales des déclarations faites de façon irresponsable? Je crois que les Canadiens sont d'une autre trempe.
L'élément le plus inquiétant du projet de loi dont je veux parler, c'est la transformation du statut du SCRS qu'on propose: notre agence de collecte de renseignements deviendrait un organisme chargé de l'application de la loi. Le SCRS travaille dans l'ombre et pour des raisons de sécurité nationale, la majeure partie de son travail reste strictement confidentielle. Généralement, ses activités ne sont pas révélées publiquement et ne font pas l'objet d'un examen judiciaire. Dans ces circonstances, ajouter au mandat du SCRS des pouvoirs normalement réservés aux policiers augmente le risque que ce pouvoir soit utilisé à mauvais escient. En fait, cela s'est déjà produit. Comme un témoin l'a dit, il y a des précédents. Avant les années 1980, la GRC était en charge à la fois du renseignement de sécurité et de l'application de la loi. Ultérieurement, on a constaté qu'au cours des années 1970, la GRC s'est livrée à ce qu'on appelait communément des manigances, à des activités illégales sous prétexte de protéger le Canada de groupes subversifs comme le FLQ au Québec. Sans restrictions, la GRC a eu recours à des moyens radicaux pour acquérir des renseignements de sécurité et promouvoir la sécurité nationale: cambriolages, incendies criminels, enlèvements, etc.
La Commission McDonald a été créée en 1977 pour enquêter sur les abus de pouvoir de la GRC. C'est ce qui a mené à la dissolution du Service de sécurité de la GRC et à la création du SCRS, un nouveau service de renseignements civil doté d'un mandat limité consistant à obtenir des renseignements et à faire un travail d'analyse. On a alors tracé une frontière entre les activités de sécurité nationale et les opérations policières. L'idée, c'était que le risque d'abus de pouvoir serait moins grand si l'on séparait les deux rôles.
Le projet de loi risque de perturber cet équilibre et de brouiller la frontière en donnant au SCRS des pouvoirs opérationnels, dont bon nombre recouperont les pouvoirs de la GRC. Comme on dit, ceux qui ne tirent pas de leçon des erreurs du passé sont condamnés à les répéter.
En tant qu'avocat qui faisait partie de l'une des équipes qui travaillaient au procès de l'affaire Air India, je vous dirais que nous avons pu voir directement certains des problèmes qui se sont posés quand le SCRS et la GRC ne collaboraient pas pleinement. Imaginez maintenant, compte tenu du verdict rendu dans l'affaire Via Rail, ce qui se serait passé si le SCRS n'avait pas transmis l'information à la GRC de sorte que ce soit opérationnalisé. S'il n'avait pas voulu communiquer l'information, il n'y aurait peut-être pas eu de poursuite dans ce cas.
C'est le type de préoccupations que nous avons au sujet du SCRS et du fonctionnement de son mandat. C'est traité de façon détaillée dans les recommandations de notre mémoire.
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Monsieur le président, je vous remercie de m'accorder cette occasion de m'adresser au comité.
Je vais répéter ce qu'a mentionné mon collègue lorsqu'il a dit que, pour nous, la sécurité de la population du Canada est très importante. En même temps, il est important de reconnaître que la sécurité à 100 % n'existe pas.
[Traduction]
L'équilibre entre les droits fondamentaux et la sécurité nécessite parfois que l'on fasse des compromis, mais les deux sont loin d'être incompatibles. Nul doute que les droits fondamentaux dépendent de la sécurité. On ne peut jouir pleinement des droits et des libertés fondamentaux dans un climat de peur et d'insécurité. En même temps, le respect des droits fondamentaux accroît la sécurité. L'un des outils les plus efficaces de nos organismes de sécurité nationale consiste à collaborer avec les collectivités, qui leur font confiance et qui sont prêtes à coopérer avec eux. Malheureusement, les organismes doivent agir de façons qui ne favorisent pas la transparence et l'ouverture, de sorte que nous devons nous tourner vers d'autres mécanismes pour garantir un juste équilibre.
Nous recommandons deux choses qui seraient utiles à cet égard. Premièrement, il s'agit de préciser le libellé des restrictions législatives, et bien que ce n'est pas tout le monde qui peut connaître en profondeur le fonctionnement du système de sécurité nationale, nous pouvons au moins connaître les lois qui les encadrent. Deuxièmement, il s'agit d'assurer une surveillance rigoureuse et efficace du système de sécurité nationale dans son ensemble. Un certain nombre de personnes en ont parlé. Nous signalons que les services de renseignements ne devraient pas craindre la surveillance; c'est quelque chose qu'on doit bien accueillir.
[Français]
La loi touchant la communication de l'information est un bon exemple de ces problèmes. À plusieurs reprises, lors de vos audiences, nous vous avons lu des passages de la définition d'une activité portant atteinte à la sécurité du Canada, mais nous n'avons toujours pas entendu une seule explication au sujet de la raison pour laquelle la définition est tellement plus large que la définition d'une menace envers la sécurité du Canada qu'on retrouve dans la loi sur le SCRS, qui est déjà très large.
[Traduction]
Il ne fait aucun doute que la définition est beaucoup plus large que celle que l'on retrouve dans la loi sur le SCRS. Par exemple, il est difficile d'imaginer une activité de l'Agence des services frontaliers du Canada qui ne serait pas couverte par le libellé de la définition. Nous parlons ici d'une définition qui couvre des opérations frontalières. Toute intervention dans ces activités, tout ce que fait l'ASFC, est couverte par ces dispositions sur la communication d'information, et l'ASFC est un organisme qui ne fait l'objet d'aucune surveillance civile indépendante. Il relève du ministre; c'est tout.
Il devrait être très troublant que des membres de peuples autochtones, des musulmans, des activistes et d'autres personnes vous disent qu'ils craignent d'être ciblés justement parce que l'intention déclarée des promoteurs du projet de loi n'est pas de cibler ces gens et ces collectivités. Dans le contexte de la sécurité nationale, un libellé imprécis et l'absence de mécanismes de surveillance porteraient un coup fatal à la confiance et à la coopération, qui sont de loin les outils les plus précieux dont disposent nos organismes de sécurité nationale.
Nous sommes ravis de pouvoir collaborer avec vous pour vous aider à rédiger une loi efficace.
Monsieur le président Kramp, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie. Je m'appelle Zuhdi Jasser. Je suis président de l'American Islamic Forum for Democracy, à Phoenix. Je vous remercie de me permettre de parler à votre comité de la façon dont notre organisme voit les choses alors que vous vous penchez sur différents points de vue provenant des communautés musulmanes et d'autres personnes, et en particulier des intérêts et des préoccupations des Canadiens liés à ces mesures législatives antiterroristes très importantes, soit le projet de loi .
Bien que nos deux nations ont suivi des trajectoires différentes sur le plan de la sécurité nationale après les événements du 11 septembre, il est essentiel que nous apprenions de l'expérience de l'autre de sorte que nous puissions apprendre des bons coups et tirer des leçons des échecs.
Permettez-moi tout d'abord d'offrir mes prières et mes condoléances à la famille d'un héros, le caporal Cirillo, ainsi qu'à votre sergent d'armes, Kevin Vickers qui, dans un geste héroïque, a mis fin aux attaques sauvages qu'a commis le terroriste islamiste Michael Zehaf-Bibeau le 22 octobre dernier sur la Colline du Parlement, ainsi qu'aux victimes de l'attaque terroriste percutante dans laquelle l'adjudant Patrice Vincent a péri et des personnes ont été blessées au Québec.
En tant qu'ancien capitaine de corvette de la marine américaine, citoyen américain dévoué, musulman pratiquant et Américain qui a de solides racines en Syrie et dans sa révolution — je suis le fils d'un réfugié politique syrien des années 1960 —, je profite de toutes les occasions, comme le font d'autres témoins tels que Raheel Raza et Salim Mansur depuis le 11 septembre, pour travailler aux changements et aux réformes qui doivent être mis en oeuvre pour nos communautés musulmanes et les autres afin de protéger notre nation contre ce cancer qu'est le terrorisme islamiste.
L'une des pires erreurs que nous pouvons faire en Occident, c'est de compartimenter les efforts chez nous par rapport à ceux à l'étranger, ou même à l'étranger entre les nations, en ignorant des thèmes et des problèmes communs et en présumant que les luttes tombent commodément le long des frontières. J'ai témoigné devant le Congrès ici, aux États-Unis, au sujet de la radicalisation de musulmans en 2011 et en 2013, et également sur la lutte contre le terrorisme en 2012. J'ai témoigné à un certain nombre de reprises sur des questions liées à la liberté religieuse concernant le printemps arabe en Égypte, en Syrie et en Arabie saoudite.
Notre organisme — à titre d'information — est un groupe de réflexion, une organisation américaine musulmane activiste consacrée à la mission à laquelle nous croyons: la protection de la liberté et l'avenir de l'islam passeront par la séparation des mosquées et de l'État. Le terrorisme est tout simplement une tactique ou le symptôme d'une présupposée idéologie sous-jacente omniprésente dont le militantisme et la violence ne constituent qu'un des moyens d'atteindre l'objectif de former un État islamique. Nous croyons que la cause principale, c'est cet État islamique, cet islamo-patriotisme, ou cet islamisme — une idéologie prônant la suprématie de ceux qui veulent faire avancer l'islam politique contre toute autre forme de gouvernance.
Non. La répugnance de l'idéologie de l'islamisme ne devrait pas être rendue illégale, et on ne peut pas la battre par ce moyen. Cela dit, l'objectif visé par les militants de l'islamisme radical, parmi d'autres objectifs de l'islamisme, ne peut pas être battu par votre système de sécurité à moins de comprendre l'idéologie de l'islamisme dans son ensemble et de se concentrer sur elle et de donner à vos agents la capacité de voir l'islamisme et l'islamo-patriotisme qui en découle et l'idéologie comme la source de menace centrale partout dans le monde, malgré ses nuances ethniques importantes et moins pertinentes. Au bout du compte, ces éléments communs font en sorte que les mouvements comme celui de Boko Haram et du mouvement islamique nigérian militant pour la suprématie islamique s'allient avec des califatistes de l'État islamique en Syrie et en Irak, comme nous l'avons vu il y a quelques semaines.
Comme nous l'avons vu récemment dans la vidéo de Zehaf-Bibeau qui a été rendue publique — qu'il a faite avant de commettre son acte terroriste —, il s'est inspiré de cet islamo-patriotisme qui diabolise le Canada, les Canadiens et l'Occident, et il nous blâmait tous pour les problèmes des communautés musulmanes. Il faut que nos opérations de sécurité puissent être élargies pour couvrir non seulement les gens dont on connaît les intentions de commettre un acte de violence ou un acte terroriste, mais aussi les gens comme Zehaf-Bibeau, l'individu qui a tué Vincent, ou Nidal Hassan ici à Fort Hood en 2009; avec un peu plus de temps, on aurait pu savoir qu'ils risquaient de commettre un acte, et c'est une distinction importante à faire. Alors, le système de sécurité permettra de contrer les menaces, ce qui est bizarrement interdit maintenant, et aussi de bloquer les propos qui prônent ouvertement et clairement la violence et des actes terroristes contre tous les citoyens; ces propos et ces groupes ne devraient jamais être protégés, car notre liberté n'est pas un pacte de suicide.
En tant que musulman américain, je me souviens qu'en 2009, Nidal Hasan, qui était sur l'écran radar bien avant qu'apparaisse l'EIIL, avait comploté ses attaques en se fondant sur la même idée de suprématie djihadiste islamiste qui l'a amené à assassiner 13 de nos confrères soldats et d'en blesser plus de 30. Le lien entre Bibeau et Hasan, c'est qu'ils étaient tous les deux des islamo-patriotes, des traîtres à nos nations qui ont juré allégeance à la cause islamique globale.
Dans le cas de Hasan, c'était l'imam al-Awlaki et son califatisme. Pour Bibeau, c'était l'EIIL et son califatisme. On ne peut pas dire que ces deux cas n'ont pas de liens puisque d'un côté, c'était l'EIIL, et de l'autre, c'était Al-Qaïda. Malheureusement, six ans plus tard, et quelques rapports plus tard, nous tournons encore autour du pot pour nommer l'idéologie qui les a poussés à commettre leurs gestes et qui a poussé tant d'autres radicaux dans le monde à le faire.
Il est incompréhensible que 14 ans après les événements du 11 septembre, nos nations ne puissent pas chercher des spécialistes de l'idéologie islamiste, de l'outil du pouvoir des islamistes, du juridisme de la charia de nos ennemis, ou la mienne qui, je crois est la foi que j'aime. Toutefois, il y a une différence entre la charia de l'État islamique et notre charia personnelle. Nous avons besoin de spécialistes qui peuvent en parler. Jusqu'à maintenant, la rectitude politique a rendu cela impossible.
Une fois qu'on comprend ces éléments — le processus de radicalisation ou ce que j'appelle « l'islamo-patriotisation » et la djihadisation du côté de groupes comme l'EIIL —, on est mieux à même d'adopter de bonnes mesures législatives sur le travail des policiers et le travail lié à la sécurité nationale. Des travaux précurseurs à cet égard ont été publiés par le service de police de New York ici aux États-Unis. Le document s'intitule Radicalization in the West: The Homegrown Threat.
En raison de la rectitude politique et de la pression des groupes islamistes en Amérique, qui sont déterminés à réprimer la vraie réforme que nous essayons de mener, ce rapport sera bientôt retiré du site Web. Je vous demande de le télécharger avant que cela se produise. Il est en ligne depuis 2007. C'est parce que les analystes de la division du renseignement du service de police de New York ont commis le crime de renseigner leurs forces sur ce lien, certes pas la règle, mais le lien entre l'islamisme, le djihadisme, le salafisme militants et ces imams qui punissent les infidèles, comme l'imam al-Awlaki, et diverses autres pratiques soi-disant inoffensives auxquelles ont recours les mouvements islamistes.
Bien que tous les musulmans ne sont pas islamistes, tous les islamistes radicaux sont musulmans. En fin de compte, ils s'engagent dans des références très communes de radicalisation, sur lesquelles seulement nous, les musulmans, pouvons intervenir, mais que nos services de sécurité et de renseignements ne devraient pas ignorer.
Je crois que la seule raison rationnelle pour laquelle les différents groupes de musulmans et d'autres groupes légaux peuvent, au nom de notre communauté, faire entendre leurs préoccupations sur une criminalisation très pertinente du fait de préconiser et de fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme en général, comme l'indique le projet de loi , c'est que cela les obligera à prendre position sur les idéologies qui alimentent l'islamisme militant ou sur l'islamisme en tant que tel.
Si le militantisme n'est pas criminalisé, ces gens continueront de prétendre ignorer ce qui alimente la situation et, au bout du compte, ce ne sera pas révélé. Cette bataille a plusieurs fronts, et en définitive, je crois que c'est vraiment une lutte occidentale, entre la théocratie et le libéralisme. Nous avons besoin des outils pour faire face à la situation. On ne devrait pas se dire « s'ils commettent des actes », mais bien « s'ils pouvaient commettre des actes ». Concernant les discours prônant le terrorisme, ce n'est pas parce qu'ils ne préconisent pas une attaque contre une personne ou un groupe en particulier que ces discours devraient être protégés.
Au bout du compte, s'ils prônent la violence, il faut que cela cesse. Pour ma part, je vous dirais qu'en fin de compte, ces outils seront très utiles. Il n'est pas nécessaire de rendre tout ce type de discours illégal, pas la partie violente, la partie islamiste. En fait, si on le rend illégal, il sera caché. Toutefois, les propos qui prônent la violence et la terreur devraient être révélés et extirpés.
Je pense que si les musulmans font cela et sont tenus responsables, en définitive, notre communauté religieuse doit jouer un rôle. Les réformistes devraient avoir une place à la table.
En fin de compte, les appels à commettre des actes de terrorisme ou de violence ou l'appui aux groupes et aux personnes qui font partie de la liste des terroristes ou leur promotion ne devraient pas être protégés. Je vais vous donner un exemple. Le mois dernier, sur le site Web ummah.com, on disait que les musulmans comme le Canadien Tarek Fatah et l'Américain Zuhdi Jasser sont 100 000 fois plus dangereux pour la communauté musulmane que pour les infidèles ou les kâfir de l'Occident.
Les conséquences sont évidentes. Je ne dis pas que l'on devrait rendre les discours illégaux, mais j'espère que vos forces de sécurité examinent les sites Web comme ummah.com et les organisations dont les membres pourraient commettre des actes terroristes. À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas le faire.
Les gens que le projet de loi protégerait avant tout, ce sont les musulmans, notre communauté religieuse, qui a peur et qui reste silencieuse à cause de radicaux qui nuisent aux réformes et à la dissidence
Je veux terminer mon exposé avec quelques dernières réflexions. Premièrement, le mantra de l'extrémisme violent doit disparaître. Je crois que le Canada a une petite longueur d'avance sur nous à cet égard. Deuxièmement, la théorie du loup solitaire est absurde. Ce ne sont pas plus des loups solitaires que le virus Ebola était un loup solitaire à Dallas, puisque la personne atteinte revenait du Libéria. Il est très important d'adopter des démarches plus globales contre les gens qui préconisent la perpétration d'actes terroristes et la destruction. Nous devons nous ranger du côté des réformateurs de la communauté musulmane, nous opposer à l'islam politique et nous allier avec des groupes et des plateformes qui nous permettent de tenir ce débat.
J'ai hâte de discuter avec vous. Merci.
À un moment donné, nous devons comprendre que non seulement le programme actuel — qui ne consiste qu'à arrêter ces individus avant qu'ils commettent un acte de violence — est en train d'échouer, mais que tôt ou tard, nous ne serons plus capables de suivre le rythme, car le phénomène s'accentue. Au cours des deux dernières années seulement, le nombre d'arrestations liées au terrorisme aux États-Unis et en Occident a augmenté de façon exponentielle, et les États-Unis, le Canada, l'Australie et d'autres États ont été visés. Non seulement nos commerces ont été attaqués, et il y a eu les événements du 11 septembre, mais à Paris, les médias ont été attaqués, à Ottawa, on s'en est pris au gouvernement, et nos militaires sont maintenant visés. Il y a une liste de 100 membres des forces américaines ciblés par l'EIIL; on a trouvé leurs adresses personnelles sur Facebook et dans les médias sociaux.
Tôt ou tard, nous ne pourrons plus suivre le rythme. Quelle est notre stratégie à long terme? Soit dit en passant, alors que le Moyen-Orient commence à alimenter cet islamo-patriotisme dans son radicalisme sunnite contre chiite, nous allons nous retrouver dans une situation où nous ne pourrons plus suivre le rythme parce que nous payerons le prix de l'absence de stratégie en matière de politique étrangère dans nos pays. Si ces gens ne peuvent pas obtenir un passeport pour aller en Syrie, ils commettront un acte terroriste à Toronto, à Montréal ou aux États-Unis. Au bout du compte, le danger croît. Pourquoi? La guerre d'idées est nourrie par les radicaux qui utilisent les médias sociaux, qu'il s'agisse des wahhabites en Arabie saoudite, des sunnites radicaux, des chiites radicaux ou des khomeynistes avec Assad en Syrie, en Iran et le Hezbollah. C'est l'islamisme radical qui remplit ce vide. La façon de contrecarrer cela, ne consiste pas à répliquer au militantisme, mais à le remplir d'idées de liberté
Je crois que la plus belle histoire des derniers mois, c'est celle de la Tunisie. Un parti laïque anti-islamiste a remplacé, de façon démocratique, un parti islamiste — le parti Ennahdha. Cela s'est fait sans l'aide de l'Occident, et au bout du compte, le plus grand mouvement antiterroriste, c'était le parti laïc qui a pris le pouvoir en Tunisie. C'est pourquoi l'EIIL voulait briser l'économie du pays il y a quelques semaines lorsqu'il a attaqué le musée. Ces gens veulent que les islamistes reviennent au pouvoir et ils alimentent cela. Le phénomène croît de manière exponentielle. Nous devons adopter une stratégie à court terme, comme le projet de loi , et une autre à long terme, qui mobilise des réformateurs comme notre organisation, celle de Raheel, et d'autres.
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Je vous remercie infiniment de la question. Je ne peux pas vous dire à quel point elle est importante.
Permettez-moi simplement de dire d'emblée que le manque de franchise, d'ouverture et d'honnêteté à l'égard des musulmans peut en fait exacerber l'islamophobie — je n'aime pas ce mot. Une phobie est la peur de l'inconnu. Si personne n'explique le problème et ne s'y attaque, cette attitude alimentera la phobie puisque rien n'est fait à ce sujet. D'ailleurs, le fait de ne pas aborder directement la question relève de la théocratie et du mouvement théocratique, qui affirme la suprématie de tous les États islamiques de l'Organisation de la coopération islamique, ou OCI, et pas seulement du groupe armé État islamique.
D'ailleurs, ce groupe armé n'est pas tombé du ciel; il a plutôt été créé en Arabie saoudite. La pensée wahhabite l'a incité à décapiter 60 personnes au cours des trois derniers mois. Le groupe applique ce genre de philosophie de même que la charia en Arabie saoudite suivant les principes du wahhabisme.
Les musulmans doivent être tenus responsables comme tout autre adulte, sans quoi vous nous infantilisez et nous traitez comme des enfants. Par crainte de nous offenser, vous nous permettez de vivre dans le deni. Je trouve ces attentes tellement peu élevées que c'est presque de l'intolérance. « Oh, les musulmans doivent être dirigés par des mouvements misogynes et théocratiques tyranniques puisqu'ils n'arrivent pas à comprendre la pensée moderne. Nous ne voulons surtout pas les offenser, sans quoi... » Vous voyez donc qu'il s'agit d'un cercle vicieux. J'aime les communautés musulmanes, ma famille et ma foi; c'est donc à la dure que je soulève ces questions, puisque je veux que nous composions avec la modernité. Les chrétiens qui ont formé l'Amérique et rejeté les individus théocratiques de l'Église anglicane aimaient leur foi. J'ai déjà témoigné sur ces enjeux auparavant, et j'ai trouvé étonnant qu'on me demande quelles étaient mes compétences, et qu'on me dise que je n'avais pas le droit de me prononcer sur ces questions. Ce que je dis, c'est qu'il n'y a rien de plus américain et canadien que de rejeter la théocratie.
Au bout du compte, je pense que les musulmans bénéficient d'un passe-droit. Or, nous devons adopter la ligne dure et nous permettre d'avoir des opinions variées, plutôt que de laisser une entité monolithique s'exprimer au nom de notre communauté, qui est dominée par des islamistes financés par l'argent du pétrole saoudien, par la Fondation du Qatar, et par les islamistes apologistes qui souhaitent nous garder à leur merci et nous empêcher de nous moderniser.
Les seules choses qui pourraient nous permettre de nous moderniser sont des tribunes comme la vôtre et les universités occidentales modernes, qui ne sont pas redevables aux sociétés pétrolières. Nous devons finalement nous rendre compte que les islamistes et le mouvement des Frères musulmans que Thomas a décrits ne sont pas les seules voix. En fait, nous devons les marginaliser puisqu'il y a un lien entre l'islamisme politique et l'islamisme radical, qui s'inscrivent dans la même continuité. Puisque ces individus ne veulent pas que vous remarquiez cette continuité, ils vous arrêtent net en vous accusant d'islamophobie. Je crois que c'est de l'intolérance de ne pas nous donner de tribune pour discuter de ces enjeux.
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Merci. Je ne suis plus professeur; je n'enseigne plus, même si j'ai exercé la profession dans deux ou trois pays.
Pour commencer, j'aimerais simplement dire que j'appuie sans réserve les remarques de M. Jasser. Ce qu'il vient de dire est tout à fait vrai. J'aimerais également ajouter que ses observations de tout à l'heure à propos des loups solitaires étaient justes. Le concept de loup solitaire existe en matière de terrorisme; ce sont des choses qui arrivent. Le loup solitaire est toutefois une des espèces les plus rares qui soit. Je pense à Anders Breivik, un type qui agit complètement en loup solitaire. Mis à part lui, il y a très peu d'exemples.
En ce qui concerne les porte-parole de la communauté musulmane, je pense que c'est peut-être le plus grand problème que nous rencontrons actuellement au Canada. Il y a toutes sortes de difficultés relatives aux musulmans. En fait, il n'existe pas une communauté musulmane uniforme au pays, mais plutôt toute une variété de communautés, comme les chiites, les sunnites, les derviches, les soufis, et les autres. Un certain nombre d'organisations canadiennes prétendent parler au nom de tous les musulmans au pays, mais ce n'est pas le cas. Ils représentent peut-être 15 à 20 % d'entre eux. Je pense que le gouvernement doit d'ailleurs commencer à aller au-delà de ces groupes qui affirment représenter les musulmans et à s'intéresser aux organismes communautaires qui parlent au nom des autres 80 % de musulmans.
Puisque j'ai beaucoup eu affaire au milieu islamique et musulman, je sais également qu'un certain nombre d'entre eux voudraient parler, mais qu'ils ne le font pas. Pourquoi? Par peur. Ils craignent les poursuites, les mauvais traitements, la perte de leur emploi, et ainsi de suite. Je renvoie donc la balle au gouvernement, qui doit commencer à obtenir plus souvent la collaboration de ces gens et à les protéger. De nos jours, je pense que la rectitude politique est la chose la plus dangereuse qui soit au pays. Le Canada, le Royaume-Uni, la France, le Danemark, la Suède et d'autres sont si lourdement affectés par la rectitude politique que cette pratique les empêche de parler ouvertement et intelligemment des problèmes.
Il y a des écueils. Nous ne pouvons pas regarder tous ces jeunes — qui font partie d'associations étudiantes musulmanes — quitter le pays pour aller se tuer ou commettre des meurtres sans en conclure qu'il y a peut-être quelque chose qui cloche.