SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 8 février 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La 52e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale est ouverte.
Nous poursuivons notre étude du cadre de sécurité nationale. Aujourd'hui, notre témoin est M. Noah Shack, du Centre consultatif des relations juives et israéliennes.
Je disais à M. Shack, avant que nous commencions, que lorsque nous avons une heure et seulement un témoin, le temps peut être long. Je vais lui donner le privilège de nous dire quand ce sera assez. Normalement, lorsque nous recevons deux témoins, nous avons 20 minutes d'exposés, puis les témoins se partagent 40 minutes, ce qui représente une peine d'environ 20 minutes.
Si nous le faisons de cette façon, ce sera comme une peine à perpétuité. Nous prendrons donc garde de ne pas vous donner l'impression que vous êtes sur la sellette.
Bienvenue. Lorsque vous penserez avoir apporté toute votre expertise et lorsque nous estimerons en avoir profité pleinement, nous nous ferons signe.
Merci de votre présence et merci de représenter le CIJA. Nous sommes très reconnaissants au CIJA du travail qu'il accomplit et nous sommes ravis de recevoir vos observations sur le cadre de sécurité nationale.
Merci, monsieur le président, merci, mesdames et messieurs, de me recevoir. Espérons que vous arriverez rapidement à tirer de moi tout ce que j'ai à offrir.
Je suis ravi d'être ici cet après-midi au nom du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, le porte-parole des Fédérations juives du Canada, qui représentent environ 150 000 Canadiens juifs affiliés d'un océan à l'autre par l'intermédiaire de leur fédération locale.
Selon Statistique Canada, les Canadiens juifs sont le groupe identifiable le plus souvent victime de crimes motivés par la haine et les préjugés. La haine ancienne et toxique des Juifs ne se rencontre pas uniquement au Canada; elle est reléguée, à juste titre, en marge des sociétés démocratiques comme la nôtre. Fait alarmant, toutefois, l'antisémitisme continue de se manifester par de violents actes de terrorisme, souvent inspirés par une idéologie islamiste tordue.
Les communautés juives constituent une cible principale de la violence terroriste partout dans le monde. Des attaques ont été perpétrées contre les Juifs en Israël, en Argentine, en Belgique, au Danemark, en France, en Italie et aux États-Unis; des hommes, des femmes et des enfants innocents ont été tués chez eux, dans des lieux de culte et dans des centres communautaires. En tant que communauté à risque, nous sommes très intéressés par l'approche adoptée par le Canada pour assurer la sécurité nationale de façon générale et pour lutter contre le terrorisme en particulier. Il y a beaucoup de crainte au sein de notre communauté non seulement par rapport à la possibilité que des Canadiens juifs soient blessés dans des attaques à l'étranger, mais aussi relativement à la possibilité, voire la probabilité, que de telles attaques se produisent ici au Canada.
Le souvenir de la bombe incendiaire lancée contre une école juive de Montréal en 2004 est très vif et il a été ravivé par les menaces faites par les comploteurs de l'attaque à la bombe contre VIA Rail concernant des cibles juives, ainsi que par l'appel lancé par Al-Shabaab, une entité terroriste inscrite, pour exhorter les gens à attaquer des entreprises juives en Amérique du Nord, y compris le West Edmonton Mall.
En outre, dans son Rapport public de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada, Sécurité publique souligne que le Hezbollah, l'entité terroriste présumée responsable de l'attaque à la bombe lancée contre un centre communautaire de Buenos Aires en 1994, a des réseaux actifs au Canada.
Nous sommes encouragés par le fait que le gouvernement actuel et ses prédécesseurs ont constamment pris des mesures importantes pour protéger les Canadiens contre la violence terroriste. Nous vous sommes reconnaissants de nous permettre de vous faire part de notre point de vue et nous espérons pouvoir vous aider à élaborer un cadre stratégique national qui assurera la sécurité des Canadiens au pays et à l'étranger.
De nombreuses attaques terroristes, comme celle qui a coûté la vie au caporal Nathan Cirillo ici en 2014, sont inspirées par les messages de groupes terroristes, mais ne sont pas nécessairement le résultat d'appels directs à commettre des gestes précis. La disposition du Code criminel touchant la saisie de propagande terroriste répond à cette réalité; elle contribue ainsi à la lutte contre la radicalisation et à la prévention du recrutement terroriste au Canada.
À cet égard, la vidéo d'Al-Shabaab que j'ai mentionnée est pertinente. Si un message comme celui-là était publié en ligne demain au Canada, un juge pourrait ordonner que les fournisseurs canadiens de service Internet le suppriment, ce qui en limiterait la portée. Les détracteurs de la disposition se sont dits préoccupés par la portée possible de l'expression « propagande terroriste » et ils se sont demandé si elle risquait d'exposer à la censure les idées offensives non liées directement à la violence. Notre communauté est profondément résolue à promouvoir la liberté civile et la libre expression pour tous les Canadiens, mais aucun de ces deux droits ne peut être absolu dans une société démocratique libérale.
La saisie de la propagande terroriste restreint la portée du discours acceptable, mais c'est là, à notre avis, une limite dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Cette restriction établit un juste équilibre entre la liberté d'expression et les droits de chaque personne à la vie et à la sécurité.
À cette disposition s'ajoute la criminalisation de la préconisation et de la fomentation de la perpétration d'infractions de terrorisme en général. Les détracteurs ont soutenu que les dispositions juridiques existantes criminalisant l'incitation au crime étaient suffisantes et que la portée de celle-ci est trop vaste. Toutefois, les recruteurs terroristes adoptent souvent une approche évoluée. Ils peuvent cerner les limites de la loi et adapter leur approche en conséquence, de sorte que, même s'ils incitent au terrorisme, leurs énoncés sont assez généraux pour ne pas enfreindre la loi.
Un membre fondateur d'Al-Qaïda devenu agent double de MI-5, Aimen Dean, a décrit à la BBC comment il avait réussi à contourner les lois britanniques interdisant l'incitation au terrorisme. Il était libre de donner des justifications théologiques pour des attaques et pour promouvoir les actions d'Al-Qaïda sans violer la loi. Il a fait l'observation suivante: « Vous ne pouvez pas expressément exhorter quelqu'un à agir, à déclencher une attaque [...] Vous devez veiller à choisir judicieusement les mots que vous employez. »
La disposition prive ceux qui cherchent à radicaliser ou à recruter des Canadiens de la latitude légale leur permettant d'utiliser leurs paroles habilement, mais dangereusement.
L'appel par Al-Shabaab incitant à attaquer des entreprises juives a été considéré par la GRC comme un commentaire très général, et non une menace précise. C'est ce qu'elle a dit. La criminalisation de l'incitation générale à la violence terroriste complique la tâche aux individus ou aux groupes cherchant à provoquer de cette façon la perpétration d'attaques contre des Canadiens.
Le CIJA attend avec intérêt la création du Bureau du coordonnateur de la sensibilisation des collectivités et de la lutte contre la radicalisation, qui ne devrait pas tarder, si j'ai bien compris. Il s'agit d'une initiative importante. Si on lui donne les ressources et le mandat nécessaires à son succès, il deviendra un composant essentiel du cadre de sécurité nationale du Canada. Pour maximiser l'influence de ce bureau et en assurer le succès, il faut absolument le charger non seulement de déradicaliser les personnes qui se sont déjà engagées sur la voie de l'extrémisme violent, mais aussi de prévenir la radicalisation des personnes qui y sont susceptibles. En combattant la haine, nous pouvons aider à enrayer le processus de radicalisation dès le point de départ. À cet égard, les Juifs jouent souvent le même rôle que le canari dans la mine de charbon.
Le major-général à la retraite Ed Fitch a dirigé l'équipe rouge des Forces canadiennes chargée de simuler des attaques terroristes contre les Olympiques de Vancouver afin de déceler les failles du plan de sécurité qu'on mettait en place. Il a récemment souligné ce qui suit dans The Hill Times:
Les services de sécurité européens reconnaissent que les attaques islamistes perpétrées contre la population générale ont été présagées par des actes de terrorisme semblables touchant des cibles juives, y compris un musée juif en Belgique, une synagogue au Danemark, ainsi qu'une école juive et un supermarché casher en France — toutes des attaques faites au cours des dernières années.
Au Canada, les organismes de sécurité doivent continuer à collaborer étroitement avec la communauté juive pour surveiller l'extrémisme antisémite comme signe avant-coureur permettant d'identifier les personnes susceptibles de se radicaliser.
La ville de Berlin instaure actuellement un programme pilote en ce sens. Le programme est financé par le gouvernement fédéral allemand. Il est centré sur le rôle joué par les enseignants dans la détection de l'antisémitisme comme signe avant-coureur de la radicalisation. Il vise à former les enseignants à intervenir et à éloigner les jeunes vulnérables de cette voie dangereuse.
Qu'il soit question des attaques contre une synagogue à Jérusalem, une boîte de nuit gaie à Orlando, une église afro-américaine à Charleston ou une mosquée à Québec, la haine extrême continue à engendrer de la violence extrême. Les mesures de lutte contre la radicalisation prises par le Canada devraient s'attaquer précisément à la haine envers les Canadiens juifs, les Canadiens noirs, les Canadiens LGBTQ, les Canadiens musulmans, les femmes ou tout autre groupe identifiable, haine qui pourrait servir de base à de l'extrémisme violent.
Des messages de haine peints à la bombe, des pierres lancées à travers des fenêtres et d'autres gestes de destruction de biens motivés par la haine peuvent aussi être des indices de radicalisation ou des signes avant-coureurs de futurs crimes violents graves. En vertu des lois actuelles, les méfaits motivés par la haine et les préjugés ciblant un établissement religieux comme une synagogue représentent une infraction particulière entraînant de lourdes peines précises. Toutefois, cette désignation ne s'applique pas à d'autres établissements comme les écoles et les centres communautaires, qui sont aussi trop souvent ciblés.
Le projet de loi C-305, que j'espère que vous appuierez tous ce soir à la deuxième lecture, comblerait cette lacune dans le Code criminel en rendant les personnes qui ciblent les lieux de culte et d'autres installations communautaires passibles des mêmes peines. Nous exhortons tous les partis à faire avancer le projet de loi rapidement à travers les étapes du comité et de la troisième lecture afin qu'il devienne loi.
De plus, le gouvernement doit absolument aider les communautés vulnérables à prévenir les attaques ou du moins à en minimiser les dangers. Le Programme de financement des projets d'infrastructure de sécurité du gouvernement fédéral, le PFPIS, aide les collectivités qui risquent d'être la cible de crimes motivés par la haine à améliorer leurs infrastructures de sécurité, ce qui envoie le message clair que les groupes ciblés par la haine n'ont pas à porter le fardeau seuls.
Depuis le lancement du PFPIS en 2008, la nature des menaces et le coût des mesures de sécurité ont beaucoup changé, et le nombre de groupes à risque et leurs besoins aussi. Les synagogues sont ciblées et touchées de manière disproportionnée par les crimes haineux, mais des temples sikhs, des mosquées islamiques, des temples hindous et des églises chrétiennes ont aussi été ciblés.
Selon Statistique Canada, en moyenne, trois crimes haineux sont commis chaque jour au Canada. Il peut s'agir de graffitis racistes, de vandalisme grave, d'incendies criminels, de voies de faits et, parfois, d'actes de violence extrêmes.
Les infrastructures de sécurité sont nécessaires pour protéger les établissements communautaires à risque contre une variété de menaces. Les synagogues, les écoles et les centres communautaires juifs craignent de plus en plus les situations de tireur actif, semblables aux attaques terroristes ayant eu des bilans tragiques ailleurs.
Le CIJA a bien accueilli les mesures prises récemment par le ministre de la Sécurité publique pour moderniser le PFPIS. En particulier, le soutien des mesures internes de sécurité et des contrôles d'accès aura une grande incidence sur la sécurité et le bien-être des groupes vulnérables. En même temps, nous avons proposé au gouvernement des améliorations additionnelles qui renforceraient davantage l'efficacité du PFPIS. Je serais ravi d'en parler durant la période de questions.
Je suis probablement rendu à environ 10 minutes; je vais donc m'arrêter là. Je serais ravi de discuter de tous les sujets que j'ai abordés jusqu'à maintenant, y compris les recommandations visant à améliorer le PFPIS, en plus de notre position par rapport au rôle élargi du SCRS et à la surveillance adéquate.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci de votre présence, monsieur Shack. Je suis heureux de vous revoir. Merci pour l'important travail que vous accomplissez.
Tout récemment, lors d'une attaque terroriste atroce et cruelle perpétrée à Québec, six hommes ont été abattus pendant qu'ils priaient, ce qui est un des gestes les plus sacrés, voire le plus sacré, dans toutes les religions. Depuis, la teneur de la conversation a beaucoup changé, et la conversation se poursuivra après les funérailles.
J'aimerais accepter votre offre de nous en dire plus au sujet du PFPIS. D'abord, quel genre d'améliorations appuieriez-vous? Quelles contributions concrètes ce programme peut-il apporter? Comment peut-il nous aider à maintenir l'ouverture, la tolérance, la conversation et le dialogue que nous avons établis au pays sans aller trop loin dans la fortification de nos lieux de prière?
Je trouve important que nous ayons ces conversations maintenant, après l'horrible attaque qui a eu lieu à Québec. Je me souviens comment je me sentais, en tant que Canadien juif, après l'attaque similaire perpétrée contre la synagogue de Jérusalem. Bien sûr, un Torontois a aussi été tué là-bas pendant qu'il priait. Mes pensées vont à toutes les personnes qui ont été touchées de façon si semblable ici au Canada. Ces choses-là ne devraient pas arriver.
J'ai cru comprendre que la mosquée de Québec avait des caméras de sécurité à l'extérieur, mais qu'elle n'avait pas suffisamment de contrôles d'accès ou de verrous qui auraient pu servir d'obstacles additionnels et protéger les gens à l'intérieur. C'est un des éléments que le gouvernement a ajoutés récemment au Programme de financement des projets d'infrastructure de sécurité, pour aller au-delà des mesures externes comme les caméras de sécurité et les clôtures, et pour prendre des mesures internes permettant d'empêcher une personne entrée dans l'édifice ou sur les lieux d'aller plus loin et de causer des dommages aussi horribles.
Nous aimerions ajouter trois choses à cela. Premièrement, il faudrait modifier la formule de financement. À l'heure actuelle, le gouvernement finance les projets d'infrastructure de sécurité approuvés à parts égales, jusqu'à concurrence de 100 000 $. Il s'agit d'un soutien précieux. Je peux parler au nom de ma communauté. Nous sommes très reconnaissants de toute l'aide que ce programme nous a apportée. Toutefois, certains groupes n'ont pas les ressources nécessaires pour payer toute leur part. À notre avis, ce critère devrait être assoupli pour les établissements à risque qui peuvent prouver leurs besoins. Il devrait y avoir un processus d'approbation fondé sur les besoins pour les groupes défavorisés.
Deuxièmement, nous recommandons d'élargir le programme pour inclure les gardiens de sécurité. Les gens sont souvent surpris d'apprendre que de nombreux établissements juifs ont des gardiens de sécurité à temps plein, mais durant les périodes de préoccupation accrue, notamment les Grandes Fêtes juives, on engage des agents de service rémunérés pour protéger les synagogues pendant que les gens prient à l'intérieur. Cela coûte très cher aux communautés, et je suis certain que nous ne sommes pas les seuls à avoir ce besoin. Je présume que pendant la période du ramadan, la communauté musulmane aimerait aussi que le programme soit élargi pour inclure le soutien de l'embauche de gardiens de sécurité occasionnels durant les périodes de menace accrue.
Troisièmement, nous recommandons de changer le plafond de financement. J'ai mentionné le partage à parts égales, jusqu'à concurrence de 100 000 $. Certains projets coûtent plus de 100 000 $, et souvent, ils ne sont pas réalisés. Qu'il s'agisse d'entourer une propriété d'une clôture ou autre, les coûts peuvent grimper rapidement; nous voudrions donc que le plafond pour un projet individuel soit supérieur à 100 000 $. Je ne pense pas que ce soit pour la majorité des projets; ce serait pour un petit nombre d'entre eux. Toutefois, c'est une mesure qui améliorerait certainement le programme.
Je vous remercie. C'est très utile.
Monsieur Shack, s'il est sorti quelque chose de bon de la tragédie qui a eu lieu à Québec — l'attaque la plus récente à s'être produite dans notre pays —, c'est la façon formidable dont les communautés confessionnelles se sont rassemblées. Des juifs, chrétiens, bouddhistes et membres d'autres confessions religieuses se sont rassemblés, et dans bien des cas, ont entouré les mosquées afin de protéger symboliquement nos lieux de prière. Cela nous permet de nous concentrer avec une énergie nouvelle sur la discussion qui a cours et de dire que nous devons faire quelque chose contre la radicalisation.
Je me demande si vous pourriez nous donner une perspective plus précise de vos attentes concernant l'interaction communautaire et le programme de lutte contre la radicalisation. Plus précisément, comment pouvons-nous toucher les coeurs et changer les mentalités concernant la déradicalisation et la prévention de la radicalisation pour commencer?
Comme je l'ai dit dans ma déclaration, je pense que combattre la haine est l'un des aspects les plus importants vers lesquels il faut canaliser les ressources. Je crois que la haine est un ingrédient essentiel dans la conversion d'un citoyen normal en quelqu'un qui est prêt à commettre des actes de violence aussi atroces, et la recherche en Europe a démontré que c'est le cas.
Du point de vue de la communauté juive, si les efforts nationaux visaient notamment à détecter et combattre les attitudes antisémites, je pense que cela aiderait énormément. Cela ne se limite forcément pas à cela. Nous ne sommes pas le seul groupe ciblé et impliqué.
Est-ce qu'il existe des méthodes éprouvées pour combattre la haine, pour ceux qui ne sont pas experts dans l'art ou la science de le faire? À quoi les gens répondent-ils le mieux quand ils sont pris dans une spirale de haine? Comment arrêter cela?
Le programme pilote allemand existe depuis un an, et c'est un programme de cinq ans. J'espère qu'au bout de cette période, nous constaterons de formidables résultats. Les enseignants, qui entretiennent des liens avec les élèves, étant avec eux à coeur de jour, peuvent les guider et résoudre ce genre de problème à la source.
Lors des audiences qui ont porté sur le projet de loi C-51, nous avons recommandé la mise sur pied d'un effort national de lutte contre la radicalisation qui accomplirait essentiellement l'une des choses dont vous parliez précédemment, et c'est de rassembler les communautés afin de leur donner un visage humain. Cet effort créerait une tribune permettant le dialogue et l'interaction en personne. Qu'il soit question des communautés juives, musulmanes ou chrétiennes, de communautés confessionnelles ou autres, il est important que personne ne vive en vase clos, avec pour seules interactions avec l'autre groupe la diffusion de messages haineux.
Merci, monsieur Shack, d'être ici et de représenter les points de vue de votre organisation. Je sais que vous avez beaucoup réfléchi à certaines de ces questions, alors je vous en sais gré.
Comme vous l'avez dit dans votre déclaration aux multiples facettes, la population juive est sans contredit une cible majeure des crimes haineux perpétrés au Canada, malheureusement. Selon les statistiques que j'ai obtenues, la communauté juive est l'une des communautés les plus vulnérables, sinon la plus vulnérable, compte tenu des 55 crimes haineux par tranche de 100 000 personnes juives qui sont perpétrés chaque année. C'est un problème constant, et je suis ravi que vous ayez soulevé cela.
J'aimerais vous laisser la parole. Vous avez mentionné beaucoup de choses, déjà, concernant la façon de cerner un programme de lutte contre la radicalisation. Pouvez-vous aller plus en profondeur sur la façon dont nous pouvons changer la psychologie? J'ai remarqué que vous avez parlé de la façon dont la population juive pourrait être le canari dans la mine de charbon. Les problèmes commencent par des graffitis ou des attaques de ce genre, mais cela peut mener à d'autres actes de violence.
Cependant, à cause de la radicalisation qui peut naître en ligne, il peut arriver que l'auteur des actes passe directement de ses activités en ligne à l'action. Je vous invite à approfondir la réflexion sur la meilleure façon de contrer ce genre de phénomène.
Le phénomène du passage direct de l'activité en ligne à l'attaque est une chose sur laquelle nous devons tous faire le point. Je crois qu'il y a une perception, et je ne sais plus dans quelle mesure elle est répandue, mais vous avez... Ce que je veux dire, c'est qu'il y a divers modèles. Vous avez les groupes terroristes hautement organisés, au sein desquels il y aura la planification centralisée d'attaques, la formation de gens pour exécuter ces attaques, et les ordres donnés pour l'exécution des attaques. C'est très systématique. Ces attaques sont beaucoup plus faciles à perturber, car il y a beaucoup d'échelons entre le début et la fin.
C'est la raison pour laquelle, comme je l'ai déjà dit, les mesures instaurées par le projet de loi C-51 sont si importantes. Elles donnent les outils qui permettent d'atténuer ou de perturber les attaques organiques qui sont inspirées par des messages, mais pas nécessairement commandées à partir d'un point central. Dans notre examen général de la lutte contre la radicalisation, je crois important de rassembler les communautés et de faire porter l'attention sur le rejet de notions de haine à l'intérieur des communautés. Bien sûr, il faut qu'une grande partie du travail se fasse au sein même des communautés. Il est certainement utile de réunir diverses communautés, mais au bout du compte, les communautés touchées par la radicalisation doivent travailler à résoudre ce problème en leur sein même.
Mais il n'y a pas que cela. Il faut aussi des outils pour que notre appareil de sécurité et nos services policiers puissent faire obstacle aux attaques inspirées par les messages plutôt que commandées par une organisation.
Changeons de perspective, un instant. Nous avons manifestement des dispositions dans le Code criminel. Nous avons des organisations comme les Frères musulmans, par exemple, qui sont présents au pays et qui ont été identifiés en tant que promoteurs du terrorisme dans d'autres pays.
Je sais que le Royaume-Uni a une disposition contre la propagande. Connaissez-vous cela, et pouvez-vous nous en parler? Est-ce qu'il y a d'autres techniques qui peuvent servir à lutter contre ces organisations internationales?
Je ne connais pas les détails de ce qui existe au Royaume-Uni. Il est sûr que la saisie de la propagande terroriste et la criminalisation de la défense ou de la promotion du terrorisme sont des choses importantes pour les groupes qui ne correspondent pas à la désignation traditionnelle d'organisation terroriste et pour les particuliers qui n'évoluent pas dans ce cadre. Si un message provenant d'un groupe comme les Frères musulmans devait se rendre sur le territoire, c'est une bonne manière d'y mettre un frein.
Il peut être difficile, si ce n'est impossible d'inscrire une organisation comme les Frères musulmans sur la liste des organisations terroristes, car ce groupe ne répond pas aux critères. Cependant, s'il s'adonne à des activités qui sont considérées comme étant des infractions de terrorisme ici, comme la promotion d'activités terroristes, ou s'il diffuse de la propagande terroriste, ces outils sont là pour mettre un frein à cela.
Sous un autre angle, compte tenu de ce qui s'est produit à Québec récemment, une collègue libérale a présenté la motion M-103. Je ne sais pas si vous la connaissez. Elle comporte beaucoup de choses, mais d'après ce que j'ai constaté dès le début, je dirais qu'elle n'est pas inclusive. Elle nomme une religion. Si vous aviez la chance de la regarder... Je pense qu'elle serait meilleure si elle était modifiée. Je sais que ce n'est pas pour cela que vous êtes ici aujourd'hui, mais je me posais simplement des questions sur l'inclusion et sur les efforts pour mettre un frein à tout ce qui empêche les gens de pratiquer leur religion dans leur lieu de culte. Pouvez-vous nous parler de cela?
Je n'ai pas lu attentivement la motion, alors je ne peux pas parler des détails, mais je peux vous dire qu'il y a deux côtés. Nous devons bien sûr nous exprimer fermement sur l'importance de la liberté de religion, ici au Canada, et sur l'importance du respect de la conscience et de l'absence de haine. C'est pour tous les citoyens du Canada. De l'autre côté, pour la communauté juive, les crimes haineux perpétrés contre les juifs au Canada sont constamment plus nombreux. Comme M. Clement l'a indiqué, c'est le cas depuis longtemps. Les incidents visant des musulmans canadiens augmentent le plus rapidement, même s'ils ne sont pas aussi nombreux, alors je comprends l'anxiété des musulmans canadiens, et je crois qu'il est important de reconnaître ce qu'ils vivent. Cela peut être effrayant.
[Français]
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Monsieur Shack, je vous remercie de votre présence.
J'aimerais concentrer mon attention sur la question de la lutte contre la radicalisation. J'aime ce que vous avez dit: résoudre ce problème à la source. Je pense que c'est l'un des éléments importants. Dans le cadre de cette étude, nous avons eu l'occasion de visiter le centre, à Montréal. L'une des choses que les gens qui y travaillent nous ont signalées, c'est la montée de toutes les formes de radicalisation, y compris les jeunes qui deviennent des néonazis.
Pour les événements tragiques de Québec, ce que nous avons vu, c'est une attaque alimentée par l'islamophobie, mais cela aurait très bien pu être une attaque alimentée par l'antisémitisme, manifestement. Les nombres ne mentent pas, malheureusement, concernant ce que vit la communauté.
Je me demande quelles sont vos idées à ce sujet. Ce n'est pas parfait, mais c'est certainement unique en Amérique du Nord, et j'aimerais savoir ce que vous pensez de ce qui s'est produit à Montréal et ce que vous voyez comme leçons à tirer de cela. Avez-vous d'autres idées sur le plan du gouvernement fédéral et sur ce qu'il devrait faire? Je sais que nous avons parlé du coordonnateur, mais nous ne devons manifestement pas nous limiter à ce seul rôle. Pouvez-vous nous dire un peu ce que vous pensez de cela?
Oui. Je pense que vous avez souligné quelque chose d'important: il y a une montée de la radicalisation parmi les divers groupes. À n'en pas douter, divers types de haine ont alimenté cela. Vous avez vu des attaques contre la communauté LGBTQ, contre les Canadiens noirs, et vous en avez vu à l'échelle internationale aussi. C'est très effrayant. Je ne voudrais pas donner l'impression que notre communauté n'a peur que des attaques venant de personnes ayant une idéologie islamiste tordue. Les néo-nazis représentent un autre problème à régler, bien sûr. Je pense que nous devons envisager les choses globalement, sans perdre de vue les circonstances particulières.
Comme je l'ai dit, je pense qu'il est important de se concentrer sur la haine, si c'est possible, grâce à des activités comme celles qui sont organisées par l'institut, à Montréal, et celles que le coordonnateur financera et dirigera, je l'espère, ainsi que grâce aux communautés particulières qui se rassembleront à cette fin aussi. Il n'incombe pas seulement au gouvernement de faire des choses. Dans toute la mesure du possible, il faut avant tout que les communautés se rassemblent autour de ces enjeux. Il est facile de perdre cela de vue. L'attention est portée exclusivement sur la déprogrammation des personnes qui se trouvent sur cette voie. C'est un élément important, mais il serait bon d'éradiquer la haine au Canada dans toute la mesure possible — regarder même au delà de la radicalisation et du terrorisme. Heureusement, nous vivons dans un pays où la haine destructrice est marginale. Il faut faire en sorte que cela n'évolue pas et travailler à repousser cela.
... la peur n'existe que pour un groupe. En fait, je pense que ce qui nous cause des difficultés — et je suis sûr que mes collègues sont d'accord avec ce qu'on nous a dit au centre quand nous y sommes allées —, c'est que la haine sous toutes ses formes est en croissance. Nous sommes peut-être aussi plus sensibles à la haine, mais il y a aussi l'accès facile à l'information, n'est-ce pas? Malheureusement, l'information n'est pas toute bonne, et elle peut propager la haine.
Vous avez mentionné, par exemple, pour les genres d'initiatives qui pourraient venir du coordonnateur, une sorte de table ronde. Avez-vous d'autres idées sur les initiatives qui pourraient être prises pour faire obstacle à la radicalisation? De plus, je pense qu'il faut un volet éducation. Avez-vous d'autres idées que vous aimeriez nous soumettre?
Je pense que le modèle qui est mis à l'essai en Allemagne en est un bon. Je sais qu'ils envisagent de le mettre en oeuvre à l'échelle nationale s'il est efficace à...
Je ne veux pas vous interrompre, mais cela m'intéresse, et j'allais vous interroger à ce sujet. Avant que vous poursuiviez — je sais que vous avez dit qu'il est peut-être trop tôt pour en parler —, est-ce qu'il y a quoi que ce soit de préliminaire que vous pourriez nous dire à ce sujet?
Le programme serait efficace, à première vue. On dirait bien qu'ils vont de l'avant. Les cas de manifestations antisémites semblent diminuer.
Je ne crois pas que le processus de radicalisation se fait du jour au lendemain, alors je crois qu'ils doivent se pencher là-dessus sur une bonne période de temps. Préparer les enseignants à cela est certainement un élément important. Je suis sûr que certains enseignants sont naturellement bien équipés pour faire face à une situation de ce genre et pour traiter avec un élève qui risque de se radicaliser ou qu'on essaie de radicaliser, mais j'imagine que ce n'est pas le cas de la plupart d'entre eux. Je ne crois pas qu'il existe une formation officielle qui les aide et leur donne les outils nécessaires pour venir en aide aux jeunes.
Les enseignants sont au front. Les enseignants comptent parmi les personnes les plus importantes, quand il s'agit de façonner les futurs Canadiens. Si nous pouvons intégrer les efforts de prévention de la radicalisation et de prévention de la haine à ce niveau, je pense que cela aura beaucoup d'effet.
Je vais changer d'angle un peu. Le PFPIS est certainement important, et nous en sommes contents. Surtout après ce qui s'est produit à Québec, je pense que c'était une bonne idée de la part du gouvernement de repousser l'échéance, car les gens peuvent mieux comprendre la nécessité d'un tel programme et, même, être mis au fait de son existence.
J'aimerais vous entendre sur un aspect en particulier. J'admets — vous l'avez dit vous-même — que tout le monde ne comprend pas nécessairement que les gardiens de sécurité et ce genre de choses... Surtout dans un lieu où les gens se rassemblent pour prier, en communauté, cela peut être frappant. Je me demande comment concilier le besoin de sécurité physique avec cela, et j'aimerais savoir quelles autres mesures pourraient être prises pour qu'une communauté sente qu'elle est chez elle dans son lieu de prière.
Votre question est très intéressante. À n'en pas douter, nous le sentons tous quand nous voyons des gardiens de sécurité et que nous devons passer. Je travaille au centre communautaire juif de Toronto. Pour me rendre à mon bureau, je dois passer par deux postes de contrôle. C'est une chose qu'on remarque. On remarque les mesures qui sont en place à l'extérieur aussi. C'est du moins mon cas.
Je ne pense pas qu'il y ait une réponse facile. Je pense que nous sommes prêts à faire le sacrifice d'avoir cela sous le nez pour éviter que de terribles événements se produisent. Quand vous voyez...
Oui, je dois me soumettre à une vérification de sécurité, comme ce serait le cas ici. J'ai un laissez-passer, alors c'est plus facile. C'est devenu la réalité. Les attaques qui se sont produites à l'étranger sont plus effrayantes pour les gens que les mesures qui sont mises en place pour prévenir de telles attaques.
Voyez la solution de rechange adoptée, comme en France. Après les attaques de Paris, en France, 5 000 soldats français ont été déployés dans les établissements communautaires juifs pour les protéger. Je préfère une infrastructure de sécurité qui permet la surveillance à l'extérieur et un accès sans réserve à l'intérieur, et la présence d'un gardien de sécurité quand la situation est grave, plutôt que de voir des soldats munis d'armes automatiques postés devant chaque édifice.
Je dois vous dire que de nombreux membres de notre communauté aimeraient que des soldats soient postés à l'extérieur des immeubles communautaires, car ils ont peur, sans cela. C'est compliqué.
Merci beaucoup.
Merci d'être ici. Pendant que je vous écoutais parler, j'en suis venue à penser à la communauté juive, qui a été ciblée plus que tout autre groupe au fil des ans. À mon avis, c'est pour cette raison même que cette communauté est probablement la plus compatissante et la plus proactive pour appuyer la communauté musulmane qui est maintenant la cible des crimes haineux. C'était juste une observation par rapport à votre propos. C'est ce que j'ai remarqué dans ma propre collectivité.
Il y a environ cinq ans, le CIJA a mené un projet pilote à Toronto, initiative qui s'appelait le réseau de sécurité communautaire. Des bénévoles ont reçu une formation en techniques d'observation et de contre-surveillance pour les aider à atténuer les menaces de terrorisme et de vandalisme touchant les synagogues, les écoles et les centres communautaires de la région. Je me demande si vous pourriez nous parler des résultats du programme et nous présenter des recommandations en fonction de ce projet pilote.
Je profite de l'occasion, dans la foulée de vos commentaires élogieux sur notre collaboration avec d'autres groupes, pour insister encore une fois sur l'importance du projet de loi C-305. Nous avons fait des efforts considérables pour nous mobiliser pour l'appuyer, et je crois savoir que 20 groupes issus de toutes les confessions ont fait de même. Il s'agit d'un excellent exemple de ce que nous pourrons accomplir à l'extérieur de notre communauté lorsque nous collaborons tous ensemble.
En ce qui concerne la formation en matière de sécurité et les programmes de ce genre — activités qui sont concentrées dans la région du Grand Toronto, mais qui sont aussi offertes à l'échelle nationale —, nous offrons des programmes de vérification aux institutions la communauté juive. Nos experts travaillent sur le terrain et conseillent les institutions sur les façons d'améliorer la sécurité des lieux. À titre d'exemple, cela peut être l'installation d'une pellicule pare-balles sur les fenêtres, ou des conseils sur les infrastructures qui doivent être mises en place ou sur la présentation d'une demande de subvention pour des projets d'innovation sociale. Cela a donné d'excellents résultats.
En outre, nous offrons une formation aux laïcs et aux groupes de bénévoles qui oeuvrent auprès de ces institutions, comme les synagogues ou les centres communautaires. La formation porte sur l'approche à l'égard des questions de sécurité et sur les méthodes d'intervention en cas d'incident. L'objectif est qu'ils sachent quoi faire et qui appeler, et qu'ils adoptent une approche coordonnée fondée sur les pratiques exemplaires des organismes d'application de la loi.
À votre avis, cela pourrait-il être intégré à une initiative fédérale plus large? Il va sans dire que vous ne pouvez visiter tous les lieux de culte.
Outre les infrastructures, les gens doivent connaître leurs besoins à cet égard, et beaucoup de consultants peuvent les informer. Certains d'entre eux sont formidables, et d'autres le sont moins, mais les choses sont ainsi.
S'il y avait moyen de réduire le rôle de ceux qui sont moins efficaces, ce serait formidable, et il faut évidemment former les gens... Nous avons une excellente collaboration avec les services de police à cet égard. Il s'agit d'une relation officieuse; ce n'est pas systématique, mais je pense qu'il serait très utile que d'autres communautés établissent de telles relations avec les services policiers. Cela permet, en cas d'incident, de savoir avec qui communiquer, de connaître les intervenants et l'approche à adopter auprès des services policiers pour que les interventions se déroulent le mieux possible. Beaucoup de choses peuvent être faites pour favoriser la coordination à cet égard.
Un témoin qui a comparu au Comité a indiqué que les solutions ou les stratégies ne devraient pas être de nature législative ni venir des échelons supérieurs, mais plutôt de la base, soit des services de police, des mosquées, des organisations confessionnelles et des groupes sociaux. Ce ne serait pas exclusivement ou principalement lié à l'application de la loi; il s'agirait plutôt d'une vision globale de la sécurité et du bien-être des collectivités. Plus tôt, nous avons discuté tous les deux du rabbin Wise, l'un des fondateurs de l'Interfaith Council of Halton, dans ma collectivité. Vendredi dernier, ce groupe a organisé un « cercle de paix » au centre islamique Al Falah, dans ma circonscription. Je me demande si vous pourriez parler des programmes communautaires de ce genre qui favorisent les rapprochements entre les groupes communautaires et les groupes confessionnels, et du rôle que peuvent jouer ces programmes ou ces initiatives dans la lutte contre la haine et la radicalisation.
Il est manifestement important d'amener les membres d'un groupe confessionnel donné à voir que les membres d'un autre groupe, qui font souvent l'objet de propos haineux, ne sont pas détestables et ne correspondent pas à l'image qu'on a d'eux. C'est un aspect essentiel, mais il est parfois difficile d'y parvenir à l'échelle des institutions. C'est plus facile dans le cadre de rencontres personnalisées, en tête-à-tête ou entre membres du clergé. Cet aspect est au centre de nos activités. Notre organisme compte une équipe qui se consacre exclusivement à l'établissement de partenariats avec d'autres communautés. Il ne s'agit pas seulement de groupes confessionnels, mais des groupes de tous les segments de la société canadienne, car même sur le plan de la défense des droits, la collaboration s'avère beaucoup plus efficace que le travail individuel de chacun. Il est important de trouver les occasions de collaborer sur des questions d'intérêt commun et de bâtir des ponts à tous les niveaux et à chaque occasion.
Trouvez-vous qu'il est difficile d'inciter les jeunes à participer à ces programmes? J'ai remarqué que les adultes se manifestent et participent à ce cercle de paix. Dans ma circonscription, une jeune femme qui oeuvre dans une mosquée a communiqué avec le rabbin Wise pour savoir s'il était possible de mobiliser les jeunes, mais les jeunes démontrent peu d'intérêt à participer dans ces groupes communautaires et interconfessionnels. Auriez-vous des commentaires à ce sujet?
Je pense que le manque de mobilisation des jeunes est un problème généralisé qui ne se limite pas à ces enjeux. Je peux vous dire qu'il y a de nombreuses activités de sensibilisation dans les universités. Hillel, par exemple, est un organisme pour étudiants juifs qui cherche à établir une présence juive sur les campus, un lieu de rencontre pour étudiants juifs. Je sais que diverses universités ont créé des partenariats avec des étudiants musulmans, par exemple, ainsi qu'avec des groupes d'étudiants chrétiens. Il y a diverses activités. Des groupes sont invités à participer à des activités de la communauté juive, à rencontrer des membres d'autres groupes et à participer à leurs activités, notamment des clubs de la communauté indo-canadienne ou de la communauté LGBTQ. Il y a toutes sortes d'activités visant à favoriser la participation des étudiants à la vie universitaire; des liens sont établis. Il est toutefois difficile pour les établissements d'inciter les jeunes à participer, de toute façon. Je ne connais pas la réponse.
Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissante de l'excellent travail que vous faites.
J'essaie toujours de réfléchir à un point central, à la façon dont les choses peuvent se placer, aux discussions que nous avons pour trouver des façons de régler certains de ces enjeux. Dans nos délibérations, nous avons entendu diverses suggestions sur les mesures qui peuvent être prises.
Le Bureau de la liberté de religion a été créé il y a plusieurs années. Son mandat était de protéger les minorités religieuses menacées et défendre leurs droits; lutter contre la diffusion de la haine et de l’intolérance fondées sur la religion; faire la promotion des valeurs canadiennes que sont le pluralisme et la tolérance. Le budget du Bureau était de 5 millions de dollars. J'aurais été portée à croire que cela aurait pu représenter une plateforme ou un mécanisme favorisant le dialogue pour rapprocher les gens, mais il a depuis été fermé.
On évoque la création d'un organisme de lutte contre la radicalisation. J'aimerais parler de ce qui distingue les deux, parce que cet enjeu comporte deux volets, à mon avis. D'une part, il y a la radicalisation des gens et, d'autre part, un organisme-cadre qui réunit les personnes de toutes les confessions et qui favorise le dialogue sur les mesures que peuvent prendre ces groupes pour s'appuyer mutuellement.
Selon vous, est-il pertinent d'examiner ces deux aspects, ou convient-il plutôt de se concentrer uniquement sur la lutte contre la radicalisation? En vous basant sur vos connaissances et sur votre vécu, comment devrions-nous aborder ces questions?
J'aimerais qu'il y ait une solution magique à ce problème, une mesure unique qui permette de le régler.
D'où la difficulté, à mon avis; il y a tant de facettes.
Le Code criminel ne peut à lui seul régler le problème. Les mesures de lutte contre la radicalisation ne peuvent à elles seules résoudre le problème. Les activités de l'ancien Bureau de la liberté de religion — ou du bureau qui a été créé depuis et qui a repris ce mandat — ne pourront à elles seules régler le problème. Or, ce sont toutes d'importantes pièces du casse-tête.
Je peux vous dire qu'à l'époque, nous nous sommes opposés au démantèlement du Bureau de la liberté de religion. Nous sommes très heureux des activités qui ont été menées depuis, en particulier en ce qui concerne les enjeux liés à l'antisémitisme. On a récemment officialisé l'utilisation, dans la politique canadienne, de la définition de l'antisémitisme adoptée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste. C'est une initiative du gouvernement précédent qui s'est poursuivie sous le gouvernement actuel. À mon avis, plus nous pouvons agir par rapport à ce genre de choses, mieux c'est.
En tant que législateurs, il y a des limites à ce que nous pouvons faire, étant donné les nombreuses facettes du problème. L'important est de réunir les gens et d'avoir cette discussion. Je pense que nous verrons des changements, à l'échelle communautaire, sur le terrain. Il s'agit simplement de s'assurer que les communautés ont les ressources et les liens nécessaires pour y arriver.
Le CIJA est très actif dans ma circonscription, comme beaucoup d'autres groupes religieux, d'ailleurs. Il y a des discussions sur des enjeux interconfessionnels. Je dirais que cela devient problématique lorsque les gens commencent à s'isoler. Je pense que cela doit se faire à plusieurs niveaux et, comme vous l'avez indiqué, je pense que nous ne pouvons y parvenir seuls. Nous devons tous collaborer et nous attaquer à ces problèmes.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Nous allons distribuer à tous les participants une copie d'un courriel que j'ai reçu à mon bureau, cette semaine. Le contenu est à ce point dérangeant que je ne veux pas le publiciser.
[Traduction]
Je tiens à préciser que seul le greffier est autorisé à distribuer un document au Comité. Je veux simplement m'assurer que cela a été fait. Comme à la Chambre des communes, les députés ne peuvent distribuer des documents. Le consentement unanime est nécessaire, car nous n'avons que la version anglaise. Je n'ai pas le consentement unanime.
Vous pouvez parler de la teneur du document, mais il ne peut être distribué. Je suis désolé.
[Français]
Dans le contexte des nouvelles réalités qui se profilent en 2017, je me dois de vous dire que le courriel reçu à notre bureau cette semaine encourage directement la commission d'un crime, dans la foulée même des événements survenus à Québec.
Ce genre d'encouragement, clair et net, est directement lié à la nouvelle infraction qui a été créée dans le Code criminel, soit l'infraction d'apologie du terrorisme.
Malheureusement, votre comité a parfois, peut-être trop souvent, été victime de propos haineux. J'aimerais donc connaître votre position sur ce genre de comportement.
Selon vous, les infractions relatives à la propagande haineuse sont-elles suffisantes, ou ont-elles été suffisantes par le passé, pour la condamner, ou devrions-nous plutôt condamner ce genre de comportement haineux au moyen d'infractions comme celles qui s'apparentent à l'infraction d'apologie du terrorisme?
Les infractions établies dans le passé sont-elles suffisantes ou devrions-nous agir de façon plus importante?
[Traduction]
Je vous remercie de la question.
Je pense que la loi devrait être pleinement appliquée. Je ne suis pas avocat et je ne travaille pas au Bureau du procureur général, mais si cela peut être considéré comme un cas de promotion ou d'apologie du terrorisme, alors il faut mener une enquête et poursuivre son auteur avec toute la rigueur de la loi.
Les lois ne doivent pas être de simples documents sur lesquels la poussière s'accumule. Il faut les consulter et y avoir recours, car ce sont d'importants outils qui visent à protéger les gens. Or, si elles ne servent à rien, il y a un problème. Le cas échéant, il faudrait déterminer s'il convient de prendre d'autres mesures que l'on pourrait utiliser. Je ne sais pas si cela correspond aux critères énoncés dans la loi, mais quelqu'un devrait manifestement les mettre à l'épreuve, j'imagine.
[Français]
Je ne suis pas le seul à avoir reçu ce courriel et, je vous rassure, nous avons avisé les autorités policières pour qu'elles procèdent à une enquête, compte tenu de la dureté et de la gravité des propos qui ont été tenus.
Dans le même ordre d'idées, des témoins nous ont dit que cette nouvelle infraction qui porte sur l'apologie du terrorisme était anticonstitutionnelle parce qu'elle était trop vague. De ce fait, elle imposerait une limite déraisonnable à la liberté d'expression — si on parle de liberté d'expression.
Un témoin nous a même a dit que cette infraction pourrait nuire à la mise en place d'un programme communautaire de lutte contre la radicalisation. Ce sont des gens qui se consacrent à la défense des libertés civiles qui ont tenu ces propos.
Au mois de novembre de l'an dernier, des graffitis à caractère antisémite ont été peints sur les murs d'une synagogue dans le sud d'Ottawa.
Monsieur Shack, je veux vous offrir une occasion de faire un commentaire sur l'importance de lutter contre les propos haineux. En ce qui concerne cet événement, avez-vous une opinion sur la constitutionnalité d'une telle mesure?
[Traduction]
La disposition visant à criminaliser les infractions liées à la défense ou à la promotion du terrorisme précise expressément que cela s'applique à « quiconque, sciemment, par la communication de déclarations, préconise ou fomente la perpétration d’infractions de terrorisme en général [...], sachant que la communication entraînera la perpétration de l’une de ces infractions ou sans se soucier du fait que la communication puisse ou non entraîner la perpétration de l’une de ces infractions ». Je dirais que quiconque participe de bonne foi à des efforts de lutte contre la radicalisation ne satisfait pas à ces critères. Ces personnes ne mèneraient pas de telles activités sachant qu'une personne perpétrerait une infraction de terrorisme. On ne pourrait considérer qu'ils ont fait preuve de négligence par rapport à la possibilité qu'une personne interprète leurs propos comme une invitation à commettre une infraction de terrorisme. J'estime donc que la préoccupation selon laquelle cela pourrait nuire à la lutte contre la radicalisation n'est pas nécessairement valable.
De même, la disposition sur la « saisie de propagande terroriste » nécessite une ordonnance de la cour, mais il est possible d'interjeter appel de cette décision. La personne qui est en possession de cette propagande — ou son auteur ou la personne qui l'a diffusée — peut comparaître devant le tribunal pour se défendre ou pour expliquer pourquoi elle estime que cela ne satisfait pas aux critères. Des mécanismes suffisants sont en place pour empêcher que des gens bien intentionnés ne soient visés par des mesures trop drastiques.
En ce qui concerne notre communauté et les incidents de propagande haineuse et de vandalisme, une de nos synagogues ici à Ottawa a en effet été ciblée, mais tout a été enlevé très rapidement. Tout le monde s'est empressé à effacer tout cela et à régler le problème. La police n'a pas été avisée. On s'est contenté d'effacer les croix gammées qui avaient été peintes avec de la peinture en aérosol pour éviter que les gens ne les aperçoivent en entrant dans l'immeuble. Ce n'est que lorsqu'ils ont constaté une tendance qu'ils ont pris conscience qu'ils auraient dû réagir autrement. Cela nous ramène à l'une des questions précédentes sur la nécessité d'offrir aux gens une formation sur la façon d'intervenir en cas d'incident. L'objectif est d'uniformiser les interventions, d'appuyer le mieux possible les organismes d'application de la loi pour qu'ils puissent faire leur travail et aider nos communautés, et de travailler tous ensemble.
Merci.
Je n'aurais jamais dû douter que nous puissions consacrer une heure complète...
Des députés: Oh, oh!
Le président: ... parce que cela n'a posé aucun problème.
Je vous remercie de votre temps.
Vous avez formulé diverses assertions dans votre exposé aujourd'hui. Si le CIJA a des données ou des études quantitatives plutôt que des recherches qualitatives — des affirmations selon lesquelles certaines personnes de la communauté se préoccupent d'un aspect quelconque —, cela nous serait très utile. Tout fait probant nous serait utile.
M. Clement a mentionné le taux de crimes haineux. J'ai essayé de trouver des statistiques pendant la réunion; j'ai constaté que depuis quelques années, au Canada, ces taux sont à la baisse plutôt qu'à la hausse. Si nous pouvions avoir les données que vous avez recueillies concernant les incidents... Je souhaite fournir les données de Statistique Canada au Comité. Cela pourrait être utile, étant donné que nous cherchons à établir l'ampleur du problème.
Je vous demanderais de bien vouloir transmettre les renseignements que vous avez au greffier pour que nous puissions les inclure dans les témoignages.
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