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Merci, Karen, et mesdames et messieurs. Bonjour.
J'aimerais d'abord souligner que nous nous trouvons actuellement sur le territoire du peuple algonquin et nous rappeler à tous que nous sommes à une époque de vérité et de réconciliation avec les Premières Nations du Canada. J'aimerais aussi mentionner que je suis une femme du Nord proche, puisque j'ai grandi dans un petit village à la frontière située entre le Québec et le Labrador, et je suis honorée de faire partie aujourd'hui de ce groupe de témoins avec une des deux consoeurs du Nord qui devaient être ici aujourd'hui. Malheureusement, notre autre consoeur n'a pas été en mesure de venir.
Je crois comprendre que le groupe de témoins a également invité l'association Pauktuutit, et je vous encouragerais vraiment à continuer d'essayer de l'inviter à comparaître. Je sais qu'il y avait une possibilité aujourd'hui. Pauktuutit est l'organisation pour femmes qui peut fournir l'orientation et l'expertise la plus importante pour ce qui est de pallier l'absence complète, actuellement, d'interventions et de ressources partout au Canada pour les femmes autochtones et les femmes situées dans des régions éloignées du Nord.
On m'a invitée aujourd'hui pour parler de l'étude actuelle sur le réseau de refuges et de maisons de transition au Canada, y compris des programmes fédéraux et du financement des refuges et des maisons de transition, de l'écart entre le nombre de places requises et le nombre de places offertes et de possibles solutions pour combler cet écart. RAFH Canada préparera un mémoire détaillé qui fournira au Comité des recherches et de solides recommandations afin d'appuyer des réformes majeures touchant les politiques et programmes, pas seulement pour les refuges et les maisons de transition, mais plus largement, parce que ce problème va au-delà des places, des briques et du mortier.
L'accès à des refuges et à des maisons de transition est une préoccupation centrale pour les organisations qui servent les femmes handicapées depuis aussi longtemps qu'elles existent — tant les organisations que les refuges. RAFH Canada a mené plusieurs études nationales qui confirment que le système de refuges traditionnel ne répond toujours pas à nos besoins.
Le terme « accès » signifie différentes choses pour des personnes différentes, et il en va de même pour « handicap ». En ce qui a trait au handicap, pendant des années, RAFH Canada a dit que les femmes deviennent handicapées à cause de la violence. Enfin, en 2018, nous possédons des données et des recherches qui confirment cette terrible réalité ainsi que l'ampleur et la portée du problème, ou du moins, elles commencent à le faire.
Le sujet des lésions cérébrales est complexe, parce qu'il comporte un si grand nombre de ramifications. Les décideurs commencent à peine à comprendre à quel point c'est un enjeu fréquent. Des données récentes et très médiatisées sur les répercussions à long terme des lésions cérébrales, y compris de celles qui sont attribuables à des sports ou à des combats ainsi que celles présentes chez les premiers intervenants, révèlent que des coups fréquents portés à la tête, des traumatismes soudains et des traumatismes répétés contribuent tous à l'apparition de lésions cérébrales et du TSPT, ce qui, en soi, crée des changements physiologiques dans le cerveau. Ajoutez à cela les accidents automobiles, les accidents durant l'enfance et la réalité d'aujourd'hui, c'est-à-dire que les femmes qui se présentent à des refuges ont presque assurément été victimes de violence plus d'une fois ou deux. Le fait qu'elles aient été étranglées, frappées, menacées ou traumatisées est évident, donc les lésions cérébrales sont un enjeu énorme dans le contexte de la violence contre les femmes aujourd'hui, y compris dans le réseau des maisons de transition et des refuges.
Nos refuges et nos maisons de transition manquent déjà cruellement de ressources. Ils sont souvent inaccessibles, ne sont pas assez nombreux et ne sont simplement pas en mesure de gérer adéquatement la population de femmes qu'ils doivent soutenir. On en parle davantage dans notre mémoire, mais j'encourage fortement le Comité à écouter davantage les experts en la matière dans ce domaine de recherche, y compris Angela Colantonio, qui a mené des recherches approfondies dans le cadre d'un groupe de travail international. Angela a aussi travaillé avec nos collègues de « WomenatthecentrE », y compris Nneka MacGregor, que le Comité invitera à comparaître également, je l'espère.
Selon une étude que le centre a réalisée à Toronto il y a deux ans, entre 35 et 80 % des femmes qui entrent dans le réseau de refuges aujourd'hui au Canada ont probablement subi un certain type de lésion cérébrale. L'extrémité inférieure est de 35 %. Pensez-y. C'est un tiers qui se retrouve à l'extrémité inférieure, et ce sont des données préliminaires.
La déficience intellectuelle expose aussi les femmes, y compris les jeunes femmes et les filles, au risque élevé de violence et de mauvais traitements répétés. La stigmatisation, et bien simplement, le mauvais dépistage des déficiences intellectuelles et difficultés d'apprentissage légères, particulièrement chez les filles, sont une raison pour laquelle ces mêmes femmes sont largement surreprésentées dans la communauté des itinérantes, dans une diversité de contextes de traite de la personne et dans la population carcérale.
J'inviterais les membres du Comité à lire notre mémoire lorsqu'ils le recevront. Soyez mieux renseignés au sujet des faits, et non pas par rapport à ce que vous croyez savoir. RAFH Canada mise sur quatre piliers clés: la recherche, l'éducation, les politiques et la défense des intérêts. Nous ne sommes pas ici pour faire votre travail à votre place; nous voulons juste nous assurer que vous détenez les bons renseignements.
Combien d'entre vous savent que la majorité des actes de victimisation avec violence signalés pour toutes les femmes au Canada — ce sont les agressions physiques, les agressions sexuelles ou le vol qualifié — ont été commis à l'endroit d'une femme handicapée? Ce sont des données issues du recensement de 2014, soit les plus récentes données de recensement. Le taux le plus élevé au pays concerne la victimisation avec violence faite aux femmes handicapées. Combien d'entre vous savent que la majorité des plaintes concernant les droits de la personne au pays sont liées à un handicap? Faites-en votre affaire.
Vous étudiez au Parlement le projet de loi , une loi sur l'accessibilité pour le Canada. Et ce n'est pas une loi au sujet du handicap. C'est une loi pour tous les détenteurs de droits au Canada. Si vous êtes une femme autochtone handicapée, une immigrante ou une femme réfugiée qui a un handicap, ou si vous êtes Noire, vivez dans une région éloignée ou êtes transgenre, c'est votre droit de vivre dans un milieu exempt de violence et d'avoir accès à un logement, à un emploi et à votre dignité. Nous devons comprendre que, lorsque nous examinons n'importe lequel de ces enjeux, y compris l'accès à des maisons de transition et à des refuges, nous devons réfléchir du point de vue intersectionnel à l'endroit où cette femme vit — si elle vit dans le Nord, si elle est Autochtone et si elle a un handicap. Toutes ces choses doivent être prises en considération et classées par ordre de priorité.
Les refuges et les maisons de transition sont une partie absolument essentielle de la solution pour des millions de femmes et de filles handicapées qui ont besoin d'un lieu sécuritaire, ainsi que pour toutes les femmes et les filles du pays. Nous ne répondons pas aux besoins existants, mais les solutions doivent aller au-delà des briques, du mortier et des places, comme je l'ai dit au début. Et qu'en est-il de la violence sexuelle et physique subie durant l'enfance? Un très grand nombre de femmes qui finissent par se retrouver dans la rue ont déjà été de jeunes filles dont la confiance et l'esprit ont été brisés bien avant qu'elles arrivent à trouver leur premier refuge. Qu'en est-il des services de counseling qui tiennent compte des traumatismes, du dépistage pour découvrir des lésions cérébrales, puis de la fourniture des mesures de soutien nécessaires en vue d'un rétablissement complet? Nous ne faisons pas cela. Pourquoi?
Cette étude est importante, mais ne simplifions pas à l'extrême quelque chose qui nécessite un changement culturel. C'est le temps d'agir.
Merci.
Vous ne pouvez imaginer à quel point je suis reconnaissante et honorée d'être ici, surtout parce que, comme Bonnie l'a dit, j'ai vécu de la violence et de mauvais traitements durant mon enfance et ma jeunesse. J'ai été fugueuse et itinérante. J'ai fait du pouce jusqu'aux Territoires du Nord-Ouest, et comme le réseau de refuges régulier ne pouvait pas répondre à mes besoins ni gérer mon comportement, j'ai fini par établir un refuge pour femmes itinérantes, que j'ai dirigé pendant 30 ans.
Pour mon militantisme et mon travail dans ce domaine, j'ai reçu l'Ordre du Canada en 2009; puis, en 2012, on m'a remis la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth. Je le mentionne, parce que c'était une expérience incroyablement surréelle, quand on sait que, avant de me retrouver à cet événement, j'ai d'abord dû dormir et me cacher dans des buissons. La sensation était assez étrange, un peu comme ce que je ressens ici. J'espère que ce que je dis compte et change vraiment les choses, parce que c'est ce que j'essaie de faire.
J'aimerais d'abord parler de mes recommandations, au cas où je n'aurais pas le temps d'y arriver. On m'a accusée de ne pas avoir de solutions et de ne pas me tourner vers le problème.
J'ai trois recommandations. Tout d'abord, Hébergement femmes Canada, qui se dit la voix des femmes qui accèdent à des services de refuge et à des services de logement de transition au Canada, doit éliminer les critères d'exclusion qui empêchent ses membres d'inclure les refuges dirigés par des femmes pour des femmes itinérantes. J'expliquerai davantage pourquoi l'association a ce critère qui ne nous inclut pas, parce que nous sommes des femmes itinérantes.
Mon autre recommandation, c'est que Hébergement femmes Canada et ses organismes membres de partout au pays changent leur approche, pour passer d'un genre de continuum de services qui nécessite une énorme mobilisation des participants... en fait, ce sont des locataires. Les gens qui paient un loyer doivent s'inscrire pour participer à des programmes, qu'ils soient bons ou non, qu'ils les aiment ou non. Je veux que Hébergement femmes Canada adopte une approche axée sur les droits de la personne à l'égard de l'hébergement, comme ce que vous voyez dans le programme Logement d'abord.
Les autres choses que j'espère pouvoir faire, ce sont appliquer un modèle axé sur les droits de la personne aux services de refuge et de logement de transition pour les femmes, soutenir l'élaboration d'un modèle de Logement d'abord sexospécifique et fournir aux locataires des logements de transition... Dans notre territoire, elles paient jusqu'à 1 700 $ par mois en loyer, et on ne leur offre pas les mêmes protections qu'aux autres locataires. C'est vrai dans l'ensemble du pays. Le message qu'on envoie, c'est que tous ces gens ont des problèmes et que nous nous occupons de ces problèmes, donc ils n'ont pas besoin de recevoir notre protection. Nous devons être protégés d'eux.
Je suis ici pour vous dire que ce n'est pas vrai. L'Ontario a déclaré que les femmes qui vivent dans des maisons de transition forment un des groupes les plus vulnérables. Encore une fois, je vais essayer de décrire qui sont ces personnes.
Enfin, je recommande que le système élabore et mette en oeuvre un programme de dotation axé sur les compétences et adapté à la culture propre aux besoins des femmes des Premières Nations ainsi que des femmes inuites et métisses, qui intègre des femmes ayant fait l'expérience de l'itinérance.
Ce sont mes trois recommandations, et permettez-moi maintenant de vous expliquer pourquoi je demande ces choses.
Je demande ces choses non seulement parce que je suis une femme ayant une expérience vécue, mais aussi parce que j'ai dirigé un refuge dans le Nord pendant 25 ans. Le Centre pour les familles du Nord a été établi un peu par accident ou par défaut, parce que l'autre fournisseur de services qui offrait ce continuum de modèle de services a jeté une femme à la porte parce qu'elle avait un handicap. Il a dit qu'elle présentait un danger pour elle-même et pour les autres. Elle errait dans la rue et avait des ennuis, et elle est venue à notre centre de ressources et a dit: « Je n'ai nulle part où aller. » Nous l'avons acceptée. Était-elle un risque pour elle-même? Oui, elle était un risque pour elle-même, mais le risque qu'elle présentait pour elle-même était plus grand dans la rue à moins 40 degrés, tandis qu'elle était non protégée et vulnérable.
La femme a dormi sur le sofa du centre, et, au fil du temps, de nombreuses autres femmes qui ne pouvaient accéder aux services de refuge et de maison de transition dirigés, encore une fois, par ce service général qui choisissait délibérément de ne pas adopter un modèle des droits de la personne sont venues. Les femmes étaient surtout membres des Premières Nations, ou bien inuites et métisses, et elles devaient composer avec les répercussions intergénérationnelles de la colonisation, du racisme, des effets des pensionnats et du réseau des foyers d'accueil, en plus d'une violence communautaire et familiale continue.
En quelque sorte, nous avons été des mentors l'une pour l'autre, parce que nous étions très semblables. Cela dit, je me définis comme une pionnière, et non pas comme une personne ayant connu le même niveau de racisme et de discrimination que les femmes autochtones et les femmes de couleur. Je tiens à le souligner.
Leurs besoins étaient complexes, et elles consommaient des substances pour composer avec la réalité. Nous avons adopté une approche vraiment différente, surtout parce que j'étais plus pair que travailleuse, et Dieu merci, on n'avait pas formé l'humanité en se basant sur moi.
Nous avions également un centre de ressources déjà ancré dans les principes d'inclusion, de tolérance et de coexistence pacifique, où les personnes étaient valorisées quoiqu'il arrive, où elles étaient respectées et où on les soutenait pour qu'elles puissent accéder à l'autodétermination. C'était l'énoncé de nos principes, et c'est ainsi que nous fonctionnions. Cela a juste façonné un environnement différent — un environnement inclusif — et nous avons fini par nous retrouver avec toutes les personnes que la communauté et les fournisseurs de services considéraient comme des personnes à problèmes.
Les femmes restaient seules toute la soirée. Tous les membres du personnel étaient là, mais ces femmes s'occupaient d'elles-mêmes. Elles restaient seules. Elles réussissaient vraiment bien, parce qu'elles avaient aussi de fantastiques qualités. Elles sont très bienveillantes. Elles ont une réelle connexion spirituelle. Elles savaient qu'elles avaient des responsabilités, donc elles restaient seules.
Nous les rencontrions le jour et réglions des conflits dans le cadre d'un genre de processus de cercles, qui est courant dans les collectivités autochtones. Lorsque les femmes n'étaient pas en mesure d'agir avec respect, elles devaient quitter les lieux pour de très courtes périodes. Elles n'ont jamais été bannies ou punies, et elles pouvaient toujours revenir lorsqu'elles avaient repris leur calme.
Cette option d'hébergement peu restrictive a connu une si forte demande que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a financé le programme et nous a donné un grand immeuble. On lui a accordé du financement pour 16 places, mais 30 femmes vivaient là-bas. Personne d'autre ne voulait desservir bon nombre des femmes qui vivaient là-bas, y compris l'hôpital, le système correctionnel, les autres refuges, la communauté médicale, ainsi que les services de counseling et les soins communautaires. Personne n'approchait ces femmes sauf nous, parce que nous les aimons, en réalité.
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Je peux? Je ne crois pas que ça sera long.
J'aimerais juste dire que, mis à part les obstacles du racisme, de la discrimination et de la stigmatisation qui étaient perpétrés en grande partie par la sororité ou par des femmes féministes, c'est devenu vraiment difficile de s'y attaquer, parce que tout le monde traitait, en quelque sorte, ces fournisseurs de services comme s'ils étaient inattaquables.
Partout au Canada, et certainement dans le Nord, on entend toujours le gouvernement dire: « Ces gens s'occupent de toutes les personnes à problèmes, donc ne soyons pas trop durs avec eux et n'ayons pas des attentes trop élevées. » Même dans l'ensemble du Canada aujourd'hui, il n'y a pas de normes pour les services de refuge. Un des gars s'est fait jeter en dehors de son refuge car il n'a pas participé au programme, même s'il n'avait pas de dépendance. Je vais laisser ça de côté pour l'instant.
Je vais juste parler de deux choses. La première, c'est que récemment, dans les Territoires du Nord-Ouest, on a fait une étude sur les femmes qui sont victimes de violence. L'étude a été effectuée, mais on n'a pas interviewé de femmes ni d'enfants qui étaient victimes de violence. On a interviewé l'ensemble des fournisseurs de services, et en réalité, personne qui n'avait une expérience vécue. Parmi ces gens, 86 % des gens interviewés étaient des non-Autochtones, alors que 99 % des personnes dans les refuges étaient des Autochtones.
Parmi les personnes interviewées, parmi les 86 %, la majorité était nouvellement arrivée dans le Nord. Ces personnes ne savaient même pas vraiment où elles étaient ni ce qui se passait. Elles n'auraient jamais la capacité de comprendre la situation dans le Nord. Maintenant, on présente ce rapport comme s'il s'agissait de la solution.
La solution qu'on préconise, c'est plus d'argent pour les services de refuge. Nous disons que c'est un hébergement permanent. Nous avons eu un incendie à Yellowknife qui a détruit une maison de transition. Au total, 33 familles se sont retrouvées à la rue. Toutes ces familles ont été relogées le lendemain dans des logements du marché privé. Je me demande ici pourquoi elles n'ont pas été hébergées dans des logements du marché privé en premier lieu.
Je trouve que les efforts de lobbyisme, vraiment... ce n'est pas que les refuges ne soient pas importants, parce que j'en ai déjà dirigé un. J'avais probablement besoin du soutien et je ne pouvais pas vraiment fonctionner dans un refuge avant cela. Je dis juste que nous avons tendance à confiner les femmes dans ces options d'hébergement pour toujours, et nous laissons les logements du marché privé tirer leur épingle du jeu.
J'aimerais vraiment parler de trois femmes, mais ce sera trop long, donc je vais juste m'arrêter ici.
Toutefois, s'il y a quelqu'un d'autre qui aimerait parler de ces trois femmes et de l'exemple tiré de leur expérience — entendre ce que j'ai à dire — ça serait fantastique.
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Beaucoup de raisons expliquent pourquoi des femmes sont exclues. D'après mon expérience dans le Nord, c'est principalement en raison du racisme et de la discrimination.
Une femme des Premières Nations s'est rendue au refuge pour les victimes de violence familiale afin d'obtenir une ordonnance de protection d'urgence. On ne l'a même pas autorisée à franchir la porte. On lui a parlé sur le pas de la porte et lui a dit qu'elle ne pouvait pas obtenir l'ordonnance de protection d'urgence, parce que la violence dont elle avait été victime n'était pas assez grave ou prolongée. Le lendemain, son partenaire non autochtone est allé chercher une ordonnance de protection d'urgence au même refuge, et il l'a obtenue. Elle a ensuite été séparée de ses cinq enfants pendant les cinq années suivantes. Elle essaie toujours de corriger la situation.
Les femmes qui consomment de l'alcool, même si elles ne font que sentir l'alcool, ne sont pas admises dans le refuge. Les femmes qui sortent trois fois de suite et qui ne le signalent pas sont expulsées du refuge. Un tas de règles empêchent les femmes autochtones, particulièrement, d'accéder au refuge ou d'y rester.
Une des femmes inuites a vécu dans une maison de transition pendant huit ans. Elle a dit que, lorsqu'elle est déménagée dans un logement subventionné, c'était comme si elle était sortie de prison, après huit ans. Elle avait l'impression d'avoir été incarcérée.
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Je crois qu'une des choses que nous comprenons, c'est qu'il y a une pénurie de places. L'accessibilité des places et des refuges est certainement un enjeu important. Ce qui complique les choses, bien sûr, c'est qu'une bonne partie des maisons de transition et des refuges se trouvent dans de vieux immeubles.
Depuis longtemps, une des choses que RAFH Canada considère comme une approche intéressante à l'égard de certains de ces types d'enjeux est l'utilisation du Fonds pour l'accessibilité dirigé et coordonné avec... Encore une fois, ce serait un appel de propositions qui s'harmoniserait avec, par exemple, quelque chose de Condition féminine Canada qui serait axé sur des populations particulières.
Une des choses que nous avons constatées, par exemple, c'est qu'une partie du financement qui est transférée grâce à des fonds provinciaux, qu'on veut utiliser pour l'accessibilité, est plutôt utilisée pour les infrastructures. C'est malheureux, et ce n'est pas ce que nous voulons voir. Je crois que cela en dit beaucoup plus que sur le seul fait que les refuges ne se soucient pas des femmes handicapées. C'est qu'on doit régler d'énormes problèmes d'infrastructure et de financement en plus de la pénurie de lits.
À mon avis, on doit réfléchir au fait que, pour beaucoup de femmes, la maison de transition ou le refuge n'est pas la seule solution. Nous devons nous pencher beaucoup plus sur des programmes de sensibilisation et des programmes qui soutiennent en place des femmes; comprendre que le transport est un énorme enjeu et que, pour certaines femmes, l'idée de quitter la famille n'est simplement pas une option, en raison des différences culturelles et pour toutes sortes de raisons pratiques.
Je crois que nous devons régler le problème des places. Je ne crois pas qu'on remet en doute qu'il doit y avoir des ressources et du financement pour les infrastructures, ainsi qu'une infrastructure coordonnée qui permet de réfléchir à l'accessibilité et à l'inclusion complètes, en ce qui concerne l'approche.
Ce qui est vraiment nécessaire, c'est un engagement à l'égard de la fourniture de services et de mesures de soutien pour les femmes qui fuient la violence, de façon générale, comme quelque chose qui doit être une priorité dans toutes les collectivités; il ne faut pas ramener cela à l'idée des seuls refuges et maisons de transition et établir combien nous pouvons en construire. Nous devons réfléchir à la prévention et commencer à enseigner les droits de la personne aux enfants dès la maternelle.
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Merci à vous deux d'être ici. Je vous suis vraiment reconnaissante du temps que vous nous offrez et de l'expertise que vous pouvez offrir dans le cadre de la conversation d'aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à Bonnie.
Je me demande juste si vous pouvez vous prononcer un peu plus en ce qui concerne les femmes qui fonctionnent avec un handicap et l'accès global à l'hébergement, ainsi que le fait de leur fournir un accès pour qu'elles puissent se déplacer le long de ce continuum.
Je sais que vous voulez attirer notre attention sur d'autres programmes, et je peux le reconnaître. Notre étude est assez limitée, car elle est axée sur les refuges. Nous pouvons noter les autres choses que vous dites ici aujourd'hui de façon anecdotique, mais malheureusement, elles ne feront pas partie du rapport, en raison de notre sujet d'intérêt.
J'aimerais vous demander de parler précisément du continuum, qui consiste à passer d'un refuge au marché locatif, peut-être, puis à la propriété, si possible. À quoi cela ressemble-t-il pour une femme qui fonctionne avec un handicap? Est-ce que ça lui est facilement accessible? Ce déplacement le long du continuum est-il faisable? Quelles sont les difficultés ou quels sont les obstacles en place qui empêcheraient une femme de pouvoir le faire? Comment pouvons-nous aider?
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Je vous remercie de poser la question et je comprends qu'on s'intéresse surtout aux refuges et aux maisons de transition. Je dois le redire: ce n'est pas une solution pour tout le monde, et il est important de comprendre que le fait de dire que nous allons mettre l'accent sur les places ne va pas fonctionner partout au pays.
Avec tout le respect que je vous dois, je vous comprends. Je tenais simplement à le souligner.
En ce qui concerne les femmes handicapées, nous parlons de femmes qui affichent aussi les taux les plus élevés de pauvreté et de chômage. Si c'est une incapacité physique, selon sa situation, la femme doit très probablement composer avec ces enjeux également. S'il s'agit d'une femme qui a subi des lésions cérébrales, comme je l'ai dit, elle n'a pas nécessairement reçu de diagnostic. Elle ne sait pas qu'elle a été victime d'un traumatisme crânien, et elle est donc dans un cycle où elle jette le blâme sur elle-même. Elle va peut-être se retrouver avec un problème de santé mentale, avec des problèmes d'alcoolisme et de dépendance, et avec certaines des choses dont vous avez déjà entendu parler comme les difficultés liées à l'accès aux maisons de transition et aux refuges.
Pour éclaircir les choses, en ce qui concerne le problème d'accès aux maisons de transition et aux refuges, ce n'est pas bon. On doit affecter des ressources importantes à... Encore une fois, le Fonds pour l'accessibilité est un exemple que j'ai cité, simplement parce qu'il est axé sur l'environnement bâti et qu'il s'attaque précisément à des enjeux d'accessibilité.
Il importe de comprendre qu'il s'agit d'inclusion sociale et économique. Ce sont deux éléments vraiment importants. Le fait de placer une femme handicapée au premier étage d'un refuge, où elle est seule, quand tout le monde mène ses activités au deuxième étage, est une autre façon de favoriser l'isolement social. RAFH Canada a beaucoup insisté sur le besoin urgent de soutien par les pairs et de modèles de soutien par les pairs à l'échelon communautaire, y compris dans les maisons de transition, les refuges et les organisations qui desservent des femmes.
J'hésiterais à dire qu'il y a, au final, un élément d'accession à la propriété pour la plupart des femmes handicapées, compte tenu du fait que, au pays, le taux de chômage des femmes handicapées s'élève à 75 %.
Même ces renseignements sont utiles pour nous permettre de comprendre la situation au Comité et pour que les données puissent faire partie du rapport. Merci, je l'apprécie.
Arlene, ma prochaine question pour vous va dans le même sens. Vous venez d'un contexte unique, et c'est le Nord. J'aimerais entendre à quoi ressemble ce contexte unique, particulièrement au chapitre de l'accessibilité au logement.
J'ai eu l'occasion de me rendre au Nunavut, en mars, et d'examiner des logements là-bas ainsi que leur accessibilité, en plus des répercussions liées au fait que très peu de logements sont offerts. Plusieurs générations vivent ensemble sous un même toit, parfois 15 personnes dans une maison comptant trois chambres à coucher. Des conséquences pour la santé sont associées à ce type de situation de vie: des conséquences sur la santé physique, la santé mentale, la santé émotionnelle, etc.
Je serais curieuse de savoir quel portrait vous brossez par rapport à votre contexte.
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Je vous remercie, madame Sansoucy.
Nous étions très heureuses d'avoir participé à une brève rencontre bilatérale avec la rapporteuse spéciale de l'ONU pendant son séjour à Montréal. Nous avons pu lui soumettre cinq pages dans lesquelles nous exprimions nos inquiétudes. Nous étions très heureuses de voir qu'elle avait inclus certaines de nos recommandations dans ses réflexions avant son départ, en juin dernier.
Pour ce qui est du progrès accompli depuis notre rencontre, je dirais que le projet de loi démontre l'intention du gouvernement fédéral de faire du Canada un pays qui respecte les droits de tout le monde. Le projet de loi C-81 est une première étape en ce sens. Il y a eu les réflexions de la rapporteuse spéciale et celles du Comité des droits des personnes handicapées, qui ont été déposées au printemps 2016. On y retrouvait à 21 reprises des mentions spéciales sur la situation des femmes et des filles en situation de handicap au Canada. Lors d'une présentation, l'ACDI a elle aussi soulevé des inquiétudes quant à la situation de ces femmes et de ces filles. Le Conseil économique et social, l'ECOSOC, l'a fait également. C'est donc dire que trois organismes de l'ONU ont soulevé des inquiétudes à l'égard de la situation des femmes et des filles en situation de handicap au Canada.
Nous voyons présentement que certaines situations durent depuis longtemps, et c'est important. Il est inacceptable que le Canada continue de considérer les femmes et les filles en situation de handicap comme une petite cohorte. Il faut s'attaquer à cette situation et prendre au sérieux, dans le cadre de ce projet de loi, la possibilité de vraiment devenir un pays qui soit pour toutes les femmes et les filles.
Je vous remercie beaucoup d'avoir soulevé la question des Nations unies où nous intervenons surtout pour les femmes et les filles en situation de handicap ainsi que pour les femmes et les filles sourdes.
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On n'en est pas encore là, madame.
J'ai siégé au comité de la ministre , et honnêtement, j'ai pu constater qu'on avait fait des progrès.
Au printemps dernier, on a lancé un appel d'offres pour des projets qui comprennent les femmes et les filles en situation de handicap. Il y a maintenant une reconnaissance au niveau fédéral. Une politique féministe doit inclure tout le monde. Il a parfois été nécessaire de rappeler aux différents ministères fédéraux que cela comprenait aussi les femmes et les filles en situation de handicap.
La grande conférence Women Deliver se tiendra ce printemps, à Vancouver, et je crains que nous ne puissions pas y assister. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour qu'il y ait un changement de politique.
Vous avez parlé d'une note en bas de page. Pendant trois ans, DAWN Canada a examiné les lois et les politiques des gouvernements de la Colombie-Britannique, du Québec et de l'Ontario. Malheureusement, nous avons constaté qu'au niveau fédéral, les femmes et les filles en situation de handicap se retrouvent souvent dans une note de bas de page ou ne sont pas genrées.
Cela démontre que, en situation de handicap, on est porté à mettre encore les femmes et les filles avec les hommes plutôt que de concevoir des politiques spécifiquement pour les femmes et les filles et nous y inclure. On comprend pourquoi il y a des tendances historiques pour ce qui est des préoccupations liées aux droits individuels.
C'est pour cela que je vous rappelle à tous à quel point il est important de regarder cette loi et cette campagne dans une perspective intersectionnelle. C'est en adoptant une telle perspective qu'on réussira à englober toutes les femmes et les filles, qu'elles soient en situation de handicap, racialisées ou autochtones.
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Je viens du Nord — du Nord proche, pas du Grand Nord. C'est différent selon l'endroit où vous êtes au Canada. Cela dépend vraiment du type de collectivité que vous avez et des types de ressources dont vous disposez au départ. Dans un très grand nombre de cas — et vous avez entendu ce qu'Arlene a dit, qu'elle a ouvert un refuge — énormément de choses qui se produisent par rapport aux besoins communautaires dépendent du fait que quelqu'un commence quelque chose dans la collectivité... ça commence par quelque chose.
Je ne crois pas qu'il y ait une approche universelle à cet égard. Je sais que nous aimerions tous que ce soit le cas. Je crois aussi que nous devons adopter une approche beaucoup plus horizontale. Les gouvernement fédéral et provinciaux ainsi que les administrations municipales doivent travailler ensemble par rapport à ces situations. Pour moi, il est très clair que nous ne pouvons utiliser un modèle descendant, que l'approche horizontale est la seule qui va vraiment nous amener quelque part — des paiements de transfert — parce que les municipalités y font face.
J'ai fait la connaissance de Hazel McCallion, de Mississauga, et j'ai participé avec elle à un projet en 2014. Hazel a raconté ce qu'elle vivait en tant que mairesse de Mississauga au moment de gérer tout cela. Comme je l'ai dit, c'est vraiment important de parler aux maires des villes et des petites municipalités et de comprendre qu'ils sont en première ligne pour ce qui est de savoir où cela se passe, tout comme ces refuges et ces maisons de transition ainsi que les ressources. Les gouvernements provinciaux, qui reçoivent ces paiements de transfert du gouvernement et qui prennent ces décisions eux-mêmes, font face aux mêmes types de défis en ce qui concerne les collectivités éloignées et rurales par rapport aux grands centres urbains ou, encore une fois, les bases de population, les bases électorales... toutes ces choses entrent en jeu. Nous ne pouvons pas prétendre que ce n'est pas le cas.
C'est très important de comprendre que nous devons essayer de penser aux femmes d'abord et d'imaginer une façon de le faire à l'aide d'une approche horizontale. Je pense qu'une partie des discussions qui se tiennent maintenant entre les gouvernements fédéral et provinciaux sont passionnantes, mais le fait de ne pas inviter les administrations municipales est une erreur. Je pense que c'est le genre de choses qui doit être... Vous commencez par l'étude, puis vous invitez des gens qui travaillent en réalité sur ces questions et commencez à connaître une partie des pratiques exemplaires et à les examiner, parce qu'il existe dans des petites et grandes collectivités des pratiques exemplaires. Il y a là beaucoup d'innovation qui se fait.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'apprécie l'occasion d'être ici et de poser une question. Je ne suis pas membre permanente du Comité, mais j'ai eu l'occasion de voyager avec un comité de la condition féminine en 2008 afin de réaliser une étude très similaire à celle-ci. Nous nous sommes rendus au Nunavut, au Nouveau-Brunswick, au Labrador et dans le Nord du Québec.
La question que j'ai pour vous porte sur ce sujet. L'un des exemples les plus récents que je puisse donner à propos d'organisations qui se sont regroupées pour répondre aux besoins de leur collectivité provient de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, la SPLI, et, plus près de chez nous, des conseils communautaires mis en place. À Saskatoon, il s'agissait du SHIP, le Saskatoon Housing Initiatives Partnership. Toutes sortes d'organisations qui cherchaient à répondre aux besoins de logements des résidents de cette collectivité se sont réunies pour cerner les priorités et les besoins au sein de leur propre collectivité.
Cela semblait un modèle approprié permettant aux collectivités elles-mêmes de déterminer, peut-être jusqu'au niveau du gouvernement fédéral, où cet argent devait être dépensé. Elles ont en fait choisi les organisations qui recevraient le financement octroyé par le gouvernement fédéral.
Je me demande si vous pensez qu'un modèle comme celui-là présente une valeur quelconque pour qui veut répondre aux besoins dont nous discutons aujourd'hui.
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Yellowknife a été présenté comme le meilleur endroit presque au Canada pour ce modèle. Au début de la SPLI, on nous avait dit que tous les intervenants, y compris les gouvernements autochtones, devaient être à la table, sinon nous ne recevrions aucun financement. Nous sommes tous venus à la table parce que nous voulions tous du financement. Nous nous sommes tous bien entendus. Nous avons élaboré de concert un plan très complet. C'était une collaboration. Et ainsi de suite.
Tout à coup, le gouvernement fédéral a décidé de tout changer pour en faire des carrefours urbains. Maintenant, la ville a le contrôle. Il y a un carrefour. Ils ont dissous le comité communautaire. C'est devenu un organe très bureaucratique, non inclusif et silencieux, au sein duquel ils décident qui recevrait l'argent.
Cela a donc fonctionné, à mon avis, et s'ils avaient maintenu ce concept et ce modèle, je pense que cela aurait fonctionné partout au Canada. Ils ont changé la structure, et je pense que cela ne fonctionne pas très bien. Nous devons vraiment garder à l'esprit que les fournisseurs de services, le gouvernement, les décideurs étouffent la voix des personnes ayant une expérience vécue. Ils parlent tous à leur nombril. Ils n'ont aucune idée de la façon de passer de l'itinérance à une contribution à de grandes choses.
Je pense que beaucoup de gens peuvent faire ça. Je l'ai fait et non pas parce que j'ai été punie et rabaissée et qu'on m'a attribué une dimension pathologique. Je l'ai fait parce que mon type de comportement était banalisé en tant que personne souffrant de traumatismes, entre autres, et une fois que j'ai résolu ce problème, j'ai pu avancer, et je l'ai fait. Je pense que le système a tendance à attribuer une pathologie. Les femmes elles-mêmes ont tendance à se débrouiller et à passer à autre chose, si nous pouvons simplement faire en sorte que tout le monde nous laisse la voie libre.
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La question de femmes ayant subi des traumatismes crâniens est vraiment très particulière. Comme je l'ai mentionné plus tôt, souvent, il n'y a pas de diagnostic. Ces femmes vivent avec cela sans s'en rendre compte. En raison de leur comportement, c'est certain que, dans une maison d'hébergement, elles peuvent être perçues comme des fauteurs de troubles, comme des personnes ayant un problème de comportement, qui ne veulent pas respecter les règlements, et le reste.
Ces femmes vont donc se blâmer. Elles vont se dire que cela est dû à leur attitude, que c'est leur faute. De plus, les femmes qui vivent de la violence sont souvent aux prises avec un problème d'estime personnelle. Il n'est donc pas surprenant que les femmes qui ont déjà ce problème et qui subissent des traumatismes crâniens, surtout sur le plan des fonctions d'exécution, souffrent aussi d'un manque de jugement et de toutes sortes de problèmes de comportement liés à leur handicap. Cela se produit sans qu'elles et les gens autour d'elles ne s'en rendent compte. Comme je l'ai mentionné, elles ont souvent des problèmes de santé mentale, de dépendance à la drogue, à l'alcool, par exemple. Ce sont des personnes qui sont victimes de violence, des femmes avec un handicap dont elles ne se rendent pas compte.
J'ai des statistiques. Par exemple, une étude de la Dre Angela Colantonio mentionne que 40 % des femmes emprisonnées en Ontario ont trois choses en commun, sans compter le racisme, qui est aussi un problème. Son étude portait sur trois choses qu'elles ont en commun.
[Traduction]
Elles ont trois choses en commun. Elles ont des antécédents de violence sexuelle subie pendant l'enfance, ont subi une lésion cérébrale et sont en prison. En Ontario, 40 % des femmes ont ces trois choses en commun.
[Français]
On est donc en train de criminaliser des victimes. C'est surtout de cela qu'il est question.
Il est aussi question de quelque chose qui relève des domaines social et de la santé. Cela commence à être mieux connu. À présent, on parle de joueurs de football, de sportifs, et de toutes sortes de gens, mais la femme qui vit de la violence vit la même chose. La seule différence, c'est qu'elle n'est pas une vedette. Elle reçoit des coups de poing et elle est simplement une femme qui subit de la violence dans sa vie.
Le nombre de ces femmes est énorme. Le pourcentage exact n'est pas encore connu, mais on dit qu'entre 30 et 80 % des femmes vivant en maison d'hébergement ont subi un traumatisme crânien. Je n'exagère pas. Les femmes et les gens qui travaillent dans les maisons d'hébergement vous le confirmeront. On disait qu'il y avait quelque chose, mais cela n'avait jamais été nommé. À présent, on commence à le nommer.
Bon après-midi à tous et merci de me donner l'occasion de participer à cette discussion importante.
Je m'appelle Martina Jileckova et je suis ici aujourd'hui en ma qualité de DG de la Horizon Housing Society. Nous sommes un organisme de bienfaisance dans le secteur du logement abordable à Calgary. Nous proposons des logements abordables supervisés aux familles vulnérables, aux particuliers et aux personnes âgées ayant des besoins spéciaux, y compris ceux qui fuient la violence familiale. Je suis accompagnée de Lisa Litz, directrice des relations avec les intervenants.
Je tiens à dire d'emblée que, même si j'ai plus de 20 ans d'expérience dans la création et la gestion de logements abordables pour les populations vulnérables, je ne suis en aucun cas une spécialiste de la violence familiale. Mes remarques d'aujourd'hui porteront essentiellement sur la partie de l'équation que nous connaissons le mieux dans notre organisation, à savoir le logement abordable accompagné de mesures de soutien.
En préparation de la discussion d'aujourd'hui, nous avons communiqué avec les principaux fournisseurs de services aux victimes de violence familiale de Calgary, notamment les équipes avisées et bienveillantes du YWCA de Calgary, de Discovery House, de Calgary Women's Emergency Shelter et d'autres organisations. J'aimerais les féliciter et les remercier des idées qu'ils ont communiquées.
J'aimerais donner la parole à Lisa, qui continuera avec nos observations.
:
Nos consultations ont permis de dégager deux thèmes récurrents. Selon moi, le premier était que nous ne pouvions vraiment pas espérer répondre à la demande de places dans les refuges si nous ne commencions pas à avoir une discussion sur la prévention et les solutions à long terme. Ces thèmes se dégageaient avec force et clarté.
Je dirais que le deuxième élément est que le logement supervisé abordable, idéalement dans la collectivité, constitue probablement un élément très important de cette solution.
Nous avons entendu à maintes reprises que la prévention de la violence familiale est un puissant mécanisme en amont. C'est un moyen de réduire la demande, mais c'est une solution à plus long terme. Je dois dire, comme l'a mentionné Martina, que nous ne sommes pas des experts sur le sujet. D'autres personnes plus expérimentées peuvent vous parler de prévention. Ce que nous pouvons vous dire, c'est que nous sommes absolument convaincus que nous devons nous concentrer sur la réduction de la demande, car le nombre de femmes qui demandent de l'aide est déchirant et exige véritablement notre intervention.
À Calgary, une ville d'environ 1,2 million d'habitants, plus de 800 femmes et enfants se voient refuser chaque année des refuges secondaires en raison du manque d'espace. Dans toute la province, ce nombre grimpe à 22 000, selon les statistiques de l'Alberta Council of Women's Shelters. Ce nombre, 22 000, représente plus du double du nombre de femmes hébergées. Cela exige donc notre intervention.
Nous sommes également préoccupés par le fait que nous savons que ces chiffres sont trop bas. Comme bon nombre de témoins le comprendront, nous savons que l'itinérance des femmes a tendance à être cachée. Nous savons que les femmes ont souvent recours au squattage de divan, à la cohabitation avec un partenaire violent et à des faveurs sexuelles en échange d'un refuge afin de ne pas rester dans la rue et de pouvoir loger leurs enfants.
Comment corrigeons-nous le manque d'espace? Je pense que, à long terme, nous le faisons en réduisant la demande au moyen de la lutte contre la violence familiale. À une échéance beaucoup plus rapprochée, nous croyons pouvoir libérer des places dans des refuges en investissant dans des logements abordables dotés de soutiens sociaux, et je reviens à Martina afin qu'elle donne des précisions à cet égard.
:
Encore une fois, nous sommes de Calgary; nous prenons donc l'exemple de notre ville. Nous savons qu'il nous faut ajouter plus de 15 000 logements locatifs abordables simplement pour rejoindre la moyenne d'autres grandes villes. Voilà à quel point nous accusons un recul par rapport au reste du Canada.
Pour les femmes fuyant la violence, le manque d'accès à des logements abordables bénéficiant d'une aide financière est doublement nuisible. Les femmes qui quittent un partenaire violent subissent souvent une réduction de revenu, ce que nous constatons lorsqu'elles viennent rester avec nous. Ensuite, le manque d'accès à un logement abordable peut les forcer à devenir des sans-abri. Lorsqu'elles en sont rendues là, le manque d'options en matière de logement les maintient dans l'itinérance.
Nos partenaires, Discovery House et d'autres, nous disent que le séjour moyen dans un refuge de deuxième étape pour une femme et ses enfants est de neuf mois à Calgary. Ce n'est pas forcément parce qu'elles doivent rester au refuge pendant neuf mois; c'est plutôt qu'il n'y a pas suffisamment de logements abordables dans lesquels ces femmes peuvent emménager.
L'augmentation du nombre de logements subventionnés abordables peut aider à garder certaines femmes hors des refuges dès le départ. Pour celles qui entrent dans le réseau de refuges, une augmentation du nombre de logements supervisés abordables signifie que la possibilité de quitter le refuge leur est offerte plus tôt et qu'elles sont toujours en mesure de conserver les soutiens sociaux pour faire face au traumatisme.
Je veux, encore une fois, prendre l'exemple du programme de logement communautaire chez Discovery House. Discovery House est un organisme de charité pour les victimes de violence familiale à Calgary et est l'un de nos partenaires. Ce programme fait rapidement passer les familles des refuges vers des logements abordables bénéficiant d'un soutien dans la collectivité. Ce faisant, des fonds sont libérés pour augmenter le counseling et d'autres mesures de soutien dont les femmes ont besoin. Ces services sont fournis aux femmes et à leurs enfants et augmentent ainsi leur taux de réussite.
Avant de conclure mes remarques, je voudrais vous sensibiliser aux femmes auxquelles nous devons prêter une attention urgente, à savoir les femmes autochtones. Nous savons que les femmes autochtones sont touchées de manière disproportionnée par la violence familiale et sont surreprésentées dans les refuges. Si l'on s'appuie sur les données de l'Alberta Council of Women's Shelters, encore une fois, en 2015-2016, les femmes autochtones représentaient 60 % des personnes admises dans des refuges, tandis qu'elles ne comptent que pour 6 % des Albertains, enfants et adultes.
Cette statistique est choquante et exige une action immédiate et déterminée. Dans notre cheminement de vérité et de réconciliation, nous devons agir. Nous devons donner la priorité à notre réflexion et à nos ressources pour faire face à cette situation épouvantable. Une approche holistique qui répond à ces besoins complexes avec des soutiens sociaux adaptés à la culture, tout en fournissant des logements abordables, nous offre certaines des voies les plus prometteuses.
Bien que le soutien continu à l'égard des refuges et des places de refuge demeure essentiel et que des efforts supplémentaires en matière de prévention soient nécessaires, nous encourageons le Comité à soutenir les modèles de logement communautaire associant des logements communautaires abordables et décents à un soutien social approprié.
Nous tenons à vous remercier de votre invitation à prendre la parole devant le Comité et de tout le travail que vous accomplissez sur cet important sujet.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant vous.
Nous sommes très heureux d'être ici avec nos collègues de la Horizon Housing Society, et nous allons reprendre beaucoup des points soulevés par Mmes Jileckova et Litz.
Nous sommes ici aujourd'hui au nom de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, qui représente les intérêts du secteur du logement social, abordable et sans but lucratif au Canada.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous aborderons un certain nombre de problèmes auxquels se heurte le logement pour les femmes et conclurons par plusieurs recommandations clés.
Le premier problème est clairement l'approvisionnement. La demande de logements sociaux, supervisés et sans but lucratif dépassant de plus en plus l'offre, un logement sûr et abordable est souvent hors de la portée des personnes à faible revenu et des populations vulnérables, y compris les femmes fuyant la violence. Des années de sous-financement ont entraîné une pénurie de nouvelles offres afin que l'on puisse répondre à la demande croissante et, avec un parc immobilier vieillissant, même le parc actuel de logements sûrs et abordables est menacé.
Pourquoi est-ce un problème pour les femmes? Les refuges et les logements de transition sont importants, mais ils sont et devraient être temporaires. Ce sont des solutions provisoires pour les personnes ayant survécu à des situations de violence familiale. La prochaine étape pour les femmes consiste à trouver, à obtenir et à conserver un logement sûr et abordable. Cependant, cet écart entre les besoins et l'offre est aggravé par les longues listes d'attente pour les logements sociaux et à but non lucratif, en particulier pour les familles avec enfants, qui dépassent de loin la disponibilité des unités. À titre d'exemple, à Montréal, plus de 25 000 personnes sont actuellement sur la liste d'attente. À Toronto, la liste d'attente va bien au-delà de 82 000 personnes. Nous estimons que ces chiffres sont très conservateurs. Nous croyons que la demande réelle est beaucoup, beaucoup plus élevée.
[Français]
Les femmes qui ont connu de la violence font face à des besoins en matière de logement et à des défis uniques. Alors que le logement demeure l'une des principales préoccupations des femmes, la violence qu'elles subissent constitue l'une des causes les plus importantes de l'itinérance parmi les familles canadiennes. En plus d'avoir à trouver un logement adéquat, les victimes de violence doivent transiger avec différents milieux, comme la protection de l'enfance, l'aide sociale, le supplément du revenu, le tribunal de la famille ou le système de justice.
[Traduction]
Les femmes qui sortent d'une situation de violence ont besoin de divers services et soutiens à long terme, en particulier d'une assistance à long terme pour surmonter les répercussions émotionnelles et psychologiques de la violence familiale et des soutiens sociaux liés à la sécurité économique et aux soins des enfants. La recherche montre clairement qu'il est important de fournir aux femmes des ressources essentielles pendant cette période postérieure à la séparation, le logement sûr et stable étant l'une des plus importantes de ces ressources.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Mme Krzeminska.
Le manque de communication et les contradictions entre les différents systèmes de soutien social, comme l'aide sociale, le logement social et la protection de l'enfance, peuvent également empêcher les femmes d'accéder au logement social et de le conserver. Cela, outre les longs délais d'attente pour un logement subventionné, oblige souvent les refuges à enfreindre leurs politiques ou leurs règles afin de prolonger le séjour des femmes au refuge si le logement n'est pas encore disponible.
Cela influe sur la surcapacité et le manque de places disponibles, limitant ainsi le nombre de nouvelles femmes que les refuges peuvent accepter. Incapables d'accueillir de nouveaux résidents en raison de la surcapacité et des ressources, les refuges doivent souvent refuser l'accès à des femmes et des enfants.
Il n'y a pas de système en place pour suivre ces femmes afin que l'on puisse déterminer si elles ont eu accès à un logement sûr. Il est à craindre que les femmes ne retrouvent leurs partenaires de violence familiale, aboutissent en situation d'itinérance invisible, se retrouvent sans abri dans la rue ou soient forcées, en raison de certaines circonstances, de se retrouver dans d'autres situations précaires, comme le travail dans l'industrie du sexe pour assurer leur survie ou un mode d'occupation insalubre.
Il faut reconnaître que les femmes autochtones sont environ 3,5 fois plus susceptibles de subir une forme de violence conjugale que les femmes non autochtones. Les femmes autochtones migrent souvent vers les centres urbains pour échapper à la violence et à la pauvreté, se retrouvant souvent dans des situations de logement précaires, en raison du manque d'options de logement disponibles ou de la discrimination systémique. Les logements précaires non seulement augmentent le risque de violence chez les femmes autochtones, mais ils contribuent également au risque que la femme fasse l'objet de la traite de personnes et compte parmi le nombre élevé de femmes autochtones disparues et assassinées.
Comme l'a écrit la Commission ontarienne des droits de la personne dans son rapport intitulé Le droit au logement:
La situation est particulièrement sombre pour les femmes autochtones, qui subissent un taux de violence conjugale plus élevée que les autres femmes. L'absence de logement convenable et abordable, d'aide financière et de mesures de soutien social, à laquelle se greffent d'autres facteurs connexes, ne laisse pas d'autres choix aux femmes autochtones que de revenir à leur conjoint violent.
Je redonne la parole à Jeff.
:
Au milieu de tout cela, il convient de souligner que, en novembre 2017, le gouvernement fédéral a dévoilé la Stratégie nationale sur le logement, dotée d'un budget de 40 milliards de dollars sur 10 ans, qui comprend une série de politiques et de programmes visant à soutenir le parc de logements sociaux et abordables existant et à augmenter le nombre de logements abordables, y compris certaines mesures spécifiques en faveur des femmes et des enfants.
À présent, bien que ces mesures constituent un pas en avant louable au chapitre du réinvestissement dans le secteur canadien du logement social et abordable, plusieurs préoccupations subsistent, notamment la capacité du secteur du logement abordable d'accroître de manière suffisante l'offre nécessaire; l'absence de stratégie de logement pour les Autochtones vivant en milieu urbain, rural et nordique; et le manque de mesures visant à remédier aux soutiens sociaux toujours nécessaires, en particulier pour les femmes et les enfants, en matière de logement social.
Que recommandons-nous?
Premièrement, compte tenu de la situation à laquelle sont confrontées les femmes autochtones, comme l'a décrit ma collègue, nous avons préconisé l'élaboration et le financement d'une stratégie de logement pour les Autochtones en milieu urbain. Lors de sa présentation en novembre 2017, la SNL s'était engagée à élaborer trois stratégies de logement pour les Autochtones fondées sur les distinctions pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits, et, bien entendu, ces mesures sont les bienvenues. Bien que ces stratégies soient appréciées, elles ne répondent pas aux besoins en logement de 87 % des peuples autochtones, y compris les femmes, vivant en milieu urbain, rural et nordique.
Le rapport 2015 de la Commission de vérité et de réconciliation décrit des appels à l'action et des recommandations visant à remédier aux torts causés aux peuples autochtones, en particulier aux femmes. Une stratégie de logement pour les Autochtones vivant en milieu urbain, rural et nordique s'appuierait sur les recommandations contenues dans le rapport de la CVR et faciliterait le processus global de réconciliation.
[Français]
Deuxièmement, la Stratégie nationale sur le logement devrait être élargie pour établir de nouveaux moyens permettant d'augmenter l'offre de logements sécuritaires et abordables. Plusieurs outils politiques peuvent être utilisés à cette fin.
Nous avons présenté différentes possibilités...
[Français]
Nous avons présenté différentes possibilités dans notre mémoire soumis au Comité permanent des finances, et nous serions heureux d'en débattre aujourd'hui.
[Traduction]
Troisièmement, le gouvernement fédéral doit investir dans les soutiens sociaux dont ont besoin les femmes fuyant la violence, ainsi que dans des logements sûrs et abordables. Comme nous en avons débattu, le soutien social et l'intervention précoce sont essentiels pour aider les femmes fuyant la violence à réussir leur transition. Augmenter le Transfert canadien en matière de programmes sociaux avec des responsabilités appropriées, par exemple, serait un outil que le gouvernement fédéral pourrait utiliser en vue d'atteindre cet objectif.
Enfin, madame la présidente, le personnel de première ligne et les femmes ayant une expérience vécue doivent absolument être inclus dans la conception et l'orientation des politiques et des programmes. Leurs voix doivent être entendues. Sans aucun doute, les femmes ayant une expérience vécue peuvent fournir l'expertise stratégique la plus solide dans ce domaine.
Je vous remercie. Nous attendons avec impatience la discussion.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'avoir présenté le travail qu'ils font dans ce domaine. Leurs recommandations vont beaucoup nous aider dans le cadre de notre étude.
Premièrement, monsieur Morrison, je vous demanderais de bien vouloir envoyer à la greffière et à l'analyste le document que vous avez soumis au Comité permanent des finances.
Ensuite, j'aimerais poser une question aux deux témoins. Il est question de la Stratégie nationale sur le logement que nous avons annoncée, et je vais interroger M. Morrison au sujet de la Stratégie nationale sur le logement autochtone proposée par son organisme.
Avant cela, toutefois, j'aimerais entendre vos recommandations sur les partenariats que le gouvernement fédéral devrait établir et sur le rôle que les provinces et les municipalités devraient jouer à cet égard. C'est la première fois qu'une stratégie nationale sur le logement est mise en avant, et j'aimerais apprendre de vous comment travailler plus étroitement avec les provinces et les municipalités.
:
Si cela ne vous dérange pas, je vais répondre en anglais.
[Traduction]
Il est absolument essentiel que les stratégies du provincial s'harmonisent avec la stratégie du fédéral, laquelle doit être en mesure de fournir des outils pour du financement et d'autres usages aux provinces et aux territoires.
Les municipalités sont également essentielles, surtout en ce qui a trait aux femmes qui fuient la violence, compte tenu, parmi les nombreuses raisons, du soutien social qu'elles fournissent. Il n'y a pas de relation directe en soi, comme on peut le voir avec les provinces et les territoires, par exemple. Cependant, on parle ici d'un cas particulier — et je vais laisser Martina nous parler plus en détail de la situation à Calgary —, et un certain nombre de municipalités commencent à mettre en place leurs propres stratégies municipales en matière de logement, lesquelles sont harmonisées avec l'approche fédérale, et, dans certains cas, avec l'approche provinciale. C'est ainsi que cela doit être. Les stratégies doivent être harmonisées et complémentaires, surtout celles qui touchent des groupes plus vulnérables, comme les femmes, pour lesquels le besoin de soutien social n'a d'égal que le besoin d'accroître l'offre de services.
Je crois que Martina et Lisa peuvent nous parler un peu plus de ce qui se passe à Calgary à ce sujet.
L'une des principales caractéristiques de la stratégie nationale en matière de logement est le lien étroit que ses responsables entretiennent avec les gouvernements des provinces et des territoires. Comme vous le savez probablement, plus tôt cette année, le gouvernement fédéral a signé un accord multilatéral avec toutes les provinces et tous les territoires afin d'implanter essentiellement les principes clés de la stratégie. À ce jour, trois accords bilatéraux ont également été signés — avec l'Ontario, la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick —, et nous attendons la signature des accords avec les autres provinces et territoires.
J'approuve les commentaires de Jeff concernant la nécessité de signer des accords bilatéraux. Trois ont été signés. Je viens de Calgary, en Alberta, et cet accord avec le gouvernement fédéral n'est toujours pas signé. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir, à la fois du côté du provincial et de celui du fédéral, pour faire en sorte que cet accord soit conclu.
L'autre point que j'aimerais souligner, c'est le fait — encore une fois, Jeff a raison — qu'il y a un lien moins direct entre le gouvernement fédéral et les municipalités, mais que la façon dont nous concevons les programmes fédéraux a alors également une incidence sur l'efficacité de notre travail ensemble à l'échelon municipal. La prestation de logement en serait un bon exemple. Cette mesure n'a pas été mise en oeuvre dans la stratégie nationale en matière de logement, mais au moment où la politique est élaborée à l'échelon fédéral, nous devons nous assurer qu'elle fonctionne avec les programmes municipaux et provinciaux.
Pour conclure, j'aimerais aborder la question du travail avec les municipalités. Je vous présente le point de vue de l'Albertain, donc j'aimerais insister sur le fait qu'il est très important de prendre en considération les différences entre les régions. En Alberta, nous savons que Calgary est un propriétaire foncier très important. Y aurait-il un mécanisme dans la stratégie fédérale? La stratégie nationale en matière de logement porte sur le programme de transfert de terrains. S'il n'y a pas assez de terres domaniales prévues dans la stratégie fédérale, pourrions-nous tout de même faire usage de la stratégie fédérale pour établir des partenariats avec une municipalité et libérer ces terrains?
Pour quelles raisons? Je vous le répéterai: il est essentiel pour nous d'avoir accès à des terrains afin d'être en mesure de fournir de nouveaux logements locatifs abordables.
:
Merci pour cette bonne et intéressante question. À mon sens, les réponses pointent toutes vers la diversité des femmes victimes de violence.
Nous pouvons dire, que de façon idéale, l'accession à la propriété est... Certaines personnes diront qu'il s'agit de l'idéal. D'autres diront que cela ne les intéresse pas.
Cependant, permettez-moi de répondre de cette façon. Toutes les femmes qui fuient la violence et qui se retrouvent dans un refuge ont une chose en commun, et c'est la menace de violence. La plupart d'entre elles auront des problèmes financiers. C'est là que la question de l'abordabilité entre en jeu. Pour certaines femmes, le problème de l'abordabilité est relativement temporaire. Leur principal problème est la menace immédiate qu'elles fuient. Elles connaîtront une pauvreté qui ne sera probablement que temporaire. Une fois que l'aide immédiate est offerte, elles seront peut-être en mesure d'avoir accès à certaines ressources par l'entremise du partenaire qu'elles fuient. Peut-être qu'elles sont déjà propriétaires d'une maison.
Il ne s'agit que d'une catégorie. Cela peut parfois prendre du temps. Il pourrait y avoir une poursuite en justice et d'autres choses du genre. Il ne s'agit pas nécessairement d'un processus simple.
D'autres femmes qui fuient la violence font face à cette menace immédiate, mais les antécédents de traumatisme remontent à bien plus loin. Elles se présentent dans les refuges, car elles se sont retrouvées sans-abri il y a longtemps, et ont maintenant des problèmes de dépendance, de santé mentale, et un profond traumatisme datant de plusieurs années...
Ces femmes ont souvent besoin d'être en maison de seconde étape, car le problème est bien plus complexe. Nous constatons aussi que, seulement en raison de leurs antécédents de traumatisme, elles auront besoin plus longtemps d'un logement locatif abordable lorsqu'elles quitteront leur maison de seconde étape que celles qui n'ont qu'un seul traumatisme et qui, une fois le problème réglé, se remettent sur pied plus rapidement.
Je simplifie ma réponse pour bien vous faire comprendre ce que je dis, mais vous avez, de façon générale, ces deux populations.
En ce qui a trait à l'aide, nous fournissons des logements à prix abordable. C'est ce que nous savons faire. Nous sommes les propriétaires au grand coeur. Nous fournissons un logement à prix abordable aux femmes fuyant la violence, et aux autres, en plus d'un soutien. Nous faisons affaire avec des partenaires dans notre collectivité, comme Attainable Homes, pour faire en sorte que nos résidentes, nos locataires, soient au courant de l'existence des programmes d'accession à la propriété présents dans la collectivité.
Notre autre partenaire est Habitat pour l'humanité. Nous nous assurons que celles qui restent avec nous comprennent qu'il y a d'autres options, si c'est ce qui leur conviendra à l'avenir. Les gens peuvent rester avec nous de façon permanente. Nous fournissons des logements permanents à prix abordable, et nous fournissons également l'accès à d'autres options comme une aide à l'accession à la propriété.
:
Je vais commencer, et si Mme Krzeminska a des choses à ajouter, je l'invite à le faire.
[Traduction]
Il ne fait aucun doute, comme nous l'avons mentionné dans nos documents, que les défis auxquels font face les Autochtones, en particulier en milieu urbain, sont beaucoup plus grands que ceux auxquels font face les non-Autochtones. Les taux d'itinérance sont beaucoup plus élevés. Le pourcentage de familles autochtones qui ont besoin d'un foyer familial est beaucoup plus élevé. Les besoins des Autochtones, en particulier ceux des femmes autochtones fuyant la violence et qui passent d'une réserve à un milieu urbain, posent de grands défis. Bien souvent, il y a des lacunes ou des manques en matière de soutien social, culturel et même linguistique.
Pour les femmes autochtones, le fait de déménager dans un milieu urbain sans avoir ce type de soutien — et sans accès au logement — constitue un immense défi. Certains travaux ont montré que les Autochtones subissent de la discrimination en matière de logement. Selon les résultats de certaines études, des locateurs privés agissent de façon discriminatoire à l'endroit de locataires autochtones. Les gens issus des Premières Nations font face à certains obstacles systémiques et culturels.
Dans la stratégie nationale, les fournisseurs de logements autochtones sont admissibles à toutes les mesures annoncées. Ce que nous avançons dans le document que vous avez mentionné, c'est que le gouvernement fédéral doit franchir un autre pas et annoncer un quatrième volet, qui viserait le logement pour les Autochtones en milieu urbain.
Comme vous l'avez mentionné avec justesse, nous avons intitulé notre document « Stratégie nationale sur le logement autochtone: pour les Autochtones, par les Autochtones », afin de souligner qu'il faudra créer une stratégie gérée en fonction des Autochtones et élaborée par des Autochtones vivant en milieu urbain, y compris ceux qui ont une expérience vécue, de sorte que la structure de gouvernance soit en place. Il faut avoir accès à plus de financement, en particulier pour les logements destinés à des Autochtones, et ce financement doit s'additionner aux sommes annoncées dans le cadre de la stratégie. Il faut aussi inclure du soutien adapté sur le plan culturel. Imaginez une femme autochtone qui déménage, par exemple, dans un milieu urbain et qui n'a pas accès à du soutien adapté sur le plan culturel; ce sera vraiment difficile pour elle.
La stratégie relative aux personnes autochtones s'appuierait sur la stratégie nationale existante, mais, de toute évidence, serait axée sur les hommes et les femmes autochtones qui ont besoin d'un logement.
:
Premièrement, je suis très impressionné que vous ayez trouvé une étude que nous avons effectuée en 2002 et que je ne pense pas avoir vue moi-même.
[Traduction]
Comme vous le savez, madame Sansoucy, le gouvernement fédéral a annoncé il y a quelques mois la stratégie canadienne de réduction de la pauvreté, qui s'appuie sur les mesures qui ont été annoncées jusqu'à maintenant par le gouvernement actuel, et dans le cadre de laquelle on a mis en place des outils d'évaluation, des indicateurs et des mesures de responsabilisation.
À notre avis, la stratégie ne contenait rien de nouveau en ce qui a trait à des mesures directes pour s'attaquer à la pauvreté et pour lutter contre cette situation. Nous ne voulons pas faire fi des efforts qui ont été consentis, y compris la Stratégie nationale sur le logement, et qui ont pour objectif d'avoir une incidence sur les logements abordables. Toutefois, je crois que nous sommes déçus de la situation qui nous a poussés à nous demander, pour reprendre les mots d'une vieille publicité, « où est le boeuf? ». La stratégie annoncée ne comprenait vraiment pas les mesures directes que nous souhaitions voir et qui auraient dû être bien différentes de celles déjà annoncées.
Il est évident que les femmes sont touchées par un accroissement de la pauvreté, des problèmes liés à l'éducation et, comme nous en avons discuté, des défis liés à la violence, et par d'autres choses encore. Nous espérons que, parmi les mesures de lutte contre la pauvreté, le gouvernement mettra en place des mesures directes supplémentaires, et pas seulement des mesures liées à la responsabilisation, et qu'il ne fera pas que recueillir des données, mais qu'il mettra en place des mesures directes qui auront une incidence et un effet à la faveur des femmes.
:
C'est intéressant, car je suis d'avis que nous devons offrir des refuges d'urgence et des refuges de deuxième étape durant une très courte période. Nos organismes partenaires nous disent que, une fois que l'on a répondu au besoin immédiat, nous parvenons à loger une femme et ses enfants dans un logement communautaire qui offre des services de soutien. Nous ne considérons plus les logements de transition de deuxième étape comme une partie distincte d'un processus, selon lequel on doit y passer six mois car on suit un programme.
Nous constatons ce qui fonctionne vraiment à Calgary: une fois que nous avons répondu au besoin immédiat en offrant un refuge, nous installons le plus tôt possible les femmes dans un logement communautaire abordable d'où elles peuvent continuer de profiter des services de soutien disponibles. C'est ce qui fonctionne le mieux.
C'est en quelque sorte la manière la plus économique de procéder, étant donné qu'il n'est plus nécessaire de payer pour une place dans un refuge si nous avons éliminé le danger immédiat. Nous pouvons utiliser cet argent pour installer des femmes dans des logements communautaires comme ceux de Horizon et leur offrir des services de soutien social nécessaires, au lieu de les loger dans des refuges, ce qui n'est habituellement pas une solution économique.
Vous voulez savoir en quoi ils consistent. Nous pouvons offrir beaucoup de choses: de l'aide financière, des suppléments au loyer, des connaissances en matière de finances, l'apprentissage de l'autonomie fonctionnelle, des services de consultation pour aider les femmes à surmonter leurs traumatismes. Certaines femmes ont des antécédents de violence familiale qui remontent à loin. Nous devons régler les problèmes de dépendance et de santé mentale. Nous avons parlé des femmes autochtones et du fait qu'elles ont besoin de reprendre contact avec leur culture. Nous installons ces femmes dans nos logements, mais elles ont besoin de retrouver leur culture grâce aux services de soutien social; ce sont des services de ce genre qui doivent être financés.
Nous croyons que les logements communautaires qui offrent des services de soutien font partie de la solution.