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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 053 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 13 février 2017

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Nous avons le quorum, et je présume que d'autres membres se joindront à nous plus tard.
    Il s'agit de la 53e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Bienvenue.
    J'aimerais remercier tout spécialement nos témoins d'aujourd'hui. Merci de contribuer à notre étude.
    Nous poursuivons notre étude du cadre de sécurité nationale du Canada. Des réunions ont eu lieu à l'automne à Ottawa, et 10 séances ont été tenues un peu partout au pays également. Nous tiendrons quelques réunions supplémentaires car nous estimions qu'il nous manquait quelques témoignages à entendre et voulions recevoir quelques groupes supplémentaires. La semaine dernière, nous avons eu le plaisir d'entendre des témoins nous transmettre leur sagesse, et nous sommes ravis d'en recevoir d'autres cette semaine.
    Quelques-uns d'entre vous ont déjà comparu au Comité dans le passé, et je crois que c'est la première fois pour quelques-uns d'entre vous. Le premier groupe de témoins comparaîtra pendant une heure, de 15 h 30 à 16 h 30. Nous entendrons d'abord le B'nai Brith, qui disposera de 10 minutes pour faire son exposé. Puis l'Islamic Society of North America aura 10 minutes. Le Comité posera des questions pendant 40 minutes, puis nous continuerons la réunion.
    Nous allons commencer, mais j'ignore comment vous partagerez votre temps de parole.
    Je suis Michael Mostyn. Je vais commencer la déclaration au nom du B'nai Brith Canada, puis je céderai la parole à mon collègue.
    Parfait. Merci, monsieur Mostyn.
    Merci, monsieur le président.
    Le B'nai Brith est le plus vieil organisme juif composé de membres du Canada. Par l'entremise de sa Ligue des droits de l'homme, qui tient une ligne téléphonique de lutte contre les crimes haineux et prépare une vérification annuelle des incidents antisémites, c'est le premier défenseur des droits de la personne de la communauté juive du Canada.
    Le B'nai Brith a témoigné devant le Comité en 2015, où il a mis l'accent sur notre appui d'un aspect particulier du projet de loi C-51 en lien à la création d'une infraction pour la promotion du terrorisme, à la saisie de propagande terroriste et à la suppression de propagande terroriste dans les systèmes informatiques. Nous avons formulé plusieurs recommandations d'amendements. Mon collègue David Matas, qui a agi à titre de conseiller juridique principal pour le B'nai Brith au Canada, fera le point sur notre position dans sa déclaration.
    Nous savons que la communauté juive est particulièrement vulnérable à la propagande haineuse un peu partout dans le monde, et un grand nombre des organisations terroristes les plus puissantes, telles que le Hamas, le Hezbollah et Daech, comptent sur la promotion de la haine qui met l'accent sur l'antisémitisme pour inspirer des actes terroristes.
    Il y a de nombreux exemples à l'échelle internationale, tels que l'attaque contre le supermarché Hyper Cacher contre les Juifs français, qui était liée aux attentats de Charlie Hebdo, et l'attaque horrible dans un centre religieux juif à Mumbai qui s'est inspiré d'un grave attentat islamiste survenue en 2008.
    En fait, des attaques terroristes contre les Juifs se produisent partout dans le monde. La communauté juive est bien consciente de la menace à laquelle elle est confrontée et sait, en raison d'incidents survenus dans le passé, qu'elle continuera de faire l'objet d'attentats terroristes tant et aussi longtemps que l'incitation à la haine et à la radicalisation se poursuivra dans le monde.
    On a tendance à penser que les actes terroristes ne se produisent qu'à l'étranger, mais c'est un problème qui touche le Canada aussi. Au pays, il y a le centre commercial de West Edmonton qui appartient à des Juifs et des entreprises juives un peu partout dans le monde qui ont été la cible de menaces terroristes par le groupe Al-Chabaab, par opposition aux centres commerciaux qui n'appartiennent pas à des Juifs. Nous ne sommes pas à l'abri de ces menaces au Canada.
    Le rapport de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada cite que le Hezbollah, un groupe terroriste listé soutenu par le régime iranien, utilise ses réseaux mondiaux et canadiens à des fins de recrutement, de financement et d'approvisionnement. Le Hezbollah demeure une menace terroriste non seulement pour la communauté juive, mais aussi pour tous les Canadiens, et on soupçonne qu'il a des antécédents d'activités terroristes internationales, dont le bombardement en 1994 d'un centre communautaire juif en Argentine. C'est l'une des raisons pour lesquelles le B'nai Brith a appuyé la fermeture de l'ambassade iranienne en 2012 et croit qu'elle ne devrait pas rouvrir ses portes avant que le régime iranien cesse d'appuyer la terreur et l'antisémitisme.
    La vérification annuelle du B'nai Brith sur les incidents antisémites révèle que l'antisémitisme au Canada est demeuré relativement constant depuis 2011. Malgré l'absence de conflit actif en Israël en 2015, 1 277 incidents ont été signalés cette année-là. Le harcèlement, y compris le harcèlement en ligne, a augmenté de façon générale sur une période de cinq ans. Le vandalisme a atteint son plus bas niveau en 15 ans cette année-là, tandis que la violence a légèrement diminué de 10 incidents. Nos données pour 2016 seront rendues publiques au printemps prochain.
    Notre premier ministre est à Washington aujourd'hui pour rencontrer pour la première fois le président Donald Trump. Les Canadiens souhaitent maintenir des relations positives avec les États-Unis pour assurer des passages frontaliers et des échanges commerciaux efficaces et rapides. Pour ce faire, il faut prendre notre sécurité nationale très au sérieux. Les efforts de lutte contre le terrorisme et la radicalisation au Canada doivent reconnaître que des groupes identifiables précis — ce qui comprend les juifs, les LGBTQ, les musulmans, les femmes et autres — sont souvent la cible de violence, et nous devons créer un cadre équilibré pour protéger les groupes sociaux vulnérables contre le terrorisme tout en maintenant des principes importants de liberté d'expression au sein de la société.
    Bien des gens oublient souvent que les groupes musulmans minoritaires sont également la cible de groupes terroristes islamistes radicaux. Notre communauté salue et appuie le Programme fédéral d'infrastructure de sécurité, qui répond aux besoins en matière de sécurité des communautés à risque. Il est regrettable que les enfants qui grandissent au Canada à l'heure actuelle soient amenés à prendre conscience qu'une présence policière est nécessaire aux synagogues juives durant les Grandes Fêtes en raison de la menace permanente de crimes haineux et d'actes de violence.
    La haine est enseignée et peut être une source d'inspiration vers la violence menant à la radicalisation. À cet égard, nous ne devrions pas oublier que les discours haineux au Canada pourraient jouer un rôle pour sensibiliser les gens aux efforts futurs de radicalisation, que ce soit en personne ou par Internet, en les désensibilisant à l'humanité de leurs semblables. Récemment, le B'nai Brith a dénoncé une émission de télévision locale en arabe à Toronto, AskMirna, qui faisait la promotion du déni de l'Holocauste. La chaîne de télévision Rogers ignorait qu'il y avait des problèmes avec le contenu, puisqu'elle se base sur le régime de confiance et un processus de plaintes. Il y a encore beaucoup à faire pour éliminer les filières qui favorisent la haine dans la société canadienne, même à la télévision et dans les journaux.
    Voilà qui met fin à mes remarques liminaires, et M. Matas fera le point sur notre position.
(1535)
    Au nom du B'nai Brith Canada, j'aimerais aborder une question qui a été soulevée dans le Livre vert « Notre sécurité, nos droits ». La question, qui est formulée à la page 46 du document d'information, est la suivante: « Croyez-vous que la section de la définition de ‘propagande terroriste’ référant au fait de préconiser ou de fomenter des actes de terrorisme en général devrait être retirée de cette définition? »
    Notre réponse à cette question est non. La liberté d'expression est un droit qu'il faut défendre farouchement, mais il en va de même pour le droit d'être protégé contre le terrorisme. De façon générale, les droits de la personne doivent être considérés comme un tout, et les droits doivent être équilibrés avec ceux des autres. Dans la pratique, cela signifie que les droits d'un groupe doivent être équilibrés avec ceux d'un autre groupe. Dans ce cas-ci, c'est le droit à la sécurité des victimes et des victimes éventuelles de terrorisme qui doit être équilibré avec la liberté d'expression de ceux qui préconisent ou fomentent la perpétration d'actes de terrorisme.
    Nous percevons l'ajout à la définition de « propagande terroriste » d'infractions en lien avec la défense ou la promotion du terrorisme en général comme moyen de rééquilibrer la situation à la lumière de l'augmentation des menaces terroristes avec lesquelles sont confrontés le monde entier et le Canada. Le monde a changé, et l'équilibre doit changer également. Les victimes et les victimes éventuelles doivent être mieux protégées que dans le passé. Il faudra examiner si cet ajout va trop loin, mais du point de vue conceptuel, le changement est logique.
    Nous avons trois suggestions qui, selon nous, sont conformes à l'esprit de la mesure législative.
    La première consiste à importer une défense contre les infractions en lien avec la défense ou la promotion du terrorisme qui existe déjà pour les infractions relatives à la promotion de la haine. Le Code criminel prévoit actuellement que nul ne peut être déclaré coupable de fomenter volontairement la haine qui voulait, de bonne foi, attirer l'attention, afin qu'il y soit remédié, sur des questions de nature à provoquer des sentiments de haine contre un groupe donné. Une mesure semblable pourrait être rédigée pour les infractions en lien avec la défense et la promotion d'actes terroristes.
    La deuxième consiste à ce que l'infraction prévue dans la loi interdise la promotion et la défense d'« infractions de terrorisme en général » sans préciser quelles sont ces infractions. Nous présumons que l'expression « infractions de terrorisme en général » vise les infractions de terrorisme énoncées dans la définition de cette expression prévue dans le Code criminel. Nous suggérons que peu importe si cette présomption est vraie ou non, l'expression « infractions de terrorisme en général » soit définie de manière à ce que les infractions visées soient claires.
    La troisième suggestion se rapporte à l'obligation d'obtenir le consentement du procureur général. Une obligation d'obtenir le consentement, que nous appuyons, comporte son lot de problèmes. Le procureur général concerné est le procureur général du gouvernement fédéral pour les territoires seulement. Pour les provinces, les procureurs généraux concernés sont les procureurs généraux dans les provinces où les infractions présumées surviennent. Notre expérience avec l'infraction de fomenter volontairement la haine est que certains procureurs généraux étaient très réticents à autoriser que des poursuites soient intentées relativement à ce type d'infractions, même dans des cas clairs.
    D'après notre expérience avec les lois sur les discours haineux, nous avons appris qu'en autorisant un membre du public d'intenter des poursuites contre un autre membre du public sans effectuer de contrôle au préalable contribue très peu à la protection de la liberté d'expression. Inversement, légiférer une obligation d'obtenir le consentement du procureur général constitue un obstacle de taille au fonctionnement efficace de la loi.
    Nous suggérons de mettre en place des lignes directrices en plus de l'obligation d'obtenir le consentement du procureur général. Nous espérons que les procureurs généraux n'auront pas à lutter contre la défense et la promotion d'actes de terrorisme suffisamment pour qu'ils deviennent des experts en la matière. Ces lignes directrices leur seraient utiles.
    Nous avons quelques propositions à faire concernant ces lignes directrices, mais elles pourraient évidemment être ajoutées. Voici quelques-unes de nos suggestions.
    Premièrement, de façon générale, le consentement devrait être accordé si le Bureau du procureur général est convaincu hors de tout doute raisonnable que des poursuites mèneront à une condamnation.
    Deuxièmement, compte tenu de la gravité d'une infraction d'acte terroriste, l'exercice du pouvoir discrétionnaire de ne pas intenter des poursuites et de ne pas accorder le consentement, même si on est convaincu hors de tout doute raisonnable que des poursuites mèneront à une condamnation, n'est pas inhabituel.
    Troisièmement, le droit à la liberté d'expression est un facteur qui doit être pris en considération au moment de déterminer si on autorise des poursuites, mais le droit des victimes éventuelles d'être protégées contre le terrorisme et la menace du terrorisme doit avoir préséance.
    Quatrièmement, les considérations liées à la liberté d'expression en soi ne devraient pas justifier le refus d'autoriser des poursuites lorsque l'infraction a été établie.
    Cinquièmement, une personne commet une infraction si elle fait personnellement la promotion d'actes de terrorisme ou incite une autre personne à le faire.
    Sixièmement, la défense ou la promotion du terrorisme comprend la glorification du terrorisme à des fins d'émulation.
    Septièmement, pour qu'une infraction en lien avec la défense ou la promotion du terrorisme soit commise, il n'est pas nécessaire qu'il y ait un lien direct entre la défense ou la promotion du terrorisme et un acte terroriste précis.
    Huitièmement, pour qu'une infraction soit commise, il n'est pas nécessaire d'établir qu'une personne a été incitée ou poussée à commettre un acte de terrorisme parce qu'on en a fait la promotion.
(1540)
    Je vais m'arrêter ici. Notre approche générale, en proposant les amendements et en suggérant des lignes directrices, c'est qu'une loi qui criminalise la défense ou la promotion du terrorisme ne devrait pas être invoquée trop facilement, mais ne devrait pas être lettre morte non plus.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons continuer avec notre deuxième témoin. Je ne sais pas qui va commencer l'exposé de 10 minutes.
    Allez-y, madame Chowdhury.
    Merci de votre invitation à comparaître devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Les musulmans sont assiégés de toutes parts depuis les attentats du 11 septembre et, de façon générale, sont exclus du discours public les concernant, alors nous vous remercions de nous donner l'occasion de faire partie du processus de réexamen du cadre de sécurité nationale du Canada.
    L'Islamic Society of North America du Canada, ou l'ISNA du Canada, a été constituée en société en 1982 et est le fruit de l'Association étudiante musulmane des États-Unis et du Canada, qui a été créée au début des années 1960. Nous comptons environ 1 000 membres au pays, de Vancouver à l'Île-du-Prince-Édouard.
    Je suis Safiah Chowdhury. Je détiens une maîtrise de philosophie en histoire et en études islamiques de l'Université d'Oxford et je suis membre du comité exécutif de l'ISNA du Canada.
    Je suis accompagnée de Katherine Bullock. Elle est titulaire d'un doctorat en sciences politiques de l'Université de Toronto et enseigne la politique islamique au campus de Mississauga de l'Université de Toronto. Elle a été élue au conseil d'administration de l'ISNA du Canada en 2015.
    L'ISNA du Canada est un organisme communautaire qui répond aux besoins spirituels, psychologiques, éducatifs et sociaux de la communauté musulmane. Elle travaille dans les mosquées et les écoles islamiques, aide les pauvres par l'entremise de dons de bienfaisance, organise des banques alimentaires, offre des services de pastorale aux membres de la congrégation, et organise des festivités, conférences et congrès religieux, des mariages, des activités familiales et des funérailles.
    L'ISNA du Canada fait la promotion d'une vie paisible et en harmonie avec ses voisins. Elle fait partie de la communauté interconfessionnelle canadienne. Elle est présente dans les expériences quotidiennes des musulmans au Canada. Nos imams, nos chefs religieux, traitent constamment avec un grand nombre de personnes qui s'adressent à eux pour obtenir de l'aide dans les situations de la vie, et surtout en situation de crise.
    En tant que Canadiens qui travaillent étroitement avec les communautés et les familles, nous comprenons et partageons le besoin de protéger la société contre la violence. Nous reconnaissons que nous vivons dans un monde de plus en plus mondialisé et numérique et que les menaces contre notre sécurité peuvent provenir de n'importe où et n'ont jamais été aussi difficiles à détecter. Cette violence et ces menaces compromettent non seulement notre sécurité mais aussi la qualité de vie que nous chérissons tant et qui nous permet de nous épanouir.
    Nous savons que vous entendrez et que vous avez déjà entendu les témoignages de nombreux organismes, musulmans et non musulmans, tels que le Conseil national des musulmans canadiens, l'Association canadienne des juristes musulmans et d'autres organismes de défense des libertés civiles, qui vous diront ou vous ont déjà dit que la Loi antiterroriste, le terrifiant projet de loi C-51 et maintenant le projet de loi C-23 préconisent la crainte que suscitent les menaces aux dépens des droits réels. Le projet de loi compromet la Charte des droits et libertés. Les gens dont les droits sont compromis, qui se sentent maintenant ciblés et qui, ironiquement, ne se sentent pas en sécurité, sont les quelque 1,1 million de musulmans au pays.
    Nous ne sommes pas ici pour répéter ces arguments, que nous appuyons pour la plupart. Comme nous vous l'avons dit, nous ne sommes pas des juristes. En tant que représentantes d'un important organisme communautaire, nous sommes ici pour vous parler de l'incidence que cette mesure législative de lutte contre le terrorisme a sur nos communautés, sur notre dignité et sur notre capacité de nous épanouir. Nous aborderons deux points plus particulièrement. Le premier est la façon dont les discours sur le terrorisme intensifient les craintes à l'égard des musulmans. Le deuxième a trait à l'incidence sur la liberté d'expression.
    En ce qui concerne l'islamophobie, depuis les attentats du 11 septembre, on a enregistré une hausse marquée du nombre de crimes haineux à l'encontre de musulmans au Canada. Puisque la « guerre contre le terrorisme » cible les musulmans comme étant la principale source de terrorisme, les communautés musulmanes — des citoyens ordinaires qui sont à la maison ou qui se rendent au travail, à l'école, à l'épicerie ou au centre communautaire — sont scrutés.
    Des données de Statistique Canada révèlent que les crimes contre les musulmans augmentent malgré la baisse générale d'attaques axées sur l'identité à l'encontre d'autres communautés. Malgré ces données, en tant que musulmans canadiens, nous savons que les cas ne sont pas tous rapportés. Les gens dans notre communauté ne signalent pas les crimes haineux. Nous avons tendance à nous dire que ce sont des actes isolés, perpétrés par des loups solitaires, car c'est ce qu'on nous a toujours dit.
    Nous sommes confrontés à cette situation malgré la hausse de l'extrémisme de droite au Canada, qui croît à un rythme alarmant. Des documents internes du SCRS, un organisme de ce comité, font état que l'extrémisme de droite et la suprématie blanche sont les principales sources idéologiques responsables de 17 % des attaques perpétrées au Canada. C'est plus que l'extrémisme islamique. Nous savons fort bien que les extrémistes de droite dirigent souvent leur haine à l'endroit de la communauté musulmane, que ce soit sous forme de harcèlement dans la rue, d'une attaque à la bombe à Peterborough ou, l'exemple le plus récent survenu le 29 janvier, l'assassinat sans pitié de six musulmans dans une mosquée de Québec qui avaient été ciblés au préalable par ces loups solitaires militant pour la suprématie blanche. Ces actes de violence commis par des individus empreints de haine n'ont pas encore été jugés devant les tribunaux en tant qu'actes de terrorisme, une expression qui ne semble s'appliquer qu'aux musulmans.
    D'après ce que je sais au sujet des auteurs d'attaques antimusulmanes, ils sont motivés par des discours dangereux qui présentent les musulmans comme étant un problème, une menace pour la sécurité de l'État. Les discours entourant la Loi antiterroriste et le projet de loi C-51 le démontrent. En fait, dans votre propre livre vert sur la sécurité nationale, les seules menaces qui ont été cernées proviennent d'organisations ou de pays associés à l'Islam.
    Pour être honnête, c'est une situation étrange à gérer. Les discours sur la sécurité nationale ciblent et stéréotypent les musulmans, qui sont de plus en plus souvent victimes d'infractions liées au terrorisme en raison de ces discours.
(1545)
    Nous nous retrouvons donc dans la position périlleuse de devoir nous protéger contre les menaces de violence parce que le monde et notre pays nous considèrent comme étant la menace.
    Bonjour. Je m'appelle Katherine Bullock. Au début de la session universitaire, j'explique habituellement à mes étudiants pourquoi je m'appelle Katherine Bullock et je suis habillée comme cela. Je me suis convertie à l'Islam en 1994 et j'ai commencé à porter le voile cette année-là. J'ai décidé de ne pas changer de nom lorsque je me suis convertie.
    Ce que je dis à mes étudiants, c'est que l'un des principaux problèmes du projet de loi C-51 — ou de l'approche générale du Canada en matière de lutte contre le terrorisme —, c'est la transition de ce qu'on appelle la sphère de la criminalité vers la sphère de la prévention. Au lieu de se concentrer sur ceux qui « vont » commettre une infraction, on se concentre sur ceux qui « peuvent » commettre une infraction. Ainsi, on passe au domaine de l'interprétation.
    Dans un environnement où l'islamophobie est croissante, cette sphère devient un milieu où l'on problématise et l'on criminalise les communautés de foi musulmane pour leurs pratiques quotidiennes. Le fait d'avoir une barbe ou de porter le voile devient une menace possible pour la sécurité plutôt qu'une expression spirituelle. Nous l'avons constaté avec les récentes restrictions de voyages imposées par les États-Unis aux personnes qui montrent des signes de religion musulmane, simplement pour ce qu'ils sont.
    En tant que professeure du système universitaire, j'accorde une grande importance à la liberté d'expression, de pensée et de conscience. Je m'inquiète particulièrement de voir le projet de loi C-51 mener à la restriction de ces valeurs libérales fondamentales.
    Lors d'une récente table ronde avec de jeunes musulmans, on a constaté que bien que la plupart d'entre eux voyaient l'engagement politique et civil à titre d'élément fondamental de l'identité canadienne, ils étaient aussi d'avis qu'il n'y en avait pas assez dans leur communauté. Ils ont notamment cité la peur des jeunes de se faire attaquer pour avoir exprimé leur opinion sur des sujets controversés à titre de raison.
    Le dernier sondage d'Environics sur l'opinion des musulmans canadiens, réalisé en 2016, a donné lieu à des résultats similaires: 1 personne sur 6 — ou 17 % des personnes interrogées — faisait valoir qu'elle hésitait à s'exprimer sur de tels sujets en raison de sa race, de son ethnicité ou de sa religion. Ce sentiment est surtout présent chez les musulmans nés au Canada -— 32 % —, chez les musulmans de moins de 35 ans — 24 % — et chez les musulmans qui ont connu des difficultés à la frontière, soit 27 %.
    Ces résultats sont troublants pour au moins trois raisons. D'abord, bien sûr, parce que c'est le signe qu'un segment de la société démocratique sent qu'il ne peut pas exprimer son point de vue comme le reste des citoyens; une démocratie ne peut pas fonctionner ainsi. Le deuxième problème, c'est que le sentiment d'inhibition, de ne pas se sentir libre de s'exprimer, est plus important chez les musulmans nés au Canada et les jeunes, qui sont l'avenir de notre communauté; c'est ce segment de la communauté musulmane qui devrait se sentir le plus « Canadien ». Enfin, ceux qui hésitent à exprimer leurs opinions politiques ou sociales font aussi état d'un sentiment d'appartenance plus faible au Canada, à 13 %. Je suis certaine que vous savez déjà que la meilleure défense pour le Canada, c'est une population qui a un fort sentiment d'appartenance au pays.
    Dans sa valorisation du projet de loi C-51, Candice Malcolm, une journaliste à TheRebel, fait valoir que bien que nos droits et libertés soient sacrés et ne devraient jamais être sacrifiés inutilement, la liberté ne veut rien dire si nous ne sommes pas en sécurité. En fait, ce n'est pas vrai. Au fil des siècles, les gens ont sacrifié leur vie pour la liberté de leur pays. La sécurité sans la liberté, c'est le Chili de Pinochet, l'URSS de Staline, la Chine de Mao et le Cuba de Castro.
    Nous ne voulons pas faire des musulmans un canari dans la mine, en faire des boucs émissaires, des prisonniers politiques ou des prisonniers de conscience. Lorsqu'on tente de définir ce qui constitue un soutien au terrorisme, on s'engage sur une pente glissante, puisque les traditions et concepts musulmans fondamentaux — des concepts nobles comme la sharia, le hijab et même le djihad, qui est souvent dénoncé à tort comme étant une « guerre sainte », mais qui signifie en fait le « combat pour la justice » — sont réduits par l'islamophobie à un discours interdit dans une démocratie libérale.
(1550)
    Les jeunes, les convertis, les musulmans non renseignés et la communauté en général doivent pouvoir participer à des séminaires, à des conférences, à des tables rondes et à des conversations privées au sujet de ces versets religieux, de ces traditions et de ces concepts, ceux-là mêmes que les extrémistes musulmans utilisent lorsqu'ils tentent de justifier leur recours à la violence: que reste-t-il du djihad, quelles sont les règles appropriées de participation à la guerre, que signifie la participation aux démocraties laïques, qu'est-ce que l'extrémisme du point de vue islamique, qu'est-ce que la sharia et qu'est-ce que le califat?
    Le projet de loi C-51, le projet de loi C-23, la Loi antiterroriste précédente et le tourbillon médiatique, surtout dans les médias de droite, ne nous laissent pas de place pour étudier ces questions. Une pensée qui ne peut pas faire l'objet d'un débat ouvert sera déformée par la noirceur.
    Je vais vous demander de conclure rapidement.
    En résumé, en tant que représentants d'une association musulmane canadienne, nous avons parlé de l'incidence du projet de loi  C-51. Il nuit à la communauté musulmane, d'abord parce qu'il accroît l'islamophobie et ensuite parce qu'il a une incidence négative sur la liberté d'expression.
    Aucune religion ne cautionne le meurtre de civils innocents. Les musulmans canadiens tiennent à la sécurité nationale. Nous ne voulons toutefois pas qu'elle se fasse à nos dépens.
    Nous vous remercions de votre écoute.
(1555)
    Merci.
    Nous passons maintenant à la période de questions. Madame Damoff, vous avez la parole.
    Je remercie les deux groupes de leur présence ici aujourd'hui et de leur témoignage. Il nous sera très utile pour notre étude du cadre de sécurité nationale.
    Ma première question s'adresse à vous deux.
    Certains témoins ont parlé du besoin de mobiliser la communauté, et vous en avez parlé également. L'un d'entre eux a parlé des solutions ou stratégies qui ne doivent pas être de nature législative ou venir d'en haut, mais plutôt des services policiers, des clubs, des mosquées et des églises. On nous a dit que plus les communautés travaillaient ensemble, plus elles se comprenaient mutuellement.
    Pourriez-vous nous parler des programmes communautaires que vous connaissez et qui sont utiles, et des façons de mobiliser les jeunes, surtout, pour veiller à ce qu'ils fassent partie de la solution?
    Je vais commencer par les représentants de B'nai Brith.
    La mobilisation des jeunes est essentielle. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous voulons veiller à ce que... Je crois que tous les Canadiens acceptent les valeurs des autres, des valeurs de tolérance et de soutien.
    De nombreux groupes font un travail interreligieux et interethnique. B'nai Brith a une longue tradition en ce sens, et nous travaillons avec d'autres groupes communautaires. C'est important de le faire dans les écoles aussi, de montrer que nous sommes des êtres humains avant tout.
    C'est aussi important pour les groupes communautaires de se tenir debout lorsqu'ils voient des gestes haineux dans leur communauté, de les dénoncer, de dire que nous sommes tous Canadiens, sans égard à notre ethnicité, à notre religion ou à la couleur de notre peau.
    Il faut encore plus de collaboration au Canada et j'aimerais que le gouvernement l'encourage en travaillant avec les divers groupes communautaires, parce qu'on ne le fait pas assez.
    Mesdames?
    Je suis du même avis.
    L'ISNA et plusieurs autres organisations musulmanes qui se centrent sur le développement des jeunes travaillent en ce sens.
    Je m'identifie souvent comme une enfant de l'après-11 septembre; j'ai grandi en tant que femme musulmane qui était d'abord identifiée comme une musulmane, puis le reste suivait. Ce n'est pas une identité que j'ai choisie. C'est une identité qui m'a souvent été imposée.
    Ce qui m'a aidée à dégager un sens dans tout cela, à trouver mon identité dans un monde qui nous considère comme une menace alors que nous sommes aussi souvent les victimes, ce sont les organisations musulmanes. Muslim Youth of North America — ou MYNA — est une filiale de l'ISNA. Cette organisation m'a été essentielle parce qu'elle m'a permis de vivre ma vie d'adolescente, d'aller dans un camp de vacances, de faire des activités comme du canot, du patin, peu importe, et ce, sans problème. On ne me demandait pas pourquoi je porte le voile ni mon opinion sur des questions comme l'oppression, ou si j'avais besoin d'aide. C'était un endroit sécuritaire où je pouvais tout simplement être moi-même.
    Comment le gouvernement peut-il favoriser cela?
    Je crois que la chose importante à comprendre, c'est qu'il est difficile d'être un jeune sans problème. Les jeunes posent des questions insensées; ils explorent leur environnement et se font une idée de leur place dans le monde; ils distinguent ainsi le vrai du faux. Souvent, le discours qui vient d'en haut place les communautés en situation de défense. Je crois que le gouvernement peut faire preuve de leadership en réaffirmant notre place en tant que membres à part entière de la communauté, en nous donnant la possibilité d'explorer et de questionner sans avoir à nous identifier principalement en tant que musulmans, mais bien en tant que membres de la société comme tous les autres.
    Je vais passer à un autre sujet, puisque je n'ai pas beaucoup de temps. Vous avez parlé des jeunes et des problèmes particuliers auxquels ils sont confrontés. Nous savons que certaines personnes ont été visées par le Programme de protection des passagers. Je me demande seulement... Vous savez que le ministre Goodale a mis en place un bureau de renseignements sur le Programme de protection des passages. Avez-vous des recommandations à faire à ce sujet ou avez-vous discuté, en groupe, de ce que le gouvernement pourrait faire pour aider les gens à faire retirer leur nom lorsqu'il y a été inscrit par erreur?
(1600)
    Pour être honnête, nous n'avons pas beaucoup travaillé à ce dossier. Je n'y ai pas travaillé et je ne sais pas si Mme Bullock y a travaillé... Les déplacements par avion sont toujours une source d'anxiété pour nous à cause de ces dispositions; il faudrait remédier à la situation immédiatement. Je crois que dans un monde où le numérique prend de plus en plus de place, il y a des façons de procéder à une vérification autrement que par un simple nom. Nous savons que souvent, plusieurs personnes portent le même nom. Nous savons que des enfants de six ans portent le même nom que des adultes de 45 ans, par exemple, alors j'étudierais diverses options à cet égard.
    Les comportements qui sont criminalisés sont aussi une source de préoccupation et devraient faire partie de l'enquête. Pourquoi une personne est-elle inscrite à la liste au départ? Quel est le comportement criminalisé?
    Voulez-vous ajouter quelque chose?
    Oui, j'aimerais ajouter quelque chose, parce que j'ai vécu une expérience connexe. C'est très difficile de savoir ce qui se passe lorsque vous êtes arrêté ou questionné. Il y a divers régimes en place. En règle générale, si vous posez des questions, on montrera les renseignements à un juge, mais pas à vous ni à votre avocat; c'est donc très mystérieux.
    Il faut qu'on puisse corriger les erreurs. De plus, étant donné la méthode actuelle de tenue des dossiers, une fois qu'un renseignement est consigné, il n'est jamais effacé, mais on peut y ajouter un commentaire. Ce qui arrive, c'est que si vous êtes arrêté une fois, vous serez ensuite toujours arrêté et une personne devra lire le dossier et analyser la situation.
    Je crois que le système doit être associé à une plus grande responsabilisation, à une plus grande transparence, et qu'il faut pouvoir éliminer un dossier erroné.
    Merci.
    Monsieur Clement, vous avez la parole.
    Je remercie les représentants des deux groupes de leur présence ici aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à M. Mostyn. J'ai une citation de Marvin Kurtz, un membre de votre organisation, qui a témoigné devant le Comité avant les audiences sur le projet de loi  C-51, sous le gouvernement précédent. Il a dit ceci:
    
Le droit canadien élaboré à la faveur d'une série d'arrêts de la Cour suprême du Canada a régulièrement confirmé le caractère approprié des limitations légales imposées aux discours haineux par la reconnaissance accordée au fait qu’il existe un lien tenu entre le discours et l’action. Nous affirmons, pour notre part, que le lien entre le discours et l’action ou le crime, pour ce qui est du discours haineux, est encore plus étroit quand il s'agit de promotion de la terreur, raison pour laquelle nous sommes d'accord avec les dispositions du projet de loi C-51.
    Êtes-vous toujours d'accord avec cette affirmation et croyez-vous que le projet de loi  C-51 constitue une mesure efficace à cet égard?
    Oui. Il y a beaucoup d'échanges à ce sujet et nous sommes certainement d'avis qu'il faut avoir recours à la loi pour lutter contre ces phénomènes d'incitation à la haine et au terrorisme. Comme je l'ai fait valoir dans ma déclaration préliminaire, il y a la question de la liberté d'expression et il faut atteindre un équilibre entre tous les droits, mais je crois que nous devons éviter l'absolutisme d'un droit par opposition à un autre, y compris l'absolutisme de la liberté d'expression.
    Nous avons vu une augmentation de la menace terroriste au cours des dernières années qui nécessite à mon avis l'adoption de mesures législatives accrues afin de lutter efficacement contre l'incitation au terrorisme.
    Le projet de loi C-51 est en place depuis plus d'un an et demi. À votre avis, y a-t-il eu perturbation de cet équilibre?
    Je ne dirais pas qu'il y a eu des recours à la loi ou des abus qui nous préoccupent particulièrement, mais je crois qu'elle pourrait être améliorée; c'est pourquoi nous faisons des suggestions.
    Je réitère ce qu'ont dit mes collègues: la loi peut être exécutée de façon discriminatoire et nous devons nous protéger contre cela, mais ce n'est pas parce qu'il est possible d'abuser de la loi — de n'importe quelle loi — qu'elle ne doit pas exister. Je crois qu'il faut examiner la loi et déterminer si elle est utile lorsqu'elle est appliquée correctement. Il est certain que cette loi en particulier, lorsqu'elle est appliquée correctement, est utile.
(1605)
    Merci.
    Il me reste combien de temps?
    Il vous reste quatre minutes.
    Je remercie les représentantes de l'ISNA de leur présence.
    Madame Bullock, comme vous avez parlé du djihad, j'aimerais vous poser quelques questions à ce sujet. Lors de mes voyages, j'ai appris que dans votre religion, il y avait ce concept du djihad majeur et du djihad mineur; le djihad majeur étant la quête spirituelle et le djihad mineur étant la quête de justice à l'extérieur de soi. Est-ce une évaluation juste?
    C’est exact.
    Lequel est le plus important?
    De toute évidence, le jihad majeur. C’est pourquoi on l’appelle le jihad « majeur ».
    On ne l’appelle pas le « jihad majeur » pour rien.
    C’est exact.
    Est-ce une opinion partagée par tous les musulmans et universitaires musulmans ou y a-t-il une dissension à cet égard?
    Cette déclaration relative au jihad majeur et jihad mineur, que l’on appelle un Hadith, nous vient de Mahomet. Il ne peut donc y avoir aucune dissension. Ce sont ses paroles. Nous les acceptons et les recevons à titre de définition.
    Dans la réalisation de ce Hadith, en définissant le jihad mineur, qui inclut le conflit physique, comme la guerre, il faut se demander à quel moment est-ce approprié ou non? C’est à ce chapitre qu’il peut y avoir de la dissension.
    Oui, car certains, peut-être en vertu de leurs activités ou des gestes qu’ils posent, mettent davantage l’accent sur le conflit externe.
    Effectivement, mais j’aimerais ajouter, en guise de contexte, que, pour les femmes, un pèlerinage s’appelle un jihad, par exemple. Lorsqu’une femme reste à la maison pour prendre soin de sa famille, laver les bas, faire la lessive tous les jours, pour elle, cela s’appelle un jihad. Donc, c’est un concept multidimensionnel.
    Bien entendu, l’idée s’immisce dans la conscience générale des non-musulmans en raison de ceux qui utilisent la violence…
    Oui.
    ... et le jihad…
    Oui.
    … pour justifier leurs gestes.
    Cela m’amène à la question fondamentale que j’aimerais vous poser. Comment pouvons nous — moi, en tant que non musulman, un homme de confession chrétienne, dans mon cas, mais aussi d’autres —, comment pouvons-nous vous aider, vous et votre organisation au pays, à avoir un dialogue de paix réussi sur ce genre de question afin que ceux qui se servent du jihad pour rallier les gens à des actes de violence sachent que ce n’est pas ce que nous souhaitons? Que pouvons-nous faire pour vous aider?
    C’est une très bonne question. À brûle-pourpoint, je proposerais trois choses.
    Premièrement, il faut cesser de criminaliser les discussions sur le jihad. Par exemple, si notre mosquée souhaite organiser une conférence sur ce qu’est le jihad afin d’éduquer les jeunes, il ne faudrait pas que l’on y retrouve cinq agents du SCRS en train de prendre des notes et d’entretenir des soupçons à notre égard parce que nous parlons du jihad. Ce serait la première chose; nous devons nous sentir libres d’aborder ces sujets sans craindre d’être considérés comme une menace à la sécurité.
    Deuxièmement, il y a la question du piégeage. Nous savons que des espions se sont infiltrés. Les jeunes s’inquiètent et nous demandent: « Que se passe-t-il? Que peut-on faire? L’occident fait ceci ou cela aux musulmans et j’ai entendu un tel dire telle ou telle chose. » Ils sont confus. Ils peuvent aussi bien pencher d’un côté comme de l’autre. Les espions espèrent amplifier la situation, l’empirer, et entraîner les jeunes sur le mauvais chemin, alors qu’il s’agit d’une occasion pour un mentor, un guide ou quelqu’un de les aider à retrouver le droit chemin. Ce genre de piégeage doit cesser.
    Nous avons légèrement dépassé le temps prévu pour cette intervention, mais vous aviez une troisième chose à proposer, alors je vais vous laisser terminer.
    Ça va. Je vais m’arrêter ici. J’aurai peut-être la chance de poursuivre plus tard.
    D’accord.
    Monsieur Dubé, vous avez la parole.
(1610)

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Ma question s’adresse aux représentantes de l’ISNA. Si je ne m’abuse, outre le projet de loi C-51 , les projets de loi C-21 et C-23 ont également été soulevés.
    J’aimerais avoir plus de détails à ce sujet, car nous tentons toujours de mettre en place un processus frontalier plus intégré avec nos voisins du sud. Qu’est-ce qui vous inquiète par rapport à ces projets de loi et au plan en général?
    Selon nous, les projets de loi sur la sécurité de la frontière entre le Canada et les États-Unis et le partage de renseignements entre les deux pays font partie — évidemment, pas sur le plan légal, mais du point de vue communautaire — du discours général sur les conséquences disproportionnées de la législation antiterroriste ou d’un protocole de sécurité nationale sur notre capacité à faire des choses simples, comme traverser la frontière.
    Au cours des dernières semaines, sept ou huit musulmans se sont vus interdire l’entrée aux États-Unis en raison des vérifications menées, si je ne m’abuse, dans huit aéroports en particulier. Nous sommes nombreux à avoir été questionnés de manière arbitraire sans aucune raison, outre le fait d’être musulmans. Nous prévoyons toujours plus de temps pour passer les contrôles à l’aéroport, car nous nous attendons à faire l’objet de vérifications supplémentaires. Pour le moment, si je voyage à partir, disons, de l’aéroport Pearson et que l’on me questionne d’une façon qui ne me plaît pas, qui brime mes droits ou qui me pousse à fournir des réponses qui me placeraient dans une catégorie en particulier, je peux tout simplement quitter l’aéroport et rentrer chez moi. Toutefois, en vertu de ces lois, je n’aurai plus cette possibilité. Je serai obligée, en tant que Canadienne sur le territoire canadien, de répondre à ces questions, notamment en raison du climat qui règne aux États-Unis. C’est très inquiétant.
    Nous nous inquiétons également des conséquences disproportionnées sur les résidents permanents, notamment ceux d’origine musulmane, et l’impact que cela pourrait avoir sur leur capacité à rentrer au pays, le pays qu’ils ont adopté. Il y a plusieurs…
    J’aimerais revenir à un point que vous avez soulevé, et il en a été question hier dans les médias. Vous parlez de types de questions qui poussent certaines personnes à quitter la zone de contrôle préalable, car elles se sentent victimes d’abus. Il s’agit d’une raison valable, une situation que vous avez vécue.
    Oui. Absolument. Cela ne fait aucun doute. Je me rends souvent aux États-Unis, alors cela m’inquiète beaucoup.
    Nous faisons toujours l’objet de vérifications aléatoires à l’aéroport.
    J’ajouterais simplement une chose…
    Oui, allez-y.
    Nous connaissons les histoires déshonorantes, comme celles de Maher Arar et d’autres citoyens canadiens qui ont été transportés dans des lieux secrets et torturés par les autorités américaines. Nous avons donc des raisons d’avoir peur.
    Le Canada devrait demeurer souverain.
    Dans le même ordre d’idées, vous avez été interrogée sur la liste d’interdiction de vol. Le Canada utilise la liste des États-Unis. Je suis conscient que vous n’avez pas de documents de recherche avec vous, mais, selon ce que vous avez appris, même si ce sont des ouï-dire, quel est l’impact de l’utilisation de cette liste?
    Les répercussions sont graves. Je suis chanceuse que mon nom ne soit pas commun. Habituellement, je fais l’objet des mêmes vérifications agaçantes que les autres musulmans, mais on me laisse passer. Par contre, lorsque nous proposons d’aller à un événement ou aux État--Unis pour faire des emplettes, par exemple, bon nombre de nos amis, des membres de nos familles ou des membres de notre communauté nous disent: « Non, je ne peux pas. On m’a déjà retenu pendant 12 heures avant de me renvoyer au pays » ou « Non, ils ont fouillé ma voiture et tout ce que j’avais. Ils ont appelé tous les contacts que j’avais sur mon téléphone. »
    Personne ne veut vivre cela. C’est dégradant, déshumanisant. Je dirais que le tiers des musulmans vivent ce genre de situation.
    Merci.
    J’aimerais aborder la question du « will » par opposition au « may » dans la version anglaise du projet de loi C-51.
    Lors de notre visite au centre de lutte contre la radicalisation, à Montréal, un des employés du centre a souligné que l’utilisation du « will » au lieu du « may » et la définition connexe peuvent être problématiques. Si un jeune, dans une communauté, est soupçonné d’être en voie de se radicaliser, lorsque la communauté tente de l’aider et de lutter contre cette radicalisation — et c’est un point que nos amis de B’nai Brith ont également soulevé… la communauté veut prendre soin de ses membres, si je puis dire.
    Ce que cet employé voulait dire, c’est que le « may » fait en sorte que vous perdez la personne concernée, car il faut faire rapport à la GRC, ce qui entraîne cette personne sur une voie différente.
    Selon vous, est-ce une conséquence possible? Auriez-vous des commentaires à ajouter?
(1615)
    C’est certainement possible, en raison de la peur suscitée. La communauté s’inquiète beaucoup de cette lutte contre la radicalisation, car nous nous sentons ciblés.
    La GRC a déjà rendu visite à une association étudiante musulmane pour leur dire de ne pas s’impliquer dans des activités terroristes. Les jeunes étaient très bouleversés, car ils tentaient simplement d’organiser une collecte de fonds pour une banque alimentaire. Qu’est-ce que cela a à voir avec la GRC? C’est cibler les gens en raison de leur identité musulmane.
    Les extrémistes se présentent sous toutes formes. Le fait d’être musulman ne fait pas de nous des extrémistes. Même si vous êtes un radical, cela ne fait pas de vous une personne violente.
    Comme je l’ai dit, on crée un espace où l'adhésion aux concepts fondamentaux de la confession musulmane, comme le port du foulard, signifie que vous êtes en voie de vous radicaliser. C’est la même chose si vous vous laissez pousser la barbe. Tous ces soi-disant indicateurs et concepts selon lequel ces gestes mènent au terrorisme sont complètement faux.
    Merci.
    Avec le temps qu’il me reste à mon intervention, j’aimerais m’adresser aux représentants de B’nai Brith.
    Le gouvernement fédéral a avancé l’idée d’un coordonnateur de la lutte contre la radicalisation. Vous avez proposé d’autres idées pour attaquer cette question. Que devrait faire un coordonnateur pour connaître du succès?
    Je vais vous faire part de mon opinion et peut-être que mon collègue aura quelque chose à ajouter.
    En participant aux divers comités de la police ou sur la sécurité nationale, j’ai remarqué que le processus de lutte contre la radicalisation dont vous parlez ne se concentre que sur une seule communauté. Je crois qu’il est important de voir plus grand. Par exemple, lorsque la communauté juive est victime de crimes haineux, nous ne participons pas aux consultations. D’autres communautés minoritaires sont victimes de crimes haineux. Pourtant, les autorités policières et gouvernementales ne sollicitent pas leur participation, peut-être parce que nous sommes considérés comme des communautés marginales.
    Je ne comprends pas comment on peut éliminer la haine contre les femmes ou un groupe minoritaire, par exemple, sans forcer ceux qui commettent ces crimes, et qui sont en voie de se radicaliser, à faire face à leurs victimes pour qu’ils puissent voir que ce sont des êtres humains. Le processus semble présenter un problème inhérent.
    Je suis désolé, mais je dois vous interrompre. Vous aurez peut-être l’occasion de poursuivre dans le cadre d’une autre intervention.
    Monsieur Spengemann, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins, ainsi qu’à B’nai Brith et à l’ISNA, d’avoir accepté notre invitation.
    À bien des égards, je vois ici une suite, à la fois symbolique et importante, du rapprochement survenu à l’échelle du pays à la suite de l’attaque terroriste du 29 janvier, au Québec. De ce point de vue, je vous félicite d’être venus. À mon avis, les échanges que nous avons eus jusqu’à maintenant montrent que cette conversation doit se poursuivre, non seulement au niveau gouvernemental, mais aussi au sein des communautés du pays.
    J’aimerais revenir à la question de ce qui pousse une personne à ressentir tant de haine qu’elle est prête à pénétrer dans une mosquée ou toute autre organisation confessionnelle et à ouvrir le feu sur des gens en train de faire le geste le plus sacré: prier. Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à faire cela?
    Je crois que je vais d’abord m’adresser aux représentantes de l’ISNA.
    L’an dernier, l’ISNA a organisé un séminaire sur la façon dont les communautés devraient réagir au discours de radicalisation. J’aimerais que vous nous parliez des résultats de cette discussion, les éléments dignes d’intérêt qui en sont ressortis, et la façon dont nous pourrions utiliser cette information dans l’élaboration de notre cadre de sécurité nationale.
    À mon avis, ce qui est ressorti de ce séminaire risque de ne pas vous plaire, car les participants ont été très critiques à l’égard de l’approche du gouvernement au concept de la lutte contre la radicalisation.
    En tenant compte des questions entourant le « will » par opposition au « may », de la montée de l’islamophobie, de l’entrave à la liberté d’expression et du ciblage de l’identité musulmane à titre d’identité religieuse associée au radicalisme, on constate que cette approche préventive se concentre sur l’Islam, comme si l’Islam était le problème, alors qu’elle ignore tout le contexte sociopolitique.
    Par exemple, les jeunes étaient bouleversés de voir les troupes canadiennes affronter les musulmans en Afghanistan. Les gens considèrent que c’est injuste à l’égard des musulmans. Cela n’a rien à voir avec la religion ou l’identité religieuse. C’est une question de savoir comment réagir aux enjeux politiques dans le monde.
    La lutte contre la radicalisation se concentre trop sur la religion et oublie le contexte. Elle ne tient pas compte de la violence de l’État, de l’exclusion, de la discrimination, de l’islamophobie et de l’éloignement, notamment.
    Il ne s’agissait pas d’un groupe d’experts sur la politique ni d’un forum pour permettre aux représentants gouvernementaux de prendre des notes en vue de créer des politiques. Il était plutôt question d’une approche académique.
    Je devrais probablement m’arrêter ici. Je me comporte comme un professeur: je parle trop longtemps.
(1620)
    En quelques mots, quels sont les facteurs non islamiques? Je me suis entretenu avec plusieurs imams et ils ont été très clairs: « Oui, la radicalisation est un problème. En tant qu’imams, nous nous inquiétons de voir nos jeunes emprunter le mauvais chemin. »
    Sur quels facteurs devrions-nous porter notre attention, des facteurs peut-être plus importants que la religion elle-même?
    Les jeunes ont l'impression que l'Occident est contre l'Islam, ce qui est un des principaux facteurs qui les poussent vers une idéologie extrémiste. Plus on peut en faire pour qu'ils se sentent canadiens et chez eux au pays, pour qu'ils puissent porter la barbe, un voile ou un qami et être encore perçus comme de vrais citoyens qui adoptent les valeurs canadiennes, plus on peut étouffer le discours anti-occidental.
    Bien.
    Est-il juste de dire, sans vouloir simplifier exagérément la situation, qu'une plus grande ouverture réciproque à l'échelle communautaire serait bénéfique? J'insiste sur le terme « réciproque ».
    Tout à fait. La mentalité d'assiégé que l'on observe dans de nombreuses communautés musulmanes a mené à un retrait, une sorte de ghettoïsation, et à une peur des interactions, car on ne sait juste pas si on se fera attaquer.
    C'est très utile.
    Je vais poser la question à nos collègues de B'nai Brith, mais n'hésitez pas à prendre part à la discussion.
    La lettre de mandat du ministre de la Sécurité publique parle de la création d'un bureau de la sensibilisation des collectivités et de la lutte contre la radicalisation. Dans le cadre du mandat qui consiste à faire notre possible pour qu'on arrête de nourrir la haine — au moins pour commencer — ou pour la dissiper, ce qui est plus difficile, pouvez-vous nous dire, encore une fois de manière très précise, quelles seraient vos attentes par rapport à ce bureau et à son lien avec nos collectivités d'un bout à l'autre du Canada?
    À Winnipeg, il y a ce qu'on appelle le dialogue judéomusulman. Des gens des deux communautés se réunissent pour parler des problèmes actuels. C'est le genre d'expérience qui peut être reproduite partout au pays dans différentes communautés, et le gouvernement pourrait contribuer à faciliter ce genre de dialogues.
    La radicalisation est souvent une question de stéréotypes et d'encodage. Les communautés ciblées sont plus sensibles à ce qui se passe parce qu'elles sont visées. Je pense qu'il serait utile qu'elles puissent commencer à dire qu'elles n'aiment pas ce qu'elles entendent et que ce genre de dialogue les préoccupe, qu'elles expliquent ce que cela signifie pour elles. Je crois que le gouvernement peut aider dans ce sens.
    Merci.
    Monsieur Mostyn, avez-vous des remarques?
    J'ajouterais seulement que je crois qu'il est très important d'avoir des conversations honnêtes et ouvertes. Je pense qu'on a tendance à afficher une grande rectitude politique dans ce genre de dialogue. On ne peut donc pas cerner les principales causes de ces problèmes. Le dialogue échouera à défaut de parler des grandes questions. C'est un peu comme le processus de paix au Moyen-Orient ou quelque chose dans le genre.
    Pourvu que les communautés soient disposées, avec l'aide du gouvernement, à avoir des échanges honnêtes et réels entre humains, je pense que nous pourrons avoir beaucoup de succès.
    À propos de la dernière observation, j'aimerais juste profiter des dernières secondes pour mentionner que vous seriez même disposé à dire au gouvernement de peser moins ses mots afin d'encourager une discussion franche et ouverte. Cela laisse également entendre que de nombreux députés essaieraient de tenir des assemblées publiques et de créer des groupes de discussion dans leur circonscription pour aborder le sujet et parler très ouvertement des grandes questions.
(1625)
    Tout à fait, car il y a des problèmes réels. Je peux vous dire que la communauté juive craint beaucoup la radicalisation.
    Comme je l'ai dit dans mes déclarations liminaires, nous avons maintenant une présence policière permanente dans tous nos établissements religieux. Nous voyons ce qui est écrit sur Internet. J'ai donné l'exemple d'une émission télévisée. Les gens de B'nai Brith ont eux-mêmes fait la traduction, et nous avons mis fin à l'émission. Il y a eu de nombreux exemples dans les articles de journaux, dont un à Windsor l'année dernière et un autre à London, en Ontario. Ces articles encourageaient le terrorisme.
    Je peux vous dire que la plus grande source de préoccupation pour les communautés juives locales, c'est le fait que, malheureusement, ce sont des dénonciateurs qui ont signalé ces propos publiés à grande échelle, alors que le public aurait vraiment dû s'indigner.
    Nous devons parler plus ouvertement de ce qui se passe dans notre société.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    M. Miller a cinq minutes à sa disposition.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être ici aujourd'hui.
    Madame Bullock, dans votre déclaration liminaire, vous avez consacré pas mal de temps au projet de loi C-51, et je présume que vous savez que la discussion d'aujourd'hui porte sur le cadre de sécurité nationale. Je voulais juste le mentionner.
    Madame Chowdhury, mon temps est limité, et je vais donc poser beaucoup de questions auxquelles il faut répondre par oui ou non. Puis-je vous demander si votre groupe et vous croyez en la charia?
    Pouvez-vous définir charia pour moi?
    Vous pourriez peut-être me donner une définition. On lit différentes choses. À vous de me le dire.
    La partie de la charia à laquelle je fais allusion et dont on entend parler porte sur l'oppression des femmes, comme vous, sur ce genre de choses. À notre époque et dans tous les pays, je ne pense pas que ce soit une bonne chose.
    Non, je ne crois pas en l'oppression des femmes.
    Bien. Y a-t-il d'autres parties de la charia auxquelles vous souscrivez?
    Je crois que c'est mon devoir religieux de prier cinq fois par jour. Je crois au respect des autres et au jeûne. Je crois que je dois me mettre au défi et tester ma volonté. Pour moi, toutes ces choses font partie de la charia.
    Je pense que les adeptes d'une autre religion n'y verraient aucun problème.
    Je veux en venir à l'islam radical. L'approuvez-vous?
    Une fois de plus, pourriez-vous définir « islam radical »?
    Je parle d'attaques terroristes, de la radicalisation.
    Non, pas du tout, jamais.
    Bien. Votre organisation a-t-elle déjà dénoncé ce genre de choses, peu importe l'endroit où cela se produit?
    Certainement, à maintes reprises.
    Bien. J'aimerais en voir quelques exemples.
    Les médias ont inventé le mot « islamophobie », et personne ne sait vraiment ce que cela signifie. À votre avis, si je critiquais l'islam radical, c'est-à-dire le terrorisme et ce que cela a de mauvais, me considérerait-on comme islamophobe?
    Non, je ne pense pas que de condamner une attaque contre des gens est islamophobe, que l'attaque ait été perpétrée ou non par des musulmans, mais je pense qu'il arrive souvent que les propos qui entourent cette condamnation puissent l'être. On pourrait dire: « Je condamne cette attaque parce que les musulmans sont reconnus comme étant violents, ce qui est attribuable à leur foi. » Je pense que cela peut mener à l'islamophobie. Une fois de plus, pour répondre à votre question sur la charia, cela dépend de la formulation. Ce n'est pas noir ou blanc.
    Je vois.
    Je crois que c'est Mme Bullock qui a parlé de piège. Je ne me rappelle pas exactement du contexte, mais on aurait presque dit que c'est la faute des espions. De nos jours, la police a un travail à faire, peu importe le groupe concerné dans la société. En tant que contribuable et citoyen, j'ose espérer que la police utilise aux bons endroits ses ressources, son temps et autre lorsqu'elle soupçonne qu'il se passe quelque chose de mal. Dites-vous qu'il y a une plus grande présence dans les mosquées, disons, que dans d'autres établissements religieux? Le cas échéant, qu'est-ce qui l'explique?
    N'est-ce pas censé être secret par définition, pour que nous ne soyons pas au courant?
(1630)
    Eh bien, vous sembliez toutefois parler, madame Bullock, comme si c'était très commun. Vous saviez qui était là pour prendre des notes ou autre.
    Mme Katherine Bullock: Oh.
    M. Larry Miller: C'est ce que vous, ou peut-être Mme Chowdhury, avez dit.
    Eh bien, compte tenu de l'affaire des 18 de Toronto, nous savons qu'au moins deux espions, à mon avis, entraînaient les jeunes dans la mauvaise voie. Ils auraient vraiment pu changer les choses.
    Safiah a une histoire à raconter à propos de son expérience à l'Université Queen's.
    Oui, c'est là que j'ai fait mes études universitaires de premier cycle.
    Pouvez-vous être très brève? Mon temps est limité.
    Bien sûr. C'est arrivé un certain nombre de fois dans le cadre d'activités. À l'Université Queen's, la communauté est petite, et on connaît généralement les gens. Pourtant, il arrivait souvent qu'une ou deux personnes inconnues — nous ne savions pas d'où elles venaient — participent aux activités, surtout celles concernant les musulmans ou la sécurité nationale. Elles prenaient des notes. Nous étions donc nombreux à avoir peur de parler.
    Nous ne savons pas qui elles étaient. Elles ne révélaient jamais leur identité.
    De plus, il arrivait souvent que nous les voyions dans notre lieu de prière et à nos activités, alors que nous faisions des choses inoffensives comme rompre le jeûne ou lire. Ces personnes étaient là, ce qui nous empêchait de nous sentir en sécurité et libres de nous exprimer.
    Je vois. Merci.
    J'ai bien peur que nous n'ayons plus de temps à accorder à ce groupe de témoins. Nous allons les remercier et passer très rapidement aux prochains témoins pour être certains d'avoir une heure complète à leur consacrer.
    Merci beaucoup.
    Des voix: Merci.
(1630)

(1635)
    Merci à nos témoins. Béatrice Vaugrante, d'Amnistie internationale, se joint à nous par téléconférence.

[Français]

     Je vous souhaite la bienvenue. Merci d'être là.

[Traduction]

    Nous accueillons également le secrétaire général de l'organisation, Alex Neve. Merci.
    Nous allons commencer par les représentants d'Amnistie internationale étant donné que nous pouvons voir Béatrice. Ils ont 10 minutes à leur disposition, et nous entendrons ensuite M. Leuprecht. Je ne sais pas si vous allez partager les 10 minutes.
    Nous allons parler à tour de rôle, mais de façon homogène. Merci de nous donner la parole en premier. Je vous assure, monsieur le président, qu'il serait dommage de perdre le contact avec Béatrice Vaugrante.
    Depuis les attaques terroristes du 11 septembre aux États-Unis, on affirme à tort qu'il existe un lien entre la sécurité nationale et les droits de la personne. Selon le discours, il est inévitable de compromettre l'un des deux objectifs pour atteindre l'autre, car une sécurité accrue passerait par une protection moindre des droits de la personne, tandis qu'une plus grande considération des droits de la personne nuirait inévitablement à notre sécurité.
    Cela ne saurait être plus faux.
    Les gouvernements ont une obligation vitale. Ils sont entre autres responsables de défendre les droits de la personne, de prévenir les attaques terroristes et de tenir responsables les personnes qui posent ces gestes. Il est également essentiel que les lois et les mesures adoptées pour lutter contre le terrorisme soient conformes aux droits internationaux de la personne. Ces deux responsabilités ne se font pas concurrence. Elles représentent une seule et même chose.
    Le présent examen du cadre de sécurité nationale du Canada donne une bonne occasion de rejeter cette fausse dichotomie et d'affirmer que l'approche la plus rigoureuse pour assurer la sécurité nationale se fonde sur le plein respect des droits de la personne.
    Le moment choisi pour tenir vos délibérations et la nécessité de faire cet examen sont des éléments essentiels. C'est opportun et urgent. C'est opportun étant donné qu'une occasion comme celle-ci d'effectuer un vaste examen de notre cadre de sécurité nationale se présente rarement. Il ne faut pas la gaspiller.
    C'est également opportun étant donné qu'une série de leçons ont été apprises au Canada au cours des 15 dernières années grâce à des cas individuels, à des décisions des tribunaux ainsi qu'à des recommandations des Nations unies qui mettent en évidence le coût humain des pratiques de sécurité nationale appliquées aux dépens des droits et qui indiquent les réformes nécessaires.
    Il est urgent d'agir pour trois raisons.
    Premièrement, comme nous le soulignons dans notre mémoire — vous avez aussi entendu beaucoup d'autres personnes le mentionner — de nombreuses lois, politiques et pratiques canadiennes en matière de sécurité vont à l'encontre des obligations internationales de notre pays en ce qui a trait aux droits de la personne. Il faut corriger ces lacunes.
    Deuxièmement, Aministie internationale continue de documenter des violations importantes, graves et, dans beaucoup de cas, recrudescentes des droits de la personne. Ces violations sont associées aux pratiques de sécurité nationale utilisées dans le monde. Dans ce contexte, il est essentiel que le Canada s'engage dans une autre voie et donne un meilleur exemple.
    Troisièmement, la situation est beaucoup plus urgente depuis l'élection du président des États-Unis, Donald Trump. Le président Trump a clairement indiqué qu'il s'oppose, par exemple, à l'interdiction de recourir à la torture dans le cadre d'opérations de sécurité nationale. Face à ce mépris des droits de la personne de la part de notre plus proche partenaire en matière de sécurité nationale, il est absolument essentiel de renforcer comme jamais auparavant notre propre cadre de sécurité nationale en prenant une position claire par rapport au respect des droits de la personne.
    Amnistie internationale a recommandé que l'approche du Canada en matière de sécurité nationale soit axée sur les droits de la personne et comporte trois principaux éléments.
    Je vais maintenant donner la parole à ma collègue, Béatrice Vaugrante, qui parlera des deux premiers éléments, et je parlerai ensuite du troisième.
(1640)
    Allez-y.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais m'exprimer en français.
     Les droits de la personne constituent le premier pilier, le pilier fondamental. Au moment de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en 1948, les gouvernements ont noté que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables était le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. Cela veut dire que les droits humains sont donc aussi le fondement de la sécurité.
    La relation entre la sécurité et les droits humains a par la suite été au coeur des étapes de l'élaboration de traités contraignants en matière de droits humains. Certains droits, comme la liberté d'expression, sont définis de façon à reconnaître les limites inhérentes à certains impératifs, comme la sécurité nationale, mais ces limites sont étroitement définies et soigneusement circonscrites. D'autres droits, comme la liberté et la sécurité de la personne, n'ont pas de limites inhérentes, mais peuvent être suspendus pendant une courte période de temps, lorsqu'un gouvernement fait face à une menace publique pour la vie de la nation.
    Enfin, il existe un certain nombre de droits — dont l'interdiction de la torture et des mauvais traitements ainsi que le droit à la liberté de religion — qui ne peuvent être abrogés en aucune circonstance. Cette approche montre que les gouvernements ont été à l'écoute de la relation interconnectée entre les droits et la sécurité.
    Par conséquent, la première recommandation d'Amnistie internationale est de demander que le Canada reconnaisse explicitement le respect des droits de la personne en tant que pilier fondamental du cadre de sécurité nationale du Canada. Il est bien d'avoir un pilier fondamental, mais encore faut-il évidemment des garanties efficaces pour le rendre effectif.
    Notre deuxième recommandation est que le Canada adopte quatre garanties essentielles. Aujourd'hui, il n'y a pas de références spécifiques et encore moins d'obligations de respecter les droits contenus dans la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne et les normes internationales en matière de droits de la personne dans la plupart des lois sur la sécurité nationale, à l'exception de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    La première garantie devrait être que toutes les lois canadiennes sur la sécurité nationale soient modifiées...
    Excusez-moi, madame Vaugrante. Pourriez-vous parler un peu plus lentement? Je le dis pour le bénéfice des interprètes. Nous allons vous accorder une minute supplémentaire.
     Je vous remercie beaucoup, et je suis désolée pour les interprètes.
    Toutes les lois canadiennes sur la sécurité nationale devraient être modifiées pour inclure une disposition exigeant que la législation soit interprétée et appliquée conformément à la Charte canadienne des droits et libertés, à la Loi canadienne sur les droits de la personne et aux normes internationales contraignantes en droit international.
    En outre, il devrait y avoir une mention particulière et contraignante sur les droits les plus fréquemment en jeu, notamment les suivants: le droit à la vie; l'interdiction de la torture et des mauvais traitements; l'interdiction de la discrimination; les garanties contre l'arrestation illégale, la détention arbitraire et les procès inéquitables; les libertés d'expression, d'association et de réunion; la liberté de religion; les droits à la vie privée; et la protection contre le refoulement.
    Ensuite, l'une des leçons claires mises en évidence dans l'enquête sur l'affaire Maher Arar a été l'insuffisance des organes et des processus actuels d'examen et de surveillance de la sécurité nationale au Canada. Dans le cadre de son mandat, le juge O'Connor a proposé un nouveau modèle complet d'examen intégré qui soumettrait toutes les agences à un examen approfondi par des entités qui possèdent les pouvoirs nécessaires et qui opèrent de façon intégrée. Malheureusement, 10 ans plus tard, cette recommandation n'a pas été reprise.
    Dans le projet de loi C-22, il y a bien un comité parlementaire sur la sécurité nationale, mais cette proposition n'est pas suffisante.
    De là découle notre garantie no 2. Dans le cadre du projet de loi C-22, le modèle canadien d'examen et de surveillance des agences chargées des opérations de sécurité nationale doit être réformé afin que toutes les agences soient soumises à un examen solide et en temps réel par des entités expertes et indépendantes et qui sont capables de coopérer les unes avec les autres de manière intégrée.
    Troisièmement, les mesures de sécurité nationale qui empiètent sur les droits devraient être exceptionnelles et non permanentes. Pourtant, les mesures de sécurité adoptées par les gouvernements sont rarement temporaires. La plupart des dispositions relatives à la sécurité nationale sont intégrées dans le droit canadien, et certaines violent ou compromettent les dispositions relatives aux droits de la personne. Un examen régulier permet de se prémunir contre cette possibilité.
    Donc, à titre de garantie no 3, le Parlement devrait veiller à ce que les lois sur la sécurité nationale soient régulièrement révisées, au moins tous les trois ans.
    Enfin, notre dernière mesure proposée est de rendre compte des violations des droits de la personne liées à la sécurité nationale dans les dossiers du passé. Bien sûr, les compensations et les excuses officielles qui ont été fournies à Maher Arar et à Benamar Benatta sont de rares cas de réparation pour les personnes qui ont été visées par des violations graves.
    MM. Almalki, Abou-Elmaati et Nureddin n'ont pas été indemnisés pour les violations de droits de la personne documentées dans un rapport d'enquête judiciaire de 2008 de l'ancien juge Frank Iacobucci, de la Cour suprême du Canada. Omar Khadr n'a reçu aucune réparation pour les violations de la Charte confirmées par les jugements unanimes de 2008 et de 2010 de la Cour suprême du Canada. D'autres cas aussi demeurent non résolus.
    Notre quatrième garantie consiste donc à désigner un juge ou un autre expert indépendant pour examiner rapidement et régler, conformément aux principes internationaux relatifs aux droits de la personne, tous les procès en instance concernant les demandes de réparation relatives aux violations des droits de la personne commises dans le cadre des opérations de sécurité nationale.
    Mon collègue Alex Neve va conclure.
    Merci.
(1645)

[Traduction]

    Il vous reste environ une minute et demie.
    La première recommandation est la reconnaissance des droits de la personne comme un pilier fondamental. La deuxième recommandation est l'adoption d'un certain nombre de mesures efficaces de protection des droits de la personne dans notre cadre de sécurité nationale. La troisième recommandation est, bien entendu, l'adoption d'un certain nombre de réformes qui sont nécessaires pour assurer le respect de nos obligations internationales en matière de droits de la personne.
    Je n'ai pas le temps de toutes les passer en revue. J'aimerais seulement attirer votre attention sur neuf réformes nécessaires selon nous.
    Premièrement, il faut réformer la législation canadienne pour assurer le respect de l'interdiction absolue d'expulsion dans les cas impliquant un risque de torture.
    Deuxièmement, il faut mettre fin aux procédures relatives à un certificat de sécurité ainsi qu'à d'autres procédures d'immigration liées à la sécurité qui ne respectent pas les normes internationales en matière de procès équitable.
    Troisièmement, il faut annuler ou réformer les directives ministérielles sur l'échange de renseignements et la torture, selon lesquelles des renseignements peuvent actuellement être communiqués à d'autres gouvernements même s'ils peuvent mener à la torture. De façon similaire, ces directives autorisent également la réception de renseignements même s'ils ont été obtenus par la torture.
    Quatrièmement, il faut modifier les définitions liées au terrorisme pour protéger le droit de manifester et la liberté d'expression, car dans plusieurs lois distinctes, les exceptions qui protègent actuellement ces droits pour toutes sortes d'infractions relatives au terrorisme sont incohérentes.
    Cinquièmement, pour assurer le respect des obligations en matière de droits de la personne, le mécanisme qui permet au SCRS d'obtenir des mandats pour réduire les menaces doit être réformé. Le SCRS et tous les autres organismes canadiens ne devraient pas projeter d'activités qui violent la Charte ou qui manquent aux obligations internationales en matière de droits de la personne.
    Sixièmement, il faut abolir l'infraction qui consiste à promouvoir la perpétration d'actes de terrorisme en général, car elle est vague, va trop loin et viole la liberté d'expression. Les infractions criminelles existantes à propos d'inciter, d'aider ou d'encourager la perpétration d'un acte, et les autres infractions similaires sont adéquates.
    Septièmement, il faut réformer le régime d'échange de renseignements de manière à mieux protéger les droits de la personne, notamment à l'aide de mesures de protection rigoureuses visant à assurer la pertinence et l'exactitude de l'information transmise.
    Huitièmement, dans le but de satisfaire les exigences en matière d'équité, il faut mettre à jour les dispositions relatives aux appels concernant le projet de liste de personnes interdites de vol.
    Neuvièmement, il faut abolir les dispositions relatives à l'engagement assorti de conditions qui autorisent la détention sans que des accusations soient portées. Dans le projet de loi C-51, le prolongement de la période de détention et l'affaiblissement des critères autorisant ce genre de détention ne sont pas conformes aux normes internationales sur les arrestations et la détention arbitraires.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    J'ajoute que je ne critiquais pas les interprètes. Je voulais tout simplement écouter le témoignage en français, et il fallait que ce soit un peu plus lent. Cela dit, ils ont eux aussi besoin d'oxygène à un moment donné.

[Français]

     Nous allons commencer avec M. Leuprecht.

[Traduction]

    Monsieur Leuprecht, vous avez la parole.
    La difficulté, évidemment, est que l'État a, d'une part, l'obligation d'assurer la sécurité et de maintenir l'ordre et, d'autre part, celle de sauvegarder nos valeurs fondamentales de liberté, d'égalité et de justice. Nous devons trouver le moyen terme comme, je pense, les témoins précédents l'ont souligné. Nous devons nous assurer de toujours revoir nos lois et notre cadre, ce que, je pense, le Comité fait actuellement.
    C'est une tâche très utile. En fin de compte, nous ne pourrons pas jouir de ces valeurs si nous n'assurons pas l'ordre et la sécurité aux citoyens. Pourquoi le Canada attire-t-il les immigrants? Parce que c'est une société stable, disciplinée, où on est en sécurité et où on peut vivre en accord avec ses valeurs.
    Nous vivons dans un monde globalisé où nos institutions et une grande partie de nos lois conçues au XIXe et au XXe siècle sont inadaptées aux vicissitudes du XXIe siècle. La difficulté est de désormais façonner de nouvelles institutions de gouvernance pour essayer de comprendre les phénomènes dont nous sommes les témoins, tant ceux qui respectent la loi que ceux qui sont illégaux ou illicites.
    Nous y sommes parvenus en partie en effaçant les frontières, c'est-à-dire en cessant de nous les représenter comme des lignes tracées dans le sable et en réfléchissant à ce à quoi elles ressemblent dans un monde où, par exemple, les données ou les capitaux se déplacent partout avec une liberté relative.
    Je sors d'une séance d'une heure au Sénat, où nous avons discuté du financement du terrorisme. Il importe de fonder nos discussions sur les faits plutôt que sur diverses propositions. Dans ces discussions, les propositions sont toujours nombreuses, mais elles se fondent sur relativement peu de faits.
    Le gouvernement fédéral organise 85 examens, et j'ai toujours pensé qu'il était important de discuter du cadre de sécurité nationale. Tous ces examens sur le cyberespace, la politique de défense et le projet de loi C-51 se font isolément. Je pense qu'il importe d'avoir une discussion qui embrasse tous ces sujets.
    Le problème que certains appellent « sécuritarisme » m'inquiète. Depuis le 11 septembre 2001, nous avons très bien réussi à conférer à divers problèmes une dimension sécuritaire. Il n'y a pas de manière plus coûteuse de les régler, en partie parce que chaque dollar consacré à la sécurité échappe à l'augmentation de la prospérité, de l'harmonie sociale et ainsi de suite. Alors, comment nous en sortir?
    Je pense que le plus important, ce que le Comité fait déjà, est de nous assurer de discuter de façon plus éclairée de ces questions, que je crois mal comprises.
    Relativement au mandat du SCRS qui est de réduire les menaces, le public n'a pas compris que, en principe, l'organisme ne pouvait pas parler aux parents s'il croyait que leur enfant avait de mauvais projets. Il semble bien que le mandat donne de bons résultats.
    Le problème de la conversion des renseignements en preuves est mal compris, même chez les avocats qui pensent bien le connaître et qui ont comparu devant le Comité.
    La liste d'interdiction de vol: la plupart des Canadiens ne comprennent pas que lorsque d'autres Canadiens deviennent interdits de vol, la principale raison n'est pas le programme de protection des passagers, mais le survol du territoire américain par la majorité des vols canadiens. Des noms sont tirés d'autres listes. On croit, à tort, que le gouvernement canadien est en faute.
    Voici quelques sujets succincts de réflexion sur ces problèmes.
    Nous cherchons des outils efficaces et d'une grande portée, parce que, dans le contexte actuel, les menaces sont difficiles à neutraliser et que nous devons innover. L'innovation dans la sécurité soulève toujours des clameurs. Dans d'autres domaines, santé, éducation et ainsi de suite, l'évolution va de soi. Nous voulons modifier certains des cadres. Notre environnement nous aiguillonne. Nous voulons donc nous assurer de pouvoir innover.
    Des conversations intéressantes portent sur l'information numérique. Avons-nous, au Canada, moins de problèmes qu'ailleurs grâce à notre excellent travail et à l'efficacité si grande de nos organismes et de nos lois ou parce que notre problème n'est pas si important?
    Une question se pose sur l'allocation des ressources. Depuis octobre 2014, nous avons consacré des ressources exorbitantes à la lutte contre le terrorisme, au détriment de la plupart des autres aspects de la sécurité nationale. Le crime organisé a le champ libre. Pour le comprendre, il suffit de lire certaines des évaluations de la menace. Sommes-nous dans le juste milieu? Nous affronterons la menace persistante de l'extrémisme criminel et de l'extrémisme criminel violent. Nous devons nous assurer d'adapter nos lois.
    L'importance stratégique du renseignement d'origine électromagnétique est également mal comprise. Je pense que les innovations qui devraient se produire dans le milieu du renseignement d'origine électromagnétique n'ont actuellement pas lieu. Depuis le 11 septembre 2001, le gouvernement a implicitement créé des mandats non fondés. Actuellement, la plus grande partie de la facture de la lutte contre le terrorisme est refilée aux provinces et aux autorités locales. Qu'allons-nous faire pour les appuyer?
(1650)
    La confusion persiste sur la radicalisation. J'emploie toujours l'image de la pyramide des opinions et celle des actions. Ce sont des problèmes distincts. La pyramide des opinions est coiffée par les idées que nous préférerions être tues, tandis que la pyramide des actions conduit aux actions de l'extrémisme violent, que nous préférerions ne pas être commises.
    Les opinions qu'on préférerait être tues et la radicalisation de masse des gens les professant sont des problèmes complètement séparés de la commission de la violence. En soi, la religion ou la radicalisation ne causent pas une grande partie de la violence que nous observons. Un certain nombre d'autres facteurs interviennent et ils se combinent différemment pour aboutir à différentes manifestations. La religion sert souvent à justifier la violence plutôt qu'à la provoquer. Si la religion la provoquait, la violence serait beaucoup plus répandue.
    J'inciterais le gouvernement à moins songer à neutraliser l'extrémisme radical, quelles qu'en soient les opinions, qu'à prévenir l'extrémiste violent.
    Dans le cyberespace, nous sommes l'objet de menaces importantes. Les pertes, dans l'économie mondiale, au profit d'organisations scélérates ont été estimées, l'année dernière, à 1 000 milliards de dollars. C'est une menace. Nous comprenons maintenant la nature de la menace que pose le cyberespace pour les institutions démocratiques et la façon dont le crime organisé et d'autres éléments exploitent rationnellement le cyberenvironnement à leur profit.
    Par rapport à la frontière canado-américaine, une grande partie de l'utilité intrinsèque du cadre de sécurité nationale est d'assurer notre prospérité, parce que, après le 11 septembre 2001, nous avons vu les conséquences de la fermeture de la frontière des États-Unis. Il est indispensable de faire comprendre aux Canadiens qu'ils sont leurs partenaires. Nous devons donc nous rappeler la dispense de Kingston de 1938 et la déclaration d'Ogdensburg de 1940, dans lesquelles nous avons convenu de collaborer avec nos partenaires américains pour soustraire l'Amérique du Nord et d'autres parties du monde aux conflits et d'oeuvrer collectivement à la sécurité régionale et internationale. Cette coopération avec les Américains, sans égard aux changements d'administration aux États-Unis, reste la priorité des priorités.
    J'ai cinq recommandations à formuler.
    La première vise le modèle du quartier général des communications du gouvernement sur la cybersécurité. Bien sûr, le Royaume-Uni est un État unitaire, où le modèle est donc quelque peu plus facile à appliquer, mais il nous faut charger un organisme de la coordination des efforts de cybersécurité dans notre pays. Les problèmes découlant d'actions collectives sont tout simplement ahurissants.
    La deuxième vise la GRC. Nous avons besoin d'une organisation capable de maintenir assidûment l'ordre aux échelons fédéral et national. À cette fin, il faut la restructurer en une organisation complètement indépendante, avec ses propres fonctions de recrutement, de rémunération et ainsi de suite. Cette organisation censée accomplir les priorités fédérales et nationales ne peut pas consacrer 85 % de ses ressources, de son temps et de ses énergies au maintien de l'ordre sous contrat. Elle manque ainsi aux obligations contractées à l'égard des Canadiens sur ses priorités fédérales et nationales.
    La troisième concerne l'Agence des services frontaliers du Canada. On discute depuis longtemps à Ottawa des responsabilités à lui confier. Pourquoi une organisation est-elle chargée des points d'entrée au Canada et une autre l'est-elle du territoire entre ces points? Qu'une seule organisation s'en occupe, et je propose l'Agence, mais, bien sûr, ça ne plaira pas à ceux qui tiennent à leur budget.
    La quatrième est un éventuel centre du renseignement de sources ouvertes, dont le Canada a besoin. Nous manquons souvent le coche faute d'accéder efficacement aux renseignements de sources ouvertes d'une manière compatible avec nos obligations constitutionnelles et juridiques à l'égard de la protection de la vie privée des Canadiens.
    La cinquième est de financer davantage la recherche, pour dissiper l'incompréhension et les nombreuses méconnaissances qui existent au Canada. En fin de compte, nous voulons aussi leur trouver des solutions trouvées au Canada et adaptées au cadre législatif canadien ainsi qu'aux priorités et aux attentes des Canadiens.
    Je pourrais m'étendre sur un certain nombre d'autres sujets, mais je m'arrêterai ici pour le moment.
(1655)
    Parfait. Merci beaucoup.

[Français]

     Nous allons commencer avec M. Picard, qui dispose de sept minutes
     Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous de vos commentaires constructifs, de vos recommandations et de vos suggestions. La pertinence de vos propos est fort appréciée.
     Je vais tout de suite aborder la question de la prévention, en commençant par le professeur Leuprecht. J'invite aussi la porte-parole d'Amnistie internationale Canada à faire un commentaire parce qu'il y a une question sur la Charte qui va sûrement susciter son intérêt.
     On parlait de mesures du SCRS pour réduire la perturbation. Des capacités policières étaient associées à la notion de mesures de réduction de la perturbation. Je ne suis pas sûr de comprendre quel est le lien exact entre une mesure de réduction de la perturbation et une mesure policière comme telle, même si le SCRS a confirmé avoir eu recours une vingtaine de fois à de telles mesures.
    Vous avez parlé de ces mesures il y a maintenant presque deux ans, monsieur Leuprecht. Pouvez-vous nous parler de votre évaluation de celles-ci et de la capacité du SCRS à perturber les opérations en devenir?
(1700)
     Je crois que l'objectif est d'appliquer des mesures de perturbation, d'intervenir et de faire de la prévention plutôt que d'incarcérer des gens. Vous avez déjà noté que la GRC était surchargée par ses obligations et par les attentes. Comme vous le savez, elle fait aussi face en à des défis considérables en matière de culture institutionnelle. Dans ces conditions, quelles autres institutions pourraient nous aider à nous prémunir contre ces éventuelles opérations?
    Oui, cela me préoccupe dans une certaine mesure. Le renseignement de sécurité a délibérément été confié à une institution autre que la GRC, ce qui permet

[Traduction]

    de lui confier aussi les moyens de faire respecter la loi.

[Français]

    Cela me préoccupe jusqu'à un certain point, mais dans le contexte actuel, je ne suis pas certain que la GRC bénéficie de la capacité et de l'attention nécessaires pour assumer ces responsabilités. Si on ne confie pas celles-ci au SCRS, à qui va-t-on les confier?
    Excusez-moi de vous interrompre.

[Traduction]

    Vous parlez de moyens pour faire respecter la loi qui s'appliquent à la GRC plutôt que de mesures de déstabilisation qui s'appliquent au SCRS. Quelle est la différence? Qu'en faites-vous?
    La difficulté que posent les moyens de déstabilisation et le mandat de réduction des menaces est de restituer au SCRS un pouvoir qui équivaut presque à celui de faire respecter la loi. Jusqu'ici, ce pouvoir, nous l'avons exclusivement et délibérément confié à la GRC.
    C'est la difficulté, et de là découlent les réserves exprimées, que j'estime fondées. Mais, comme je l'ai expliqué, quelqu'un doit s'occuper de déstabilisation. Dans le contexte actuel, je ne suis pas certain que la GRC soit idéalement ou optimalement préparée à s'en occuper dans tous les cas.
    Pour moi, c'est une position de repli. Ce n'est pas l'issue optimale, mais j'y vois une solution nécessaire jusqu'à ce que nous puissions effectivement préserver la GRC de toutes sortes d'autres distractions.

[Français]

    Avant de poser ma prochaine question, j'aimerais savoir si les représentants d'Amnistie internationale Canada aimeraient formuler un commentaire à ce sujet.
    Comme ce n'est pas le cas, je vais donc aborder un sujet qui a été soulevé par les représentants d'Amnistie internationale Canada ainsi que par vous, monsieur Leuprecht.

[Traduction]

    Minute! Il semble y avoir un problème technique. Est-ce réparé maintenant?
    Je peux répéter, si vous voulez.
    Non. Ce n'est pas nécessaire.

[Français]

    Vous pouvez continuer en français.
    En ce qui a trait au Programme de protection des passagers et à la liste d'interdiction de vol, les gens qui s'en plaignent veulent évidemment que leur nom soit retiré de la liste. En plus des gens qui sont ciblés, il y a aussi ceux qui portent le même nom qu'eux. Or le fait de retirer complètement des noms de la liste pourrait causer des problèmes. Pour ce qui est de la capacité de ces personnes à se défendre, il y a un problème de transparence relativement à la divulgation de l'information ainsi qu'un problème de représentativité. Il y aurait peut-être lieu de discuter davantage de cet aspect.
     Le gouvernement devrait sans doute se demander quelle est sa limite en matière de transparence et jusqu'à quel point il peut faire part de l'information, notamment pour ce qui est de sa divulgation.

[Traduction]

    Absolument. Notre souci, c'est l'équité et la transparence du processus d'appel.
    Nous sommes heureux de constater que, grâce au projet de loi C-51, on légifère sur tout le système, qu'il existe dorénavant des normes claires et un processus établi d'appel et qu'on sait à quoi s'en tenir.
    Cependant, pendant les débats sur le projet de loi C-51, beaucoup d'autres organisations et la nôtre ont souligné l'opportunité d'une procédure d'appel prévue dans la loi, mais nous craignions que ce ne soit pas assez. Nous reconnaissons la nécessité de compromis et de conciliations, mais ça ne donnait pas vraiment à quelqu'un la possibilité de se défendre.
    Effectivement, il ne s'agit pas d'un procès au criminel et peut-être manque-t-il des garanties de l'application régulière de la loi à protéger dans un procès au criminel, mais, néanmoins, je pense que chacun reconnaît la gravité énorme des enjeux. Il s'agit de pouvoir prendre des vacances; pour les familles, de se visiter. C'est essentiel à nos existences. Je pense aussi que des témoins antérieurs ont dit que l'interdiction de vol peut, en soi, être très dégradante et très déshumanisante.
    Voilà pourquoi il est si important de réformer la procédure d'appel pour augmenter l'accès à l'information invoquée contre les personnes interdites de vol et leur permettre de mieux répondre aux allégations.
(1705)

[Français]

     Je crois que la manière dont les gens y réfléchissent s'apparente à la situation qui existe pour leur permis de conduire.
    Lorsqu'on veut révoquer un permis de conduire, il y a un processus à suivre. Je crois qu'il faut trouver des analogies qui sont plus près de ce que s'attendent les Canadiens lorsqu'on les prive de certains privilèges, comme celui de prendre leur voiture.

[Traduction]

    Comme je vous ai interrompu, je vous accorde un peu plus de temps, pour une autre question.

[Français]

    D'accord.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais revenir sur le programme de protection des passagers qui existait avant la nouvelle loi.
    Auparavant, un terroriste présumé pouvait prendre l'avion et venir au Canada. Toutefois, à la suite de l'adoption de la nouvelle loi, on a vu quelques problèmes où, par exemple, un jeune de trois ou quatre ans ne pouvait pas aller assister à une partie de baseball au États-Unis. C'est comme si le fait d'en faire trop nous empêche de fonctionner et le fait de ne pas en faire assez laisse trop de portes ouvertes à différentes possibilités.
    Vous mentionniez que le problème survient parfois lorsqu'on prend l'avion au Canada, mais qu'on survole le territoire américain. Est-ce qu'il y a des modifications au programme de protection des passagers qui sont envisagées?
    Je crois qu'il nous faut un programme qui va correspondre aux attentes des Canadiens. En gros, je crois que ce programme y correspond parce que les cas problématiques sont isolés. Comme l'avaient également mentionné certains collègues, un mauvais cas ou un faux cas en est un de trop. Cependant, en même temps, ce n'est pas comme si il y a des douzaines de gens à qui on refuse chaque jour d'embarquer dans des avions.
    N'importe quel programme gouvernemental va causer certains problèmes pour certains individus, entraîner des cas isolés et ne fonctionnera pas toujours adéquatement. En somme, il faut cibler ces individus au lieu de revoir tout le programme comme tel. De façon générale, je crois que le programme fonctionne et semble être juste et efficace.

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Clement.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame, et merci, messieurs, de vos exposés.
    Je tiens à commencer par vous, monsieur Neve, si vous permettez, parce que j'ai cru entendre une contradiction. J'ignore si c'était voulu. Je tiens donc à m'en assurer.
    À un certain moment, vous avez dit que les questions de sécurité nationale et celles de droits de la personne ne devaient pas vraiment s'opposer et que la bonne application des critères de sécurité nationale favoriserait la protection des droits de la personne. Mais, ensuite, certains de vos propos et le témoignage de M. Leuprecht nous ont amenés à parler de conciliation et d'un jeu naturel d'opposition que nos lois s'efforcent d'équilibrer.
    Je suis un peu mêlé. J'aurais cru que la position d'Amnistie internationale est la protection coûte que coûte des droits de la personne et au diable tout le reste. C'est sûrement l'essence de votre message dans l'espace public. D'autres acteurs auraient une opinion différente et, à la faveur d'un dialogue hégélien, nous parviendrions à une sorte de synthèse, puis la vie continue. Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit. Alors pourquoi ne pas le dire comme vous le vouliez?
    M'autorisez-vous à utiliser ce slogan pour notre prochaine campagne?
    J'allais m'en servir dans mon dépliant. Je suis sûr que ça me vaudra beaucoup de voix aux élections.
    Comme ma collègue Vaugrante l'a dit, nous revenons au fait que le système international de droits de la personne concilie déjà ce dont nous parlons. Il n'est donc pas nécessaire de chercher à l'extérieur ou plus loin que les droits de la personne pour prévoir ou décider l'endroit où se trouve le juste milieu.
    Comme elle l'a fait remarquer, des traités internationaux définissent un certain nombre de droits de la personne. La liberté d'expression est un parfait exemple de reconnaissance d'un équilibre à établir. On encadre très soigneusement ce droit, mais dans sa définition.
    Le droit international reconnaît une poignée d'autres droits dans des circonstances extrêmes. Il le fait avec beaucoup de force, affirmant que, en cas de menace à la vie de la nation, il est même possible d'en suspendre certains temporairement, et seulement en cas de nécessité absolue.
    Enfin, le droit international reconnaît certains droits d'une importance si grande, tellement essentiels à la notion d'intégrité humaine qui se situe au coeur des droits de la personne et aussi au coeur de notre propre sécurité qu'ils ne peuvent jamais être violés. La protection contre la torture en est un parfait exemple.
    Nous disons aux gouvernements: inutile d'aller plus loin que le cadre des droits de la personne pour arriver à dénouer cette opposition et trouver le juste milieu. Les gouvernements ont déjà agi en ce sens parce que, bien sûr, c'est eux et non Amnistie internationale qui ont rédigé ces traités en l'espace de nombreuses décennies.
(1710)
    Très bien. Je comprends beaucoup mieux votre position. Merci.
    Cependant, dans notre monde, les menaces viennent de partout, elles se dédoublent et elles sont rapidement changeantes. Des pays souverains ne savent plus où donner de la tête pour les neutraliser. Celles d'aujourd'hui ne ressemblent pas à celles de 1938 ou 1940. Comment vous, à l'égard des gouvernements, des nations souveraines qui sont en fin de compte responsables de leurs propres frontières et de leur sécurité...? Ce n'est pas seulement un équilibre statique. De nouvelles menaces apparaissent, qui exigent de nouvelles réactions. Convient-il encore d'y réagir avec un moyen datant de 1938?
    C'est beaucoup plus récent que 1938.
    Ah bon! Je croyais que quelqu'un avait parlé de 1938.
    Tout a commencé en 1948, avec l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme. De nombreux traités et conventions ont suivi dans les décennies subséquentes. Encore aujourd'hui, de nombreux gouvernements continuent de se rassembler sous l'égide des Nations unies pour réexaminer le cadre fondamental régissant les droits de l'homme que je viens de décrire et du même coup, les réaffirmer.
    Donc, absolument, les gouvernements doivent innover, envisager de nouvelles stratégies, faire plus de prévention, mobiliser les collectivités et trouver de nouvelles façons de recueillir de l'information. Cependant, nous soutenons, comme bien des gouvernements, que la violation la plus évidente de ces droits, la torture, n'a pas sa place dans ces activités. Qu'on parle des anciens cadres législatifs ou des nouveaux mécanismes de sécurité envisagés de nos jours, la torture ne devrait jamais être utilisée, pour vous donner un exemple.
    Je vous remercie de votre clarté sur ce point. Je vous en suis très reconnaissant.
    Monsieur Leuprecht, j'ai quelques questions à vous poser.
    Vous avez parlé beaucoup de l'infrastructure de la cybersécurité. Je vous remercie de soulever cette question. Le Canada est-il en train de prendre du retard par rapport aux autres pays du monde à cet égard?
    Oui.
    Dianne affirme que oui, je devrai donc le lire au compte rendu.
    Regardez, nous sommes des modèles pour certaines choses. Pour certaines compétences très particulières, nous pouvons rivaliser contre les meilleurs. Je crois toutefois que nous avons aussi de grandes difficultés dans les domaines où nous manquons de perspective à long terme.
    Par exemple, il n'y a rien qui se fait au Canada pour surveiller l'évolution des communications électroniques. Avant, les gens s'envoyaient des lettres; ils se sont ensuite mis à s'écrire des courriels et s'envoient désormais des textos. Une grande partie des communications passera à l'avenir par des machines, par votre téléphone, votre réfrigérateur, votre laveuse ou je ne sais quoi d'autre.
    C'est l'Internet des objets.
    Dans les circonstances, que devrions-nous surveiller? Que pouvons-nous surveiller? Où les menaces risquent-elles d'émerger? À ce que je sache, personne ne réfléchit sérieusement à la tangente que les choses sont en train de prendre ni à la façon dont nous nous y préparons. Personne au Canada ne se demande si l'information, le renseignement et le renseignement stratégique qu'on donne au gouvernement à l'heure actuelle sur la cybersécurité correspondent vraiment aux besoins du gouvernement. À ce que je vois, les priorités du gouvernement ne sont pas harmonisées au genre de produits que le gouvernement reçoit de ses organismes, par exemple.
    De même, je pense que nous avons un véritable problème de ressources au Canada. Chaque semaine, il y a quelqu'un qui m'appelle pour me demander: « Christian, nous venons de recevoir l'autorisation d'embaucher 20 nouveaux employés pour nous aider à assurer la cybersécurité. Pouvez-vous me donner des noms de personnes que nous pourrions embaucher? » Ces personnes n'existent pas. Le gouvernement n'a pas réfléchi à la façon d'orienter le système pour générer ces compétences en recherche, avoir accès à du personnel hautement qualifié pour pouvoir répondre aux besoins du Canada afin d'assurer notre compétitivité et notre sécurité.
    Vous avez probablement déjà entendu l'expression, on parle souvent de « phase deux ». L'expression « phase deux » renvoie au fait qu'il faut aller au-delà de la cybersécurité; il y a Industrie Canada aussi qui songe à... Cela signifie que si nous n'arrivons pas à conserver les investissements qui sont faits au Canada, à assurer la protection de la propriété intellectuelle, les gens n'investiront pas leur argent au Canada. Ils l'investiront en Australie, en Israël, ou aux Pays-Bas, des pays qui se sont dotés d'une stratégie de protection de la propriété intellectuelle. Nous serons sérieusement laissés de côté et notre prospérité en souffrira.
    Je pense que dans les circonstances actuelles, nous devons nous assurer de rester concurrentiels. Nous avons une province qui s'est dotée d'une stratégie à peu près coordonnée, il s'agit du Nouveau-Brunswick. À ce que je sache, dans les autres provinces, c'est...
(1715)
    Bravo, René.
    C'est du gros n'importe quoi.
    Je pense que quelque soit le parti au pouvoir, nous avons tout intérêt à nous assurer d'avoir une stratégie coordonnée. Je vous encourage...
    J'ai bien peur de devoir mettre un terme à cette dialectique hégélienne.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Le prochain intervenant sera M. Dubé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse aux représentants d'Amnistie internationale Canada et concerne la torture.
    Vous avez parlé du changement de mentalités, si je puis dire, en ce qui concerne le partage de l'information avec les États-Unis, compte tenu de la porte que M. Trump a ouverte concernant l'utilisation de la torture.
    Sauf erreur, vous avez cosigné une lettre demandant au ministre de réviser la directive ministérielle. Le ministre a dit que la directive encadre tout autant l'utilisation de l'information que l'interdiction de l'utiliser initialement en quelque sorte, jusqu'à ce qu'on lise jusqu'à la fin. C'est cela qui est la clé.
    Êtes-vous favorable à l'idée d'abroger cette directive et de la remplacer par une autre disant explicitement qu'on n'utilisera aucune information obtenue sous la torture?
     Madame Vaugrante, voulez-vous répondre à cette question?
    D'accord. Ma réponse sera courte et claire.
    Bien sûr, l'utilisation de la torture n'est permise en aucune circonstance et nous ne devrions jamais obtenir des renseignements ou faire du travail lié à la sécurité en nous basant sur des informations obtenues à partir de la torture. Le Canada ne doit pas souscrire à cela, non seulement compte tenu de nos propres façons de faire ici, mais aussi pour montrer au reste du monde que, encore une fois, la torture n'est à considérer en aucune circonstance. Malheureusement, quand des pays démocratiques commencent à ouvrir des brèches dans ce principe, cela ouvre aussi la porte à beaucoup d'autres États qui sont moins regardants à cet égard.

[Traduction]

    Si je peux ajouter une chose, je pense qu'il vaut la peine de souligner qu'en 2012, le Comité des Nations unies contre la torture, qui évaluait la conformité du Canada à la Convention des Nations unies contre la torture, avait fait des mises en garde au sujet des directives ministérielles et avait souligné que dans leur forme actuelle, elles n'étaient pas conformes à nos obligations internationales, ce que Béatrice a si bien résumé. Il a donc exhorté le Canada à réformer son système.

[Français]

    C'est excellent. Je vous remercie beaucoup.
    Restons sur le sujet du partage de l'information avec les États-Unis.
    On parle d'aller de l'avant et de partager plus d'informations. On l'a vu la semaine dernière ou la semaine précédente. Beaucoup de décrets ont été signés dernièrement. On a enlevé certaines protections légales dont disposaient les citoyens d'autres pays relativement à leurs informations aux États-Unis.
    Pouvez-vous nous parler de partage d'informations en général avec les États-Unis, alors que leur administration est un peu imprévisible? C'est le cas non seulement en ce qui a trait aux États-Unis eux-mêmes, mais aussi en ce qui a trait à la Russie, par exemple. On sait que des questions se posent à cet égard. Est-on en train de partager avec un allié proche de l'information qui pourrait se retrouver ailleurs? Toutes ces questions se posent.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je pense qu'il serait très opportun d'exprimer nos inquiétudes sur la situation des droits de la personne aux États-Unis, qui change rapidement et se détériore, j'oserais dire, et sur ce que cela pourrait signifier pour nos relations en matière de renseignement.
    Il y a évidemment la question de la torture. Je pense que le gouvernement canadien et toutes ses agences devront faire très attention à ce qui fera partie ou non de la nouvelle politique américaine sur le recours à certaines formes de torture par les agences de renseignement, dont la torture par l'eau, et qu'ils se demandent de quelle garde-fous nous aurons besoin pour être absolument sûrs de ne pas nous rendre complices de ces pratiques dans nos relations avec les États-Unis.
    De façon plus générale, il y a beaucoup d'incertitude dans le monde actuellement, et je crois que nous avons bien des raisons d'être inquiets. Nous soulignons surtout qu'il faut que le gouvernement suive de très près ce qui se passe aux États-Unis. Notre propre stratégie en matière de communication de renseignements a été élargie d'une manière sans précédent avec le projet de loi C-51. L'étendue et la nature de l'information communiquée ont été beaucoup élargies partout au gouvernement. Je crois que cela nous montre encore une fois pourquoi il est si important de nous doter d'un bon filet de sécurité pour assurer la pertinence et l'exactitude des renseignements et faire en sorte que les renseignements inflammatoires ne soient pas communiqués, parce que compte tenu de tous les risques qui se posent, nous voulons être sûrs qu'aucun de ces renseignements ne se retrouve entre les mains des organismes américains.
(1720)

[Français]

    Avez-vous des remarques à faire sur le fonctionnement des douanes? En effet, on a demandé des mots de passe pour des réseaux sociaux, mais en fait, il n'y a aucune obligation légale de les fournir que ce soit au Canada ou aux États-Unis.
    Par ailleurs, ce n'est pas encore concret, mais on pense à la biométrie et à la scanographie. Cette idée est présente. Qu'en pensez-vous? Je sais que c'est relativement nouveau, mais j'aimerais vous entendre également aborder cette question.

[Traduction]

    Béatrice, voulez-vous répondre à cela?

[Français]

    Non, je vous laisse répondre, monsieur Neve.

[Traduction]

    Ce sont effectivement des sujets de préoccupation que nous suivons de très près.
    Je ne dirais pas qu'Amnistie s'oppose nécessairement clairement à ce que vous mentionnez, mais nous signalons assurément le potentiel très réel de violations graves des droits de la personne si, par exemple, les nouvelles technologies ne sont pas utilisées de manière responsable. C'est la première chose. Ensuite, il n'y a pas de mesures de protection efficaces en place, si bien qu'on s'en remet bien souvent aux évaluations et à la surveillance, mais comme nous le savons, le Cadre de sécurité nationale du Canada est faible à cet égard.

[Français]

     Ma dernière question s'adresse à tous les témoins.
     On a beaucoup parlé de la liste d'interdiction de vol. À quel point les gens subissent-ils des difficultés associées à cette liste?
     Comme vous l'avez mentionné, monsieur Leuprecht, on utilise très souvent la liste américaine. À quel point y a-t-il des conséquences à cela? Peu importe ce qu'on fait au Canada, la liste américaine demeure un problème.
    Y a-t-il une façon de rectifier la situation?
    Oui, je crois que le gouvernement du Canada peut expliquer aux gens faisant l'objet d'une interdiction que ce n'est pas à cause de sa liste qu'ils la subissent. Il ne peut pas forcément leur dire quelle liste est en cause, mais peut-être leur expliquer que cette interdiction n'est pas attribuable au Programme de protection des passagers. Je crois que cela pourrait déjà faire baisser un peu la tension à cet égard.
    Il s'agirait peut-être de mieux cadrer le débat pour déterminer où des améliorations sont nécessaires.
    Je crois que le gouvernement a l'obligation de rendre plus clair le fait que plusieurs listes sont en vigueur, mais qu'une seule joue un rôle important.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Arseneault, qui est un nouveau membre au sein de ce comité.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie également M. Neve, M. Leuprecht et Mme Vaugrante d'être présents parmi nous aujourd'hui.
     Comme l'a souligné le président, je suis un nouveau venu au sein de ce comité. Il ne s'agit que de ma troisième réunion. Vous avez remarqué que je suis entouré d'éminents collègues qui sont empreints de sagesse. J'ai l'impression d'avoir un retard de six mois pour ce qui est de la maîtrise de ce dossier.
    Mes questions seront d'abord un peu techniques.
     Madame Vaugrante, vous disiez plus tôt que toute loi ayant trait à la sécurité publique et pouvant porter atteinte aux droits de la personne devait être sujette à la Charte canadienne des droits et libertés. Je pense qu'il s'agissait de votre deuxième recommandation.
     Est-ce exact?
    Nous faisons valoir qu'à l'heure actuelle, les lois canadiennes sur la sécurité nationale ne mentionnent ni la Charte canadienne des droits et libertés, ni la Loi canadienne sur les droits de la personne. On n'y trouve en effet aucune référence et encore moins d'obligations, à l'exception de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Nous demandons donc que toute loi sur la sécurité nationale, qu'elle soit nouvelle ou non, comprenne une disposition exigeant que ladite loi soit interprétée en fonction de la Charte canadienne des droits et libertés, de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du droit international.
(1725)
    Corrigez-moi si je me trompe et rassurez-moi à ce sujet, mais je crois qu'au Canada, la Charte canadienne des droits et libertés est au-dessus de toutes les lois canadiennes.
    Cela devrait être le cas, mais s'il y avait déjà une mention à cet égard, on s'en porterait nettement mieux. Malheureusement, des dispositions, entre autres dans le projet de loi C-51, ne respectent pas la Charte canadienne des droits et libertés. Plusieurs dispositions de certaines lois ou de certains projets de loi nous bouleversent passablement.
     Si cette loi mentionnait de façon explicite la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne et le droit international, l'interprétation pourrait se faire en fonction des droits de la personne. C'est nécessaire, étant donné l'équilibre qu'il faut trouver entre la sécurité et le respect des droits de la personne. Comme M. Neve et moi-même le disions plus tôt, c'est déjà inscrit dans les dispositions relatives aux droits de la personne.
    Comme vous le disiez, cette loi est passablement récente. Il faut donc laisser aux tribunaux le temps d'en interpréter les dispositions pour déterminer ce qui peut contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés. C'est la façon dont fonctionne notre système de justice.
     Partagez-vous mon avis à ce sujet?
    Bien sûr, je suis d'accord avec vous, mais encore une fois, nous serions rassurés s'il y avait des balises et des garanties à cet égard. Nous comprenons très bien que les politiques touchant la sécurité nationale et leur mise en pratique doivent toujours évoluer, faire l'objet d'essais, voire d'erreurs dans certains cas.
    Nous demandons, à titre de deuxième garantie, qu'il y ait un modèle canadien de surveillance. En effet, nous ne disposons pas d'un organisme de surveillance intégré et complet qui attire l'attention sur la nécessité d'apporter des correctifs à certains endroits. À mon avis, c'est ce qui manque véritablement au Canada. Cela nous permettrait d'évoluer en fonction du respect du droit et des besoins en matière de sécurité. Si le Canada disposait de ce cadre d'examen intégré et complet, et que des organismes indépendants jugeaient des pratiques des instances de sécurité nationale, je pense que nous serions tous gagnants.
     À ce propos, j'aimerais revenir sur une question qui a été posée par mon collègue M. Clement. J'ose croire que le Canada est un chef de file, à tout le moins qu'il est dans le peloton de tête en matière de respect des droits et des libertés individuelles.
    Pouvez-vous nous donner des exemples d'autres pays qui se seraient dotés d'un cadre d'examen indépendant ou d'un organisme indépendant pour superviser tout cela?
     Je laisserai mon collègue Alex Neve compléter mes propos, car il pourra probablement fournir davantage de références à cet égard. Pour ma part, je sais que d'autres pays, notamment l'Angleterre, ont créé de tels comités parlementaires. Nous reconnaissons tous ici que le projet de loi C-22 parle d'un comité parlementaire sur la sécurité nationale, mais ce mécanisme atteint souvent ses limites.
    Les agences de sécurité nationale ont parfois des difficultés à travailler ensemble, et nous l'avons malheureusement constaté par le passé. Les organisations ont en effet une culture qui est propre à chacune. C'est pourquoi d'autres pays, et même le Canada, peinent à mettre en place un organisme susceptible de superviser l'ensemble. Il faudrait passer outre ces différences culturelles et ce passé pour pouvoir le faire.
    Mon collègue serait peut-être en mesure de mieux répondre à votre question.
    Monsieur Neve, existe-t-il, dans l'un ou l'autre pays de la planète, un organisme ayant le mandat de faciliter cette supervision?

[Traduction]

    Il n'y a aucun pays auquel nous décernerions la médaille d'or...
    Y aurait-il au moins une médaille de bronze?
    Il est rare qu'Amnistie donne une médaille d'or. Quoi qu'il en soit, nous croyons qu'il y a d'autres pays qui sont beaucoup plus avancés, et Béatrice a souligné l'importance de mettre en place un mécanisme d'examen indépendant, détaillé et spécialisé.

[Français]

    En quelques mots, quelles pistes de solution pouvez-vous nous offrir, vous ou M. Leuprecht, qui nous permettraient d'obtenir cette sécurité que constituerait un organe indépendant de surveillance?

[Traduction]

    Nous croyons que le juge Dennis O'Connor a proposé un cadre il y a 10 ans à la suite de l'enquête sur Maher Arar. On lui avait demandé d'en recommander un. Il y a réfléchi en profondeur. Il a soumis au Canada une recommandation très détaillée et il a pour ce faire analysé les modèles en place dans divers pays, puis s'est inspiré des meilleurs.
    Cela remonte toutefois à il y a 10 ans. Nul besoin d'adopter son modèle exactement comme il l'a proposé il y a 10 ans, mais il est clair qu'il y a une base là.

[Français]

    Vous parlez d'une proposition qui a été faite par le juge O'connor.
    Je reviens sur la question que j'ai posée à votre collègue. Y a-t-il des exemples, quelque part sur la planète, de pays qui offrent ce genre de service et où il existe un tel organisme?
    Monsieur Leuprecht, souhaitez-vous répondre à ma question?
(1730)
    Oui, merci.
    Je vous invite à prendre connaissance de mon étude sur le projet de loi C-22, dans laquelle j'établis une comparaison entre de nombreux pays. Cette étude, qui sera publiée d'ici quelques semaines, répondra précisément à cette question et expliquera pourquoi le projet de loi, dans sa forme actuelle, n'atteindrait pas l'objectif qu'il se donne.
    Pouvons-nous obtenir une primeur quant à son contenu? Existe-t-il un pays à qui vous pourriez remettre une médaille d'or?
    Je vous ferai éventuellement part de tout cela.
    D'accord. Merci beaucoup.

[Traduction]

    C'est tout. Je vous remercie.
    Avant de remercier les témoins, j'aimerais rappeler à tous que nous nous réunirons mercredi. Nous recevrons deux témoins conjointement au cours de la première heure, qui s'exprimeront au nom du Conseil national des musulmans canadiens et de l'Association du Barreau canadien. Au cours de la deuxième heure, nous délibérerons à huis clos pour donner nos instructions aux analystes, afin qu'ils puissent commencer la rédaction de notre rapport sur le Cadre de sécurité nationale. Nous verrons à quel point nous pourrons nous avancer. Nous recevrons également le procès-verbal de la rencontre du sous-comité dont M. Miller a parlé.
    J'espère que tout le monde a passé une bonne Saint-Valentin.
    Je remercie nos deux témoins. Votre témoignage nous a été très utile.
    La séance est levée.
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