propose que l'amendement que le Sénat a apporté au projet de loi , soient lus pour la deuxième fois et adoptés.
Que l’amendement apporté par le Sénat au projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à d'autres textes législatifs, soit maintenant lu une deuxième fois et agréé.
— Monsieur le Président, je suis extrêmement fière de prendre la parole de nouveau à la Chambre au sujet du projet de loi , Loi sur la modernisation des élections. Ce sera probablement la dernière fois que j'interviendrai dans cette enceinte. Ce projet de loi permettrait de veiller à ce que tous les Canadiens puissent continuer à participer au processus démocratique.
D'entrée de jeu, je saisis l'occasion pour remercier toutes les personnes qui ont participé au processus législatif jusqu'à présent. Je remercie d'abord les députés d'avoir participé à un débat enrichissant ayant entraîné la présentation au comité d'amendements qui ont permis de renforcer le projet de loi davantage. J'aimerais aussi remercier les sénateurs, notamment le parrain du projet de loi au Sénat. Je suis particulièrement heureuse de la flexibilité dont ils ont fait preuve dans leur examen du projet de loi malgré les délais serrés. Je remercie les membres du comité des affaires juridiques et constitutionnelles de leurs observations, qui guideront le gouvernement dans ses projets ultérieurs de modification de la Loi électorale du Canada.
[Français]
Je tiens également à remercier le directeur général des élections et le commissaire aux élections fédérales de leur soutien aux parlementaires à toutes les étapes du processus législatif. Le dévouement exemplaire de leurs équipes respectives est fondamental à la tenue d'élections justes et équitables. Je les remercie.
[Traduction]
Le projet de loi nous a été renvoyé avec un seul amendement. L'amendement en question est justifié parce qu'une erreur de rédaction s'était glissée dans l'un des amendements appuyés par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. On se rappellera que le Comité avait proposé d'interdire complètement et en tout temps aux tiers partis de recourir à du financement étranger pour diffuser des publicités et organiser des activités partisanes, y compris hors de la période préélectorale et de la campagne elle-même.
Techniquement, la façon la plus efficace de procéder consistait à regrouper toutes les dispositions concernées à l'intérieur d'une section ajoutée exprès à la Loi électorale du Canada. Or, ce faisant,le concept de publicité électorale a malencontreusement été évacué du texte. Le terme « publicité électorale » désigne la diffusion d'un message publicitaire de nature partisane ou portant sur une prise de position sur une question à laquelle est associé un parti ou un candidat. L'amendement à l'étude corrige cette erreur et précise que, pendant la période électorale, la publicité électorale en général, et plus seulement la publicité partisane, sera visée par l'interdiction touchant le financement étranger.
[Français]
La modification proposée par le Sénat est un amendement de nature plutôt technique, mais il s'agit néanmoins d'un amendement important pour protéger les Canadiens contre l'ingérence étrangère dans nos processus électoraux. Cet amendement me permet de rappeler aux députés de la Chambre que rendre le système électoral plus sécuritaire est un des principaux objectifs visés par le projet de loi . En effet, celui-ci contient des mesures importantes pour protéger le système électoral canadien de l'ingérence étrangère, un enjeu qui nous préoccupe tous, peu importe notre affiliation politique. Il contient également des mesures visant à s'assurer que les contrevenants à la Loi électorale du Canada ne pourront éviter d'être punis, entre autres en offrant au commissaire davantage d'outils pour assurer l'application de la Loi.
[Traduction]
Le projet de loi va toutefois plus loin. En plus de mieux protéger le régime électoral du pays, il le rendra aussi plus accessible et plus transparent. Pour tout dire, il fera entrer la loi électorale dans le XXIe siècle. Le gouvernement demeure d'avis que plus il y aura de Canadiens qui voteront aux élections, mieux se porteront les institutions démocratiques du pays. Il en va ni plus ni moins de la santé de notre démocratie. Voilà pourquoi le projet de loi C-76 renferme une série de mesures qui feront tomber bon nombre des obstacles que les Canadiens doivent parfois surmonter pour exercer leur droit de vote et participer au processus démocratique en général.
Il faudra notamment apporter les changements requis pour que l'obligation de prouver son identité ne constitue pas un obstacle administratif insurmontable pour les Canadiens qui souhaitent exercer leur droit de vote. Nous allons par exemple autoriser de nouveau le recours à un répondant et à la carte de l'électeur comme moyen de prouver son adresse. Statistique Canada a calculé que plus de 170 000 Canadiens n'ont pas pu voter en 2015 parce que le gouvernement précédent avait décidé de rendre le processus électoral plus restrictif. L'expression le dit: le droit de vote est un droit, et le gouvernement doit tout faire pour faciliter la vie des Canadiens qui veulent l'exercer. C'est notre responsabilité, et nous la prenons au sérieux.
Ces mesures permettront à des Canadiens qui n'ont pas pu voter par le passé d'exercer leur droit de vote le jour du scrutin. Nous prenons également des mesures importantes pour veiller à ce que tous les Canadiens, et non seulement certains d'entre eux, aient accès au processus démocratique.
Le projet de loi contient des dispositions visant à mieux appuyer les électeurs handicapés en faisant en sorte qu'ils puissent profiter de mesures d'adaptation, peu importe la nature de leur handicap. Par exemple, il sera possible pour toutes les personnes handicapées de voter à domicile. Le projet de loi encouragera aussi les partis politiques et les candidats aux élections à tenir compte des besoins des électeurs handicapés en prévoyant le remboursement de leurs dépenses liées à des mesures d'adaptation.
Aux termes du projet de loi , il sera plus facile pour les membres des Forces armées canadiennes de voter. Il étendra le droit de vote à de nombreux Canadiens qui vivent à l'étranger et il rétablira le mandat du directeur général des élections du Canada en matière d'éducation du public.
Grâce à ce projet de loi, nous veillerons à ce que tous les Canadiens qui ont le droit de voter puissent le faire.
[Français]
Le cadre législatif électoral aspire à permettre des règles de jeu équitables pour les candidats et les partis politiques. Cela est seulement possible quand nous avons en place des règles en matière de transparence. Le projet de loi fait également des avancées notables à cet égard.
J'aimerais mentionner, entre autres, la création d'une période pré-électorale et l'établissement de plafonds de dépenses pour les partis politiques et les tiers durant cette période. En outre, les tiers qui seront particulièrement actifs seront assujettis à une obligation de fournir à Élections Canada des rapports provisoires avant le jour de scrutin.
On exigera également des plateformes en ligne qu'elles tiennent un registre de la publicité partisane et électorale diffusée sur leurs plateformes pendant les périodes pré-électorales et électorales.
Ces exigences feront que les Canadiens et les Canadiennes auront accès à une plus grande quantité d'information concernant qui cherche à influencer leurs votes.
[Traduction]
J'aimerais aussi mentionner que le projet de loi propose des mesures clés pour moderniser les services aux électeurs. À titre d'exemple, il accordera une plus grande flexibilité au directeur général des élections pour gérer le déroulement des opérations dans les bureaux de scrutin. Avec le temps, ces changements devraient réduire le temps d'attente, le jour des élections. Puisque les Canadiens mènent des vies occupées, le projet de loi prolonge aussi jusqu’à 12 heures la durée des journées de vote par anticipation.
Le projet de loi limiterait également la durée des élections à date fixe à un maximum de 50 jours, tout en mettant en place une période préélectorale pour garantir la transparence des dépenses des tiers. Il imposerait également des limites sur la publicité électorale et les activités partisanes des tiers.
Pendant la période préélectorale, un maximum de 1 million de dollars pourra être dépensé pour la publicité et les activités, et un maximum de 10 000 $ par circonscription. Pendant la période électorale, il y aura un plafond de dépenses de 500 000 $, et un maximum de 4 000 $ par circonscription. Ces limites ont été établies pour 2019 et seront ajustées en fonction de l'inflation.
Je crois fermement que le projet de loi sert les intérêts de la démocratie et du Canada. Il vise à accroître et à protéger l'intégrité et l'équité de nos élections. Ce projet de loi met en oeuvre plus de 85 p. 100 des recommandations formulées par l'ancien directeur général des élections après les élections générales de 2015.
Les Canadiens ont besoin d'un processus qui leur inspire confiance. Les lois électorales doivent être aussi robustes que possible. À titre de ministre des Institutions démocratiques, je suis déterminée à maintenir et à renforcer la confiance que les Canadiens ont à l'égard de la démocratie.
Le projet de loi assurera la modernité, la transparence et l'accessibilité des institutions démocratiques pour tous les Canadiens. Comme l'énonce l'article 3 de la Charte:
Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
Les Canadiens ont le droit de voter et le gouvernement s'assure que les électeurs n'éprouvent pas de difficultés quand vient le temps d'exercer leur droit de vote.
Je suis incroyablement fière de ce projet de loi. Il n'existe nul autre droit plus fondamental que celui permettant aux citoyens d'exercer leur droit de vote. Cette mesure législative est dans l'intérêt des Canadiens, et ces derniers peuvent être sûrs qu'elle a été rédigée et présentée pour eux.
:
Monsieur le Président, j'ai le plaisir de parler du projet de loi Comme j'ai déjà eu plusieurs occasions d'en parler, j'espère que celle-ci sera la dernière. Si je dois dire quelque chose à propos de ce projet de loi, voici ce que je dirai.
[Traduction]
Si le projet de loi à l'étude concerne vraiment la démocratie, c'est un échec. Si le projet de loi est plutôt une tentative du de truquer les élections à l'avantage du gouvernement libéral, alors c'est mission accomplie. Cela dit, je vais maintenant expliquer ce qui fait, d'après nous, l'opposition officielle, que le projet de loi ne permettra pas d'atteindre les objectifs démocratiques mis de l'avant par le gouvernement.
D'abord, il y a les limites concernant les dépenses dans la période préélectorale. Auparavant, évidemment, ces limites étaient fort différentes de ce qui avait d'abord été proposé dans le projet de loi . Le projet de loi proposait des limites spécifiques pour les tiers, mais aussi pour les partis enregistrés. Dans la version initiale du projet de loi, quatre tiers suffisaient pour dépenser plus qu'un parti enregistré. Grâce aux efforts de mes collègues et à des négociations, nous avons réussi à faire passer la limite à 2 millions de dollars, ce qui, d'après nous, n'est pas tout à fait équitable. Cependant, c'est assurément une amélioration comparativement à ce qui avait d'abord été prévu, soit 1,5 million de dollars. Essentiellement, en établissant ces limites, le projet de loi viendra museler les Canadiens en ne permettant pas que différentes parties aient la possibilité de présenter aux Canadiens les renseignements dont ils ont besoin pour prendre une décision éclairée. C'est ce que tente de faire le gouvernement au moyen de la Loi sur la modernisation des élections.
En plus de truquer les élections en faveur des libéraux, le projet de loi tente de défaire tout ce qui a été accompli par l'entremise de la Loi sur l'intégrité des élections, que certains députés appellent la loi sur le manque d'intégrité des élections. Ils ont tout un sens de l'humour. Outre les limites de dépenses, bien d'autres éléments tendent vers la démocratie, mais font chou blanc.
La deuxième raison pour laquelle le projet de loi C-76 est une tentative ratée, c'est qu'il n'empêchera pas l'ingérence étrangère. Comme je l'ai dit dans des discours précédents, les mesures que le projet de loi mettrait en place équivalent à une tape sur les doigts. D'ailleurs, il est bien connu que nous avons proposé 200 amendements dans l'intérêt du public canadien et de la démocratie, mais moins d'une poignée d'entre eux ont été retenus. Certains de ces amendements visaient à protéger les élections canadiennes contre toute ingérence étrangère, car le projet de loi n'y parviendra pas. Non seulement il ne fait que donner une tape sur les doigts, il n'inscrit pas dans la loi les mécanismes nécessaires pour vérifier l'absence d'ingérence étrangère.
Après les dernières élections, les ministériels n'en avaient pas très long à dire sur l'ingérence étrangère. Il est curieux de voir comme les choses ont changé. Soudainement, on constate l'efficacité de ces tiers. Ces choses sont maintenant devenues très intéressantes.
La troisième raison pour laquelle le projet de loi ne permettrait pas de protéger la population canadienne touche l'influence étrangère. De ce côté-ci de la Chambre, nous trouvons cela très inquiétant. Nous sommes très conscients des cas d'ingérence qui se sont produits, aux dernières élections américaines et, aussi, avec le Brexit.
Je n'entrerai pas dans les détails du protocole qu'on propose d'appliquer pendant les élections, qui devrait peut-être aussi, à notre avis, être étendu à la période préélectorale et indéfiniment. Nous ne sommes pas convaincus que ce protocole est dans l'intérêt des Canadiens.
Laissons le protocole de côté un instant. Le problème de l'influence étrangère n'est abordé en aucune façon dans ce projet de loi et cela nous préoccupe beaucoup de ce côté-ci de la Chambre.
L'utilisation des cartes de l'électeur comme preuve de résidence est un des points qui nous préoccupent le plus. Nous avons à coeur d'assurer la légitimité de l'électorat. C'est une valeur conservatrice à laquelle nous ne renoncerons pas. Nous sommes convaincus que l'utilisation des cartes de l'électeur n'est pas une solution efficace à cet égard.
Qui plus est, en ce qui concerne la protection de la légitimité de l'électorat, le retrait de certaines exigences liées aux non-résidents nous préoccupe beaucoup.
Les conditions relatives à la garantie de retour au Canada et à l'absence de cinq ans ont été retirées, ce qui nous inquiète beaucoup par rapport au maintien de la légitimité de l'électorat, qui est la chose la plus importante.
Il incombe au gouvernement de garantir aux Canadiens des élections sûres et équitables. De notre côté, en tant qu'opposition officielle, nous prenons très au sérieux notre responsabilité de le signaler au gouvernement.
Le projet de loi revient du Sénat. Nos collègues conservateurs du Sénat, qui sont de vrais conservateurs et ne se cachent pas sous le voile de l'indépendance, ont proposé lundi quatre amendements au projet de loi. Nous sommes très fiers des sénateurs conservateurs. Sans surprise, les quatre amendements ont malheureusement été rejetés.
Et nous revoilà saisis de cette mesure législative qui dessert les Canadiens, la démocratie et l'électorat. Ce n'est guère surprenant, quand on pense que le gouvernement propose également la création d'une commission chargée des débats des chefs pour truquer en sa faveur non seulement les élections, mais aussi le débat lui-même.
On ne peut certainement pas négliger la tentative du gouvernement libéral d'acheter les médias à hauteur de prés de 600 millions de dollars.
On ne peut tout simplement pas faire fi de toutes ces considérations.
Il est très regrettable que nous en soyons au dernier débat sur ce projet de loi. Nous pensons qu'il s'agit d'un immense manque de respect pour la démocratie au Canada, mais bien franchement, c'est ce à quoi nous avons appris à nous attendre de la part du gouvernement libéral. Étant donné les dépenses préélectorales, le manque d'engagement flagrant en ce qui concerne l'influence étrangère, l'utilisation de cartes d'information de l'électeur et l'élimination d'exigences relatives aux non-résidents, nous ne sommes aucunement surpris qu'ils tentent de faire adopter ce projet de loi à toute vapeur avant les prochaines élections de 2019, au détriment de la démocratie.
Comme je l'ai dit, si le projet de loi à l'étude concerne vraiment la démocratie, c'est un échec. S'il s'agit plutôt d'une tentative du de truquer les élections à l'avantage du gouvernement libéral, alors c'est mission accomplie.
Sur ce, je propose:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot « Que », de ce qui suit:
« l’ordre relatif à l’examen de l'amendement apporté par le Sénat au projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, soit annulé et le projet de loi retiré ».
:
Monsieur le Président, c'est un plaisir d'intervenir ce soir dans cette enceinte dont on a beaucoup parlé ces derniers jours. Comme nous le savons tous, dans quelques jours, les députés rentreront chez eux, dans leur circonscription, pour les vacances, et cette salle fermera pendant un certain nombre d'années. On nous dit que ce sera entre 10 et 12 ans, mais on sait qu'à Ottawa, cela veut plutôt dire entre 15 et 20 ans. Cette estimation n'est probablement pas loin du compte. La prochaine fois que nous foulerons ce sol, mes enfants seront dans le milieu ou à la fin de la vingtaine.
Je songe au fait que nous sommes saisis d'un projet de loi sur les élections. Il est plutôt opportun que, depuis 100 ans, cette enceinte soit le lieu où les représentants de tous les coins du Canada débattent, à deux longueurs d'épée et demie d'écart, des questions du jour. Notre capacité de le faire découle de notre système électoral. La légitimité de notre présence ici repose sur une seule chose, l'appui des gens de notre circonscription respective, dans les diverses régions du pays.
Il est opportun que nous soyons saisis d'un projet de loi électorale, le dernier à être débattu dans cette enceinte, ce lieu sacré. Il est un peu paradoxal que le projet de loi soit soumis à ce que l'on appelle l'attribution de temps, qui permet au gouvernement d'imposer sa volonté sur le plan législatif et de clore le débat sur la démocratie canadienne et sur les conséquences qui en découleront pour elle. C'est d'autant plus paradoxal que quand les conservateurs faisaient la même chose lorsqu'ils étaient au pouvoir, les libéraux dénonçaient furieusement cette atteinte à la démocratie parlementaire par laquelle on bâillonnait le Parlement pour imposer un projet de loi par la force. Quelques années après, les libéraux font de même. Pourquoi tant de presse? C'est parce qu'ils ont tellement tardé à présenter le projet de loi.
Je tiens à être bien clair: les libéraux ont été élus en promettant de défaire ce que le gouvernement Harper avait fait au système électoral et d'apporter des modifications corrélatives. Environ un an après être arrivés au pouvoir, ils ont présenté un projet de loi à cet effet, puis ils n'ont rien fait. Ils ont laissé traîner le projet de loi pendant des centaines de jours. Il n'a pas bougé, on n'en a ni débattu ni discuté, rien. On aurait cru en quelque sorte qu'ils ne voyaient pas l'urgence de remédier aux lacunes du système démocratique. Le avait déclaré que l'une de ses priorités les plus urgentes était de régler les problèmes que son prédécesseur avait créés. Nous étions d'accord avec lui et nous lui avons demandé à maintes reprises où en était le projet de loi.
Les libéraux n'en ont rien fait. Ensuite, quelques centaines de jours plus tard, ils ont présenté le présent projet de loi. Nous avons attendu 748 jours en tout avant que les libéraux le présentent. C'est 226 jours après la date butoir fixée par Élections Canada. L'organisme avait indiqué au Parlement du Canada que, pour organiser les élections, il devait recevoir les règles modifiées avant une date précise. C'était il y a 226 jours. Si le projet de loi est adopté, ce qui devrait arriver dans un jour ou deux, une foule d'éléments qu'il contient ne seront pas mis en oeuvre au cours de la prochaine campagne électorale. Ces solutions ne seront pas mises en place et ce ne sera aucunement la faute de l'opposition. Le gouvernement a laissé traîner la mesure législative aussi longtemps parce qu'il avait d'autres priorités.
Il existe un fait méconnu au sujet de l'édifice du Centre, qui abrite la Chambre des communes. Lorsqu'ils ont conçu les plans de l'édifice, les architectes en ont fait délibérément une oeuvre inachevée. Si on jette un coup d'oeil à la maçonnerie et à l'architecture en parcourant les couloirs de l'édifice, on se rend compte que des espaces sont vides, c'est-à-dire qu'il ne s'y trouve aucune oeuvre d'art ni inscription. Lorsqu'on leur a demandé pourquoi ils avaient agi ainsi, les architectes ont déclaré que l'édifice serait un symbole de la démocratie au Canada, qui faisait alors l'objet d'une discussion inachevée.
Pour un trop grand nombre de Canadiens, cette discussion a à peine commencé. Je pense tout particulièrement aux Autochtones, qui attendent depuis plus de 150 ans que la Couronne et la Chambre des communes comprennent en quoi consiste véritablement un dialogue de nation à nation et comment il convient de le mener avec respect. C'est un travail inachevé.
Nous disons souvent que nous sommes sur un territoire non cédé, c'est-à-dire qu'il n'a pas encore été cédé au Canada ou à la Couronne. Pour que nous puissions être entièrement nous-mêmes, il faudra faire plus que simplement rénover un édifice. Il faudra apporter de véritables changements à la structure et au partage des pouvoirs. Il faudra que le gouvernement du Canada cesse d'agir comme une entité paternaliste auprès des Autochtones et qu'il entame avec eux un dialogue fondé sur la réciprocité et le respect, qui se fait attendre depuis très longtemps.
Revenons-en au projet de loi, un texte bien mal écrit de quelques centaines de pages. Les ministériels et les députés de l'opposition ont formulé 338 amendements. C'est un nombre incroyable de corrections pour un projet de loi que le gouvernement a mis trois ans à rédiger. Si le texte est volumineux, le but visé, lui, est assez simple: un système électoral juste et ouvert à tous les Canadiens.
On a vraiment raté une occasion d'apporter quelques bons changements. Notre ancien collègue Kennedy Stewart avait présenté un projet de loi très judicieux. C'est un gars intelligent. Aujourd'hui, il est le maire de Vancouver. Des gens intelligents l'ont élu maire. Il a regardé les démocraties dans le monde et s'est demandé dans quels pays le Parlement était représentatif de la population. L'équilibre hommes-femmes au Parlement serait un bon indicateur. On peut regarder quels pays sont efficaces à cet égard et lesquels ne le sont pas.
Les Canadiens ont peut-être l'impression, à tort, que parce que le se dit féministe, on doit atteindre un certain équilibre entre les deux sexes au Parlement. Surprise, ce n'est pas le cas. Soixante-seize pour cent des gens ici sont comme moi, des hommes, pour la plupart blancs. Il y a 24 % de femmes.
On peut se demander quelle était la proportion à l'époque du gouvernement Harper. C'était presque identique. Je crois qu'il y a une différence de 1 %, d'un gouvernement à l'autre. Cela étonne peut-être les Canadiens, car le gouvernement semble avoir tellement changé, mais en ce qui a trait à l'équilibre des genres à la Chambre, en réalité, il n'y a pas eu le moindre changement. Pourquoi? Parce que les mêmes règles s'appliquent.
Notre collègue a examiné d'autres pays, notamment l'Irlande, la Norvège et les pays scandinaves. Il a trouvé que la meilleure façon d'y arriver — et les libéraux le savent, car nous avons eu beaucoup de témoignages à ce sujet en comité — consiste à avoir un système électoral équitable.
Un système électoral proportionnel tend à favoriser l'élection de plus de femmes et de membres de groupes sous-représentés. Notre féministe l'a constaté, il a promis de changer le système électoral, il s'est rendu compte que cela n'avantagerait pas vraiment les libéraux et il est revenu sur sa promesse, même si elle aurait permis à plus de femmes et de membres de groupes qui revendiquent l'équité d'être élus au Parlement. Il lui fallait choisir entre le pays et le parti, et le premier ministre libéral a choisi le parti.
Il a renié cette promesse, au grand désarroi de nombreux Canadiens, puisqu'il l'avait répétée 1 800 fois. J'ai moi-même cru le premier ministre. Je suis peut-être un peu naïf. En voyant le chef d'un parti aspirant au poste de premier ministre répéter, clair et net, une promesse 1 800 fois, j'ai pensé qu'il n'abandonnerait pas celle-là, car cela ferait de lui un menteur.
Un jour, ô surprise, il a décidé tout d'un coup qu'il ne souhaitait plus faire cela parce qu'il n'aimait plus cela. Le comité a entendu des témoignages de simples Canadiens; 80 % d'entre eux ont dit vouloir un mode de scrutin proportionnel. Parmi les spécialistes qui ont témoigné devant le comité, 90 % ont dit que le Canada devait passer à un mode de scrutin plus équitable. Toutes les études réalisées, dont 14 études nationales, tous ceux qui ont étudié la question, depuis la Commission du droit du Canada jusqu'à chacune des provinces, ont conclu que le Canada devait passer à un mode de scrutin proportionnel où chaque vote compte.
Je ne sais pas ce qu'en pensent mes collègues, mais l'une des principales raisons que les gens me donnent pour ne pas voter, lorsque je fais du porte-à-porte, c'est: « Mon vote n'a pas d'importance. Je vote pour un parti dans ma circonscription qui n'a aucune chance, alors à quoi bon? J'ai voté à 10 élections, et jamais la personne pour qui j'ai voté n'a été élue. »
Lors des dernières élections canadiennes, un peu plus de la moitié des votes sont allés à des personnes qui n'ont pas été élues. Pour plus de la moitié des gens qui se sont rendus dans les bureaux de scrutin, leur vote, l'expression de leur espoir pour l'avenir, n'a rien donné de concret. Les libéraux ne veulent pas d'un mode de scrutin équitable, car il ne les avantagerait pas.
Nous avons ensuite examiné l'idée de notre ami Kennedy Stewart, qui affirme que l'Irlande a trouvé une toute nouvelle solution. Les partis politiques en Irlande qui engagent des dépenses électorales se les font en fait rembourser par les contribuables. C'est une solution très généreuse à l'endroit des partis politiques. Pourquoi ne pas lier ce remboursement à la représentativité de la liste de candidats de chacun des partis? Comme le disait le en 2015, nous sommes en 2015. Plus la liste de candidats d'un parti est représentative de la diversité du pays, plus ce parti obtient un remboursement généreux des contribuables. Moins sa liste est représentative de cette diversité, moins le parti reçoit d'argent, puisque l'argent semble être une source de motivation pour les partis. Qui l'eut cru?
Quel a été le résultat de ce changement tout simple, en Irlande? Le nombre de candidats provenant de groupe issus de la diversité et de candidates a augmenté de 90 %, quel que soit le parti. Quant à la proportion qui ont été élus au Dail — c'est-à-dire à l'assemblée législative d'Irlande —, elle a augmenté de 40 %. Je rappelle qu'au Canada, entre le gouvernement Harper et le nouveau gouvernement libéral, cette proportion a crû de 1 %. À lui seul, ce changement a permis à l'assemblée irlandaise de représenter plus fidèlement la population du pays dans une proportion de 40 %.
Voici ce que moi, j'en pense. Si 75 % des parlementaires étaient des femmes, le Canada aurait déjà des garderies abordables et une loi sur l'équité salariale. Nous savons que le sexe des candidats et des élus joue sur le type de politiques qui sont ensuite adoptées. Depuis de trop nombreuses générations, les femmes et les groupes issus de la diversité sont tenus à l'écart et doivent plaider avec ceux qui ont le pouvoir au lieu d'exercer directement leur influence.
Nous avons déjà reçu les Héritières du suffrage. Mes collègues se rappellent-ils le moment où 338 jeunes femmes représentant les 338 circonscriptions du pays ont fait leur entrée? L'une d'elles a pris la parole pour poser une question au . Elle lui a dit qu'elle souhaiterait que le Canada adopte la représentation proportionnelle, car ce système a fait ses preuves. Le premier ministre lui a répondu par la négative et affirmé que les hommes à qui on demande de se porter candidat répondent toujours oui, mais que les femmes, elles, veulent savoir pourquoi on les choisirait, elles. C'était comme s'il blâmait les victimes, comme si c'était la faute des femmes, comme si elles n'avaient pas le courage et la confiance nécessaires pour se faire élire ou pour s'attaquer aux graves problèmes que doivent affronter les familles du pays. J'ai trouvé cela plutôt insultant. Avec un aplomb qui m'a beaucoup plu, la jeune femme en question lui a répliqué qu'au rythme où vont les choses, il faudra 86 ans avant que le Parlement soit paritaire, et qu'elle ne voulait pas attendre aussi longtemps. C'était bien de voir une jeune femme remettre le premier ministre du Canada à sa place.
Nous devons en outre aborder la question de l'influence étrangère dans nos élections, et leur intégrité. Il s'agit d'un enjeu d'actualité partout sur la planète. Mes collègues conservateurs en ont parlé. Les témoignages que nous avons entendus au comité ne laissent aucun doute quant à la vulnérabilité de notre système politique par rapport à l'influence étrangère, qui se manifeste notamment par le piratage des bases de données des partis.
Que renferment les bases de données des partis? Une mine de renseignements sur les électeurs; non seulement leur âge et leur lieu de résidence, mais leurs préférences lors des élections, leurs revenus et leurs opinions sur les enjeux importants. Chaque parti cherche à recueillir ces renseignements par rapport aux électeurs. Le parti libéral s'en est même vanté lors des dernières élections, affirmant qu'il s'agissait de l'élément essentiel ayant mené à sa victoire. Il était en possession des meilleures données. Il a été en mesure, plus que tout autre parti, d'extraire toutes sortes de renseignements des médias sociaux. Chaque fois qu'un internaute a cliqué sur un élément présent sur Facebook, aussi banal que la mention « j'aime » d'une photo de chat, le Parti libéral a pu s'emparer de ces renseignements.
Qui les libéraux ont-ils embauché? Comment s'appelle l'entreprise à laquelle ils ont donné un contrat? Elle se nomme Cambridge Analytica. Si, si, c'est bel et bien elle. Les libéraux ont donné un contrat de 100 000 $ à Cambridge Analytica, ce que nous ne comprenons pas encore. Dans quel autre dossier Cambridge Analytica est-elle impliquée? Dans le Brexit, c'est exact. Ce sont ces gars-là qui ont employé des subterfuges technologiques pour puiser des données illégalement sur Facebook, sur Twitter et dans les autres médias sociaux largement fréquentés afin de connaître les préférences, les opinions et les renseignements personnels des gens à leur insu.
L'idée que les partis politiques devraient être soumis à la Loi sur la protection des renseignements personnels a été défendue devant le comité par le directeur général des élections, le commissaire à la protection de la vie privée et même le chef du service de renseignement de sécurité, car les espions aussi considèrent la situation actuelle comme problématique. Maintenant, soyons francs. Il y a deux ans, mon parti, le NPD, était opposé à cette idée. En étant soumis à la Loi sur la protection des renseignements personnels, un parti politique serait obligé de permettre aux Canadiens qui en feraient la demande d'obtenir les renseignements personnels qu'il a recueillis sur eux et de supprimer ces renseignements lorsqu'une personne le demanderait. Les partis politiques n'en ont pas envie.
Toutefois, lentement mais sûrement, à mesure que nous avons pris connaissance des faits, nous avons été convaincus de la justesse de cette idée et nous y souscrivons désormais. Les trois grands partis politiques étaient représentés lors des travaux du comité. Les conservateurs ont dit qu'ils se plieraient à la loi, quelle qu'elle soit. Les libéraux, eux, refusaient l'idée jusqu'à ce qu'ils fassent volte-face dimanche. Pourquoi?
Voici une citation qui devrait donner des frissons à certains de mes collègues libéraux: « Nous croyons qu’il est très probable que les cybermenaces contre les processus démocratiques seront plus nombreuses et plus complexes au cours de l’année à venir ». Le Canada sera particulièrement touché. C'est le responsable du Centre de la sécurité des télécommunications qui a tenu ces propos. Il s'agit de l'agence d'espionnage à qui la a commandé une étude en vue d'évaluer la menace actuelle à notre sécurité démocratique. L'agence a étudié la question et a indiqué qu'il existe bel et bien une menace: un gouvernement ou un organisme étranger n'aurait qu'à pirater les bases de données du Parti libéral, du Parti conservateur ou du NPD et il pourrait ensuite manipuler le résultat des élections comme cela fut le cas lors du référendum sur le Brexit.
Le souvenir fait sourire mon collègue de Winnipeg. Je me demande comment les gens de l'Angleterre se sentiraient s'ils savaient qu'on a piraté l'important vote sur le maintien de l'Angleterre au sein de l'Union européenne ou son retrait de celle-ci, que des renseignements personnels ont été dérobés à divers partis politiques et extraits de Facebook et que des messages particulièrement influents ont été envoyés aux électeurs pour influencer leur vote. Dans ce cas-là, l'objectif était de faire voter en faveur du retrait de l'Angleterre de l'Union européenne. Le gouvernement est maintenant complètement bouleversé et les habitants ne font pas confiance au système.
Que s'est-il passé avant l'élection de Trump? De nombreux cas bien étayés ont montré qu'on s'est servi des médias sociaux, comme Facebook et Twitter, pour recueillir des informations sur les intentions de vote des électeurs et leurs points de vue sur certains enjeux. On leur a envoyé des messages ultra ciblés afin de les influencer. Dans le cas de M. Trump, l'objectif était de le faire élire président. Qui a embauché les pirates informatiques? Ce sont les Russes. C'est l'objet de toute l'enquête sur l'ingérence étrangère dans les élections américaines. Oublions les paiements versés à des vedettes de la pornographie et tout le reste. Ce n'est que diversion. Le principal enjeu pour la démocratie américaine est le fait que les élections ont été piratées par la Russie, un ennemi juré des États-Unis.
Au Canada, nous pensons que nous sommes de bonnes gens que personne ne voudrait influencer. Il est certain que le gouvernement chinois n'a pas le moindre intérêt à influencer l'issue des prochaines élections au Canada. Le gouvernement chinois n'a aucune opinion concernant les arrestations ou les détentions qui ont eu lieu, concernant l'arrivée d'une quelconque société de télécommunication au Canada ou concernant l'acquisition d'actifs majeurs dans les sables bitumineux par des compagnies chinoises. Non, non, le gouvernement chinois ne s'abaisserait jamais à de telles pratiques. Qu'on ne s'y trompe pas: il le ferait et nous sommes naïfs et stupides de n'avoir pas réagi alors que nous y voyions clair.
Selon le directeur général des élections du Canada, l'homme qui dirige nos élections, « s’il y a un domaine où le projet de loi a échoué, c’est bien celui de la protection de la vie privée ». D'après le commissaire à la protection de la vie privée, le projet de loi C-76 « n'ajoute rien ». Selon l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, la protection des renseignements personnels est loin de respecter les normes internationales reconnues dans ce domaine. Pour leur part, les libéraux disent qu'on devrait continuer de se comporter comme au far west et que tout ira bien puisque nous sommes au Canada. Comme si cela pouvait nous protéger.
Je trouve sincèrement préoccupant que la dernière mesure législative qui sera adoptée à la fin de la présente législature soit la plus importante de toutes, puisqu'elle établit comment les Canadiens élisent les gens qui les représenteront, qui parleront en leur nom et qui adopteront des lois dont les répercussions se feront sentir sur-le-champ et pendant plusieurs générations. Pendant le processus législatif, les libéraux ont reçu toutes les données et toutes les pistes de solution qui leur auraient permis de remédier aux lacunes de ce projet de loi de manière à protéger le mieux possible la démocratie canadienne contre l'influence étrangère, le piratage informatique et les gens qui tentent d'influencer le résultat d'une élection libre et impartiale. Les libéraux ont dit qu'il fallait simplement étudier la question de plus près. Après des centaines de jour d'inaction, ils ont dit qu'il fallait étudier la question de plus près, alors que nous étions justement en train de l'étudier.
Les membres libéraux du comité de la protection des renseignements personnels et de l'éthique viennent eux-mêmes de terminer une étude à ce sujet qui conclut — c'est révolutionnaire, je le sais — que les lois relatives à la protection des renseignements personnels devraient s'appliquer aux partis politiques, ce qui est justement ce que nous réclamions comme changement au projet de loi. Les libéraux qui siègent à un comité ont dit qu'il faut agir dans ce sens afin de protéger la démocratie au Canada, mais ceux qui siègent au comité n'ont pas voulu légiférer à ce sujet. C'est extrêmement exaspérant. Ce n'est pas possible.
La session s'achève, et le projet de loi suit son cours jusqu'à son aboutissement, mais il ne faut pas laisser accroire qu'il accomplit tout ce que la ministre a prétendu cet après-midi. Les Canadiens doivent savoir de quoi il en retourne, rester vigilants et se méfier. Le dossier reviendra sur le tapis — après tout, il faudra réparer de nouveau le gâchis —, et voici ce que je redoute: des rumeurs circuleront durant la prochaine campagne électorale, des allégations de piratage et d'ingérence étrangère qui se confirmeront après coup, preuves à l'appui: les élections auront été piratées. Les Canadiens ne pointeront pas qu'un seul parti politique du doigt. Ils perdront encore plus confiance dans le processus démocratique, ce qui portera atteinte à tout ce que nous tentons d'accomplir, à ce que tous les députés tentent d'accomplir à la Chambre depuis un siècle.
Nous pouvons faire mieux. Les Canadiens méritent mieux que cela. Ce projet de loi aurait pu être quelque chose de tellement mieux.