SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 15 février 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La 54e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale est ouverte. Nous poursuivons notre étude sur le cadre de sécurité nationale du Canada, que nous avons commencée l'automne dernier. Nous avons tenu des séances dans l'ensemble du pays et ici, à Ottawa.
Nous remercions beaucoup les témoins de leur présence. Nous accueillons M. Ihsaan Gardee, directeur exécutif du Conseil national des musulmans canadiens; et MM. Ian Carter et Peter Edelmann, de l'Association du Barreau canadien.
Chaque groupe de témoins disposera de 10 minutes. Je propose que les représentants de l'Association du Barreau canadien commencent, car l'un d'eux comparaît par vidéoconférence, et les dieux de la vidéo ne nous aident pas toujours.
Monsieur Carter.
Merci beaucoup, et je vous remercie de votre invitation à venir témoigner aujourd'hui.
Je vais commencer par décrire brièvement l'Association du Barreau canadien. Il s'agit d'une association nationale qui regroupe plus de 36 000 juristes, ce qui inclut des avocats, des étudiants en droit, des notaires et des professeurs de droit, dont le mandat vise l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. Nos travaux sur les questions de sécurité nationale et de l'antiterrorisme est le fruit d'une collaboration entre plusieurs groupes de l'ABC, et en particulier les sections du droit de l'immigration, du droit pénal, du droit des organismes de bienfaisance et à but non lucratif et du droit à la vie privée.
Je prends le temps de souligner que la Section du droit pénal, dont je suis membre, est constituée d'autant de procureurs de la Couronne que d'avocats de la défense.
Je suis accompagné de M. Peter Edelmann, de Vancouver. Il est membre de l'exécutif de la Section du droit de l'immigration et un avocat spécialisé dans le droit de l'immigration. Je suis le vice-président de la Section du droit pénal. Je pratique en tant qu'avocat criminaliste ici à Ottawa.
Nous parlerons surtout de ces deux sujets, car ce sont nos domaines d'expertise. Je vais décrire de façon générale la position de l'ABC, et Peter parlera des sujets précis que nous couvrirons, et nous répondrons aux questions par la suite, si vous en avez.
Nous avons inclus notre réponse sur le Livre vert, et nous avons déjà présenté des mémoires sur le projet de loi C-51. Dans l'examen de cette question, l'objectif principal de notre section, c'est d'établir un équilibre entre assurer la sécurité des Canadiens et attirer l'attention sur les libertés et les droits individuels. Voilà notre préoccupation générale, et nous examinons les mesures législatives proposées et les possibles changements en tenant compte de ce point, c'est-à-dire maintenir les mesures de protection tout en déterminant à quels égards elles vont trop loin et dans quelle mesure les intérêts relatifs à la liberté risquent d'être violés.
De façon générale, au sujet du Livre vert — et nous avons fait cette observation dans notre mémoire également —, nous avons constaté que la démarche générale était très louable en ce sens qu'il s'agissait d'examiner et de poser les bonnes questions. Le commentaire général que nous voudrions faire quant aux illustrations qui ont été utilisées, c'est qu'elles avaient tendance à n'aller que dans un sens.
Il y avait un scénario où toutes les situations ou les scénarios potentiels qui étaient décrits tendaient à être orientés vers une solution qui se traduirait par une augmentation des mesures de protection et moins de liberté. Autrement dit, aucun scénario proposé ne comprenait une possibilité d'atteinte aux libertés, avec le point de vue du public. Il y avait plutôt un scénario bien défini: une possible menace terroriste, et les mesures de protection qui devraient être prises à cet égard.
Cela dit, le Livre vert contenait beaucoup d'éléments que nous aimions, et nous avons quelques suggestions. Dans ce contexte, je vais céder la parole à Peter, qui parlera de certaines questions précises dont nous aimerions discuter.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
La discussion porte sur beaucoup d'aspects pertinents de la sécurité nationale, dont plusieurs ont été soulevés dans le Livre vert du gouvernement.
Trois éléments nous préoccupent spécialement.
Le premier, et le plus fondamental des trois, est celui de l'examen efficace des organismes canadiens de sécurité nationale et de renseignement. À l'instar des commissions Arar et Air India ainsi que d'autres, l'ABC convient de la nécessité de créer des organes d'examen spécialisés et de doter ceux-ci des ressources et du mandat nécessaires pour examiner toutes les activités ayant trait à la sécurité nationale.
[Traduction]
Comme l'a indiqué l'ABC dans divers mémoires au fil des ans, dont le récent mémoire sur le Livre vert et le projet de loi C-22, une surveillance rigoureuse et indépendante est déterminante pour maintenir la confiance envers l'appareil de sécurité nationale.
Je vais insister sur trois aspects qui sont particulièrement importants. Tout d'abord, les activités centrales de chaque organisme de sécurité nationale doivent faire l'objet d'un examen rigoureux et indépendant. Certains organismes, comme le SCRS et la GRC ont des mécanismes d'examen en place. Bien que le fonctionnement de ces mécanismes soit critiqué dans certaines circonstances, au moins, ils existent. Dans le cas d'autres organismes, l'Agence des services frontaliers du Canada en particulier, il n'existe aucun mécanisme d'examen à part celui effectué par l'organisme et le ministre responsable. Cette situation doit être corrigée.
Ensuite, il doit y avoir un examen efficace de l'appareil de sécurité nationale dans son ensemble. C'est d'autant plus important étant donné que les organismes coopèrent et échangent de l'information de plus en plus. Les organismes d'examen, s'il y en a, sont isolés et ne peuvent pas suivre leurs enquêtes jusqu'au bout.
Il y a deux aspects liés à cela. Le premier concerne l'idée de créer un comité de sécurité nationale composé de parlementaires. Nous avons exprimé notre appui à cet égard et nous avons proposé des changements dans la façon dont cela a été établi. Nous en avons déjà discuté avec vous auparavant dans le cadre du projet de loi C-22. Voilà un des aspects.
Le deuxième aspect concerne la création de ce qu'on appelle un « super CSARS » ou un organisme plus indépendant du Parlement. Un tel organisme serait capable de développer non seulement les ressources nécessaires, mais également la mémoire institutionnelle et la capacité de jouer un rôle dans des enquêtes au-delà du cadre et de la capacité des parlementaires, qui ont beaucoup d'autres responsabilités. Ces deux mécanismes sont importants, en particulier puisque les enquêtes deviennent plus intégrées au sein de l'appareil de sécurité nationale.
L'autre question soulevée dans le Livre vert dont je voudrais parler, c'est la communication d'information. Dans le cadre des audiences et l'examen du projet de loi C-51, nous avons relevé un certain nombre de préoccupations concernant le régime de communication d'information. Il a été considérablement élargi par la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada.
Comme nous l'avions souligné à l'époque où le projet de loi C-51 a été adopté, cet élargissement a soulevé un certain nombre de préoccupations. Premièrement, il y avait des préoccupations sur la portée — en particulier sur la définition de « sécurité nationale » dans la loi. La définition n'est pas la même dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et dans le projet de loi C-22 dans sa forme actuelle.
Nous sommes préoccupés par le fait qu'il existe différentes définitions de la sécurité nationale pour différentes raisons. Il faut y remédier. Il serait bon d'avoir une définition pour la surveillance, la communication d'information et les activités des organismes de sécurité nationale. La surveillance et l'examen doivent être de la même étendue que les activités et la communication d'information. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Deuxièmement, il y a la communication d'information avec des entités étrangères et la capacité d'examiner ces activités. Cette question devient particulièrement préoccupante en raison de l'évolution récente des choses à l'échelle mondiale concernant les partenaires avec lesquels nous échangeons de l'information. C'est l'une des questions principales qui ont été soulevées dans le cadre de la commission sur l'affaire Arar et relativement à ce qui est arrivé à M. Arar. C'est une situation qui se poursuit relativement à la communication d'information, aux gens qui la reçoivent, et c'est de plus en plus inquiétant du point de vue de l'élargissement des pouvoirs de communication d'information entre les organismes canadiens.
Il y a un effet d'entraînement, en ce sens que si les organismes canadiens peuvent s'échanger de l'information davantage avec moins de limites et sans examen, et si ces organismes coopèrent sans faire l'objet d'une surveillance, les problèmes auxquels M. Arar a été confronté vont vraisemblablement surgir à nouveau. Il faut prendre des mesures à cet égard dans le cadre de notre régime de communication d'information.
Enfin, le Livre vert soulève, encore une fois, la question de l'accès légal, qui a fait l'objet de discussions approfondies lorsque le gouvernement précédent était au pouvoir. À l'époque, cela avait été élaboré par le gouvernement dans le contexte des discussions sur la pornographie juvénile. Je crois que c'est le ministre Toews qui avait dit au Parlement qu'on avait le choix de se joindre à son parti ou aux adeptes de la pornographie juvénile relativement à la façon dont le débat devait se passer concernant l'accès légal. Cela a été redéfini dans le Livre vert pour ce qui est du terrorisme. Ce ne sont pas des moyens utiles d'entreprendre des discussions sur des politiques publiques complexes pour établir un équilibre entre les libertés et les intérêts liés à la sécurité nationale ou d'autres intérêts de la collectivité.
Ce sont des questions importantes qui doivent être réglées de façon cohérente partout, que ce soit dans le cadre de sécurité nationale ou à l'extérieur de celui-ci.
Nous sommes heureux de participer davantage à ces discussions. Je remarque que mon temps est écoulé. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions. Merci beaucoup.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Tout comme mon collègue, je vais donner un aperçu du Conseil national des musulmans canadiens et de ce que nous faisons.
Le Conseil national des musulmans canadiens est le seul organisme de défense des droits des musulmans professionnel, indépendant, non partisan et sans but lucratif au Canada. Il a le mandat de protéger les droits de la personne et les libertés civiles, de lutter contre la discrimination et l'islamophobie, d'établir une compréhension mutuelle entre les Canadiens, et de promouvoir les intérêts publics des communautés musulmanes du pays. Nous nous efforçons d'accomplir cette mission par l'éducation communautaire, la mobilisation des médias, l'action contre la discrimination, des activités de défense de l'intérêt public et la création de coalitions.
Depuis plus de 16 ans, le Conseil participe à des enquêtes publiques majeures, comparaît devant la Cour suprême du Canada sur des questions d'importance nationale et fournit des conseils à des organismes de sécurité sur la participation des collectivités et la prise de mesures de sécurité.
Pourquoi ce débat est-il important? La sécurité nationale est une question importante pour chacun de nous. Les musulmans canadiens ont à coeur la sécurité nationale, car le terrorisme nuit à tout le monde. En fait, à l'échelle mondiale, la très grande majorité des victimes de violence extrémiste sont des musulmans. Nous appuyons les efforts en matière de sécurité nationale qui sont déployés pour rendre nos collectivités plus sûres.
Les musulmans canadiens s'attendent également à ce que leurs libertés fondamentales soient respectées, ce qui est un droit constitutionnel. Ce que nous craignons, c'est que parfois, ces libertés soient sacrifiées au nom de la sécurité nationale, et qu'en raison de suppositions et de stéréotypes négatifs et de pouvoirs trop étendus, les communautés musulmanes se sentent touchées de façon disproportionnée, comme si leurs libertés et leurs droits étaient inférieurs à ceux d'autres Canadiens.
La défense de la sécurité nationale ne devrait pas se faire au détriment du respect de la Charte canadienne des droits et libertés; ils sont plutôt unis par un lien symbiotique: la perte de l'un indique la perte de l'autre. Nous devons reconnaître que certaines collectivités marginalisées sont stigmatisées par des lois trop vastes et le discours basé sur la peur et la haine, ce qui fait qu'elles se sentent moins en sécurité et non l'inverse.
Les politiques de sécurité nationale sont particulièrement importantes pour les communautés musulmanes en raison du climat politique actuel. Ces dernières années et ces derniers mois, on a vu une forte augmentation des crimes haineux contre les musulmans canadiens et un climat d'islamophobie croissant. Chaque fois que l'islam ou les musulmans sont associés à de la violence ou à des menaces pour la société canadienne, que le discours politique dénigre ou calomnie les musulmans, les répercussions sociales de ces associations négatives se font sentir.
L'attaque remplie de haine qui a été commise au Centre culturel islamique de Québec et qui a causé la mort de six musulmans canadiens en est un exemple épouvantable. Agir en faveur de la sécurité pour tous les Canadiens doit inclure la protection des musulmans canadiens et d'autres minorités ciblées contre la discrimination et les crimes haineux par certains éléments de la société.
Les musulmans canadiens paient plus cher pour la sécurité nationale. Selon ce qui est connu depuis les 15 dernières années, il semble que les organismes de sécurité canadiens n'accordent pas aux musulmans canadiens le même respect et les mêmes protections prévus dans la Charte qu'à d'autres Canadiens. Par des actions directes et indirectes, les organismes de sécurité canadiens ont, à bien des égards, perdu la confiance des collectivités musulmanes du pays.
Les cas bien connus de Canadiens, comme Maher Arar, Abdullah Almalki, Ahmad El Maati, Muayyed Nureddin, Abousfian Abdelrazik et Benamar Benatta, illustrent les embûches et les coûts démesurés existants qui sont associés à l'administration d'un régime de sécurité nationale sujet à des erreurs et à des abus. L'absence d'une surveillance efficace des organismes de sécurité n'a pas empêché ou corrigé la douleur et les souffrances dont ces hommes et leurs familles ont été victimes injustement.
Peu d'efforts ont été déployés concernant les révélations au sujet d'erreurs, de mensonges, d'inexactitudes et de négligence dans la collecte et la communication d'information au sein des organismes de sécurité. Les principales recommandations de la commission d'enquête sur l'affaire Arar, et d'autres affaires, sont demeurées lettre morte et ne sont pas traitées adéquatement dans la Loi antiterroriste (2015) ou dans le Livre vert du gouvernement.
La commission sur l'affaire Arar a conclu qu'il « est plus probable que si on porte atteinte aux droits de la personne de Canadiens innocents, [les membres des communautés arabes et musulmanes] se retrouveront dans ces groupes » dans les activités visant à assurer la sécurité nationale en raison de l'examen minutieux auquel les membres de ces groupes sont soumis; par conséquent, toute lacune dans la loi ou son application aura des répercussions démesurées sur les musulmans canadiens.
Nous estimons que le projet de loi C-51, sous sa forme actuelle, marginalisera les communautés musulmanes. En mars 2015, le Conseil a témoigné devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-51 — la Loi antiterroriste, comme on l'appelle. Le Conseil s'est opposé en se fondant sur des principes dès le départ. Nous rejoignons la position défendue par la très vaste majorité de spécialistes du domaine selon laquelle les mesures représentent un plus grand danger pour les Canadiens que ce qui est justifié au nom de la lutte contre le terrorisme. Comme le pensent d'autres témoins, nous croyons qu'accroître les pouvoirs des organismes de sécurité ne fera pas nécessairement en sorte que les Canadiens seront plus en sécurité.
De plus, le Livre vert du gouvernement ne nous avance pas beaucoup pour ce qui est d'assurer aux musulmans canadiens que notre participation à toute stratégie de sécurité nationale se traduira par une plus grande sécurité pour nos membres et nos communautés.
Le Livre vert préconise le renforcement du milieu de la sécurité sans fournir d'éléments de preuve ou de raisons pour démontrer pourquoi c'est nécessaire ou judicieux. Les musulmans canadiens veulent obtenir la garantie que le gouvernement surveillera de près les pouvoirs du milieu de la sécurité par l'entremise d'un examen approprié, de mécanismes de surveillance et de normes établies par la Charte rigoureusement appliquées. Les risques d'abus sont trop élevés et les cas d'abus dans le passé, trop nombreux.
Les erreurs en matière de sécurité nationale mettent non seulement d'innocentes personnes à risque d'être soupçonnées et stigmatisées, mais elles détournent également des ressources destinées aux efforts de lutte contre les menaces ou aux activités visant à promouvoir la sûreté et la sécurité dans la société canadienne.
Le CNMC croit que la Loi antiterroriste de 2015 est inutile pour veiller à la sécurité et à la sûreté des Canadiens, tandis que la menace qu'elle représente pour les libertés civiles et les droits à l'égalité des musulmans canadiens est disproportionnelle aux soi-disant avantages. Par conséquent, nous sommes en faveur de son abrogation. En revanche, le CNMC a des recommandations précises pour des modifications à la loi.
Je vais aborder quelques-unes des façons dont le projet de loi C-51 porte atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux des musulmans canadiens, en commençant avec l'interdiction de vol.
Le CNMC continue de s'opposer au régime d'interdiction de vol mis en oeuvre par le projet de loi C-51 et la Loi sur la sûreté des déplacements aériens. Les listes de personnes interdites de vol ont des répercussions dévastatrices sur les personnes qui sont listées à tort. Or, cette mesure législative ne fait rien pour assurer la liberté de vol aux Canadiens qui ont été désignés injustement. Au CNMC, nous entendons souvent les témoignages de Canadiens qui ont été inscrits à tort sur des listes de personnes interdites de vol sans réelle possibilité d'appel. Il est impossible de savoir si votre nom figure sur la liste de personnes interdites de vol, et il y a très peu, voire aucun, recours d'appel si votre nom a été inscrit sur la liste. Bien que le gouvernement ait créé le Bureau de renseignements sur le Programme de protection des passagers, ce n'est pas un mécanisme d'appel. La demande de recours demeure ambiguë et obscure. Par conséquent, le CNMC appuie la proposition de demander au gouvernement d'effectuer un examen complet de toutes les demandes d'appel des Canadiens figurant sur la liste d'interdiction de vol.
Le CNMC soutient qu'il n'a pas été établi que les listes d'interdiction de vol offrent plus d'avantages sur le plan de la sécurité par rapport aux préjudices à la liberté personnelle et, par conséquent, elles devraient être réévaluées. L'utilisation des listes de personnes interdites de vol ne devrait se limiter qu'aux cas où il y a de très solides raisons de croire qu'un individu représente un danger. Toute autre solution de rechange donne lieu à du profilage racial et à l'imposition de limites discriminatoires sur les droits constitutionnels relatifs à la liberté de circulation qui sont injustifiables. Si la liste de personnes interdites de vol est maintenue, une personne dont le nom apparaît sur la liste devrait à tout le moins avoir une réelle occasion d'interjeter appel et de contester sa désignation.
En ce qui concerne l'échange de renseignements, la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada autorise les agences et organisations gouvernementales à divulguer des renseignements à d'autres entités gouvernementales qui ont des responsabilités à l'égard des « activités portant atteinte à la sécurité du Canada ». Ces activités sont vastes et difficiles à définir et pourraient donner lieu à des violations constitutionnelles à l'encontre de Canadiens innocents, y compris de musulmans canadiens innocents. Nous croyons que la loi sur la communication d'information devrait être abrogée. La communication d'information doit être fondée sur des politiques qui respectent les renseignements personnels et les droits de la personne. Nous ne pouvons pas normaliser des pouvoirs extraordinaires sans preuve qu'il y a eu une amélioration de la sécurité et une réduction des atteintes aux libertés civiles. Le CNMC exhorte le gouvernement à mettre en oeuvre les recommandations formulées dans le rapport de la Commission Arar concernant la communication de renseignements par la GRC, ce qui pourrait également être adapté par d'autres ministères gouvernementaux.
En ce qui concerne l'amélioration de l'examen et de la surveillance du SCRS, le CNMC est particulièrement préoccupé par les pouvoirs de grande portée qui sont octroyés au SCRS par l'entremise du libellé vague, par exemple, de prendre des mesures qui sont « raisonnables et proportionnelles ». Tandis que la loi vise à accroître la sécurité nationale en renforçant les pouvoirs des organismes de sécurité nationale, elle le fait avec une supervision minimale et aux dépens de la Charte des droits et libertés. Cela préoccupe particulièrement les musulmans canadiens, qui sont plus susceptibles que d'autres d'être ciblés par des enquêtes de sécurité nationale. Il est également problématique que le SCRS puisse décider s'il doit demander un mandat. Il faut une reddition de comptes adéquate.
Le CNMC accueille favorablement la proposition pour que le CSARS examine l'ensemble, et non pas seulement quelques-unes, des opérations menées par le SCRS. Pour assurer une meilleure coordination des organismes de sécurité nationale, le CNMC recommanderait également que le gouvernement mette sur pied un comité pangouvernemental unifié, ou un super CSARS, semblable au Groupe des cinq. Un super CSARS pourrait recevoir le mandat de passer en revue toutes les activités de sécurité nationale au gouvernement, y compris la communication de renseignements.
En ce qui a trait à l'examen législatif obligatoire, la loi crée des pouvoirs extraordinaires qui devraient être perçus, au mieux, comme un mal nécessaire dans une démocratie libérale. Les conclusions de la Commission Arar démontrent les conséquences terribles des erreurs commises dans l'utilisation des pouvoirs extraordinaires. Les risques sont connus; ce qu'il faut, c'est une surveillance et un examen rigoureux. Le CNMC appuie la proposition du gouvernement d'effectuer un examen législatif complet de la loi tous les trois ans et d'assortir une disposition de caducité à certaines mesures.
Concernant l'abrogation des crimes de trop grande portée liés à la liberté d'expression et aux croyances, les nouveaux crimes associés à la propagande terroriste sont imprécis et de portée excessive. Ils offrent un trop grand pouvoir discrétionnaire, ce qui fait que des conduites tout à fait légitimes et non violentes sont visées dans le Code criminel. Cela risque de criminaliser la dissidence en dissuadant ou en punissant les discours politiques légitimes et d'autres formes de discours, ce qui attire des niveaux élevés de protection en vertu de la Charte. On comprend mal pourquoi les nouveaux crimes sont nécessaires, compte tenu des dispositions existantes concernant le terrorisme dans le Code criminel.
Le CNMC exhorte également le gouvernement à abroger les crimes de trop vaste portée, ce qui comprend les « activités portant atteinte à la sécurité du Canada » prévues dans la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, de même que la nouvelle infraction prévue à l'article 83.221 du Code criminel. Le libellé de cette infraction et les définitions dans la loi ne créent pas de nouveaux outils d'application de la loi. Ils créent plutôt de nouveaux risques pour dissuader la liberté d'expression et l'activisme politique. Ces dispositions minent directement les objectifs démocratiques qui justifient les lois et les politiques sur la lutte contre le terrorisme.
Pour terminer, dans le contexte actuel, il est peu probable que le simple fait de renforcer les pouvoirs d'application de la loi donne lieu à une participation communautaire efficace. Une collaboration véritable avec les musulmans canadiens en tant que partenaires pour assurer la sécurité nationale est un préalable nécessaire à n'importe quelle autre activité de lutte contre le terrorisme et la radicalisation.
À cette fin, le CNMC appuie que le Livre vert reconnaît l'utilité de la mobilisation communautaire et des efforts de lutte contre la radicalisation, y compris la création d'un bureau de la sensibilisation communautaire et d'un poste de coordonnateur de la lutte contre la radicalisation. C'est de loin l'approche la plus efficace et la moins coûteuse pour combattre la radicalisation menant à la violence criminelle qui est mise en oeuvre à l'échelle communautaire.
Nous demandons respectueusement au Comité de réexaminer sérieusement les politiques qui pourraient nuire aux efforts de ceux qui travaillent aux premières lignes pour s'attaquer à ce phénomène de radicalisation menant à la violence criminelle.
Le CNMC est disposé à participer à des consultations publiques et à collaborer avec le gouvernement fédéral dans les collectivités pour élaborer et mettre en oeuvre une stratégie nationale coordonnée d'initiatives communautaires.
C'est ce qui termine mon exposé. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie de votre présentation et de vos propos. Nous vous sommes reconnaissants du bon concours que vous apportez au Comité.
Mes questions s'adressent tout d'abord à M. Gardee.
[Traduction]
Monsieur Gardee, vous avez fait référence à l'incident tragique survenu à Québec très récemment. À partir de votre expérience et des études que vous avez réalisées, j'aimerais entendre votre point de vue, ce qui nous aiderait grandement, sur les modifications législatives, que ce soit pour abroger ou modifier une loi existante ou pour présenter une nouvelle loi, sur ce que nous pourrions faire pour contribuer à prévenir ou à prévenir complètement ces incidents.
Merci beaucoup de la question.
Pour ce qui est de la mise en oeuvre d'améliorations législatives pour prévenir ou réduire la possibilité que de telles atrocités se reproduisent, je dirais que les dispositions existantes dans le Code criminel sont suffisantes. Je pense que notre organisation a présenté des recommandations aux gouvernements provinciaux et fédéral et aux administrations municipales pour qu'ils prennent des mesures concrètes afin de contrer le climat d'islamophobie et de haine de plus en plus grave que nous avons constaté et que notre organisation a documenté, en plus de ce qui a été documenté par Statistique Canada. Il a relevé qu'entre 2012 et 2014, les crimes haineux en général contre la majorité de nos communautés — contre les musulmans canadiens — ont doublé, alors que les crimes commis contre d'autres communautés sont demeurés stables ou ont diminué.
Deux des propositions que nous avons présentées pour le gouvernement fédéral visent à ce que tous les députés appuient la motion no 103 qui a été présentée par la députée Iqra Khalid, qui ferait trois choses. L'une serait de reconnaître l'existence d'un climat de peur. La deuxième serait de condamner l'islamophobie et d'autres formes de racisme et de discrimination systémiques. La troisième serait de mettre sur pied un comité pour étudier la question selon une perspective fondée sur des faits, de réaliser une analyse des besoins des communautés et d'examiner le contexte également.
L'autre recommandation que nous avons formulée consiste à instituer une journée nationale de commémoration et d'action le 29 janvier. À ma connaissance, c'est la première fois dans l'histoire du Canada qu'un individu pénètre dans un lieu de culte et assassine des gens. Il y a eu d'autres tueries de masse telles que celle à l'École Polytechnique, où 14 femmes ont été tuées de manière horrifique. D'autres tueries de masse ont ciblé des gens que l'auteur du crime connaissait, avec lesquels il avait une affiliation quelconque, mais c'est la première fois que nous sommes témoins d'un pareil crime.
Merci, monsieur Gardee.
J'ai une question courte; mon temps est limité.
Vous avez fait référence à la liste d'interdiction de vol. Comme vous le savez sans doute, la raison pour laquelle de nombreux Canadiens ne sont pas autorisés à monter à bord de vols au Canada n'est pas parce que leurs noms figurent sur une liste de personnes interdites de vol, mais c'est parce que leurs noms figurent sur les listes d'interdiction de vol aux États-Unis et que leur vol traverserait l'espace aérien des États-Unis.
Dans ces cas-là, j'exhorterais le gouvernement à s'assurer de faire sa part dans ses communications avec les gouvernements étrangers qui maintiennent leurs propres listes afin de veiller à ce que ceux qui ont été inscrits à tort sur les listes canadiennes soient retirés des listes d'autres pays.
Merci.
Mon autre question s'adresse à Me Carter et à Me Edelmann.
Nous parlons de surveillance. Le premier point que vous avez soulevé portait sur l'atteinte d'un équilibre, de toute évidence entre la sécurité et la protection des droits fondamentaux. Vous avez ensuite parlé de renforcer la surveillance.
Pourriez-vous nous donner des exemples concrets de lacunes dans la surveillance effectuée à l'heure actuelle?
Je pense que l'exemple le plus concret que nous avons pour le manque de surveillance sur le terrain est l'Agence des services frontaliers du Canada. Cette agence n'avait que des mécanismes de surveillance à l'interne. Si l'on regarde la GRC, par exemple, elle a une commission indépendante d'examen des plaintes et un commissaire qui peut recevoir les plaintes, et elle peut assurer un suivi des plaintes à l'extérieur de l'agence par l'entremise d'une surveillance civile.
L'ASFC rend des comptes à son président. Son président relève du ministre de la Sécurité publique. C'est la surveillance qui est en place. C'est le mécanisme d'examen. Alors, quand un citoyen canadien ou un ressortissant étranger a des interactions négatives avec un agent frontalier, ou que l'Agence des services frontaliers du Canada a des politiques qui portent atteinte à des droits ou créent d'autres problèmes, le mécanisme d'examen complet n'est pas public. C'est un mécanisme interne qui n'est pas perçu comme étant aussi indépendant. Cela nuit grandement à la confiance du public. C'est vrai pour notre appareil de sécurité nationale dans son ensemble.
La confiance du public est essentielle pour permettre à nos organismes de sécurité nationale de faire leur travail. L'ASFC n'est qu'une...
Je vous remercie de vos observations. J'ai pris en note l'ASFC.
Pourriez-vous nous donner des exemples concrets de lacunes dans d'autres secteurs?
Nous voyons en partie des lacunes au chapitre de la transparence. Un bon exemple serait la décision rendue par le juge Noël l'an dernier concernant les définitions des métadonnées et des données connexes qui sont utilisées au SCRS. Bien que le SCRS ait sa propre agence, comme nous l'avons vu récemment, cette agence n'a pas examiné ces questions même si elles posent problème depuis des décennies.
Mon temps de parole est limité. Je vais seulement vous poser la même question également.
D'après vous, pourrait-on apporter des modifications législatives qui pourraient contribuer à prévenir ce qui s'est produit à Québec?
En tant qu'Association du Barreau canadien, nous n'avons pas de position sur cette question particulière. Je pense que les remarques de mon collègue sont particulièrement pertinentes, à savoir que lorsque vous vous penchez sur ces questions, plutôt que de réagir impulsivement, vous devez effectuer une analyse des besoins axée sur des données probantes. D'après notre expérience, on s'empresse trop souvent d'apporter des modifications législatives, et plus particulièrement au gouvernement fédéral et au Code criminel, puis il y a ensuite des litiges constitutionnels qui mobilisent le temps et les ressources des tribunaux.
Je suis certain que vous savez tous que nous sommes aux prises avec un problème en ce moment avec les retards dans les tribunaux. Il est important de consacrer plus de temps à la rédaction pour avoir des définitions précises. Avant de répondre à la question, je pense que l'important, c'est de mener un examen dans le cadre duquel on étudie les faits pour déterminer si, par exemple, des dispositions du Code criminel auraient pu s'appliquer. Le problème avec le Code criminel, c'est qu'il est rétroactif car on l'applique après qu'un incident survient.
Ce que vous voulez vraiment faire, c'est de mettre une mesure en place qui empêchera que le problème ne se produise. Vous devez vraiment examiner des options autres que les dispositions prévues dans le Code criminel, car il ne suffit pas d'apporter des modifications à des dispositions sur l'écoute électronique ou sur les discours haineux, par exemple. Là encore, l'analyse des besoins est importante pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de conséquences imprévues dans d'autres infractions.
Merci, messieurs. Je vous suis reconnaissant de vos témoignages.
Je vais peut-être commencer avec l'Association du Barreau canadien. Je veux aborder un peu plus en détail la question de la communication d'information qui faisait partie du projet de loi C-51 et qui fait maintenant partie de notre loi. Je veux seulement connaître la position de l'ABC à ce sujet. N'êtes-vous pas en faveur de l'échange d'information? S'il y a une menace précise et qu'un organisme détient une information, ne devrions-nous pas communiquer cette information? Jusqu'où iriez-vous?
Je tiens à préciser que l'ABC ne croit pas que l'échange d'information est un problème en soi. En fait, l'un des problèmes qui ont été soulevés par la commission d'enquête sur l'affaire Air India était un manque d'échange d'information et de coordination entre les organismes. Le problème est la façon dont la communication d'information a été mise en oeuvre dans le projet de loi C-51. Il y a deux ou trois problèmes qui se sont posés. L'un a trait aux mécanismes de protection de l'information. Autrement dit, comment savons-nous si l'information est protégée et quelles sont les limites quant à l'échange de renseignements d'un organisme à un autre? Ces mécanismes sont vagues. Autrement dit, si la GRC communique des renseignements à l'ASFC, l'Agence peut ensuite divulguer ces renseignements à ses homologues aux États-Unis, qui peuvent à leur tour les utiliser à d'autres fins. Ces renseignements peuvent également être communiqués à un autre organisme qui n'est pas visé par la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité.
Même dans la Loi sur la communication d'information, l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés, c'est qu'il n'y a aucun organisme qui peut surveiller l'échange de renseignements. C'est un problème qui comporte deux volets. L'un est l'absence de mécanisme de surveillance pour l'appareil de sécurité nationale dans son ensemble, même si la Loi sur la communication d'information traite l'appareil de sécurité nationale comme étant une approche pangouvernementale. Si vous décidez d'adopter une approche pangouvernementale, vous devez avoir une approche pangouvernementale envers la surveillance et les examens.
Le second problème — qui se rapporte à la question des définitions que j'ai soulevée plus tôt — est que la Loi sur la communication d'information a créé une nouvelle définition de sécurité nationale qui est extrêmement vaste et qui n'inclut pas ce que nous appelons généralement des problèmes de sécurité nationale. Lorsqu'on creuse la question de plus près et qu'on examine la définition — et je vais me référer à vos documents écrits pour l'instant —, on constate que la loi ne limite pas la définition de sécurité nationale de la même façon que la Loi sur le SCRS le fait, par exemple. La portée de cette définition est beaucoup plus vaste que celle de ce que l'on appelle communément la sécurité nationale.
Ce sont là quelques-unes de nos préoccupations. On ne s'inquiète pas au sujet de la communication d'information à proprement parler. De toute évidence, vous communiquez...
Cette nouvelle ère dure depuis plus d'un an, le projet de loi étant appliqué. Avez-vous des préoccupations? Que devrions-nous savoir?
Ce qui m'inquiète, c'est ce que nous ne savons pas... ce que personne ne sait, à part peut-être le ministre de la Sécurité publique... Mais même le ministre de la Sécurité publique n'est pas au courant de tout ce qui se passe. Il faudrait peut-être poser la question au ministre Goodale. Sinon, il n'y a aucune autre entité qui puisse être au courant ou avoir cette information.
Le comité pourrait examiner la question lorsqu'il sera mis sur pied, si la portée de son mandat est suffisante pour... À l'heure actuelle, la portée exprimée dans le projet de loi C-22 se veut une troisième définition de la sécurité nationale. En d'autres termes, on ne fait pas référence à la définition de sécurité nationale de la Loi sur le SCRS ou de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, et c'est l'une de nos critiques à l'égard du projet de loi C-22. Il nous faut une définition cohérente de la sécurité nationale. Pour le moment, nous n'en avons pas. Avant, on faisait référence à la définition de la Loi sur le SCRS de façon générale. Aujourd'hui, nous avons une deuxième et peut-être même une troisième définition, ce qui entraîne un manque de clarté et est, à notre avis, inutile.
Vous pourrez peut-être clarifier une chose. C'est au sujet des listes de personnes interdites de vol. Lorsque nous tenions nos audiences à travers le pays, ce sujet a été soulevé de façon régulière.
Puisqu'on fait surtout référence aux listes des États-Unis — et je suis certaine que le Royaume-Uni, l'Allemagne et d'autres pays du monde ont aussi de telles listes —, comment pouvons-nous nous entendre et adopter une approche fondée sur le bon sens lorsque nous parlons de gens qui sont interdits de vol dans d'autres pays? Je demande cela parce qu'on parle habituellement des États-Unis.
Je ne sais pas qui veut répondre à cette question.
Si je prends un avion de Vancouver vers le Royaume-Uni, je ne passerai pas par-dessus les États-Unis; je n'entrerai pas en contact avec les agents américains, mais je m'attendrais à ce qu'il y ait une liste de personnes interdites de vol.
Si c'est une question pratique sur la façon dont fonctionne la liste de personnes interdites de vol, chaque pays met en oeuvre sa propre liste. Le défi auquel nous sommes confrontés — et je crois qu'on en a parlé plus tôt —, c'est que de nombreux vols canadiens, dont le point de départ et le point d'arrivée sont au Canada, passent au-dessus des États-Unis. C'est l'un des défis. Mais si le vol ne passe pas par-dessus les États-Unis, alors la liste des personnes interdites de vol des États-Unis ne s'applique pas, selon ce que je comprends.
Je comprends cela, mais il y a d'autres listes de personnes interdites de vol. Comme vous le dites, chaque pays a sa liste. Ce n'est donc pas seulement un problème pour aller aux États-Unis, mais aussi pour aller dans d'autres pays... mais nous nous centrons sur les États-Unis.
Je crois que c'est pour des raisons géographiques. Cela a trait aux vols dont le point de départ et le point d'arrivée sont au Canada, mais qui passent au-dessus des États-Unis; sinon, les listes de personnes interdites de vol...
Il y a des problèmes, mais ils surviendraient de toute façon. Pour entrer aux États-Unis, il faut respecter leurs lois, qu'elles soient raisonnables ou non. Notre accord ou notre désaccord avec leurs lois n'a pas vraiment d'importance, parce que les États-Unis vont les appliquer et refuser l'entrée à certaines personnes. Comme nous l'avons vu récemment avec le décret, que nous soyons d'accord ou non, les gens visés ne pourront pas monter à bord des avions.
[Français]
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je présente mes excuses aux témoins et à mes collègues pour mon retard. Personne ne peut me remplacer ici, alors je dois composer avec cela.
[Français]
J'aimerais poser une question concernant la frontière, laquelle s'adresse en fait à l'Association du Barreau canadien et au Conseil national des musulmans canadiens.
Ce sujet est évidemment très présent dans l'actualité. De façon générale, avez-vous des préoccupations quant à l'élargissement des pouvoirs à la frontière ou au fait de favoriser une plus grande intégration des frontières, comme cela a été mentionné cette semaine? Comment devrions-nous procéder dans ce contexte, particulièrement en ce qui a trait aux projets de loi C-21 et C-23?
Nous avons en effet des inquiétudes quant au fonctionnement des mesures proposées dans ces projets de loi ainsi qu'à l'intégration des frontières. La communication de l'information, la coopération et la surveillance de nos agences de sécurité nationale sont d'ailleurs des questions que j'ai abordées auparavant.
C'est justement là-dessus que la commission Arar s'est penchée. L'expérience de M. Arar découlait en effet d'un problème de coopération complexe, en particulier en ce qui a trait à l'information qui avait été communiquée.
[Traduction]
En même temps, nous reconnaissons que les États-Unis sont une nation souveraine qui peut décider qui entre ou n'entre pas dans son administration. Par contre, certains traitements discriminatoires et intrusifs dénoncés par les Canadiens sont problématiques. Nous voulons nous assurer que le gouvernement va défendre ses citoyens. Nous demandons au ministre de la Sécurité publique de réexaminer la loi proposée qui donnerait plus de pouvoirs aux agents d'immigrations américains lorsqu'ils questionnent ou détiennent des voyageurs canadiens. Ce genre de loi sur le précontrôle porte atteinte aux droits des voyageurs, y compris les citoyens canadiens et les résidents permanents. L'accord, qui a été négocié par l'administration américaine précédente, prend un tout autre sens en cette nouvelle ère.
Les musulmans canadiens sont particulièrement inquiets et stressés de voyager aux États-Unis. Cette situation est troublante, puisque de nombreux résidents canadiens ont de la famille et des engagements là-bas. Ce climat menace de porter atteinte injustement à leur liberté de mouvement.
Merci.
Ma question s'adresse à l'Association du Barreau canadien. On a soulevé la question des métadonnées. À la lumière de la récente décision du juge Noël sur la banque de métadonnées du SCRS, quelle est à votre avis la solution pour l'avenir?
J'ai posé la question au ministre, et il ne semble pas y avoir un quelconque engagement à maintenir le programme d'une certaine façon ou à l'égard d'une légalisation, si je puis dire. Il faut aussi décider de ce qu'on fera des données qui ont déjà été recueillies. Elles n'ont pas été détruites.
J'aimerais que vous nous donniez votre avis. Quelles sont les mesures à prendre et doit-on appliquer une solution législative ou autre?
Mon premier commentaire au sujet de la décision du juge Noël, c'est que le problème sous-jacent — que nous voyons dans tous les organismes de sécurité nationale — est le manque de transparence. La transparence relative à l'application de la loi par les organismes améliorerait la discussion sur les questions de sécurité nationale.
À l'heure actuelle, les organismes appliquent un ensemble de « lois secrètes ». Dans sa décision, le juge Noël fait l'interprétation de métadonnées et de données connexes qui étaient utilisées par le SCRS depuis de nombreuses années sans que personne ne le sache. Personne ne savait que le SCRS interprétait la loi de cette façon. Le juge Noël était d'avis que cette interprétation de la loi n'était ni exacte ni appropriée. Ces mécanismes et la façon dont la loi est appliquée doivent être transparents de sorte que les discussions puissent être plus ouvertes.
En ce qui a trait à la question spécifique des métadonnées, encore une fois, c'est une situation difficile parce qu'on comprend mal comment et pourquoi les métadonnées sont utilisées. C'est compréhensible dans une certaine mesure, mais il y a aussi une très bonne raison pour nous de mieux comprendre la façon dont ces organismes perçoivent et utilisent l'infrastructure juridique générale, et comment les choses se passent.
Notre position est similaire à celle de la Cour suprême dans l'arrêt Spencer: les métadonnées sont associées à un intérêt en matière de protection de la vie privée ou à une attente raisonnable à cet égard, et ces intérêts doivent être protégés et doivent avoir un poids important dans les décisions relatives à la collecte et à l'utilisation des métadonnées.
Merci.
Monsieur Gardee, vous avez parlé un peu du travail de sensibilisation des collectivités et le gouvernement a parlé de nommer un coordonnateur de la lutte contre la radicalisation. Quelles seraient les qualités recherchées chez cette personne et à quels projets travaillerait-elle?
Je crois qu'il est important de reconnaître que les efforts de mobilisation de la collectivité pour lutter contre la radicalisation menant à la violence criminelle sont associés aux efforts de lutte contre la discrimination dans la société, de même qu'aux efforts visant à promouvoir l'intégration des jeunes musulmans. Il ne faut pas non plus oublier que l'extrémisme violent ne se limite pas à une communauté en particulier, comme nous l'avons vu récemment. À mon avis, pour que ce bureau et son conseiller soient crédibles, il est important de tenir compte de toutes les formes de radicalisation menant à la violence extrémiste.
C'est aussi préoccupant de savoir qu'il est de plus en plus populaire sur le plan politique d'exiger des musulmans canadiens qu'ils s'adaptent aux « valeurs canadiennes » et s'y conforment, sans leur garantir en même temps la sécurité, l'inclusion et l'égalité. Je cite souvent un policier du Service de police d'Ottawa qui dit que l'inclusion est la clé de la sécurité publique.
[Français]
[Traduction]
Merci.
Je vais poser une question. Je ne fais habituellement pas cela en tant que président, mais j'aimerais faire suite aux questions de M. Dubé et de M. Di Iorio à l'intention de M. Edelmann.
Ce qui me préoccupe, c'est que vous utilisez les termes « surveillance » et « examen » de façon interchangeable. Nous avons un peu de difficulté à comprendre la différence entre ces deux concepts. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais vous avez fait référence à un organisme qui dépendrait moins du Parlement, à un organe d'examen expert, mais vous n'avez pas parlé d'un « super CSARS ». Comme vous vous adressez à des parlementaires, dites-nous pourquoi il y aurait un organisme plus important que le Parlement pour la surveillance de nos organismes de sécurité?
Pardon. Je devrais préciser que lorsqu'on parle d'un organisme « indépendant du Parlement », on ne suggère pas qu'il ne fera pas rapport au Parlement ou qu'il sera supérieur, plus important ou distinct. Le problème avec le comité de parlementaires, c'est que les parlementaires ne sont pas... Bien que le comité consacre beaucoup de temps à la question de la sécurité nationale, ses membres ont pour la plupart de nombreuses autres responsabilités et préoccupations et ne sont pas des experts en la matière.
Lorsque nous parlons du CSARS ou d'autres organismes de surveillance, ce sont des entités qui gèrent ces questions sur une base institutionnelle continue. Elles peuvent réaliser des études à long terme, elles ont une mémoire institutionnelle et peuvent intervenir.
J'utilise les termes « surveillance » et « examen » de façon interchangeable; je m'en excuse. Je devrais parler d'examen, selon le sens donné par les professeurs Forcese et Roach, par exemple. Ils établissent une distinction claire entre les deux.
En ce qui a trait à l'examen, le mandat de ce qu'on appelle un « super CSARS » est différent de celui d'un comité de parlementaires. Le comité de parlementaires joue un rôle très important, tout comme votre comité. Ce comité, bien qu'il puisse faire une grande partie du travail du commissaire aux plaintes de la GRC, serait dépassé s'il entreprenait de faire le travail de ce commissaire. Toutefois, toutes les tâches dont il s'acquitte pourraient en théorie être réalisées par le comité.
Ce qui me préoccupe, c'est que dans un bassin d'experts relativement petit... Le budget proposé pour le comité de parlementaires dépasse de plusieurs millions de dollars celui du Royaume-Uni pour un organisme similaire. Il engagerait des experts.
Je m'inquiète de voir un groupe d'anciens directeurs du SCRS ou soi-disant experts, qui sont des bureaucrates, se charger de la surveillance. Je dirais à l'Association du Barreau que les parlementaires sont peut-être mieux... qu'ils sont bien servis par une bureaucratie, un secrétariat et qu'ils sont peut-être mieux placés pour faire le travail.
Je tenais à le dire, en tant que parlementaire intéressé.
Pour être clair, nous ne proposons pas d'en éliminer un au profit de l'autre. Nous proposons d'avoir les deux. Selon notre proposition, les deux comités sont nécessaires, tout comme ce comité et le commissaire aux plaintes de la GRC jouent des rôles importants dans la surveillance de la GRC.
Je remercie tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
Monsieur Edelmann, je suis heureuse de vous revoir.
Ma première question a trait aux pouvoirs de perturbation du SCRS.
Je crois que c'est le professeur Forcese qui a proposé d'établir de façon spécifique ce que le SCRS pouvait faire au lieu de ce qu'il ne pouvait pas faire, et de veiller au respect de la Charte des droits et libertés. Est-ce que l'un d'entre vous a un commentaire à faire à ce sujet?
Je peux répondre.
Nous proposons des recommandations à ce chapitre dans les mémoires initiaux que nous avons soumis en réponse au projet de loi C-51 et au Livre vert. À leur lecture, vous remarquerez que le ton a légèrement changé. Par exemple, nous avons déjà comparu devant le Sénat sur cette question, et les gens craignaient surtout que les pouvoirs de perturbation des menaces autorisent des violations de la Charte. On nous a demandé si c'était ainsi que nous interprétions les dispositions. Il y a eu un débat, puis il s'est avéré que les universitaires et les représentants de l'Association du Barreau canadien, ou ABC, trouvent cette interprétation plausible.
En réaction à notre position, on nous a dit à maintes reprises que là n'était pas l'intention des législateurs. Si vous lisez notre dernier mémoire, je pense que vous comprendrez ce que nous proposons. S'il est vrai que ce n'est pas votre intention, vous n'avez qu'à clarifier le libellé. Une partie du problème vient des résultats positifs par rapport aux résultats négatifs, ce que vous avez d'ailleurs reconnu. Telles qu'elles sont énoncées, les dispositions stipulent essentiellement que le SCRS ne peut pas porter atteinte aux droits garantis par la Charte à moins d'obtenir un mandat. Or, ce n'est pas ainsi que la Charte fonctionne.
Par exemple, il est normal d'obtenir un mandat pour chercher des éléments, conformément à l'article 8 de la Charte qui protège les gens contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. Lorsqu'ils délivrent un mandat, les tribunaux n'autorisent pas les violations de la Charte. Ils délivrent justement le mandat pour éviter toute violation.
Voilà donc le problème que pose le libellé actuel. Il se peut fort bien que l'intention soit la même, ce que l'ABC ne conteste pas, mais vous devriez modifier la formulation des dispositions pour indiquer clairement qu'aucune violation de la Charte n'est autorisée. En fait, vous autorisez justement des activités bien précises pour éviter de porter atteinte aux droits garantis par la Charte. C'est peut-être votre intention. Si vous formulez le passage de cette façon, vous allez dissiper les inquiétudes.
Dans le même ordre d'idée, il y a un autre problème à ce chapitre. Il peut être fort utile de préciser votre intention parce que certains universitaires, y compris M. Forcese et d'autres, craignent actuellement que vous autorisiez par exemple la détention arbitraire. Encore ici, on nous a affirmé à maintes reprises que ce n'est pas votre intention. Eh bien, si c'est vrai, précisez-le clairement. Il n'y aura alors plus de doute.
Encore une fois, à propos de notre proposition, plus vous direz clairement ce pour quoi le SCRS doit obtenir une autorisation, plus le libellé sera conforme au fonctionnement de la Charte dans notre système juridique.
Je veux maintenant poser une question aux deux groupes de témoins à propos de la liste de personnes interdites de vol, encore une fois. Je sais que vous avez soumis des suggestions.
Un jeune homme de ma circonscription se trouve sur la liste. Le problème, c'est qu'il porte le même nom qu'une personne dont le nom figure sur la liste. Ce n'est pas nécessairement que le nom ne devrait pas s'y trouver, mais plutôt que le jeune homme porte le même nom qu'une personne qui est sur la liste. Cet homme est encore jeune. Il a eu toute une expérience aux États-Unis lorsqu'il a dû obtenir certains documents.
Il n'est pas le seul à être dans une situation semblable. Que pouvons-nous faire pour aider une personne à régler le problème, et pas seulement au Canada et aux États-Unis? Qu'arrivera-t-il si cette personne décide à un moment donné d'étudier à l'étranger? Quels genres de mécanismes de protection pouvons-nous mettre en place pour aider ceux qui se trouvent dans cette situation?
Je vais laisser à M. Edelmann le soin de répondre étant donné qu'il est spécialiste de la zone d'exclusion aérienne. Mais avant, je peux établir une analogie avec le droit criminel. Il arrive que le nom d'une personne soit le même que celui d'un autre individu. Par conséquent, son nom apparaît lorsque la police consulte le Centre d'information de la police canadienne, ou CIPC, puis elle se fait arrêter. On découvre ensuite qu'il y a eu erreur sur la personne. J'ai déjà été témoin d'un tel problème.
Sur le plan pratique, il est fort important de mettre en place un système de plaintes. Il serait alors possible de porter plainte aux différents corps policiers. Les gens auraient un endroit où aller pour régler le problème. Si les gens n'ont aucun recours et qu'aucun mécanisme n'est établi pour rectifier le tir, ils doivent alors envoyer des lettres, s'adresser aux députés et aller... Tout le monde se renvoie la balle, et il faut beaucoup de temps pour obtenir une réponse favorable. En revanche, si un système à guichet unique est créé à l'avance, le problème pourra être réglé efficacement. Idéalement, si les instances communiquent entre elles, la question disparaîtra tout au long du processus.
Je vais laisser M. Edelmann parler plus particulièrement de la zone d'exclusion aérienne.
J'aimerais très brièvement vous renvoyer aux mémoires que nous avons soumis en réponse au Livre vert, que le Comité devrait avoir en mains. Au fond, deux aspects de nos recommandations se rapportent à ce qui doit être modifié pour que le programme se poursuive. Le premier consiste à fournir des motifs objectivement discernables pour les ajouts à la liste d’interdiction de vol et les radiations de cette liste, en ce qui concerne la méthodologie employée.
Le problème que vous soulevez à propos du jeune homme de votre circonscription en est un d'identification de la personne. La liste de personnes interdites de vol doit comporter des renseignements plus détaillés. Pour l'instant, seul le nom de l'individu y figure. Si la liste était plus détaillée, il y aurait moins de faux résultats positifs. Nous avions d'ailleurs soulevé la question lors de sa création étant donné que c'est un problème quand il y a moins de caractéristiques particulières ou d'éléments d'identification.
D'autre part, il faut ajouter des mesures de protection efficaces pour les personnes dont le nom est erronément inscrit sur la liste. Il faut des mécanismes permettant aux gens, comme le jeune homme de votre circonscription, de confirmer qu'ils ne sont pas l'individu visé ou la personne figurant sur la liste. Il faut mettre en place un mécanisme pour obtenir...
Par exemple, un mécanisme semblable est prévu au Code criminel dans le cas de la liste des entités terroristes. En effet, un article du Code permet d'obtenir un certificat auprès du ministre. Je vais devoir vérifier de quelle disposition il s'agit. Lorsqu'il est question d'entités inscrites en vertu des dispositions sur le terrorisme, une personne doit pouvoir demander un certificat au ministre pour attester qu'elle n'est pas l'individu en question. La personne confirme ainsi qu'elle n'est pas une entité inscrite, même si son organisation ou elle portent le même nom qu'une entité de la liste. Il serait donc utile de mettre en place un mécanisme semblable pour régler le genre de problème que vous soulevez.
Merci beaucoup, monsieur le président. Messieurs, je vous remercie tous d'être ici.
J'ai encore une question sur la liste de personnes interdites de vol, mais je veux passer à un autre sujet. Monsieur Gardee, vous avez parlé d'islamophobie et de la motion 103. J'essaie de comprendre la définition de ce concept. En passant, bien des gens s'opposent à la motion parce qu'elle ne comporte aucune définition de l'islamophobie.
Lundi dernier, nous avons accueilli deux témoins de l'Islamic Society of North America, ou ISNA. Nous avons essayé d'en parler avec Mme Chowdhury, qui représentait l'organisme, et nous avons fini par discuter de la charia. En fait, elle a dit qu'elle était contre les propos de la charia sur l'oppression des femmes, mais qu'elle était d'accord sur le reste.
J'ai parlé ce matin avec une femme musulmane pour mieux comprendre la charia. Je croyais saisir le concept, mais j'en ai douté après le témoignage de Mme Chowdhury. Or, cette femme musulmane a confirmé ce que je pensais. Elle croit que Mme Chowdhury m'a carrément menti puisque tous les musulmans qu'elle connaît sont contre la charia. Je ne vous raconte pas cela pour vous ennuyer, mais bien pour mettre les choses en contexte.
À la lumière de la discussion que j'ai eue ce matin, qui a confirmé ce que je pensais comprendre de la charia, serais-je islamophobe si je critiquais ouvertement cette loi? Si je dénonce l'islam radical ou un acte terroriste commis par le mouvement radicalisé de l'islam, suis-je islamophobe pour autant?
Veuillez éclairer ma lanterne et m'expliquer exactement en quoi consiste l'islamophobie. Le mot semble être une création des médias ou de qui que ce soit d'autre.
Personne ne parle des deux religions les plus persécutées au monde, le christianisme et le judaïsme. Personne ne parle ni de christianophobie ni de judéophobie.
Je vais vous laisser la parole.
Pour ce qui est de la définition de l'islamophobie, le mot a gagné en popularité vers 1997, quand Runnymede l'a employé dans une de ses publications. Je dirais toutefois que le concept remonte au début de la foi elle-même.
La Commission ontarienne des droits de la personne dit que l'islamophobie inclut « le racisme, les stéréotypes, les préjugés, la peur ou les actes d'hostilité à l'égard des musulmans ». La définition ne se limite donc ni aux gestes isolés d'intolérance ni au profilage racial. Elle englobe aussi une opinion normalisée des musulmans, qui représenteraient une menace à la sécurité, aux institutions et à la société. Cela comprend les représentations négatives partiales et généralisées de la population musulmane, qui contribuent fortement à la normalisation et à la reproduction de ces formes contemporaines de xénophobie.
Eh bien, si la charia est aussi néfaste que le prétend la femme musulmane de ce matin, puis que je critique cette loi en disant que nous n'en voulons pas au Canada, ou quelque chose du genre — ce n'est qu'un exemple —, serais-je islamophobe pour autant? Et qu'en est-il si je dénonce un acte terroriste qui aurait été perpétré et endossé par l'islam radical? Je vais placer ma question dans ce contexte.
Ce que je peux vous dire, monsieur Miller, c'est que le Conseil national des musulmans canadiens, ou CNMC, est en faveur de la Charte des droits et libertés et l'applique au quotidien. C'est au coeur de notre mandat, en tant qu'organisme canadien de défense des libertés civiles.
M. Larry Miller: Je comprends.
M. Ihsaan Gardee: La « charia » est un mot extrêmement lourd de sens. Même si on ne sait pas ce qu'il signifie, le terme est choquant et va à l'encontre d'une compréhension mutuelle. Je ne comprends pas trop en quoi la question est pertinente aux travaux du Comité, qui s'intéresse au cadre de sécurité nationale du Canada.
Eh bien, c'est vous qui avez abordé le sujet de l'islamophobie, monsieur, et j'essaie simplement de... Je retournerai écouter l'enregistrement, mais je crois que vous l'avez mentionné trois fois... Je pense donc avoir le droit de comprendre de quoi il s'agit. De toute façon, vous n'avez pas répondu à mes questions, ou à mes deux exemples.
Vous avez parlé de la liste de personnes interdites de vol et de profilage racial. À l'instar de Mme Damoff, des gens de ma circonscription ont eu ce problème. Ils portent pourtant des noms courants comme Smith ou Jones. Il y a même un Miller sur la liste, qui n'a aucun lien de parenté avec moi.
Des députés: Ah, ah!
M. Larry Miller: Oui, nous n'en avons aucun.
Je ne dis pas que le profilage racial n'existe pas. J'aurais souhaité qu'il n'y en ait pas, car j'aime faire confiance au système en place. Je dis simplement que la question est beaucoup plus vaste que ce que vous avez constaté ou nous avez menés à croire. Ce n'est pas péjoratif, mais je veux simplement dire qu'il y a d'autres situations.
Pour ce qui est de la liste de personnes interdites de vol, je fais encore une fois écho aux propos de mes collègues de l'ABC. J'aimerais aussi reprendre une partie de ma réponse à la question posée plus tôt au sujet d'un autre individu dont un membre de la famille était inscrit à la liste. La loi prévoit un mécanisme permettant de contester une inscription, mais nous le trouvons inefficace. Pour commencer, les gens ne peuvent jamais savoir avec certitude s'ils figurent sur la liste. Deuxièmement, les personnes inscrites ne sont pas informées de la façon dont elles se sont retrouvées là, ou de la raison pour laquelle elles s'y trouvent. En troisième lieu, même si une personne inscrite demande à ce que son nom soit retiré de la liste, le ministre n'est pas tenu d'y donner suite. Quatrièmement, il incombe à la personne inscrite de démontrer non seulement que le ministre a eu tort de mettre son nom sur la liste, mais aussi qu'il a agi de façon déraisonnable. Étant donné que l'accès à l'information est limité par la loi, il est pratiquement impossible pour une personne inscrite d'en faire la preuve.
Nous devons nous arrêter ici.
Monsieur Edelmann, monsieur Carter et monsieur Gardee, je tiens à vous remercier de votre expertise, de votre temps et de vos idées.
Nous allons prendre une courte pause, après quoi nous poursuivrons les travaux du Comité à huis clos.
Je vous remercie.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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