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Bonjour, mesdames et messieurs.
Je vous remercie beaucoup de prendre le temps de nous écouter aujourd'hui.
Je m'appelle Ihsaan Gardee, comme on vient de le dire, et je suis directeur exécutif du Conseil national des musulmans canadiens. Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue, le professeur Faisal Bhabha, conseiller juridique du CNMC et président de notre comité des politiques en matière de sécurité nationale.
Le CNMC a été fondé en 2000 en tant qu'organisation populaire indépendante, non partisane et sans but lucratif. Depuis plus de 17 ans, le Conseil est l'une des voix prépondérantes de l'engagement physique musulman et de la promotion des droits de la personne. Le mandat du CNMC consiste à protéger les droits de la personne et les libertés civiles des musulmans canadiens, de défendre leur intérêt public, de favoriser la compréhension mutuelle et de remettre en question la discrimination et l'islamophobie.
Nous tentons de réaliser notre mission grâce à nos efforts dans quatre domaines principaux: l'éducation et la sensibilisation communautaires, la mobilisation des médias, la lutte contre la discrimination et la défense de l'intérêt public. Le CNMC a un long et bon bilan public, ayant participé à des enquêtes publiques majeures, étant intervenu dans des affaires qui ont valeur de précédent devant la Cour suprême du Canada et en prodiguant des conseils aux organismes de sécurité sur la mobilisation des communautés et la promotion de la sécurité publique.
Pour ce qui est de notre position, le CNMC a toujours soutenu la responsabilité du gouvernement d'assurer la sécurité nationale. Nous félicitons le gouvernement actuel, qui a respecté sa promesse électorale d'examiner le projet de loi — il s'agissait d'une condition initiale de l'octroi de son soutien au projet de loi — et de consulter les Canadiens. Même si nous nous réjouissons, par exemple, du fait que le projet de loi propose de créer un organisme d'examen de la sécurité nationale ayant des pouvoirs de surveillance et d'examen supérieurs à ce qui existe actuellement, notre objection générale reste la même. La loi va trop loin. Elle garantit quasiment une violation de la Constitution et offre une justification inadéquate. Elle renforce le milieu de la sécurité alors que toutes les données probantes montrent clairement que les institutions responsables de la collecte de renseignements et d'application de la loi liée à la sécurité nationale sont en difficulté, truffées de préjugés et d'intimidation à tous les échelons. La surveillance de ces agences n'est pas suffisante. Il faut une vraie réforme.
Même si nous partageons les préoccupations formulées par d'autres témoins que vous avez entendus, y compris Amnistie internationale et d'autres, dans le cadre de ma déclaration préliminaire, aujourd'hui, je concentrerai notre témoignage sur deux préoccupations importantes majeures que soulève selon nous le projet de loi . Premièrement, les pouvoirs donnés au SCRS, et, deuxièmement, le défaut de régler les problèmes systémiques liés à la liste d'interdiction de vol.
Pour ce qui est de nos motifs, les musulmans canadiens sont tout aussi préoccupés au sujet de la sécurité que les autres Canadiens. Nous sommes confrontés aux mêmes risques de décès prématuré et de blessures aux mains de terroristes que tous les autres Canadiens. En fait, à l'échelle mondiale, l'écrasante majorité des victimes de violence politique, y compris la violence liée à l'idéologie extrémiste, sont des musulmans. Puisqu'ils ont des liens à l'échelle internationale, les musulmans canadiens sont menacés et touchés par le terrorisme mondial, et ce, autant, voire plus, que les autres Canadiens. Par conséquent, nous voulons vraiment que le Canada mette en place une bonne et solide politique en matière de sécurité nationale assortie de bons mécanismes de surveillance, de responsabilisation et de recours pour assurer une protection contre les abus et les erreurs.
En même temps, les membres des communautés musulmanes canadiennes ont été des victimes de la politique canadienne en matière de sécurité nationale. Au cours des 15 dernières années, il y a eu trois enquêtes judiciaires distinctes, de nombreuses décisions de tribunaux, des ententes à l'amiable et des excuses qui reconnaissent les violations de la Constitution commises par des responsables du renseignement et de l'application de la loi dans le contexte de la sécurité nationale contre d'innocents musulmans. Les musulmans canadiens sont non seulement touchés de façon disproportionnée par ces erreurs et abus, mais ils font les frais des répercussions sociales lorsqu'apparaissent des sentiments xénophobes et antimusulmans.
Le CNMC est d'accord avec un grand nombre d'experts selon lesquels donner plus de pouvoir aux organismes de sécurité ne signifie pas nécessairement que les Canadiens seront plus en sécurité. Les erreurs des responsables de la sécurité nationale non seulement exposent des personnes innocentes à un risque de soupçons et de stigmatisation, mais détournent aussi l'attention des réelles menaces tout en empêchant des actions pouvant efficacement promouvoir la sûreté et la sécurité. Alors même qu'Alexandre Bissonnette concoctait son attaque meurtrière contre une mosquée de Québec, la GRC « fabriquait un crime » selon un juge de la Cour supérieure de la Colombie-Britannique, dans un litige contre John Nuttall et Amanda Korody. Ce sont des personnes qui se sont converties à l'islam, d'anciens héroïnomanes vivant sur l'aide sociale, dont les accusations de terrorisme ont été retirées l'année dernière lorsqu'un tribunal a découvert qu'ils avaient été piégés par la police.
Le projet de loi renforce le milieu de la sécurité, mais ne répond pas aux besoins en matière de sécurité des musulmans canadiens. Même si l'idée de prévention est louable, tout avantage qu'on pourra tirer de cette approche sera annulé par les empiétements sur les droits garantis par la Charte qui touchent de façon disproportionnée les membres de notre communauté, empiétements qui continueront de se produire sous le couvert de la réduction de la menace, de la communication de renseignements et de l'établissement de listes d'interdiction de vol.
Si le gouvernement veut travailler en collaboration avec les communautés pour assurer la prévention, il doit commencer par créer un climat de confiance. Pour beaucoup de jeunes musulmans canadiens, la participation documentée et admise d'organismes responsables du renseignement et de l'application de la loi à des cas d'extradition et d'autres violations des droits de la personne, ce à quoi s'ajoutent le manque total de responsabilisation et les perceptions d'impunité qui en ont découlé, ont suscité un manque de confiance à l'égard du milieu canadien de la sécurité.
L'été dernier, un groupe d'employés du SCRS ont intenté des poursuites civiles contre le Service pour cause de discrimination, de harcèlement, d'intimidation et d'abus de pouvoir. Ils ont décrit un environnement de travail au sein du Service où prévalent le racisme, l'islamophobie, le sexisme et l'homophobie, une culture menée par la vieille garde masculine et un endroit où la représentation des minorités au sein de la direction est quasiment inexistante. Le lendemain du dépôt des poursuites, deux anciens employés principaux du Service ont été cités dans les médias affirmant qu'ils n'étaient pas surpris des allégations.
En octobre 2017, le SCRS a publié le rapport lié à une enquête indépendante réalisée par une tierce partie concernant des allégations de harcèlement dans le bureau de la région de Toronto. Les constatations mentionnaient une « culture menée par une vieille garde masculine », un traitement dégradant, des déclarations discriminatoires et remplies de jurons, un manque de confiance des employés à l'égard de la direction et le manque de diversité du personnel.
Si ces genres de rapports reflètent la culture générale au sein de ces organisations à l'égard de leurs propres employés, ils ne permettront assurément pas de dissiper les préoccupations au sein des communautés musulmanes canadiennes au sujet du profilage injuste et des erreurs dont leurs membres sont victimes.
La Commission canadienne des droits de la personne a réalisé des vérifications sur l'équité en matière d'emploi au sein du SCRS en 2011 et 2014, et les constatations sont surprenantes lorsqu'on pense qu'il s'agit d'une institution publique puissante qui oeuvre au sein d'une société multiculturelle et démocratique du XXIe siècle.
Il n'y avait pas de membres des minorités visibles occupant des postes de haute direction à une époque où les minorités visibles représentent environ 20 % de la population canadienne. Nous devons conclure qu'il y a non pas seulement un plafonnement voilé, mais un plafonnement tout court. La CCDP a aussi noté une culture institutionnelle qui sous-estimait les minorités et reproduisait des obstacles comportementaux, qui menait à moins de débouchés et d'occasions d'avancement pour les membres des minorités.
La perte de confiance envers l'organisme de sécurité parmi les communautés musulmanes canadiennes a été exacerbée par l'absence de responsabilisation à l'égard des torts passés dont ont été victimes d'innocents musulmans. Même si le gouvernement a conclu d'importants règlements et présenté des excuses, aucun membre de ces organismes n'a été tenu responsable de ses actes.
Autant que nous sachions, il n'y a eu aucune mesure disciplinaire, et aucune reconnaissance publique. Plutôt que d'être tenues responsables, certaines des personnes impliquées dans le cas bien connu de Maher Arar, qui a été torturé, ont même été promues au sein des organismes.
Dans le meilleur des cas, il faut parler d'incompétence individuelle et institutionnelle au sein des organismes de sécurité. Dans le pire des cas, c'est une négligence grave et de la mauvaise foi. Ni l'un ni l'autre n'est acceptable, et les contribuables canadiens qui financent ces organismes méritent mieux.
L'absence de responsabilité reflète une culture d'impunité au sein des organismes canadiens responsables de la sécurité qui renforce l'insécurité éprouvée par les musulmans canadiens. Le projet de loi n'atténuera pas les problèmes liés au SCRS. Aucun niveau de surveillance administrative ne peut éliminer des maux systémiques. Ces organismes doivent être réformés.
Selon nous, le projet de loi ne tient aucun compte de l'impact réel que des préjugés dans le milieu de la sécurité nationale, qui créent de l'insécurité et causent des préjudices, peut avoir dans nos communautés. Sans un mandat législatif clair et des directives de notre gouvernement, nous ne croyons pas que la société civile à elle seule peut changer la culture au sein du SCRS et d'autres organismes de sécurité.
Nous sommes prêts à aider, mais nous ne pouvons pas porter ce fardeau seuls.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, Me Bhabha, qui conclura en formulant nos recommandations.
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Permettez-moi d'utiliser ces derniers moments pour vous formuler nos recommandations. Nous en avons deux.
Premièrement, nous demandons la suppression de la liste d'interdiction de vol, qu'on appelait avant le Programme de protection des passagers. Nous constatons que cette initiative continue d'être très préjudiciable pour les familles canadiennes et n'offre aucun remède ou recours efficace, comme mon collègue, ici, vous le dira.
Le CNMC continue de recevoir des rapports de personnes touchées par la liste d'interdiction de vol, des personnes qui ont de la difficulté à voyager pendant des mois ou des années, au pays et à l'échelle internationale. Même s'il faut régler immédiatement le problème des personnes qui figurent actuellement sur la liste pour des raisons erronées ou invalides, nous approuvons expressément les recommandations que la coalition No Fly List Kids vous formulera.
Selon nous, aucun rafistolage ne permettra de régler le problème sous-jacent, soit que la liste d'interdiction de vol est l'un des instruments de profilage racial et religieux les plus dommageables actuellement au pays. C'est le pendant, dans le domaine de la sécurité nationale, du fichage dans le contexte des services policiers en zone urbaine. Depuis la mise en oeuvre de la liste, elle a causé tellement de préjudices sans donner de résultat clair ou établi qu'on ne peut tout simplement pas justifier son maintien au sein de notre démocratie fondée sur la primauté du droit. C'était une expérience intéressante, mais il est temps de l'arrêter.
Ce dont le Canada a besoin, c'est non pas d'une liste de voyageurs interdits, mais plutôt de meilleures activités d'enquête et de renseignement afin que les personnes qui constituent vraiment un risque ou qui ont commis des crimes puissent être traduites devant le système de justice pénale. Toute mesure qui va plus loin constitue un profilage dangereux dont les préjudices pour les membres de notre collectivité et d'autres personnes ont été prouvés.
La deuxième recommandation, c'est qu'il faut réformer le SCRS. En ce qui a trait au Service, nous affirmons qu'on ne peut pas lui donner des pouvoirs supplémentaires, vu le manque de confiance actuel à l'égard de l'institution de la part de nombreux Canadiens. Il y a tout simplement trop de preuves d'un biais et d'une discrimination systématiques pour que nous puissions demander aux musulmans canadiens et aux autres citoyens de croire que tout nouveau pouvoir ne sera pas exercé de façon inappropriée ou discriminatoire. En fait, tout porte à croire que tout nouveau pouvoir sera exercé de façon inappropriée et discriminatoire.
Comme on l'a mentionné, les violations liées à la sécurité nationale touchent de façon disproportionnée les musulmans canadiens, même si ce n'est pas seulement les musulmans canadiens, et ce n'est pas une coïncidence. Ce dont on a besoin, c'est un changement de culture au sein des organismes de sécurité nationale avant que Canadiens puissent croire que les enquêtes ne sont pas fondées sur des préjugés et des stéréotypes et que ces préjugés et stéréotypes ne vont pas définir la façon dont les nouveaux pouvoirs proposés de perturbation seront utilisés.
Avant de commencer, je tiens à présenter mes excuses au Comité. Mon collègue, Khalid, ne peut pas être ici. Je vais jouer deux rôles ici, aujourd'hui, un en tant que parent, et l'autre en tant que conseiller juridique improvisé.
Merci de nous donner l'occasion de témoigner devant le Comité aujourd'hui pour parler du projet de loi . Je m'appelle Zamir Khan et je suis l'un des parents fondateurs de No Fly List Kids. Nous représentons des centaines de familles et des milliers de citoyens touchés négativement par le Programme de protection des passagers. La portée de notre connaissance et, par conséquent, notre témoignage se limite au Programme de protection des passagers, comme les modifications à la Loi sur la sûreté des déplacements aériens.
Je ne suis pas expert législatif ni expert en matière de sécurité. Je suis simplement un citoyen canadien et un père, ici pour témoigner des répercussions négatives qui peuvent découler des lacunes législatives et lorsque les renseignements recueillis par nos propres organismes de sécurité sont utilisés de façon aléatoire. Comme vous le savez probablement, le Programme de protection des passagers, qu'on appelle aussi la liste d'interdiction de vol du Canada, a été mis en oeuvre en 2007. La conception du programme incluait, pour reprendre les mots de notre actuel , une « erreur fondamentale ».
Cette lacune, qui persiste aujourd'hui, c'est que la vérification pour déterminer si des passagers figurent peut-être sur la liste des personnes interdites de vol revient aux transporteurs aériens et se fait uniquement en fonction du nom, et ce, même si les renseignements d'enregistrement et la liste de surveillance dressée au titre de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens contiennent des identifiants supplémentaires, comme la date de naissance. Un voyageur innocent pris dans cette toile est assujetti, au minimum, à des retards supplémentaires et à un examen de sécurité plus poussé afin de prouver son identité. Puis, c'est le jour de la marmotte, et il doit répéter ce processus chaque fois qu'il prend l'avion.
On nous demande souvent combien de Canadiens sont touchés par ce problème. Les statistiques au sujet du programme et de son efficacité n'ont pas été communiquées depuis sa mise en place en 2007, quand le ministre des Transports a indiqué qu'il y avait jusqu'à 2 000 noms sur la liste. Notre groupe a été contacté par plus de 100 familles touchées, qui représentent seulement la pointe de l'iceberg. La vaste majorité des voyageurs ainsi ennuyés ne connaissent pas la source de leur difficulté puisque la Loi sur la sûreté des déplacements aériens interdit explicitement de divulguer des renseignements liés à une personne inscrite. Cependant, à la lumière des noms des personnes faussement identifiées que nous connaissons et vu le nombre de Canadiens qui ont le même nom, nous pouvons estimer de façon conservatrice que plus de 100 000 Canadiens pourraient être des faux positifs lorsqu'ils prennent l'avion. La méthode et la justification liées à cette estimation sont décrites en détail dans le mémoire que nous vous présenterons bientôt.
Je m'intéresse personnellement à cet enjeu. Mon fils de trois ans, Sebastian, a été traité comme une personne possiblement inscrite depuis sa naissance. Cela signifie que, pour les deux premières années de sa vie, Sebastian était assez jeune, au titre de la réglementation sur les voyages, pour être considéré comme un bébé qui voyage sur les « genoux d'un parent » et qui n'avait pas besoin d'un siège dans l'avion, mais assez vieux pour être considéré comme une possible menace pour la sécurité.
Pour les familles d'enfants visés, les retards connexes compliquent encore plus des déplacements qui sont déjà difficiles. Lorsque ces enfants grandiront, ils prendront conscience du fait qu'ils sont la raison des attentes qui n'en finissent pas et des contrôles de sécurité. Cette stigmatisation a été décrite par le ministre comme une expérience traumatisante pour eux et leur famille. Lorsque les enfants grandiront et deviendront adolescents et jeunes adultes, particulièrement les jeunes hommes, leur innocence deviendra moins évidente. Comme notre groupe l'a appris, les retards deviennent plus longs, et les contrôles, plus intenses. Cela signifie que certaines familles ont manqué des vols et que des enfants refusent de voyager par crainte d'être stigmatisés. Ce n'est pas le genre d'avenir que je souhaite à mon fils.
La Loi sur la sûreté des déplacements aériens permet au ministre de conclure des accords avec des États étrangers pour divulguer les noms figurant sur notre liste de surveillance. Par exemple, un groupe de travail a été créé en 2016 pour communiquer les noms figurant sur notre liste d'interdiction de vol avec les États-Unis. La possibilité que ces données soient communiquées à l'échelle internationale est troublante pour nos familles, qui ont vécu des épreuves effrayantes, les gens étant questionnés, ou leur passeport, confisqué, lorsqu'ils voyagent à l'étranger. En fait, mon épouse et moi sommes préoccupés par le traitement qu'on nous réservera si notre famille décide de voyager à l'extérieur du Canada, vu ce qui se passe déjà au pays. Une liste de surveillance qui fait peser des soupçons injustifiés sur nous est communiquée à l'échelle internationale par notre gouvernement, même s'il revient uniquement à nous de prouver notre innocence.
Je dis tout ça pour montrer que l'impact ici, ne se limite pas à de simples inconvénients. Il s'agit d'une stigmatisation, qui est inévitable, et on peut dire que c'est une violation des droits garantis par la Charte. En outre, comme le Comité l'a déjà recommandé, c'est un problème que l'on peut tout à fait résoudre.
No Fly List Kids demande qu'on corrige ce système vicié depuis deux ans, et jusqu'à présent, le gouvernement a réagi de deux façons. En janvier 2016, le ministre a souligné aux transporteurs aériens que les enfants âgés de moins de 18 ans n'ont pas à faire l'objet de contrôles supplémentaires. Cependant, comme la CBC l'a déclaré, le résultat a été qu'Air Canada a rappelé à ses employés que toute correspondance avec les noms figurant sur la liste doit faire l'objet d'une vérification en personne de l'identité, peut importe l'âge.
En juin 2016, le gouvernement a annoncé la création du Bureau de renseignements sur le Programme de protection des passagers, le BDRPPP, visant à aider les voyageurs qui ont eu de la difficulté parce qu'ils figurent sur des listes liées à la sûreté de l'aviation. Notre groupe n'est au fait d'aucune famille dont le problème a pu être réglé par le BDRPPP. Pour le Canadien moyen, une solution consisterait à éliminer de façon permanente une personne fichée à tort. Le BDRPPP considère que recommander d'inscrire son enfant à un programme de récompense d'un transporteur aérien ou que présenter une demande dans le cadre du système de recours du Department of Homeland Security américain est une solution.
Pour les personnes visées par la liste canadienne comme mon fils, un numéro de recours américain n'est d'aucune aide. Les programmes de récompense des transporteurs aériens constituent une solution de fortune qui manque d'uniformité et qui est viciée, une solution que le ministre a qualifiée de solution provisoire. Ce n'est pas assez bon.
Plus tôt cette année, le Comité a produit un rapport intitulé « Protéger les Canadiens et leurs droits: une nouvelle feuille de route pour la sécurité nationale du Canada ». No Fly List Kids est d'accord avec votre recommandation 35 selon laquelle la seule solution pour les Canadiens est un système de recours rapide pour porter assistance aux voyageurs pris pour une personne figurant sur la liste des personnes précisées.
Je vais maintenant jouer le rôle de notre conseiller juridique Khalid et vous décrire nos points de vue sur le projet de loi et sur la façon dont, même s'il fournit un cadre initial, il ne permettra pas la mise en oeuvre rapide d'un système de recours.
Je vais aborder rapidement les points suivants: premièrement, le besoin pressant d'un système de recours a été établi; deuxièmement, le projet de loi ne va pas assez loin pour établir un tel système; et, troisièmement, si le temps le permet, la technologie requise pour créer le système de recours existe déjà est est utilisée par nos alliés.
Commençons par les bonnes nouvelles. Au cours des dernières années, les Canadiens respectueux des lois de partout ont raconté leurs récits personnels de retards, de frustration, d'humiliation, et, franchement, de consternation, en raison de leur interaction avec le programme de la liste d'interdiction de vol. Ces récits ont gagné en urgence lorsque le groupe No Fly List Kids a été créé, il y a un peu moins de deux ans pour montrer l'impact de la liste sur la vie d'enfants, y compris des nourrissons.
Il semble que le message a passé. Le groupe a réussi à obtenir des lettres de 202 députés, soit les deux tiers de la Chambre des communes, des lettres qui demandaient toutes la création rapide d'un système de recours. Il semble que tous les partis soient favorables à un tel système, mais me voilà rendu aux mauvaises nouvelles.
À la lecture des modifications proposées à la Loi sur la sûreté des déplacements aériens contenues dans le projet de loi , il est apparent que, même si le projet de loi fait un petit pas en avant en vue d'établir le système de recours, il n'en établit pas un au bout du compte. Le projet de loi inclut un article qui permet au ministre de recueillir des renseignements personnels afin de délivrer un identifiant unique aux voyageurs. C'est un petit pas en avant, mais cela ne nous amènera pas là où il faut nous rendre.
Je vais vous donner un exemple en guise d'illustration. L'article 16 de la Loi prévoit actuellement un mécanisme d'appel à l'intention des personnes à qui on refuse l'embarquement. Il y a aussi un article sur un recours administratif.
Comparons cela au projet de loi , qui n'arrive même pas près de définir en détail un système de recours à l'intention des personnes faussement visées en raison de la liste.
Mon dernier point, c'est que nous ne demandons pas au gouvernement de réinventer la roue. On n'a qu'à regarder ce qu'a fait notre plus proche voisin, les États-Unis. Nous avons joint des saisies d'écran de données de réservation pour le même passager voyageant du Canada à Halifax et New York avec un transporteur aérien canadien, Air Canada. Comme vous pouvez le voir, la technologie existe déjà, une technologie permettant au passager de consigner son numéro de recours lorsqu'il voyage aux États-Unis afin d'être autorisé à voyager au moment de l'enregistrement.
Je remercie le Comité.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
As-salaam alaikum et bienvenue au Comité, monsieur Gardee.
C'est bon de vous voir à nouveau, maître Bhabha.
À l'instar de mon collègue, monsieur Dubé, je tiens aussi à remercier tout spécialement M. Khan qui est venu témoigner non seulement à titre d'intervenant, mais aussi en tant que parent d'un enfant concerné directement par la liste d'interdiction de vol.
Je vous remercie tous les quatre de défendre cette cause, d'exprimer vos opinions et de nous pousser à étudier ces questions afin que nous puissions, au bout du compte, améliorer nos lois et nos institutions. Je crois qu'il est très clair pour le Comité que, de votre point de vue, le statu quo ne suffit pas, et je crois — c'est mon point de vue personnel, mais je suis sûr que les autres membres du Comité le pensent aussi — que nous devons procéder à des changements. Si nous poursuivons sur la même voie malgré les graves lacunes de la loi, nous ne pourrons pas donner aux Canadiens ce que nous pouvons offrir de meilleur.
J'aimerais que vous m'éclairiez un peu toutefois. Au début, il m'a semblé quelque peu que ce que vous vouliez divergeait; Me Bhabha a même dit que nous devrions nous débarrasser complètement du Programme de protection des passagers. Disons que nous avions dès demain un programme équivalent, semblable en tous points, à celui en vigueur aux États-Unis et qu'il était fonctionnel, cela atténuerait-il vos préoccupations, et si oui, dans quelle mesure?
D'après ce que nous ont dit d'autres témoins et d'autres membres de la communauté musulmane ainsi que des membres d'autres communautés, le système de recours en vigueur aux États-Unis, malgré la stigmatisation qu'il suppose, est au moins fonctionnel. Êtes-vous d'accord sur ce point?
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Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de témoigner devant votre comité au nom du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, le porte-parole des Fédérations juives du Canada.
Nous sommes une organisation nationale, non partisane et sans but lucratif représentant plus de 150 000 Juifs au Canada par l'intermédiaire de fédérations locales aux quatre coins du pays. Nous croyons aux valeurs fondatrices du Canada, la liberté, la démocratie et l'égalité, et nous sommes engagés à travailler avec le gouvernement, le Parlement et tous les groupes semblables afin de veiller à ce que le Canada demeure un pays où tous peuvent jouir de protections et de chances égales.
En mars 2015, j'ai témoigné devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale dans le cadre de son étude sur le projet de loi . Notre témoignage s'ouvrait sur le fait suivant: « Les Juifs sont régulièrement ciblés au Canada par les crimes haineux ou reliés aux préjugés, et ce, à un taux plus élevé que pour n'importe quel autre groupe identifiable. » Malheureusement, ces mots sont toujours vrais aujourd'hui.
Récemment, Statistique Canada a publié un rapport sur les crimes haineux en 2016, et encore une fois, les Juifs ont été ciblés plus que n'importe quelle autre minorité religieuse, avec 221 incidents. Il convient toutefois de garder les choses en perspective. Le Canada est un pays très sécuritaire pour les groupes identifiables ainsi que l'un des meilleurs endroits où vivre si vous êtes membre d'une minorité. Il faut toutefois rester vigilant, car chaque crime haineux est un crime haineux de trop.
Prenez l'attentat contre une synagogue à Jérusalem, contre une boîte de nuit gaie à Orlando, contre une église afro-américaine à Charleston ou contre une mosquée à Québec; voilà autant d'exemples de la façon dont la haine extrême ne peut que mener à de la violence extrême. Aux quatre coins du monde, les Juifs sont la cible principale des terroristes: que ce soit en Belgique, en Argentine, en France, en Inde, en Bulgarie, en Israël, au Danemark ou aux États-Unis. Vous comprendrez que les Juifs canadiens sont préoccupés non seulement par les menaces qui les guettent à l'étranger, mais également par ce qui pourrait se produire ici, chez nous.
Le Rapport public de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada de Sécurité publique Canada indique que le réseau du Hezbollah, ce groupe terroriste reconnu qui est vraisemblablement l'auteur de l'attentat à la bombe contre un centre communautaire juif à Buenos Aires, a étendu ses activités jusqu'au Canada. Le tristement célèbre attentat à la bombe incendiaire de 2004 contre une école juive à Montréal est encore bien présent dans notre mémoire collective.
C'est pourquoi notre communauté s'intéresse de près à l'approche gouvernementale de lutte contre le terrorisme. Nous vous sommes reconnaissants de l'occasion qui nous a été offerte de participer aux consultations sur le cadre de Sécurité nationale du Canada. Nous avons pu témoigner devant votre comité et avons participé aux consultations du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. J'espère que vous trouverez nos recommandations utiles et constructives.
Plus loin, nous allons aborder la question de l'élargissement de la fonction de surveillance du SCRS, mais avant, je tiens à dire quelques mots à propos de l'infraction consistant à préconiser ou fomenter la perpétration d'une infraction de terrorisme en général.
Dans le cadre de l'ancien projet de loi , le Centre consultatif des relations juives et israéliennes soutenait les mesures visant à habiliter les responsables de la sécurité à incriminer une personne pour l'infraction de préconiser ou fomenter la perpétration d'une infraction de terrorisme et à saisir la propagande terroriste. Le Centre soutenait ces mesures, puisqu'il s'agissait d'un moyen de faire échec à ceux dont le dessein était d'inspirer, de radicaliser ou de recruter des Canadiens à des fins terroristes, en leur retirant la latitude sur le plan juridique qui leur permettait d'exprimer des idées dangereuses en autant qu'ils soignent leurs mots.
Le projet de loi modifie le libellé de la loi de façon à remplacer « l'infraction de préconiser ou fomenter » par « l'infraction de conseiller la commission d'infractions de terrorisme ». Cela n'a pas nécessairement pour effet d'atténuer la force exécutoire prévue de la disposition. Dans son document d'information à propos de l'infraction de préconiser ou de fomenter la perpétration d'une infraction de terrorisme, le ministère de la Justice dit ceci: « L’infraction s’inspire des infractions existantes de conseiller et de la jurisprudence pertinente. Elle élargit le concept de conseiller aux cas où aucune infraction de terrorisme particulière n’est conseillée, mais qu’il est clair, néanmoins, que des infractions de terrorisme sont conseillées. »
Le projet de loi semble remplir le même objectif, et on y ajoute également la nuance suivante par rapport à l'infraction de conseiller la commission d'une infraction de terrorisme: « Pour que l’infraction [...] soit commise, il n’est pas nécessaire?[...] que la personne conseille la commission d’une infraction de terrorisme spécifique. » Comme le l'a dit récemment dans son témoignage devant votre comité, cette modification devrait donner aux forces de l'ordre une plus grande marge de manoeuvre pour faire respecter la loi, et, de notre point de vue, il s'agit d'une évolution raisonnable. Cependant, nous croyons qu'il existe une lacune dans le nouveau libellé qui est proposé qui risquerait de restreindre la portée de la disposition et de l'affaiblir considérablement.
Présentement, est coupable de cette infraction « [Q]uiconque, sciemment, par la communication de déclarations, préconise ou fomente la perpétration d’infractions de terrorisme en général[...] ». Si on se contente de substituer les parties concernant la promotion et la fomentation, la disposition devrait se lire ainsi: « [Q]uiconque conseille la perpétration d'une infraction de terrorisme [...] », mais ce n'est pas le cas. À la place, voici la disposition dans le projet de loi : « [Q]uiconque conseille à une autre personne de commettre une infraction de terrorisme [...] » Le libellé semble indiquer que seule une personne conseillant une autre personne spécifiquement commet une infraction.
En ce qui concerne l'infraction consistant à charger une personne de se livrer à une activité terroriste, le Code criminel est explicite. L'infraction est commise, que l'accusé ait ou non chargé une personne en particulier de se livrer à l'activité en question ou même qu'il connaisse ou non l'identité de la personne chargée de se livrer à cette activité. La même norme devrait s'appliquer à l'infraction de conseiller. Si l'on change « préconiser ou fomenter » par « conseiller », on modifie la définition de propagande terroriste.
Le projet de loi retirerait « préconise ou fomente la perpétration d'infractions de terrorisme en général » de la définition, de la même façon qu'il changerait l'infraction de conseiller dont je viens de parler. Toutefois, il manque ici une réserve des plus importantes, puisqu'il n'est pas nécessaire que l'infraction spécifique de terrorisme ait été conseillée, comme le prévoit déjà la nouvelle infraction de conseiller. Il faudrait harmoniser le tout, par souci d'uniformité.
Je vais maintenant parler des activités de surveillance accrue confiées au SCRS.
Quand nous sommes venus témoigner au nom du Centre consultatif des relations juives et israéliennes au sujet du projet de loi , nous nous étions dits en faveur d'un élargissement du rôle et des responsabilités du SCRS, de façon qu'il ait le pouvoir d'empêcher les attaques terroristes possibles. Nous croyions que ce nouveau mandat était justifié, mais nous avons soutenu qu'une surveillance accrue était nécessaire, pour prévenir les abus. Tout comme les Canadiens bénéficient d'une approche plus robuste en matière de contre-terrorisme, mettant l'accent sur la prévention, nous avons fait valoir que, en parallèle, un examen plus poussé des activités du SCRS serait bénéfique.
On attend depuis longtemps l'adoption de mesures qui donneraient au CSARS plus de moyens d'assurer un examen adéquat, et ces mesures sont on ne peut plus nécessaires, étant donné le mandat accru accordé au SCRS. Nous avons appuyé les précisions apportées au mandat élargi du SCRS, prévues dans le projet de loi de même que la création d'un office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Ces deux mesures devraient favoriser un meilleur équilibre entre la protection de la sécurité des Canadiens et de leurs droits civiques.
Au sujet du projet de loi , nous avons proposé plusieurs réformes concrètes visant à donner au SCRS des capacités de surveillance de même que des responsabilités accrues. Le nouvel office de surveillance réalisera le principal objectif de nos recommandations, et peut-être le plus important, à savoir permettre l'examen des activités en matière de sécurité et de renseignement mené dans l'ensemble des ministères et organismes gouvernementaux. Toutefois, nous croyons que les trois recommandations qui suivent, qui ont trait à la structure et à la composition de ce nouvel office, permettraient d'en faire un organisme des plus efficaces.
Premièrement, le président de ce nouvel office devrait posséder de l'expérience dans le domaine du renseignement et de la sécurité nationale, et il devrait occuper ce poste à temps plein, de façon à diriger l'organisme de manière constante et professionnelle.
Malheureusement, le projet de loi prévoit ceci: « la désignation du président et du vice-président précise s'ils exercent leur charge à temps plein ou à temps partiel. » Il prévoit également ceci: « Les autres membres exercent leur charge à temps partiel. »
Nous voudrions que cette disposition soit modifiée et que les autres membres puissent exercer leur charge à temps plein sans que cela n'exige de modifier la loi. Étant donné que la charge de travail de ce nouvel office devrait être bien plus importante que celle du CSARS, elle devrait vraisemblablement exiger un engagement à temps plein de tous les membres.
Deuxièmement, nous recommandons que le président du nouvel office soit désigné haut fonctionnaire du Parlement et qu'il soit tenu de présenter régulièrement des rapports directement au Parlement. Nous avions fait la même recommandation en parlant du président du CSARS, lorsqu'il était question du projet de loi .
Le projet de loi exige que les rapports publics de ce nouvel office soient présentés au Parlement, et c'est avantageux, mais les rapports doivent quand même passer par le premier ministre et d'autres ministres. En faisant du président du CSARS un haut fonctionnaire du Parlement, dont le mandat l'oblige à présenter régulièrement des rapports au Parlement, on enverrait un message clair, selon lequel le nouvel office mène ses activités en toute indépendance du gouvernement en place.
Troisièmement, nous croyons que le Parlement devrait participer davantage au processus de nomination des membres de ce nouvel office.
Nous sommes satisfaits des dispositions du projet de loi touchant la consultation, mais nous croyons que les nominations devraient également être soumises à l'approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes. Ce petit ajout, qui reflète d'ailleurs les pratiques ordinaires touchant la nomination des hauts fonctionnaires du Parlement, ajouterait davantage de crédibilité au processus de nomination.
Mon prochain commentaire intéresse peut-être davantage vos collègues du comité des finances; il est important de souligner également que l'office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement devra se voir affecter d'importantes ressources, tant professionnelles que financières, si l'on veut qu'il réussisse à remplir son important mandat.
Nous avons terminé notre témoignage, en 2015, en priant les membres de votre comité de soutenir un projet de loi d'initiative parlementaire qui étendrait les pénalités prévues pour des crimes haineux au-delà des lieux de culte, c'est-à-dire aux écoles et aux centres communautaires. Cette initiative a échoué, mais elle a été ravivée au cours de la présente législature, sous forme de projet de loi , qui a franchi l'étape de la troisième lecture au Sénat, en octobre.
C'est avec plaisir que je termine ma déclaration d'aujourd'hui, monsieur le président, en disant sincèrement merci à chacun de vous, pour avoir donné un appui unanime au projet de loi ; cela illustre clairement comment les élus, en travaillant de concert, peuvent réellement changer les choses pour mieux protéger les Canadiens.
J'espère que les membres du Comité prendront en considération ma déclaration d'aujourd'hui dans le même esprit constructif, et je vous sais gré de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.
Merci.
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Merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
Mon collègue Craig Forcese a déjà témoigné en s'attachant aux parties 2, 3 et 4 du projet de loi. Je vais me concentrer sur les autres aspects du projet de loi .
On a beaucoup loué la partie 1, qui prévoyait la création d'un super-CSARS pangouvernemental. À mon avis, cela revient à mettre en oeuvre, quoique dans ses grandes lignes seulement, l'important principe qui animait les auteurs du rapport de la Commission Arar, à savoir que la surveillance doit être aussi large que les activités en matière de sécurité nationale et qu'une surveillance renforce plutôt qu'elle n'affaiblit la sécurité.
Il est toujours possible d'apporter des améliorations. Je recommanderais que le nouveau et très bienvenu super-CSARS soit un peu plus grand. À mon avis, il devrait compter de cinq à huit membres, au moins. Amnistie internationale est en faveur de cette recommandation, et MM. Wark et Fogle vous ont soumis de très intéressantes propositions visant à renforcer ce nouveau super-CSARS.
Nous devrions envisager des nominations plus diversifiées, qui ne s'appuieraient pas tout simplement sur une consultation des chefs des partis politiques, cette manière de faire étant surtout un héritage de la première Loi sur le SCRS, adoptée en 1984 en pleine guerre froide. Nous devrions nommer des gens qui ont de l'expérience dans le domaine de la protection des renseignements personnels, comme le commissaire à la protection de la vie privée vous l'a dit. Je crois aussi qu'il est important que, dans la mesure du possible, les collectivités qui seraient disproportionnellement touchées par les activités en matière de sécurité nationale soient représentées.
Il faut mieux définir le mandat du nouvel office de surveillance. Si j'ai bien lu, lorsque la nouvelle loi parle de « ministère » ou « société », cela n'inclut pas la GRC. Il faudrait que ce soit très clairement exprimé. Il faudrait qu'il soit clair que le nouveau comité pourra examiner les activités en matière de sécurité nationale de la GRC, traiter les plaintes touchant les activités en matière de sécurité nationale de la GRC et avoir un plein accès à l'information classifiée détenue par la GRC, de la même façon qu'il a accès à l'information classifiée que possèdent le SCRS, le CST et les autres organismes s'occupant de sécurité nationale.
Passons maintenant à la partie 5; je suis toujours d'avis que les dispositions du projet de loi relatives à la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada constituent le point faible de ce projet de loi. Je recommanderais de faire de la définition des menaces envers la sécurité du Canada, énoncée à l'article 2 de la Loi sur le SCRS, le déclencheur par défaut de la communication d'information, mais aussi d'y ajouter des dispositions soigneusement formulées et étayées pour les cas où cette définition pourrait ne pas être adéquate. Le projet de loi donne une portée exagérée à la définition d'une « activité portant atteinte à la sécurité du Canada ». Mais, même après modification du présent projet de loi, cette définition aurait une portée excessive.
Quand je parle de portée excessive, et je sais que certains membres du Comité ont pris connaissance du rapport de la commission d'enquête sur le vol d'Air India, elle est excessive non seulement du point de vue des libertés civiles, mais aussi, je le dis franchement, du point de vue de la sécurité. Quand tout est une menace pour la sécurité, dans les faits rien n'est une menace pour la sécurité. Je crois vraiment que nous devrions formuler cette définition de façon plus rigoureuse en ce qui a trait à la communication d'information.
En ce qui concerne Air India — je m'écarte un tout petit peu du projet de loi —, je dois de nouveau réitérer mes objections au privilège accordé aux sources humaines du SCRS par la Loi protégeant le Canada contre les terroristes. Si on n'abroge pas cette disposition, je recommanderais à tout le moins, et c'est urgent, que l'on mène une étude pour savoir si la pratique du SCRS consistant à protéger l'anonymat des témoins ne nuit pas aux procès pour terrorisme.
Le commissaire à la protection de la vie privée a insisté sur le fait que la norme que les organismes qui reçoivent des renseignements doivent respecter, au titre de la LCISC, devrait être rehaussée et s'établir au niveau de « nécessité ». Je suis d'accord. Ça ne me dérangerait pas non plus qu'on impose la même norme aux organismes qui envoient de l'information. Le commissaire à la protection de la vie privée a soulevé un problème: les organismes qui envoient de l'information n'ont peut-être pas d'expérience en matière de sécurité, mais ils n'ont peut-être pas non plus les motifs qu'ont les organismes qui reçoivent l'information de conserver, parfois inutilement, l'information qu'ils reçoivent.
À ce chapitre, une caractéristique essentielle du nouvel office de surveillance, c'est qu'il sera autorisé à examiner les renseignements confidentiels selon la loi sur lesquels les organismes qui reçoivent l'information fondent leurs décisions de conserver, parfois à tort, une information quelconque.
Passons à la partie 6; le Comité est bien sensibilisé aux problèmes liés à la liste d'interdiction de vol. Il me semble que les réformes proposées par le projet de loi sont infimes. Pour les personnes qui sont inscrites par erreur sur cette liste, le délai de quatre mois semblera long, même si le déclencheur par défaut a été changé. Les avocats spécialisés devraient avoir un rôle à jouer dans les appels, et les restrictions prévues par le projet de loi sur l'information que ces avocats possédant l'autorisation de sécurité requise peuvent voir, dans les dossiers concernant les certificats de sécurité, devraient également être supprimées. Mais il est probablement plus fondamental que le nouveau comité, qui aura accès à l'information classifiée, cherche à établir si les coûts de la liste d'interdiction de vol, c'est-à-dire les coûts financiers et les coûts humains — liés aux faux positifs — sont réellement compensés par les avantages.
Passons à la partie 7 du projet de loi; j'ai vu que l'Association canadienne des libertés civiles vous avait fait remarquer que l'infraction consistant à conseiller renvoie aux infractions de terrorisme, mais qu'elle ne définit pas ces infractions. Ce n'est pas ce que j'avais compris. J'ai compris que le renvoi aux infractions de terrorisme renvoie également à la définition d'infractions de terrorisme énoncée à l'article 2 du Code criminel, mais cela mérite des éclaircissements.
Il est difficile d'évaluer les changements des dispositions concernant les arrestations préventives, mais j'aurais aimé que l'on apporte des modifications supplémentaires pour clarifier les limites des interrogatoires de personnes qui peuvent détenues jusqu'à sept jours durant. J'insisterais aussi pour que l'on réagisse à la décision Driver, prise par une cour du Manitoba, qui a déclaré qu'une partie du moins des dispositions relatives à un engagement de ne pas troubler l'ordre public, la partie concernant les programmes thérapeutiques, contrevenait à la Charte. Je recommanderais également que nous nous inspirions par exemple de l'article 10 de la Loi sur le terrorisme adoptée en 2000 par le Royaume-Uni, qui permet aux gens de contester leur inscription sur une liste de groupes terroristes sans que le fait même de contester ne constitue le fondement d'une accusation d'infraction de terrorisme.
Je félicite le gouvernement d'avoir supprimé les audiences d'enquête, une technique qui n'a jamais été utilisée efficacement et qui, lorsqu'elle était utilisée, risquait de nuire aux procès pour terrorisme.
En conclusion, c'est le projet de loi qui a rendu nécessaire cette loi importante et complexe. À mon avis, étant donné la nature globale, voire radicale, du projet de loi C-51 et des faits importants qui ont mené au dépôt de ce projet de loi, il faudrait commencer l'examen de la loi quatre ans après son entrée en vigueur, non pas six ans après comme le prévoit la partie 9. Je proposerais également que cet examen soit effectué par un comité mixte spécial, formé de députés et de sénateurs ainsi que d'un comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
Je vous ai déjà fait parvenir mon mémoire, j'espère que vous l'avez reçu et qu'il a été traduit. C'étaient là mes observations supplémentaires.
Merci beaucoup. J'attends vos questions avec impatience.
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Bien sûr. Les audiences d'investigation comptaient parmi les dispositions les plus draconiennes de la première version de la Loi antiterroriste. À l'époque, j'avais aussi exprimé que j'étais contre les audiences d'investigation, donc je n'ai pas changé d'avis à ce sujet. La Cour suprême les a déclarées constitutionnelles en 2004, mais les a assujetties à la présomption d'audience publique et a affirmé que les règles de preuve habituelles doivent s'appliquer.
Je suis préoccupé par le fait que, selon la Charte et le Code criminel, toute déclaration qu'une personne est contrainte de faire dans le cadre d'une audience d'investigation est inadmissible dans un procès pour terrorisme.
Vous avez raison de dire que le public pourrait s'inquiéter, mais franchement, une telle réaction découlerait d'un manque de connaissances. Cela nous ramène à la nécessité de faire preuve de plus d'intelligence quand il s'agit de pouvoirs liés à la sécurité et d'avoir des pouvoirs utilisables en la matière. S'il existe une procédure comme une audience d'investigation, qui n'a pas été utilisée, en somme, mais qui, si elle l'était, pourrait rendre la tenue d'un procès pour terrorisme plus difficile, voire impossible — et il est déjà extrêmement difficile de tenir ce genre de procès —, alors il s'agit d'une mesure que l'on doit éliminer.
En ce qui concerne la liste d'interdiction de vol, je recommanderais, entre autres, que le nouveau comité formé de parlementaires examine peut-être les coûts et les avantages liés à cette liste, parce que, d'après ce que j'en sais, pour l'administrer, il faut avoir accès à des renseignements classifiés, ce que ni vous ni moi n'avons. Peut-être que le Canada pourrait jouer un rôle de chef de file en la matière et que ses dirigeants pourraient affirmer: « Nous n'avons pas besoin d'une telle mesure, parce que nous souhaitons que tous les passagers aériens soient en sécurité. » Je ne sais pas si c'est le cas actuellement, mais c'est le genre de choses...
Nous devons faire confiance au public pour qu'il comprenne que même si le terrorisme nous effraie parce qu'on nous en parle tous les jours au bulletin de nouvelles, avec raison, cela signifie que nous devons être plus intelligents, et ne pas simplement tenter de nous rapprocher le plus possible des limites imposées par la Charte.