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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 092 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 décembre 2017

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte pendant que les témoins s'installent. Nous avons une tâche de routine à faire, et c'est adopter le budget qui se trouve devant vous.
    J'en fais la proposition.
    (La motion est adoptée.)
    Nous n'aurons donc pas à prévoir un peu de temps à la fin de la réunion pour le faire, justement.
    Maintenant que la plupart des témoins sont installés, nous allons nous entretenir avec eux.
    Il s'agit de la 92 e réunion du Comité de la sécurité publique et nationale. Pour ce qui est de notre premier groupe de témoins, nous accueillons Ihsaan Gardee, directeur exécutif, et Faisal Bhabha, conseiller juridique, du Conseil national des musulmans canadiens. Puis, nous accueillons Zamir Khan et nous attendons toujours Khalid Elgazzar, de No Fly List Kids.
    Il est peu probable qu'il puisse venir.
    D'accord. Alors vous allez représenter No Fly List Kids?
    Oui.
    Nous allons donc demander aux représentants du Conseil national des musulmans canadiens de présenter leur déclaration de 10 minutes. Je vais vous laisser, monsieur Gardee, présenter votre organisation.
    Je vous remercie beaucoup de prendre le temps de nous écouter aujourd'hui.
    Je m'appelle Ihsaan Gardee, comme on vient de le dire, et je suis directeur exécutif du Conseil national des musulmans canadiens. Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue, le professeur Faisal Bhabha, conseiller juridique du CNMC et président de notre comité des politiques en matière de sécurité nationale.
    Le CNMC a été fondé en 2000 en tant qu'organisation populaire indépendante, non partisane et sans but lucratif. Depuis plus de 17 ans, le Conseil est l'une des voix prépondérantes de l'engagement physique musulman et de la promotion des droits de la personne. Le mandat du CNMC consiste à protéger les droits de la personne et les libertés civiles des musulmans canadiens, de défendre leur intérêt public, de favoriser la compréhension mutuelle et de remettre en question la discrimination et l'islamophobie.
    Nous tentons de réaliser notre mission grâce à nos efforts dans quatre domaines principaux: l'éducation et la sensibilisation communautaires, la mobilisation des médias, la lutte contre la discrimination et la défense de l'intérêt public. Le CNMC a un long et bon bilan public, ayant participé à des enquêtes publiques majeures, étant intervenu dans des affaires qui ont valeur de précédent devant la Cour suprême du Canada et en prodiguant des conseils aux organismes de sécurité sur la mobilisation des communautés et la promotion de la sécurité publique.
    Pour ce qui est de notre position, le CNMC a toujours soutenu la responsabilité du gouvernement d'assurer la sécurité nationale. Nous félicitons le gouvernement actuel, qui a respecté sa promesse électorale d'examiner le projet de loi C-51 — il s'agissait d'une condition initiale de l'octroi de son soutien au projet de loi — et de consulter les Canadiens. Même si nous nous réjouissons, par exemple, du fait que le projet de loi C-59 propose de créer un organisme d'examen de la sécurité nationale ayant des pouvoirs de surveillance et d'examen supérieurs à ce qui existe actuellement, notre objection générale reste la même. La loi va trop loin. Elle garantit quasiment une violation de la Constitution et offre une justification inadéquate. Elle renforce le milieu de la sécurité alors que toutes les données probantes montrent clairement que les institutions responsables de la collecte de renseignements et d'application de la loi liée à la sécurité nationale sont en difficulté, truffées de préjugés et d'intimidation à tous les échelons. La surveillance de ces agences n'est pas suffisante. Il faut une vraie réforme.
    Même si nous partageons les préoccupations formulées par d'autres témoins que vous avez entendus, y compris Amnistie internationale et d'autres, dans le cadre de ma déclaration préliminaire, aujourd'hui, je concentrerai notre témoignage sur deux préoccupations importantes majeures que soulève selon nous le projet de loi C-59. Premièrement, les pouvoirs donnés au SCRS, et, deuxièmement, le défaut de régler les problèmes systémiques liés à la liste d'interdiction de vol.
     Pour ce qui est de nos motifs, les musulmans canadiens sont tout aussi préoccupés au sujet de la sécurité que les autres Canadiens. Nous sommes confrontés aux mêmes risques de décès prématuré et de blessures aux mains de terroristes que tous les autres Canadiens. En fait, à l'échelle mondiale, l'écrasante majorité des victimes de violence politique, y compris la violence liée à l'idéologie extrémiste, sont des musulmans. Puisqu'ils ont des liens à l'échelle internationale, les musulmans canadiens sont menacés et touchés par le terrorisme mondial, et ce, autant, voire plus, que les autres Canadiens. Par conséquent, nous voulons vraiment que le Canada mette en place une bonne et solide politique en matière de sécurité nationale assortie de bons mécanismes de surveillance, de responsabilisation et de recours pour assurer une protection contre les abus et les erreurs.
    En même temps, les membres des communautés musulmanes canadiennes ont été des victimes de la politique canadienne en matière de sécurité nationale. Au cours des 15 dernières années, il y a eu trois enquêtes judiciaires distinctes, de nombreuses décisions de tribunaux, des ententes à l'amiable et des excuses qui reconnaissent les violations de la Constitution commises par des responsables du renseignement et de l'application de la loi dans le contexte de la sécurité nationale contre d'innocents musulmans. Les musulmans canadiens sont non seulement touchés de façon disproportionnée par ces erreurs et abus, mais ils font les frais des répercussions sociales lorsqu'apparaissent des sentiments xénophobes et antimusulmans.
    Le CNMC est d'accord avec un grand nombre d'experts selon lesquels donner plus de pouvoir aux organismes de sécurité ne signifie pas nécessairement que les Canadiens seront plus en sécurité. Les erreurs des responsables de la sécurité nationale non seulement exposent des personnes innocentes à un risque de soupçons et de stigmatisation, mais détournent aussi l'attention des réelles menaces tout en empêchant des actions pouvant efficacement promouvoir la sûreté et la sécurité. Alors même qu'Alexandre Bissonnette concoctait son attaque meurtrière contre une mosquée de Québec, la GRC « fabriquait un crime » selon un juge de la Cour supérieure de la Colombie-Britannique, dans un litige contre John Nuttall et Amanda Korody. Ce sont des personnes qui se sont converties à l'islam, d'anciens héroïnomanes vivant sur l'aide sociale, dont les accusations de terrorisme ont été retirées l'année dernière lorsqu'un tribunal a découvert qu'ils avaient été piégés par la police.
    Le projet de loi C-59 renforce le milieu de la sécurité, mais ne répond pas aux besoins en matière de sécurité des musulmans canadiens. Même si l'idée de prévention est louable, tout avantage qu'on pourra tirer de cette approche sera annulé par les empiétements sur les droits garantis par la Charte qui touchent de façon disproportionnée les membres de notre communauté, empiétements qui continueront de se produire sous le couvert de la réduction de la menace, de la communication de renseignements et de l'établissement de listes d'interdiction de vol.
    Si le gouvernement veut travailler en collaboration avec les communautés pour assurer la prévention, il doit commencer par créer un climat de confiance. Pour beaucoup de jeunes musulmans canadiens, la participation documentée et admise d'organismes responsables du renseignement et de l'application de la loi à des cas d'extradition et d'autres violations des droits de la personne, ce à quoi s'ajoutent le manque total de responsabilisation et les perceptions d'impunité qui en ont découlé, ont suscité un manque de confiance à l'égard du milieu canadien de la sécurité.
(0850)
    L'été dernier, un groupe d'employés du SCRS ont intenté des poursuites civiles contre le Service pour cause de discrimination, de harcèlement, d'intimidation et d'abus de pouvoir. Ils ont décrit un environnement de travail au sein du Service où prévalent le racisme, l'islamophobie, le sexisme et l'homophobie, une culture menée par la vieille garde masculine et un endroit où la représentation des minorités au sein de la direction est quasiment inexistante. Le lendemain du dépôt des poursuites, deux anciens employés principaux du Service ont été cités dans les médias affirmant qu'ils n'étaient pas surpris des allégations.
    En octobre 2017, le SCRS a publié le rapport lié à une enquête indépendante réalisée par une tierce partie concernant des allégations de harcèlement dans le bureau de la région de Toronto. Les constatations mentionnaient une « culture menée par une vieille garde masculine », un traitement dégradant, des déclarations discriminatoires et remplies de jurons, un manque de confiance des employés à l'égard de la direction et le manque de diversité du personnel.
    Si ces genres de rapports reflètent la culture générale au sein de ces organisations à l'égard de leurs propres employés, ils ne permettront assurément pas de dissiper les préoccupations au sein des communautés musulmanes canadiennes au sujet du profilage injuste et des erreurs dont leurs membres sont victimes.
    La Commission canadienne des droits de la personne a réalisé des vérifications sur l'équité en matière d'emploi au sein du SCRS en 2011 et 2014, et les constatations sont surprenantes lorsqu'on pense qu'il s'agit d'une institution publique puissante qui oeuvre au sein d'une société multiculturelle et démocratique du XXIe siècle.
    Il n'y avait pas de membres des minorités visibles occupant des postes de haute direction à une époque où les minorités visibles représentent environ 20 % de la population canadienne. Nous devons conclure qu'il y a non pas seulement un plafonnement voilé, mais un plafonnement tout court. La CCDP a aussi noté une culture institutionnelle qui sous-estimait les minorités et reproduisait des obstacles comportementaux, qui menait à moins de débouchés et d'occasions d'avancement pour les membres des minorités.
    La perte de confiance envers l'organisme de sécurité parmi les communautés musulmanes canadiennes a été exacerbée par l'absence de responsabilisation à l'égard des torts passés dont ont été victimes d'innocents musulmans. Même si le gouvernement a conclu d'importants règlements et présenté des excuses, aucun membre de ces organismes n'a été tenu responsable de ses actes.
    Autant que nous sachions, il n'y a eu aucune mesure disciplinaire, et aucune reconnaissance publique. Plutôt que d'être tenues responsables, certaines des personnes impliquées dans le cas bien connu de Maher Arar, qui a été torturé, ont même été promues au sein des organismes.
    Dans le meilleur des cas, il faut parler d'incompétence individuelle et institutionnelle au sein des organismes de sécurité. Dans le pire des cas, c'est une négligence grave et de la mauvaise foi. Ni l'un ni l'autre n'est acceptable, et les contribuables canadiens qui financent ces organismes méritent mieux.
    L'absence de responsabilité reflète une culture d'impunité au sein des organismes canadiens responsables de la sécurité qui renforce l'insécurité éprouvée par les musulmans canadiens. Le projet de loi C-59 n'atténuera pas les problèmes liés au SCRS. Aucun niveau de surveillance administrative ne peut éliminer des maux systémiques. Ces organismes doivent être réformés.
    Selon nous, le projet de loi ne tient aucun compte de l'impact réel que des préjugés dans le milieu de la sécurité nationale, qui créent de l'insécurité et causent des préjudices, peut avoir dans nos communautés. Sans un mandat législatif clair et des directives de notre gouvernement, nous ne croyons pas que la société civile à elle seule peut changer la culture au sein du SCRS et d'autres organismes de sécurité.
    Nous sommes prêts à aider, mais nous ne pouvons pas porter ce fardeau seuls.
    Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, Me Bhabha, qui conclura en formulant nos recommandations.
(0855)
    Permettez-moi d'utiliser ces derniers moments pour vous formuler nos recommandations. Nous en avons deux.
    Premièrement, nous demandons la suppression de la liste d'interdiction de vol, qu'on appelait avant le Programme de protection des passagers. Nous constatons que cette initiative continue d'être très préjudiciable pour les familles canadiennes et n'offre aucun remède ou recours efficace, comme mon collègue, ici, vous le dira.
    Le CNMC continue de recevoir des rapports de personnes touchées par la liste d'interdiction de vol, des personnes qui ont de la difficulté à voyager pendant des mois ou des années, au pays et à l'échelle internationale. Même s'il faut régler immédiatement le problème des personnes qui figurent actuellement sur la liste pour des raisons erronées ou invalides, nous approuvons expressément les recommandations que la coalition No Fly List Kids vous formulera.
    Selon nous, aucun rafistolage ne permettra de régler le problème sous-jacent, soit que la liste d'interdiction de vol est l'un des instruments de profilage racial et religieux les plus dommageables actuellement au pays. C'est le pendant, dans le domaine de la sécurité nationale, du fichage dans le contexte des services policiers en zone urbaine. Depuis la mise en oeuvre de la liste, elle a causé tellement de préjudices sans donner de résultat clair ou établi qu'on ne peut tout simplement pas justifier son maintien au sein de notre démocratie fondée sur la primauté du droit. C'était une expérience intéressante, mais il est temps de l'arrêter.
    Ce dont le Canada a besoin, c'est non pas d'une liste de voyageurs interdits, mais plutôt de meilleures activités d'enquête et de renseignement afin que les personnes qui constituent vraiment un risque ou qui ont commis des crimes puissent être traduites devant le système de justice pénale. Toute mesure qui va plus loin constitue un profilage dangereux dont les préjudices pour les membres de notre collectivité et d'autres personnes ont été prouvés.
    La deuxième recommandation, c'est qu'il faut réformer le SCRS. En ce qui a trait au Service, nous affirmons qu'on ne peut pas lui donner des pouvoirs supplémentaires, vu le manque de confiance actuel à l'égard de l'institution de la part de nombreux Canadiens. Il y a tout simplement trop de preuves d'un biais et d'une discrimination systématiques pour que nous puissions demander aux musulmans canadiens et aux autres citoyens de croire que tout nouveau pouvoir ne sera pas exercé de façon inappropriée ou discriminatoire. En fait, tout porte à croire que tout nouveau pouvoir sera exercé de façon inappropriée et discriminatoire.
    Comme on l'a mentionné, les violations liées à la sécurité nationale touchent de façon disproportionnée les musulmans canadiens, même si ce n'est pas seulement les musulmans canadiens, et ce n'est pas une coïncidence. Ce dont on a besoin, c'est un changement de culture au sein des organismes de sécurité nationale avant que Canadiens puissent croire que les enquêtes ne sont pas fondées sur des préjugés et des stéréotypes et que ces préjugés et stéréotypes ne vont pas définir la façon dont les nouveaux pouvoirs proposés de perturbation seront utilisés.
    Avez-vous terminé?
    Oui. Mon dernier point concerne simplement la diversité...
    Vous devrez trouver une autre façon d'en parler. Votre temps est écoulé.
    J'encourage les témoins à jeter un coup d'oeil vers le président vers la fin de la période qui leur est accordée. Sinon, je fais plein de gestes de la main et je n'obtiens pas de réaction.
    Je suis habitué d'être interrompu par des juges.
    Oui. Tout avocat qui est à son affaire a été interrompu de nombreuses fois.
    Monsieur Khan.
    Merci.
    Avant de commencer, je tiens à présenter mes excuses au Comité. Mon collègue, Khalid, ne peut pas être ici. Je vais jouer deux rôles ici, aujourd'hui, un en tant que parent, et l'autre en tant que conseiller juridique improvisé.
    Merci de nous donner l'occasion de témoigner devant le Comité aujourd'hui pour parler du projet de loi C-59. Je m'appelle Zamir Khan et je suis l'un des parents fondateurs de No Fly List Kids. Nous représentons des centaines de familles et des milliers de citoyens touchés négativement par le Programme de protection des passagers. La portée de notre connaissance et, par conséquent, notre témoignage se limite au Programme de protection des passagers, comme les modifications à la Loi sur la sûreté des déplacements aériens.
    Je ne suis pas expert législatif ni expert en matière de sécurité. Je suis simplement un citoyen canadien et un père, ici pour témoigner des répercussions négatives qui peuvent découler des lacunes législatives et lorsque les renseignements recueillis par nos propres organismes de sécurité sont utilisés de façon aléatoire. Comme vous le savez probablement, le Programme de protection des passagers, qu'on appelle aussi la liste d'interdiction de vol du Canada, a été mis en oeuvre en 2007. La conception du programme incluait, pour reprendre les mots de notre actuel ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, une « erreur fondamentale ».
    Cette lacune, qui persiste aujourd'hui, c'est que la vérification pour déterminer si des passagers figurent peut-être sur la liste des personnes interdites de vol revient aux transporteurs aériens et se fait uniquement en fonction du nom, et ce, même si les renseignements d'enregistrement et la liste de surveillance dressée au titre de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens contiennent des identifiants supplémentaires, comme la date de naissance. Un voyageur innocent pris dans cette toile est assujetti, au minimum, à des retards supplémentaires et à un examen de sécurité plus poussé afin de prouver son identité. Puis, c'est le jour de la marmotte, et il doit répéter ce processus chaque fois qu'il prend l'avion.
    On nous demande souvent combien de Canadiens sont touchés par ce problème. Les statistiques au sujet du programme et de son efficacité n'ont pas été communiquées depuis sa mise en place en 2007, quand le ministre des Transports a indiqué qu'il y avait jusqu'à 2 000 noms sur la liste. Notre groupe a été contacté par plus de 100 familles touchées, qui représentent seulement la pointe de l'iceberg. La vaste majorité des voyageurs ainsi ennuyés ne connaissent pas la source de leur difficulté puisque la Loi sur la sûreté des déplacements aériens interdit explicitement de divulguer des renseignements liés à une personne inscrite. Cependant, à la lumière des noms des personnes faussement identifiées que nous connaissons et vu le nombre de Canadiens qui ont le même nom, nous pouvons estimer de façon conservatrice que plus de 100 000 Canadiens pourraient être des faux positifs lorsqu'ils prennent l'avion. La méthode et la justification liées à cette estimation sont décrites en détail dans le mémoire que nous vous présenterons bientôt.
    Je m'intéresse personnellement à cet enjeu. Mon fils de trois ans, Sebastian, a été traité comme une personne possiblement inscrite depuis sa naissance. Cela signifie que, pour les deux premières années de sa vie, Sebastian était assez jeune, au titre de la réglementation sur les voyages, pour être considéré comme un bébé qui voyage sur les « genoux d'un parent » et qui n'avait pas besoin d'un siège dans l'avion, mais assez vieux pour être considéré comme une possible menace pour la sécurité.
    Pour les familles d'enfants visés, les retards connexes compliquent encore plus des déplacements qui sont déjà difficiles. Lorsque ces enfants grandiront, ils prendront conscience du fait qu'ils sont la raison des attentes qui n'en finissent pas et des contrôles de sécurité. Cette stigmatisation a été décrite par le ministre comme une expérience traumatisante pour eux et leur famille. Lorsque les enfants grandiront et deviendront adolescents et jeunes adultes, particulièrement les jeunes hommes, leur innocence deviendra moins évidente. Comme notre groupe l'a appris, les retards deviennent plus longs, et les contrôles, plus intenses. Cela signifie que certaines familles ont manqué des vols et que des enfants refusent de voyager par crainte d'être stigmatisés. Ce n'est pas le genre d'avenir que je souhaite à mon fils.
    La Loi sur la sûreté des déplacements aériens permet au ministre de conclure des accords avec des États étrangers pour divulguer les noms figurant sur notre liste de surveillance. Par exemple, un groupe de travail a été créé en 2016 pour communiquer les noms figurant sur notre liste d'interdiction de vol avec les États-Unis. La possibilité que ces données soient communiquées à l'échelle internationale est troublante pour nos familles, qui ont vécu des épreuves effrayantes, les gens étant questionnés, ou leur passeport, confisqué, lorsqu'ils voyagent à l'étranger. En fait, mon épouse et moi sommes préoccupés par le traitement qu'on nous réservera si notre famille décide de voyager à l'extérieur du Canada, vu ce qui se passe déjà au pays. Une liste de surveillance qui fait peser des soupçons injustifiés sur nous est communiquée à l'échelle internationale par notre gouvernement, même s'il revient uniquement à nous de prouver notre innocence.
    Je dis tout ça pour montrer que l'impact ici, ne se limite pas à de simples inconvénients. Il s'agit d'une stigmatisation, qui est inévitable, et on peut dire que c'est une violation des droits garantis par la Charte. En outre, comme le Comité l'a déjà recommandé, c'est un problème que l'on peut tout à fait résoudre.
(0900)
    No Fly List Kids demande qu'on corrige ce système vicié depuis deux ans, et jusqu'à présent, le gouvernement a réagi de deux façons. En janvier 2016, le ministre a souligné aux transporteurs aériens que les enfants âgés de moins de 18 ans n'ont pas à faire l'objet de contrôles supplémentaires. Cependant, comme la CBC l'a déclaré, le résultat a été qu'Air Canada a rappelé à ses employés que toute correspondance avec les noms figurant sur la liste doit faire l'objet d'une vérification en personne de l'identité, peut importe l'âge.
    En juin 2016, le gouvernement a annoncé la création du Bureau de renseignements sur le Programme de protection des passagers, le BDRPPP, visant à aider les voyageurs qui ont eu de la difficulté parce qu'ils figurent sur des listes liées à la sûreté de l'aviation. Notre groupe n'est au fait d'aucune famille dont le problème a pu être réglé par le BDRPPP. Pour le Canadien moyen, une solution consisterait à éliminer de façon permanente une personne fichée à tort. Le BDRPPP considère que recommander d'inscrire son enfant à un programme de récompense d'un transporteur aérien ou que présenter une demande dans le cadre du système de recours du Department of Homeland Security américain est une solution.
    Pour les personnes visées par la liste canadienne comme mon fils, un numéro de recours américain n'est d'aucune aide. Les programmes de récompense des transporteurs aériens constituent une solution de fortune qui manque d'uniformité et qui est viciée, une solution que le ministre a qualifiée de solution provisoire. Ce n'est pas assez bon.
    Plus tôt cette année, le Comité a produit un rapport intitulé « Protéger les Canadiens et leurs droits: une nouvelle feuille de route pour la sécurité nationale du Canada ». No Fly List Kids est d'accord avec votre recommandation 35 selon laquelle la seule solution pour les Canadiens est un système de recours rapide pour porter assistance aux voyageurs pris pour une personne figurant sur la liste des personnes précisées.
    Je vais maintenant jouer le rôle de notre conseiller juridique Khalid et vous décrire nos points de vue sur le projet de loi C-59 et sur la façon dont, même s'il fournit un cadre initial, il ne permettra pas la mise en oeuvre rapide d'un système de recours.
    Je vais aborder rapidement les points suivants: premièrement, le besoin pressant d'un système de recours a été établi; deuxièmement, le projet de loi C-59 ne va pas assez loin pour établir un tel système; et, troisièmement, si le temps le permet, la technologie requise pour créer le système de recours existe déjà est est utilisée par nos alliés.
    Commençons par les bonnes nouvelles. Au cours des dernières années, les Canadiens respectueux des lois de partout ont raconté leurs récits personnels de retards, de frustration, d'humiliation, et, franchement, de consternation, en raison de leur interaction avec le programme de la liste d'interdiction de vol. Ces récits ont gagné en urgence lorsque le groupe No Fly List Kids a été créé, il y a un peu moins de deux ans pour montrer l'impact de la liste sur la vie d'enfants, y compris des nourrissons.
    Il semble que le message a passé. Le groupe a réussi à obtenir des lettres de 202 députés, soit les deux tiers de la Chambre des communes, des lettres qui demandaient toutes la création rapide d'un système de recours. Il semble que tous les partis soient favorables à un tel système, mais me voilà rendu aux mauvaises nouvelles.
    À la lecture des modifications proposées à la Loi sur la sûreté des déplacements aériens contenues dans le projet de loi C-59, il est apparent que, même si le projet de loi fait un petit pas en avant en vue d'établir le système de recours, il n'en établit pas un au bout du compte. Le projet de loi C-59 inclut un article qui permet au ministre de recueillir des renseignements personnels afin de délivrer un identifiant unique aux voyageurs. C'est un petit pas en avant, mais cela ne nous amènera pas là où il faut nous rendre.
    Je vais vous donner un exemple en guise d'illustration. L'article 16 de la Loi prévoit actuellement un mécanisme d'appel à l'intention des personnes à qui on refuse l'embarquement. Il y a aussi un article sur un recours administratif.
    Comparons cela au projet de loi C-59, qui n'arrive même pas près de définir en détail un système de recours à l'intention des personnes faussement visées en raison de la liste.
    Mon dernier point, c'est que nous ne demandons pas au gouvernement de réinventer la roue. On n'a qu'à regarder ce qu'a fait notre plus proche voisin, les États-Unis. Nous avons joint des saisies d'écran de données de réservation pour le même passager voyageant du Canada à Halifax et New York avec un transporteur aérien canadien, Air Canada. Comme vous pouvez le voir, la technologie existe déjà, une technologie permettant au passager de consigner son numéro de recours lorsqu'il voyage aux États-Unis afin d'être autorisé à voyager au moment de l'enregistrement.
    Je remercie le Comité.
(0905)
    Merci, monsieur Khan.
    Madame Damoff, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être là. Heureuse de vous revoir, monsieur Khan.
    Je vais commencer par la liste d'interdiction de vol. J'ai posé beaucoup de questions aux représentants lorsqu'ils sont venus ici. J'ai fourni l'information à No Fly List Kids, alors j'espère que vous l'avez vue. Si ce n'est pas le cas, vous pouvez regarder mon intervention.
    Merci.
    Comme vous le savez, le nom du fils d'une de mes électrices est identique à un nom figurant sur la liste d'interdiction de vol. Pour être clair, il n'y a pas seulement des musulmans sur la liste d'interdiction de vol. Il n'y a pas qu'eux. Il sont peut-être prédominants, je ne sais pas, mais cela touche assurément beaucoup de Canadiens, peu importe la religion.
    Certaines des préoccupations dont je suis au courant sont prises en considération dans le projet de loi C-59, et je crois que vous partagez probablement ces préoccupations... Vous pourriez peut-être fournir des précisions. Une des préoccupations, c'est qu'elle n'avait aucune façon de déterminer si, en fait, le nom de son fils figurait sur la liste d'interdiction de vol. Le projet de loi C-59 donne à un parent ou à un tuteur la capacité de découvrir si le nom figure sur la liste. Ce n'était pas là avant. Je ne sais pas si vous le saviez ou non.
(0910)
    Je le savais. Je me questionne au sujet de la modification parce que, même si elle donne au ministre la permission de dire aux familles si le nom de leur enfant figure sur la liste d'interdiction de vol, je ne sais pas exactement de quelle façon une famille pourrait savoir qu'elle peut le demander au ministre, parce qu'il reste interdit au titre de la Loi pour les transporteurs aériens de communiquer des renseignements liés à une personne dont le nom figure sur la liste aux familles qui voyagent.
    C'est quelque chose que j'ai vécu personnellement. C'est seulement rendu au cinquième vol avec mon fils qu'on nous a dit la vraie raison des retards. Avant, on nous blâmait toujours, nous disant que nous avions fait une erreur de réservation relativement à mon fils. Je ne l'ai pas su avant que quelqu'un — j'imagine, je viens de l'apprendre — ait peut-être commis une infraction fédérale en me disant que le nom de mon fils figurait sur la liste.
    J'ai ensuite pu me tourner vers le ministre pour obtenir la confirmation, mais je ne sais pas combien de familles sont censées le savoir.
    C'est un autre changement qui est apporté. La liste sera tenue par le gouvernement et pas par le transporteur aérien. Les représentants nous ont aussi dit qu'il s'agit d'une liste canadienne et qu'elle n'est pas communiquée à d'autres pays. Chaque pays a la sienne.
    Je sais que l'électrice a connu du succès avec le système de recours américain dans la mesure où elle a pu obtenir un numéro. Je crois que vous l'avez dit aussi, soit que le système américain fonctionne en fait pour les gens dont le nom correspond à un nom figurant sur la liste.
    Son nom correspond à un nom sur la liste américaine. J'ai une lettre, ici, du système de recours américain à l'intention de mon fils. La lettre n'aide pas et, en plus, je ne peux même pas inscrire le numéro lorsque je voyage avec mon fils au Canada.
    Mais le numéro aide à voyager aux États-Unis. C'est ce qu'elle m'a dit. Si vous prenez un vol de New York à Los Angeles sur American Airlines, le numéro vous aide, aux États-Unis, mais il n'est d'aucune aide si vous voyagez avec des transporteurs canadiens.
    Je n'ai pas quitté le Canada avec mon fils.
    D'accord, je comprends. Je suis sûre que c'est très difficile de voyager avec un jeune enfant.
    Oui, c'est difficile.
    Comme vous l'avez mentionné, la liste a été créée en 2007. L'un des défis est lié à la façon dont le gouvernement précédent l'a établie. Plutôt que de faire comme les Américains avaient fait, nous avons procédé différemment. Par conséquent, les représentants, lorsqu'ils étaient ici, la semaine dernière, ont dit qu'il sera difficile et probablement plus coûteux d'essayer de changer la façon de faire maintenant. Cela dit, je crois que le projet de loi C-59 met en place le cadre nécessaire pour commencer à tout arranger.
    Je vais cependant passer aux autres témoins, parce que, selon vous, il faudrait tout simplement éliminer ce programme. C'est ce que vous avez dit? Vous ne croyez pas qu'il faudrait envisager un système de recours.
    Je crois qu'un système de recours est assurément une idée à approfondir, pour les raisons mentionnées par le représentant de No Fly List Kids, mais, ce que nous demandons instamment, ce sont des politiques fondées sur des données probantes. Jusqu'à présent, les seules données probantes qu'on a vues, c'est que le programme est préjudiciable. Il n'y a pas de preuve réelle que la liste d'interdiction de vol fonctionne.
    En 2001 ou 2002, ce qui était en jeu était différent. Des expériences, et tentatives pour augmenter la sécurité aérienne en particulier, étaient nécessaires. Il n'y a plus de raison de continuer à présumer de la véracité de ces hypothèses à la lumière de l'expérience et à la lumière des autres options qui s'offrent.
    Nous n'avons pas réalisé les recherches. Nous n'avons pas de réponse. Nous disons simplement que, à la lumière de la preuve, nous ne voyons pas en quoi les avantages l'emportent sur les préjudices.
    Il y a deux préoccupations. L'une, c'est que le nom des personnes est sur la liste parce qu'il y a une préoccupation liée à la sécurité. Ce que nous dit No Fly List Kids, c'est qu'il n'y a pas de risque pour la sécurité. Ils ne figurent pas sur la liste, c'est leur nom qui correspond à un nom qui figure sur la liste. C'est exact?
    Il y a le problème des faux positifs ou des erreurs sur la personne, puis il y a le problème des noms ajoutés sur la liste par erreur. Vous avez entendu qu'il est même difficile de savoir si notre nom figure sur la liste. Découvrir si son nom ressemble au nom de quelqu'un d'autre, qu'on ait le même nom qu'une personne qui constitue bel et bien une menace ou que le nom soit là simplement en raison d'une fausse information ou d'une fausse association est quasiment impossible à savoir sans creuser plus loin.
    Assurément, au niveau théorique, ce sont deux choses différentes — l'erreur sur la personne et le fait d'être nommé par erreur —, mais le résultat est le même.
(0915)
    Si je peux...
    Oui.
    ... un point intéressant, c'est que si votre nom figure sur la liste, si vous êtes l'une des 2 000 personnes ou plus qui figurent sur la liste, vous avez un recours prévu dans la loi. C'est exigé par la Loi sur la sûreté des déplacements aériens. C'est ce que nous vous disons ici. Pour les milliers d'autres personnes qui sont des faux positifs, qui n'ont rien à voir avec la liste, le processus n'est pas prévu dans la loi. Même avec les modifications prévues dans le projet de loi C-59, ce n'est pas garanti qu'un système de recours sera mis en place.
    Oui, mais on ne prévoit pas de financement dans un projet de loi.
    Non, pas le financement, mais le processus de recours.
    Ce que le ministre a dit, cependant, c'est que le projet de loi C-59 nous donne le cadre législatif nécessaire pour établir la réglementation, et, ensuite, le financement sera requis. C'est la première étape pour s'assurer d'y arriver.
    Il me reste seulement cinq secondes, alors je vous remercie.
    Nous devons nous arrêter ici.
    Monsieur Paul-Hus, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Bonjour, messieurs. Merci de votre présence.
    Monsieur Gardee, au début de votre témoignage, vous avez pris le temps de porter des accusations assez lourdes contre le SCRS et le CST. Vous dites que votre organisation, le Conseil national des musulmans canadiens, n'avait aucune confiance en nos services de renseignement.
    Pourriez-vous nous parler d'éléments précis qui pourraient faire la lumière sur ce sujet? Pour ma part, j'ai confiance en nos services. J'aimerais que vous nous parliez de choses plus précises.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    À titre de précision, nous discutons du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, et pas du Centre de la sécurité des télécommunications, même si nous sommes préoccupés par les opérations de l'ensemble des différents organismes responsables de la sécurité.
    Nous avons vu un certain nombre d'enquêtes publiques différentes, des cas très médiatisés de personnes innocentes qui ont été visées par des enquêtes liées à la sécurité nationale ayant mené, dans certains cas, à l'expulsion de personnes qui, à l'étranger, ont été torturées ou arrêtées, parce que des renseignements avaient été communiqués à des organismes étrangers responsables du renseignement. Ces personnes étaient par la suite détenues pendant de longues périodes. Dans certains cas, elles ont fait l'objet de torture et de mauvais traitements, comme on l'a découvert dans le cadre d'enquêtes publiques du juge Dennis O'Connor et du juge Frank Iacobucci, qui se sont penchés sur les cas de Maher Arar, Abdullah Almalki, Ahmad Abou-Elmaati et Muayyed Nureddin.
    Nous sommes aussi au fait, bien sûr, d'autres cas de personnes qui étaient à l'étranger et qui ont affirmé avoir fait l'objet d'un traitement similaire, y compris Abousfian Abdelrazik, qui a été détenu au Soudan pendant un certain nombre d'années. Il y a d'autres Canadiens qui sont encore détenus à l'étranger et dont nous demandons encore le retour au pays. Ce genre d'incident et ce genre de cas très médiatisé mettent assurément en lumière certaines de nos principales préoccupations.
    Comme mon collègue, Me Bhabha, l'a mentionné aussi, nous...
(0920)

[Français]

    Cela répond à ma question, merci. Comme je n'ai pas beaucoup de temps de parole, j'aimerais continuer à vous poser des questions.
    Lorsque vous avez témoigné à propos du projet de loi C-51, vous avez mentionné que des membres de la communauté voulaient participer à la déradicalisation, mais qu'ils avaient peur d'être accusés d'extrémisme.
     Pensez-vous que le projet de loi C-59 règle ce problème?

[Traduction]

    Pour ce qui est de notre témoignage sur le projet de loi C-51, il y a bien sûr une préoccupation qui tient à la stigmatisation associée au fait d'être considéré comme quelqu'un qui est lié d'une façon ou d'une autre à l'extrémisme violent ou à une idéologie qui le soutient ou le sous-tend. Certains craignent que la stigmatisation touche non seulement des particuliers, mais, de façon plus générale, l'ensemble d'une communauté, lorsqu'il est question de préserver la sécurité nationale et d'assurer notre sécurité commune.
    Soyons clairs: les musulmans canadiens sont aussi préoccupés par l'extrémisme violent et les idéologies sous-jacentes et nous sommes tout autant préoccupés par toutes les formes d'extrémisme violent.

[Français]

    Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais un projet de loi a été déposé, soit le projet de loi C-371, Loi sur la prévention de la radicalisation imputable au financement étranger, ce qu'on appelle les « voies secrètes ». J'aimerais connaître votre point de vue sur ce projet de loi.

[Traduction]

    Nous n'avons pas examiné ce projet de loi. Nous ne nous sommes pas préparés...
    Je dirais qu'on aborde une question pour laquelle vous êtes peut-être ou peut-être pas préparé, alors...

[Français]

    Je pose la question de façon ouverte, pour savoir si vous êtes au courant de l'existence de ce projet de loi. Si vous ne l'êtes pas, ce n'est pas grave.
    C'est un projet de loi qui a été déposé au mois d'octobre pour contrer le financement qui vient de l'extérieur du pays, ce qu'on appelle les « voies secrètes ». Il s'agit d'argent qui provient d'autres pays ou d'organisations étrangères. Je sais que la communauté musulmane a déjà témoigné à ce sujet. Des imams ont déjà dit qu'ils étaient contre ce genre de financement et qu'ils appuyaient notre position.
    Je voulais juste savoir si vous étiez au fait de l'existence de ce projet de loi, mais si vous ne l'êtes pas, ce n'est pas grave.

[Traduction]

    Si vous n'êtes pas à l'aise à l'idée de répondre à la question, vous pouvez dire non, et présenter au Comité une réponse plus officielle. En fait, ce serait une façon de gérer cette question surprise, si je peux m'exprimer ainsi.

[Français]

    D'accord.
    J'aimerais revenir sur la liste d'interdiction de vol.
    Je fais partie des députés ayant signé une lettre qui a été envoyée au ministre pour lui demander d'agir.
    Le projet de loi C-59 prévoit la possibilité d'attribuer un identifiant unique aux personnes, mais est-ce que vous pensez qu'utiliser des mesures biométriques pourrait être un autre élément à ajouter afin de faciliter la reconnaissance des personnes?

[Traduction]

    Je ne peux pas vous parler précisément des renseignements biométriques, mais je suis d'accord pour dire qu'utiliser plus d'identifiants serait tout à fait logique. Par exemple, si on exigeait que la date de naissance soit utilisée, en plus du nom, nous avons calculé qu'on pourrait ainsi réduire le nombre de faux positifs d'un facteur de 30 000, simplement en raison des probabilités que deux personnes aient la même date de naissance. Ce simple ajout au système permettrait de réduire le nombre de faux positifs de façon majeure, puis on pourrait avoir un système de recours pour les quelques personnes restantes qui ont encore des problèmes lorsqu'ils voyagent.

[Français]

    J'ai terminé, merci.
    Monsieur Dubé, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Gardee et maître Bhabha, je crois que c'est là où mon collègue essayait d'en venir au sujet du projet de loi C-51, et c'est quelque chose que nous avons entendu durant l'étude sur le cadre de sécurité nationale que le Comité a réalisée.
    Une des préoccupations qui ont été soulevées relativement aux changements apportés au Code criminel, les infractions liées à la promotion du terrorisme... certaines familles, par exemple, lorsqu'il était question de déclarer aux autorités appropriées certaines actions en espérant pouvoir réhabiliter un membre de leur famille ou de leur communauté, ne disaient rien afin de ne pas impliquer un membre de leur famille ou de leur communauté parce que les infractions ratissaient très large et étaient générales et vagues.
    Est-ce que les changements proposés dans le projet de loi C-59 relativement au Code criminel et à cet enjeu précis sont suffisants selon vous et selon votre organisation?
(0925)
    C'est peu probable, et c'est en raison du manque de confiance dont nous avons parlé.
    Nous utilisons l'analogie des services de police en zone urbaine et des Afro-Canadiens. Nous entendons dire qu'un manque de coopération avec les services de police est le symptôme d'un manque de confiance entre les communautés et les services de police. C'est précisément le problème auquel nous sommes confrontés dans le domaine de la sécurité nationale, et nous encourageons de meilleures relations communautaires avec les organisations d'application de la loi. C'est quelque chose que nous encourageons, mais, en tant qu'organisation, nous ne sommes pas assez confiants pour recommander à des musulmans canadiens d'ouvrir leur coeur et la porte de leur maison et de leur centre à des représentants responsables de la sécurité nationale qui ont prouvé maintes et maintes fois qu'ils étaient hypocrites et n'étaient pas dignes de confiance.
    Il faut penser à la responsabilisation en premier, et, de là, nous l'espérons, viendra la confiance.
     Pour revenir à la question de la communication des renseignements, vous avez bien sûr expliqué quelles étaient vos préoccupations à ce sujet. Il y a un nouvel élément dans le projet de loi concernant la collecte d'ensembles de données et ce genre de choses. L'une des préoccupations liées à ces filets de plus en plus grands qu'on utilise, c'est le fait de cibler des personnes précises. Dans les cas que vous décrivez et qui sont, malheureusement, tout à fait possibles — des choses comme le profilage et ainsi de suite —, il est possible qu'on ratisse tellement large que, par conséquent, on touche beaucoup de personnes.
    Quelles sont vos préoccupations relativement à la collecte d'ensembles de données et à l'impact que cela peut avoir sur votre communauté vu la situation actuelle que vous avez décrite?
    Je crois que les préoccupations qui ont été soulevées concernant la communication de renseignements sont très bien documentées aussi dans le rapport du juge O'Connor, qui se penchait sur le cas de Maher Arar. Il y a une amplification du manque de confiance à l'égard des organismes responsables de la sécurité nationale lorsqu'on n'a le sentiment qu'il n'y a aucune responsabilisation, comme je l'ai mentionné, concernant toutes les erreurs du passé.
    Il semble y avoir une culture d'impunité, une culture où non seulement les gens ne font pas l'objet de mesures disciplinaires — où nous n'entendons pas parler de telles mesures disciplinaires —, et où, en fait, ils bénéficient de promotions au sein de l'organisation. Cela crée au sein des communautés un sentiment général selon lequel il n'y a pas de responsabilisation actuellement dans les organismes responsables de la sécurité, et cela crée un manque de confiance.
    À ce sujet, nous avons parlé des problèmes liés à la culture en milieu de travail qui ont été soulevés et des poursuites contre le SCRS. L'une des raisons pour lesquelles j'ai demandé au ministre d'enquêter à ce sujet, ce n'est pas simplement en raison de ce qui s'est passé à l'interne. Je crois que vous avez dit les mêmes choses, mais je veux simplement, peut-être, préciser les choses, ici. Ce n'est pas seulement ce qui se passe à l'interne... il y a aussi comment tout ça peut se traduire dans la façon dont le travail est fait. En d'autres mots, si on demande au SCRS d'interagir avec certaines communautés et que c'est le genre de comportement qu'on constate à l'interne, on est en droit de se demander si c'est ce qui se produira à l'extérieur.
    Est-ce une bonne interprétation des commentaires que vous formulez?
    C'est exactement ce que nous vous avons dit. Si vous lisez la requête introductive d'instance déposée devant la Cour fédérale en juillet, cette année, il y a seulement quelques mois, et que vous lisez le rapport d'enquête publié, le rapport d'enquête réalisé par une tierce partie et communiqué en octobre 2017 — on parle ici d'examens très récents de l'organisation —, vous verrez là de très graves allégations au sujet de la culture.
    Nous en déduisons que si la culture interne va aussi mal que ce que ces personnes disent... ce n'est pas nous qui le disons. C'est ce que des employés de l'organisation et un enquêteur ont dit lorsqu'ils se sont penchés là-dessus. Si les choses vont aussi mal à l'intérieur, comment pouvons-nous ne pas présumer que ces mêmes préjugés étayent les activités opérationnelles de l'organisation? Il ne serait pas logique de voir les choses autrement.
    Pour ce qui est de la communication de renseignements, c'est très préoccupant parce que, comme vous l'avez entendu, si ces organismes établissent la liste d'interdiction de vol et les autres désignations liées à la sécurité, puis les communiquent à d'autres pays à l'échelle internationale, il pourrait y avoir beaucoup de Canadiens innocents dont la réputation et la liberté seront affectées par leur propre gouvernement en relation avec le reste du monde.
    Merci.
    Puisque mon temps de parole est limité, je vais sans plus attendre m'adresser à vous, monsieur Khan. Je veux d'abord remercier votre organisation de toutes les activités de promotion des droits qu'elle entreprend. Comme je l'ai dit à certains des autres parents, il est déjà assez difficile de défendre ce genre de cause, et je crois que c'est encore plus difficile quand il s'agit d'une cause qui touche votre famille et vos enfants; c'est pourquoi je vous remercie.
    Merci.
    J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, j'aimerais parler de ce qu'a dit l'un des enfants pendant la conférence de presse qui a été tenue ici sur la Colline du Parlement, quoique on ne peut plus vraiment dire qu'il s'agit d'un enfant. Son nom m'échappe, et malheureusement, je ne l'ai pas devant moi en ce moment. Il a soulevé un problème, le fait que certains de ces enfants, une fois plus vieux, pourraient se retrouver pris au piège dans ce labyrinthe de... C'est une chose quand cela vise un enfant en bas âge, mais les conséquences d'un faux positif, lorsque c'est un homme de 18 ou de 20 ans qui est concerné, peuvent s'avérer tout à coup beaucoup plus dangereuses. J'aimerais connaître votre opinion sur le sujet avant tout.
    Deuxièmement, je veux savoir si votre organisation est préoccupée par le gonflement excessif apparent des coûts véritables associés à la mise en oeuvre d'un système de recours.
(0930)
    Je vous prie de répondre en moins de 30 secondes.
    Merci.
    Concernant votre première question, la personne qui avait soulevé ce problème était Yusuf Ahmed. Effectivement, à mesure que ces jeunes gens vieillissent, on peut s'attendre, selon toute logique, que le processus de l'identité ne soit pas du tout le même pour un enfant de 3 ans que pour une personne de 20 ans, surtout vu les profils figurant dans ces listes. À cause de cela, ces jeunes hommes sont passés au crible, ce qui allonge de beaucoup les délais.
    En réponse à votre deuxième question, nous savons que ce programme a déjà été mis en oeuvre chez nos voisins du Sud. Au début, il n'y avait pas de système de recours aux États-Unis. Le gouvernement américain n'avait pas de système centralisé. Tout comme le Canada, les Américains ont confié la responsabilité de la liste d'interdiction de vol aux compagnies aériennes. En 2007, les États-Unis ont lancé le programme de la sécurité des vols, qui est essentiellement ce que nous demandons au Canada de mettre en oeuvre. Les coûts pour ce programme semblent être très proches des prévisions gouvernementales pour le système de recours.
    D'accord.
    Merci, monsieur Dubé.
    Maître Elgazzar, je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
    Monsieur Spengemann, vous avez sept minutes. Allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    As-salaam alaikum et bienvenue au Comité, monsieur Gardee.
    C'est bon de vous voir à nouveau, maître Bhabha.
    À l'instar de mon collègue, monsieur Dubé, je tiens aussi à remercier tout spécialement M. Khan qui est venu témoigner non seulement à titre d'intervenant, mais aussi en tant que parent d'un enfant concerné directement par la liste d'interdiction de vol.
    Je vous remercie tous les quatre de défendre cette cause, d'exprimer vos opinions et de nous pousser à étudier ces questions afin que nous puissions, au bout du compte, améliorer nos lois et nos institutions. Je crois qu'il est très clair pour le Comité que, de votre point de vue, le statu quo ne suffit pas, et je crois — c'est mon point de vue personnel, mais je suis sûr que les autres membres du Comité le pensent aussi — que nous devons procéder à des changements. Si nous poursuivons sur la même voie malgré les graves lacunes de la loi, nous ne pourrons pas donner aux Canadiens ce que nous pouvons offrir de meilleur.
    J'aimerais que vous m'éclairiez un peu toutefois. Au début, il m'a semblé quelque peu que ce que vous vouliez divergeait; Me Bhabha a même dit que nous devrions nous débarrasser complètement du Programme de protection des passagers. Disons que nous avions dès demain un programme équivalent, semblable en tous points, à celui en vigueur aux États-Unis et qu'il était fonctionnel, cela atténuerait-il vos préoccupations, et si oui, dans quelle mesure?
    D'après ce que nous ont dit d'autres témoins et d'autres membres de la communauté musulmane ainsi que des membres d'autres communautés, le système de recours en vigueur aux États-Unis, malgré la stigmatisation qu'il suppose, est au moins fonctionnel. Êtes-vous d'accord sur ce point?
    Vous adressez-vous à nous?
    La question est ouverte à tous.
    Selon moi, si le système en vigueur aux États-Unis était mis en oeuvre au Canada aujourd'hui, ce serait une nette amélioration en comparaison du statu quo comme vous l'avez dit. Je doute que quiconque croie qu'il s'agit d'un système parfait, mais ce serait incontestablement une énorme amélioration par rapport à ce qui existe aujourd'hui.
    Monsieur Gardee ou maître Bhabha...?
    N'importe quelle modification visant à améliorer ce que nous avons présentement serait favorablement accueillie, mais comme vous le savez, l'effet stigmatisant de la liste doit être comparé à ses avantages, et pour l'instant, rien ne nous laisse croire que la liste présente des avantages.
    J'ai évoqué plus tôt la question des changements culturels, et je crois qu'il est important que vous sachiez que vous nous permettez de comprendre, dans la mesure où cela est possible dans le temps qui nous est imparti ce matin, la stigmatisation avec laquelle vous vivez tous les jours, et je vous en remercie.
    Le projet de loi C-59 sert à jeter les bases, comme les représentants du ministère et le ministre nous l'ont dit récemment, d'un processus en trois étapes qui nous permettra de façonner ce que nous voulons, c'est-à-dire un programme équivalant à celui des États-Unis. Avec ce projet de loi, nous avons un fondement juridique. Ensuite viendront les considérations budgétaires, puis, à la fin, la création d'un système informatique sur lequel s'appuiera le système de recours. Les représentants du ministère qui sont venus témoigner devant le Comité nous ont dit que ce genre d'effort n'est pas simple.
    Monsieur Khan, je comprends ce que vous dites à propos du fait qu'il existe déjà un logiciel qui pourrait effectivement offrir dans une certaine mesure des solutions, au bout du compte, pour le système canadien, mais cela demeure un processus compliqué, et il y a plus d'un ministère en cause. Ce genre d'initiative ne peut pas être lancée et aboutir du jour au lendemain.
    Étant donné que cela concerne en partie des jeunes personnes et qu'il y a des questions relatives à la protection de la vie privée qui sont soulevées, il est important que les données soient protégées; il faut faire les choses de la bonne façon. Seriez-vous d'accord pour dire, si tout ce que j'ai dit à propos des caractéristiques du processus est exact, que le gouvernement ne peut pas réellement adopter une solution rapidement dans l'intérim pour alléger de façon satisfaisante les préoccupations que vous avez évoquées aujourd'hui devant nous?
(0935)
    Je suis d'accord avec vous quant au fait qu'il faudra du temps pour créer le système de recours, parce que c'est complexe. Je suis d'accord sur ce point. Toutefois, je ne vois rien dans le cadre du projet de loi C-59 qui nous assure qu'un système de recours sera jamais créé. Ce que j'aimerais voir dans ce texte de loi, de la même façon qu'on y a décrit le processus administratif, c'est un engagement quant au fait que le système de liste ne va pas se poursuivre sans système de recours. Ce n'est pas le cas actuellement.
    Je crois que le Comité vous en serait reconnaissant — et c'est quelque chose que vous avez déjà mentionné — si vous pouviez nous fournir des recommandations précises quant au libellé que vous voudriez voir dans le projet de loi par rapport à la liste d'interdiction de vol. Pouvez-vous nous faire parvenir cela? Personnellement, j'ai la certitude que le gouvernement est déterminé et que toutes les conditions sont réunies. Grâce à vos efforts de promotion des droits, vous avez, je crois, obtenu l'engagement de tous les partis, afin que l'élément budgétaire pertinent soit intégré à l'élaboration de ce système.
    J'aimerais aussi céder une partie des deux ou trois dernières minutes qu'il me reste à ma collègue, Mme Young, mais avant, j'aimerais connaître votre avis sur les jeunes Canadiens et leur vulnérabilité.
    Mon collègue, M. Paul-Hus, a soulevé la question du financement des activités terroristes. L'autre source qui alimente les organisations terroristes est le recrutement. Les jeunes du Canada — et pas seulement les musulmans, les jeunes du Canada en général — sont des proies de choix pouvant être recrutées par des organisations comme al Shabaab, le groupe Abu Sayyaf et l'État islamique.
    L'article 159 du projet de loi C-59 modifie la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents: essentiellement, lorsque la détention est utilisée comme mécanisme de prévention, il faut intégrer des efforts de lutte contre le terrorisme dans les interventions visant les jeunes délinquants. Y a-t-il d'autres dispositions dans ce projet de loi que vous aimeriez mettre en relief ou sur lesquelles vous voulez insister en ce qui concerne la protection des jeunes au Canada? Pourriez-vous aussi faire un très court commentaire sur l'importance de travailler auprès de jeunes Canadiens pour prévenir la radicalisation?
    Vous disposez plus ou moins d'une minute.
    Je vais essayer de répondre rapidement. Je crois aussi que mon collègue, Me Bhabha, a aussi quelque chose à dire.
    Nous avons déjà évoqué une partie de la solution quand nous avons parlé du virage culturel qu'il faudrait prendre pour régler certains de ces problèmes: il faudrait de toute urgence que le SCRS songe à prendre certaines initiatives, par exemple le recrutement à grande échelle au sein de l'organisme, la formation et la promotion de membres des minorités, y compris les musulmans. Une autre partie de la solution serait l'élaboration d'un programme exhaustif de formation à l'interne, assorti d'audits qui permettraient de suivre l'évolution de la situation, afin de favoriser ce virage culturel au sein du service.
    Il est clair que le recrutement par des organisations terroristes demeure extrêmement préoccupant. Ce problème est exacerbé par le recrutement sur Internet et la montée de l'intolérance en ligne.
    Je crois qu'il serait juste de dire, donc, que ce genre de préoccupation vous concerne tous les quatre.
    C'est préoccupant, mais il faut chercher à comprendre pourquoi les jeunes du Canada sont vulnérables. Nous croyons qu'il existe des problèmes sociaux fondamentaux qui créent cette vulnérabilité. Ce ne sont pas uniquement les jeunes musulmans canadiens qui sont vulnérables face à l'extrémisme. Nous en avons eu la preuve dans la ville de Québec plus tôt cette année. Nous aimerions voir davantage d'efforts déployés pour combattre toutes les formes d'extrémisme qui visent et influencent les jeunes Canadiens.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je cède les 45 secondes qu'il me reste à ma collègue, Mme Young, pour qu'elle puisse poser une courte question.
    Monsieur Khan, je veux vous remercier de vos efforts de défense des intérêts. Vous êtes l'un de mes électeurs, et je suis heureuse de voir ce que vous avez accompli au cours des deux dernières années. J'étais une des premières personnes à signer la lettre, et j'ai été heureuse de le faire.
    J'ai une question rapide à poser à propos des compagnies aériennes. Est-ce une bonne décision d'enlever aux compagnies aériennes ce genre de responsabilité?
    Certainement, oui.
    Le gouvernement s'occupe de tenir la liste à jour, alors c'est le gouvernement qui devrait veiller à son application. Les mesures ne sont pas appliquées uniformément lorsque la responsabilité incombe aux compagnies aériennes. Il arrive que des familles doivent inscrire leurs bébés à des programmes de récompenses pour régler les problèmes, alors oui, incontestablement, ce serait une bonne décision.
    Merci, et merci à M. Spengemann de sa grande générosité.
    Allez-y, monsieur Motz.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être ici avec nous aujourd'hui.
    Je comprends bien ce que vous avez dit plus tôt, à propos de la préoccupation que soulèvent toutes les formes que peut prendre l'extrémisme violent. Je suis certain que votre organisation a déjà ou va prochainement condamner l'attentat qui s'est produit à New York.
    Vous avez mentionné que l'obligation redditionnelle du SCRS est, depuis un très grand nombre d'années, défaillante. En 2015, le projet de loi C-51 a été déposé afin de corriger ces lacunes, et maintenant, le projet de loi C-59 renforce davantage les exigences en matière d'examen et de reddition de comptes. Malgré tout, j'ai cru comprendre, d'après votre témoignage d'aujourd'hui, qu'on demeure peu confiant que les failles au sein du SCRS seront comblées.
    Selon vous, quelle est devrait être la solution?
(0940)
    Merci beaucoup.
    J'ai brièvement mentionné plus tôt qu'une partie de la solution serait de songer à renforcer la diversité au sein de l'effectif. Il existe un manque de diversité dans la haute direction, comme je l'ai déjà dit dans mon exposé. Ce genre de chose envoie un message. C'est quelque chose d'important, mais ce n'est pas le seul élément en jeu.
    Nous croyons qu'il sera aussi nécessaire que le SCRS et d'autres organismes de sécurité entreprennent de toute urgence des activités de recrutement à grande échelle et de formation auprès des minorités, y compris les musulmans. Pour compléter cela, nous recommandons qu'il y ait des formations à l'interne assorties d'audits afin de faire le suivi de la situation.
    D'accord.
    Messieurs, l'une des choses que vous avez mentionnées est que vous encouragez de meilleures relations communautaires avec les organisations d'application de la loi et les organismes de sécurité. Précisément, que fait votre organisation auprès de vos communautés pour encourager cela?
    Nous nous réunissons fréquemment avec divers membres de notre communauté et nous animons des ateliers sur toute une gamme de sujets. Par exemple, l'un des ateliers a pour but d'informer les gens de leurs droits et de leurs responsabilités. Nous discutons des droits qui viennent avec la citoyenneté canadienne et, au même titre, des responsabilités dont il faut s'acquitter en tant que citoyens actifs et engagés, dont la responsabilité de veiller à notre sécurité collective. Si quelqu'un est au courant d'activités criminelles, il devrait les signaler à la police.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais maintenant aborder la question de la liste d'interdiction de vol. Je vous suis reconnaissant des efforts que vous et votre organisation avez déployés pour défendre les droits à ce chapitre.
    Je veux aussi vous souhaiter la bienvenue au Comité.
    Merci.
    Toutes sortes de solutions ont été proposées. Je pose la question à vous précisément, compte tenu de votre formation. Selon vous, existe-t-il des solutions technologiques potentielles qui pourraient régler le problème de la liste d'interdiction de vol actuellement?
    Une façon simple de procéder, selon moi, serait de prendre exemple sur nos alliés, et le plus simple serait de commencer par les États-Unis. Les Américains ont un système de recours depuis 2007. Je crois que mon ami, monsieur Khan, a dû le mentionner dans l'exposé que j'étais censé donner plus tôt, mais la constitutionnalité du système qui a été mis en oeuvre en 2007 a effectivement été contestée devant les tribunaux, et en conséquence, on est revenu à la case départ et on a mis en oeuvre un système assorti de protections constitutionnelles.
    Il est clair que la technologie existe. Je crois que M. Khan vous a peut-être montré plus tôt un document résumant la différence entre ce qui arrive lorsqu'un voyageur canadien prend un vol avec la même compagnie aérienne, entre deux aéroports canadiens et ce qui arrive lorsque le même voyageur prend un vol depuis le Canada à destination d'un aéroport américain. Dans le deuxième cas, il y a un champ additionnel où le voyageur peut inscrire un numéro pour le système de recours. Il est donc évident que la technologie existe.
    D'accord. Dans ce monde idéal, si c'était possible —  et je suis sûr que mon collègue d'en face vous a déjà demandé quelles étaient vos recommandations pour le Comité —, quelles modifications qui ne figurent pas déjà dans le projet de loi C-59 aimeriez-vous voir par rapport à la liste d'interdiction de vol?
    J'aimerais voir des dispositions, peu importe lesquelles, prévoyant concrètement la création d'un système de recours. Par exemple, qui sera chargé de l'administration du système? Quel titre va-t-on lui donner? Quelles vont être les procédures? Quels seront les critères? Prévoit-on un droit d'appel? L'article 16 de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens prévoit quelque chose de similaire en matière d'appels, et je crois savoir que le projet de loi C-59 la renforce davantage.
    En résumé, ce que j'aimerais voir, c'est la création d'un système de recours ou du moins tout ce qui est nécessaire à son établissement. Vous pouvez aussi lui donner un nom. Je sais que les États-Unis ont donné un nom au leur: Traveller Redress Inquiry Program. J'aurais cru à tout le moins, que le gouvernement aurait prévu quelque chose à l'article 32 de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens — il s'agit de l'article sur les règlements — qui lui permettrait de réglementer le système de recours. Même si ce n'est qu'un détail, cela indiquerait tout de même que cela va se faire.
    En toute franchise, notre position est que le gouvernement doit saisir l'occasion de combler son retard par rapport à nos alliés, y compris les États-Unis, en faisant ce qu'il doit faire pour créer tout ce système. Encore une fois, il n'est pas question ici de demander au gouvernement de réinventer la roue.
    Merci, monsieur Elgazzar.
    Il me reste encore une minute ou deux. Monsieur Fragiskatos, je vous les laisse, si vous les voulez.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais profiter de cette minute ou de ces deux minutes pour faire comme ma collègue, Kate, et vous remercier chaleureusement, monsieur Khan, de tout le travail que vous avez fait. Vous habitez à London-Ouest, et vos parents habitent à London-Centre-Nord. Je me souviens très bien de la discussion que nous avons eue dans le bureau de comté; vous avez exposé les mêmes choses que vous avez dites ici devant nous, c'est-à-dire, en particulier, la stigmatisation et les préjudices causés par cette liste ainsi que les impacts que cela a eus sur votre famille et vous. Je vous remercie d'avoir mis un visage humain sur toute cette affaire. Je suis sûr que cela n'a pas été facile.
    J'aimerais toutefois en savoir davantage sur la façon dont l'approche américaine a évolué par rapport à la liste d'interdiction de vol. Je crois que le sujet a été effleuré, mais après avoir entendu tout ce que vous avez dit, monsieur Khan, ainsi que vous maintenant, maître Elgazzar, je crois que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'une liste d'interdiction de vol peut être mise en place, être tenue à jour et être utilisée pour assurer la sécurité, pourvu qu'elle soit bien utilisée et que nous tirions des leçons de pratiques exemplaires d'autres pays, comme les États-Unis. Je tiens pour acquis que vous êtes d'accord avec moi sur ce point. C'est ce que j'ai compris de vos commentaires.
(0945)
    Oui. Je serais d'accord pour dire qu'on pourrait apporter des améliorations afin de réduire les préjudices occasionnés par cette liste. Comme l'ont dit mes collègues ici dans leur témoignage, aucune donnée probante ne permet de conclure à l'efficacité de cette liste, alors je ne peux pas affirmer que cette liste est efficace ou utile pour nous garder en sécurité. J'aimerais vraiment voir des statistiques à ce sujet.
    Néanmoins, en attendant, il faudrait effectivement réduire le nombre de faux positifs et donner aux gens concernés des recours. Ce serait une amélioration.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Merci beaucoup.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier chacun d'entre vous d'avoir fait l'effort de venir ici, aujourd'hui en particulier.
    Sur ce, nous allons suspendre les travaux, le temps que le prochain groupe de témoins s'installe dans deux ou trois minutes.
    M. Paul-Hus assurera la présidence pendant la deuxième moitié de la séance, car je dois faire rapport du projet de loi C-66 à la Chambre.
    Nous suspendons nos travaux.
(0945)

(0950)

[Français]

    Bonjour, monsieur Roach et monsieur Fogel.
    Je suis Pierre Paul-Hus, vice-président du Comité. Je prends actuellement la place du président, qui est allé faire rapport d'un projet de loi à la Chambre des communes.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Fogel. Vous avez une déclaration à nous faire.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de témoigner devant votre comité au nom du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, le porte-parole des Fédérations juives du Canada.
    Nous sommes une organisation nationale, non partisane et sans but lucratif représentant plus de 150 000 Juifs au Canada par l'intermédiaire de fédérations locales aux quatre coins du pays. Nous croyons aux valeurs fondatrices du Canada, la liberté, la démocratie et l'égalité, et nous sommes engagés à travailler avec le gouvernement, le Parlement et tous les groupes semblables afin de veiller à ce que le Canada demeure un pays où tous peuvent jouir de protections et de chances égales.
    En mars 2015, j'ai témoigné devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale dans le cadre de son étude sur le projet de loi C-51. Notre témoignage s'ouvrait sur le fait suivant: « Les Juifs sont régulièrement ciblés au Canada par les crimes haineux ou reliés aux préjugés, et ce, à un taux plus élevé que pour n'importe quel autre groupe identifiable. » Malheureusement, ces mots sont toujours vrais aujourd'hui.
    Récemment, Statistique Canada a publié un rapport sur les crimes haineux en 2016, et encore une fois, les Juifs ont été ciblés plus que n'importe quelle autre minorité religieuse, avec 221 incidents. Il convient toutefois de garder les choses en perspective. Le Canada est un pays très sécuritaire pour les groupes identifiables ainsi que l'un des meilleurs endroits où vivre si vous êtes membre d'une minorité. Il faut toutefois rester vigilant, car chaque crime haineux est un crime haineux de trop.
    Prenez l'attentat contre une synagogue à Jérusalem, contre une boîte de nuit gaie à Orlando, contre une église afro-américaine à Charleston ou contre une mosquée à Québec; voilà autant d'exemples de la façon dont la haine extrême ne peut que mener à de la violence extrême. Aux quatre coins du monde, les Juifs sont la cible principale des terroristes: que ce soit en Belgique, en Argentine, en France, en Inde, en Bulgarie, en Israël, au Danemark ou aux États-Unis. Vous comprendrez que les Juifs canadiens sont préoccupés non seulement par les menaces qui les guettent à l'étranger, mais également par ce qui pourrait se produire ici, chez nous.
    Le Rapport public de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada de Sécurité publique Canada indique que le réseau du Hezbollah, ce groupe terroriste reconnu qui est vraisemblablement l'auteur de l'attentat à la bombe contre un centre communautaire juif à Buenos Aires, a étendu ses activités jusqu'au Canada. Le tristement célèbre attentat à la bombe incendiaire de 2004 contre une école juive à Montréal est encore bien présent dans notre mémoire collective.
    C'est pourquoi notre communauté s'intéresse de près à l'approche gouvernementale de lutte contre le terrorisme. Nous vous sommes reconnaissants de l'occasion qui nous a été offerte de participer aux consultations sur le cadre de Sécurité nationale du Canada. Nous avons pu témoigner devant votre comité et avons participé aux consultations du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. J'espère que vous trouverez nos recommandations utiles et constructives.
    Plus loin, nous allons aborder la question de l'élargissement de la fonction de surveillance du SCRS, mais avant, je tiens à dire quelques mots à propos de l'infraction consistant à préconiser ou fomenter la perpétration d'une infraction de terrorisme en général.
    Dans le cadre de l'ancien projet de loi C-51, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes soutenait les mesures visant à habiliter les responsables de la sécurité à incriminer une personne pour l'infraction de préconiser ou fomenter la perpétration d'une infraction de terrorisme et à saisir la propagande terroriste. Le Centre soutenait ces mesures, puisqu'il s'agissait d'un moyen de faire échec à ceux dont le dessein était d'inspirer, de radicaliser ou de recruter des Canadiens à des fins terroristes, en leur retirant la latitude sur le plan juridique qui leur permettait d'exprimer des idées dangereuses en autant qu'ils soignent leurs mots.
    Le projet de loi C-59 modifie le libellé de la loi de façon à remplacer « l'infraction de préconiser ou fomenter » par « l'infraction de conseiller la commission d'infractions de terrorisme ». Cela n'a pas nécessairement pour effet d'atténuer la force exécutoire prévue de la disposition. Dans son document d'information à propos de l'infraction de préconiser ou de fomenter la perpétration d'une infraction de terrorisme, le ministère de la Justice dit ceci: « L’infraction s’inspire des infractions existantes de conseiller et de la jurisprudence pertinente. Elle élargit le concept de conseiller aux cas où aucune infraction de terrorisme particulière n’est conseillée, mais qu’il est clair, néanmoins, que des infractions de terrorisme sont conseillées. »
    Le projet de loi C-59 semble remplir le même objectif, et on y ajoute également la nuance suivante par rapport à l'infraction de conseiller la commission d'une infraction de terrorisme: « Pour que l’infraction [...] soit commise, il n’est pas nécessaire?[...] que la personne conseille la commission d’une infraction de terrorisme spécifique. » Comme le ministre Goodale l'a dit récemment dans son témoignage devant votre comité, cette modification devrait donner aux forces de l'ordre une plus grande marge de manoeuvre pour faire respecter la loi, et, de notre point de vue, il s'agit d'une évolution raisonnable. Cependant, nous croyons qu'il existe une lacune dans le nouveau libellé qui est proposé qui risquerait de restreindre la portée de la disposition et de l'affaiblir considérablement.
    Présentement, est coupable de cette infraction « [Q]uiconque, sciemment, par la communication de déclarations, préconise ou fomente la perpétration d’infractions de terrorisme en général[...] ». Si on se contente de substituer les parties concernant la promotion et la fomentation, la disposition devrait se lire ainsi: « [Q]uiconque conseille la perpétration d'une infraction de terrorisme [...] », mais ce n'est pas le cas. À la place, voici la disposition dans le projet de loi C-59: « [Q]uiconque conseille à une autre personne de commettre une infraction de terrorisme [...] » Le libellé semble indiquer que seule une personne conseillant une autre personne spécifiquement commet une infraction.
(0955)
    En ce qui concerne l'infraction consistant à charger une personne de se livrer à une activité terroriste, le Code criminel est explicite. L'infraction est commise, que l'accusé ait ou non chargé une personne en particulier de se livrer à l'activité en question ou même qu'il connaisse ou non l'identité de la personne chargée de se livrer à cette activité. La même norme devrait s'appliquer à l'infraction de conseiller. Si l'on change « préconiser ou fomenter » par « conseiller », on modifie la définition de propagande terroriste.
    Le projet de loi C-59 retirerait « préconise ou fomente la perpétration d'infractions de terrorisme en général » de la définition, de la même façon qu'il changerait l'infraction de conseiller dont je viens de parler. Toutefois, il manque ici une réserve des plus importantes, puisqu'il n'est pas nécessaire que l'infraction spécifique de terrorisme ait été conseillée, comme le prévoit déjà la nouvelle infraction de conseiller. Il faudrait harmoniser le tout, par souci d'uniformité.
    Je vais maintenant parler des activités de surveillance accrue confiées au SCRS.
    Quand nous sommes venus témoigner au nom du Centre consultatif des relations juives et israéliennes au sujet du projet de loi C-51, nous nous étions dits en faveur d'un élargissement du rôle et des responsabilités du SCRS, de façon qu'il ait le pouvoir d'empêcher les attaques terroristes possibles. Nous croyions que ce nouveau mandat était justifié, mais nous avons soutenu qu'une surveillance accrue était nécessaire, pour prévenir les abus. Tout comme les Canadiens bénéficient d'une approche plus robuste en matière de contre-terrorisme, mettant l'accent sur la prévention, nous avons fait valoir que, en parallèle, un examen plus poussé des activités du SCRS serait bénéfique.
    On attend depuis longtemps l'adoption de mesures qui donneraient au CSARS plus de moyens d'assurer un examen adéquat, et ces mesures sont on ne peut plus nécessaires, étant donné le mandat accru accordé au SCRS. Nous avons appuyé les précisions apportées au mandat élargi du SCRS, prévues dans le projet de loi C-59 de même que la création d'un office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Ces deux mesures devraient favoriser un meilleur équilibre entre la protection de la sécurité des Canadiens et de leurs droits civiques.
    Au sujet du projet de loi C-51, nous avons proposé plusieurs réformes concrètes visant à donner au SCRS des capacités de surveillance de même que des responsabilités accrues. Le nouvel office de surveillance réalisera le principal objectif de nos recommandations, et peut-être le plus important, à savoir permettre l'examen des activités en matière de sécurité et de renseignement mené dans l'ensemble des ministères et organismes gouvernementaux. Toutefois, nous croyons que les trois recommandations qui suivent, qui ont trait à la structure et à la composition de ce nouvel office, permettraient d'en faire un organisme des plus efficaces.
    Premièrement, le président de ce nouvel office devrait posséder de l'expérience dans le domaine du renseignement et de la sécurité nationale, et il devrait occuper ce poste à temps plein, de façon à diriger l'organisme de manière constante et professionnelle.
     Malheureusement, le projet de loi C-59 prévoit ceci: « la désignation du président et du vice-président précise s'ils exercent leur charge à temps plein ou à temps partiel. » Il prévoit également ceci: « Les autres membres exercent leur charge à temps partiel. »
    Nous voudrions que cette disposition soit modifiée et que les autres membres puissent exercer leur charge à temps plein sans que cela n'exige de modifier la loi. Étant donné que la charge de travail de ce nouvel office devrait être bien plus importante que celle du CSARS, elle devrait vraisemblablement exiger un engagement à temps plein de tous les membres.
     Deuxièmement, nous recommandons que le président du nouvel office soit désigné haut fonctionnaire du Parlement et qu'il soit tenu de présenter régulièrement des rapports directement au Parlement. Nous avions fait la même recommandation en parlant du président du CSARS, lorsqu'il était question du projet de loi C-51.
    Le projet de loi C-59 exige que les rapports publics de ce nouvel office soient présentés au Parlement, et c'est avantageux, mais les rapports doivent quand même passer par le premier ministre et d'autres ministres. En faisant du président du CSARS un haut fonctionnaire du Parlement, dont le mandat l'oblige à présenter régulièrement des rapports au Parlement, on enverrait un message clair, selon lequel le nouvel office mène ses activités en toute indépendance du gouvernement en place.
    Troisièmement, nous croyons que le Parlement devrait participer davantage au processus de nomination des membres de ce nouvel office.
     Nous sommes satisfaits des dispositions du projet de loi C-59 touchant la consultation, mais nous croyons que les nominations devraient également être soumises à l'approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes. Ce petit ajout, qui reflète d'ailleurs les pratiques ordinaires touchant la nomination des hauts fonctionnaires du Parlement, ajouterait davantage de crédibilité au processus de nomination.
    Mon prochain commentaire intéresse peut-être davantage vos collègues du comité des finances; il est important de souligner également que l'office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement devra se voir affecter d'importantes ressources, tant professionnelles que financières, si l'on veut qu'il réussisse à remplir son important mandat.
(1000)
     Nous avons terminé notre témoignage, en 2015, en priant les membres de votre comité de soutenir un projet de loi d'initiative parlementaire qui étendrait les pénalités prévues pour des crimes haineux au-delà des lieux de culte, c'est-à-dire aux écoles et aux centres communautaires. Cette initiative a échoué, mais elle a été ravivée au cours de la présente législature, sous forme de projet de loi C-305, qui a franchi l'étape de la troisième lecture au Sénat, en octobre.
    C'est avec plaisir que je termine ma déclaration d'aujourd'hui, monsieur le président, en disant sincèrement merci à chacun de vous, pour avoir donné un appui unanime au projet de loi C-305; cela illustre clairement comment les élus, en travaillant de concert, peuvent réellement changer les choses pour mieux protéger les Canadiens.
    J'espère que les membres du Comité prendront en considération ma déclaration d'aujourd'hui dans le même esprit constructif, et je vous sais gré de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.
    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Fogel.
    Je donne maintenant la parole à M. Roach.

[Traduction]

    Merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
     Mon collègue Craig Forcese a déjà témoigné en s'attachant aux parties 2, 3 et 4 du projet de loi. Je vais me concentrer sur les autres aspects du projet de loi C-59.
    On a beaucoup loué la partie 1, qui prévoyait la création d'un super-CSARS pangouvernemental. À mon avis, cela revient à mettre en oeuvre, quoique dans ses grandes lignes seulement, l'important principe qui animait les auteurs du rapport de la Commission Arar, à savoir que la surveillance doit être aussi large que les activités en matière de sécurité nationale et qu'une surveillance renforce plutôt qu'elle n'affaiblit la sécurité.
    Il est toujours possible d'apporter des améliorations. Je recommanderais que le nouveau et très bienvenu super-CSARS soit un peu plus grand. À mon avis, il devrait compter de cinq à huit membres, au moins. Amnistie internationale est en faveur de cette recommandation, et MM. Wark et Fogle vous ont soumis de très intéressantes propositions visant à renforcer ce nouveau super-CSARS.
    Nous devrions envisager des nominations plus diversifiées, qui ne s'appuieraient pas tout simplement sur une consultation des chefs des partis politiques, cette manière de faire étant surtout un héritage de la première Loi sur le SCRS, adoptée en 1984 en pleine guerre froide. Nous devrions nommer des gens qui ont de l'expérience dans le domaine de la protection des renseignements personnels, comme le commissaire à la protection de la vie privée vous l'a dit. Je crois aussi qu'il est important que, dans la mesure du possible, les collectivités qui seraient disproportionnellement touchées par les activités en matière de sécurité nationale soient représentées.
    Il faut mieux définir le mandat du nouvel office de surveillance. Si j'ai bien lu, lorsque la nouvelle loi parle de « ministère » ou « société », cela n'inclut pas la GRC. Il faudrait que ce soit très clairement exprimé. Il faudrait qu'il soit clair que le nouveau comité pourra examiner les activités en matière de sécurité nationale de la GRC, traiter les plaintes touchant les activités en matière de sécurité nationale de la GRC et avoir un plein accès à l'information classifiée détenue par la GRC, de la même façon qu'il a accès à l'information classifiée que possèdent le SCRS, le CST et les autres organismes s'occupant de sécurité nationale.
    Passons maintenant à la partie 5; je suis toujours d'avis que les dispositions du projet de loi C-59 relatives à la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada constituent le point faible de ce projet de loi. Je recommanderais de faire de la définition des menaces envers la sécurité du Canada, énoncée à l'article 2 de la Loi sur le SCRS, le déclencheur par défaut de la communication d'information, mais aussi d'y ajouter des dispositions soigneusement formulées et étayées pour les cas où cette définition pourrait ne pas être adéquate. Le projet de loi C-51 donne une portée exagérée à la définition d'une « activité portant atteinte à la sécurité du Canada ». Mais, même après modification du présent projet de loi, cette définition aurait une portée excessive.
    Quand je parle de portée excessive, et je sais que certains membres du Comité ont pris connaissance du rapport de la commission d'enquête sur le vol d'Air India, elle est excessive non seulement du point de vue des libertés civiles, mais aussi, je le dis franchement, du point de vue de la sécurité. Quand tout est une menace pour la sécurité, dans les faits rien n'est une menace pour la sécurité. Je crois vraiment que nous devrions formuler cette définition de façon plus rigoureuse en ce qui a trait à la communication d'information.
    En ce qui concerne Air India — je m'écarte un tout petit peu du projet de loi C-59 —, je dois de nouveau réitérer mes objections au privilège accordé aux sources humaines du SCRS par la Loi protégeant le Canada contre les terroristes. Si on n'abroge pas cette disposition, je recommanderais à tout le moins, et c'est urgent, que l'on mène une étude pour savoir si la pratique du SCRS consistant à protéger l'anonymat des témoins ne nuit pas aux procès pour terrorisme.
    Le commissaire à la protection de la vie privée a insisté sur le fait que la norme que les organismes qui reçoivent des renseignements doivent respecter, au titre de la LCISC, devrait être rehaussée et s'établir au niveau de « nécessité ». Je suis d'accord. Ça ne me dérangerait pas non plus qu'on impose la même norme aux organismes qui envoient de l'information. Le commissaire à la protection de la vie privée a soulevé un problème: les organismes qui envoient de l'information n'ont peut-être pas d'expérience en matière de sécurité, mais ils n'ont peut-être pas non plus les motifs qu'ont les organismes qui reçoivent l'information de conserver, parfois inutilement, l'information qu'ils reçoivent.
(1005)
    À ce chapitre, une caractéristique essentielle du nouvel office de surveillance, c'est qu'il sera autorisé à examiner les renseignements confidentiels selon la loi sur lesquels les organismes qui reçoivent l'information fondent leurs décisions de conserver, parfois à tort, une information quelconque.
     Passons à la partie 6; le Comité est bien sensibilisé aux problèmes liés à la liste d'interdiction de vol. Il me semble que les réformes proposées par le projet de loi C-59 sont infimes. Pour les personnes qui sont inscrites par erreur sur cette liste, le délai de quatre mois semblera long, même si le déclencheur par défaut a été changé. Les avocats spécialisés devraient avoir un rôle à jouer dans les appels, et les restrictions prévues par le projet de loi C-51 sur l'information que ces avocats possédant l'autorisation de sécurité requise peuvent voir, dans les dossiers concernant les certificats de sécurité, devraient également être supprimées. Mais il est probablement plus fondamental que le nouveau comité, qui aura accès à l'information classifiée, cherche à établir si les coûts de la liste d'interdiction de vol, c'est-à-dire les coûts financiers et les coûts humains — liés aux faux positifs — sont réellement compensés par les avantages.
    Passons à la partie 7 du projet de loi; j'ai vu que l'Association canadienne des libertés civiles vous avait fait remarquer que l'infraction consistant à conseiller renvoie aux infractions de terrorisme, mais qu'elle ne définit pas ces infractions. Ce n'est pas ce que j'avais compris. J'ai compris que le renvoi aux infractions de terrorisme renvoie également à la définition d'infractions de terrorisme énoncée à l'article 2 du Code criminel, mais cela mérite des éclaircissements.
    Il est difficile d'évaluer les changements des dispositions concernant les arrestations préventives, mais j'aurais aimé que l'on apporte des modifications supplémentaires pour clarifier les limites des interrogatoires de personnes qui peuvent détenues jusqu'à sept jours durant. J'insisterais aussi pour que l'on réagisse à la décision Driver, prise par une cour du Manitoba, qui a déclaré qu'une partie du moins des dispositions relatives à un engagement de ne pas troubler l'ordre public, la partie concernant les programmes thérapeutiques, contrevenait à la Charte. Je recommanderais également que nous nous inspirions par exemple de l'article 10 de la Loi sur le terrorisme adoptée en 2000 par le Royaume-Uni, qui permet aux gens de contester leur inscription sur une liste de groupes terroristes sans que le fait même de contester ne constitue le fondement d'une accusation d'infraction de terrorisme.
    Je félicite le gouvernement d'avoir supprimé les audiences d'enquête, une technique qui n'a jamais été utilisée efficacement et qui, lorsqu'elle était utilisée, risquait de nuire aux procès pour terrorisme.
     En conclusion, c'est le projet de loi C-51 qui a rendu nécessaire cette loi importante et complexe. À mon avis, étant donné la nature globale, voire radicale, du projet de loi C-51 et des faits importants qui ont mené au dépôt de ce projet de loi, il faudrait commencer l'examen de la loi quatre ans après son entrée en vigueur, non pas six ans après comme le prévoit la partie 9. Je proposerais également que cet examen soit effectué par un comité mixte spécial, formé de députés et de sénateurs ainsi que d'un comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
    Je vous ai déjà fait parvenir mon mémoire, j'espère que vous l'avez reçu et qu'il a été traduit. C'étaient là mes observations supplémentaires.
    Merci beaucoup. J'attends vos questions avec impatience.
(1010)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Roach.
    Nous entamons la première série de questions.
    Monsieur Picard, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Je crois qu'il existe toujours une tension lorsque les impératifs sont concurrents. Comme vous l'avez fait remarquer, nous voulons tous, d'une part, jouir d'une liberté maximale et voir nos droits individuels respectés. Toutefois, par contre, nous reconnaissons qu'il existe des impératifs tout aussi importants d'assurer la sécurité collective des Canadiens et de les protéger des menaces qui ont émergé et se sont manifestées, non pas seulement à l'étranger, mais également ici, au Canada.
    Je crois que l'un des moyens de réaliser cet équilibre nous est donné par le fait que cette loi cherche à assurer une certaine surveillance qualitative en la confiant à un conseil d'examen situé quelque peu en retrait des interventions de première ligne.
    Je crains que l'un des écueils, pour ceux dont le défi consiste à assurer directement le suivi des menaces terroristes et de les empêcher, c'est qu'ils ne voient plus que leur mission et qu'ils oublient de tenir compte comme il le faudrait du contexte.
    Le fait qu'il existe un comité d'examen, capable de déterminer si l'approche est bien calibrée, est un moyen de s'assurer, rétroactivement, mais aussi proactivement, que nous avons trouvé un juste équilibre.
    Un niveau supplémentaire de rapports au Parlement, qui permet aux élus, lesquels ont une relation directe avec les mandants de leur collectivité qui sont directement touchés par des mesures de ce type, témoigne de la volonté, non seulement de tenir compte de l'expérience de cette collectivité, mais aussi de la volonté d'y réagir.
    Je crois que cette loi respecte bien l'intention, qui est de trouver un juste équilibre entre le besoin d'assurer la sécurité des gens et le besoin de protéger les libertés individuelles.
(1015)

[Français]

    Quel est votre avis, monsieur Roach?

[Traduction]

    Je suis d'accord avec ce que M. Fogel a dit. Le problème, ce n'est pas tant qu'il faille renforcer les pouvoirs en matière de sécurité: il faudrait qu'ils soient exercés de manière plus éclairée. Je crois que le processus de surveillance va y contribuer, mais je dirais aussi que la consultation constante que mène le gouvernement, à propos de la « conversion des renseignements en preuves » est très importante. M. Forcese et moi-même avons mentionné que le Canada semblait accuser un certain retard par rapport à ses alliés, même si l'on envisage les choses selon le nombre d'habitants, au chapitre de la capacité de poursuivre les terroristes. Il y a eu des améliorations, mais je crois que l'amélioration est encore possible.
    Revenons maintenant à la LCISC. Je ne crois pas que nous protégions mieux les Canadiens parce que la LCISC offre une définition des plus large des menaces à la sécurité. En fait, je crois que cette définition non seulement menace les droits, en faisant des groupes de défense de l'environnement, des groupes autochtones et des groupes de la diaspora des cibles des activités d'échange d'information de sécurité, mais aussi qu'elle mine la sécurité des Canadiens en submergeant les ministères d'information.
    Je dirais que la menace de terrorisme est réelle. Nous ne l'avons jamais nié. Elle demeurera une réalité dans l'avenir prévisible, et nous devons réagir et cibler ces menaces avec plus d'intelligence plutôt que de tenter tout simplement de rassurer le public en adoptant la loi la plus générale ou la plus sévère possible.

[Français]

    Vous parlez de la LCISC et cela m'amène à ma deuxième question.
    Vous proposez une définition plus stricte de l'échange d'information. Or vous comprendrez que, dans la situation actuelle, l'organisme qui transmet l'information et celui qui la reçoit ne s'entendent pas nécessairement sur l'information qu'il est nécessaire d'échanger.
    Étant donné que les critères permettant de déterminer quelle information il est nécessaire d'échanger sont toujours différents d'un organisme à l'autre, une définition plus stricte ne va-t-elle pas nuire à cet échange d'information?

[Traduction]

    La nécessité, comme l'a dit le commissaire à la vie privée, est une norme très bien considérée et acceptée partout dans le monde, et j'aimerais partir de là. Si l'organisme qui envoie l'information n'est pas suffisamment sensibilisé aux répercussions possibles sur la sécurité, il faudrait que quelqu'un s'assure qu'il y est sensibilisé de manière à être en mesure de gérer la norme, peu importe qu'elle repose sur la nécessité ou sur la pertinence.
    L'une des recommandations de la Commission d'enquête sur le vol d'Air India, et je mentionne en passant que j'étais directeur de recherches pour cette commission, c'était que nous devions jouer un rôle plus proactif et central pour faire en sorte que tous les organismes qui travaillent dans le domaine de la sécurité nationale collaborent ensemble.
    Je ne crois pas qu'il soit possible de régler le problème tout simplement en établissant une norme assez basse pour l'organisme qui envoie de l'information. Il me semble que quand une chose s'impose pour des raisons de sécurité, il importe peu que vous travailliez au ministère de l'Agriculture, à l'ASFC ou ailleurs; vous devez avoir suivi une formation appropriée et un programme de sensibilisation, vous devez avoir participé à des séances d'information appropriée en matière de renseignement; c'est ainsi que vous saurez quelle est la décision correcte à prendre.
    Merci, monsieur Picard.
    Monsieur McKenzie, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de s'être présentés ici aujourd'hui.
    Monsieur Fogel, vous m'avez intéressé quand vous avez dit que la collectivité juive a été la principale cible des groupes terroristes et d'autres actes d'agression. Je crois, si je ne me trompe pas, que l'Église catholique occupe une place assez élevée dans toute cette hiérarchie.
     C'est assez ironique: quand on a adopté le projet de loi C-51, j'étais présent, et les députés conservateurs comme les députés libéraux étaient en faveur. C'était de toute évidence une première étape, et aujourd'hui, c'est peut-être la deuxième étape d'un document évolutif. On a suggéré avec raison qu'il faudrait que ce document soit soumis à un examen avant que trop d'années n'aient passé. Toutefois, j'ai également remarqué, et mon collègue en a parlé, que quatre personnes avaient reçu des excuses et un dédommagement, et tout cela bien avant que projet de loi C-51 soit déposé; il y avait donc peut-être là des choses qui ont ramené à l'ordre les organismes de renseignement et de sécurité, même si ça s'est passé bien plus tard dans le processus. Ces incidents se sont tous déroulés avant 2004, et c'est pourquoi j'estime qu'il s'agit ici de l'étape suivante.
    Quand nous parlons par exemple de la liste d'interdiction de vol en pensant que la liste des États-Unis s'appuie sur un système bien meilleur que le nôtre, diriez-vous vous aussi que nous devrions envisager certaines autres règles des Américains en ce qui concerne le terrorisme et la lutte au terrorisme? J'ai remarqué en particulier, hier, dans l'incident du métro de la Ville de New York, que les commentateurs disaient que le suspect n'avait pas reçu l'avertissement Miranda. Ça peut sembler étrange à des Canadiens, mais il est évident que les Américains ont une opinion sur ce sujet.
    Monsieur Fogel, avez-vous quelque chose à dire à ce propos?
(1020)
    Je ne connais pas très bien cet aspect particulier de l'affaire. C'est une bonne pratique, et je crois, en toute franchise, que le Canada a déjà entrepris de consulter tous ses alliés ayant des vues similaires, et de le faire de façon régulière, pour examiner les pratiques exemplaires, celles que nous pouvons communiquer aux autres et celles qui nous permettent de profiter de l'expérience des autres États-nations.
     Je trouve encourageant de savoir que le processus des projets de loi C-51 et C-59 suppose un engagement à procéder à un examen périodique de ces lois, tant pour les améliorer en tirant profit de l'expérience que pour les modifier en fonction de l'évolution de la situation sur le terrain. C'est exactement la bonne approche à prendre. Je trouve encourageant de savoir que nous consultons nos alliés afin de tirer profit de leur expérience dans les domaines où notre expérience est moindre.
    Merci.
    Monsieur Roach.
    Monsieur McKenzie, pourrais-je faire un commentaire au sujet des droits Miranda?
    Bien sûr, je vous en prie.
    C'est exactement là où je voulais en venir en parlant des informateurs du SCRS. Si vous ne lisez pas à une personne que vous arrêtez les droits prévus à l'alinéa 10b) de la Charte, il sera plus difficile de poursuivre cette personne. Ce qui m'inquiète dans tout cela, et aussi en ce qui concerne le privilège relatif aux indicateurs du SCRS, c'est qu'en fait, nous rendons les choses plus compliquées au moment de poursuivre une personne. Je crois en fait que nous ne voulons pas emprunter la même voie que les Américains, puisqu'aux États-Unis, il est parfois concrètement impossible de poursuivre une personne parce que ses droits n'ont pas été respectés. Le terrorisme est un acte de violence, et quand une personne commet un acte de violence ou planifie d'en commettre un, la façon appropriée de réagir, c'est de la poursuivre. C'est pour cette raison que je n'ai jamais compris pourquoi le gouvernement précédent avait accordé au SCRS ce privilège, qu'il met de l'avant chaque fois qu'il a promis la confidentialité à une source humaine.
    Je puis vous affirmer que, dans l'enquête sur la tragédie d'Air India, à laquelle nous avons consacré quatre années, des pratiques de cette sorte auraient même rendu impossible le dépôt de poursuites, étant donné que tous les témoins étaient d'abord des sources du SCRS, comme il se doit, probablement, mais qu'ils ont ensuite été confiés à la GRC, de manière à faciliter les poursuites.
    Cela met encore une fois en relief l'importance d'un processus décisionnel fondé sur des données probantes. Je ne sais pas quelle était la justification, sauf pour dire qu'il s'agissait peut-être de renverser la décision de la Cour suprême dans l'affaire Harkat, mais je crois sincèrement que nous mettons en danger les poursuites concernant le terrorisme et la sécurité des Canadiens parce que le Parlement a décidé en 2015 de donner aux sources humaines du SCRS un privilège absolu qui fait en sorte qu'elles n'ont pas à fournir quelque renseignement que ce soit qui permettrait de les identifier ou qui pourrait servir dans le cadre d'une poursuite pour terrorisme.
    Je comprends cela. Je ne suggérais aucunement que nous adoptions le système américain. J'essayais tout simplement de montrer qu'il y a une différence entre les deux systèmes. Il y a toujours des différences.
    À ce sujet, j'aimerais savoir si les témoins ont pris connaissance des lois de même nature de nos alliés, les pays du Groupe des cinq. Pourrions-nous en apprendre davantage si nous adoptions certaines de leurs pratiques que nous n'avons pas encore adoptées? M. Roach pourrait peut-être répondre le premier.
(1025)
    M. Forcese a parlé d'un commissaire au renseignement, mais je crois qu'en réalité, cela vient du Royaume-Uni. Nous ne devrions pas suivre aveuglément l'exemple du Royaume-Uni, mais il est certain que ses lois en matière de terrorisme ont beaucoup influencé les lois canadiennes. Je crois que c'est une bonne chose.
    Je suis toutefois d'accord avec Mme Carvin et M. Forcese pour dire qu'il faudrait que le commissaire au renseignement présente des rapports sur ses activités. L'examen sert en partie, honnêtement, à renseigner le public sur les activités en matière de sécurité nationale. Nous marchons dans les traces des Britanniques, et je crois que c'est probablement positif.
    Monsieur Fogel, vous avez 30 secondes.
    Je n'ai rien à ajouter.
    D'accord.
    Sur ce, monsieur Dubé, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Roach, j'aimerais revenir sur le sujet du commissaire au renseignement. J'ai quelques questions à poser à ce sujet. Premièrement, puisque nous proposons que le commissaire soit un juge de la Cour fédérale à la retraite et que son mandat soit de cinq ans, avec possibilité de renouvellement, j'aimerais savoir comment ces critères influent sur l'indépendance de cet office. Avez-vous réfléchi à cela?
    Peut-être que, bien sûr, l'indépendance serait plus grande si le renouvellement n'était pas prévu. Je constate que nous utilisons de plus en plus de juges à la retraite, mais, comme dans le cas de l'organisme de surveillance, j'inviterais en fait le Parlement à faire preuve d'un peu plus de créativité et à fournir peut-être un peu plus de détails sur les modalités de ces nominations. Je ne cherche pas du tout à dénigrer les juges à la retraite qui sont nommés par le gouvernement fédéral — ce sont des gens extrêmement talentueux et diligents —, mais il y a probablement d'autres candidats possibles.
    Quant à ce que vous dites au sujet de l'indépendance, je crois que, dans le cas d'une personne à la retraite, en particulier, un mandat de cinq ans devrait suffire.
    Excellent. Merci.
    L'autre chose dont je veux parler au sujet du commissaire au renseignement, étant donné que c'est la première fois qu'un organisme est réellement chargé de supervision plutôt que d'examen, c'est qu'il faut se poser des questions sur les détails de cette supervision. Autrement dit, nous donnons notre approbation à des notions opérationnelles générales sans en connaître tous les détails, en particulier en ce qui a trait à la collecte d'ensembles de données et aux nouveaux pouvoirs accordés au CST. J'aimerais rapidement savoir ce que vous en pensez.
    Serait-il possible de fournir davantage de détails de façon à assurer la surveillance la plus robuste qui soit, ou ferions-nous mieux de nous en tenir à des généralités, étant donné que c'est un nouvel office?
    C'est une excellente question, mais c'est aussi une question difficile. Le danger, quand il s'agit de surveillance, c'est que si vous approuvez des choses de façon générale, vous pouvez vous sentir obligé d'approuver ce qui se passe, même si c'est un événement imprévu.
    J'ai tendance à envisager tout cela en pensant à un examen, en me disant que la surveillance, dans notre système parlementaire, est assurée par le ministre. Une bonne partie du travail du CSARS et du commissaire du CST consiste à présenter des rapports au ministre. Je sais que nous ne pouvons pas voir la plupart de ces rapports. Cette tâche revient au nouveau Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement qui doit, fondamentalement, demander des comptes au ministre si le ministre ne surveille pas ce qui se passe.
    Encore une fois, Mme Carvin a attiré l'attention sur le fait que le ministère de la Sécurité publique est un ministère gargantuesque et qu'il faudra peut-être un jour envisager de le scinder, par exemple en lui retirant le Service correctionnel, et de lui donner un objectif plus restreint et axé sur la sécurité, pour donner au ministre la chance de réellement se renseigner et d'assumer toutes ses responsabilités.
    À propos des responsabilités du ministre, qui correspondent à une des formes de l'obligation de rendre des comptes, et pour revenir sur le rôle du commissaire au renseignement, certains ont soulevé des préoccupations quant à une situation qui n'est pas sans rappeler celle de la poule et de l'oeuf; on peut se demander qui des deux approuve les mesures prises par l'autre. Dans ce contexte, vu que le commissaire au renseignement approuve, dans les faits, les décisions du ministre, et non l'inverse, lorsque nécessaire, cela crée-t-il aussi un problème?
(1030)
    Oui. Quoique le fait de mener un examen officiel quasi judiciaire des autorisations ministérielles constitue un progrès. La tendance générale, comme c'est le cas au Royaume-Uni, c'est de délaisser les autorisations ministérielles pures et simples. Il s'agit de mécanismes de contrôle, mais nous devons nous assurer de la participation du nouveau comité formé de parlementaires. Je ne veux pas dénigrer votre comité, mais ni vous ni moi n'avons vu la grande majorité de ces rapports.
    Très bien. Merci.
    Ma dernière question concernant les examens et la surveillance porte sur le fait que Affaires mondiales Canada ne fait pas partie de l'élément de la nouvelle entité chargé de mener une enquête lorsqu'il y a une plainte. Y a-t-il lieu d'apporter une modification à cet égard?
    Oui, tout à fait, et cela remonte au rapport de la Commission Arar, dans lequel on a vraiment mis en lumière le rôle très important du ministère maintenant désigné comme Affaires mondiales Canada en ce qui concerne les activités liées à la sécurité, qui sont de nos jours, à proprement parler, transnationales.
    C'est très bien, merci.
     Monsieur Fogel, nous avons mentionné l'augmentation du nombre de crimes haineux et de crimes antisémites en particulier, qui figurent en haut de certains de ces tristes classements. En ce qui concerne la radicalisation, même si elle n'est pas abordée comme telle dans le projet de loi, il s'agit d'une question connexe à l'égard de la manière dont nous nous attaquons à certains de ces problèmes, et elle a aussi été abordée dans le cadre des débats sur le projet de loi C-51.
    Vu que la radicalisation touche non pas un seul groupe, mais plutôt de nombreux groupes haineux, et que, malheureusement, bon nombre de ces groupes prennent pour cible votre communauté, entre autres, je souhaite entendre vos commentaires concernant l'orientation du gouvernement en matière de lutte à la radicalisation et à propos de ce sujet en général.
    La lutte à la radicalisation est très difficile à réaliser, parce que, par définition, vous ciblez des groupes qui, presque par nature, sont méfiants et résistent aux efforts de sensibilisation déployés par n'importe quel représentant ou organisme du gouvernement. Le simple problème que pose l'établissement d'un lien de confiance entrave le processus de lutte proactive contre la radicalisation.
    D'une certaine façon, cet enjeu est lié au projet de loi, dans le sens où, comme je l'ai mentionné précédemment, un des éléments importants tient à la façon dont on classe le fait de conseiller ou de fomenter la haine et la radicalisation, parce que ce serait une erreur de croire que ces comportements sont le fait d'un seul individu, qu'une personne seule fomente la radicalisation et que cette personne a une cible précise. Bien souvent, il s'agit d'une personne qui tend un grand filet et cherche à attirer quiconque se prend dans les mailles, donc nous devons garder ce point à l'esprit.
    Je suis toujours d'avis que le moyen le plus efficace consiste à créer de façon proactive un climat et un environnement dans des communautés particulières qui permettront aux membres de prendre en main le processus visant à distinguer les personnes qui cherchent à radicaliser des membres ou des sous-groupes dans la communauté des personnes qui offrent une autre voie très intéressante.
    Merci, monsieur Fogel.
    Monsieur Dubé, vous avez assurément épuisé vos dernières 30 secondes.
    Monsieur Fragiskatos, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Roach, je vais m'adresser à vous en premier.
     Nous discutons de questions de sécurité, et, à l'examen du projet de loi C-59, on constate que les audiences d'investigation seraient éliminées, ce à quoi vous êtes très favorable; je suis d'avis que certains Canadiens pourraient prendre connaissance de cette possibilité en lisant un article ou en entendant des commentaires venant de membres de partis politiques qui ne sont pas en faveur de cette suppression et qu'ils pourraient se sentir moins en sécurité.
    Pouvez-vous nous parler des audiences d'investigation de façon générale? Vous avez affirmé qu'elles portaient une « notion alambiquée » dans un article coécrit avec Craig Forcese pour Options politiques. En somme, vous affirmez qu'il s'agit d'une approche inefficace, mais pouvez-vous fournir plus d'explications à ce sujet?
(1035)
    Bien sûr. Les audiences d'investigation comptaient parmi les dispositions les plus draconiennes de la première version de la Loi antiterroriste. À l'époque, j'avais aussi exprimé que j'étais contre les audiences d'investigation, donc je n'ai pas changé d'avis à ce sujet. La Cour suprême les a déclarées constitutionnelles en 2004, mais les a assujetties à la présomption d'audience publique et a affirmé que les règles de preuve habituelles doivent s'appliquer.
    Je suis préoccupé par le fait que, selon la Charte et le Code criminel, toute déclaration qu'une personne est contrainte de faire dans le cadre d'une audience d'investigation est inadmissible dans un procès pour terrorisme.
    Vous avez raison de dire que le public pourrait s'inquiéter, mais franchement, une telle réaction découlerait d'un manque de connaissances. Cela nous ramène à la nécessité de faire preuve de plus d'intelligence quand il s'agit de pouvoirs liés à la sécurité et d'avoir des pouvoirs utilisables en la matière. S'il existe une procédure comme une audience d'investigation, qui n'a pas été utilisée, en somme, mais qui, si elle l'était, pourrait rendre la tenue d'un procès pour terrorisme plus difficile, voire impossible — et il est déjà extrêmement difficile de tenir ce genre de procès —, alors il s'agit d'une mesure que l'on doit éliminer.
    En ce qui concerne la liste d'interdiction de vol, je recommanderais, entre autres, que le nouveau comité formé de parlementaires examine peut-être les coûts et les avantages liés à cette liste, parce que, d'après ce que j'en sais, pour l'administrer, il faut avoir accès à des renseignements classifiés, ce que ni vous ni moi n'avons. Peut-être que le Canada pourrait jouer un rôle de chef de file en la matière et que ses dirigeants pourraient affirmer: « Nous n'avons pas besoin d'une telle mesure, parce que nous souhaitons que tous les passagers aériens soient en sécurité. » Je ne sais pas si c'est le cas actuellement, mais c'est le genre de choses...
    Nous devons faire confiance au public pour qu'il comprenne que même si le terrorisme nous effraie parce qu'on nous en parle tous les jours au bulletin de nouvelles, avec raison, cela signifie que nous devons être plus intelligents, et ne pas simplement tenter de nous rapprocher le plus possible des limites imposées par la Charte.
    Merci beaucoup.
    Dans votre exposé, vous avez mentionné au passage certaines préoccupations concernant le processus d'inscription d'une organisation terroriste sur la liste, et vous avez évoqué la situation au Royaume-Uni. Je sais que vous avez déjà exprimé des préoccupations à propos de l'équité et de problèmes qui pourraient toucher des organisations dont les responsables sont d'avis qu'elles figurent sur la liste par erreur. Je me demandais si vous pouviez fournir davantage d'explications à ce sujet.
    Oui. Ce que je veux dire, c'est que les dispositions de l'article 10 de la loi de 2000 sur le terrorisme du Royaume-Uni vise simplement à permettre aux responsables d'une organisation qui sont d'avis qu'elle figure injustement sur la liste de contester cette inscription sans que ce processus même puisse entraîner une accusation, par exemple, de financement d'un groupe terroriste.
    De façon plus générale, on ne s'est pas vraiment appuyés sur la liste parce que la plupart des procès pour terrorisme qui ont été menés étaient liés non pas à l'organisation centrale d'Al-Qaïda ou de Daech, mais à un groupe de personnes, dont le statut de groupe terroriste peut être prouvé hors de tout doute raisonnable, dans certains cas, selon notre code criminel.
    Encore une fois, le contexte de menace change rapidement. C'est pourquoi nous devons mener des examens continus de ces lois. Ainsi, je recommande que l'examen soit tenu non pas aux six ans, comme le prévoit actuellement le projet de loi, mais plutôt aux quatre ans, parce que nous devons savoir de quels outils nous avons besoin en ce qui concerne le terrorisme, y compris pour élaborer de nouveaux outils, et que nous devons peut-être cerner les anciens outils liés au terrorisme qui ne sont plus nécessaires, en partie à cause de changements ayant touché le contexte de menace.
    Merci beaucoup.
    Comme vous le savez — ceci déborde un peu le cadre du projet de loi C-59, mais se rapporte quand même à la discussion parce que nous parlons de sécurité —, vers la fin de septembre, le ministre Goodale a émis des instructions ministérielles concernant les renseignements obtenus par la torture. Aux fins du compte rendu, les nouvelles règles interdisent d'utiliser des renseignements qui ont probablement été obtenus par la torture, sauf s'il est nécessaire de le faire pour sauver des vies ou prévenir des blessures graves.
    Par exemple, la semaine dernière, j'ai demandé à M. Forcese s'il serait plus efficace d'enchâsser ces instructions, ainsi que les principes sur lesquels elles reposent, dans un texte de loi...
(1040)
    Non.
    ... au lieu qu'elles ne demeurent que des instructions, parce que, pour des raisons évidentes, tout autre gouvernement à l'avenir aurait beaucoup plus de difficulté à modifier une loi plutôt que des instructions.
    Je me demande si vous avez des commentaires à faire à ce sujet.
    Je partage l'avis de mon collègue et je serais favorable à ce qu'on enchâsse ces instructions dans la loi.
     J'ajouterais seulement que nos préoccupations concernant le projet de loi C-51 tiennent en partie au fait qu'il faut non seulement être équitables, mais aussi être perçus ainsi pour éviter que les activités très importantes et légitimes liées à la sécurité nationale ne soient minées par, peut-être, de fausses allégations de complicité dans des cas de torture.
    À mon avis, la transparence qu'exigent les nouvelles instructions ministérielles serait une bonne chose si on devait passer à l'étape suivante et enchâsser ces principes dans la loi. Vu la création du nouvel organisme d'examen et la mise en oeuvre d'autres mesures du genre, le Canada pourrait devenir un chef de file en la matière sur la scène internationale.
    Je suis d'avis que, honnêtement, nous devons réaliser que la perception — erronée ou non — d'iniquité, de profilage ou de faux positifs compte parmi les choses qui semblent motiver les personnes qui, malheureusement, se tournent vers la violence.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Les cinq dernières minutes de 2017 sont accordées à M. Motz.
    Merci, monsieur le président. Je me sens privilégié.
    Je remercie les deux témoins de leur présence et de leurs exposés.
    Vos témoignages ont piqué ma curiosité, en particulier à propos de la terminologie. J'aimerais vous entendre tous les deux à ce sujet, s'il vous plaît.
    De quelle façon le fait de remplacer l'infraction de « conseiller » la commission d'une infraction de terrorisme par celle de « préconiser » un tel acte modifie le contexte du projet de loi C-59 et ce que devront faire les responsables du SCRS et d'autres organismes? Serons-nous toujours aussi efficaces après ce changement de terminologie?
    Monsieur Fogel, pourriez-vous répondre en premier, s'il vous plaît?
    Je suis conscient du temps qui passe, je serai donc très bref.
    Je crois que c'est l'inverse. « Conseiller » est le nouveau terme utilisé dans le projet de loi C-59.
    Pour ma part, la terminologie me préoccupe moins que le fait d'établir qui est visé. Selon le projet de loi C-59, il est nécessaire d'établir un lien direct entre une personne qui préconise ou conseille la commission d'une infraction de terrorisme et la personne qui passera à l'acte, sans égard au fait qu'une personne préconisant de tels gestes a peut-être l'intention de créer un certain environnement qui sera attrayant aux yeux de personnes qui sont pour l'instant inconnues ou non identifiées et qu'il n'est donc pas possible d'établir ce lien direct.
    Si nous apportions des modifications de façon à mieux harmoniser le texte du projet de loi avec d'autres textes législatifs, mais sans exiger d'établir ce lien direct avec des gestes particuliers, je crois que cela renforcerait la loi.
    Monsieur Roach, allez-y.
    Je crois que ce qui est important, c'est d'éliminer les infractions de terrorisme en général, ce qui était un aspect du projet de loi C-51 qui posait vraiment problème. Je suis d'avis que M. Fogel a probablement raison et qu'on devrait plutôt lire « toute personne qui conseille à une autre personne de commettre une infraction de terrorisme est coupable d'un acte criminel ».
    Je crois aussi que nous devrions préciser que l'expression « infraction de terrorisme » est définie à la Partie 2 du Code criminel afin d'éviter les problèmes d'infractions non définies du projet de loi C-51. Encore une fois, l'avantage d'utiliser le terme « conseiller » tient au fait qu'il existe un siècle de jurisprudence qui le définit. Je suis d'avis que le droit criminel traditionnel dispose de beaucoup de ressources dont nous pouvons nous servir pour traiter ces nouvelles et réelles menaces de terrorisme.
    Pendant la minute ou minute et demie qu'il me reste, même si vous n'êtes pas tous les deux dans la même position pour répondre à la question...
    Monsieur Roach, vous avez mentionné plusieurs fois la nécessité de ne pas mettre en péril la capacité du Canada à poursuivre en justice les personnes qui devraient l'être. Je vais me risquer à poser la question suivante. Devrions-nous intenter des poursuites pénales contre les terroristes du groupe armé État islamique qui reviennent au pays?
(1045)
    Je suis d'avis que, dans toutes les procédures pénales, il y a un élément d'intérêt public. Selon moi, il faut se fier aux responsables de la sécurité pour qu'ils décident de façon éclairée, premièrement, si les éléments de preuve sont suffisants et, deuxièmement, s'il est dans l'intérêt du public d'intenter des poursuites en justice.
    Je ne suis pas d'avis qu'une règle tranchée selon laquelle toutes les personnes qui reviennent... Honnêtement, cela pourrait constituer une mauvaise utilisation des ressources dans certains cas. Dans d'autres, ce serait peut-être amplement justifié. Encore une fois, je reviens au renseignement, aux consultations relatives aux éléments de preuve et à la nécessité, comme il a été souligné dans la Commission Air India, de renforcer notre capacité d'intenter des poursuites pour terrorisme au besoin, et non dans tous les cas. La vie n'est pas aussi simple.
    Merci.
    Vous avez 30 secondes, monsieur Fogel.
    Je vous les offre en cadeau de Noël.
    En fait, je vais utiliser ces 30 secondes pour poser une autre...
     Si vous pouviez changer une chose dans le projet de loi C-59, monsieur Fogel, qui serait, selon vous, vraiment essentielle pour la sécurité du public et l'équilibre entre les droits et la protection des renseignements personnels, quelle serait-elle?
    Ce serait le premier point que j'ai soulevé concernant la terminologie et l'utilisation du terme « conseiller », comme je l'ai mentionné dans mon témoignage. Il faudrait s'assurer qu'il est possible de ne pas se limiter à une instruction, à une relation ou à un échange très précis entre une personne qui préconise des gestes et une autre qui reçoit le message et de reconnaître qu'une plus grande part de responsabilité revient à celle qui fomente la haine.
    Merci, monsieur Motz.
    Je remercie les deux témoins d'avoir participé à ce très important examen.
    Je crois que ce serait très négligent de ma part si je ne remerciais pas au nom des membres du Comité toutes les personnes qui ont rendu les travaux possibles: notre greffier, nos analystes et les gens qui s'assurent que la technologie fonctionne... la plupart du temps.
    À ceux qui célèbrent Noël, je souhaite joyeux Noël. Quant aux autres, je vous souhaite tous de joyeuses fêtes et une bonne année.
    Merci beaucoup. La séance est levée.
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