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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 117 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 24 octobre 2018

[Énregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 117e séance du Comité permanent de la condition féminine. Évidemment, il s'agit d'une séance publique.
    Aujourd'hui, nous reprenons notre étude sur le réseau de refuges et de maisons de transition pour les femmes et leurs enfants affectés par la violence faite aux femmes et la violence par un partenaire intime.
    C'est dans ce contexte que j'accueille nos deux témoins d'aujourd'hui.
    Nous recevons Kristal LeBlanc, directrice générale du Centre de ressources et de crises familiales Beauséjour. Si je ne le dis pas comme il faut, je vous prie de me corriger.
    Nous accueillons aussi Jennifer Lepko, présidente-directrice générale du YMCA Lethbridge et district.
    Nous vous accorderons chacune sept minutes.
    Nous commencerons par Kristal. La parole est à vous pour sept minutes.
    Je vous remercie de l'invitation et du privilège de partager avec vous nos expériences des services aux femmes victimes de violence et à leurs enfants. Je vous félicite d'entreprendre cette étude et vous conseille d'inclure dans vos recommandations et votre rapport des appels à l'action immédiate, puisque nous traversons indéniablement une crise dans le secteur, parce que nous n'arrivons pas, de bien des façons, à offrir les services nécessaires à ces femmes chaque jour.
    Les femmes sont depuis longtemps des guerrières qui se battent pour les services des refuges, des centres pour les victimes d'agression sexuelle et de sensibilisation à la violence familiale, entre autres. En 2018, ne croyons-nous pas qu'il serait temps que d'autres se joignent à nous dans cette bataille?
    Quand j'ai commencé à préparer mon exposé d'aujourd'hui, je ne pouvais tout simplement pas arrêter de penser à une citation d'Evelyn Cunningham, une journaliste américaine qui a beaucoup couvert le mouvement de protection des droits civils. Elle disait: « Les femmes sont le seul groupe opprimé dans notre société qui vit en association étroite avec ses oppresseurs. »
    J'aimerais que chacun d'entre vous garde cette image en tête pendant que vous tentez de comprendre les réalités propres aux refuges pour les femmes victimes de violence familiale au Canada.
    Le Centre de ressources et de crises familiales Beauséjour est un organisme de bienfaisance enregistré situé à Shediac, au Nouveau-Brunswick, dont la mission est l'élimination de la violence familiale grâce à l'intervention, à la prévention et à l'éducation. Ce centre a ouvert...
    Excusez-moi.
    Puis-je vous demander de ralentir un tout petit peu pour permettre à nos interprètes de vous suivre?
    Certainement.
    Le Centre a ouvert ses portes en 1997 avec 1,5 employé. En 2017, nous avions cinq employés et nous avons effectué plus de 2 000 interventions, dont plus de 700 auprès de victimes de violence familiale. De ce nombre, 78 étaient des femmes et leurs 32 enfants, qui sont restés dans la relation violente, parce que notre organisme n'a actuellement aucun lit d'urgence, zéro.
    Il y a presque six ans, en 2012, nous avons commencé à réfléchir à la porte tournante que créait notre modèle de prestation de services. Les femmes victimes de violence s'adressaient à nous pour obtenir des services de proximité, mais nous n'avions pas de lits pour les accueillir. Dans nos collectivités rurales, il y a plus de 29 usines de transformation du poisson, qui emploient la vaste majorité de nos victimes. À l'époque, les femmes violentées dans nos collectivités devaient se rendre dans le refuge urbain le plus proche, et du coup, elles perdaient immédiatement leur emploi. Bien des victimes restaient donc dans la relation toxique ou y retournaient à répétition, parce que le cycle était trop difficile à briser.
    J'ai commencé par réclamer un changement localement, mais on me répétait constamment que les refuges, au Nouveau-Brunswick, n'avaient reçu aucune augmentation depuis plus de 10 ans et qu'il n'y avait pas d'argent frais pour cela. Une fonctionnaire m'a dit que le jour où je recevrais un sou de son gouvernement, elle aurait droit à un abonnement au gym gratuit. Devant ce genre de résistance, le projet était constamment reporté, et je continuais d'observer les conséquences désastreuses de l'absence d'hébergement pour les victimes.
    Il y a déjà 33 femmes, au Nouveau-Brunswick, qui sont nos « témoins silencieuses », c'est-à-dire qui ont été assassinées par leurs conjoints. Je ne pouvais pas rester là sans rien faire et en voir d'autres s'ajouter à la liste.
    Nous venons maintenant tout juste de terminer une campagne de financement intitulée « Courage », qui nous a permis d'amasser 4,2 millions de dollars de capitaux, dont 1,5 million directement des gouvernements provincial et fédéral. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cela n'a pas été facile. Je n'ai jamais été plus consciente du fait d'être une femme dans le monde du travail que pendant que je me démenais pour ce projet. On m'a affublée de toutes sortes de qualificatifs comme, insistante, agaçante, têtue, et je ne crois vraiment pas qu'on m'aurait traitée de la sorte si je m'appelais Pierre, Jean ou Jacques. Il semble que celles qui travaillent dans ce domaine sont aussi la cible de discrimination fondée sur le sexe. Une chroniqueuse du nom de Lois Wyse a dit, à un moment donné: « On apprend aux hommes à s'excuser de leurs faiblesses et aux femmes, à s'excuser de leurs forces. »
    Notre nouvel établissement comprendra une aile d'urgence, où nous offrirons, entre autres choses, six lits divisés en deux appartements de trois chambres, dans le cadre d'un projet pilote provincial. Nous prévoyons également faire passer notre nombre d'unités d'hébergement de deuxième ligne de deux à sept. Nous avons planté notre premier clou le 8 octobre, nous sommes en plein travaux, et il nous reste 600 000 $ à trouver. C'est le travail le plus valorisant, bien que le plus difficile, que nous n'ayons jamais entrepris en tant qu'organisation communautaire locale.
    La question que les organisations de femmes se posent souvent, c'est pourquoi ce doit être si terriblement difficile. Les femmes se battent depuis les années 1970 pour obtenir des services pour les victimes de violence familiale, et il est décourageant de constater que les choses n'ont pas changé. Il y a cependant une lueur d'espoir, au Nouveau-Brunswick, puisque dans la dernière année, les refuges pour victimes de violence familiale de la province ont reçu une augmentation de 10 %, la première depuis 2010. De plus, notre gouvernement provincial a fourni une partie des capitaux nécessaires pour ce projet, en plus de nous accorder une subvention de fonctionnement pour nous aider à absorber les coûts de l'aile d'urgence.
    Comme bien d'autres témoins chevronnés qui ont comparu devant le Comité, je dois souligner que les femmes, au Canada, n'ont pas toutes également accès à ce genre de service, puisque chaque refuge est indépendant des autres. Cette réalité rend presque impossible toute mesure des résultats, puisque les services offerts varient énormément d'une région à l'autre du pays.
    Comme le soulignait Lise Martin, directrice générale d'Hébergement femmes Canada, les femmes des milieux ruraux sont particulièrement désavantagées, puisque les refuges établis dans les régions rurales ont du mal à lever des fonds dans des endroits où le taux de pauvreté est élevé. Par conséquent, les refuges ruraux ne peuvent souvent offrir que des services limités.
    Le manque de financement, de services adéquats et de places pour répondre à la demande toujours croissante de refuges pour les femmes victimes de violence est bien réel au Nouveau-Brunswick. En raison du vieillissement de notre population, de plus en plus de femmes de plus de 55 ans cherchent ce genre de service, alors que le système de refuges conçu dans les années 1980 visait surtout à venir en aide aux jeunes générations.
    Beaucoup de femmes se font claquer la porte au nez si elles souffrent de problèmes complexes de santé mentale et de dépendance, puisque les refuges n'ont pas les ressources nécessaires pour traiter ce genre de problèmes. De plus, comme il y a beaucoup de nouveaux arrivants dans la province, il peut être de plus en plus difficile pour le personnel des refuges de répondre aux divers besoins linguistiques et culturels des victimes, faute de ressources.
    Je conseille aussi fortement aux membres du Comité permanent d'inviter des femmes ayant vécu l'expérience à prendre la parole. Si les fournisseurs de services de première ligne peuvent certainement vous présenter un portrait important des réalités du secteur, je vous recommanderais aussi d'écouter directement les femmes qui souhaitent se libérer vraiment de la violence.
(1535)
    Pour terminer, j'entretiens l'espoir qu'un jour, bientôt, tout le système des refuges sera transformé, et nous entrerons carrément en territoire inconnu, un peu comme l'Interval House, à Toronto, le premier refuge pour femmes au Canada. Nous avons pour cela besoin d'un fort engagement de notre gouvernement fédéral à investir massivement, et de manière récurrente, non seulement dans les contributions en capital, mais surtout, dans des ententes de partage des coûts avec les provinces pour appuyer les opérations de base. La violence familiale est une maladie sociale, et il faut la traiter comme telle.
    Je vous remercie de votre temps.
    Merci beaucoup, Kristal.
    C'est au tour de Jennifer Lepko. Vous avez sept minutes.
    Lethbridge se situe dans le Sud de l'Alberta. La population de la ville est d'un peu moins de 100 000 personnes. Nous sommes voisins de la plus grande réserve au Canada et affichons l'une des populations d'immigrants et de Néo-Canadiens les plus élevées.
    Le YWCA Lethbridge et district offre du soutien et des services dans le Sud de l'Alberta depuis presque 70 ans. Nous nous spécialisons dans la violence familiale et sexuelle, le logement et l'itinérance, la prévention et la gestion des crises, le leadership et l'autonomisation, la défense des droits et la sensibilisation.
    J'aimerais vous partager quelques chiffres: 6 490, 519 et 2 094. Ce sont les chiffres de notre refuge d'urgence pour femmes Harbour House du YWCA. Au cours du dernier exercice, 6 490 personnes se sont prévalues de nos services de sensibilisation; nous avons réussi à offrir des lits sûrs à 519 femmes et enfants dans notre refuge, et il y a encore 2 094 femmes et enfants à qui nous n'avons pas pu offrir de lits sûrs.
    Les besoins sont grands dans notre région, et nous n'avons pas suffisamment de ressources pour y répondre. Nous n'avons actuellement pas de maison de transition dans la région, ce qui représente une lacune importante. Nous ne recevons de subventions du gouvernement que pour l'administration de notre refuge, et nous avons besoin de presque 50 $ par jour, par lit de dons pour pouvoir offrir nos services.
    Les statistiques, bien qu'importantes, ne sont que des chiffres. Nous travaillons avec des humains. Les chiffres et les statistiques déshumanisent les personnes avec qui nous travaillons. Nous parlons ici de vies, d'êtres humains. Il ne faut pas oublier que nous travaillons avec des personnes, que nous aidons des personnes, et non des chiffres.
    Imaginez-vous devoir courir pour sauver votre vie en plein milieu de la nuit, pour éviter d'être battue à mort. Pour beaucoup de personnes, le moment de la fuite est celui où elles risquent le plus de perdre la vie. Vous vous présentez à la porte d'un refuge, avec rien du tout, sauf les vêtements que vous portez. Vous devez ensuite raconter votre histoire à de parfaits étrangers, leur raconter les horreurs que vous avez vécues, tout en vous blâmant vous-même pour toute la violence que vous avez endurée. Tout cela pour vous faire dire que le refuge est plein. Que feriez-vous? Il est fort probable que vous retourniez vers votre agresseur, non pas parce que vous le souhaitez, mais parce que si vous aviez une meilleure option, vous l'auriez déjà essayée avant de vous adresser à un refuge.
     Peut-être aussi qu'il y avait un lit de libre. On vous montre votre chambre. Il y a du monde dans la pièce, et on y trouve six lits. Vous devez maintenant partager votre espace avec cinq parfaites inconnues. Vous êtes en sécurité, peut-être pour la première fois de votre vie. Vous pouvez enfin prendre une minute pour respirer, mais pas plus, parce que vous n'avez que 21 jours pour vous réinventer complètement, pour surmonter le traumatisme que vous avez vécu, pour trouver un endroit où habiter, des vêtements pour le lendemain et tellement d'autres choses. Soit dit en passant, vous avez été battue, rabaissée, on vous a fait sentir que vous n'aviez aucune valeur. Vous n'avez pas d'argent, pas d'amis; vous vous sentez comme une moins que rien et vous n'avez rien. Maintenant, allez-y. Je sais que je ne serais certainement pas capable d'y arriver, et j'ai des ressources, et je n'ai pas vécu de terreur, de traumatisme et de violence extrêmes.
    Vous avez sûrement déjà entendu le vieil adage: « Donnez à une personne du poisson, et elle aura de quoi manger pour la journée; montrez-lui à pêcher, et elle aura de quoi manger toute sa vie. » C'est ce que nous devons faire. Nous devons enseigner à ces êtres humains à repartir à zéro, leur laisser du temps, leur fournir du soutien et des ressources.
    La première chose dont nous avons besoin, c'est d'un plus grand nombre de places en refuge, et parallèlement à cela, nous avons besoin de maisons de transition supervisées pour tous les refuges. Il faut commencer par le début et faire de l'enseignement, de la reconstruction, de l'autonomisation. La Stratégie nationale sur le logement est un excellent point de départ. Elle permet d'investir des capitaux dans la construction de logements abordables, mais si l'on se contente de construire un plus grand nombre de logements sans offrir suffisamment de soutien aux personnes en même temps, elles ne réussiront pas. Il y aura simplement plus de logements vides et endommagés.
    Il faut créer des chez-soi. Il faut marcher à côté de ces personnes et leur offrir toute l'aide dont elles ont besoin pour réussir. Quand vous êtes déménagé dans votre première maison, saviez-vous quand sortir les poubelles? Saviez-vous comment remplacer un filtre de fournaise? Aviez-vous la chance de savoir comment cuisiner un repas sain? Vous restait-il plus de 30 $ à la fin du mois pour nourrir votre famille?
    Beaucoup des personnes itinérantes ou à risque d'itinérance sont en mode survie. Comment peut-on s'attendre à ce qu'elles comprennent tout ce qu'il faut pour vivre dans une maison et l'entretenir si l'on ne leur offre pas les outils nécessaires? Quand une personne fuit de la violence, elle a perdu toute maîtrise de la situation, elle a perdu toute aptitude à prendre des décisions. Elle a été terrorisée, et pourtant, on s'attend à ce qu'elle réussisse à s'en sortir rapidement.
    Nous avons besoin de programmes par étapes: une phase pour guérir toutes les ecchymoses; une phase pour comprendre ce qui s'est passé et faire le deuil de ce qu'on a perdu; une phase pour découvrir en quoi consiste le cycle de la violence et comment il se répercute sur vos enfants et vous; une phase pour réfléchir à la suite de sa vie.
    Il faut offrir de la sécurité et du soutien en continu aux victimes. Tout comme des enfants, elles franchiront des étapes, devront grandir et se développer. On ne s'attend pas des enfants à ce qu'ils fassent des choses avant d'y être prêts sur le plan développemental. Quand une personne a vécu un traumatisme associé à de la violence, elle n'est pas prête, sur le plan développemental, à faire tout ce qu'il faut pour recommencer à zéro. On oublie qu'il faut commencer par la base. La violence n'est pas un événement en soi, c'est un processus, comme c'est un processus de se rétablir de tout ce que la violence a causé. Il faut enseigner à la personne à ramper, à se tenir debout, puis à marcher seule.
(1540)
    La solution est d'investir dans les personnes. Nous devons nous assurer que les refuges disposent des ressources nécessaires pour offrir un abri initial aux femmes qui en ont besoin, mais aussi leur donner les moyens de se préparer à continuer la route qui leur convient. Il ne s'agit pas de savoir combien de temps il faut, mais bien de leur fournir les outils nécessaires pour savoir qu'elles ont la capacité de le faire et qu'elles en valent la peine. Elles repartent à zéro. Cela peut sembler assez simple, mais c'est parfois ce à quoi nous avons besoin de retourner. Un enfant qui commence l'école n'entre pas en 9e ou en 12e année; il commence en première année et acquiert les compétences dont il a besoin étape par étape.
    Pour ce faire, il faut du soutien, mais pour pouvoir l'offrir, il faut investir.
    Investir dans le personnel. Ce faisant, nous sommes en mesure de le former efficacement, de réduire le roulement, de verser des salaires raisonnables et d'offrir aux employés du soutien pour surmonter les traumatismes qu'ils vivent par procuration. Une fois qu'ils ont entendu une histoire, ils ne peuvent pas revenir en arrière. Ils vivent cette vie avec leurs clients.
    Investir dans les refuges. Il ne devrait pas s'agir de chambres avec des lits multiples. L'espace personnel et les limites sont des choses que les abuseurs enlèvent aux victimes, qui se retrouvent ensuite dans des espaces partagés. Nous devons investir dans l'espace physique des refuges. Ce ne sont pas des cellules de détention, mais bien des endroits où une personne a la possibilité de se ressaisir. Nous devons concevoir les refuges de façon stratégique.
    Investir dans les personnes. Nous devons offrir du soutien aux personnes par l'intermédiaire de programmes dans lesquels on enseigne, on cherche à comprendre et on autonomise. Nous avons besoin de programmes globaux pour inculquer des compétences, qui vont des compétences psychosociales de base à la formation professionnelle.
    Investir dans les logements de transition supervisés. Ces types de logements devraient être offerts partout où il y a des refuges. Ils s'inscrivent dans une étape cruciale pour les femmes qui fuient la violence. C'est là qu'elles peuvent croître et se responsabiliser. C'est là qu'elles apprennent et grandissent.
    Investir dans l'organisation. Les organisations connaissent le travail. Elles investissent dans les personnes à qui elles offrent des services. Il nous faut moins filtrer les fonds à travers de multiples organismes. Ce sont les organisations qui savent comment répondre le plus efficacement possible aux besoin des personnes à qui elles viennent en aide.
    Encore une fois, cela peut sembler simpliste comme vision, mais la solution est simple: c'est une question de soutien. Grâce au soutien, on aide les gens brisés à guérir. En investissant dès le départ dans les personnes, on réduit les coûts à long terme. Si on leur apprend à pêcher, elles pourront manger toute leur vie.
    Merci.
(1545)
    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons entamer notre série de questions de sept minutes. C'est Pam Damoff qui commencera.
    La parole est à vous pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous deux d'être ici, et merci surtout pour le travail que vous faites toutes les deux dans vos collectivités. Votre travail est très important, et je sais que vous faites beaucoup avec peu de ressources. Merci.
    Je vais commencer par vous, madame LeBlanc. Vous avez mentionné que vous travaillez avec des femmes plus âgées et des femmes en contexte rural. Si c'est aussi votre cas, madame Leptko, j'aimerais entendre votre point de vue.
    Il arrive souvent que les femmes plus âgées et les femmes en milieu rural ne soient pas prises en compte lorsqu'on étudie cette question. Je me demande si vous pouviez nous formuler des recommandations précises en ce qui concerne ce groupe démographique.
    Absolument. Premièrement, lorsqu'il est question de la façon dont les refuges sont construits, nous devons tenir compte du fait que nous avons des femmes de tous les âges. Cela peut vouloir dire que pour qu'une femme plus âgée se sente à l'aise de venir rester au refuge, il lui faut avoir son propre espace pour ne pas avoir à composer avec des enfants qui courent partout quand elle a dépassé ce stade de sa vie. Sur le plan structurel, nous devons prendre certaines choses en considération et c'est ce que nous avons fait avec notre nouvelle construction.
    Ensuite, je pense qu'il est vraiment important d'adapter les programmes aux femmes de plus de 55 ans. Lorsque j'étais aux études supérieures, nous avons mené des études sur les femmes de plus de 55 ans et sur la façon dont les refuges s'adaptaient aux femmes plus âgées. Nous remarquions qu'ils aimeraient le faire, mais qu'ils n'avaient tout simplement pas le financement nécessaire. Nous offrons un groupe de soutien dans notre collectivité, et la femme la plus jeune a 49 ans, alors nous nous assurons que les sujets que nous couvrons conviennent exactement à cette étape de leur vie.
    Aviez-vous quelque chose à ajouter?
    J'aimerais simplement ajouter que nous observons notamment que nous offrons des services à des femmes qui ont le corps de personnes âgées. Elles ont besoin du soutien qu'on offre aux aînés en raison du style de vie qu'elles ont subi.
    Un élément qui représente une lacune importante est le traitement médical. Il faut pouvoir accéder aux services qui offrent les ressources médicales qu'on n'a pas dans un refuge. Encore une fois, lorsqu'on conçoit ces refuges, on doit en tenir compte parce qu'une personne qui a souffert d'abus considérables a besoin de suivi médical, ce qu'elle ne peut pas obtenir chez nous.
    Un des défis auxquels nous sommes confrontés — je suis sûre que vous en êtes conscientes, par exemple en ce qui touche la Stratégie nationale pour le logement — est que le financement vient du gouvernement fédéral et passe par le gouvernement provincial. Dans mon secteur, il est versé à la région de Halton avant de finir par arriver aux organisations. Ici, nous avons très peu de contrôle sur la façon dont cet argent est dépensé. Il existe une raison logique pour cela, car on estime que les municipalités et les régions sont les mieux placées pour savoir ce dont on a besoin.
    Lorsqu'on examine les lacunes qui existent actuellement à la grandeur du pays, pouvez-vous nous dire précisément ce que nous pouvons faire ici pour vous aider là où vous êtes? Vous avez mentionné, entre autres, le financement opérationnel. Y a-t-il d'autres domaines où vous estimez que le gouvernement fédéral pourrait combler cette lacune?
    J'estime qu'en menant cette étude et ces travaux de recherche pour mieux comprendre ce qui se passe... Peut-être que lorsque ce paiement de transfert aura été effectué, le gouvernement fédéral aura toujours son mot à dire.
    Il s'agit d'une stratégie nationale pour le logement, et même si la province devrait le savoir... et elle le sait... Un de nos plus grands défis a été que lorsque nous avons tenté d'obtenir du financement, les gouvernements fédéral et provincial ont tous les deux fait valoir que c'était leur argent, et ce n'est pas possible. Ce fut un important problème auquel nous nous sommes butés pendant pas mal de temps.
    Si on pouvait faire preuve d'un peu plus de transparence à cet égard et que le gouvernement fédéral pouvait participer un peu plus à la façon dont ce financement devrait être versé, je pense que ce serait important.
    Il faut éliminer certaines de ces étapes. Je suis consciente du fait qu'il faut que tous ces échelons participent au processus. À titre d'exemple, il y a quelques années, le gouvernement fédéral a annoncé un financement de 39 millions de dollars pour le logement en Alberta. Lorsque nous l'avons reçu, nos programmes ont été réduits de moitié. Nous pensons que le financement est affecté au logement, mais à Lethbridge, des programmes importants ont été réduits ou carrément éliminés. Nous publions des annonces dans les journaux pour essayer d'obtenir des dons et nous nous faisons répondre: « Vous venez d'obtenir 39 millions de dollars. Pourquoi avez-vous besoin de notre aide? » Ce montant n'est pas nécessairement affecté aux endroits qui en ont le plus besoin.
(1550)
    Vous avez aussi besoin de reddition de comptes pour que les gens puissent voir où cet argent est dépensé.
    Mme Jennifer Lepko: Absolument.
    Mme Pam Damoff: Quand elles sont venues témoigner, les représentantes de DAWN Canada et du Réseau d’action des femmes handicapées nous ont dit qu'entre 35 % et 80 % des femmes qui viennent dans les refuges ont subi un type de traumatisme crânien.
    Avez-vous des programmes ou des tests de dépistage pour les femmes qui arrivent afin de pouvoir gérer la situation?
    Nous allons faire les tests de dépistage, mais les programmes...? Non. C'est par manque de financement, pas parce que nous ne devrions pas le faire.
    Nous faisons aussi des tests de dépistage. Nous travaillons en partenariat dans la mesure du possible avec d'autres organismes, mais nos programmes sont centrés sur la personne. Nous lui donnons les outils dont elle a besoin pour s'en sortir, et si cela signifie qu'il faut lui venir en aide parce qu'elle a subi un traumatisme crânien, nous pouvons lui offrir du soutien de la même façon. Je dirais que la totalité des personnes qui font appel à nos services souffrent d'un traumatisme.
    Vous avez dit que lorsqu'une personne arrive au refuge, elle y reste 21 jours. Pourquoi son séjour est-il si court? Est-ce une question de financement?
    C'est en grande partie à cause d'un besoin de financement. Vous verrez 21 jours, 28 jours. Cela varie dans une certaine mesure. L'idée du refuge est d'offrir un soutien d'urgence initial. Les refuges ne sont pas qu'une solution palliative. Ils sont très importants. Ils permettent aux femmes et aux enfants de se ressaisir et de déterminer ce qu'ils feront ensuite.
    Il faut les logements de transition supervisés ou les logements de deuxième ligne dont j'ai parlé. Nous avons besoin de suivre des étapes dans le développement de cette nouvelle personne qui se remet d'un traumatisme.
    On verra un écart. C'est en grande partie en raison du financement.
    La seule raison pour laquelle je pose la question est que je pense que les femmes restent environ six mois à la Halton Women's Place, dans ma région.
     v Ce serait plus un type de placement dans un refuge de deuxième ligne défini qu'un refuge d'urgence. Encore une fois, cela dépend de la définition qu'on lui donne et des services offerts dans la région.
    Je pense que mon temps est écoulé.
    Il vous reste six secondes.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de Rachel Harder pour sept minutes. La parole est à vous.
    Bienvenue. C'est bon de vous voir toutes les deux. Évidemment, madame Lepko de Lethbridge, je suis heureuse de vous voir ici à Ottawa.
    Ma question s'adresse à Jennifer. Vous avez employé la phrase: « Il faut... faire de l'enseignement, de la reconstruction et de l'autonomisation ». Vous avez choisi des mots vraiment forts, et chacun d'entre eux est significatif.
    Pourriez-vous nous dire ce que chacun de ces mots signifient? Lorsque vous dites qu'il nous faut faire de l'enseignement, de la reconstruction et de l'autonomisation, à quoi cela ressemblerait-il?
    Absolument.
    Premièrement, nous devons enseigner aux gens tout un tas de compétences différentes. Lorsque des personnes ont vécu un type de traumatisme ou sortent d'une expérience traumatisante, elles sont en mode survie et elles ne portent pas nécessairement attention à ce qui se passe autour d'elles. Il faut vraiment s'arrêter à ce qui se passe dans le moment présent. Nous devons pouvoir leur inculquer les compétences dont elles ont besoin pour avancer, et cela variera d'une personne à l'autre. Il pourrait s'agir d'apprendre comment la violence les a affectées, comment cuisiner un repas qui ne soit pas sur le pouce. Nous avons besoin de leur apprendre des compétences, des compétences pratiques pour la vraie vie.
    Nous devons aussi reconstruire ces personnes. Comme je l'ai mentionné, elles ont été dépouillées. On les a privées de leurs processus de prise de décisions. L'abus est une question de pouvoir et de contrôle, alors elles recommencent à zéro, et la question est de déterminer comment nous allons reconstruire ces personnes pour qu'elles sachent qu'elles sont en mesure de faire ces changements, d'acquérir ces compétences, d'avancer et de le faire en autonomie.
    Pour ce qui est de l'autonomisation, nous avons tous besoin d'être autonomes. Nous devons avoir un objectif. Nous devons nous sentir appréciés; c'est ainsi que nous allons réussir dans la vie. Il est ici question de ces occasions d'être autonome.
    Pourriez-vous parler brièvement des partenariats qui seraient nécessaires pour pouvoir arriver à quelque chose du genre?
    Le financement fédéral passe par le gouvernement provincial et la municipalité, et vous finissez par avoir le petit peu qui reste. En tant qu'organisation sur le terrain, avez-vous la possibilité de travailler en partenariat avec le secteur privé? Avez-vous la possibilité de collaborer avec des organisations sans but lucratif ou des groupes religieux, des personnes attentionnées qui veulent faire du bénévolat? À quoi cela ressemble-t-il d'un point de vue pratique en fait de prestation de services sur le terrain?
(1555)
    Les partenariats sont vraiment cruciaux, surtout pour une organisation sans but lucratif. Il faut y avoir recours pour survivre. En fait, nous travaillons en partenariat avec un certain nombre d'organismes et d'organisations à Lethbridge afin d'offrir ces services.
    Nous offrons de multiples programmes sous l'égide du YWCA. Nous voyons l'incidence de chacun d'entre eux sur ces personnes, car nous offrons de multiples services à un même endroit. Il s'agit des mesures de soutien globales dont ces personnes ont besoin. Lorsque nous nous trouvons à un endroit comme Lethbridge, nous sommes en mesure d'entretenir des relations avec les autres partenaires avec lesquels nous pouvons entrer en contact et faire ce transfert personnalisé. C'est très bien de pouvoir les avoir dans l'immeuble. Vous connaissez ces personnes, qui n'ont même pas nécessairement à quitter l'immeuble pour profiter de ces services.
    Tous ces éléments sont cruciaux. Nous devons pouvoir les renseigner concernant l'emploi. Comme nous n'avons pas suffisamment de financement pour embaucher du personnel qui pourrait les aider à cet égard, nous avons besoin de faire appel à d'autres organisations qui pourraient le faire. Comme pour toute chose, si nous avions les ressources humaines pour offrir ces mesures de soutien, qui dépendent du financement, nous serions capables d'offrir un soutien beaucoup plus global et salutaire à partir d'un seul endroit.
    C'est clair.
    J'aimerais revenir au sujet des maisons de transition, et peut-être que vous pouvez chacune vous prononcer là-dessus.
    Madame Lepko, vous avez bien sûr mentionné qu'il n'y en a pas suffisamment dans notre collectivité.
    Madame LeBlanc, j'ai manqué une partie de vos remarques liminaires et je m'en excuse. Je ne suis pas certaine si vous y avez fait allusion ou pas.
    J'estime que c'est vraiment un élément clé. Nous ne voulons pas que les personnes résident dans un refuge comme solution à long terme, si bien que l'hébergement de transition est vraiment important. Idéalement, nous aimerions que les femmes progressent côté logement vers un endroit où elles vivent en autonomie et en sécurité, où elles sentent qu'elles ont les moyens de mener une vie digne, qui en vaut la peine et qui a un sens.
    Peut-être que vous pourriez toutes les deux dire quelque chose à ce sujet.
    Dans notre collectivité rurale, nous n'avions pas de logements de transition. Nous avions deux unités de deuxième ligne. J'ai parlé de la campagne de 4 millions de dollars que nous menons depuis pas mal de temps.
    Ce sont tous des logements de transition, mais à différentes étapes. Au pays, il y a des logements de 1re étape, de 2e étape et de 3e étape. La 1re étape se situe entre 30 et 90 jours. C'est la variété dont nous parlions. Parfois, c'est 21 jours; tout dépend de la mesure dans laquelle ils sont occupés. La 2e étape peut durer jusqu'à un an et se prolonger jusqu'à deux ans. Rendu à la 3e étape, on aide vraiment la femme à emménager dans un logement subventionné régulier ou un logement sur le marché indépendant.
    Oui, il est crucial d'avoir ces étapes intermédiaires.
    Un des points les plus importants, et dont on oublie souvent de tenir compte lorsqu'on pense aux logements de transition ou de deuxième ligne, concerne les mécanismes de sécurité qui doivent être mis en place. Dans bien des cas, ces femmes et ces enfants sont pourchassés, et les immeubles ne sont pas conçus pour les protéger. Les individus qui les pourchassent sont très futés et capables de manipuler toutes sortes de situations. En conséquence, non seulement nous devons instaurer les mesures de soutien, mais nous devons nous assurer que des mécanismes de sécurité adéquats soient en place.
    Comme je l'ai mentionné, c'est lorsqu'elles fuient la violence que les femmes et les enfants sont le plus en danger. Nous devons en être bien conscients et veiller à instaurer aussi les mécanismes de sécurité — et oui, à finir par aller au-delà de cela. La réalité est que certaines pourraient ne jamais être entièrement en sécurité sans ces mécanismes mis en place pour elles, et nous devons investir dans ceux-ci.
    Il vous reste quatre secondes pour une courte question.
    Oh mon Dieu, il ne me reste que quatre secondes.
    Madame Lepko, faisons vite, il nous manque cet élément. Quel serait le scénario idéal dans ce contexte?
    Le scénario idéal serait d'avoir des fonds pour construire un centre. Nous n'avons pas d'espace où nous sommes. Nous avons besoin d'investissements dans les immobilisations et d'investissements dans le fonctionnement pour offrir les services, de même que d'investissements dans la sécurité, un élément qui fera partie intégrante des immobilisations.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Jenny Kwan.
    Vous avez sept minutes. Allez-y.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à nos témoins de leurs excellents exposés.
    Vous avez parlé des unités d'hébergement — de première, deuxième et troisième ligne — et je pense que vous avez expliqué assez clairement pourquoi elles étaient nécessaires. Pour que le Comité comprenne bien la pénurie de services qui sévit, vous avez mentionné — madame Lepko, je pense que c'est vous qui avez mentionné cela — que 2 094 femmes n'ont pu être hébergées. Que se passe-t-il pour ces femmes alors?
(1600)
    Nous parlons souvent dans ce cas de notre taux de refus. Lorsque nous n'avons pas un lit sûr pour elles, nous nous assoyons avec elles pour établir un plan de sécurité. Nous examinons les autres options pour qu'elles soient en sécurité. Nous les mettons en contact avec notre équipe de relations externes qui continuera de travailler avec elles pour leur trouver un endroit sûr où elles pourront aller, que ce soit dans la ville même, ou dans une autre ville. Notre équipe leur parlera des ressources offertes par d'autres organismes communautaires qui pourraient leur être utiles, et elle tentera de trouver des fonds pour les loger, elle leur cherchera un logement, etc.
    Nous les aidons, mais lorsqu'elles arrivent au beau milieu de la nuit avec des ecchymoses et en sang, avec leurs enfants en pleurs, et qu'il faut leur dire que nous n'avons pas de place pour eux, c'est probablement une des pires choses que notre personnel doit faire. Mais c'est la triste réalité. Où va cette personne? Habituellement, elle retourne à la maison et en paie souvent le prix.
    Sans financement, les collectivités et même les organismes comme les vôtres ne peuvent offrir aux femmes et aux enfants qui fuient la violence le soutien dont ils ont besoin, et c'est le sort qui les attend.
    Je viens de la Colombie-Britannique. Je viens de Vancouver. Nous avons diverses ressources en place, mais même dans ce cas, il arrive parfois que nous n'ayons pas de lit de libre. Je sais très bien que dans les collectivités rurales, il n'y a tout simplement pas de services offerts. Dans ce cas, les dangers et les risques que courent les femmes et leurs enfants sont inimaginables, mais c'est ainsi au quotidien.
    Si vous pouviez dire au gouvernement que vous avez besoin de telle et telle chose, qu'est-ce que vous lui diriez? Le gouvernement devrait-il veiller à ce qu'il y ait des unités d'hébergement de première et deuxième ligne dans les collectivités rurales, ou qu'on vous alloue un financement de base, par exemple? Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, mais vous pourriez nous le dire. De quoi avez-vous besoin?
    Les organismes qui viennent en aide aux femmes auront sans doute toujours besoin de se battre partout au pays pour obtenir du financement de base. Je suis convaincue de ne pas être la première à vous le dire, et je ne serai sans doute pas la dernière pendant votre étude, car somme toute, nous ne pouvons pas bien faire notre travail si nous n'avons pas ce financement. La quantité d'efforts qu'il nous a fallu, quand nous devions refuser des gens, pour obtenir une petite subvention afin de faire fonctionner notre première maison de transition dans une collectivité rurale est incroyable.
    Vous l'avez sans doute entendu de la bouche d'un autre témoin, mais quand nous ne pouvons pas offrir les services complets qui sont nécessaires pour bien soutenir les femmes, nous savons que, statistiquement parlant, elles vont venir dans un refuge sept ou huit fois avant de ne plus y revenir pour de bon. Si nous avions le financement opérationnel de base dont nous avons besoin pour faire un bon travail la première fois, nous n'aurions pas ce genre de statistiques. Il faut penser au traumatisme qu'elles subissent et aux conséquences que cela a pour elles à long terme, mais aussi à ce que vivent les enfants.
    Il faut d'abord et avant tout un financement de base et faire ce que vous faites aujourd'hui, soit écouter des experts qui travaillent sur le terrain et qui s'occupent des clients. On s'est fait dire année après année qu'il n'y avait pas d'argent. Un jour, une femme qui était en très grand danger est venue nous voir, mais nous n'avons pas pu lui offrir un lit, tout simplement parce que nous n'en avions pas. Elle a décidé de retourner à la maison. Elle pensait être en sécurité, mais elle ne l'était pas. Son conjoint a tiré sur elle à plusieurs reprises, et sans son enfant, elle serait morte aujourd'hui.
    Nous avons construit notre centre à la suite de cette situation, en nous disant qu'il fallait faire quelque chose, que ce ne serait pas facile, mais que le statu quo était intenable.
    Je pense encore une fois que c'est essentiel. Nous avons besoin que le gouvernement fédéral procède à ces investissements. La sécurité est un droit. Nous méritons tous d'être en sécurité, mais la voix des femmes et des enfants n'est pas entendue. C'est la voix que nous ne voulons pas entendre.
    Nous entendons beaucoup parler de la crise des opioïdes. Nous attendons beaucoup parler de la crise du logement et de la population des sans-abri. On dit que la plupart sont des hommes, mais ce n'est pas le cas. Les femmes aussi se retrouvent sans abri et la situation est très différente pour elles. Nous devons reconnaître que nous ne regardons pas au bon endroit. Nous devons attaquer le problème à la source, c'est-à-dire du point de vue des femmes.
    Nous avons également besoin d'un financement suffisant, mais ce n'est pas uniquement une question de fonds. Nos employés sont parmi les moins bien rémunérés, et ils aident des gens à survivre. Ils aident des êtres humains. Nous avons besoin d'investissements dans les immobilisations pour accroître le nombre de places, de bonnes places. Il faut une conception intelligente. Nous avons besoin d'un financement suffisant pour embaucher du personnel. Nous devons nous assurer de pouvoir fournir les services à notre clientèle.
(1605)
    Je pense qu'il me reste moins de deux minutes.
    Je me demande si, après la réunion, vous pourriez nous faire parvenir un document nous donnant des exemples d'un financement suffisant, afin que nous ayons un point de départ. Recommanderiez-vous au Comité, à la veille du prochain budget, que le budget 2019 soit celui où l'on cesse de tergiverser et de dire: « ce n'est pas à nous de nous en occuper, mais au gouvernement provincial », ou à quelqu'un d'autre ou à quiconque, à part nous? C'est notre responsabilité à tous, alors agissons.
    Pourriez-vous nous fournir l'information, s'il vous plaît?
    Mme Jennifer Lepko: Certainement.
    Mme Jenny Kwan: J'aimerais aborder un autre sujet. Je pense qu'il me reste encore une minute.
    Je viens du secteur à but non lucratif. Je me suis occupée d'une femme qui fuyait la violence, une femme d'origine chinoise qui ne parlait pas très bien anglais. Nous ne pouvions même pas avoir accès à quelqu'un qui parlait cette langue à Vancouver. Elle est retournée vivre avec son agresseur.
    Pourriez-vous nous parler du soutien indispensable qui est nécessaire pour s'occuper des différentes communautés culturelles et des problèmes de langue.
    Nous avons besoin d'interprètes et de personnes qui sont en mesure de nous aider à communiquer avec les gens de différentes cultures. J'habite dans une collectivité rurale où la vaste majorité des gens qui travaillent dans les usines de transformation du poisson appartiennent à différentes cultures. C'est déjà très difficile de communiquer avec une survivante, à qui on ne peut jamais dire qu'on comprend vraiment ce qu'elle vit, mais la barrière culturelle crée un obstacle supplémentaire. Nous avons besoin de soutien complet là également.
    Exactement, il faut investir dans ce soutien.
    Il ne s'agit pas seulement de la culture ethnique, mais également de la culture qu'une personne porte en elle, et qui vient de sa famille ou d'ailleurs, et également de ses croyances au sujet de sa place dans la société. Il faut donc l'accompagner à partir de l'étape où elle se trouve dans la vie, la sensibiliser, lui montrer son importance, afin qu'elle puisse découvrir ses options et avancer.
    Il ne s'agit pas de prendre des décisions à sa place, mais de lui offrir des options, afin que, si elle doit partir, elle sache qu'elle a un endroit où aller.
    Merci beaucoup du travail que vous faites.
    Mme Kristal LeBlanc: Merci.
    Mme Jennifer Lepko: Merci.
    Nous passons maintenant à M. Marc Serré pendant sept minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Mesdames les témoins, je vous remercie beaucoup pour le travail que vous accomplissez dans votre domaine et pour les recommandations que vous avez faites. Cela va nous aider dans la réalisation de notre étude.
    Ma première question, qui s'adresse à vous deux, concerne le niveau de services offerts aux communautés autochtones, particulièrement aux femmes autochtones. D'autres études énoncent des pourcentages en matière de violence et des besoins selon les cultures. Vos organismes ont-ils des statistiques à ce sujet?
    J'aimerais aussi savoir si vous avez des besoins particuliers en ce qui concerne la programmation. Sur le plan de la culture, avez-vous des employés qui ont besoin d'une formation additionnelle pour appuyer les femmes autochtones ou offrir des services aux enfants? C'est un sérieux problème dans plusieurs provinces.

[Traduction]

    Oui. Nous travaillons en très étroite collaboration avec divers organismes des Premières Nations qui se trouvent à proximité de notre collectivité. Au YWCA, nous tenons compte du fait que nous ne sommes pas des spécialistes, pas un organisme des Premières Nations. Nous nous occupons des traumatismes et de la violence sexuelle et familiale, alors nous travaillons en collaboration avec les communautés des Premières Nations pour offrir de bons services.
    Il faut parfois être prudent. Nous avons un projet, un programme d'enfants retrouvés, un programme de traumatologie, qui se déroule dans la réserve à Stand Off, juste à côté de nous, dans de nombreuses écoles. On a demandé à un jeune garçon de nous parler de sa culture. Il a répondu que sa culture, c'était la toxicomanie et la violence. Cela vous laisse sans voix. C'est ainsi qu'il définit sa culture. Il faut donc être prudent quand on dit à quelqu'un qui définit ainsi sa culture qu'il en a besoin.
    Il faut encore une fois parler aux spécialistes, à des gens qui comprennent la culture, qui la connaissent de l'intérieur. Au lieu de tenter de leur insuffler leur culture, nous devons les mettre en contact avec des aînés dans leur communauté.
    Cela dit, nous avons beaucoup de membres des Premières Nations dans notre clientèle — je dirais plus de 50 % — simplement en raison du lieu où nous sommes situés.
    Il y a un refuge sur la réserve, juste à côté de nous; de nombreuses survivantes nous ont dit toutefois qu'elles n'aimaient pas s'y rendre parce que tout le monde connaît tout le monde. La responsable des services peut être leur tante, une amie. La relation est trop proche, alors elles viennent à Lethbridge pour recevoir de l'aide.
(1610)

[Français]

    Qu'en dites-vous, madame LeBlanc?
    Je suis d'accord qu'un des plus gros problèmes, dans les maisons d'hébergement situées dans les communautés autochtones, est le manque de confidentialité. Les femmes ne sont pas nécessairement à l'aise, parce qu'elles sont situées près de leur agresseur et qu'il y a des relations entre l'agresseur et la famille élargie. C'est un gros défi. Il n'est pas surprenant que plusieurs Autochtones aient recours à divers services à l'extérieur de leur communauté.
    Vous avez une campagne de financement nommée « Courage » en vue de vous installer dans un nouvel édifice. Avez-vous des recommandations à formuler sur la manière dont le gouvernement fédéral peut faire participer le secteur privé et obtenir certaines choses autres que de l'argent? Y a-t-il d'autres éléments qui pourraient aider à construire plus de logements et à avoir plus de lits? Avez-vous des recommandations à cet égard?
    En ce qui concerne notre campagne de financement, comme il s'agit d'une communauté rurale, nous avons décidé qu'il était vraiment important d'offrir divers services dans un même édifice. Auparavant, les femmes victimes de violence étaient obligées de se rendre à divers endroits. Elles devaient se rendre à un bureau de la GRC, alors que c'est plutôt un endroit destiné aux agresseurs. Elles devaient aller à l'hôpital pour consulter une infirmière médicolégale. Elles devaient rencontrer un avocat. Elle devaient aller parler à un travailleur social. Elles devaient se rendre dans une maison d'hébergement. C'était trop.
    Le nouvel édifice nous permettra de regrouper dans un seul bâtiment tous les services dont les femmes ont besoin, de A à Z. Il y aura une salle d'enquête pour la GRC. Une infirmière médicolégale viendra donner tous les soins nécessaires aux victimes d'agression sexuelle. Il y aura même un centre pour la garde partagée des enfants. Ce service existe ailleurs au Canada, mais ce sera le premier au Nouveau-Brunswick. Au fil des années, nous avons constaté qu'en cas de violence conjugale, il est préférable d'avoir une rencontre supervisée lors des échanges de garde. Il y a plus de risques de violence si l'échange a lieu dans un stationnement ou dans une épicerie que s'il s'effectue dans un endroit prévu à cette fin. Nous avons décidé que, tant qu'à bâtir quelque chose, nous allions avoir un endroit où maman et papa pourront effectuer l'échange de garde sans avoir à communiquer l'un avec l'autre, pour éviter tout conflit, dans les cas où les parents sont vraiment en conflit quotidiennement.
    Notre comité veut soumettre des recommandations précises. Vous en avez fait plusieurs vous-mêmes. Cependant, quelle recommandation formuleriez-vous en ce qui concerne les lits de transition, les lits temporaires et le logement abordable? Il y a quand même un lien entre les trois services; c'est un continuum. Des témoins nous ont dit qu'un manque de logements abordables pouvait avoir des répercussions. Cela dit, si vous deviez demander au gouvernement fédéral d'agir de toute urgence dans un seul de ces secteurs d'intervention, lequel serait-ce?
    Il faut investir dans les services offerts dès le début. Si l'on décide de simplement augmenter le nombre de logements abordables, on ramène la victime dans sa situation de pauvreté. On ne l'aide pas à se sortir de la pauvreté.
    Quand nous offrons nos services, l'idée n'est pas de placer une victime dans un logement abordable pour le reste de sa vie. L'idée est qu'elle reprenne le contrôle, qu'elle acquière les outils dont elle a besoin pour être indépendante financièrement et pour qu'elle puisse s'offrir un autre logement. L'idée n'est pas de la laisser dans un logement abordable. C'est une solution de deuxième ou troisième étape.
    En investissant dans les services offerts dès le début, on pourrait mieux outiller la victime et on n'aurait pas besoin d'autant de logements abordables.

[Traduction]

    Exactement, il faut investir dans les refuges et les unités d'hébergement de deuxième ligne. Il faut outiller les femmes, leur fournir les compétences nécessaires pour qu'elles puissent se prendre en main.
    Nous savons que le développement économique a un lien étroit avec la violence, et la violence faite aux femmes en particulier, alors si nous les outillons pour qu'elles puissent travailler et améliorer leur sort, nous n'aurons plus besoin de logements abordables. Nous leur fournissons seulement un logement, mais ce n'est pas ce qu'il faut faire. Il faut les outiller pour qu'elles puissent se prendre en main.
    Nous allons passer aux questions de cinq minutes, en commençant par M. Steven Blaney.
    Vous avez la parole pendant 5 minutes.

[Français]

    C'est vraiment fascinant.
    J'habite Lévis, en face de Québec, et l'un des premiers organismes dont des représentants sont venus me rencontrer s'appelle La jonction pour elle. Je leur ai dit que leur organisme était intéressant et je leur ai demandé où il se trouvait. On m'a répondu qu'on ne pouvait pas me le dire.
    Ma première question vise à savoir si c'est la même chose chez vous. Vous assurez la confidentialité. Votre emplacement est-il gardé secret ou est-il connu?
(1615)
    Peut-être que beaucoup de responsables de maisons d'hébergement n'aimeront pas ce que je vais dire aujourd'hui, mais, selon notre nouveau modèle, nous ne voulons pas cacher notre emplacement. Nous avons visité beaucoup de communautés rurales, et il est impossible de nous cacher. En deux secondes, les gens découvrent où nous sommes situés.
    L'idée est aussi d'engager la communauté, de l'amener à prendre une part de responsabilité envers les victimes. Ce n'est pas un problème qui revient uniquement aux femmes qui travaillent dans le domaine, mais c'est un problème communautaire.
    Selon vous, si votre centre était caché, ce serait quasiment comme si c'était quelque chose de honteux. Vous dites que ce n'est pas le cas, c'est une situation qui se produit et vous l'assumez.

[Traduction]

    Dans votre cas, est-ce confidentiel?
    Non, pas du tout. Je sais qu'il y a un débat à ce sujet, mais nous voulons que les gens sachent où nous trouver. Nous voulons que les victimes et les survivantes sachent comment communiquer avec nous, et nous voulons que les agresseurs sachent que nous protégeons ces femmes.
    C'est bon à savoir. Merci de l'information.

[Français]

    Madame LeBlanc, je voudrais vous féliciter d'avoir été aussi insistante et tenace et d'avoir fait entendre fortement votre voix, car vous avez réalisé un fichu de beau projet.
    Merci.
    Au début, je pensais que c'était de l'hébergement, mais j'ai été impressionné de voir tous les autres services offerts. Dans le fond, c'est un genre de guichet unique pour les femmes et autres personnes victimes de violence.
    Vous avez dit quelque chose qui m'a un peu étonné. J'ai 53 ans. Vous dites que votre centre a un volet qui s'adresse aux femmes de 55 ans et plus. Pouvez-vous me parler un peu du profil de ces femmes? Ont-elles des besoins particuliers?
    Nous constatons qu'il y a trois catégories de femmes plus âgées victimes de violence.
    La première catégorie est composée de femmes qui ont vécu une relation de violence pendant toute leur vie et qui, une fois que leurs enfants sont devenus adultes et ont quitté la maison, décident de se sortir de cette relation. Ces femmes ont donc été victimes de violence pendant tout leur mariage.
    La deuxième catégorie, ce sont des femmes qui n'ont jamais eu de relations quand elles étaient jeunes, puis qui ont rencontré quelqu'un, par exemple sur un site Internet, et qui ont vécu de la violence. Elles sont donc plus âgées au moment où elles subissent cette violence.
    La troisième catégorie est formée de femmes qui ont vécu une relation vraiment saine pendant tout le temps qu'elle a duré, jusqu'à ce qu'il y ait une crise de vie. Par exemple, la violence peut commencer après que l'un des deux conjoints est devenu malade, ou bien après que le conjoint a perdu son travail. Imaginez une personne qui a vécu une relation saine pendant 27 ans et qui commence à subir de la violence.
    Finalement, même si la population vieillit, on peut s'attendre à ce qu'on ait toujours besoin d'accompagner les femmes en situation de vulnérabilité.

[Traduction]

    Madame Lepko, vous avez dit dans votre exposé que vous devez aider des gens à se reprendre en main. Vous avez parlé d'étapes, et vous avez dit que vous deviez rendre les gens autonomes. Combien de temps faut-il à quelqu'un pour se remettre sur pieds?
    Cela dépend de la personne et des traumatismes qu'elle a subis.
    On parle de traumatismes cérébraux permanents. Certaines pourraient avoir besoin de soutien pendant le reste de leur vie. Ce sont les conséquences concrètes de la violence. Idéalement, il faudrait mettre fin à la violence pour que nous n'ayons plus à nous soucier de cela, mais le fait est qu'il faut parfois aider une personne pendant le reste de sa vie pour qu'elle arrive à surmonter les conséquences de la violence, et il se peut qu'elle ne puisse pas y parvenir.
    Vous avez dit que les femmes retournent habituellement au refuge sept ou huit fois. Est-ce le cas chez vous ? Elles pensent toujours que la situation va se régler, mais ce n'est pas le cas. Comment faites-vous?
    Comme je l'ai dit, la violence est un processus. Ce n'est pas un événement ponctuel. Oui, cela peut arriver, mais c'est un processus. Souvent, ces femmes pensent qu'elles méritent ce qui leur arrive. Elles ne connaissent pas autre chose. Si elles quittent tout à coup, quand on regarde le cycle de la violence, on s'aperçoit qu'il y a l'étape de la lune de miel, puis on voit que les agresseurs resserrent leur emprise pour essayer de les ramener vers eux, en leur faisant porter le blâme, en leur disant qu'elles n'auraient jamais dû partir. Il est donc très facile de retomber dans le piège.
    Les êtres humains ont un besoin impérieux d'appartenance. C'est notre instinct qui le commande. Si ce besoin n'est pas satisfait au refuge, dans notre vie quotidienne, nous allons retourner là où ce besoin sera satisfait.
    Même si ce besoin d'appartenance est en train de ruiner votre vie, vous allez le rechercher, car c'est votre seul lien.
    Les personnes qui sont victimes de violence pensent souvent qu'elles le méritent. Elles ne comprennent pas toujours qu'elles peuvent ne pas en subir et que le pouvoir est entre leurs mains.

[Français]

    Madame LeBlanc, vous avez mentionné...

[Traduction]

    Nous aimons vous écouter, mais les cinq minutes sont écoulées.
    J'aime les écouter.
    Merci.
    Sonia, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos témoins d'être avec nous.
    Nous avons entendu dire qu'il y avait un trou béant dans les soins médicaux. La semaine dernière, nous avons eu des témoins qui nous ont dit que la stratégie nationale sur le logement est excellente, la stratégie de lutte contre la pauvreté est bonne, mais que nous avons besoin de soutien social. Pour avoir du soutien social, quel genre de modèle…? Vous avez dit que le modèle de partage des coûts est bon. Quel genre de modèle est bon ? Quel est le système de soutien idéal?
(1620)
    À mon avis, un des plus grands problèmes tient au fait que, comme il n'y a pas de financement disponible, la grande majorité des gens qui travaillent dans les maisons de transition ne peuvent pas embaucher de spécialistes des traumatismes complexes. Nous savons que plus de 80 % des victimes de violence familiale et de violence aux mains de leurs conjoints ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, et que leur toxicomanie les aide à surmonter leurs problèmes de santé mentale, alors elles se trouvent dans un cercle vicieux.
    Si l'organisme à but non lucratif qui gère la maison de transition doit aiguiller quelqu'un vers des services de santé mentale et que le gouvernement lui répond que la liste d'attente est de 10 à 18 mois, comment peut-on s'attendre à ce que cette personne commence à se rétablir si elle n'obtient pas le soutien des spécialistes dont elle a besoin?
    Qui plus est, peut-on vraiment dire que les services de santé mentale offerts par le gouvernement sont spécialisés dans les traumatismes? Ironiquement, c'est vers nous qu'on se tourne souvent pour les aider. Je dirais que c'est très flatteur, mais nous avons besoin de services en santé mentale pour offrir du soutien à long terme à ces personnes. Je peux dire que je suis une professionnelle des soins de santé mentale en général, mais je ne suis vraiment pas spécialisée dans les traumatismes.
    Nous avons besoin de gens qui sont spécialisés dans les traumatismes complexes et qui peuvent s'occuper des liens étroits entre la violence familiale, la toxicomanie et la santé mentale.
    C'est le soutien médical dont nous parlions. Qu'en est-il maintenant de la littératie financière?
    Il y a un organisme appelé Regeneration Outreach dans ma région, et je m'y suis rendue l'année dernière. J'ai rencontré une survivante de la traite des personnes et de la dépendance aux drogues, et elle n'avait aucune idée de la valeur des choses. Il fallait donc que quelqu'un l'accompagne pour lui dire, par exemple, c'est très cher, car elle ne savait pas comment faire des achats.
    Avez-vous des exemples de ce genre? Comment peut-on offrir de l'aide dans ce cas?
    En tant que « centre de crises », nous voyons plus de 2 000 personnes par année, et la grande majorité d'entre elles ont des problèmes financiers — par exemple, leur électricité a été coupée et elles viennent nous voir quand elles ont une facture en souffrance et qu'elles sont dans le froid. La réponse honnête est qu'elles ont besoin de cette éducation et non qu'on leur fasse la charité, alors nous devons cesser de donner du financement aux organismes sans but lucratif qui veulent seulement faire un chèque en pensant que cela règlera le problème.
    Ce qu'il faut faire, c'est examiner le budget de la personne et lui demander: « Croyez-vous que ceci ou cela est quelque chose que vous pourriez laisser tomber ou que vous pourriez faire des économies? Si vous choisissez de le faire, je peux vous dépanner avec tel ou tel montant. » Cependant, si je vois que les entrées et les sorties ne vont pas changer et qu'elle va quand même... Je ne vais pas payer M. Énergie NB, parce que ce n'est pas vraiment ce qui la sortira de la pauvreté.
    Ce que nous devons faire, c'est surtout de développer leur littéracie financière et les éduquer.
    Encore une fois, nous en revenons aux éléments de base qu'il faut mettre en place pour leur apprendre à repartir à zéro. Nous ne pouvons pas supposer qu'une personne possède ces compétences. Nous devons les éduquer, surtout si elles sont issues de milieux où la violence sévit depuis des générations ou d'une culture où les femmes ne sont pas autorisées à prendre des décisions, à apprendre et à devenir indépendantes. Nous devons leur enseigner les compétences dont elles ont besoin.
    Votre personnel a-t-il reçu une formation spéciale, ou êtes-vous la seule à en avoir une?
    Nous formons tout notre personnel. Nous suivons un certain nombre de formations qui sont offertes partout au pays, mais nous donnons aussi beaucoup de formations sur place. Le YWCA de Lethbridge offre des services depuis près de 70 ans.
    De plus, pour vous en dire un peu plus long sur ce dont vous parliez relativement au modèle, nous fournissons un modèle d'intervention en cas de crise. Un exemple de cela, c'est notre projet Amethyst, qui est un programme de lutte contre la violence sexuelle. C'est nous qui l'avons conçu, il y a maintenant deux ans et demi. C'est l'un des programmes les moins coûteux et les plus efficaces qui soient pour lutter contre la violence sexuelle. La démarche consiste à rencontrer les victimes là où elles se trouvent. Il s'agit de leur donner les moyens de prendre des décisions et de trouver ce dont elles pensent avoir besoin. Il ne s'agit pas de prendre ces décisions à leur place, mais de les appuyer tout au long du processus. Ce soutien est offert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
    De plus, elles peuvent décider de l'allure que prendra leur guérison, ce qui leur redonne du pouvoir et du contrôle. Il en va de même pour la violence domestique. Il s'agit de leur donner le pouvoir et le contrôle, et de leur montrer qu'elles ont les aptitudes et la capacité d'aller de l'avant. Ce qui est important, c'est de les rencontrer là où elles sont.
(1625)
    Formidable. Merci beaucoup.
    Nous avons quelques minutes de plus, alors je vais accorder une minute à chaque groupe pour une brève question et une réponse rapide.
    Je vais commencer par les conservateurs, ensuite ce sera au tour de Jenny, puis nous reviendrons aux libéraux.
    Vous avez une minute, du début à la fin.
    D'accord.
    Madame Lepko, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le programme Amethyst? De quoi s'agit-il exactement? Quelle est sa fonction et à quoi répond-il?
    Volontiers. Habituellement, à l'hôpital, si vous faites état de violence sexuelle à n'importe quel type de salle d'urgence, vous allez recevoir un traitement médical ou l'on vous fera passer par le système de justice pénale. Là, on vous préparera une trousse d'examen consécutif à une agression sexuelle et vous devrez travailler avec la police. Amethyst propose une troisième option au terme de laquelle une personne peut se prévaloir d'une trousse d'examen consécutif à une agression sexuelle et décider dans un délai d'un an si elle veut porter des accusations.
    Les intervenants du programme rencontrent toutes les personnes qui rapportent des violences, peu importe leur âge ou leur sexe, et leur offrent un soutien dès le départ. Ils sont également présents à tous les rendez-vous de suivi et ils veillent à aiguiller les victimes vers des services de soutien clinique. Néanmoins, le programme cherche surtout à répondre aux besoins des personnes en situation de crise et à leur offrir le soutien dont elles ont besoin précisément à ce moment-là.
    Les intervenants travaillent également avec un certain nombre de nos clientes victimes de violence familiale, pour la bonne et simple raison que nous savons que plus de 80 % de celles qui ont été victimes de violence familiale subissent également une forme ou une autre de violence sexuelle.
    Il s'agit d'un service offert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, avec des défenseurs qui plaident au nom des victimes et les soutiennent.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Jenny, vous avez une minute, du début à la fin.
    Merci beaucoup.
    Comme nous le savons, la menace d'insécurité financière empêche souvent une femme de partir et, à l'échelon fédéral, nous attendons toujours que le gouvernement fasse quelque chose pour instaurer les cinq jours de congé payés pour les femmes qui sont dans ces situations. Nous ne savons pas quand il prévoit de le faire ni comment les femmes pourront avoir accès à ces congés. Le budget ne prévoit aucun argent à cet égard.
    Dans quelle mesure cette composante est-elle importante pour les femmes qui subissent de la violence domestique?
    Cela dépend de la façon dont ces choses vont s'appliquer. Dans notre collectivité rurale, le grand problème, c'est que les gens ont des emplois saisonniers, alors il faudra voir si cela s'appliquera à tout le monde ou seulement à certains secteurs. Nous espérons que les personnes à faible revenu dans certains secteurs ne seront pas désavantagées, et qu'elles pourront, elles aussi, bénéficier de ce congé.
    En mai dernier, notre province a promulgué une nouvelle loi sur les ordonnances d'intervention d'urgence qui prévoit certains recours pour les victimes de violence familiale, comme la confiscation des armes à feu, la garde temporaire des enfants ou la possession temporaire de la maison afin qu'elles puissent récupérer leurs effets personnels. Ce sont des mesures qui, dans l'intervalle, se sont révélées utiles. Ce n'est pas un système parfait, mais c'est un pas dans la bonne direction.
    Formidable. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Pam, pour une minute.
    Croyez-vous que les municipalités peinent à comprendre ce qu'est un logement de transition? Dans ma région, on comprend tout à fait ce qu'est un logement abordable et les femmes ont accès à un refuge d'urgence, mais l'une des raisons pour lesquelles elles restent plus longtemps au refuge, c'est qu'elles n'ont pas de logements de transition où elles peuvent aller.
    Pensez-vous qu'il y a un réel manque de compréhension à l'égard de ce type de logement?
    Je pense qu'ils l'ont un peu oublié. Je ne veux pas dire qu'ils s'en fichent. Je pense que ce concept leur fait peur. Les histoires que nous racontons peuvent parfois être troublantes, alors ils se contentent de nous dire: « Continuez à faire ce que vous faites, c'est du bon travail. Continuez comme ça. » Oui, mais ils n'écoutent pas. Nous leur disons: « Ce sont les choses qui ne fonctionnent pas nécessairement dans votre région, et ces personnes sont vos citoyennes. C'est tout aussi important qu'un festival ou que toute autre chose qui est offerte à la collectivité. »
    Je ne pense pas qu'il y ait un engagement complet. Nous avons fait beaucoup de chemin, mais il faudrait que les municipalités s'investissent davantage.
    Je crois qu'il y a un très grand manque de compréhension de la part de nombreuses personnes, si ce n'est que pour comprendre les complexités auxquelles les victimes de violence doivent faire face. Lorsqu'on est investi du privilège d'agir et de prendre des décisions par soi-même, on ne peut pas comprendre le traumatisme que vivent ces personnes. On ne comprend pas. À moins de vivre ces drames et de travailler tous les jours dans ce contexte, on ne peut pas comprendre.
    Alors, comment pouvons-nous les sensibiliser à ce problème? Ils doivent investir dans sensibilisation et avoir la volonté de comprendre. Or, je ne pense pas que ce soit une priorité. En réalité, c'est un problème que l'on souhaite balayer sous le tapis, un problème auquel on ne veut pas penser.
    J'aimerais vraiment remercier Kristal LeBlanc et Jennifer Lepko d'avoir été là. C'était un excellent groupe d'expertes, qui nous a donné de très précieux renseignements.
    Nous allons suspendre la séance pendant environ deux minutes et reprendre tout de suite après.
(1625)

(1630)
    Je souhaite à nouveau la bienvenue au Comité permanent de la condition féminine.
    Nous sommes prêts pour notre prochaine experte. Pour cette deuxième heure, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à Lyda Fuller, qui est directrice générale du YWCA des Territoires du Nord-Ouest.
     Madame Fuller, vous avez la parole pour les sept prochaines minutes. Merci.
     Merci beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole dans le cadre de la présente séance.
    Tout d'abord, j'aimerais parler un peu du contexte des Territoires du Nord-Ouest. Nous sommes isolés, et les femmes décrivent cet éloignement comme étant une situation qui ne leur offre nulle part où se cacher et nulle part où aller. Elles sont isolées. Ils n'ont pas de téléphone. Le transport est limité et c'est un endroit où la vie coûte cher.
    La notion d'éloignement vous fait penser à des endroits retirés avec une population clairsemée, et c'est certainement le cas dans les Territoires du Nord-Ouest. Des 33 collectivités actuelles, 27 ont une population de 1 000 habitants ou moins, et 15 d'entre elles ont moins de 500 habitants.
    Parmi les obstacles auxquels se heurtent les femmes, mentionnons le fait de ne pas avoir accès au téléphone et le fait qu'il n'y a pas de numéro d'urgence central. Nous n'avons pas le 911. En fait, si c'est après les heures de bureau et que vous téléphonez à la GRC de votre collectivité, vous allez tomber sur la répartition, à Yellowknife.
    Les aidants communautaires citent les difficultés qu'ont les femmes des collectivités éloignées d'avoir accès à des refuges. Il s'agit notamment des aspects logistiques, des questions d'anonymat et de la dépendance à l'égard de la météo. Imaginez-vous que vous êtes une femme avec deux ou trois jeunes enfants dans un petit aéroport local, attendant d'aller dans un refuge. Vous ne savez pas si l'avion va pouvoir atterrir ou redécoller. Qu'allez-vous faire si ce n'est pas possible? Quels problèmes allez-vous devoir affronter en quittant cette collectivité?
    L'isolement géographique est une réalité dans de nombreuses collectivités nordiques, et il crée des risques particuliers pour les femmes, qui s'ajoutent à ceux qui existent déjà dans le sud du Canada, dans les centres plus populeux. Nous avons eu des femmes qui ont essayé de prendre la fuite en motoneige ou qui sont parties à pied en demandant à quelqu'un de venir les chercher.
    C'est un grave problème. Pour les gens des petites collectivités qui vivent dans ces conditions, il n'y a pas de vie privée ni de confidentialité. Partout où vous allez, tout le monde vous connaît et tout le monde peut vous voir. À cause du manque de confidentialité, des commérages, de la honte et des reproches qui leur sont faits, les femmes sont réticentes à parler des mauvais traitements et de la violence qu'elles subissent. Elles sont réticentes à prendre part à quoi que ce soit où elles auraient à divulguer leurs histoires personnelles, au risque d'en entendre parler, plus tard, au magasin Northern.
    Quand elles cherchent de l'aide, elles le font souvent en évoquant autre chose que les vraies raisons. Elles iront au centre de santé sous prétexte d'avoir mal aux oreilles ou mal à la gorge, mais ce qu'elles veulent vraiment, c'est parler des violences qu'on leur fait. Parce qu'elles vivent dans des collectivités nordiques, il est beaucoup plus difficile pour ces femmes de demander de l'aide.
    En 2014-2015, les femmes autochtones représentaient 94 % de toutes les admissions dans les 5 refuges des Territoires du Nord-Ouest. Lorsqu'on examine les incidents de violence conjugale signalés dans les 3 territoires, on constate que 75 % des victimes étaient autochtones et que 93 % d'entre elles ont subi « les formes les plus graves de violence conjugale, soit le fait de s'être fait battre, étrangler, menacer à l'aide d'une arme ou agresser sexuellement ». On peut dire sans se tromper que dans les Territoires du Nord-Ouest, ce sont des choses qui arrivent fréquemment. Les refuges des Territoires du Nord-Ouest servent des femmes qui courent un risque élevé de décès.
    Les collectivités du Nord souffrent aussi de la rareté des ressources. Dans les 33 collectivités que nous avons, il y en a 33 %, soit le tiers, où la GRC n'est pas présente. Aussi, 80 % n'offrent aucun service aux victimes et 85 % n'ont pas de refuge pour femmes. Les seuls refuges pour femmes des territoires se trouvent à Yellowknife, Hay River, Inuvik, Fort Smith et Tuktoyaktuk.
(1635)
    Les femmes ont beaucoup à perdre si elles tentent de quitter leur partenaire violent. Elles s'inquiètent à l'idée que leurs enfants pourraient être appréhendés. Elles craignent de perdre leur logement et, dans les collectivités où il n'y a pas de police ou de services aux victimes, elles auront besoin d'un accès immédiat à un endroit où elles seront en sécurité, et où elles trouveront du soutien, un lit pour dormir et de la nourriture.
    Des femmes ont été jetées en dehors de chez elles au beau milieu de la nuit, en hiver, sans chaussures ni bottes; elles ont été battues et laissées pour mortes; elles ont été poursuivies et étranglées alors qu'elles fuyaient pour obtenir de l'aide. Ici, à Yellowknife, nous avons transféré une femme d'un refuge à l'autre en formant une caravane pour la protéger de son conjoint qui la poursuivait.
    Il y a 5 refuges pour femmes dans les Territoires du Nord-Ouest, avec 45 lits et 21 chambres. Les refuges sont la seule ressource pour ces femmes qui ont des besoins très variés, et ils ne sont pas bien financés. Ils marchent au maximum de leur capacité, et deux tiers des femmes qui en sollicitent les services se voient refuser l'entrée. Ainsi, pour chaque 300 femmes qui viennent cogner à nos portes, nous en refusons 200.
    Le manque de financement pour les refuges est un grave problème. Dans trois régions des Territoires du Nord-Ouest — soit celles du Sahtu, du Dehcho et des Tlichos —, il n'y a pas de refuge, et les refuges qui se trouvent ici couvrent beaucoup de kilomètres carrés. Le financement des refuges est insuffisant pour assurer l'entretien, le fonctionnement, les réparations, le recrutement et le maintien en poste du personnel.
    En fait, en notre qualité d'organisme responsable des cinq refuges, nous avons récemment organisé une réunion des refuges. Les gens de Tuktoyaktuk nous ont dit qu'ils ne pensaient pas avoir assez d'argent pour nourrir tout le monde pendant toute l'année. Des refuges d'ici ont dû fermer leurs portes par manque de financement.
    Même avec seulement cinq refuges, l'aide n'est pas toujours disponible pour ces femmes. Il y a plusieurs raisons à cela dont le manque de financement, la difficulté de recruter et de garder du personnel, et le manque de lits.
    La recommandation que nous aurions pour ce service essentiel qui sauve des vies dans le nord du Canada serait de trouver un moyen de mieux financer les refuges. Je sais que les trois premiers ministres des territoires ont demandé au gouvernement fédéral d'examiner la possibilité de leur permettre d'avoir accès à du financement. Or, nous n'avons pas de réserves. Le financement fédéral va aux réserves des provinces du Sud, mais nous n'y avons pas accès. Il y aurait peut-être lieu d'inclure les services d'hébergement à titre de service obligatoire dans les paiements de transfert.
    Nous devons trouver un moyen d'assurer la croissance annuelle des refuges, et nous devons continuer à financer les réparations et l'entretien. L'argent qui a été affecté à l'amélioration des refuges au cours des deux dernières années a permis de sauver des vies dans le nord du Canada, mais il n'y a qu'un seul des cinq refuges qui peut accueillir les femmes qui ont une mobilité physique réduite. Certains travaux de construction doivent se faire au plus vite. Les responsables de Hay River ont démoli leur refuge et cherchent à le reconstruire. Nous devons être en mesure de les appuyer et d'aménager de nouveaux refuges dans le Dehcho et le Sahtu.
    Nos autres recommandations visent à promouvoir le logement abordable, à envisager des solutions pour atténuer la pauvreté des femmes qui quittent une relation violente et à élaborer un plan d'action national pour lutter contre la violence faite aux femmes, avec un volet pour répondre aux besoins particuliers du Nord canadien.
    Merci.
(1640)
    Lyda, merci beaucoup.
    Je tiens à informer les membres du Comité que nous n'aurons droit qu'à un tour de questions. Chaque groupe disposera de sept minutes, alors vous pourrez partager votre temps de parole, si vous le souhaitez.
    Par ailleurs, nous siégerons à huis clos pendant cinq minutes. Nous devons nous occuper d'une affaire de dernière minute.
    Nous allons commencer par Eva Nassif, qui dispose de sept minutes. N'hésitez pas à partager votre temps de parole, si vous le voulez.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Madame Fuller, merci beaucoup pour tous les services que vous offrez dans votre territoire et toutes les choses que vous réussissez à faire malgré le manque de financement. Je ne vais pas vous demander ce qu'il manque, puisqu'il n'y a pratiquement rien. Vous avez dit que, pour 33 collectivités, il n'y avait que cinq refuges pour les femmes victimes de violence et leurs enfants.
    Que faites-vous si un grand nombre de femmes viennent demander de l'aide, mais qu'aucun lit n'est disponible?

[Traduction]

    Cela peut être extrêmement difficile pour les refuges. Si aucun lit n'est disponible dans le refuge le plus près, nous appelons les autres refuges pour voir s'ils ont des places disponibles et, le cas échéant, nous y transférons les femmes.
    À Yellowknife, nos refuges sont également aux prises avec une demande excédentaire, si bien que nous acceptons parfois un plus grand nombre de femmes qu'il n'y a de places. Par exemple, nous avons une liste de femmes qui sont tellement à risque que, peu importe le moment où elles se présentent, nous les acceptons, même si nous devons mettre des matelas par terre.
    Nous avons eu des femmes qui ont pris la fuite en bondissant hors de taxis devant le magasin d'alcools parce que leur conjoint les avait amenées dans la collectivité, et c'est la seule façon pour elles de s'enfuir. Devoir refuser des femmes pose un véritable problème. Nous leur demandons de nous rappeler. Nous traitons également des demandes d'ordonnance de protection d'urgence. Nous recevons des appels de femmes, à l'échelle du territoire, qui cherchent à obtenir de telles ordonnances. Nous nous occupons de ces demandes.
    Si vous vivez dans une collectivité où la GRC n'est pas présente, nous ne recommandons pas l'obtention d'une ordonnance de protection d'urgence parce qu'il n'y a personne pour la faire appliquer, mais si vous êtes dans une collectivité dotée d'un détachement de la GRC, nous recommanderons souvent une telle option.
(1645)

[Français]

    Parlez-nous un peu des services offerts dans ces cinq refuges. Quelle sorte de personnel avez-vous? Est-ce que ce sont des intervenants sociaux? S'agit-il souvent de personnes autochtones qui ont subi de la violence conjugale et qui viennent offrir leur aide? Pourriez-vous nous en parler un peu plus?

[Traduction]

    Le personnel est généralement composé de femmes autochtones qui ont été victimes de violence. Nous leur offrons de la formation, et nous rassemblons également le personnel de l'ensemble des cinq refuges dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous donnons de la formation à tout le groupe et nous mobilisons les ressources nécessaires à cette fin.

[Français]

    Vous avez dit qu'il s'agissait souvent de petites collectivités de 500 à 1 000 personnes. Pourriez-vous nous parler un peu des besoins? Combien de refuges supplémentaires seraient nécessaires pour répondre à vos besoins? Vous avez dit que cinq refuges, ce n'était pas suffisant. Combien de refuges seraient nécessaires pour répondre aux besoins des 33 collectivités dont vous êtes responsables?

[Traduction]

    Selon moi, il devrait y avoir un refuge dans chacune des régions. Cela signifie probablement qu'il faudrait établir trois refuges de plus: à Fort Simpson, à Norman Wells et à Behchoko. Il serait bien de voir s'il y a lieu de créer une sorte de maison d'hébergement dans certaines des autres collectivités. Cela se fait parfois de façon informelle lorsqu'une femme dans une collectivité héberge d'autres femmes, mais elle s'expose ainsi à certains risques.
    Il serait bon de voir si les collectivités peuvent élaborer, par elles-mêmes, des options quant à la façon de s'y prendre. Il existe peut-être des options qui permettront aux femmes d'être plus en sécurité. Ce ne serait pas nécessairement un refuge, mais les femmes auraient peut-être un endroit où aller pour passer la nuit et bénéficier d'un certain niveau de protection, car nous avons certes vu les conséquences liées à l'absence d'une telle ressource lorsque des femmes se font tuer.

[Français]

    Selon ce que vous avez dit plus tôt, 75 % des femmes qui fréquentent vos refuges sont des Autochtones et 80 % d'entre elles ont subi beaucoup de violence. Vous avez parlé de cas d'étranglement, d'agressions sexuelles et de nombreux actes de violence conjugale.
    Comment pouvez-vous nous expliquer cela?

[Traduction]

    Comment puis-je expliquer que les chiffres soient si élevés dans le nord du Canada?

[Français]

    Je ne parle pas seulement du fait que les chiffres soient aussi élevés.

[Traduction]

    Le type de violence est également incroyable. Il ne s'agit pas seulement de demander le consentement; c'est horrible.
    Oui, c'est affreux.
     Dites-nous ce que vous pensez de l'idée de mettre l'accent sur l'éducation des garçons.
    Oui, je suis persuadée que l'éducation des garçons et des jeunes filles... Nous nous occupons de ce volet à Yellowknife, mais j'aimerais que ce soit étendu dans tout le territoire afin d'aider les garçons à comprendre que la violence n'est pas une solution. C'est tellement répandu ici qu'il faut transmettre, de façon claire et continue, le message qu'il y a d'autres façons de résoudre des problèmes, sans faire de mal à autrui.
(1650)
    C'est excellent.
    La parole est maintenant à Rachael Harder pour sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de nous accorder de votre temps aujourd'hui; nous sommes vraiment heureux de vous entendre parler de votre expérience dans le Nord.
    C'est certainement une région unique de notre pays. Bien entendu, vous avez parlé des nombreux enjeux liés à l'isolement et à l'immensité du territoire. Une de mes questions porte justement sur le transport. Si les femmes doivent venir par avion, par motoneige ou par tout autre moyen de transport qui pourrait leur coûter de l'argent — le transport aérien, en particulier, coûte assez cher —, comment cela peut-il fonctionner, et comment cela influe-t-il sur leur capacité d'avoir accès à des services d'aide ou d'hébergement?
    Le prix du billet d'avion serait payé par le gouvernement, mais vous devez vous adresser à un travailleur social dans votre collectivité, et il arrive que la personne ait un lien de parenté avec vous ou votre conjoint, ce qui pose problème. Si vous obtenez l'approbation de partir en avion, le coût sera couvert. Notre personnel et celui des autres refuges passent beaucoup de temps à collaborer avec les travailleurs sociaux dans les collectivités afin d'aider les femmes à quitter leur collectivité, lorsque cela s'avère nécessaire.
    J'ai une dernière question à vous poser avant de céder la parole à mon collègue. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur la disponibilité de logements dans le Nord? J'ai eu la chance d'aller au Nunavut, et je suis au courant de la situation là-bas, mais c'est un peu différent dans les territoires. Je suis sûre, toutefois, qu'il existe de nombreuses similarités.
    Pouvez-vous nous parler de ces femmes? Elles fuient la violence; elles se rendent dans une maison d'hébergement, mais j'imagine qu'elles espèrent ensuite vivre en sécurité dans leur propre logement indépendant. Quelle est la situation dans le Nord, et que peut-on faire pour l'améliorer?
    C'est une excellente question. Nous avons absolument besoin de plus de logements sûrs et abordables. Il y a une maison de transition ici, à Yellowknife. Je sais qu'il y en a une aussi à Whitehorse. Le Nunavut n'en compte aucune, et je sais que les gens à Iqaluit essaient d'en faire construire une. Nous avons besoin de plus de logements, surtout des logements abordables et sûrs.

[Français]

    Merci.
    Je vous remercie beaucoup de votre témoignage, madame Fuller. Je dois dire que c'est troublant. Comme le mentionnait Mme Nassif, la gravité des agressions et des conditions dans lesquelles se retrouvent les femmes victimes de violence semble particulièrement dramatique. De plus, les ressources sont limitées.
    Vous avez mentionné un besoin de logements abordables à long terme, mais avez-vous dit aussi qu'il y avait ce qu'on appelle de l'hébergement de zone 2?
    Pourriez-vous nous parler un peu de la façon dont se passe la transition qui amène les personnes qui se trouvent dans vos cinq refuges à réintégrer la communauté?

[Traduction]

    Il est fort probable que les femmes retournent auprès de leur partenaire et de leur collectivité, faute de logement. C'est souvent ce qui finit par se produire. Certaines femmes se présentent à notre refuge au moins 14 fois parce qu'elles ont ainsi un moment de répit face aux mauvais traitements. Elles viennent avec leurs enfants, puis lorsqu'elles se sentent reposées et guéries, elles retournent chez elles pour un certain temps.
    Il faut absolument plus d'options pour les femmes. Nous avons ouvert notre maison de transition en 2014, après 10 ans de planification et de campagne de financement, et je crois que les gens de Whitehorse en ont ouvert une l'année d'avant.
    Nous avons besoin d'options pour que les femmes soient en sécurité. Comme vous le savez peut-être, il y a eu tout récemment un incendie à Yellowknife, et notre maison de transition a été réduite en cendres. Certaines des options dont nous disposions n'existent plus, ce qui est très triste pour nous.
(1655)
    Si je vous comprends bien, au fond, ce que vous dites, c'est que vous pouvez offrir un abri temporaire, mais les femmes en situation de crise retournent à leur enfer.
    Oui.
    D'accord. C'est très clair, mais ce n'est pas plaisant à entendre.
    Vous avez dit qu'il y a lieu de créer trois refuges supplémentaires, un par région, dans les trois territoires. Cette transition m'embête tout de même. Il faut qu'il y ait une issue. On semble être pris dans un cercle vicieux; on ne fait que revenir au point de départ. Cela me semble terriblement problématique.
    Quelle est la solution? Que proposez-vous? D'après vous, comment ces femmes peuvent-elles se sortir, une bonne fois pour toutes, des situations très difficiles dans lesquelles elles se trouvent?
    Je crois que la solution se situe à l'échelle communautaire: il revient aux collectivités de s'attaquer au problème de la violence qui sévit en leur sein.
    Nous avons mené une initiative — il y a déjà plusieurs années — dans le cadre de laquelle nous nous sommes rendus dans certaines des petites collectivités dotées d'un personnel autochtone et nous nous sommes entretenus avec des femmes sur leur vision pour un avenir sans violence. Toutefois, il s'agit d'un effort à long terme; c'est un véritable travail de développement communautaire, et je crois qu'il faut agir en ce sens.
    D'accord, merci.
    En somme, il faut rendre la violence socialement inacceptable dans les collectivités. Est-ce bien ce que vous suggérez?
    Oui, c'est cela.
    Nous passons maintenant à Jenny Kwan. Vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie, madame Fuller, de votre exposé.
    « Par rapport au reste du pays, le Nord connaît les taux de violence familiale et de violence fondée sur le sexe parmi les plus élevés. » Condition féminine Canada a reconnu ce fait, en affirmant que « les communautés autochtones manquent de centres d'hébergement » et que « les coûts de construction et d'entretien entraînent un surpeuplement des logements, ce qui constitue un facteur de risque de violence. »
    Le ministère a également déclaré ceci: « Nous savons que, malgré les efforts déployés jusqu'ici, plus de 70 % des 53 communautés inuites réparties dans 4 régions géographiques de l'Arctique canadien ne disposent d'aucun centre d'hébergement [...]. »
    C'est la réalité, et vous nous en avez donné des exemples.
    Le gouvernement est au courant du manque de refuges parce que Condition féminine Canada reconnaît cela. La question est de savoir pourquoi ce problème persiste. Pourquoi rien n'est fait à cet égard? À la veille du budget de 2019, qui sera déposé en février, quelle est votre recommandation? Que demandez-vous au gouvernement de faire? Quelles mesures doivent absolument figurer dans le prochain budget?
    Je dirais que le gouvernement doit mieux appuyer les refuges actuels afin qu'ils n'aient pas à fermer leurs portes pendant une partie de l'année. Il faut aussi construire des refuges dans les régions qui en sont dépourvues.
    Les trois régions que j'ai mentionnées se trouvent toutes dans les Territoires du Nord-Ouest. Je sais que le Yukon ne compte que trois refuges pour femmes et je crois que le Nunavut en a cinq. J'ignore si ces centres sont ouverts toute l'année.
    Il arrive bien souvent que ces refuges dépendent d'une seule personne. Par exemple, nous avons entendu dire que la directrice générale du refuge à Cape Dorset devait subir des traitements contre le cancer; par conséquent, le refuge était fermé pendant son absence. Il s'ensuit alors des services très aléatoires.
    Nous devons renforcer les capacités du Nord canadien, non seulement à coup de briques et de mortier, mais aussi en appuyant les personnes qui sont là pour gérer les refuges, et nous devons investir en eux, notamment par la formation.
     J'ai demandé au dernier groupe de témoins de nous faire parvenir un document pour nous expliquer à quoi pourrait ressembler un financement suffisant. Je me demande si vous pouvez faire de même pour les collectivités du Nord, surtout dans votre région, afin que nous ayons une idée des exigences et que nous puissions prévoir, à partir de ces données, les besoins d'autres collectivités.
    Pourriez-vous nous fournir cette information?
(1700)
    Oui.
    Merci.
    Signalons également le paragraphe 22(2) de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui se lit comme suit:
Les États prennent des mesures, en concertation avec les peuples autochtones, pour veiller à ce que les femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties voulues.
    Nous savons que ce n'est pas le cas. L'organisation National Aboriginal Circle Against Family Violence a, elle aussi, constaté que les refuges pour femmes autochtones sont nettement sous-financés, et ce, beaucoup plus que les refuges financés par les provinces.
    Qu'en pensez-vous?
    Nos refuges dans les Territoires du Nord-Ouest sont, à coup sûr, financés de façon variable. Je trouve fascinant que la plupart des refuges du Nord soient les moins bien financés, alors qu'ils doivent assumer les coûts les plus élevés, notamment en ce qui concerne la nourriture et les services publics.
    Partout dans le Nord, les dépenses sont élevées, et le financement ne semble pas être au rendez-vous dans le cas des refuges. Je ne sais pas ce que nous pouvons dire de plus. Je sais que les refuges situés dans les réserves ont droit à un peu de financement fédéral, mais j'ignore quels sont les niveaux de financement dans leur cas.
    Il n'y a que 41 refuges qui offrent des services à environ 330 collectivités des Premières Nations, ce qui représente environ 55 % de l'ensemble des collectivités autochtones. C'est tout à fait insuffisant.
    D'après votre expérience, diriez-vous que les femmes et les filles autochtones ont accès à des niveaux comparables de services et de protection, peu importe leur lieu de résidence, ou pensez-vous qu'il y a une différence?
    Je crois absolument qu'il y a une différence. Je ne pense pas que les femmes autochtones ont le même accès que les habitants du sud du Canada — aucun doute là-dessus.
    Une relation de nation à nation, comme le gouvernement l'a dit, est la relation la plus importante. D'après vous, que devrait prévoir le gouvernement à cet égard dans le budget de 2019?
    J'aimerais qu'il y ait plus de services d'hébergement destinés aux femmes autochtones parce qu'elles font face à des taux élevés de violence et de mortalité. Je crois que nous devons veiller à ce qu'elles soient mieux protégées et à ce qu'elles disposent de moyens.
    Je ne connais pas trop, par exemple, le système de refuges au Nunavik, dans le nord du Québec, mais j'oserais dire que les gens là-bas éprouvent probablement certaines des mêmes difficultés que nous au chapitre du financement et de l'accès.
    Un des problèmes concerne le financement de base, dont on a parlé tout à l'heure. Est-ce là une nécessité absolue pour vous? Le gouvernement doit-il en finir avec ce processus où l'on se renvoie constamment la balle? On entend dire: « Non, ce n'est pas à nous de nous en occuper. Allez voir la province. » Ensuite, tous les autres se contentent d'affirmer que ce n'est pas à eux de s'en occuper.
    Devinez quoi? Ce sont les citoyens qui font le travail le plus difficile, des gens comme vous, qui n'ont pas les ressources nécessaires pour répondre aux besoins de certaines des personnes les plus vulnérables, à savoir les femmes et les enfants qui sont victimes de violence dans leur collectivité.
    Oui, je voudrais qu'il y ait du financement de base. J'aimerais un modèle de financement qui soit équitable partout au pays et qui réponde bien aux besoins des refuges pour femmes. À l'heure actuelle, les modèles de financement varient considérablement d'un bout à l'autre du Canada. Je souhaite voir une amélioration et une plus grande uniformisation afin que les femmes aient accès à ces services, peu importe où elles habitent au Canada.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Je tiens à vous remercier infiniment de votre témoignage aujourd'hui, Lyda Fuller, directrice générale du YWCA des Territoires du Nord-Ouest. Vous nous avez fourni une foule de renseignements.
(1705)

[Français]

    Nous allons maintenant faire une pause avant de poursuivre la séance à huis clos pendant environ cinq minutes.

[Traduction]

     C'est tout ce que je dirai en français.
    Nous allons faire une pause d'environ deux minutes. Je demanderai qu'il y ait un député par parti, chacun accompagné d'un seul membre du personnel, et j'invite les autres à bien vouloir quitter la salle.
    Merci beaucoup encore une fois, Lyda. Passez une bonne soirée.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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