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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour participer au débat sur la motion visant à pérenniser la tenue de séances hybrides à la Chambre. Je remercie la députée de de partager son temps de parole avec moi. Depuis le peu de temps qu'elle siège à la Chambre, elle a déjà eu une influence énorme, et il est merveilleux de travailler à ses côtés dans ce dossier et dans d'autres.
Nous savons que ces mesures ont été mises en œuvre de façon provisoire il y a près de trois ans. Nous savons aussi que ces dispositions ont permis à la Chambre de poursuivre ses travaux pendant la pandémie. Au fil du temps, de nombreux députés ont parlé en public, et certains en privé, des avantages du modèle hybride, et il y en a beaucoup.
Lors de la plus récente étude du modèle hybride par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, M. Jonathan Malloy, titulaire de la Chaire Bell sur la démocratie parlementaire à l'Université Carleton, a dit dans son témoignage qu'un système hybride va au-delà de l'objectif de rendre le Parlement plus efficace. Il a déclaré qu'un tel système reflète directement la raison d'être de cette institution, qui représente les divers points de vue des Canadiens de toutes les régions du pays et veille à ce que les intérêts de tous les Canadiens soient représentés équitablement dans les décisions et les choix politiques de la Chambre.
À mon avis, beaucoup de députés seraient d'accord pour dire que les séances hybrides ne visent pas uniquement à nous donner davantage de souplesse pour accomplir notre travail, grâce aux progrès technologiques, mais qu'elles constituent un changement favorisant la diversité des points de vue exprimés dans cette enceinte. Plus la Chambre reflète la diversité de la population canadienne, plus les Canadiens feront confiance aux institutions parlementaires.
Pensons aux répercussions et aux avantages de la participation par vidéoconférence aux travaux de la Chambre et des comités. Évidemment, la première séance hybride a eu lieu en juillet 2020 et a permis aux députés de participer aux débats à la Chambre, en personne et à distance. D'autres modifications temporaires correspondantes ont été apportées au Règlement pour répondre aux besoins de ces séances.
Parmi ces changements, mentionnons le fait de permettre aux députés participant à distance à une séance de la Chambre d'être comptés aux fins du quorum, d'abaisser le nombre minimal de députés requis pour certaines motions de procédure, de modifier la façon de demander et d'accorder le consentement unanime, et d'autoriser les députés à parler et à voter depuis n'importe quel siège.
En écoutant ce débat, j'ai entendu d'autres députés parler de la formidable flexibilité que les séances hybrides ont offerte aux députés. L'objectif n'est pas que tout le monde participe à distance tout le temps, mais il s'agit d'un outil que nous pouvons utiliser pour continuer à participer au débat.
Nous avons utilisé l'application de vote en 2022 et 2023. On peut dire que l'année 2023 marque la fin de la phase critique de la pandémie, bien que celle-ci soit toujours présente; néanmoins, l'objectif initial des séances hybrides a été mis de côté.
La députée de a mentionné les effets de l'asthme sur notre capacité à parler lorsque la qualité de l'air n'est pas bonne. La qualité de l'air est bien meilleure aujourd'hui qu'elle ne l'était la semaine dernière, mais, lorsque les choses se gâtent et que l'on n'est pas en mesure de participer, on peut tirer parti des avancées technologiques qui s'offrent à nous tous. C'est comme les portes des magasins qui s'ouvrent automatiquement. À l'origine, les portes automatiques visaient à aider les personnes qui ont des problèmes d'accessibilité. En fin de compte, tout le monde est gagnant lorsque les portes s'ouvrent plus facilement, et c'est ce que cet outil nous permet de faire au Parlement. Il ouvre les portes du Parlement aux personnes de tout le pays qui se trouvent dans des situations différentes, notamment celles qui viennent d'avoir un bébé, comme on l'a dit plus tôt.
J'ai subi une intervention médicale il y a quelques années et j'ai voté à partir de l'hôpital. Le personnel infirmier n'était pas très chaud à cette idée. Il ne pensait pas que c'était une bonne idée, mais je leur ai montré que c'était possible et que je pouvais continuer à remplir mes obligations envers les résidants de Guelph même si je recevais des soins médicaux.
M. Jonathan Malloy a parlé de la réforme parlementaire et de la réforme démocratique et du fait qu'elles sont inextricablement liées. Combien de temps supplémentaire cette nouvelle façon de travailler nous a-t-elle permis de passer dans nos circonscriptions pour y rencontrer nos concitoyens? Combien de témoins de plus peuvent comparaître devant un comité grâce à la nouvelle technologie de vidéoconférence?
Au comité de l'environnement, nous avons pu parler à des témoins des Premières Nations de partout au pays. Il leur faut parfois deux jours pour se rendre à Ottawa, sans compter le temps qu'ils passent loin de leur communauté. Cette façon de faire améliore vraiment la démocratie. C'est une occasion extraordinaire pour nous d'améliorer nos liens et nos échanges avec les Canadiens que nous représentons à la Chambre.
Malgré la souplesse accrue dont jouissent les députés grâce aux séances hybrides, des députés continuent de participer en personne aux délibérations de la Chambre et des comités. L'argument de certains députés selon lequel les délibérations en mode hybride transformeraient tous les travaux parlementaires en un espace virtuel n'est tout simplement pas étayé par les faits. Si je comprends bien, à l'heure actuelle, environ 70 % des députés continuent de participer en personne aux travaux.
Comme l'a fait remarquer un député d'en face, les discussions que nous avons en personne sont très différentes et beaucoup plus intéressantes, alors il ne s'agit pas d'abolir les séances en personne, mais de les améliorer en fournissant des outils supplémentaires à ceux qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas se présenter à la Chambre en personne pour participer aux séances.
Le deuxième changement en importance que le recours aux séances hybrides a permis est la capacité de voter par voie électronique. S'il est vrai que la Chambre mène des débats sur tous les types d'affaires parlementaires, tout repose sur le vote. Il s'agit d'être disponible pour prendre cette décision après tous les débats. Un grand nombre de mes collègues se souviendront sûrement que, au début de la pandémie, chaque vote par appel nominal nécessitait jusqu'à 45 minutes parce que les députés devaient dire, un par un, quel était leur vote. Depuis que nous avons l'application de vote, il faut en moyenne 10 à 12 minutes, ce qui est comparable aux votes par appel nominal les plus rapides d'avant la pandémie.
Ce n'est pas tout: grâce à l'application de vote électronique, il y a une plus grande participation démocratique aux votes à la Chambre, ce qui est logique. Si les députés ont la possibilité de voter à distance lorsqu'ils ne peuvent pas se rendre au Parlement, ils seront plus nombreux à voter, et c'est effectivement ce qui se passe. Comme plus de députés votent, on peut considérer que la Chambre est ainsi plus transparente et plus participative. Chose certaine, elle devient plus redevable envers la population que nous servons.
Un autre avantage découlant des séances hybrides est la possibilité de déposer des documents par voie électronique, à la condition qu'ils puissent être déposés conformément au Règlement ou à une loi. Les documents incluent des rapports annuels, les réponses du gouvernement, les pétitions et les questions au Feuilleton. Le dépôt des documents à la Chambre est ainsi plus efficace.
Ce n'est pas la première fois que la Chambre et les comités envisagent de mettre en place des moyens technologiques pour faciliter leurs travaux. Pendant la récente étude du comité de la procédure, nous avons entendu le témoignage de Léo Duguay, qui a été député de Saint-Boniface, de 1984 à 1988. Il est président de l'Association canadienne des ex-parlementaires. D'ailleurs, il était mon député lorsque je vivais à Saint-Boniface. M. Duguay faisait partie du Comité spécial sur la réforme électorale, et il a dit au comité que le vote électronique à la Chambre des communes fait partie des innovations que des députés réclament depuis plus de 40 ans. Il a dit que la grande majorité des anciens députés sont d'avis que, s'il y avait eu des séances hybrides lorsqu'ils étaient députés, cela aurait eu pour effet d'accroître leur participation au processus parlementaire lors des débats et des votes, et il a indiqué, à juste titre, que nous pouvons voir le processus se dérouler en temps réel.
Par ailleurs, la députée de était ici aujourd'hui. Elle est revenue à la Chambre après avoir gagné son combat contre le cancer. Pendant qu'elle était au Labrador, elle a pu continuer de servir sa collectivité grâce aux séances hybrides.
Je soupçonne que certaines personnes voudront revenir au bon vieux temps, à l'époque où nous n'avions pas la technologie, à l'époque où une circonscription correspondait à la distance que l'on pouvait parcourir à cheval pour couvrir son territoire. Nous n'en sommes plus là. À ce stade-ci, je pense que nous devons exhorter tous les Canadiens à adopter cette technologie et à envisager de se présenter aux élections s'ils n'ont pas pu le faire dans le passé.
Je conclurais en soulignant que je suis vraiment en faveur des séances hybrides et que j'espère que nous pourrons continuer de les tenir.
Je répondrai maintenant aux questions des députés.
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Monsieur le Président, je vais commencer en vous informant que je ne partagerai mon temps de parole avec aucun de mes collègues. Je dois donc vous offrir mes plus plates excuses puisque vous serez pris pour entendre ma voix pendant environ 20 à 30 minutes. Je vais essayer de vous rendre cela le plus convivial possible.
Nous prenons la parole aujourd'hui sur ce qui sera la pérennisation d'une forme hybride de Parlement pour les siècles et les siècles à venir. Comme nous aimons souvent le dire, rien n'est plus permanent que le temporaire. C'est exactement ce qui est en train de se passer aujourd'hui.
Par le passé, il y a eu des discussions importantes sur la mise sur pied d'un Parlement hybride. Nous étions en pleine pandémie, c'était normal. À ce moment, les partis ont eu la capacité de se mobiliser pour mettre en œuvre ces changements.
Or, on parle aujourd'hui comme si on était encore en pandémie ou comme s'il allait y avoir pour les siècles et les siècles à venir d'autres pandémies, et on fait fi du fait que nous sommes capables de nous parler quand il y a vraiment une urgence.
À l'époque, il y avait urgence de mettre sur pied un Parlement hybride pour que nous puissions fonctionner. Malgré le fait que nous ne pouvions pas être physiquement ici, nous avons pris le temps de tenir des rencontres pendant l'été au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre afin d'analyser la façon de mettre en place une forme de Parlement hybride. Nous avons fait appel à des experts de l'étranger. Nous avons regardé ce qui faisait dans d'autres Parlements. Je m'en souviens très bien. À l'été 2020, je faisais partie de celles qui avaient posé plus d'une question à des experts pour savoir quels étaient les pour et les contre, ainsi que ce que nous devions analyser pour mettre en place un Parlement hybride.
Comme je l'ai dit, il y avait à ce moment-là urgence d'agir. Malgré l'urgence, nous avions quand même pris le temps nécessaire.
J'aurais tendance à dire que, présentement, il n'y a pas d'urgence. Il n'y a pas d'urgence qui nous force à adopter rapidement un changement à notre façon de fonctionner qui sera permanent. Malgré le fait qu'il n'y a pas d'urgence, c'est un peu à la catastrophe qu'on nous présente une motion qui va complètement dénaturer nos façons de faire à la Chambre. Il n'y a pas d'urgence, mais on nous impose des modifications pérennes à notre façon de fonctionner. On l'a fait un peu par surprise en nous annonçant, le 8 juin dernier, une motion qui devra être votée avant la fin des travaux parlementaires. En effet, nous avons pratiquement eu, de la part du gouvernement, des menaces selon lesquelles nous ne partirions pas dans notre circonscription pour l'été tant que ce mode de Parlement ne serait pas adopté, malgré le fait, comme je le mentionnais, qu'il n'y a pas d'urgence.
Avant que je me penche sur le fond de la motion, je vais continuer un peu sur la façon de faire parce que je n'en reviens toujours pas de la façon dont cela s'est fait. Les partis n'ont pas été consultés. À part le gouvernement qui a parlé au NPD, il n'y a pas eu de discussion ni d'envoi de lettre. On ne nous a pas dit qu'on souhaitait déposer tel avis de motion, qui contiendrait tels éléments.
Ce n'est pourtant pas petit, ce qui nous a été proposé comme motion. Cela tient sur 42 pages. Le gouvernement dépose cela sous la forme d'une motion qui ne sera pas débattable à aucun autre moment que ce que nous faisons présentement pendant quelques heures. On vient changer complètement la face du Parlement sans qu'il y ait plus que deux, trois ou quatre heures de débat et, ultérieurement, un vote sans possibilité réelle d'amendement, de discussion, ni d'appel à des intervenants externes, à des experts ou à des gens d'autres Parlements pour voir de quelle façon ceux-ci fonctionnent. C'est le genre de dossier qui est complexe et qu'on ne devrait pas traiter par simple motion, surtout quand on considère, comme je l'ai dit, que cela fait 42 pages.
Je reviens à la question de mon collègue d', qui mentionnait ne pas être complètement friand de tout ce qu'il y a dans cette motion. Si cela ne fait même pas l'affaire de ceux qui vont voter en faveur de la motion, s'ils n'ont même pas l'occasion d'en débattre, de la modifier, de l'améliorer, de voir de quelle façon on pourrait être plus efficace dans l'avenir, c'est encore une fois la preuve que le modus operandi utilisé pour procéder à cette modification est loin d'être le plus adéquat.
Les partis en auraient également eu long à dire sur les façons de faire parce que, quand il y a eu les délibérations sur le Parlement hybride au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, l'automne dernier, huit recommandations ont été émises. Il y a du travail qui a été fait. Il y a eu deux opinions dissidentes de la part des bloquistes et des conservateurs. Les partis avaient donc quelque chose à dire. Or malgré cela, le gouvernement a fait la dure oreille avec cette motion et a complètement fait fi du travail qui avait été fait par le passé.
Un rapport avait été déposé en décembre 2022 à la suite du travail du Comité. La présidente du Comité, à l'époque, avait affirmé que le gouvernement appuyait les recommandations énoncées dans le rapport et entendait déposer une proposition à la Chambre des communes visant à apporter des changements permanents au Règlement, conformément à ce que le Comité avait recommandé. Malgré cela, le gouvernement a quand même décidé de faire fi des recommandations.
À l'époque, on voulait établir une pratique exemplaire selon laquelle les membres du Cabinet devaient être présents à la Chambre pour répondre aux questions. C'est la première proposition qui a été écartée. Par les temps qui courent, les membres du Cabinet sont généralement à la Chambre pour répondre aux questions plutôt que de le faire de façon virtuelle. C'est une directive à l'interne qui avait un peu été imposée, entre autres par le whip du gouvernement.
Cependant, on a décidé de ne pas inclure dans la motion cette obligation pour les membres du Cabinet d'être à la Chambre pour répondre aux questions, malgré le fait que c'était une recommandation du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. De plus, la présidente, parlant pour le gouvernement, avait dit que cette recommandation serait retenue dans une éventuelle motion ou autre forme de modification visant à réviser le mode de fonctionnement du Parlement. Déjà, on n'a pas tenu parole à ce sujet.
Comme je le mentionnais, nous étions en droit de nous attendre à ce qu'il y ait des discussions entre les partis. Il est d'usage que, pour ce genre de modifications aux façons de procéder à la Chambre, on fonctionne par consensus. Cela a été assez largement exprimé par d'autres députés, notamment du côté des conservateurs. Il y a un une tradition à cet égard. Or, on ne fonctionne pas par consensus et on ne tente pas de débattre, d'améliorer la motion et de trouver la façon dont on peut être le plus efficace possible.
Cela me fait penser à cette citation de Woody Allen: La dictature, c'est « tais-toi », et la démocratie, c'est « cause toujours ». On nous laisse parler pendant quelques heures, on nous permet de dire que nous ne sommes pas d'accord, mais, malgré tout, nous allons voter et cette mesure sera adoptée sans qu'il y ait de réelles discussions, de réels débats et sans que nous aboutissions ultimement à quelque chose qui aura fait l'objet d'un consensus.
Comme je le disais, cela brise un peu l'espèce de coutume d'usage. Par le passé, les modifications aux règlements touchant la procédure se faisaient de façon consensuelle. D'ailleurs, en 2002, la Chambre a publié une revue des réformes parlementaires qui avaient été faites sur la procédure. À une exception près, cela avait toujours été fait de façon consensuelle.
Par exemple, en 2017, le gouvernement libéral avait tenté de réformer le Parlement en instaurant un vote électronique comme celui que nous avons présentement. Il souhaitait également abolir les demi-séances du vendredi. Il voulait aussi instaurer ce qu'il appelait à l'époque la programmation parlementaire, qui aurait été une espèce de processus par lequel les partis auraient dû au préalable s'entendre sur le temps de débat qui allait être consacré à un projet de loi. Le gouvernement n'aurait eu le dernier mot qu'en l'absence d'accord entre les partis sur le temps à octroyer au débat sur un projet de loi.
À ce moment-là, les partis de l'opposition, y compris le NPD, avaient refusé ces propositions. Malgré le fait que le gouvernement était majoritaire et qu'il aurait donc pu adopter tout seul à la Chambre une modification à la procédure, il a décidé de ne pas aller de l'avant, justement parce qu'il n'avait pas l'aval de l'ensemble des partis de la Chambre pour quelque chose d'aussi important qu'une réforme de la procédure parlementaire.
Cela fait partie de la tradition qui a toujours été suivie la Chambre, à une exception près, soit lorsque le gouvernement, sous l'ancien premier ministre Trudeau, avait créé la motion d'attribution de temps. L'ironie de la chose, c'est qu'il avait fait adopter cette modification au moyen d'une motion de clôture. Cela démontre qu'il y avait une façon de procéder exceptionnellement à l'époque qui a été reprise dans ce Parlement.
Qu'aurait-on pu faire pour modifier la procédure? Je parle encore de la façon de faire, je ne me suis même pas attaquée au fond de la motion. On aurait pu procéder de bien d'autres façons pour modifier le Règlement de la Chambre. Par exemple, on aurait pu fonctionner par motion de consentement unanime. Voilà ce qu'on a fait quand la pandémie est arrivée. On a modifié temporairement la procédure par consentement unanime entre les partis. S'il y avait eu une entente, cela aurait été fait rapidement. Les leaders auraient pu en discuter, et on aurait par la suite présenté une motion.
Si cela n'avait pas fonctionné, on aurait pu procéder par le mode habituel de délibérations à la Chambre avec le dépôt, par exemple, d'un projet de loi et un vote sur la façon de procéder, comme on l'a fait au tout début de la pandémie. On aurait aussi pu en référer au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. On aurait pu transmettre la proposition du gouvernement à ce comité et lui demander de l'évaluer, de faire des recommandations et de produire un rapport. Ensuite, nous aurions pu nous prononcer sur le rapport.
Non, finalement on a décidé de procéder par une motion à la dernière minute sans aviser qui que ce soit et on nous impose de nous prononcer sur la motion avant la fin des travaux parlementaires.
Dans tout cela, plusieurs choses n'ont pas été considérées. Nous en avons parlé à de nombreuses reprises. Je le sais que ma collègue de l'a fait abondamment hier, donc je n'aborderai pas le sujet en long, en large et en travers.
Toutefois, je dois parler des interprètes. Elles ont été les premières personnes victimes du Parlement hybride et elles le sont encore. Depuis le début, du côté de ceux qui sont en faveur de la modification, on dit que fonctionner en mode hybride a tellement davantages, qu'on va pouvoir être plus souvent dans sa circonscription, que, lorsqu'on a des enfants, c'est un plus, car cela favorise la conciliation travail-famille et que cela permet d'être un peu plus partout en même temps. On parle au « je » et on oublie qu'il y a des gens derrière tout cela, pas juste les interprètes. C'est un ensemble de gens qui gravitent autour de la Colline qui se voient imposer des charges de travail supplémentaires. Pour ce qui est des interprètes, c'est encore pire, car c'est leur sécurité physique qui est mise à mal par le Parlement hybride.
On sait qu'en raison des différences dans le volume et dans la texture du son provenant des gens qui fonctionnent en mode virtuel plutôt qu'en présentiel, il y a beaucoup plus de risques de choc acoustique et de sons toxiques. On sait que les interruptions dans la chaîne de son lors des séances hybrides créent des situations dangereuses pour les interprètes. Les statistiques parlent d'elles-mêmes. Les difficultés techniques ont mené à 30 % d'incidents rapportés par les interprètes lors des séances hybrides de 2020 à 2022. C'est probablement un chiffre qui est sous-évalué, parce que 45 % des interprètes sur la Colline sont des employés contractuels et ils ne rapportent possiblement pas les blessures qu'ils subissent. Il y a 30 % de blessures rapportées par seulement 55 % des gens. Le nombre de blessures chez les interprètes est fort probablement beaucoup plus élevé.
On avait déjà anticipé d'autres aspects touchés par le fonctionnement du Parlement hybride, même avant la pandémie. En 2018, une étude a été faite sur les différents modes de Parlement électroniques partout dans le monde. L'Union parlementaire mentionnait que le Parlement numérique « transforme [à] la fois les processus et les relations, que ce soit à l'intérieur du parlement ou avec les acteurs extérieurs ». Les processus mis en place par le modèle de Parlement électronique avaient comme effet d'« augmenter, diminuer ou modifier la capacité d'un parlement à légiférer et à délibérer, à demander des comptes au gouvernement et à représenter ses citoyens ». Ces quatre éléments sont exclus du débat présentement, mais j'ai quand même envie de les aborder.
Je vais parler d'un aspect qui touche la représentation de nos concitoyens. Au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Mme Kathy Brock, une professeur agrégée à l'Université Queen's avait mentionné que lorsque les députés participent virtuellement aux délibérations hybrides, une certaine dynamique de pouvoir s'installe de sorte que les ministres et les porte-parole de l'opposition sont à l'avant-plan alors que les députés d'arrière-ban sont d'une certaine façon laissés de côté. Cela signifie que les députés qui n'ont pas de titre ont moins de facilité à faire entendre leur voix et à bien représenter leurs concitoyens. La formule hybride ne permet pas que tout le monde prenne sa place de la même façon, parce qu'il y a une dynamique qui s'installe et qui est plus difficile à défaire en mode virtuel qu'en mode présentiel à la Chambre.
Je dois parler de cet esprit de collégialité et de ces discussions de corridor que nous pouvons avoir en présentiel. Mon collègue de en faisait état. Lorsque nous sommes physiquement présents à une réunion de comité, nous parlons avec nos collègues. Pendant que nous continuons d'écouter le débat du coin de l'oreille, il est possible d'aller prendre un café à l'arrière avec notre collègue afin de jaser de telle proposition ou d'une de ses recommandations que nous voulons modifier dans le but de la faire fonctionner. C'est quelque chose que nous ne pouvons pas faire en mode virtuel. Il y a seulement un canal pour le son et nous ne pouvons pas entendre deux discussions à la fois. Nous ne pouvons pas avoir de discussion de corridor. C'est la démocratie qui en pâtit.
Comme mon collègue le mentionnait, nous avons beau choisir d'être en présentiel pour pouvoir profiter justement de cette latitude et de ces contacts humains, si personne d'un autre parti n'est forcé d'être là parce qu'on a la possibilité de fonctionner en virtuel, le fait d'être présent à la Chambre devient un peu futile, car nous n'aurons pas de gens face à nous pour discuter de nos propositions.
Il y a également un problème concernant la reddition de comptes. Parlons du quatrième pouvoir: les journalistes. Ils se sont plaints pendant la pandémie du fait que des ministres n'étaient pas sur place, donc n'étaient pas à la sortie de la Chambre pour répondre à leurs questions.
Il y a un problème de reddition de comptes à cet égard. Un ministre, par exemple, qui n'est pas à la Chambre pour répondre de ses politiques ou de dépenses engagées ou envisagées, cela pose problème.
Une des choses qu'on note aussi dans la proposition du gouvernement sur le Parlement hybride, c'est qu'il y a une espèce de déséquilibre ou une asymétrie dans les propositions de modification qui sont faites.
D'un côté, on dispense maintenant les ministres d'être à la Chambre physiquement pour mettre en avis des motions, comme des motions de clôture, des motions d'attribution de temps, des avis de motion de voies et moyens et des avis de désignation d'un autre jour relatif à un exposé budgétaire. Les ministres pourront le faire à distance. De l'autre côté, on revient à ce qu'il y avait avant la pandémie quant au nombre de personnes qui doivent être physiquement à la Chambre pour s'opposer à quelque chose. Par exemple, pour s'opposer à un avis de motion de prolongation d'une séance dans l'heure qui précède, cela prend 15 députés présents à la Chambre.
Pendant la pandémie, on avait décidé que c'était cinq députés qui pouvaient s'opposer à distance; maintenant, c'est 15 à la Chambre. On revient à ce que c'était avant la pandémie. On allège le fardeau du côté du gouvernement pour la présentation d'avis, mais on maintient une pression sur l'opposition pour que ses députés soient physiquement à la Chambre.
C'est la même chose pour s'opposer à une motion de nature urgente par un ministre qui permet au gouvernement de suspendre le Règlement à sa convenance. Ce sont 10 personnes qui doivent être physiquement à la Chambre plutôt que cinq députés à distance, comme c'était le cas pendant la pandémie. Pour les motions pendant les affaires courantes, ce sont 25 députés à la Chambre qui doivent physiquement se lever pour pouvoir s'opposer à une motion présentée par le gouvernement durant les affaires courantes.
Il semble donc y avoir un déséquilibre à l'avantage du gouvernement dans la mise sur pied du Parlement hybride. Cela va un peu dans le sens de cette espèce de déséquilibre général qu'on voit avec un avantage du côté du gouvernement avec la mise sur pied du Parlement hybride.
Pour reprendre l'expression anglaise du fameux bébé qu'on jette avec l'eau du bain, on aurait aimé pouvoir avoir des débats sur la mise sur pied du Parlement hybride. On l'a dit, la nécessité est mère de toutes les inventions. Il y a eu de bonnes percées technologiques pendant la pandémie. Ce serait bête de complètement s'en départir. Toutefois, il aurait fallu pouvoir débattre de ce qu'on veut garder pour qu'il y ait un consensus et qu'on garde ultimement ce qui servira bien le Parlement.
Du côté du Bloc québécois, nous ne sommes pas complètement contre l'idée de continuer à recourir au vote électronique. Toutefois, nous aurions souhaité pouvoir encadrer l'utilisation du vote électronique. Par exemple, pour des votes de confiance, que le vote se fasse obligatoirement à la Chambre.
On a beaucoup parlé de conciliation travail-famille comme étant un des avantages que le Parlement hybride permet. Nous en sommes, mais n'aurait-on pas pu mieux l'encadrer? Là-dessus, je fais écho aux mots du Président qui vient de reprendre à l'instant son siège. Il mentionnait, en comité, que la conciliation travail-famille aurait dû être l'objet d'exceptions. On devrait pouvoir le permettre, mais seulement de façon exceptionnelle et encadrée, afin de s'assurer justement qu'il n'y a pas d'abus.
Doit-on complètement abolir l'utilisation de Zoom pour la Chambre? Pas nécessairement, mais on aurait dû le faire de façon plus pointue plutôt que d'en faire une mesure très large qui peut bénéficier à des gens qui vont souhaiter en abuser, par exemple, un député qui ferait l'objet d'un scandale qui va pouvoir rester chez lui et ne pas faire face à ses responsabilités ici, à la Chambre, lorsque des journalistes pourraient vouloir lui poser des questions.
Cela devrait donc être des circonstances exceptionnelles, par exemple, liées à des décès dans la famille, à des maladies et à des circonstances personnelles urgentes. On aurait pu l'encadrer. Le recours au Parlement hybride n'est pas complètement mauvais. C'est mauvais dans la mesure où ce n'est pas équilibré.
Bref, il y a beaucoup de choses que le Bloc québécois aurait aimé discuter. C'est notre principale doléance, c'est-à-dire le fait qu'on nous impose finalement des mesures en bloc sans possibilité réelle de faire des modifications, d'améliorer la proposition et de profiter de ce qui sera sorti de bon de la pandémie. On nous l'impose alors que la période des travaux achève alors que, comme je le mentionnais en début de discours, il n'y a présentement aucune urgence parce que la pandémie est principalement derrière nous.
Si on est pour faire les modifications qui vont toucher le Parlement à long terme, le minimum aurait été de s'assurer du consensus entre les partis, comme par ailleurs il était coutume de le faire à la Chambre.
C'est une déception que nous devons malheureusement souligner en fin de session.
Je suis maintenant prête à répondre aux questions de mes collègues.
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Monsieur le Président, je suis enchanté de prendre la parole pour participer au débat sur les modifications du Règlement. Je suis fier de représenter les gens d'Edmonton-Ouest. Je suis le neuvième député d'Edmonton-Ouest depuis 1917, à l'époque de la Première Guerre mondiale. Dans ce temps-là, Edmonton-Ouest occupait le tiers de la superficie de l'Alberta. Aujourd'hui, c'est le West Edmonton Mall qui occupe le tiers de la superficie de l'Alberta.
Ma circonscription a été représentée par des personnes de tous les horizons au fil des années. En 1917, c'était M. Griesbach. D'ailleurs, l'une des circonscriptions a été nommée en son honneur depuis cette époque. William Griesbach a été député d'Edmonton-Ouest.
Puis, ce fut le tour de James MacKinnon, durant la Deuxième Guerre mondiale. Malheureusement, il est décédé durant son mandat. J'espère ne pas subir le même sort.
Après la guerre, c'est Marcel Lambert qui a été député d'Edmonton-Ouest. C'est lui qui détient le record de longévité, avec des mandats ayant totalisé presque 28 ans. Il avait combattu durant la Deuxième Guerre mondiale, où il avait notamment participé au débarquement à Dieppe. Il y avait été capturé, puis détenu dans un camp de prisonniers de guerre pendant trois ans et demi avant d'être libéré. En fin de compte, il a été élu et nommé Président de la Chambre des communes. Son portrait est accroché dans le couloir, parmi ceux des autres Présidents de la Chambre. Il a aussi été ministre des Anciens Combattants.
L'honorable Rona Ambrose, qui a été cheffe de notre parti pendant un certain temps, a représenté la région, elle aussi. Laurie Hawn, un de mes amis qui a été député pendant 10 ans, a également représenté une partie d'Edmonton‑Ouest parce qu'à l'époque, sa circonscription comprenait une partie de ce qui est aujourd'hui Edmonton‑Ouest. Laurie a été le tout premier pilote de l'Aviation royale canadienne à piloter le CF‑18, avant d'être député pendant 10 ans. Avant que je ne me présente à l'élection, il m'a toujours donné beaucoup de conseils. Il m'a prévenu que la meilleure partie du travail de député était de servir la population et que la pire était les déplacements. Il avait raison dans les deux cas.
J'ai la chance d'avoir hérité de l'équipe de Laurie Hawn, c'est-à-dire Oula Sanduga et Linda Lo, qui travaillent encore avec moi aujourd'hui. Ce sont des femmes extraordinaires, qui font preuve d'une incroyable empathie et qui savent tout ce qu'il faut faire pour aider les gens. À mon tout premier jour comme député, nous avons pu aider un néo-Canadien qui devait finaliser des documents le jour même. Dans le cas contraire, il aurait raté son opération prévue le lendemain. C'était un jeune garçon qui devait être opéré à la fente palatine. Le bureau de circonscription a pu l'aider.
Laurie avait raison: ce qui est le plus intéressant, c'est de pouvoir aider les autres, mais ce qui est le moins intéressant, ce sont les déplacements. J'en parle parce qu'il y a un lien avec ce que j'aimerais dire au sujet des modifications au Règlement, et plus particulièrement au sujet des séances hybrides.
Nous avons tous entendu et vécu des histoires horribles en ce qui concerne les voyages en avion au Canada, surtout ces derniers temps. Des bagages sont perdus. Nous avons tous raté des vols. Il m'est arrivé de rater des vols, de prendre des vols en retard, et de me retrouver coincé dans la mauvaise ville. Je remercie Air Canada et West Jet. L'un des problèmes, c'est que nous sommes presque dans une situation de duopole, et c'est pour cela que ces entreprises, Air Canada et West Jet, peuvent traiter les Canadiens comme elles le font, c'est-à-dire pas très bien.
Cependant, je le savais d'avance. La grande majorité d'entre nous le savait avant même d'assumer les fonctions de député. Nous savions déjà que les déplacements allaient être le mauvais côté de notre travail. Nous savions que cela en ferait partie. Nous étions prêts à l'accepter lorsque nous avons décidé de faire campagne. Tout comme nous savions qu'aider les gens serait l'aspect le plus intéressant de notre travail, nous savions aussi que nous déplacer serait l'aspect le moins intéressant.
Il est plutôt curieux d'entendre des députés à la Chambre parler du fait que les déplacements sont maintenant difficiles. Les déplacements ont toujours été un mauvais côté du travail. Pour être franc, il me semble un peu malhonnête de prétendre que, tout d'un coup, la situation est difficile, mais qu'elle ne l'était pas en 2015, en 2019 ou en 2020, avant la COVID. On dirait presque que des députés ont été choqués d'apprendre que se rendre à Ottawa 26 semaines par année fait partie du travail; par conséquent, ils veulent le faire à distance au moyen d'un processus hybride.
C'était difficile avant, mais c'était encore pire pour le pauvre M. Griesbach, qui devait voyager par train en 1917. Il a été démontré que la situation est encore mauvaise aujourd'hui. Bien sûr, ce qui a changé, c'est l'accès à Zoom. Je l'admets, ce logiciel est très pratique. Or, le simple fait que Zoom soit disponible et pratique pour les députés ne signifie pas que nous devrions automatiquement adopter ce mode de fonctionnement. Je ne pense pas que ce soit bénéfique pour la démocratie ou pour la santé de cette institution. Je préférerais évidemment que la tenue de séances hybrides ne soit pas pérennisée, contrairement à ce que proposent le gouvernement et ses complices néo-démocrates.
En 2015, le gouvernement a dit qu'il souhaitait que le Parlement soit un milieu de travail plus propice à la vie de famille, et il l'a aussi dit aujourd'hui. Je constate que chaque fois que le gouvernement parle à la Chambre de réformer le Parlement pour le rendre plus propice à la vie de famille, ce qu'il veut vraiment dire, c'est qu'il ne va plus rendre des comptes et qu'il va retirer à l'opposition le pouvoir de lui en demander.
À mon avis, le principal inconvénient d'un Parlement hybride est l'absence de reddition de comptes. À maintes reprises, nous avons vu des élus, des bureaucrates, se présenter seulement au comité par Zoom. Il y a quelques mois, le comité des comptes publics, dont je suis également membre, a entendu 13 témoins de la fonction publique. Chacun d'entre eux habitait à Ottawa. Chacun d'entre eux a décidé que c'était trop de travail que de se présenter en personne à la réunion du comité des comptes publics et de faire ainsi preuve de respect envers les Canadiens. Chacun d'entre eux a participé à la réunion par Zoom. Leurs témoignages étaient différés à cause de problèmes de micro, d'ordinateurs qui ne fonctionnaient pas et de problèmes de son. Le comité des comptes publics essayait d'obtenir des réponses très importantes au nom des contribuables canadiens, et 13 fonctionnaires ne se sont pas présentés.
Il y a eu des réunions de comité où les ministres ne participaient que par Zoom. Nous voyons des députés libéraux témoigner devant les comités, et l'arrière-plan nous indiquait qu'ils se trouvaient dans l’édifice de la Confédération. Ils n'étaient pas capables de descendre pour se rendre à l'édifice de l'Ouest, où se tiennent les réunions de ces comités.
En réalité, les députés de l'opposition, y compris ceux du Bloc et du NPD, sont là pour demander des comptes au gouvernement. Les députés libéraux qui ne font pas partie du cabinet ni du gouvernement sont ici pour représenter leurs électeurs. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Le passage à un parlement hybride nous empêche de nous acquitter nos responsabilités et de demander des comptes au gouvernement; il empêche les députés libéraux de s'acquitter de leur responsabilité de servir leurs concitoyens ici à Ottawa.
Les Canadiens méritent mieux que des ministres qui participent aux réunions des comités par Zoom. Ils méritent plus, ils ont besoin de plus, que des bureaucrates, des fonctionnaires, qui participent aux réunions des comités par Zoom. Ces gens devraient être présents en personne.
Il y a un manque de ressources relatif aux séances hybrides présentement. C'est vrai, nous siégeons tard en soirée, mais même avant que les séances tardives aient commencé, nous manquions de ressources. Des comités ne peuvent plus tenir de réunions à cause du surmenage des interprètes. Il n'y a pas assez d'interprètes et il n'y a pas assez de personnel pour assurer le fonctionnement des comités.
Au comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires — que j'appelle le puissant comité des opérations, le seul qui compte —, depuis le 3 mai, trois réunions ont dû être annulées. En à peine un mois et demi, trois réunions ont été annulées à cause du manque de ressources.
Le 3 mai, la devait comparaître au sujet du budget principal des dépenses. Bon nombre de mes concitoyens, dont cinq qui nous suivent sur CPAC et cinq qui sont à la Chambre en ce moment, ne le savent peut-être pas, mais le budget des dépenses est la raison d'être du Parlement. Cela remonte à 1295 et au Parlement modèle, où le roi Édouard a dit: « Que ce qui concerne tout le monde soit approuvé par tout le monde ». C'est le fondement de notre Parlement, dont l'objectif et d'approuver les dépenses, d'augmenter les impôts, et de dépenser les recettes fiscales, c'est-à-dire de mener à bien le processus budgétaire. Cependant, nous avons la présidente du Conseil du Trésor, qui représente les milliards de dollars de dépenses du gouvernement, et nous sommes contraints d'annuler la réunion à laquelle elle devait participer. Les députés conservateurs, bloquistes, néo-démocrates, et même libéraux ont été privés de la possibilité d'interroger la présidente du Conseil du Trésor sur le budget principal des dépenses. Au Canada, ce qui concerne tout le monde doit être approuvé par tout le monde, sauf dans le cas d'un parlement hybride. Dans ce cas, des réunions sont annulées et les dépenses sont approuvées les yeux fermés.
Le 10 mai, toujours dans le cadre du processus budgétaire, nous devions entendre les représentants de deux ministères, mais la réunion a été annulée en raison d'un manque de ressources lié aux exigences du Parlement hybride. Il s'agissait de deux ministères. Il s'agissait de Construction de Défense Canada, un petit ministère secondaire dont on ne parle pas souvent dans les médias. Cependant, c'est le seul ministère que le vérificateur général considère comme présentant un risque élevé de fraude. Cela fait des années que je siège par intermittence au comité des comptes publics, et cela fait huit ans que je siège au comité des opérations gouvernementales.
Des milliards de dollars de l'argent des contribuables sont en jeu. La vérificatrice générale souligne qu'il y a un risque de fraude, et la réunion est annulée. En raison d'un manque de ressources attribuable aux séances hybrides, les députés n'ont pas été en mesure d'interroger les fonctionnaires sur les mesures que prend leur ministère pour répondre aux préoccupations de la vérificatrice générale.
Au cours de cette même réunion, un représentant du Bureau de la sécurité des transports était censé comparaître devant le comité des opérations gouvernementales pour expliquer sa demande au titre du budget des dépenses. Le Bureau de la sécurité des transports porte bien son nom. Il s'agit du bureau de sécurité qui assure la sécurité des transports aériens, des transports maritimes et des pipelines, et il rend compte publiquement de ses activités. Si les Canadiens veulent paniquer, ils n'ont qu'à consulter ses listes de surveillance en cherchant sur Google.
Un représentant du Bureau de la sécurité des transports était censé comparaître devant nous. Ce n'est pas la première fois. Nous demandons toujours si Transports Canada répond aux préoccupations du Bureau, mais la réponse est toujours « non ». Je mets les députés au défi de faire une recherche sur le site Web. Ils verront que le problème remonte à huit ans, huit ans d'incompétence de la part du gouvernement et du , le même ministre qui a fait tout un gâchis de l'aéroport Pearson et d'autres aéroports.
On peut jeter un coup d'œil à la liste de surveillance. J'en ai quelques éléments. N'oublions pas que nous n'avons pas pu nous pencher sur ce problème, au nom des Canadiens. Voici des extraits de la liste de surveillance, uniquement en ce qui concerne le système de transport aérien: « Les sorties en bout de piste continuent de poser des risques aux individus, aux biens et à l’environnement. » C'est merveilleux. Ensuite: « Les incursions sur piste engendrent un risque continu de collisions entre les aéronefs ou avec d’autres véhicules. » Le nombre d'incursions sur piste a doublé depuis que le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir. Ce n'est pas rien, monsieur le Président.
Les députés se souviendront peut-être de ce qui est arrivé avec Air Canada à l'aéroport de Los Angeles, il y a quelques années: en raison d'une erreur, un aéronef d'Air Canada a presque atterri sur un autre avion. Une collision aurait causé des centaines de pertes humaines. Voilà en quoi consiste une incursion sur piste. Leur nombre a doublé au cours des huit dernières années. On nous a privés de la possibilité de poser des questions pour vérifier si les ressources allouées suffisent pour faire le travail.
On peut également lire ceci sur la liste de surveillance: « Certains transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires ne gèrent pas efficacement leurs risques en matière de sécurité. » Est-ce que le Bureau de la sécurité des transports a les ressources nécessaires, y compris les ressources humaines, pour faire les suivis requis? Nous n'aurons pas la possibilité de poser des questions à ce sujet pour éventuellement ajuster le budget en conséquence.
Voici un autre problème soulevé: « Les équipages font souvent face à de longues heures de travail et des horaires irréguliers [ce qui] pose un risque important. » Quel Canadien veut lire une telle chose en sachant que, parce que nous manquons de ressources à cause du format hybride, nous n'avons pu ni poser de questions à ce sujet, ni nous pencher sur le problème, ni examiner les plans ministériels en vue de le régler?
Le Bureau de la sécurité des transports a aussi écrit ceci: « La surveillance réglementaire ne s'est pas toujours avérée efficace pour vérifier si des exploitants sont conformes aux règlements — ou s'ils ont acquis une telle conformité — et s'ils sont capables de gérer la sécurité [...] » Quand je visite la page Web pour aussi lire attentivement la liste de surveillance relative au transport maritime, j'en perds l'envie de voyager par avion au Canada. Je pense que si les députés lisaient ce qui se passe, la plupart d'entre eux se cacheraient dans leur sous-sol pour assister aux séances par Zoom, comme le gouvernement libéral.
Je blague, mais c'est un problème sérieux. C'est le résultat du fait que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour examiner le problème afin de voir à ce que le Bureau de la sécurité des transports dispose des ressources voulues ou à ce que ses plans ministériels montrent qu'il arrivera à régler le problème.
L'autre réunion a avoir été annulée était celle du 7 juin. Là encore, il s'agissait du comité des opérations et des prévisions budgétaires. Des fonctionnaires avaient été convoqués afin qu'ils nous expliquent pourquoi ils défiaient un ordre du Parlement de produire des documents. Le Règlement et la procédure indiquent clairement que les comités peuvent exiger n'importe quel document. Le Président, qui est avec nous en ce moment, s'est d'ailleurs prononcé sur la question il y a environ un an, au sujet du laboratoire de Winnipeg, en statuant que les comités ont le pouvoir d'exiger tout document qu'ils souhaitaient consulter. Le gouvernement ne peut pas refuser de les lui fournir pour quelque raison que ce soit, y compris des raisons de confidentialité. Nous détenons le pouvoir ultime.
Le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, avec l'appui du parti au pouvoir, a demandé des documents à McKinsey & Company. Nous nous sommes adressés à McKinsey et aux 19 ministères qui avaient fait affaire avec McKinsey. Le résultat? Les gens de McKinsey ont communiqué avec nous et nous ont dit qu'ils seraient prêts à nous donner tous les documents non caviardés, mais que le gouvernement leur avait demandé d'en caviarder certains. Ils ont demandé s'ils pouvaient les caviarder et nous avons dit que non, puisque l'ordre exige des documents non caviardés. L'entreprise a fourni ces documents. Par contraste, parmi les ministères à qui nous avons commandé des documents, 19 sur 19 ont refusé de remettre des documents caviardés.
Le gouvernement libéral a bloqué toute possibilité de faire rapport à la Chambre. Nous avons donc invité les ministères à nous expliquer pourquoi ils refusaient de donner suite à un ordre du Parlement. Savez-vous ce qui s'est passé, monsieur le Président? Nous n'avons pas eu la chance de leur parler, faute de ressources.
Nous avons ici des bureaucrates qui décident quelles lois et quelles règles ils vont suivre, sans fonder leurs décisions sur ce que le Parlement décide, sur ce que les Canadiens qui nous ont élus décident et sur ce que les Canadiens veulent. Des bureaucrates décident de ce qu'ils vont transmettre.
Des ministères ont soutenu que la Loi sur l'accès à l'information l'emportait sur les pouvoirs du Parlement, sur les pouvoirs que le Président actuel avait affirmés. Des ministères ont avancé que la Constitution interdisait au Parlement de demander ces documents. Un ministère a même prétendu que la publication des documents qu'il possédait, que McKinsey nous avait déjà fournis, mettrait en péril les retraites des citoyens, même si McKinsey avait déjà dit qu'elle nous les remettrait.
Nous aurions aimé demander aux ministères pourquoi ils faisaient obstacle aux travaux du Parlement, mais nous n'y sommes jamais parvenus, faute de ressources.
Nous aimons dire que le Canada est un pays qui fonctionne selon des règles, et que la Constitution définit les pouvoirs du Parlement et nous donne la capacité de légiférer pour assurer la paix et l'ordre ainsi que le bon fonctionnement du Canada. C'est généralement le cas, à moins que les bureaucrates ne le veuillent pas, auquel cas nous ne pouvons pas leur demander des comptes parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires, car le Parlement virtuel épuise nos interprètes et nous prive de cette possibilité.
Parmi les cas les plus intéressants où on n'a pas pu obtenir les documents demandés, citons le cas d'Emploi et Développement social Canada. Il a fourni des documents caviardés, malgré ce que disait l'ordre, mais il ne les a pas fournis en français. Il y avait environ 1 000 pages en anglais et 600 pages en français. Nous savons tous qu'en général, pour 10 mots dans la version anglaise, il faut s'attendre à 12 ou 13 mots dans la version française. Le ministère a quand même soumis ces documents, malgré ce que dit la Loi sur les langues officielles, malgré les problèmes que nous éprouvons dans ce pays, malgré que nous ayons fait valoir que l'adoption du mode virtuel au Parlement entraîne une surcharge de travail pour nos ressources francophones. Le ministère n'a pas soumis la documentation en français. Il a dit que nous n'avions pas à nous en faire et qu'il nous fournirait le nécessaire une semaine plus tard.
La semaine suivante, il a de nouveau soumis les documents, mais ceux-ci comprenaient un mélange d'anglais et de français, ce qui, encore une fois, allait à l'encontre de nos règles. J'aimerais certainement que nous puissions avoir accès à ces documents, mais évidemment, ce n'est pas possible.
Nous avons demandé aux libéraux s'il était possible de soumettre la question à la Chambre pour qu'on sache pourquoi le ministère portait atteinte aux privilèges voulant que les parlementaires aient accès aux documents en français. Les libéraux, avec l'aide de leur cohorte néo-démocrate, se sont aussi opposés à cette demande.
J'ai également eu le privilège de siéger au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre lorsque nous avons étudié certaines de ces questions et que nous avons entendu les témoignages de représentants du Bureau de la traduction. Ils nous ont dit que c'était comme si du maïs soufflé leur éclatait dans les oreilles lorsqu'il y avait de mauvaises connexions. À ce jour, nous voyons encore des membres libéraux du comité se présenter sans casque d'écoute, alors que des interprètes partent en congé de maladie.
Il faut s'imaginer qu'on entend du maïs soufflé nous éclater dans les oreilles. Voilà ce qui arrive avec des casques d'écoute ordinaires.
Cela nous pose un problème. Je comprends qu'il y a des besoins de temps en temps, lorsque les parlementaires ne peuvent pas se rendre sur place. Je l'accepte. J'admets qu'il y a peut-être à la Chambre des façons de l'éviter pour que nous puissions assurer la protection des interprètes, tout en nous assurant d'avoir la capacité de demander des comptes aux ministères et au gouvernement et de faire notre travail.
Avec ce qui est proposé actuellement, c'est-à-dire la prolongation de la formule hybride, je ne pense pas que nous y arrivions. Je ne pense pas que les Canadiens obtiennent ce qu'ils veulent des parlementaires. Je ne pense pas non plus que les parlementaires obtiennent ce qu'ils veulent de ce système.