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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 29 septembre 1994

AFFAIRES COURANTES

LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION

    Mme Gagnon (Québec) 6297

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-277. Adoption des motions portant présentation et première lecture 6298
    Mme Gagnon (Québec) 6298

PÉTITIONS

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

L'EUTHANASIE

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Breitkreuz (Yellowhead) 6299

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6309
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6309
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6311
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 6313
    M. Leroux (Shefford) 6314
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6315
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6318

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

M. DOMINIC CARDILLO

    M. PericM. Rocheleau 6327

YORKTON-MELVILLE

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 6327

LE CODE CRIMINEL

LES FOIRES AUTOMNALES

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LES RÉGIMES ENREGISTRÉS D'ÉPARGNE-RETRAITE

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

    M. Breitkreuz (Yellowhead) 6328

L'AIDE HUMANITAIRE

LA BRAVOURE

LA JOURNÉE NATIONALE DE LA TRADUCTION

LE RÉFÉRENDUM DE 1992

LE PARTI RÉFORMISTE DU CANADA

    M. White (North Vancouver) 6329

LE IRVING WHALE

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6330

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LA JUSTICE

LE PROJET DE LOI C-41

QUESTIONS ORALES

LES RÉGIMES ENREGISTRÉS D'ÉPARGNE-RETRAITE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 6331
    M. Martin (LaSalle-Émard) 6331

LA RÉFORME SOCIALE

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 6331
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 6331
    M. Martin (LaSalle-Émard) 6331
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 6331
    M. Martin (LaSalle-Émard) 6332

LES RÉGIMES ENREGISTRÉS D'ÉPARGNE-RETRAITE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 6332
    M. Martin (LaSalle-Émard) 6332

LES DROITS DES DÉPUTÉS

    M. Harper (Calgary-Ouest) 6332
    M. Harper (Calgary-Ouest) 6333

LA FORESTERIE

LE COMMERCE

    M. Mills (Red Deer) 6333

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 6334
    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 6334

LES PÊCHES

LES VOLS À BASSE ALTITUDE

    Mme Brown (Oakville-Milton) 6335

LES AÉROPORTS

LES NOMINATIONS FAITES PAR LE GOUVERNEMENT

L'INDUSTRIE DU BOIS D'OEUVRE

LES GROUPES D'INTÉRÊTS

LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES

    M. Chrétien (Frontenac) 6337
    M. Chrétien (Frontenac) 6337

LA SANTÉ

LE RÉFÉRENDUM DE 1992

L'IMMIGRATION

LE RÉFÉRENDUM DE 1992

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    M. Gauthier (Roberval) 6339

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA PROCÉDURE SUIVIE À LA CHAMBRE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE SERVICE DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

    Reprise de l'étude de la motion 6340
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6341
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6344

SUSPENSION DE LA SÉANCE

    Suspension de la séance à 16 h 8 6348

REPRISE DE LA SÉANCE

    Reprise de la séance à 16 h 25 6348
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6351
    M. Leblanc (Longueuil) 6355
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6357
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6358

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LES ENFANTS VICTIMES DE LA PAUVRETÉ

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 6360
    M. Harper (Simcoe-Centre) 6366
    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 6368

6295


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 29 septembre 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Madame la Présidente, je suis heureux ce matin de faire rapport à la Chambre des travaux de la Conférence internationale sur la population et le développement, qui a eu lieu au Caire, plus tôt ce mois-ci, et où j'ai eu le privilège de diriger la délégation canadienne.

À titre de chef de la délégation, je tiens d'abord à transmettre les remerciements sincères du gouvernement canadien aux négociateurs très compétents qui, au nom du Canada, ont dirigé les travaux menant au plan d'action. Ce groupe de fonctionnaires dévoués a servi notre pays avec distinction.

Je mentionne également le travail des nombreux fonctionnaires qui ont consacré leurs journées complètes aux discussions. Nous oublions souvent que ces gens travaillent pendant plusieurs jours avant une conférence et parfois à la conférence même, alors que ce sont les chefs d'État ou les chefs de délégation qui sont mis en valeur ou qui reçoivent le crédit, en cas de succès, ou le blâme lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu. Il est important qu'ils sachent que tous, nous apprécions les services qu'ils ont rendus à la population en notre nom.

Je tiens ensuite à souligner que le Canada n'a pas seulement joué un rôle utile auprès des nombreux pays réunis au Caire, mais il a aussi été un excellent facilitateur. Le Canada a établi des ponts entre différents pays qui défendaient des opinions divergentes et qui, bien sûr, avaient de sérieuses réticences concernant certains aspects de la première version du plan d'action.

(1005)

Le Canada n'a cherché ni à se faire remarquer ni à occuper la scène chaque jour, mais il a beaucoup travaillé en coulisses pour tenter d'établir des rapports et maintenir ouvertes des voies de communication tout en respectant les opinions de chacun, que ce soit sur le plan politique, culturel ou religieux. En ce qui concerne le Saint-Siège, parmi les pays occidentaux, c'est le Canada qui pouvait communiquer le plus ouvertement avec le Saint-Siège comme avec d'autres pays. Ce genre d'internationalisme est d'ailleurs à l'origine d'une réputation dont le Canada est très fier.

En tant que participant, j'ai trouvé très enrichissant de constater le degré de consensus obtenu sur des questions délicates et controversées qui sont au coeur même de la condition humaine.

[Français]

La conférence a réuni plus de 180 délégations des réunions les plus lointaines représentant divers systèmes politiques, cultures et religions. Elles ont convenu d'un vaste plan d'action.

[Traduction]

Il s'agit d'un véritable programme international qui devrait favoriser les progrès tant du point de vue démographique que du point de vue du développement. Ce plan intègre les solutions axées sur la démographie et le développement qui ont été mises de l'avant dans le passé. Dans les années 70, à Bucarest, on misait sur le développement. On voyait là la solution miracle aux problèmes des populations et des nations consommatrices. Pourtant, cela n'a pas marché.

Dans les années 80, on préconisait des interventions axées sur la démographie. Des chiffres tout à fait arbitraires étaient lancés et probablement imposés aux peuples et aux nations du globe. Cela non plus n'a pas fonctionné.

Dans les années 90, au Caire, la convergence s'est faite entre la planification familiale et le développement, à la fois pour le bien de l'individu et celui de la nation. Je crois que c'est en agissant sur les deux fronts à la fois que nous pourrons régler beaucoup des problèmes auxquels est confrontée la communauté internationale.

Au Caire, on a aussi reconnu le rôle déterminant des femmes dans l'atteinte des objectifs sociaux et économiques. Dans notre discours officiel, nous avons repris les paroles du mahatma Gandhi qui a dit un jour: «Lorsque vous éduquez un homme, vous éduquez un individu; lorsque vous éduquez une femme, vous éduquez toute une communauté, toute une famille.» Je crois qu'il y a beaucoup de vrai dans ces paroles. Certaines personnes s'inquiètent lorsque nous parlons de donner du pouvoir aux femmes.


6296

Donner du pouvoir aux femmes veut aussi dire donner du pouvoir à la famille. Dans bien des familles, la femme est le pivot central, l'ancre qui empêche les dérives. Donc, si nous élargissons le rôle de la femme, ses possibilités et ses droits, nous renforçons toute la famille dont elle est bien souvent responsable.

Les gouvernements se sont entendus pour ne pas se contenter de discours, mais pour agir, pour prendre des mesures susceptibles de réduire le taux de mortalité des mères et des enfants, pour donner aux filles le même accès à l'éducation qu'aux garçons, pour apporter plus d'attention aux besoins des adolescents en hygiène de la reproduction et pour améliorer l'accès aux services de santé de base.

Au moment de prendre des engagements, les citoyens de la planète sont parvenus à un degré de consensus encore jamais atteint lors de précédentes conférences sur la population. Je sais qu'avant l'ouverture de la conférence du Caire, plusieurs éléments de l'ébauche de plan d'action ont suscité une grande controverse. Les médias ont mis l'accent sur ces éléments, mais nous oublions que dans un monde aussi complexe que le nôtre, ce document recueillait un appui de 90 p. 100 avant même le début de la conférence.

Pourquoi l'appui de 90 p. 100 des partis serait-il mauvais? Si j'avais obtenu des notes de 90 p. 100 au collège ou à l'université, je serais devenu un spécialiste de l'aérospatiale. Si l'un des partis avait gagné 90 p. 100 de l'appui populaire lors des dernières élections fédérales, il ferait figure de champion.

(1010)

Comment se fait-il que l'on considère comme quelque chose de négatif ou même comme un échec le fait que les représentants d'un monde aussi hétérogène s'entendent sur 90 p. 100 d'un document? C'est peut-être parce qu'il reste 10 verges à franchir et que ce sont les plus difficiles.

Il y avait dans le plan d'action plus d'éléments qui unissaient ce monde qu'il y en avait qui le divisaient. Un des résultats les plus remarquables de la conférence, c'est que les délégués ont adopté une nouvelle manière d'envisager les problèmes démographiques. Au lieu de se préoccuper uniquement des objectifs démographiques-rien que les chiffres-ils ont sensiblement élargi leur champ de vision. Ils reconnaissent que le développement social et économique est essentiel pour établir un équilibre entre le nombre des habitants de la planète et leurs besoins fondamentaux, qu'il s'agisse de la nourriture, du logement ou des autres nécessités de la vie.

Ce fut une véritable rencontre du Nord et du Sud, de l'Est et de l'Ouest, des riches et des pauvres. Personne ne dictait quoi que ce soit à personne. Cette époque est clairement révolue. Il s'agissait vraiment de parvenir à un consensus plutôt que de persuader par la force des arguments ou des conséquences.

J'ai également trouvé encourageant de voir que le problème de l'immigration internationale a été abordé d'une façon vraiment globale et équilibrée pour la première fois dans un rassemblement de ce genre. Les gouvernements ont reconnu non seulement les aspects négatifs du fait qu'une masse de gens, dont le nombre atteindrait environ 150 millions, se trouve en mouvement, mais aussi les avantages de l'immigration. Nous avons également été en mesure de faire ressortir l'un de ces aspects positifs.

Malgré les difficultés et les défis auxquels nous faisons encore face, nous étions également disposés à admettre que l'immigration avait contribué à bâtir un pays appelé Canada. C'est une chose dont les représentants internationaux-tant les ONG que les gouvernements-n'avaient pas suffisamment entendu parler, car on se contente souvent de parler des problèmes plutôt que des avantages également.

Les délégués ont également insisté sur le besoin de coopération internationale accrue pour faire face aux défis auxquels les tendances actuelles de l'immigration nous confrontent tous. Nous avons parlé de prévention, de protection et enfin d'intégration de ces immigrants.

[Français]

Le plan d'action du Caire sur l'immigration internationale est le premier du genre à recevoir l'approbation d'un aussi grand nombre de nations.

[Traduction]

Ce plan servira maintenant de tremplin pour accomplir d'autres progrès au niveau politique international et au niveau des activités de tous les jours. La conférence du Caire a donné au Canada un outil approprié et pratique pour faire avancer son programme en matière d'immigration internationale.

Il nous faut davantage d'ententes bilatérales, nous avons davantage besoin d'un programme établi entre les différents pays pour régler d'une façon compétente ce problème de déplacement d'êtres humains. Un pays ne peut pas y réussir tout seul. On ne devrait pas s'attendre à ce que le Canada y arrive tout seul. Aucun pays n'a la solution à ce genre de dilemme.

Si nous adoptons des programmes, si plus de pays entrouvrent leurs portes, cela rendra la vie non seulement plus facile et plus supportable pour les gens en quête d'un pays d'accueil, cela rendra également la vie plus facile et plus supportable pour les pays qui ont fait leur part.

Personne n'est responsable de tout le problème. Chacun d'entre nous en est responsable en partie. Une tâche intimidante attendait les membres de la communauté mondiale qui se sont réunis au Caire. Beaucoup prédisaient que la conférence allait sombrer dans la discorde et la confusion. Nous leur avons donné tort en démontrant qu'il existait un consensus dans la communauté mondiale et une détermination non seulement à nous attaquer réellement aux problèmes mondiaux, mais à le faire ensemble.

Le dernier message que le Canada a adressé vers la fin de la conférence, c'est que même si l'accord nous donne un programme d'action et un consensus, il ne sera bon que dans la mesure où on l'appliquera. Voilà encore une attitude vraiment canadienne: nous ne nous contentons pas de nous réjouir de l'accord, nous sommes prêts à nous retrousser les manches pour faire en sorte que les divers États membres donnent suite aux engagements que nous avons conclus au Caire. C'est alors seulement que nous pourrons dire que la conférence du Caire a vraiment été un succès. Cela en a tout l'air, et nous au Canada, en coopération avec les Nations Unies, allons veiller à ce que les gens à l'inten-


6297

tion desquels ce plan a été élaboré puissent vraiment jouir des fruits de notre travail.

(1015)

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec): Madame la Présidente, les impressions laissées par notre participation à la Conférence internationale sur la population du Caire sont fort nombreuses et se résument difficilement en quelques minutes. Cependant, si j'avais à choisir deux mots servant à les illustrer, je dirais: ouverture et progrès.

Je suis heureuse que le ministre nous fasse part des constats qu'il fait de cette conférence internationale ce matin, puisqu'il nous permet de faire valoir l'importance de telles réunions qui, dans le croisé des cultures et des profondes différences qui dessinent les peuples, nous permettent de souscrire à l'idée que de la discussion naît l'ouverture et de l'ouverture naissent le progrès et l'avancement des idées.

Pour nous, la Conférence du Caire a essentiellement permis de mettre de l'avant des préoccupations majeures qui doivent, non seulement être débattues dans des forums internationaux, mais également dans nos communautés de base, tout comme dans nos institutions parlementaires.

Je m'attarderai à parler ici d'un des aspects qui, comme parlementaire et femme, m'a profondément marquée lors de cette conférence, et c'est celui de la condition de la femme qui demeure la pierre d'achoppement, le pivot sur lequel se cristallise tout le progrès qui doit être accompli pour que notre civilisation s'engage dans la voie du mieux-être de la population.

Il y a des souffrances qui se vivent dans le corps et dans l'âme. On n'a qu'à penser à la situation vécue par des millions de jeunes filles sur la planète qui subissent ce que l'on appelle l'excision et l'infibulation.

Dans un monde où la technologie et la science bouleversent continuellement et quotidiennement nos habitudes de vie et nos apprentissages, les deux tiers des 960 millions de personnes illettrées dans le monde sont des femmes.

Lorsqu'on sait que l'espérance de vie des femmes originaires du Zimbabwe est de 44 ans et de 40 ans chez les hommes, la réalité tragique de ces chiffres nous démontre avec force le déséquilibre important qui existe entre les pays en voie de développement et les pays industrialisés. Lors des discussions de la Conférence, cette réalité géopolitique était palpable. La communauté internationale est confrontée à ce constat implacable qui nous concerne tous et toutes.

L'évolution des mentalités des citoyens de tous les pays du monde sur des sujets tels que la planification des naissances, la santé et l'éducation, est un gage que la situation des femmes du monde progresse lentement, même s'il reste beaucoup à faire. J'ai pu constater l'ampleur des craintes exprimées par les femmes en ce qui concerne la législation sur l'avortement. J'ai pu également constater comment les chefs de gouvernement peuvent énoncer des propos frileux à ce sujet, propos qui n'aident aucunement la situation quotidienne des femmes. Pour éviter un désastre potentiel de l'humanité, il est impérieux que les femmes du monde entier aient l'égalité des chances et la capacité de

s'épanouir. Voilà le message de la Conférence du Caire, voilà le message qu'il faut répéter.

Il faut aussi le répéter dans cette Chambre. Il faut que nous regardions bien concrètement quels progrès ont été accomplis au Canada et quels progrès il reste à faire. À mon avis, le Canada, bien que plus avancé que de nombreux autres pays en ce qui concerne la condition des femmes, a encore beaucoup de pain sur la planche.

L'égalité économique des femmes est loin d'être acquise. Les employées du gouvernement fédéral sont encore moins bien rémunérées que leurs collègues masculins, alors que l'on sait que c'est en traitant les femmes et les hommes de façon égale que l'on fera avancer la cause des femmes et la situation des enfants.

De même, il est impérieux que notre gouvernement protège les femmes provenant de cultures étrangères en criminalisant les pratiques qui vont à l'encontre de leurs droits fondamentaux. Je propose d'ailleurs au gouvernement actuel d'appuyer le projet de loi sur les mutilations des organes génitaux des femmes que je déposerai aujourd'hui même dans cette Chambre, et dont l'objectif est justement de protéger bon nombre de nos concitoyennes.

J'invite également le gouvernement à entreprendre toutes les démarches nécessaires pour diminuer la pauvreté de nos enfants, et à les entreprendre dès maintenant.

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer): Madame la Présidente, je voudrais moi aussi féliciter les fonctionnaires qui ont travaillé à ce programme. Je sais que nombre d'employés des Affaires étrangères y ont consacré beaucoup de temps.

Je ne veux pas vraiment examiner les résultats de la conférence, mais simplement souligner quelques faits sur lesquels il y a sans doute consensus à la Chambre. Il est certain que la surpopulation est une menace qui pèse sur la survie du monde et qu'il faut trouver une solution à ce problème.

Cependant, les démographes et les chercheurs y ont énormément travaillé. C'est un sujet à l'étude dans les universités. Je ne suis pas certain qu'une conférence de cette envergure soit nécessaire pour discuter de l'existence du problème.

(1020)

En deuxième lieu, l'habilitation des femmes en leur donnant une plus grande maîtrise de leur vie grâce à un accès accru à l'éducation, aux soins de santé, et le relèvement de leur contribution économique dans les pays développés devraient être fermement soutenus. Quant à nous, nous appuyons sans réserve ces objectifs.

Les migrations incontrôlées sont un autre grave problème. Certes, nous avons tous vu ce qui est arrivé au Rwanda. C'est un problème qu'il nous faut régler. L'amélioration de la situation dans le pays d'origine est un moyen de lutte contre ces migrations incontrôlées.

Personne ne conteste qu'il faut garantir à tous les nécessités de la vie, comme l'eau, la nourriture et un toit. Il ne fait pas de doute qu'il faut satisfaire les besoins essentiels des gens. Cela nous préoccupe tous.


6298

La propagation des maladies est évidemment un autre grand problème sur lequel il faut se pencher quand on parle des populations. Il y a eu le sida, qui a commencé en Afrique, et nous savons ce qui est arrivé depuis. Il y a maintenant la peste en Inde, qui est devenue très rapidement un problème mondial.

Nous voudrions également souligner l'importance des ONG, qui sont sur place et qui, dans bien des cas, comprennent mieux les problèmes que les gouvernements. Par conséquent, il faut certainement faire la promotion des ONG, faciliter leur financement plutôt que de favoriser les subventions de gouvernement à gouvernement.

Si nous sommes tous d'accord là-dessus, pourquoi alors critiquons-nous la conférence du Caire? Quelles questions faut-il poser? Il est tout à fait évident que les Canadiens veulent savoir si c'était le meilleur moyen pour atteindre les objectifs souhaitables dans le monde actuel. On doit se demander en quoi la conférence a fait avancer les choses et quels seront ses résultats. Qu'avons-nous appris de nouveau et d'innovateur à cette conférence? A-t-on établi un calendrier? Ce calendrier sera-t-il respecté? Passera-t-on de la parole aux actes?

On a dit que la conférence a été en bonne partie consacrée à une discussion sur l'avortement. Les deux camps ont tenté de dominer la conférence. Quant à nous, du Parti réformiste, nous estimons que c'est une affaire personnelle qui ne devrait pas être laissée à des bureaucrates internationaux.

Tous conviennent que la prospérité accrue entraîne une diminution du nombre d'enfants dans les familles. La promotion de l'ouverture des marchés et de la diversification économique n'a pas vraiment été discutée à la conférence. On a bien parlé de certains aspects de l'économie, mais cela n'a pas débouché sur des actions concrètes.

Il faut se demander si ce fut une bonne utilisation des deniers publics. Le Canada a envoyé une délégation de 28 personnes, dont neuf députés, au Caire. J'étais au Caire en juin dernier. Certes, ce fut une excellente visite touristique. Mais nous devons nous demander s'il fallait envoyer 28 personnes et ce qu'ils ont accompli.

D'après nos sources, la conférence aurait coûté, selon les estimations, 235 000 $ environ au ministère des Affaires étrangères. De plus, tout ce qui a entouré la préparation de la conférence a coûté environ deux millions de dollars. Les Canadiens s'interrogent sur ces coûts. Pourquoi avoir envoyé autant de représentants? Cet argent aurait-il pu être dépensé plus sagement ailleurs? Cette conférence était-elle simplement un autre exemple de surgouvernement? L'idée de créer des organisations supplémentaires chargées de dire aux gens quoi faire relève de la manière occidentale habituelle de régler les problèmes de la planète.

Le gouvernement du Canada ne devrait pas exporter ses programmes caractérisés par la rectitude politique. Le meilleur moyen d'aider les pays en développement consiste à promouvoir l'ouverture des marchés, la diversification et le développement économiques. Fait plus important encore, il faut accroître l'accès à l'éducation pour tous partout dans le monde.

(1025)

[Français]

LE CODE CRIMINEL

Mme Christiane Gagnon (Québec) demande à présenter le projet de loi C-277, Loi modifiant le Code criminel (circoncision des personnes du sexe féminin).

-Madame la Présidente, je dépose ce matin mon projet de loi sur la circoncision des personnes de sexe féminin.

Il est très important que le gouvernement appuie ce projet de loi. On sait très bien qu'il y a un mouvement dans le monde qui soulève la problématique de la mutilation des organes génitaux des personnes de sexe féminin. C'est pourquoi j'incite le gouvernement à appuyer mon projet de loi.

On sait très bien que cette pratique est utilisée au Canada par des personnes qui y ont immigré. La conférence du Caire a soulevé ce problème important et le ministre de la population égyptienne va dans le même sens; il voudrait qu'un tel projet de loi fasse l'objet d'une étude, à l'assemblée du peuple en Égypte. Donc, j'espère qu'au Canada, nous allons progresser. On se dit un pays à l'avant-garde des lois, donc j'espère que mon projet de loi sera débattu et accepté ici en cette Chambre.

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

[Traduction]

PÉTITIONS

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Deborah Grey (Beaver River): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter ce matin plusieurs pétitions au nom d'habitants de la région d'Edmonton et des environs.

Les pétitionnaires déclarent qu'une majorité de Canadiens estiment qu'il ne faudrait pas étendre aux couples homosexuels les privilèges que la société accorde aux couples hétérosexuels.

Ils demandent au Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte canadienne des droits et libertés de manière à sous-entendre que la société approuve les relations entre personnes de même sexe et de ne pas inclure dans le Code des droits de la personne l'expression «orientation sexuelle», qui n'est pas définie.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Madame la Présidente, je voudrais aujourd'hui présenter deux autres pétitions sur le contrôle des armes à feu, ce qui porte à six, au total, le nombre de pétitions que j'ai présentées cette semaine à ce sujet.


6299

De plus en plus de Canadiens s'inquiètent de ce que le gouvernement ne reconnaît pas que nous avons un problème de criminalité dans notre pays, et non un problème d'armes à feu.

Chaque jour, des pétitionnaires m'envoient des pétitions dans lesquelles ils demandent que l'on applique rigoureusement les lois existantes sur l'utilisation des armes à feu dans la perpétration d'une infraction. Ils insistent plus particulièrement sur l'application rigoureuse de l'article 85 du Code criminel.

Les pétitionnaires s'opposent à ce que l'on réglemente davantage l'acquisition et la possession d'armes à feu, et je suis tout à fait d'accord avec eux.

[Français]

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

M. André Caron (Jonquière): Madame la Présidente, je dépose une pétition qui contient la signature de 1 500 personnes du Québec qui s'opposent à la fermeture de la ligne ferroviaire VIA Rail entre Montréal et Jonquière.

Les pétitionnaires demandent au Parlement qu'un moratoire de un an soit décrété sur les coupures de service anticipées. Ils exigent également du gouvernement canadien la tenue d'audiences publiques afin que les personnes concernées par les pertes de service puissent manifester leur désaccord avec cette décision.

En tant que représentant d'une région éloignée du Québec qui connaît de graves difficultés économiques, j'appuie la démarche entreprise par la Coalition de sauvegarde du train voyageur Montréal-Jonquière. Je m'oppose au démandèlement systématique de nos infrastructures ferroviaires sous prétexte qu'il s'agit d'un mode de transport désuet, démodé et trop cher à entretenir.

(1030)

Éliminer le chemin de fer équivaut à priver le Québec d'une infrastructure susceptible de favoriser son développement économique pour les années à venir.

[Traduction]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Dale Johnston (Wetaskiwin): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter cette pétition signée par des citoyens canadiens, dont la plupart sont de ma circonscription.

Ces pétitionnaires prient et supplient le Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière à laisser sous-entendre que la société approuve les relations entre personnes de même sexe, ou l'homosexualité, et surtout de ne pas modifier le Code des droits de la personne pour ajouter aux motifs de discrimination prohibés l'expression non définie «orientation sexuelle».

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Madame la Présidente, j'ai six pétitions à présenter ce matin. Les signataires de deux d'entre elles prient et supplient le Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte des droits de la personne d'une manière à laisser sous-entendre que la société approuve les relations entre personnes de même sexe, ou l'homosexualité, et surtout de ne pas modifier le Code des droits de la personne pour ajouter aux motifs de discrimination prohibés l'expression non définie «orientation sexuelle».

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Madame la Présidente, dans deux autres pétitions, les signataires prient le Parlement d'étendre immédiatement le droit à la protection de la vie aux enfants à naître en modifiant le Code criminel de manière à accorder aux êtres humains non encore nés la protection dont jouissent les êtres humains à leur naissance.

L'EUTHANASIE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Enfin, madame la Présidente, je voudrais présenter deux pétitions dont les signataires s'opposent à ce que le Parlement abroge une loi du Parlement ou annule le jugement de la Cour suprême du Canada sur le droit à la mort, l'euthanasie.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter sept pétitions au nom de mes électeurs de Yellowhead. Trois de ces pétitions viennent des collectivités de Neerlandia et Barrhead, deux de la ville de Hinton, une autre de Onoway et la dernière, de Drayton Valley.

Les pétitionnaires demandent que le Parlement ne donne pas à entendre que la société approuve les relations entre personnes de même sexe, qu'il modifie le Code criminel pour assurer la protection des êtres humains que sont les foetus, et qu'il ne sanctionne pas l'aide au suicide ou l'euthanasie active ou passive.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Madame la Présidente, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Toutes les questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je désire informer la Chambre que, conformément à l'alinéa 33(2)b) du Règlement, en raison de la déclaration ministérielle, la période réservée aux initiatives ministérielles sera prolongée de 20 minutes.

6300


6300

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

M. François Langlois (Bellechasse) propose:

Que la Chambre dénonce le gouvernement pour son refus de mettre sur pied une commission royale d'enquête sur les activités illégales du Service canadien du renseignement de sécurité.
-Madame la Présidente, un mot a été omis dans le texte de la motion. Je demanderais le consentement de mes collègues pour qu'il soit réputé inclus dans cette motion. Précédant «activités illégales», il faudrait ajouter le mot «allégations», de telle sorte que la motion se lirait ainsi:

Que la Chambre dénonce le gouvernement pour son refus de mettre sur pied une commission royale d'enquête sur les allégations d'activités illégales du Service canadien du renseignement de sécurité.
La présidente suppléante (Mme Maheu): L'honorable député a-t-il le consentement de la Chambre pour modifier sa motion?

Des voix: D'accord.

M. Langlois: Madame la Présidente, l'opposition officielle propose aujourd'hui la motion suivante:

Que la Chambre dénonce le gouvernement pour son refus de mettre sur pied une commission royale d'enquête sur les allégations d'activités illégales du Service canadien du renseignement de sécurité.
(1035)

Cette motion est devenue nécessaire suite aux allégations faites à propos du Service canadien du renseignement de sécurité, au cours des derniers mois, et aux événements révélés et corroborés pendant la même période.

De plus, les nombreux écueils que rencontre le Sous-comité parlementaire sur la sécurité nationale, présidé par le député de Scarborough-Rouge River, rendent encore plus impérative la création d'une commission royale d'enquête chargée d'enquêter sur les allégations à l'égard du comportement du SCRS.

Le SCRS constitue un véritable État dans l'État: en effet, il n'a de compte à rendre qu'à son comité de surveillance, communément appelé CSARS, lequel fait rapport au solliciteur général lui-même qui ne dévoile à la Chambre que quelques-uns des rares éléments qu'il juge pertinents.

Bien que le pouvoir d'enquête du CSARS soit très vaste suivant les dispositions législatives habilitantes, il demeure que dans les faits, le CSARS ne contrôle que les éléments qui lui sont volontairement soumis par le SCRS.

La composition même du CSARS altère grandement la confiance que nous pourrions lui porter. En effet, des cinq membres composant ce comité, trois ont été nommés sur la recommandation du Parti progressiste-conservateur du Canada et un sur la recommandation du Nouveau Parti démocratique du Cana-

da. Ces deux partis ne forment plus des groupes parlementaires dans la législature actuelle.

À défaut d'une législation coercitive, le simple sens éthique commanderait que les personnes qui ont été nommées sur recommandation de partis politiques qui ne sont plus reconnus à la Chambre remettent leur démission, afin que le Comité de surveillance soit le reflet de la composition actuelle de cette Chambre, tel que l'a voulu l'électorat le 25 octobre dernier.

Ainsi, l'opposition officielle, le Bloc québécois, et le deuxième parti de l'opposition, le Parti réformiste, pourraient être représentés au Comité de surveillance. Ce ne serait là, cependant, qu'une mesure transitoire en attendant le moment où la loi sera modifiée pour abolir le Comité de surveillance et remettre aux seuls parlementaires le pouvoir de contrôle et de surveillance sur le SCRS.

Quoi de plus normal et sain en démocratie qu'une telle compétence relève exclusivement des élus. Nos voisins américains nous ont d'ailleurs donné l'exemple et fourni la démonstration depuis de nombreuses décennies qu'un tel système de contrôle parlementaire est le seul acceptable dans une société libre et démocratique.

La demande de création d'une commission royale que nous faisons aujourd'hui ne vise aucunement à entrer en compétition avec le Sous-comité sur la sécurité nationale. Tout ce que l'opposition officielle recherche, c'est un maximum d'efficacité dans un minimum de temps.

Nous reconnaissons pleinement la légitimité et l'autorité du Sous-comité sur la sécurité nationale, de même que nous constatons que jamais le Parlement n'a abdiqué ses pouvoirs face au SCRS ou à son Comité de surveillance. Cependant, dans l'état actuel de la situation et étant donné la composition du Comité de surveillance, il faut plutôt s'attendre à une guérilla parlementaire avec les membres du CSARS plutôt qu'à une pleine et entière collaboration de sa part.

La création d'une commission royale d'enquête évitera que par des mesures dilatoires, les membres du Comité de surveillance ne soient dispensés de rendre des comptes.

La semaine dernière, le solliciteur général, en réponse à une demande que lui a faite l'opposition officielle, a refusé la création d'une commission royale d'enquête, prétextant que la vérification interne menée par le CSARS était suffisante.

(1040)

Il suffit de regarder la diffusion de la séance du 13 septembre dernier du sous-comité sur la sécurité nationale pour se rendre compte que les membres du CSARS sont plutôt maîtres dans l'art de l'esquive, plutôt que dans celui de l'enquête. Le ministre aurait grand intérêt à revisionner cette séance. Il pourra constater qu'il est manifeste que le Sous-comité sur la sécurité nationale n'obtiendra pas des membres du CSARS la pleine et entière collaboration à laquelle il est en droit de s'attendre.


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Il devrait y trouver matière à réviser sa position et à mettre sans délai sur pied une commission royale d'enquête. Nous ne pouvons rester dans l'obscurantisme où nous maintient le CSARS, lorsque des accusations graves sont portées contre le SCRS. Voyons donc quelles sont ces accusations. D'abord, le SCRS est accusé d'avoir soit mis sur pied, soit infiltré, par l'intermédiaire entre autres d'un dénommé Grant Bristow, le Heritage Front, un mouvement néo-nazi canadien basé à Toronto, qui prône la suprématie de la race blanche. Le but de cet organisme heurte de plein fouet les valeurs québécoises et canadiennes, maintes fois proclamées par nos lois les plus importantes.

Grant Bristow aurait continué son oeuvre ou se serait recyclé comme garde du corps du chef du Parti réformiste du Canada pendant la dernière campagne électorale. Ce «bénévole» réformiste aurait été grassement payé par le SCRS pour effectuer ce travail d'infiltration. Nous sommes en droit de savoir si le Parti réformiste du Canada, qui n'a d'autre ambition que d'accéder au pouvoir par les voies démocratiques usuelles, a fait l'objet d'une infiltration par ordre du SCRS ou à sa connaissance et si un individu mal intentionné a, sur directive écrite ou verbale, ou encore avec le silence complice du SCRS, atteint le cercle des proches ou intimes du chef du Parti réformiste.

Le Parti réformiste du Canada a-t-il, à quelque époque, été considéré soit par le SCRS ou par le gouvernement conservateur comme une menace envers le Canada? Nous avons la preuve éloquente en cette Chambre que le Parti réformiste était une menace réelle pour le Parti progressiste conservateur, mais sûrement pas pour les institutions démocratiques canadiennes.

Il est plausible que le SCRS, soit à la demande du gouvernement conservateur, soit de sa propre initiative, ait pris sur lui d'infiltrer le Parti réformiste, sachant qu'il agissait en toute impunité, étant donné que son comité de surveillance était majoritairement contrôlé par des personnes nommées par le gouvernement conservateur, lesquelles, suivant la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité, se rapportaient directement au solliciteur général de ce même gouvernement conservateur.

Si une telle infiltration a pu être faite au Parti réformiste, si des personnes ont à quelque moment considéré le Parti réformiste du Canada comme une menace pour le Canada, quelle a été leur attitude face aux autres partis de l'opposition et comment considérait-elle le Bloc québécois, dont la finalité politique est de permettre l'accession du Québec à sa pleine souveraineté?

Nous aimerions savoir comment le SCRS a pu résister à la tentation d'en savoir un peu plus sur le mouvement souverainiste québécois. La Gendarmerie royale du Canada n'avait-elle pas, dans les années 1970, volé la liste des membres du Parti québécois, brûlé des granges et volé de la dynamite?

(1045)

Le SCRS aurait-il pu décider de continuer sur la même lancée? Une commission royale d'enquête nous donnerait sans doute la réponse.

D'ailleurs, l'opposition officielle n'est pas la seule à vouloir que toute la lumière soit faite. Le président du Sous-comité sur la sécurité nationale, le député de Scarborough-Rouge River, a demandé lui aussi de tels éclaircissements, tel que le rapportent les journaux du 13 septembre dernier.

Une autre accusation a été portée contre le SCRS. La Canadian Broadcasting Corporation aurait été mise sous surveillance par le SCRS après avoir révélé qu'elle faisait enquête sur des relations possibles entre le Heritage Front et des Casques bleus en Somalie. Quand on connaît le comportement de certains militaires en Somalie, le lien est plausible.

Grant Bristow ou d'autres agents feraient-ils partie d'un complot manigancé par le SCRS pour espionner la CBC?

Suivant une autre accusation, le SCRS, Grant Bristow ou d'autres individus reliés ou non au Heritage Front néo-nazi auraient tenté de s'en prendre au Congrès juif du Canada en transmettant des renseignements sur des groupes juifs canadiens à des racistes américains violents, en incitant des membres du Heritage Front à la violence et en organisant une campagne de harcèlement téléphonique contre des leaders antiracistes.

Un autre accusation veut que le SCRS ait suivi à la trace les déplacements des Services secrets français qui s'intéressaient au mouvement souverainiste québécois. Ainsi donc, le SCRS, même s'il n'avait pas investigué directement sur les forces souverainistes québécoises, par ailleurs qualifiées «d'ennemis de l'intérieur» en cette Chambre par la députée de Beaver River, aurait indirectement obtenu des informations privilégiées sur le sujet grâce à ses contacts avec la Direction générale de la sécurité extérieure française, la DGSE.

Suivant une dépêche de la Presse canadienne, rapportée dans Le Journal de Québec du vendredi 9 septembre 1994, le SCRS aurait infiltré le syndicat des postiers pendant un conflit syndical pour retransmettre des renseignements utiles aux patrons de la Société des postes. Ce même média rapportait également que d'autres documents mettaient en évidence les relations entre les Services de renseignements canadiens et certains services secrets étrangers, notamment le Mossad israélien, les Services secrets de l'Italie et de la Jamaïque.

Enfin, il conviendrait de faire la lumière sur les affirmations de Brian McInnis, conseiller de l'ex-solliciteur général, Doug Lewis, qui a admis avoir lui-même violé la loi en remettant une note confidentielle au Toronto Star, et a affirmé que le SCRS a, lui aussi, violé la loi en infiltrant le réseau anglais de Radio-Canada, la CBC, où le SCRS aurait appris que la CBC faisait enquête sur les liens possibles entre l'organisation raciste Heritage Front et des Casques bleus canadiens envoyés en Somalie. Suite à ces déclarations, la Gendarmerie royale du Canada a procédé à l'arrestation de M. McInnis et son domicile a fait l'objet d'une fouille en règle.

Comme nous l'avons vu, de graves accusations ont été portées et de trop nombreuses questions demeurent sans réponse. Malgré le travail que ne manquera pas d'effectuer le Sous-comité sur la sécurité nationale, l'opposition officielle demeure convaincue que seule l'institution d'une commission royale d'enquête au mandat très large permettra d'éclairer la population québécoise et canadienne sur les activités du SCRS.


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(1050)

[Traduction]

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Madame la Présidente, je suis heureuse de pouvoir traiter de cette question. Je suis un peu étonnée qu'elle suscite autant de fascination chez les bloquistes. Ils semblent très déçus de ne pas avoir été l'organisation ou le parti politique ciblé par le SCRS. Manifestement, ils ont un complexe d'envie.

Il faut s'interroger sur l'attitude du Bloc, car la motion tend à vouloir condamner le gouvernement pour son refus de mettre sur pied une commission royale d'enquête sur les activités illégales du SCRS plutôt que l'allégation proprement dite. À mon avis, le Bloc se surpasse réellement dans cette affaire.

J'ai souvent entendu le Bloc accuser le Parti réformiste de réclamer une justice digne du Far West et des peines terriblement rigoureuses contre les criminels mais, au moins, nous croyons que les gens sont innocents jusqu'à ce qu'ils soient reconnus coupables. À mon sens, le Bloc semble déjà présumer de la culpabilité du SCRS avant même qu'il n'ait été reconnu coupable.

Certaines allégations circulent et j'en ai faites moi-même plusieurs mais, autant que je sache, rien ne prouve pour l'instant que le SCRS s'est livré à des activités illégales.

Un nombre considérable d'éléments de preuve indiquent cependant que quelqu'un a commis un méfait, mais est-ce le SCRS qui en est responsable, ou Grant Bristow, ou le gouvernement précédent?

Comment le Bloc peut-il accuser le SCRS d'activités illégales alors que les enquêtes sont en cours? Je ne suis pas la plus grande admiratrice du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, c'est bien évident. Mais je suis disposée à lui donner le bénéfice du doute jusqu'au dépôt du rapport.

Le CSARS fait enquête activement sur le rôle du SCRS dans cette affaire. Je le sais, car j'ai assisté à une séance où l'on a interrogé les représentants du CSARS. Je sais aussi que les membres de cet organisme se sont adressés à un certain nombre de représentants du Parti réformiste, ainsi qu'à des gens qui avaient des renseignements pertinents sur toute cette affaire.

Il n'y a aucune raison de douter de l'efficacité de l'enquête du CSARS. Cependant, une fois l'enquête terminée, c'est à ce moment-là que nous obtiendrons son rapport et que les membres du comité devront déterminer s'il est précis et s'il répond à toutes les questions. Leur intégrité sera alors en jeu.

Si l'on a la preuve que le gouvernement précédent a mal agi, les membres conservateurs du CSARS vont-ils, avec tout le zèle voulu, en faire part dans leur rapport? Comme le dicton le dit si bien, seul l'avenir le dira.

Cela m'encourage cependant de voir que les membres du CSARS ont déclaré vouloir que la plus grande partie possible du rapport soit rendue publique. Je suis encore inquiète au sujet de la définition que donne le CSARS à la sécurité nationale et de la façon dont il se sert de cette notion. Je vais expliquer pourquoi. Le 10 mai, les représentants de l'organisme ont témoigné devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques et, lorsqu'on a discuté du rôle du SCRS et de la question du transfert de technologie, ils ont mentionné que cela se limitait à huit secteurs clés. Lorsqu'on leur a demandé de préciser ces secteurs, ils ont répondu qu'ils ne pouvaient malheureusement pas le faire.

Exactement une semaine plus tôt, le directeur du SCRS, M. Ray Protti, avait témoigné devant le même comité de la justice. Il avait choisi lui aussi de parler du transfert de technologie. Il a déclaré alors que ses services faisaient enquête dans les secteurs de haute technologie, comme l'aérospatiale, le nucléaire, la biochimie et les télécommunications.

Voilà donc un cas où le directeur du SCRS a été plus transparent que l'organisme chargé de le surveiller. Cela n'est certes pas de très bon augure pour ce qui est de la publication d'un rapport vraiment transparent. Toutefois, nous devons laisser au CSARS la possibilité de produire son rapport. Ce rapport sera ensuite communiqué au solliciteur général qui, je crois comprendre, décidera de ce qui peut être rendu public.

(1055)

Le solliciteur général a garanti à la Chambre que son objectif était «de rendre publique une aussi grande partie que possible du rapport». Il a ensuite déclaré qu'il allait demander les avis juridiques nécessaires avant de décider exactement ce qui peut être rendu public.

Je voudrais lui donner un petit conseil. Il faut rendre le rapport public dans sa totalité, à l'exception des sources du SCRS autres que Grant Bristow. Il n'y a aucune raison pour que nous ne puissions discuter ouvertement de toute cette question.

Personne n'a jamais dit que les membres du groupe Heritage Front étaient des génies, mais on peut présumer sans trop de risque d'erreur qu'eux-mêmes s'étaient rendu compte que le SCRS était en train d'enquêter sur eux. De même, on peut parier sans trop de risque de perdre qu'ils pensent à présent que Grant Bristow était un collaborateur. Il n'y a vraiment plus rien à cacher. Alors, pourquoi essayer de le cacher?

Si le solliciteur général ne publie pas le rapport du CSARS dans sa totalité, c'est la crédibilité du SCRS, du CSARS, du ministre et du gouvernement qui en pâtira. Certes, le SCRS a besoin d'être entouré d'un certain secret pour fonctionner efficacement. Cependant, il ne peut fonctionner si les Canadiens ne lui font pas confiance.

Rendre ce rapport public est une affaire de confiance. S'il est publié dans les détails et dans sa totalité, le public fera confiance au SCRS, même s'il y a eu des indiscrétions mineures. Par contre, si une grande partie du rapport est censurée dans l'intérêt de la sécurité nationale, il ne faudra guère compter sur la confiance du public à l'égard du SCRS, même s'il est prouvé qu'il


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n'a rien à se reprocher. Toute censure d'un élément important du rapport du CSARS sera d'office considérée comme de la dissimulation. Dans ce cas, le Parti réformiste non seulement joindra sa voix à celle du Bloc pour réclamer qu'une commission royale se penche sur la question, mais il prendra l'initiative d'une telle démarche.

Les accusations qui ont été portées sont extrêmement sérieuses car elles touchent au coeur même du processus démocratique. Pour nous, réformistes, la question la plus importante est de savoir si le gouvernement précédent s'est servi du SCRS à des fins politiques partisanes. Nous voulons une réponse. À tout le moins, nous savons qu'un solliciteur général conservateur était au courant des efforts du groupe Heritage Front pour infiltrer le Parti réformiste et avait décidé de ne pas en informer notre parti.

Certains demanderont peut-être s'il aurait dû le faire. J'ai posé la question à quelqu'un qui devrait connaître la réponse. Je me suis adressé à Jean-Jacques Blais, un ancien solliciteur général libéral et un des premiers membres du CSARS. M. Blais a répondu que s'il avait été au courant d'une chose pareille lorsqu'il était solliciteur général, il en aurait informé quelqu'un du Parti réformiste. M. Blais, à qui on a demandé pourquoi M. Lewis ne l'avait pas fait, a déclaré qu'il ne pouvait pas répondre pour le gouvernement précédent.

Ce sera intéressant d'entendre l'ancien solliciteur général répondre à cette question lui-même, quand il se présentera devant le Sous-comité sur la sécurité nationale, en octobre. Mais il y a aussi des questions auxquelles des représentants du SCRS devront répondre eux-mêmes.

Qui a pris la décision finale de permettre à Bristow d'assister aux réunions du Parti réformiste? Je ne peux pas imaginer que ce soit l'agent responsable de ce collaborateur. Le simple fait que Bristow-dont on connaissait l'appartenance à une organisation néonazie de défense de la suprématie blanche-ait été vu à un rassemblement du Parti réformiste a eu des conséquences néfastes pour le parti. Les gens du SCRS devaient savoir que sa seule présence pouvait avoir des conséquences négatives pour le parti.

Comme Bristow avait besoin d'une approbation de haut niveau pour assister à ces réunions, nous devons savoir qui a autorisé sa présence et pourquoi. Nous devons savoir pourquoi Grant Bristow a exhorté des membres du Heritage Front à devenir membres du Parti réformiste. Nous devons savoir pourquoi Grant Bristow a même payé à certains membres du Heritage Front la cotisation de 10 $ demandée pour pouvoir adhérer. Nous devons savoir pourquoi Grant Bristow voulait tellement que des membres du Heritage Front adhèrent au Parti réformiste, alors que lui-même refusait d'y adhérer.

(1100)

Nous devons aussi savoir s'il y a un lien quelconque entre toute cette histoire et l'engagement de Bristow envers le Parti progressiste conservateur, qu'on a pu constater quand il a travaillé à la campagne d'Otto Jelinek en 1988.

C'est le genre d'information que nous espérons trouver dans le rapport du CSARS, et nous ne serons satisfaits que lorsque nous aurons obtenu une réponse claire à toutes ces questions. Nous voudrons aussi avoir les réponses à des questions comme celles-ci: Pourquoi Wolfgang Droege a-t-il assisté à de nombreuses réunions du Parti réformiste après en avoir été expulsé? Pourquoi se limitait-il à être présent sans essayer de prendre la parole, sans tenter de distribuer de la documentation ou d'établir des contacts avec des membres de l'auditoire? Pourquoi se faisait-il accompagner aux réunions du Parti réformiste d'une équipe de la télévision locale de Toronto qui le filmait? Surtout, pourquoi Wolfgang Droege semblait-il avoir de l'argent sur lui lorsqu'il était présent à ces réunions?

Ne nous arrêtons pas aux cas de Bristow ou de Droege. Il y a moins de deux semaines, un autre membre du Heritage Front, Max French, a annoncé qu'il serait candidat à la mairie de Scarborough. Au cours de la conférence de presse qu'il a tenue, il a déclaré qu'il était fier d'être membre du Heritage Front et du Parti réformiste. Membre du Heritage Front, certainement, mais sûrement pas du Parti réformiste.

Après l'expulsion d'autres membres du Heritage Front du Parti réformiste, Max French a déclaré que les réformistes étaient des traîtres à la race et qu'ils seraient fusillés lorsque viendrait la révolution. Il n'apparaît pas comme un membre enthousiaste de quelque parti que ce soit lorsqu'il fait des déclarations semblables. Pourquoi a-t-il gardé sa carte de membre du Parti réformiste?

Le CSARS doit répondre à ces questions et le solliciteur général devra communiquer les réponses pour préserver la crédibilité de ce comité.

J'ai déclaré plus tôt que le système démocratique lui-même était en jeu. Je m'explique. J'ai parlé à plusieurs candidats réformistes du sud de l'Ontario, qui m'ont dit qu'ils avaient eu beaucoup de difficulté à surmonter la campagne de salissage menée par le Parti conservateur qui a tenté de faire passer les réformistes pour des racistes. Dans quatre circonscriptions, dont aucune n'était représentée par un député libéral, le Parti réformiste était arrivé deuxième avec un écart de moins de 5 000 voix. Si seulement 10 électeurs par bureau de scrutin dans ces circonscriptions avaient voté pour le Parti réformiste plutôt que pour les libéraux, ce qui ne fut pas le cas parce qu'ils ont été influencés par la campagne de salissage, la composition de la Chambre des communes serait bien différente aujourd'hui.

La campagne de salissage visant à faire passer les réformistes pour des racistes a eu des conséquences considérables et soulève des questions auxquelles il faudra répondre. En ce qui a trait à l'enquête du SCRS, nous sommes prêts à attendre que le CSARS ait terminé son enquête et dépose son rapport. Nous sommes prêts à attendre que le rapport soit remis au ministre et que ce dernier le rende public. Nous n'accepterons pas de camouflage cependant.

Si le rapport du CSARS, qui sera rendu public, ne répond pas à nos questions, nous serons très heureux de nous joindre au député de Bellechasse pour demander la création d'une commission royale d'enquête.

Un certain nombre d'autres questions toutefois ne relèvent pas de la compétence du CSARS. D'autres questions liées à cette controverse devront être tirées au clair, notamment en ce qui concerne le traitement des documents par les adjoints du minis-


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tre au bureau de l'ancien solliciteur général, l'existence d'une loi sur les secrets officiels désuète et la façon dont elle est appliquée. D'autre part, la façon dont l'information gouvernementale est classifiée soulève beaucoup de questions.

Le Sous-comité sur la sécurité nationale examinera ces questions. Bien que nous ayons des préoccupations comparables à celles du Bloc au sujet de la composition politique du CSARS, la composition du sous-comité reflète celle du Parlement actuel. C'est le Sous-comité sur la sécurité nationale qui devrait d'abord se pencher sur ces questions concernant la classification des renseignements protégés, le traitement de documents ayant la cote sécuritaire supérieure et l'examen de la Loi sur les secrets officiels.

(1105)

Si le sous-comité ne trouve pas de solution à ces questions, il sera alors justifié d'ordonner une autre commission royale d'enquête sur la sécurité au Canada.

Avant tout, la Chambre doit s'efforcer d'éclaircir toute cette affaire pour éviter que les contribuables canadiens n'aient à assumer le coût d'une autre commission royale. Nous avons tous les outils qu'il nous faut. Le SCRS mène une enquête interne. Cet organisme rédige un rapport de surveillance et le Comité sur la sécurité nationale fait enquête.

Nous devons absolument être décidés à nous montrer entièrement responsables face à la population canadienne. Ce n'est qu'en lui rendant compte de toutes nos actions que nous garderons l'appui des Canadiens et leur confiance dans le travail que nous essayons d'accomplir.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Madame la Présidente, le moins qu'on puisse dire, c'est que la motion du Bloc pose des problèmes.

Le Bloc a cerné lui-même l'un de ces problèmes lorsque l'auteur de la motion a reconnu qu'il y manquait malheureusement un mot clé, à savoir le mot «allégations». À l'origine, la motion faisait allusion à des activités illégales du SCRS comme s'il avait été prouvé que de telles activités avaient bel et bien eu lieu.

Comme je l'ai déjà dit à la Chambre et à l'extérieur de la Chambre, les nombreuses allégations qui ont été faites récemment au sujet des activités du SCRS ne sont jusqu'à maintenant que des allégations, justement. À propos, il est important de signaler que ces allégations concernent une période qui remonte à bien avant que notre gouvernement ne soit en place et que je n'entre en fonction comme solliciteur général.

Avant de conclure que le SCRS a agi dans l'illégalité, il faut bien analyser la situation et avoir des preuves fondées sur des faits précis en rapport avec le cadre légal que le Parlement a donné aux activités du SCRS et avec d'autres lois pertinentes aussi.

C'est pourquoi je crois que les Canadiens devraient attendre le rapport de l'enquête que mène le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité au sujet, je le répète, de ce qui n'est encore que des allégations.

Lorsque le Parlement a adopté la Loi constituant le Service canadien du renseignement de sécurité, en 1984, il a créé le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité pour que celui-ci lui fournisse, ainsi qu'aux Canadiens en général et au solliciteur général, une analyse indépendante des activités du SCRS.

Au fil des années, cet organisme a fourni une analyse approfondie des activités du SCRS au Parlement et à la population en général et a présenté des recommandations visant à assurer que le SCRS continue de fonctionner comme le souhaitait le Parlement lorsqu'il a adopté la Loi constituant le SCRS.

Une série de rapports successifs du CSARS-et je parle ici de rapports auxquels la population a accès-montrent que, en tant qu'organisme permanent qui est indépendant tant du SCRS que du gouvernement, le CSARS a trouvé des choses à améliorer au sein du SCRS depuis la création de celui-ci, il y a plus d'une dizaine d'années. Il a aussi pu confirmer que le SCRS travaille dans l'intérêt de tous les Canadiens.

(1110)

Le fait que le CSARS a été créé justement pour s'acquitter de la tâche dont l'opposition officielle parle dans sa motion, quand elle dit que nous avons besoin d'une commission royale.

En effet, le CSARS est là pour procéder à l'examen de toutes les tâches et fonctions du SCRS. De façon plus précise, en vertu de l'article 54 de la loi, le CSARS peut enquêter sur toute affaire qui concerne les tâches et fonctions du SCRS, puis fournir au solliciteur général un rapport spécial sur l'enquête menée.

Procéder à un examen portant sur cette affaire et rédiger un rapport spécial, voilà précisément ce que le CSARS a entrepris de faire à la suite des récentes allégations. L'organisme a fait savoir qu'il avait l'intention de publier un rapport le plus tôt possible. Il a signalé qu'il avait l'intention de rendre public son rapport dans le courant du mois d'octobre.

Le CSARS a accumulé une somme de connaissances et d'expériences qui, à mon avis, se révéleront extrêmement précieuses dans le cadre de l'enquête en cours.

Dans sa motion, l'opposition officielle réclame la création d'une commission d'enquête. Qu'est-ce qu'une commission d'enquête? C'est un particulier ou un groupe de particuliers indépendants du gouvernement, nommés par décret, donc par le Cabinet, et dotés de pouvoirs étendus lui permettant de se pencher sur une ou des questions d'intérêt public.

Le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité est un groupe de particuliers nommés par décret, c'est-à-dire par le Cabinet, en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, et chargés d'examiner des questions importantes touchant les activités du SCRS et d'en rendre compte.

Comme toute autre commission royale, il est indépendant du gouvernement. Il fonctionne de façon indépendante du SCRS et du ministre. Il possède des pouvoirs étendus qui lui permettent d'exécuter son mandat. Voilà pourquoi, à mon avis, il agit à la manière d'une commission royale permanente, avec le mandat d'examiner les activités du SCRS et d'effectuer des enquêtes spéciales sur celles-ci, de son plein gré ou à la demande du ministre.


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Nous avons déjà mis en place ce que le Bloc québécois réclame dans sa motion. Le porte-parole du Parti réformiste a très bien parlé quand il a dit que l'organisme fait déjà son travail. Il n'y a donc pas lieu de créer une autre commission qui, si l'on s'en tient aux commissions royales antérieures, occasionnerait aux contribuables d'énormes dépenses supplémentaires.

[Français]

Le Parlement a créé le CSARS expressément pour s'assurer que les situations de présumées actions fautives, comme celles dont nous sommes saisis aujourd'hui, font l'objet d'enquêtes impartiales.

De plus, la loi accorde de vastes pouvoirs au CSARS pour qu'il puisse remplir son mandat. Le CSARS est autorisé selon la loi à obtenir du SCRS toute information dont il a besoin pour s'acquitter de ses responsabilités, y compris des documents, des rapports et des explications. De toute évidence, le CSARS a les compétences et les pouvoirs nécessaires pour remonter aux origines des allégations qui nous sont présentées.

L'opposition officielle n'a pu démontrer la nécessité de mettre sur pied un autre organisme d'examen qui ferait exactement ce que le CSARS est déjà autorisé et apte à faire.

[Traduction]

Comme je l'ai mentionné, j'ai l'intention-c'est là mon objectif-de rendre publique la plus grande partie possible du rapport du CSARS sur les récentes allégations, compte tenu des exigences relatives à tout texte de loi. J'ai l'intention de faire connaître les conclusions du rapport de mon mieux. En fait, si la loi le permet, j'aimerais rendre public le rapport tout entier. Cependant, la porte-parole de l'opposition officielle a elle-même fait remarquer que, dans le cas d'un rapport de cette nature, on aurait raison de ne pas publier certaines parties du texte. Nous devrions tenir compte de son opinion.

(1115)

L'enquête du CSARS et l'élaboration de son rapport devraient se poursuivre. Le CSARS devrait évidemment prendre le temps qu'il faut pour bien faire le travail, mais comme je l'ai dit un peu plus tôt, ce comité a déjà signalé qu'il terminerait le travail dès que possible et qu'il prévoyait présenter son rapport en octobre.

Je devrais aussi ajouter que la Loi sur le SCRS stipule que c'est l'inspecteur général qui doit présenter au ministre un rapport sur le SCRS. Or, l'inspecteur général a déjà affirmé publiquement qu'il entreprenait lui-même un examen des politiques et des procédures concernant l'utilisation des sources humaines par le SCRS et le traitement des documents du SCRS. Ces rapports constitueront une autre source précieuse d'information et d'analyse pour déterminer s'il faut intervenir à l'égard des allégations formulées au cours des derniers mois.

Je voudrais affirmer à nouveau que je n'hésiterai pas à prendre des mesures correctives si les informations recueillies prouvent qu'il existe effectivement, au sein du SCRS, certains problèmes

qui doivent être réglés. Je ne crois pas qu'il soit juste ou raisonnable de porter des jugements à l'avance, comme le fait le Bloc québécois dans sa motion, sur la valeur ou la qualité du travail du CSARS, avant même que ce travail ne soit terminé.

Finalement, je pense que ce que réclame le Bloc, dans sa motion, n'est pas vraiment nécessaire, puisque le Parlement, lorsqu'il a adopté la mesure législative définissant le cadre de fonctionnement du SCRS, a créé un mécanisme de surveillance de ce service. Il a mis sur pied le CSARS qui, je le répète, me fait beaucoup penser à une commission royale qui serait expressément chargée d'examiner, en permanence, les activités du SCRS.

Je pense que nous devrions permettre à cet organisme de terminer son travail sur les allégations qui ont été faites récemment et utiliser ensuite son rapport, que j'ai l'intention de rendre publique la plus grande partie possible du rapport, en tenant compte des exigences de la loi. On pourra alors, à la lumière des preuves présentées, décider des mesures à prendre, si mesures il y a, au sujet de problèmes touchant les activités du SCRS.

J'estime cependant que ce que réclame le Bloc, dans sa motion, n'est pas nécessaire. Cela fait double emploi avec le travail d'un organisme qui a été créé par le Parlement et qui remplit les fonctions d'une commission royale. Nous devrions permettre au CSARS de terminer son travail pour qu'il puisse présenter son rapport, que nous puissions le lire et prendre les mesures qui pourraient s'imposer.

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Madame la Présidente, j'ai été heureuse d'entendre le solliciteur général reconnaître qu'il allait prendre en considération mes observations sur la nécessité de rendre le rapport public presque intégralement. J'espère qu'il a pris note du fait que la seule exclusion que j'aie faite portait sur les noms d'autres sources que Grant Bristow. Je crois que tout le reste devrait être rendu public.

Je sais qu'une partie de la législation dont il se servira pour juger de sa latitude est périmée. Le ministre pourrait-il me garantir qu'il fera preuve d'une certaine souplesse dans l'interprétation de ces dispositions législatives périmées afin de ne pas être limité et lié par une classification de documents qui ne s'applique pas dans le cas présent.

Je souhaiterais que le ministre m'assure qu'il sera ouvert dans l'interprétation de cette législation pour que le processus soit plus transparent.

(1120)

Je voudrais également profiter de l'occasion pour demander au ministre de nous garantir qu'il appuiera les efforts déployés par le Sous-comité sur la sécurité nationale en vue d'approfondir encore davantage cette affaire au-delà de ce que le CSARS peut faire. J'espère qu'il apportera toute sa collaboration et persuadera les ministériels d'appuyer le sous-comité qui va chercher à connaître les tenants et aboutissants de toute cette affaire.


6306

M. Gray: Madame la Présidente, je remercie la députée de ses observations. Je veux préciser clairement que les avis juridiques que je vais essayer d'obtenir ne peuvent se limiter aux observations de la députée, aussi utiles et bien intentionnées soient-elles.

La députée affirme qu'une certaine loi est désuète. Je suppose qu'elle parle de la Loi sur les secrets officiels. C'est peut-être le cas, mais, puisque cette loi a été adoptée par le Parlement, je ne peux faire comme si l'actuelle loi n'existait pas, quel que soit mon point de vue personnel au sujet de sa pertinence.

C'est pourquoi je dois demander aux juristes de la Couronne de me dire jusqu'où je peux aller dans la divulgation du rapport du CSARS en respectant la loi applicable. Je veux être très ouvert et franc, mais je le répète, je ne suis pas en mesure de faire fi des lois pertinentes en la matière qui ont été adoptées par le Parlement.

Chose certaine, le travail du sous-comité peut être très utile. Je n'en sais rien au juste, mais il se peut que le comité décide à un moment donné d'examiner la pertinence des dispositions actuelles de la Loi sur les secrets officiels.

Cependant, comme je l'ai dit, tous les députés dans cette enceinte sont encore liés par la loi pertinente en la matière qui a été adoptée par la Chambre et le Parlement. Nous devons tous en tenir compte dans le cadre de nos activités.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Madame la Présidente, je pense que le solliciteur général du Canada a mal saisi la demande de l'opposition officielle. Ce n'est pas un caprice de demander qu'il y ait une commission royale dans ce cas-là.

Si on regarde l'histoire, on a eu la Commission McDonald, qui était une commission royale. Il y a eu la Commission MacKenzie, qui était une autre commission royale. Entre-temps, il y a eu des comités mixtes qui ont examiné la question de la sécurité nationale. Les seuls que le Parlement, ici présent, a accepté de suivre, ce sont les rapports des commissions royales d'enquête qui sont la Commission McDonald et la Commission MacKenzie. On en a tout le temps fait fi des comités mixtes. On a toujours suivi deux ou trois petites recommandations très mitigées pour modifier la loi.

En créant une commission royale, je pense qu'on ferait le point clairement, nettement et précisément, ce qui serait peut-être même à l'avantage du Service canadien du renseignement de sécurité, qui, de plus en plus, perd toute crédibilité chez les contribuables.

Vous allez me dire, monsieur le solliciteur, vous qui semblez avoir une confiance quasi-aveugle au CSARS, comment se fait-il que le CSARS n'ait pas vu les éléments que les journaux ont rapportés récemment au niveau des allégations, comme vous dites? Parce que ce sont des allégations, semble-t-il, qui ont été faites, pour des choses qui se sont produites durant les années 1990 et 1991. On est en 1994. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse d'interrompre l'honorable député, mais ce dernier se rappelle sans doute que les questions doivent être adressées à la Présidence. On ne peut directement interroger le ministre concerné. Alors, je cède la parole à l'honorable ministre pour répondre à la question.

[Traduction]

M. Gray: Madame la Présidente, la Commission royale McDonald a été établie a un moment où il n'existait rien d'équivalent au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. Le service de sécurité de la GRC ne fonctionnait pas dans un cadre légal précis comme le fait le Service canadien du renseignement de sécurité et il n'existait aucun mécanisme de surveillance ou d'examen. Il fallait à ce moment-là mettre sur pied un organisme pour faire le genre de travail que le CSARS a le mandat de faire aujourd'hui conformément à la loi pertinente. La situation était alors tout autre.

Nous avons maintenant un service civil de sécurité auquel le Parlement a donné un mandat et un pouvoir spécifiques qui ne sont pas sans limite. Par exemple, ce service ne peut pas examiner des questions de dissidence légale, des questions de promotion ou de contestation légale d'une cause. Cela est nettement prévu dans la loi.

(1125)

La situation est tout autre aujourd'hui. Le cas de la Commission McDonald n'est pas pertinent car, je le répète, il remonte à un temps où il n'y avait aucun service civil de sécurité fonctionnant à l'intérieur d'un cadre légal spécifique et étant l'objet d'un système de surveillance comme c'est le cas à l'heure actuelle.

Enfin, le député me demande si le CSARS a été saisi de certaines allégations. Comme le CSARS est un organisme indépendant, je ne suis pas en mesure de le dire.

Je dirai pour conclure que je suis toujours surpris par l'intérêt que les bloquistes portent à tout ce qui est «royal» et par l'insistance qu'ils mettent à demander la création d'un organisme royal. M. Parizeau serait peut-être très fâché de voir que le Bloc réclame, à la Chambre, la création d'une commission royale d'enquête.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui sur la motion du Bloc québécois, car je suis d'avis qu'il est urgent qu'un tel débat se fasse. La question que nous devons nous poser est pourquoi nous demandons aujourd'hui une commission royale d'enquête sur les activités du Service canadien du renseignement de sécurité.

J'utilise le terme «commission royale d'enquête», non pas parce que je suis royaliste, mais parce que j'utilise les armes et les outils que ce Parlement met à notre disposition. Et j'aimerais que vous disiez au solliciteur général, madame la Présidente, qu'il se rassure: dans un Québec souverain, on n'utilisera pas le terme d'une commission d'enquête royale, mais une commission d'État, une commmission d'enquête de l'État du Québec souverain.


6307

Des voix: C'est ça!

M. Bellehumeur: Cela étant dit, il faut peut-être, pour comprendre toute la problématique, regarder l'origine de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. On se rendra compte que cela remonte à la commission d'enquête sur certaines activités de la GRC, qui est connue sous le nom de la Commission McDonald. Le rapport a été publié en 1981. Cette commission avait été créée en 1977, à la suite de la mise à jour d'une série de pratiques et d'actes illégaux du défunt service de sécurité de la GRC.

La Commission McDonald a donc fait la lumière sur les agissements illicites de la part d'une institution soi-disant réputée et respectée par la majorité du Canada anglais, et je parle de la Gendarmerie royale du Canada, mieux connue sous le sigle GRC. Il est important de remonter jusqu'aux années 1970 pour vraiment comprendre l'histoire des services secrets au Canada, mais avant, faisons une petite rétrospective de la loi ayant créé le service secret canadien.

En 1966, la GRC est passée sous la responsabilité du solliciteur général du Canada, lorsque son portefeuille a été élevé au rang de ministère. Jusqu'alors, la force policière relevait de l'autorité du ministre de la Justice. La réorganisation de 1970 était attribuable au rapport de la commission royale d'enquête, la Commission MacKenzie, qui a publié son rapport en 1969. La principale recommandation de la Commission MacKenzie était la création d'un organisme civil de sécurité. Elle jugeait les fonctions de sécurité incompatibles avec le rôle de la police ordinaire et estimait que la direction des opérations spéciales n'avait ni la complexité, ni la capacité d'analyse nécessaire pour s'acquitter de son rôle en matière de sécurité.

La Commission recommandait également l'adoption d'une loi sur l'usage par l'agence de sécurité de techniques d'enquête par intrusion ainsi que l'amélioration du système de filtrage sécuritaire, en y incorporant, notamment, une procédure d'appel. C'est ainsi qu'on a assisté à la création du service de sécurité et à la nomination d'un directeur général civil. Alors qu'auparavant on pouvait reconnaître les gens de la GRC à leurs petits habits rouges, ils étaient maintenant encore moins reconnaissables et plus tard, vous en conviendrez avec moi, ils sont devenus méconnaissables.

Revenons donc aux années 1970. C'est pendant ces années que tout se gâte. On observait que les membres en habit rouge, contrairement au niveau civil, se trouvaient tous dans des positions de pouvoir. Par exemple, à la fin des années 1970, aucun membre civil n'occupait un poste équivalent à celui d'officier dans une sous-direction de planification ou d'opération. Par conséquent, les employés de la GRC se trouvaient tout puissants. En plus d'avoir des pouvoirs policiers, ils jouissaient d'une grande autonomie par rapport à la structure. Les civils ignoraient pratiquement tout de ce qui se passait dans cette section de la GRC.

(1130)

Fait ironique, en 1994, la même chose se produit avec le Service canadien du renseignement de sécurité, mais cette fois-ci, c'est le Parlement et toute la population canadienne et québécoise qui demeurent dans la noirceur des services secrets, qui se posent des questions sans obtenir de véritables réponses. Le fait qu'aucun élu ne pouvait s'approcher ou surveiller la GRC à cette époque a fait en sorte que des abus se produisent. Et, croyez-moi, il y en a eu des abus.

La crise d'octobre de 1970 a pris tout le monde par surprise: la population québécoise et le gouvernement lui-même. En imposant la Loi sur les mesures de guerre, M. Trudeau, premier ministre du Canada de l'époque, ne savait pas qu'il mettait en liberté un chien enragé. J'espère, j'ose espérer qu'il ne le savait pas, et je veux croire qu'il ne le savait pas.

Le gouvernement a réalisé qu'il connaissait mal le souverainisme des Québécois. Il a donc demandé à la GRC d'adopter une stratégie active dans ce domaine, soit d'obtenir toutes les informations possibles sur les méchants séparatistes.

Dans plusieurs cas et de nombreuses circonstances, les membres du Service de sécurité ont commis des actes extrêmement illégaux et je pense que ça vaudrait la peine de rappeler certains gestes que la GRC a posés à cette époque-là: l'incendie d'une grange afin d'empêcher une réunion de présumés séparatistes ou de souverainistes, l'entrée par effraction dans les bureaux d'une agence de presse de gauche de Montréal, le vol et la destruction de certains dossiers, l'entrée par effraction dans les locaux du Parti québécois, un parti légitime, et même le vol de listes de membres du parti démocratiquement reconnu.

Quand je me rappelle cette époque-là, je frissonne de rage. C'est une page de l'histoire du Canada peu reluisante, surtout quand je pense que l'un d'entre eux, M. Normand Chamberland, le même qui a été accusé de vol de dynamite durant cette période-là, se retrouve aujourd'hui avec une promotion au sein du Service canadien du renseignement de sécurité, à titre de sous-commissaire pour le Québec, rien de moins.

Il faut croire que ceux qui sont censés appliquer la loi peuvent la violer de temps en temps et même obtenir des récompenses pour cela. Il est aussi important de noter que les abus de la GRC ne se sont pas limités à la période des années 1970 ou aux abus commis contre les souverainistes québécois. La Commission McDonald a révélé que d'autres activités illégales avaient été exercées, telles que l'ouverture de courrier, l'accès illégal à des renseignements supposément confidentiels du gouvernement, la prostitution planifiée, le chantage et d'autres actes qui se pratiquaient depuis de nombreuses années en rapport avec divers aspects de la sécurité nationale, de l'espionnage, du contre-espionnage à la subversion.

La principale recommandation du rapport McDonald préconisait la création d'un service de sécurité à caractère civil et entièrement distinct, et ce, pour les mêmes raisons que la Commission MacKenzie, à savoir la nécessité d'une réorganisation vers la collecte et l'analyse d'informations plutôt que vers la dissuasion ou la répression. Par conséquent, le nouvel organisme proposé aurait un mandat défini par la loi qui indiquerait les menaces à la sécurité du Canada sur lesquelles il serait autorisé à faire enquête. La définition comprendrait quatre domaines: le premier l'espionnage et le sabotage; le deuxième, l'ingérence étrangère; le troisième, la violence politique et le terrorisme, et


6308

enfin, la subversion révolutionnaire, c'est-à-dire les activités visant la destruction du régime démocratique.

Le rapport recommandait également qu'il soit interdit au nouvel organisme de faire enquête sur des activités légitimes de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord, et que celui-ci n'ait pas le pouvoir d'appliquer les mesures de sécurité.

Tout cela a conduit au rapport McDonald qui a été publié en 1981, et le gouvernement a indiqué qu'il acceptait la recommandation principale, soit la création d'un service civil de renseignement de sécurité. C'est ainsi qu'au ministère du Solliciteur général un groupe spécial de transition a été créé afin d'adopter un projet de loi à cet effet.

En 1983, le projet de loi C-157 a été déposé à la Chambre des communes afin de créer le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, selon les structures proposées par la Commission McDonald, avec toutefois d'importantes modifications et additions.

Suite à de vives critiques de la part du public, car il donnait un mandat trop vaste, il est mort au Feuilleton. Au cours de la deuxième session de la 32e Législature, un nouveau projet de loi a été déposé en cette Chambre et cette fois-ci, il portait le numéro C-9, qui incorporait, à toutes fins pratiques, toutes les recommandations du comité qui avait étudié la question; cela a été proposé tel quel au Parlement et été adopté, pratiquement sans aucune modification en 1984.

(1135)

Cette loi devait circonscrire les activités du Service canadien du renseignement de sécurité et créer des organismes de contrôle et de surveillance dont le but est de veiller à ce que le Service canadien du renseignement de sécurité n'outrepasse pas les limites de son mandat.

La disposition centrale du projet de loi est la définition de l'expression «menace envers la sécurité du Canada» qui détermine le cadre général du SCRS. La définition précise également que les activités licites de défense d'une cause de protestation ou de manifestation d'un désaccord sont sans rapport avec l'expression. En mettant en application cette définition par rapport aux allégations révélées dans les journaux, particulièrement au sujet de l'espionnage en partie démocratiquement reconnu, et, encore une fois, l'histoire se répète, de l'investigation de la CBC, de certains leaders du Congrès juif canadien, ce n'est pas une mince tâche.

Il faut croire que les membres du SCRS ont de la difficulté avec la définition des activités licites de défense d'une cause. En tout cas, si le passé est garant de l'avenir, nous pouvons penser que les membres du Service ont la même mentalité que l'ancienne section secrète de la GRC et cela n'augure pas bien pour le Service canadien du renseignement de sécurité. Nous avons le droit de savoir et nous avons le droit de réclamer une commission royale d'enquête.

En ce qui a trait aux fonctions de base du service secret, celles-ci sont énoncées à l'article 12: faire enquête et recueillir, analyser et conserver des informations et des renseignements sur les menaces envers la sécurité. Aux termes de l'article 13 de la loi, le Service canadien du renseignement de sécurité pourra fournir des évaluations de sécurité à l'égard de futurs employés du gouvernement. Enfin, en vertu de l'article 16, le Service se voit accorder le rôle d'aider à la collecte de renseignements dans le domaine de la défense et des affaires internationales au moyen d'enquêtes et d'activités de surveillance à l'égard de personnes qui ne sont ni citoyens canadiens ni résidents permanents.

Alors que nous avons brossé un tableau historique des services secrets au Canada et de leurs agissements douteux qui soulèvent toujours dans mon esprit, et dans l'esprit de plusieurs contribuables au Canada et au Québec, une série de questions, il y en a une qui nous vient en tête et nous sommes en droit de demander: «Qui surveille l'agence secrète qui nous surveille?»

On oserait croire qu'en 1994, le contrôle de nos institutions se ferait par des gens élus démocratiquement et qui représentent de façon légitime le Parlement canadien actuel. Non, ce n'est pas ainsi que ça se passe au Canada en 1994. Ainsi, la loi a établi le Bureau de l'inspecteur général et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité mieux connu, comme on l'a mentionné tantôt, sous le nom de CSARS.

Le premier, dont le titulaire est nommé par le gouvernement en conseil, a pour tâche de surveiller les opérations du SCRS et de faire rapport à ce sujet au solliciteur général et au CSARS, ainsi que de contrôler la légalité et la pertinence de ses opérations.

Le CSARS est composé au maximum de cinq membres du Conseil privé, nommés par le gouverneur en conseil après consultation du premier ministre avec les chefs des partis d'opposition à la Chambre des communes. Vous verrez que ce n'est pas toujours la situation. Son rôle est de passer en revue les opérations du SCRS et de faire rapport au ministre et au Parlement.

En ce qui concerne le rapport au Parlement, il y a de quoi rester sur sa faim. Les parlementaires ignorent à peu près tout, on ne sait rien de ce qui se passe au sujet du Service canadien du renseignement de sécurité. Il y a des millions de dollars en jeu dans ce département et le Parlement, l'organe suprême de ce système, ne sait pratiquement rien.

Ceux qui guettent le Service canadien du renseignement de sécurité n'ont jamais été élus à leur poste. Ils ont plutôt des nominations politiques, on écarte volontairement les députés.

Croyez-vous que ça me rassure de savoir que ce sont majoritairement des conservateurs qui enquêtent sur des allégations et des faits qui se seraient passés sous un régime conservateur? Non, ça ne me rassure pas, ça m'inquiète même. Qui sont ces valeureux chiens de garde? On les appelle des watchdogs en anglais. Certains journalistes disent avec humour que ce sont plutôt des lapdogs. Trois d'entre eux sont des amis de l'ancien premier ministre du Canada et très près du Parti conservateur. Un autre vient des rangs du Parti libéral du Canada, soit l'ancien président du Parti libéral du Canada. Vous savez, l'avocat qui charge 250 000 $ pour faire une espèce d'enquête avec certains représentants des autochtones, comme hobby, parce que c'est pour lui un hobby, il siège au comité de surveillance. On est bien protégés!


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(1140)

Le dernier membre est une nomination issue des rangs du Nouveau Parti démocratique. Depuis que je siège sur le Comité de la justice et des affaires juridiques ainsi que sur le Sous-comité sur la sécurité nationale-ce dernier comité, je ne l'ai jamais vu, je ne sais s'il n'est pas intéressé à nous rencontrer ou à faire l'emploi-j'ai des doutes sur le rapport qu'ils pourront tous ensemble nous soumettre.

Où sont les membres représentant l'actuelle opposition officielle? Où est le membre qui représenterait l'autre parti d'opposition en cette Chambre? Nulle part. Il faut se fier à cinq personnes qui ont été nommées par nos prédécesseurs et qui enquêtent sur des activités extrêmement importantes et qui touchent leur propre allégeance politique.

La principale objection à la création du CSARS était sans doute pour faire une vérification ou pour surveiller les allégations mais, dans les faits, rien n'est de tel.

Aussi fou que cela puisse sembler, lorsqu'on a parlé de former ce nouvel organisme qui s'appelle le Service canadien du renseignement de sécurité, il y avait certains députés et certains partis de l'opposition qui disaient: «Il ne faut pas créer un organisme civil, il faut tout simplement donner un encadrement très spécial à la GRC, avec une loi très spécifique pour ne pas qu'il déborde, etc.

Cela paraît drôle, en tout cas pour quelqu'un qui vient du Québec et qui a vécu les années 1970 qui ont marqué l'histoire du Québec; je ne parle pas de moi personnellement, car je n'étais pas tellement vieux à cette époque. Il est un petit peu ridicule de refaire confiance à cet organisme-là, mais, malgré tout, certains pensaient que la GRC pouvait continuer à faire ce travail.

Le seul élément que je trouve rassurant est que, lors de la création du Service canadien du renseignement de sécurité, des gens trouvaient son mandat trop large et étendu. Alors, sur cet élément, je me retrouve enfin. L'histoire confirme qu'ils ont eu raison de dire que le mandat était trop large.

La définition du terme «menace» est également très controversée. Sur ce point, je suis en accord avec ceux qui trouvaient à l'époque que la définition de «menace» est formulée en termes si vagues qu'elle vise une multitude d'actes qui n'ont rien à voir avec la véritable sécurité. L'actualité confirme aussi ce point.

Le gouvernement a adopté la position selon laquelle il faut interpréter la définition dans le contexte, d'une part, des dispositions qui protègent la dissidence légitime et limitent les pouvoirs de l'organisme à ceux qui sont strictement nécessaires et, d'autre part, du nouveau système de contrôle et de surveillance. Dans ce contexte, selon le gouvernement, la définition est raisonnable.

Pour ma part, lorsque je regarde de plus près les pouvoirs d'enquête et l'information à laquelle a droit CSARS, cela me fait peur et même très peur.

Un autre sujet de préoccupation est la portée du système du mandat qui autorise le Service canadien du renseignement de sécurité à utiliser n'importe quelle technique d'enquête. À mon avis, les deux points les plus inquiétants se situent au niveau de la surveillance des activités de l'organisme: le premier concerne l'accès à l'information accordé au bureau de l'inspecteur général, et l'autre, l'accès à l'information au CSARS.

Il faut bien l'avouer, on m'a dit que lorsque le CSARS a comparu devant le Sous-comité sur la sécurité nationale, ils avaient accès à tous les documents possibles et imaginables. Oui, ils ont accès à ces documents si le Service canadien du renseignement de sécurité veut bien leur donner. Mais ce n'est pas ce qui arrive, en réalité.

En plus, le CSARS n'a pas accès aux documents des cabinets. Pourtant, l'actualité nous a démontré qu'un adjoint d'un ancien solliciteur général du Canada pouvait partir avec deux caisses de documents, sans aucun problème, alors que le CSARS, lui, n'a ni vu ni connu ces documents-là. Je pense qu'on est vraiment dans le domaine de la fiction.

Pourquoi ne pas mettre ce pouvoir d'enquête entre les mains de personnes qui ont intérêt à obtenir la vérité et qui sont capables de rassurer la population? D'ailleurs, lors de l'étude du projet de loi C-157, il en a été question. On avait étudié la possibilité de créer une surveillance parlementaire, tel que recommandé par la Commission McDonald. Les deux partis d'opposition et certains députés du côté ministériel de l'époque appuyaient l'idée d'un comité parlementaire spécial ayant accès aux renseignements de l'organisme afin que le Parlement soit assuré que le Service canadien du renseignement de sécurité agit dans les limites de son mandat.

Madame la Présidente, vous me faites signe qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, pourtant, on aurait pu en parler encore longtemps.

Je voudrais que le gouvernement sache qu'il n'est pas vrai qu'on va avoir une réponse définitive et qu'on va obtenir des réponses à nos questions en remettant tout simplement cela entre les mains du CSARS. J'ai siégé et je siège sur le Sous-comité de la sécurité nationale. Lorsqu'on est rendu à dire à un élu du peuple, à un légitime du système, qu'ils ne sont pas là pour nous répondre, ni oui ni non, il y a un problème. Il y a un gros problème. Le système est malade. Le Service du renseignement de sécurité est devenu un monstre que personne ne peut plus contrôler, même pas les parlementaires, et cela est inadmissible en 1994.

(1145)

C'est pourquoi seule une commission royale d'enquête pourrait vraiment faire la lumière sur ce sujet. Les contribuables, les payeurs de taxes, pourraient obtenir satisfaction quant aux questions qu'ils se posent depuis sa création en 1984.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Madame la Présidente, justement, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la présentation qui a été faite par mon honorable collègue de l'opposition. Dans un premier temps, le député fait allusion aux événements de 1970 et je crois


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que le député en cause fait aussi allusion à une époque plutôt difficile, mais on n'est pas ici pour faire un deuxième procès qui a déjà eu lieu, un premier procès ayant déjà eu lieu grâce à la Commission McDonald et aussi avec l'établissement du CSARS et du Service du renseignement de sécurité du Canada.

Aussi, ce que je trouve curieux, c'est qu'on parle toujours des abus qui ont plus ou moins eu lieu au Canada, mais jamais il nous a parlé des années 1950 par contre. Il ne nous a pas parlé de la Loi du cadenas de l'Union nationale. On s'en est pris aux travailleurs à Asbestos en 1949. On s'en est pris à mes commettants à Murdochville. C'est cela que je trouve très curieux, c'est qu'on ne tient pas compte des abus qui ont eu lieu, soit dans un certain cas au niveau fédéral, mais surtout au niveau provincial.

Je ne suis pas ici pour faire le procès de la province ou du pays, mais je voudrais quand même faire savoir à l'honorable député que nous avons créé le CSARS pour nous assurer une présence civile, une présence qui est plus ou moins à distance, si vous voulez, du SCRS et du gouvernement comme tel. Nous attendons justement le rapport qui sera soumis par le CSARS dans les prochaines semaines et je suis convaincu que nous serons tous satisfaits. Enfin, je le souhaite fort bien. Nous allons voir ce que nous pourrons discuter ici, à la Chambre, devant les députés de l'opposition.

M. Bellehumeur: Madame la Présidente, je pense que ce n'était pas formulé sous forme de question, mais je pense aussi qu'il a fait des allégations interrogatives et c'est encore pire.

Il dit que j'ai fait référence aux événements de 1970. Effectivement. Je ne pense pas qu'il faut reculer à 1950 sur des problèmes provinciaux, alors que la GRC relève exclusivement du domaine fédéral. On est ici pour ne pas faire de chevauchements supplémentaires, c'est de respecter l'actuelle Constitution et les systèmes actuels. Par la suite, lorsque le Québec aura décidé de son avenir, ce sera une autre paire de manches.

Je dois dire au député que si on regarde ce qui s'est passé dans les années 1970 et si on regarde ce qui se passe actuellement en ce qui a trait aux informations qu'on a obtenues au niveau de la CBC, au niveau de certains membres du Congrès juif de Toronto, qui auraient été investigués par le Service, lorsqu'on pense que le Service a pu financer, a pu aider la formation du Heritage Front, lorsqu'on pense que Bristow qui était un des membres du Heritage Front était également le garde du corps d'un chef de parti reconnu, je pense qu'on est capable de faire des similitudes entre les années 1970 et 1994. Il y a encore motif aujourd'hui à demander une commission royale d'enquête comme, en 1977, lorsque la Commission royale McDonald a commencé ses auditions. Tout cela, c'est pour donner des réponses aux questions que nous nous posons depuis ce temps-là et auxquelles on n'a jamais de réponses.

On a seulement à lire les petits rapports Harlequin que le CSARS fait une fois par année, depuis deux ou trois ans, pour se rendre compte que ce n'est pas avec cela qu'on va être capable d'avoir des réponses nous, parlementaires, nous, élus démocratiquement par la société pour contrôler et pour surveiller les dépenses de ce pays-là. Ce n'est pas avec les petits documents que le CSARS produit de temps en temps qu'on va être capable de faire un suivi dans ces activités-là. C'est une commission royale, et je pense qu'on a assez de matières, assez d'éléments, assez d'allégations pour en créer une commission royale d'enquête. Si c'était si futile, pourquoi l'inspecteur général du Service canadien du renseignement de sécurité est-il dans le coup? Pourquoi le CSARS est-il dans le coup? Pourquoi sont-ils tellement sur les nerfs lorsqu'ils nous rencontrent, nous, du service du Sous-comité de la sécurité nationale?

(1150)

Pourquoi des parlementaires ont cru bon de créer le Sous-comité sur la sécurité nationale pour étudier toutes ces allégations? Parce qu'il y avait un motif sérieux. Mais, malgré tout ça, on n'aura pas de réponse et les réponses viendront uniquement suite à une commission royale d'enquête qui étudierait tout ce fonctionnement. Là, on aurait des réponses à nos questions.

[Traduction]

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Madame la Présidente, je voudrais demander au député du Bloc pourquoi il n'est pas prêt à donner au CSARS la possibilité de prouver qu'il n'est pas capable de nous présenter un rapport satisfaisant.

Le député, et probablement la plupart des autres députés aussi, savent ce que je pense de la composition du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. Je n'approuve pas du tout la composition de ce comité, pas plus que ses méthodes. Cependant, je crois que nous devrions le laisser faire son travail. Ensuite, nous jugerons si le rapport convient ou non et s'il contient tous les faits que la population canadienne doit connaître.

Pourquoi le député ne veut-il pas attendre? Pourquoi ne laisse-t-il pas le CSARS terminer son rapport qu'il pourra alors évaluer avant de demander la création d'une nouvelle commission sous prétexte que le comité ne fait pas son travail? Il ne lui donne même pas la possibilité de le faire.

[Français]

M. Bellehumeur: Madame la Présidente, il me fait extrêmement plaisir de répondre à la question de ma collègue que j'admire et pour qui j'ai beaucoup d'amitié, parce qu'on a travaillé ensemble. J'admire aussi autre chose chez elle: sa naïveté.

Je pense qu'on a eu la preuve, lorsque le CSARS a comparu devant le Sous-comité sur la sécurité nationale, que nous n'aurions pas de réponses à nos questions. Des questions aussi simples que: À quelle date M. Untel est entré en contact avec un autre? «Selon le Service, je ne peux pas vous répondre, monsieur Bellehumeur.»

Je posais d'autres questions très factuelles qui n'impliquent pas la sécurité nationale et on m'a répondu: «On ne peut pas vous répondre, monsieur Bellehumeur. On prend note de cette question et on va lui donner une réponse, mais c'est le solliciteur général du Canada qui aura la réponse. Pas nous.»

Que va-t-on obtenir du CSARS? Quelles réponses à nos questions va-t-on obtenir? Des réponses épurées par le solliciteur général du Canada? Moi, ça ne me satisfait pas. Ça ne satisfait pas les contribuables que je représente non plus. Il faut vraiment une commission royale d'enquête et là, les principaux acteurs viendront nous dire en pleine face, viendront dire aux personnes qui enquêtent les réponses aux questions qu'on pose et auxquelles on n'obtient pas de réponse du CSARS.


6311

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Madame la Présidente, l'honorable député ne reconnaît-il pas que le comité d'enquête, et je me fie aux enquêtes ministérielles, peut visiter tout bureau et établissement public avec le droit d'accès dans tous les locaux, d'examiner tout papier, document, pièce justificative, archive et registre appartenant à ce bureau ou établissement? J'ai comme l'impression que le député n'a pas bien compris que le solliciteur général a bien dit que ce comité de surveillance a tous les pouvoirs semblables à ceux d'une commission royale d'enquête.

Alors, je ne vois pas l'utilité de cette commission. On parle toujours de chevauchement de l'autre côté, pourquoi avoir une commission? On a déjà un sous-comité qui étudie cette question, on a le CSARS et là, on veut une commission royale d'enquête. On sait fort bien que le CSARS a été créé pour justement nous assurer un moyen de s'occuper de ces allégations qui ont été portées contre le service.

M. Bellehumeur: Madame la Présidente, je pensais que le député d'en face, après près d'un an de vie parlementaire, aurait perdu un peu les illusions qu'il semble encore avoir.

M. Gagnon: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je m'objecte à cette définition de ma personne. J'ai posé une question, je veux une réponse et je ne veux pas une description de mon caractère.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre! Comme le député le sait, j'en suis persuadée, nous ne devons jamais faire référence au caractère d'un collègue à la Chambre des communes.

M. Bellehumeur: Madame la Présidente, si j'ai affecté sa personne, je m'en excuse, mais je le pense quand même.

(1155)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je pense que l'honorable député sait ce qu'il dit, ses mots sont très bien choisis. Je lui demande de retirer ses paroles.

M. Bellehumeur: Lesquelles, madame la Présidente? Il a fait deux objections. Est-ce qu'il veut que je retire l'expression «je pense» ou le fait que j'aie fait des commentaires sur sa personne?

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je considère les paroles de l'honorable député comme étant retirées.

M. Gagnon: Madame la Présidente, vous savez, le député de l'opposition, c'est quand même un bon diable. Je prends la parole aujourd'hui au sujet de cette motion.

M. Bellehumeur: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je pense que le député vient de s'en prendre à ma personne en disant que je suis un diable, qu'il soit bon ou mauvais, je pense que c'est un diable quand même. J'inviterais le député à retirer ses paroles.

La présidente suppléante (Mme Maheu): L'honorable secrétaire parlementaire retire-t-il ses paroles?

M. Gagnon: Madame la Présidente, je n'ai pas prononcé ces mots dans un sens péjoratif.

M. Bellehumeur: J'accepte les excuses du député.

M. Gagnon: Je prends donc la parole aujourd'hui au sujet de cette motion qui, comme l'a mentionné le solliciteur général, comporte un certain nombre de problèmes et d'incompréhensions. Il me semble essentiel que les honorables députés comprennent et apprécient à sa juste valeur le système complexe et délicatement réglé de freins et de contrepoids intégré dans notre système national de renseignement de sécurité.

Ce système est de plus conçu pour assurer un équilibre entre la protection des libertés individuelles et la nécessité de protéger les Canadiens contre les menaces à la sécurité de leur pays. La plupart des gens seront d'accord pour dire qu'il faut protéger le Canada contre ce qui peut menacer sa sécurité et que cette protection requiert l'existence d'un organisme de renseignement et de sécurité.

À mon avis, il ne fait aucun doute que le Canada a besoin d'un service de renseignement et de sécurité comme tous les autres pays industrialisés. Prenons, par exemple, la menace que représente le terrorisme. La démocratie canadienne repose sur un climat de liberté où la poursuite des objectifs politiques se fait par le truchement de discussions ouvertes, de débats ou d'autres activités licites de défense d'une cause.

Ce climat, tout comme la sécurité publique, est cependant compromis lorsqu'un individu, ou groupe d'individus, cherche à atteindre ses objectifs politiques par des actes de violence ou des menaces de violence.

Dans les années 1980, la menace terroriste est devenue une préoccupation de premier plan pour la sécurité et le gouvernement a donné pour mission au SCRS de s'attaquer de façon prioritaire à la collecte de renseignements de sécurité sur le terrorisme. Notre première ligne de défense doit en effet être le renseignement.

L'autre grande menace qui nous guette, c'est l'espionnage. L'espionnage est devenu une réalité quotidienne suite à l'émergence des États nations. Toute nation cherche en effet à améliorer sa position au sein de la communauté internationale. Il nous faut cependant constater que malgré l'amélioration du climat politique international, certaines nations ont recours, encore aujourd'hui, à des moyens voilés, voire même clandestins, pour améliorer leur position internationale.

Le Canada doit se prémunir contre de telles menaces, qu'elles prennent la forme d'espionnage traditionnel ou de tout autre moyen pour obtenir illégalement les connaissances technologiques de ce pays.

(1200)

Le Canada doit aussi être en mesure d'identifier et de contrer les mesures prises par des pays ou des agents étrangers pour influencer ou harceler clandestinement nos communautés ethniques. Encore une fois, c'est une protection que nous nous devons d'assurer à ceux qui ont choisi le Canada comme terre d'accueil et nouvelle patrie.

Ici aussi un renseignement de qualité est au coeur de notre première ligne de défense. Je suis convaincu que la Loi sur le SCRS est une loi efficace, appliquée comme le Parlement l'avait souhaité il y a dix ans. La Loi sur le SCRS fournit un cadre législatif capable d'assurer l'équilibre délicat entre une sécurité nationale efficace et le respect des droits et libertés individuels.


6312

La Loi sur le SCRS définit le mandat du SCRS et lui accorde les pouvoirs nécessaires pour remplir ce mandat.

Elle crée un cadre d'opération unique pour le service. Elle définit les pouvoirs du Service et en précise les limites, limites qui prennent la forme de divers mécanismes de contrôle: des contrôles de nature politique, soumis à l'imputabilité ou à la responsabilité ministérielle; des contrôles judiciaires et des contrôles externes exercés par le Comité de surveillance des activité du renseignement de sécurité, c'est-à-dire le CSARS.

La loi prévoit de plus un mécanisme qui permet à toute personne ou groupe de personnes de présenter ses plaintes sur n'importe quel aspect des activités du SCRS. De plus, la Loi sur les infractions en matière de sécurité, qui a été adoptée avec la Loi sur le SCRS, confirme la responsabilité de la GRC à l'égard des infractions en matière de sécurité, de même que sa responsabilité dans la prévention de ces infractions.

Ces deux lois fournissent un cadre législatif suffisamment souple pour s'adapter efficacement aux circonstances particulières de chaque cas. Il faut d'ailleurs souligner que la structure politique et juridique de ces deux lois est unique au monde. Le gouvernement s'est servi de directives politiques pour guider l'interprétation et la mise en oeuvre de ces lois.

Les principaux intervenants du système du renseignement de sécurité au Canada ont veillé à ce que la législation soit pratique et efficace. Le service s'est développé et il respecte un processus d'enquête rigoureux et satisfaisant. Depuis 1984, l'inspecteur général et le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité ont rempli leur rôle d'une manière ordonnée et rigoureuse.

Le solliciteur général compte grandement sur leur travail, en particulier sur les rapports de l'inspecteur général, qui lui permettent d'assurer que le service se conforme à la loi et aux instructions ministérielles sur les orientations. Le rapport annnuel du Comité de surveillance que le solliciteur général dépose au Parlement vient compléter le cycle annuel d'imputabilité publique.

Finalement, la GRC et le SCRS ont mis en place des mesures et ont élaboré des mécanismes de collaboration. Voilà comment fonctionne la législation d'aujourd'hui. Une législation solide, des instructions détaillées du gouvernement ainsi qu'une gestion interne efficace sont les éléments qui rendent le service à même de remplir le mandat que le Parlement lui a confié il y a dix ans.

Mais le gouvernement ne se repose pas pour autant. Je désire rappeler que ce gouvernement est constamment à la recherche de moyens qui permettront au service de s'améliorer. En tant que ministre responsable, le solliciteur général doit veiller à ce que dans le cadre de ses opérations quotidiennes, le service maintienne un bon équilibre entre la sécurité nationale et les droits et libertés des Canadiens. Cela, le ministre le fait grâce à son pouvoir d'approuver et son pouvoir d'émettre des instructions et grâce aussi aux comptes rendus que lui font l'inspecteur général et le comité de surveillance.

Sa tâche, par conséquent, est d'exercer un contrôle ministériel. Il répond du SCRS au Cabinet et au Parlement. Il dispose de deux méthodes principales pour s'acquitter de cette responsabilité. La première est le pouvoir d'approuver.

(1205)

La Loi sur le SCRS exige que le solliciteur général approuve personnellement toutes les demandes de mandats judiciaires en vue d'enquêtes, toutes les ententes du SCRS avec d'autres organismes, ministères, provinces et pays étrangers, ainsi que l'assistance du SCRS dans la collecte de renseignements étrangers au Canada.

Passons maintenant à l'autre loi adoptée en 1994, la Loi sur les infractions en matière de sécurité. Cette loi confirme la responsabilité première de la GRC dans son rôle d'enquêter sur certaines infractions en matière de sécurité. Le renseignement, la protection et l'application sont les trois piliers de notre système de sécurité.

Les fonctions attribuées à la GRC et au SCRS sont complémentaires; chacun joue un rôle distinct à l'intérieur du cadre élargi de notre système de sécurité nationale. Le rôle du SCRS est de prévenir et de fournir des renseignements de sécurité sur les menaces. Celui de la GRC est d'enquêter sur des crimes commis ou projetés et de prévenir avant tout le crime.

Pour faciliter la tâche du SCRS, la Loi sur le SCRS contient des définitions détaillées des menaces à la sécurité du Canada.

Le SCRS a ainsi pu réagir rapidement aux conditions d'un monde en constante évolution et aux menaces qui en découlent et ce, tel que le voulait le Parlement, il y a dix ans. La Loi sur le SCRS a permis au SCRS, par exemple, de réagir aux bouleversements politiques et économiques dont le monde a été témoin depuis ce temps.

Bien que les foyers de préoccupations aient changé, il n'en demeure pas moins que la menace à la sécurité du Canada, de la part de services de renseignements hostiles, continue à se faire fortement sentir. Dans le domaine du terrorisme, de nouvelles menaces à la sécurité du Canada découlent de conflits étrangers qui ont été malheureusement transplantés au Canada. Le terrorisme est une plaie mondiale, dont aucune nation n'est à l'abri et qui ne semble pas en voie de régression, bien au contraire!

Depuis sa création en 1984, le SCRS a été en mesure de se transformer considérablement grâce à la souplesse qu'assurent la Loi sur le SCRS et les instructions ministérielles. Cette loi continue de nous fournir les moyens requis pour faire face à des actes de subversion. Évidemment, la nature même d'un organisme de renseignement de sécurité implique le secret. Cela devient nécessaire dans des cas particuliers, où l'on doit respecter la vie privée d'un individu.


6313

Le secret est aussi nécesaire pour protéger certaines particularités opérationnelles du SCRS touchant à la répartition du personnel, aux méthodes d'opération et aux sources de renseignement. Tous s'accordent pour dire que le secret pour le secret ne profite à personne.

Je vous ai parlé du type de système de renseignement de sécurité que le Parlement a voulu pour répondre aux besoins de notre démocratie et j'ai aussi parlé de certaines des menaces réelles qui font des organisations de renseignement de sécurité une nécessité dans tous les États démocratiques.

Je ne fais que reprendre les mots du solliciteur général lorsque j'affirme que nous n'avons aucun motif véritable de former une commission royale d'enquête, car il existe des dispositions en place, grâce au CSARS, qui lui aussi a des pouvoirs élargis pour mener une enquête à fond.

Alors, avant de décider de quoi que ce soit, que le Comité de surveilance des activités de renseignements de sécurité ait terminé son travail et qu'il ait remis son rapport au solliciteur général dans les plus brefs délais, je crois que c'est cela à quoi nous nous attendons, nous, en tant que parlementaires, que ce rapport nous soit remis, et après nous pourrons prendre les dispositions nécessaires.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Madame la Présidente, je félicite mon collègue pour son exposé très clair. Je le félicite aussi de l'avoir fait en français, du début à la fin, pour la première fois en cette Chambre.

Si j'ai bien compris cet exposé, le solliciteur général fait comme approuver quand ce sont des mandats spéciaux et on doit se fier à la sécurité de tout cela, parce qu'on dépose à nouveau un rapport annuel chaque année.

(1210)

J'ai lu le rapport public de 1993. C'est un document de dix pages, écrit seulement sur la moitié des pages parce qu'on y met beaucoup de présentations très intéressantes au niveau graphisme, etc. Ce n'est pas avec un rapport comme celui-là, qui serait digne à peu près d'un travail de secondaire V de bonne qualité, qu'on peut rassurer le public sur les allégations.

Jamais le Bloc québécois n'a mis en doute la nécessité de ce service. Je pense que tout État qui se respecte doit avoir ce type de service, et cela, on ne le met pas en doute. Ce que l'on a soulevé, c'est qu'il y a des allégations et si le solliciteur général approuve tout, cela veut donc dire que le solliciteur général était au courant que quelqu'un espionnait le Parti réformiste de l'intérieur. Cela est inadmissible.

C'est en ce sens qu'on pense que les allégations doivent aller au-delà du rapport. Savez-vous qu'il est impossible de rentrer au service? Il faut à peu près une heure avant qu'ils ouvrent toutes les portes. S'ils vous voient venir, il est bien évident qu'ils ont le temps de mettre dans des classeurs à double tiroir des documents qu'ils ne veulent pas vous montrer. Il n'y a aucune garantie que le travail d'enquête est vraiment fait. Si c'est secret, top secret, et top, top, top secret, il est bien évident que ce n'est pas sur la table. C'est dans des tiroirs fermés à double tour auxquels personne n'a accès.

Comment peut-on nous garantir vraiment que ce travail puisse être bien fait? Et c'est cela que l'on met en doute. C'est pour cela qu'on dit que c'est bien beau d'attendre le rapport, mais les allégations sont trop fortes. Nous nous apprêtons à vivre une période difficile au Canada. On ne se leurrera pas, mais on ne voudrait pas que se reproduisent les événements de 1970. On ne voudrait, pour aucune considération, que cela se ravive. On veut vivre cette étape difficile en adultes et dans la démocratie, non pas avec un service secret, top secret, qui va faire sauter des bombes à volonté lorsqu'il le voudra.

Comment peut-on nous garantir qu'on est à l'abri de cela aujourd'hui, monsieur le secrétaire parlementaire du solliciteur général?

M. Gagnon: Madame la Présidente, les allégations qui sont portées contre le service au CSARS vont être étudiées dans un premier temps. Ce n'est pas un rapport annuel, c'est un rapport qui va étudier les questions et les allégations qui ont été portées contre le service de renseignement par l'opposition. Je dois quand même conclure qu'il y a des membres de ce côté de la Chambre qui font partie d'un sous-comité qui étudie les allégations relatives à notre Service du renseignement de sécurité.

Je peux vous dire aussi, en réponse à la députée de Rimouski-Témiscouata, qu'une des choses que nous avons reconnue, surtout en ce qui concerne le CSARS et le Service canadien du renseignement de sécurité, c'est qu'il est inadmissible qu'on ordonne à un groupe comme celui-là d'espionner un parti politique légitime. Je crois que tout le monde en cette Chambre reconnaît que ce n'est pas le but de ce gouvernement et que si cela a déjà a été fait-je n'y étais pas à l'époque-mais je peux vous dire ceci: je comprends qu'on vit des moments difficiles, mais je suis quand même heureux de savoir que la députée reconnaît l'importance d'avoir un service de renseignement qui a pour but de s'assurer de l'intégrité du Canada, mais surtout au niveau de l'espionnage industriel, technologique qu'on connaît aujourd'hui.

Je peux assurer la députée que ce n'est pas le but du service d'espionner des groupes politiques.

[Traduction]

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Madame la Présidente, je voudrais répondre à la députée du Bloc qui a dit craindre que des documents secrets soient cachés dans des tiroirs et des classeurs verrouillés. Je crois que la réalité, c'est que ces documents secrets sont diffusés par le personnel. Certains les apportent à leur domicile et les laissent dans des boîtes ouvertes, dans leur sous-sol. Nous devrions nous inquiéter de l'insuffisance des mesures prises pour protéger ces documents.

Voici ma question au secrétaire parlementaire du solliciteur général: Le député sait-il comment ces documents sont classifiés?


6314

(1215)

Le député a dit qu'il ne voulait pas de secrets pour le seul plaisir d'avoir des secrets. Quels critères servent à classifier les documents hautement protégés? Le député le sait-il?

M. Gagnon: Madame la Présidente, en fait, je ne le sais pas et c'est pourquoi le CSARS fait enquête. Je veux étudier les différentes allégations qui ont été faites. La députée a également soumis une série de questions au comité. On m'a dit qu'elle en avait présenté plus de 130.

Je suis convaincu que nous devrons répondre à beaucoup de ces questions et à bien d'autres qui seront posées par des députés bloquistes ainsi que par des députés de ce côté-ci. Je peux dire à la députée que j'espère que nous serons capables de répondre à beaucoup de ces questions.

Mais je le répète, c'est au solliciteur général qu'il appartient de faire en sorte que les renseignements qui seront rendus publics ne menacent pas la sécurité nationale du Canada. Je suis convaincu et j'espère que les réponses à beaucoup de ces questions satisferont l'opposition.

[Français]

M. Jean H. Leroux (Shefford): Madame la Présidente, j'aurais une question à poser au secrétaire parlementaire du solliciteur général. J'ai écouté avec attention son discours et je dois vous dire que j'ai cru déceler qu'il vantait plutôt l'administration et, à l'entendre parler, je me demande pourquoi il n'a pas été candidat du Parti conservateur la dernière fois, puisqu'il semble que tout va bien dans ce monde.

Ne croit-il pas qu'étant donné que nous vivons en démocratie et que c'est ce qu'il y a de plus sacré sur cette terre, sur la terre canadienne et québécoise, ne croit-il pas que de temps en temps, il serait intéressant qu'il y ait une commission, qu'on l'appelle royale ou autrement-elle s'appelle royale au Canada, donc j'emploie le mot-une commission très importante, qu'il y ait une commission qui scrute et cela, à un moment bien précis où les dirigeants de ce CSARS sont venus témoigner à un sous-comité et ont refusé de répondre à des questions?

Ils n'ont pas répondu à toutes les questions. N'est-il pas temps d'avoir une commission qui enquête et qui fasse toute la lumière pour que les Canadiens sachent réellement ce qui se passe?

M. Gagnon: Madame la Présidente, je n'ai pas été candidat pour le Parti conservateur comme l'a été son chef, le chef de l'opposition, mais je peux vous dire ceci: dans un premier temps, laissons le mécanisme fonctionner.

On a créé le CSARS spécialement pour répondre à des questions qui ont été soulevées soit par le député de l'opposition ou encore par des groupes intéressés. Alors, à la lumière des éléments ou des preuves qui nous seront remis suite à ces allégations portées contre le service, je crois que nous serons en mesure de prendre une décision éclairée face à ce service. Je crois qu'on doit laisser l'organisme agir en conséquence et je suis convaincu qu'au mois d'octobre, l'honorable député de l'opposition et celui du Parti réformiste auront l'occasion de scruter à la loupe ce rapport.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Avant que nous reprenions le débat, je voudrais lire le commentaire 478 tiré de la sixième édition de l'ouvrage de Beauchesne. J'ai failli interrompre les orateurs à deux ou trois reprises ce matin pour le faire, mais je ne l'ai pas fait. Voici ce que dit le commentaire 478:

Il est interdit de faire allusion pendant un débat aux délibérations d'un comité tant que son rapport n'a pas été déposé.
Je demanderais aux députés de ne pas oublier cette règle.

[Français]

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan): Madame la Présidente, dans mon énoncé, je vais d'abord commencer par un bref historique. En 1946, devant l'accroissement des fonctions de sécurité attribuées à la GRC, le personnel affecté à ce type de tâches est pour la première fois séparé, du point de vue organisationnel, de la Direction des enquêtes et regroupé au sein de la Sous-direction des affaires spéciales.

En 1956, la Sous-direction des affaires spéciales est élevée au rang de direction générale au sein de la GRC, sous le commandement d'un commissaire adjoint.

(1220)

En 1969, la Commission royale d'enquête sur la sécurité recommande la création d'un organisme de sécurité à caractère civil. Le gouvernement rejette cette recommandation, mais annonce son intention d'accorder un statut distinct à la Direction des affaires spéciales et ainsi augmenter son personnel civil.

Entre 1971 et 1974, particulièrement mais non exclusivement, au Québec, le service de sécurité monte une série d'opérations, dont bon nombre sont apparemment illégales, en vue de neutraliser les groupes radicaux et séparatistes.

Le 27 mars 1975, le Cabinet fédéral élabore une directive régissant les activités du service de sécurité, directive qui demeure secrète jusqu'en 1978.

En 1976, une année plus tard, le caporal Samson qui subit un procès à la suite d'un incident non lié à cette affaire cependant, révèle sa participation à l'opération Bricole de 1972. On se rappellera qu'il s'agissait d'entrée par effraction et de vol de dossiers, notamment dans les dossiers du Québec, plus précisément de la politique au Québec.

Différents événements se sont produits au fil des années, mais rendons-nous au 29 novembre 1984. Les membres du CSARS, le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, sont nommés. Le président en est M. Ronald Atkey, ancien ministre du Cabinet conservateur, comme par hasard.

En février 1985, le budget des dépenses du gouvernement fédéral révèle que le SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité, recevra environ 115 millions de dollars pour boucler son maigre budget. Maigre budget parce qu'aujourd'hui on parle d'un budget dépassant les 200 millions de dollars. Ce qui constitue, en pleine période de crise économique, une somme quand même considérable.


6315

Malgré cette somme énorme qui provient des taxes des contribuables de tout le pays et du Québec, le Parlement ne joue qu'un rôle mineur dans le contrôle de l'examen des activités du Service canadien du renseignement de sécurité. Même l'examen du budget reste superficiel, en fait, une seule ligne dans le budget des dépenses 1994-1995. Le budget du SCRS ne constitue qu'une seule ligne dans le budget. Je sais par expérience qu'au cours de la venue de M. Elcock, haut directeur du SCRS, devant le Comité de la justice où j'étais, on a vainement interrogé celui-ci sur la façon dont on employait ces fameux millions de dollars engagés dans la sécurité nationale. Jamais à aucune occasion, et c'est le cas, on a les preuves tout autour de nous, jamais nous n'avons obtenu quelque forme de réponse que ce soit, rien même qui ne ressemblait à une réponse. Il n'y a rien de vraiment surprenant, puisque M. Elcock a, avait, et aura sans doute une réputation qui le précédera continuellement.

À ce sujet, l'auteur et ancien reporter au quotidien torontois Globe and Mail, M. Richard Cléroux, considère en parlant de M. Elcock, et je cite: «qu'il est très intelligent et qu'il joue dur politiquement. Je le vois plutôt en jésuite qu'en oblat; je pense qu'il ferait un adversaire redoutable pour le mouvement indépendantiste.»

Mais enfin, le plus important à souligner, ce n'est pas de rencontrer quelqu'un qui ne veut pas répondre à nos questions, même s'il est redevable envers les contribuables de donner des comptes rendus, mais bien que cette personne soit à la tête d'un organisme qui semble hors de contrôle du gouvernement. Un organisme qui coûte plus de 200 millions de dollars par année, et sur lequel on ne peut absolument rien savoir, rien voir et encore plus ne rien vérifier non plus. Un organisme qu'on ne contrôle pas, garni d'autant de millions de dollars, vous savez, c'est inquiétant. C'est inquiétant pour les contribuables, c'est inquiétant aussi pour la sécurité nationale. Jusqu'à quel point on peut laisser les gens travailler avec des dollars et faire travailler ces dollars, et pour quelles raisons est-ce qu'on pourrait le faire.

En parlant du SCRS, diverses opinions planent, d'après des spécialistes. On doit se poser entre autres la question: Est-ce que ça peut arriver que les organismes chargés de notre sécurité nationale avec une si faible capacité de surveillance puissent commettre des gestes illégaux? On l'a vu dans le passé. Disons, qu'on répond un peu à la question en la posant.

(1225)

Tout peut arriver avec de l'argent, tout peut arriver effectivement. Mais est-ce que c'est probable, parce que, quand même, selon la conjoncture économique, la situation telle qu'on la vit à l'heure actuelle, avec la démographie du territoire, sa géographie aussi, ce qu'on appelle chez nous ce trop grand pays, est-ce que ça peut arriver? Oui, ça peut arriver, mais est-ce que c'est probable? Moi je dis, oui effectivement, c'est non seulement probable, c'est très probable.

M. Jean-Paul Brodeur, professeur en criminologie à l'Université de Montréal, spécialisé entre autres dans les services de renseignements, signale même que les Américains, malgré un système de contrôle sur leurs services de sécurité beaucoup plus serré que le nôtre, il est constitué de comités aux vastes pouvoirs dans les deux Chambres du Congrès, se font «passer des sapins» à l'occasion.

Qui ne se rappelle pas la fameuse histoire d'Oliver North qui prenait ses ordres d'en haut et qui se foutait du reste littéralement.

Je vous citerai une autre personne, Mme Lorraine Lagacé, ancienne déléguée du Québec à Ottawa, du temps de M. René Lévesque. L'analyse des mécanismes légaux est presque sans intérêt selon elle, et je la cite: «Voici ce qui compte vraiment: Les Canadiens anglais sont pour la démocratie, mais s'ils ont le choix entre le respect des règles démocratiques et un Canada uni, ils vont toujours choisir un Canada uni», selon l'interprétation de Mme Lagacé.

C'est ainsi que cela se présente pour eux. Alors, le mandat des services secrets, peu importe qu'il relève de la GRC ou du Service canadien du renseignement de sécurité, sera le même: Sauver le Canada avant tout!

Les gens du Service canadien du renseignement de sécurité, à qui on donne plus de 200 millions de dollars par année, n'ont pas de comptes à rendre. À peine font-ils face ou ont-ils à présenter une espèce de compte rendu devant un comité de pseudo-surveillance, formé de partisanerie politique, et ce même comité doit appeler au bureau du Service canadien du renseignement de sécurité avant de s'y rendre pour fouiller dans certains tiroirs, bien précis d'ailleurs, pas dans n'importe lequel. C'est ce qu'on appelle de la transparence!

Oui, la population a le droit de savoir, et nous en tant qu'élus de cette population, nous avons le devoir fondamental de l'en informer. Qu'est-ce qui se passe avec les 200 millions ou plus de dollars que nous payons en taxes et en impôts? Le SCRS est un monstre que plus personne ne peut contrôler, même pas le gouvernement. Imaginez l'épouvantable monstre qu'est devenu le SCRS par conséquent! C'est pour ça que nous demandons, le Bloc québécois, une commission royale d'enquête sur le sujet.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je me rends compte que le député a terminé après 10 minutes. Est-ce que j'ai bien compris que vous partagiez votre temps de parole avec un de vos collègues?

M. St-Laurent: Oui, madame la Présidente.

La présidente suppléante (Mme Maheu): D'accord. Questions et commentaires. Je cède donc la parole à l'honorable secrétaire parlementaire du solliciteur général.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Madame la Présidente, justement, l'honorable député faisait allusion encore une fois au fait qu'il n'y a aucun moyen pour vérifier les activités du SCRS et il se rapporte encore à des événements de 1970. On a déjà tenu ce procès. Aujourd'hui, le but de l'exercice est de s'assurer que le CSARS puisse faire rapport sur ces allégations qui ont été portées, soit par l'opposition, soit par des gens qui ont été plus ou moins, si vous voulez, brimés supposément par les activités du SCRS.

Alors, je voudrais savoir si le député peut reconnaître qu'aujourd'hui nous avons ici en 1994 un service et aussi un comité de contrôle qui n'existaient pas avant. Je comprends que ce comité de surveillance est constitué par des personnes de l'ancien régime, mais je crois que le député doit aussi reconnaître que si


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jamais il y a vacance dans ce comité, dans ce CSARS, nous avons l'obligation de consulter les chefs de l'opposition.

(1230)

Alors, je voudrais savoir s'il reconnaît l'aspect de la loi, en ce qui concerne la création du CSARS, qui décrète que nous devons consulter l'opposition avant de faire toute nomination?

M. St-Laurent: Madame la Président, bien sûr qu'il faut tenir compte de certains barèmes, et il est prévu dans le contexte de tenir compte de ces barèmes.

Mais la question qu'on soulève ici aujourd'hui, c'est qu'on trouve particulièrement aberrant de voir le manque de contrôle de la Chambre des communes sur une institution à laquelle elle paie autant de millions de dollars par année et de laquelle il n'y a absolument aucun autre moyen véritable d'obtenir des réponses. Au contraire, on demande à des gens de répondre à des questions simplement.

On ne demande pas de parler de dossiers précis sur des individus précis en donnant des heures précises et des montants précis; on ne demande pas de telles choses, notamment quand on est en comité. On demande à des gens de nous parler de ce qui se produit à l'intérieur, de la manière dont ça se passe à l'intérieur. On parle de divers aspects qu'on veut connaître et qui touchent ce que nous payons avec nos taxes et nos impôts.

Deux cents millions de dollars par année, madame la Présidente, et je ne suis pas capable de donner des explications aux contribuables de ma circonscription, sauf leur dire: «Les deux cents millions de dollars qu'on investit dans le SCRS, je m'excuse, mesdames, messieurs, mais je ne sais pas du tout ce qu'on en fait.» Oui, on embauche des gens, c'est bien certain. Mais qu'y fait-on au juste?

Les gens du parti d'en face ne semblent pas intéressés de parler de ce qui s'est passé avant, mais il ne faut pas oublier que cela s'est produit. Cela fait partie de l'histoire de notre pays et il ne faudrait pas l'oublier. Il ne faut pas avoir peur de répéter que ces sommes d'argent ont déjà servi à des actes de terrorisme dirigés spécialement vers certaines personnes du Québec qu'on qualifie d'avoir certaines activités séparatistes.

À partir de là, on est en droit de se demander: Ces sommes d'argent-là vont-elles encore servir à cela? C'est la question qu'on soulève aujourd'hui. Il s'agit d'un monstre devenu incontrôlable.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Madame la Présidente, il est faux de prétendre qu'il y a des activités de ce genre qui se passent au Canada. Je crois que le député a quand même le privilège de siéger ici, à la Chambre des communes, il a le droit d'exposer ses opinions, il a quand même le privilège de siéger au Sous-comité sur la sécurité nationale. Il a le privilège de poser des questions, soit sur le rendement du CSARS, soit sur les budgets qui sont déposés à la Chambre tous les ans.

Je ne crois pas pas qu'il s'agisse d'une question d'argent dès le départ, mais reconnaître que nous avons quand même des mécanismes pour assurer notre sécurité. D'ailleurs, il s'agit d'un mécanisme qu'on ne retrouve nulle part ailleurs, selon plusieurs experts mondiaux. Vous le savez, lorsque vous allez en France, quand vous descendez du métro, il y a souvent des agents français, des policiers qui font des contrôles, qui demandent vos papiers. Il ne s'agit pas du genre de société que nous avons ici, au Canada. Notre société est quand même libre, libérale, généreuse, qui tient compte surtout du respect de la liberté individuelle.

Je ne veux pas devenir l'apologiste de nos activités antérieures, car je n'y étais pas. Je vous avoue que, vers le début et la fin des années 1960, je n'y étais pas. Mais aujourd'hui, nous avons quand même les mécanismes en place pour nous assurer qu'il n'y ait pas d'abus de pouvoir sur des organismes légitimes, dont des partis politiques.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Monsieur le député, avant que nous continuions le débat, je vous informe que vous pouvez utiliser les 30 secondes qu'il vous reste.

M. St-Laurent: Madame la Présidente, je vais les prendre, mais au lieu de faire une longue élaboration, je vais juste faire une précision.

Le député d'en face vient de mentionner que j'ai le privilège de ci et le privilège de ça. Mais j'ai aussi le droit.

M. Gagnon: Bien sûr.

M. St-Laurent: J'ai le droit, parce que j'ai été élu fondamentalement en raison des taxes que les contribuables paient et qu'on me donne pour venir ici. On me donne le droit, et c'est exactement le droit que je prends.

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Madame la Présidente, je remercie mon collègue de Manicouagan de m'avoir laissé les dix autres minutes de son temps. Je me permets de joindre ma voix à celle de mes confrères du Bloc québécois pour demander à cette Chambre de dénoncer le gouvernement pour son refus de mettre sur pied une commission royale d'enquête sur les activités illégales du Service canadien du renseignement de sécurité.

(1235)

Permettez-moi de rappeler que le SCRS est doté d'un budget pour l'année 1994-1995 de l'ordre de 205 millions de dollars. Sur le plan purement comptable, il est évident que cette Chambre a non seulement le droit, mais le devoir de s'intéresser aux agissements de cet organisme.

Mais ce n'est pas de comptabilité dont nous parlons aujourd'hui. Non, ce dont nous parlons, c'est des agissements même du Service canadien du renseignement de sécurité, rien de moins.

Je me dois de rappeler que cet organisme fut créé dans un but de transparence pour faire suite aux recommandations de la Commission McDonald, laquelle avait mis en lumière une déplorable série de pratiques et d'actes inacceptables, voire carrément illégaux, et ce de la part même du service de sécurité de la Gendarmerie royale du Canada.

Or, malgré que le Service canadien du renseignement de sécurité fut créé dans un souci de transparence, il demeure deux problèmes majeurs concernant cet organisme. Premièrement, le SCRS n'est aucunement redevable envers le Parlement pour son budget, lequel lui est octroyé par le Parlement. Si on parle clairement, nous, les représentants des citoyennes et des citoyens qui nous ont élus, nous ne pouvons même pas savoir comment y est dépensé l'argent de nos taxes. C'est une aberration.

Le deuxième problème, c'est l'imputabilité du SCRS devant ce Parlement, et ce en ce qui concerne ses activités de renseignement. Certains de mes collègues s'empresseront de me dire que le SCRS dépose un rapport annuel public et qu'un comité de


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surveillance, familièrement appelé le CSARS, passe en revue les opérations du SCRS. Hélas! les rapports déposés à la Chambre à cet effet sont laconiques. Ils sont la démonstration même d'un manque flagrant de transparence.

C'est pourquoi le Bloc québécois considère qu'une commission royale d'enquête permettrait aux Canadiennes et aux Canadiens, aux Québécoises et aux Québécois de pouvoir apprécier si l'argent de leurs impôts est correctement dépensé, et surtout de vérifier si le SCRS infiltre et tente de déstabiliser un ou des partis politiques ou d'autres organismes légitimes. Ce dont nous parlons est grave. Déjà par le passé un organisme pourtant au-dessus de tout soupçon, la Gendarmerie royale du Canada, a posé des gestes de cette nature.

Or, nous avons des raisons de redouter que l'histoire ne se répète. En effet, le Toronto Star dévoilait récemment une note confidentielle transmise par un adjoint de l'ancien solliciteur général conservateur, Doug Lewis. Cette note mentionnait que le SCRS utilisait un informateur pour obtenir des renseignements relativement à un reportage de l'émission Fifth Estate de Radio-Canada, réseau anglais.

Or, le SCRS a utilisé et payé comme informateur un dénommé Grant Bristow. Celui-ci est un des fondateurs du groupe d'extrême droite Heritage Front voué à l'inacceptable promotion de la suprématie de la race blanche. On prétend même que cet individu aurait aussi tenté d'espionner le Congrès juif canadien. Pire encore, il a été révélé que cette taupe, c'est-à-dire M. Bristow, s'est retrouvé dans l'entourage du chef du Reform Party à au moins deux occasions à titre de garde de sécurité.

M. Parrot, le président du Syndicat des postiers du Canada affirme de même qu'il croit que son syndicat a aussi été espionné par le SCRS.

Dites-moi, le SCRS est-il sous contrôle ou a-t-il perdu les pédales? Est-on ici devant un accident de parcours? Ou au contraire, s'agit-il de la pointe de l'iceberg?

(1240)

Pas moyen de le savoir. En comité parlementaire, les responsables ont carrément évité et même refusé de répondre aux questions légitimes que leur posaient les députés de cette Chambre. Le gouvernement libéral nous affirme que le Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité, le CSARS, est à vérifier ces allégations et qu'il fera rapport au solliciteur d'ici un mois.

Ceci ne nous satisfait pas. La population doit savoir que le 13 septembre dernier, alors que ce comité de surveillance comparaissait lui-même devant le Sous-comité permanent de la Chambre sur la sécurité nationale, les membres de ce comité ont osé dire aux députés qu'ils ne pouvaient pas leur faire part de leurs découvertes et que seul le solliciteur général pourrait décider de ce qu'il rendrait public. Nous ne sommes pas naïfs.

Le rapport ou plutôt ce qu'il en restera ne nous révélera pas, évidemment, toute la vérité. Alors, madame la Présidente, dites-moi, où est la transparence? Il n'y a pas que le Bloc québécois qui réclame une enquête publique. Plusieurs organismes fort respectables demandent une commission royale d'enquête et permettez que je cite un article du journal Le Soleil de Québec, paru le 10 septembre dernier: «De plus en plus de groupes réclament une enquête indépendante sur les allégations qui pèsent contre le Service canadien du renseignement de sécurité. La Canadian Civil Liberties Association, le Congrès du travail du Canada, le Syndicat des postiers du Canada et le Centre Simon Wisenthal soutiennent tous que le gouvernement devrait former une mini-commission McDonald sur le modèle de celle qui avait enquêté sur l'ancien service de sécurité de la GRC, dans les années 1970. Pour s'assurer la confiance du public, il faut que quelqu'un jette un regard nouveau sur toute cette affaire, déclarait M. Borovoy, qui est à la tête de l'Association des libertés civiles.»

Le gouvernement du Canada finance aussi d'autres organismes de renseignement. En effet, en plus du SCRS doté de son budget de 205 millions de dollars, il y a la Direction du service canadien de renseignements criminels de la GRC, avec un budget d'environ 5 millions de dollars, le Secteur de la sécurité et de l'intelligence du ministère des Affaires étrangères, dont le budget est d'environ 10 millions de dollars, et finalement, le très secret Centre de la sécurité et des télécommunications de la Défense nationale.

Ce fameux centre, le CST, n'est régi par aucune loi qui précise son mandat, ses pouvoirs ou un quelconque mécanisme de contrôle. Il n'a même pas d'obligation de rendre compte au Parlement. Malgré cela, dans le plus grand secret, le CST dépense entre 200 et 300 millions de dollars et cela, sans avoir à en rendre compte, parce qu'il est tellement secret qu'il n'a même aucune existence législative. D'après nos informations, ce centre a deux mandats: le premier se nomme INFOSEC et il permet au CST de donner au gouvernement des avis techniques, des indications et de l'aide quant à la sécurité des télécommunications des ministères fédéraux. Le deuxième a pour nom de code SIGINT, et permet la collecte de renseignements sur les activités, les intentions et les capacités de gouvernements étrangers, de particuliers et de sociétés dans divers domaines.

Il ne s'agit pas de «paranoïer». Mais, lorsque l'on constate qu'un organisme comme le SCRS, qui est doté d'une loi le régissant et qui fait face à des allégations sérieuses d'infiltration d'un parti politique et d'espionnage d'autres organismes légitimes, permettez-moi de redouter que d'autres services secrets non encadrés par des lois puissent faire bien davantage et bien pire.

Or, nous venons de le voir, ces organismes de cueillette de renseignements ont globalement un budget d'un demi-milliard de dollars et les députés de cette Chambre sont incapables de dire aux contribuables si cet argent est dépensé dans le meilleur intérêt des citoyens et surtout, dans le respect des lois du pays.

Devant ce manque flagrant de transparence, devant ce manque flagrant d'imputabilité envers les parlementaires et les citoyens, devant ce manque flagrant de contrôle sur les activités des organismes de renseignement canadiens et plus particulièrement du SCRS, il est impératif que soit revu le processus selon lequel


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les organismes rendent compte au Parlement, que soit revue la Loi constitutive du SCRS, que soit revu le processus de nomination des membres du Comité de surveillance et que ce faisant, les députés de ce Parlement puissent s'assurer du respect des intérêts et des droits et libertés fondamentales des citoyennes et des citoyens du Canada et du Québec.

(1245)

Permettre aux députés d'être informés dans la transparence aurait été très simple. Mais comme les députés se voient refuser l'accès à la vérité, il ne reste qu'une solution: la population doit maintenant être informée au moyen d'une commission royale d'enquête sur le SCRS.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Madame la Présidente, justement, nous avons créé le CSARS il y a dix ans pour s'assurer d'une transparence de ces services de renseignement. Je crois qu'il est important aussi de mentionner, et j'espère que le député de l'opposition va le reconnaître, que nous avons un devoir de protéger des intérêts industriels au Canada.

Toutes sortes d'allégations circulent dans la grande région de Montréal où certaines industries québécoises sont la proie, sont la cible d'intérêts ou d'espionnage étrangers. Je crois que plusieurs rapports ont été faits par les médias, qui exposaient que des entreprises de chez nous qui ont perdu un contrat ou se sont fait voler une technologie quelconque par un pouvoir étranger. Je crois que c'est le but premier, enfin à mon avis, de s'assurer que nous puissions maintenir nos avances technologiques dans l'aérospatiale, dans l'industrie pharmaceutique, dans les industries qui sont très importantes au Québec et, bien entendu, au Canada.

J'aimerais savoir si le député de l'opposition reconnaît que nous devons surveiller nos intérêts face à la concurrence montante et inquiétante de certains pays étrangers.

M. de Savoye: Madame la Présidente, le député d'en face est plein de bonnes intentions, mais je remarque qu'il est le seul du côté libéral à défendre sa cause. Matière de fait, d'autres députés libéraux tenaient des propos fort différents il n'y a pas si longtemps.

Le 19 mars 1992, le député de Scarborough-Ouest, sur le même sujet, un député libéral alors dans l'opposition, disait: «Maintenant qu'ils ont fait leur apprentissage, nous exhortons le CRS et le ministre à présenter dorénavant des déclarations et des rapports annuels qui seront plus informatifs, comme l'a promis le ministre lui-même, de manière que les Canadiens puissent bénéficier d'un débat public éclairé, être au courant des enjeux touchant notre sécurité nationale et connaître les principaux problèmes de sécurité nationale auxquels se heurte notre pays d'une année à l'autre, ainsi que les façons dont on compte les résoudre.» Si le député de Scarborough-Ouest touchait à ce moment en plein dans le mille, on doit se rendre compte que deux ans plus tard, nous sommes toujours devant une situation où la population, où cette Chambre même, n'a pas les informations demandées.

Où sont ces députés libéraux qui à l'époque demandaient ce que nous demandons aujourd'hui? Ils se taisent aujourd'hui et il n'y a qu'un porte-parole pour le Parti libéral, dont la récente arrivée à ce Parlement ne lui permet pas de voir que le problème a déjà duré trop longtemps et devrait maintenant être résolu.

M. Gagnon: Madame la Présidente, je voudrais assurer le député qu'en tant que député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine, je serai toujours le premier à défendre les intérêts des libertés individuelles. Jamais je n'accepterai qu'on espionne des organismes légitimes, des partis politiques. Je crois que mon parti et le gouvernement dont j'ai le privilège de faire partie ont toujours assuré avant tout ces libertés individuelles.

Quand vous faites référence au comité, nous avons un sous-comité constitué de libéraux, de membres du Parti réformiste, des gens du Bloc québécois, pour faire une recherche presque parallèle au CSARS, sur ces allégations qui ont été portées contre nos services de renseignement de sécurité. Je crois que nous avons démontré une ouverture. Je suis très fier de voir qu'il y a même des gens de ce côté-ci qui posent des questions très pertinentes, des questions qui demandent des réponses. C'est pour cela que nous avons établi le CSARS, pour répondre à ces allégations, tel que possiblement dans certains cas, légitimement soulevées par l'opposition et des membres de ce côté-ci de la Chambre.

(1250)

Je tiens à rassurer le député. Nous sommes les premiers et nous avons toujours eu une fière tradition à protéger les plus démunis, ceux qui sont malheureusement dans des situations difficiles au pays. Je suis fier d'appartenir à un gouvernement et à un parti qui se préoccuppe de protéger les plus démunis de la société.

M. de Savoye: Madame la Présidente, je suis heureux d'entendre mon collègue d'en face mentionner l'intérêt qu'ils ont à faire la lumière sur les agissements du SCRS.

Permettez-moi de mentionner que le député de Scarboroug-Rouge River, le 1er avril 1993, mentionnait toutefois qu'il voulait souligner qu'au terme d'un examen de cinq ans, le Parlement a fait 117 recommandations, qu'il avait siégé à ce comité et je le cite: «Même si nous ne nous attendions pas à ce que le gouvernement adopte sur-le-champ la totalité de ces recommandations, nous avons tous été déçus au comité quelle que soit notre affiliation politique que le gouvernement n'en ait pas officiellement adopté qu'une ou deux.»

M. Asselin: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Lorsque le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine faisait référence à ce côté-ci de la Chambre en parlant de son gouvernement, ça m'a permis de constater que ça n'intéressait qu'un nombre limité de députés. Je vous demande de vérifier le quorum.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je demande au greffier de bien vouloir compter les députés présents.

Et les députés ayant été comptés:

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je constate que nous avons quorum. Nous reprenons donc le débat.

[Traduction]

M. Duncan: Madame la Présidente, le prochain orateur ne devrait-il pas être du Parti réformiste?


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La présidente suppléante (Mme Barnes): D'après ma liste, le prochain orateur est le député de Durham. Nous venons d'entendre un député de l'opposition et, comme nous devons alterner entre les deux côtés, je dois maintenant donner la parole à un député du parti ministériel.

M. Alex Shepherd (Durham): Madame la Présidente, la Chambre est saisie aujourd'hui d'une motion bien pensée qui rappelle les transgressions d'une époque révolue. Si elle était approuvée, cette motion ne servirait pas les intérêts des Canadiens et nuirait au processus légitime que les législateurs ont conçu pour assurer la sécurité nationale.

Beaucoup de Canadiens se posent des questions sur le rôle du Service canadien du renseignement de sécurité. Ce sont des gens sérieux. S'ils n'ont pas les idées claires à ce sujet, c'est qu'ils ont été nourris de mythes concernant le rôle d'un organisme de renseignement de sécurité.

Je veux dissiper certains de ces mythes. Aujourd'hui, je vais parler de ce que fait le SCRS et de ce qu'il ne fait pas.

(1255)

Je tiens d'abord à signaler que, si le SCRS existe, ce n'est pas en dépit de valeurs comme la loi, la responsabilité et la démocratie, mais bien pour défendre ces valeurs.

Il y a près de 50 ans, les Canadiens ont découvert, grâce à Igor Gouzenko, que l'Union soviétique avait un réseau d'espionnage chez nous. On a demandé à la GRC de contrer cette menace, et elle l'a fait pendant des décennies. Après un certain temps, les différences entre le travail policier et le renseignement de sécurité sont devenues de plus en plus évidentes. Le travail policier consiste à faire respecter la loi, à attraper les criminels et à les traduire en justice. Le renseignement de sécurité consiste à mettre les gouvernements en garde et à protéger la population contre des actes pouvant être commis par des étrangers ou des Canadiens qui menacent la sécurité de notre pays.

Mettre en garde et faire respecter la loi sont deux rôles tout à fait différents. Naturellement, pour mettre en garde, il faut avoir de bons renseignements. Il y a bien des manières d'obtenir des renseignements et certaines peuvent aller à l'encontre des libertés civiles et de la loi. C'est pour cette raison, parmi d'autres, que la Commission Mackenzie, à la fin des années 60, et la Commission McDonald, à la fin des années 70, ont recommandé que le service de renseignement du Canada soit un organisme civil et qu'il soit rigoureusement tenu de respecter la loi et de rendre des comptes.

Pour dire les choses simplement, le SCRS a été mis sur pied parce que le gouvernement trouvait que les droits des Canadiens n'avaient pas été bien protégés. Autrement dit, le rôle du SCRS est de protéger les droits, de travailler dans le cadre de la loi et de rendre des comptes au gouvernement élu du Canada.

Il n'existe probablement pas d'autres services de renseignement au monde qui sont assujettis à une loi si stricte, complète et claire. La loi qui régit certains services de renseignement dans d'autres pays se résume souvent à quelques paragraphes de caractère général. Il arrive même qu'il n'y en ait aucune. La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité compte 29 pages. Neuf pages portent sur la façon dont la conduite du SCRS doit être surveillée, examinée et approuvée par des personnes

indépendantes. Aucun autre service de l'administration fédérale n'est soumis à un régime aussi strict.

Le SCRS relève directement d'un ministre et il répond directement au Cabinet et au Parlement. Lorsque le SCRS se livre à des activités de surveillance qui empiètent sur la vie privée, en employant par exemple des moyens électroniques, le directeur doit avoir la conviction personnelle, dans chaque cas, que l'emploi de ces techniques est nécessaire, que tous les autres moyens ont été épuisés et que le recours à ces techniques est légal et relève du mandat du service. Si ces conditions ne sont pas remplies, il n'y a pas surveillance. Même si le directeur est d'avis que la mesure est justifiée, ce n'est pas encore assez. La Loi sur le SCRS l'oblige à demander l'aval du ministre, le solliciteur général. Si celui-ci n'approuve pas, la mesure est bloquée. S'il donne son approbation, l'affaire n'est pas encore terminée. Il faut encore s'en remettre à un juge de la Cour fédérale du Canada. Ces règles ne souffrent aucune exception.

De plus, la loi institue deux organismes d'examen. L'un est un organisme interne, sous la direction d'un vérificateur indépendant appelé inspecteur général et doté de son propre personnel, qui fait rapport directement au ministre. Il a un accès complet à absolument tout ce que fait le service.

Le second organisme d'examen est de l'extérieur. Nous le connaissons sous l'appellation de Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, ou CSARS, sigle sous lequel certains en ont parlé. Il est indépendant à la fois du SCRS et du gouvernement. Il a son propre personnel. Il a accès à absolument tout. Il présente chaque année un rapport au Parlement. Son rôle, comme il le décrit lui-même, consiste à veiller à ce que le SCRS fasse son devoir et à ce qu'il le fasse bien.

Quand le SCRS est entré en activité, le CSARS a trouvé à redire à certaines choses qu'il faisait. Il trouve encore à redire, mais comme il l'a dit lui-même dans son rapport de 1991-1992, bien des choses ont changé: «Pendant les premières années du mandat de notre comité, le SCRS a agi dans une large mesure comme s'il prenait simplement la suite du service de sécurité de la GRC. Malgré les déclarations publiques contraires, le CSARS constatait que les cibles, les politiques et les méthodes du SCRS étaient demeurées, en gros, celles d'un service de sécurité et que sa principale source de recrutement était encore la GRC. Il a fallu attendre trois ans pour que cette situation change sensiblement. Depuis lors, le SCRS s'est grandement renouvelé, si bien qu'on aurait du mal aujourd'hui à y voir le descendant direct du service de sécurité de la GRC. Le nombre et le type de cibles, les solides preuves qu'il faut accumuler avant qu'un groupe puisse être considéré comme une cible, la lucidité, la logique et l'équilibre dont témoignent les affidavits établis à l'appui d'une demande de mandat qui sont présentés à la Cour fédérale, de même que le ton et le contenu des rapports rédigés par les agents du renseignement sur les dossiers des cibles, tout cela a beaucoup changé et pour le mieux. Nous avons encore des critiques à formuler, mais elles ne portent plus sur un désaccord profond et fondamental au sujet d'un point de vue du SCRS sur le monde».

(1300)

Le SCRS est devenu une meilleure organisation, grâce à ce processus d'examen, mais, du même coup, le mécanisme d'examen et d'établissement de rapports a considérablement élargi le travail de ce comité.


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En 1987, Gordon Osbaldeston, ex-greffier du Conseil privé, a été chargé de se pencher sur la situation du SCRS. Il a recommandé des changements au sommet de l'organisation, une nouvelle vision de la formation et du perfectionnement, ainsi qu'une meilleure infrastructure. Ces changements ont été réalisés.

En 1989, le Parlement a réexaminé la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité cinq ans après la création de cet organisme et il a constaté alors qu'on avait encore besoin au Canada d'un service comme celui-là pour lutter contre le terrorisme et l'espionnage et pour fournir au gouvernement tous les renseignements voulus dans le domaine de la sécurité.

En 1991, le gouvernement de l'époque a répondu à cet examen parlementaire. Le titre de son rapport, Maintenir le cap, résume le mieux ses conclusions en ce qui concerne le service et la loi régissant ses activités.

Le troisième examen depuis 1984 a été effectué à l'hiver 1992-1993. Le solliciteur général a demandé au directeur de l'époque d'effectuer un examen complet du service et de voir comment il pouvait être modifié en tenant compte de la fin de la guerre froide et des menaces présentes et futures pour la sécurité du Canada. Le service actuel reflète la nouvelle réalité.

Le SCRS a été créé afin que les responsables de la sécurité rendent davantage de comptes, et non l'inverse. Il s'agissait de respecter les droits et libertés de tous les Canadiens. La loi régissant le SCRS est claire. L'examen auquel est soumis cet organisme est complet. Le SCRS relève complètement du gouvernement et fait constamment l'objet de modifications et de réformes.

Il reflète notre diversité culturelle et emploie beaucoup plus de femmes. Les deux tiers des employés ont été engagés depuis 1984. Le service a élargi de façon importante ses moyens de recherche et d'analyse, notamment pour ce qui est des études en profondeur à long terme des problèmes de sécurité mondiale qui touchent le Canada.

Des centaines de diplômés en administration des affaires, en histoire, en économie et en sciences sociales ont été embauchés. Ces gens ne sont pas des espions, comme certains voudraient le croire. Beaucoup sont des analystes. La plupart ne sont pas assis dans un grenier avec un écouteur. Ils sont plutôt à leur bureau en train de lire. La plupart des documents qu'ils analysent sont de source ouverte ou il s'agit de renseignements reçus d'amis et d'alliés.

La CIA considère que 55 p. 100 des renseignements qu'elle obtient proviennent de sources ouvertes et, dans certains domaines, la proportion est de 80 p. 100. Cela permet de tirer deux conclusions. Tout d'abord, les autres 20 p. 100 sont également essentiels. Ce sont des renseignements que les gens qu'on surveille veulent cacher. C'est ce qui fait que les services de renseignement obtiennent des résultats différents et, parfois, on peut l'espérer, meilleurs que ceux auxquels on peut parvenir à l'interne, à partir de sources ouvertes. Ensuite, plus souvent qu'autrement, c'est grâce à la compétence des gens, et non à l'écoute électronique, qu'on en apprend le plus.

Le SCRS ne cherche pas des renseignements simplement pour le plaisir. Il s'agit de recueillir des renseignements et de les analyser, afin de les comprendre et de les transmettre ensuite au gouvernement. Son travail serait inutile s'il gardait les résultats

pour lui et il n'en fait rien. Son rôle est de communiquer ces renseignements, d'informer le gouvernement, de l'avertir, de le rassurer. Aujourd'hui, les gens sont différents et l'on se concentre sur des problèmes différents. Ceci, en partie parce que les anciennes menaces ont disparu et en partie parce que de nouvelles ont fait surface.

(1305)

Le renseignement n'est pas une invention qui date de la guerre froide. Au Canada, il remonte au milieu du XIXe siècle, époque ou sir John A. Macdonald avait demandé à la police de l'Ouest de patrouiller les frontières du Haut-Canada et de signaler toute activité de la Guerre de sécession qui risquait de porter atteinte à la sécurité du Canada. Le renseignement est une activité qui a été menée et s'est poursuivie jusqu'au début de la guerre froide. Le début de la guerre froide n'a pas donné lieu à la naissance de cette activité. La fin de la guerre froide ne signifie pas que la fin de cette activité est proche. En fait, la chute du mur de Berlin a aggravé certains problèmes.

Le SCRS est chargé de faire face à deux types de menaces: la première à la sécurité publique, la deuxième à la sécurité nationale. Je commencerai par la menace à la sécurité publique. En gros, la sécurité publique suppose que l'on protège les Canadiens contre la violence. Celle-ci peut venir de l'étranger par la voie du terrorisme. Elle peut être encouragée ici par l'entremise de l'action de groupes extrémistes ou de l'appui du terrorisme à l'étranger. Les mesures de mise en garde et de prévention destinées à contrer cette violence potentielle sont ce qu'on appelle le contre-terrorisme. Durant la plus grande partie des années 40, 50 et 60, le terrorisme n'était pas un objet de préoccupation pour le Canada. Cependant, c'est devenu un grave objet de préoccupation avec la multiplication des groupes terroristes et les incidents qui se sont produits au cours des années 70.

Il est devenu clair que le Canada n'était pas à l'abri du terrorisme lorsqu'un diplomate turc a été assassiné ici, à Ottawa, en 1982. Aussi, on n'a qu'à penser à la prise de l'ambassade turque, en 1985, et à la terrible tragédie de l'explosion du Boeing d'Air India, la même année, qui a causé la mort de 329 Canadiens. Le SCRS a adapté ses réactions et ses ressources aux nouvelles menaces.

En 1984, au moment de la création du SCRS, seulement 20 p. 100 de ses ressources étaient consacrées au contre-terrorisme, tandis que 80 p. 100 allaient au contre-espionnage. En 1992, le tableau avait changé radicalement-56 p. 100 des ressources opérationnelles étaient investies dans le contre-terrorisme.

Pour ce qui est de la sécurité publique, la protection des Canadiens est la grande priorité. C'est aussi la principale difficulté. Le terrorisme a différentes sources, aux quatre coins du monde. Les groupes terroristes se forment et disparaissent. Il est presque impossible de prévoir ce que les différents individus, gouvernements et mouvements inventeront la prochaine fois, et quelles seront leurs activités et leurs cibles. Leurs méthodes seront nécessairement radicales. Leur rayon d'action est mondial et un échec peut entraîner des conséquences graves.

Le défi de nos services de sécurité est d'assurer que le Canada ne devienne pas un endroit connu pour ses assassinats. Mais ce n'est pas son seul défi; il y en a quatre autres. Nous ne voulons pas être le pays où les terroristes planifient leurs coups, ni le pays où l'on trouve le financement des actions terroristes, ni le pays


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où l'on achète le nécessaire pour réaliser ces actions, ni le pays où les terroristes se cachent après leur méfait.

Dans un sens, il était beaucoup plus facile de composer avec la guerre froide. Il était assez facile de savoir de quel pays venaient les espions. Dans chaque camp, les experts du renseignement connaissaient bien les habitudes de leurs opposants. On pouvait presque parler d'un code de conduite. Tout était un peu prévisible et s'enchaînait dans un ordre logique. Cette prévisibilité, cet ordre n'existent pas avec le terrorisme.

La menace terroriste ne diminue pas. La technologie du terrorisme est en train de devenir plus accessible, plus facile à utiliser. Les raisons du terrorisme restent de puissants symboles: nationalisme, extrémisme religieux ou politique, et terrorisme subventionné par l'État. Il y a une corrélation entre la prolifération du terrorisme et la prolifération des conflits régionaux. Ceux-ci se poursuivent. Il y a aussi une corrélation entre les haines et les troubles ethniques et le terrorisme.

Si l'on regarde l'Asie, l'ancienne Union soviétique, l'Europe de l'Est, l'Afrique et même l'Irlande du Nord, il est clair que les troubles vont continuer. Malheureusement, les Canadiens sont également vulnérables. Nos frontières sont longues et ouvertes. Nous sommes une société industrielle et riche, une bonne cible pour les extrémistes, une bonne place pour trouver du matériel et lever des fonds. Il y a des liens de parenté et des liens émotionnels, idéologiques et culturels entre des millions de Canadiens et des sociétés étrangères. Lorsque des conflits naissent dans ces sociétés, ils ont des retentissements ici.

(1310)

Le Service canadien du renseignement de sécurité a plusieurs objectifs: d'abord, empêcher que les conflits étrangers ne se prolongent au Canada; deuxièmement, empêcher l'exploitation des immigrants au Canada dans le but de financer ces conflits; troisièmement, empêcher le terrorisme ou l'appui au terrorisme qui pourrait naître ici en relation avec des conflits étrangers.

Son travail est la détection précoce. Il transmet les renseignements au gouvernement. Chaque année, le SCRS prépare des centaines d'évaluations de menaces pour le gouvernement. La grande majorité de ces évaluations sont en rapport avec le terrorisme. Une grande partie du travail consiste à réduire l'inquiétude plutôt qu'à l'accroître.

J'en arrive maintenant à la deuxième priorité du SCRS, qui est la sécurité nationale. En termes simples, il s'agit d'espionnage. Le SCRS lutte contre cela et c'est pourquoi on parle de contre-espionnage. Il se penche sur les activités des organismes des gouvernements étrangers.

Le SCRS s'intéresse aux pays qui font partie d'au moins une des catégories suivantes: ceux qui possèdent des armes de destruction massive et qui pourraient éventuellement attaquer le Canada; ceux qui tentent de mettre au point de telles armes au moyen de menaces ou de vols dans le secteur technologique; ceux qui violent notre souveraineté en intervenant dans nos communautés ethniques; ceux qui tentent d'exercer un contrôle répressif sur leurs ressortissants qui sont au Canada dans le cadre de programmes d'échanges; ceux qui cherchent à causer un préjudice à notre sécurité économique en tentant secrètement d'avoir accès à nos technologies de pointe.

Pendant toute la guerre froide, une grande partie du travail du SCRS visait à contrer ces activités; c'était avant la chute du mur de Berlin. Qu'en est-il du nouvel ordre mondial? Malheureusement, il n'est pas tout à fait nouveau. Des accords sur le contrôle des armes ont été négociés et réduisent la menace nucléaire qui demeure pourtant bien présente.

D'autres pays poursuivent leurs activités d'espionnage au Canada parce qu'ils ont de bonnes raisons de le faire. Ce ne sont pas les communistes qui ont inventé l'espionnage, mais plutôt le désir de s'assurer un avantage national. L'espionnage est un moyen peu coûteux d'acquérir la technologie en matière d'armement, qu'il s'agisse d'armes conventionnelles ou d'armes de destruction massive.

Quant à la prolifération, la situation empire au lieu de s'améliorer. Une grande partie de la technologie existe au Canada, dans nos industries nucléaire, chimique et pharmaceutique, dans nos secteurs de l'électronique et des machines-outils. Tant que le Canada restera ouvert et riche, et que son économie comptera parmi les meilleures, des pays viendront faire de l'espionnage, et pas seulement en ce qui concerne les armes. Voulant rattraper le reste du monde, des pays en développement considèrent que l'espionnage est une façon très efficace de moderniser leur économie. D'anciens pays communistes peuvent recourir à des activités du renseignement pour cette raison. Tous les pays veulent s'assurer l'avantage concurrentiel.

En conclusion, je dirai que la motion dont nous sommes saisis reproche au gouvernement de ne pas avoir ordonné une commission royale d'enquête. J'ai déjà parlé du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. De plus, nous avons formé un comité parlementaire pour examiner plus à fond divers aspects particuliers du SCRS.

Voici un aperçu des coûts de diverses commissions royales, même s'il n'est pas question de semer le doute sur leur bien-fondé: la Commission des peuples autochtones, 13 millions de dollars en neuf mois; la Commission sur le transport des voyageurs au Canada, 23 millions de dollars en trois mois; le Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, 23 millions de dollars en huit mois; la Commission sur les nouvelles techniques de reproduction, 25 millions de dollars en trois ans. La liste est encore longue.

Des députés bloquistes ont accusé le gouvernement de créer des déficits aux dépens des Québécois. Or, c'est précisément ce que le Bloc propose maintenant, soit de gaspiller des fonds publics pour réaliser des études qui ne rapporteront rien à personne. Autre point encore plus intéressant, quand ils participent aux comités parlementaires, ils disent ne pas avoir les compétences voulues pour exercer les pouvoirs d'enquête que la population leur a confiés, de sorte que nous devons payer des spécialistes de l'extérieur pour faire leur travail.


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(1315)

Je doute que les contribuables du Canada, et surtout du Québec, soient contents d'apprendre cela. Cette motion est une insulte pour tous les Canadiens qui demandent qu'on freine les dépenses gouvernementales et qu'on mette de l'ordre dans notre économie.

[Français]

M. André Caron (Jonquière): Madame la Présidente, j'ai écouté avec attention le très bon exposé de mon collègue de Durham sur le Service canadien de renseignement de sécurité. Nul doute qu'il faille, dans un État moderne, prendre des mesures spéciales pour vérifier si des activités d'espionnage, d'ingérence étrangère, de subversion révolutionnaire n'auraient pas lieu sur le territoire canadien. Je pense que le député a très bien cerné les raisons qui font qu'il faut qu'il y ait un organisme qui veille à surveiller ces activités. Par contre, la motion de l'opposition qui est à l'étude ce matin porte sur un sujet un peu différent.

Mon nom était sur la liste des membres du Parti québécois qui a été volée par des gens du Service de sécurité de la GRC dans les années 1970, ce qui fait que je suis un peu sensible à ces questions. D'autant plus que, quand j'ai été élu à la Chambre des communes, quand les gens de la circonscription de Jonquière m'ont fait l'honneur de me mandater pour les représenter, beaucoup de mes amis m'ont dit: Tu vas à Ottawa, tu es un souverainiste affiché, un séparatiste comme beaucoup de nos amis d'en face le disent souvent. Vous savez, dans les années 1960, j'étais séparatiste, maintenant, en 1994, je le suis encore.

M. Milliken: Oui, oui, et la semaine prochaine, vous serez fédéraliste.

M. Caron: Je vais être souverainiste pour le référendum, soyez-en sûr, cher confrère de Kingston et les Îles.

Quand mes amis ont vu que j'étais élu à Ottawa, ils m'ont dit: Tu vas être sous la surveillance de la GRC. Je leur ai dit que je n'avais pas de craintes particulières, nous sommes dans un État de droit et je ne crois pas que des menaces comme celles-là puissent arriver.

Quand je regarde la question devant nous ce matin, je m'aperçois que le Service de sécurité actuel semble avoir pris des mesures qui sont discutables. Il y a un organisme, un comité de surveillance qui est censé faire en sorte que je sois rassuré. Je ne veux pas savoir ce qui se passe au SCRS, mais je veux avoir la conviction que cet organisme est bien encadré et bien surveillé. Or, il se passe que le comité actuel de surveillance a été nommé par le précédent gouvernement, et les partis qui étaient à ce moment-là représentés à la Chambre avaient un mot à dire sur la nomination des membres du comité. Il y a trois conservateurs, un libéral et un membre du NPD. Ce sont tous, j'imagine, de bons fédéralistes et ce sont tous des gens qui ont une certaine conception de l'État canadien.

Ces gens-là, je ne leur fais pas confiance. C'est triste à dire, mais je ne leur fais pas confiance pour vérifier si mes droits de Canadien, mes droits de Québécois sont actuellement bien respectés par le Service de sécurité actuellement. Je n'en suis pas sûr, car on voit que le Parti réformiste a eu quelqu'un payé par le SCRS dans son entourage, je ne suis pas sûr qu'il n'y en a pas eu dans l'entourage du Bloc québécois.

Je pense que ce sont des questions importantes. Les gens ont des doutes et le Comité de surveillance actuel n'est pas en mesure de les rassurer. Je demande à mon confrère, s'il ne croit pas qu'il ne serait pas important qu'une commission d'enquête se penche sur cette question, même si cela coûte de l'argent. Pour sauvegarder la démocratie, je pense qu'il faut investir les montants qui sont nécessaires, compte tenu de la composition actuelle du comité, pour enquêter sur le SCRS. Est-ce que mon collègue de Durham ne croit pas qu'il y aurait lieu qu'une commission royale d'enquête jette un regard sur les allégations qui sont actuellement dans les journaux concernant le Service canadien du renseignement de sécurité?

(1320)

[Traduction]

M. Shepherd: Madame la Présidente, je remercie le député de poser la question. La question revient en substance à savoir si le CSARS est responsable. Eh bien, j'ai examiné toute l'affaire et le CSARS me semble tout aussi responsable devant les Chambres du Parlement que tout ministère fédéral. C'est un principe fondamental de notre système démocratique.

Il serait absolument ridicule d'établir une commission royale chaque fois qu'une enquête s'impose, que ce soit en rapport avec le CSARS, le ministère de l'Industrie ou avec toute autre chose. À quoi servirait le Parlement si l'on faisait appel à une commission royale chaque fois qu'un problème se pose? En fait, je crois que l'on a trop souvent eu recours au Canada à des commissions royales et à des études. La Bibliothèque du Parlement est pleine de rapports de commissions et d'études dont beaucoup ne servent qu'à ramasser la poussière. Ce que nous disons, en fait, c'est que cela irait complètement à l'encontre de nos traditions parlementaires.

Et, plus important encore, cela coûterait une fortune. Cela ne pourrait manifestement se justifier qu'en cas d'atteinte aux libertés civiles. Le fait est que nous avons tout ce qu'il faut. Nous avons tous les systèmes nécessaires pour surveiller le SCRS. Pourquoi payer pour avoir autre chose? Il est absolument ridicule, avec un déficit de plusieurs milliards de dollars, de songer à charger une commission royale d'enquêter sur quelque chose qui est déjà très bien surveillé.

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord): Madame la Présidente, j'aimerais que le député précise certains points se rapportant aux fonctions actuelles du SCRS. Je le remercie pour son exposé.

Si j'ai bien compris, le SCRS a été créé à partir d'éléments de la GRC parce que nous avions besoin de faire échec aux activités d'espionnage de l'URSS à un époque précise de notre histoire. Puisque la guerre froide est maintenant terminée et que le mur de Berlin a été démoli, le besoin qui justifiait la création du SCRS n'existe plus.

Pendant la guerre froide, le SCRS consacrait 80 p. 100 de son temps aux activités de contre-espionnage, ce qui est clairement lié à la sécurité nationale. Puisque la guerre froide est maintenant terminée, les activités de protection de la sécurité nationale menées par le SCRS ne devraient-elles pas être à nouveau confiées à la GRC? Apparemment, le SCRS sert de mécanisme d'alerte précoce et, une fois l'alerte donnée, un autre organisme


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compétent prend la relève. Les activités de contre-espionnage ne comptent plus, je crois, que pour 56 p. 100 du travail du SCRS. Je me demande si le SCRS a vraiment encore un rôle à jouer, ou si son utilité se justifie par d'autres activités.

M. Shepherd: Madame la Présidente, la députée demande si les fonctions remplies par le SCRS devraient être confiées à nouveau à la GRC et, sinon, pourquoi la GRC ne peut pas remplir ces fonctions.

Je me suis efforcé d'expliquer qu'il y a une différence importante entre l'exécution de la loi et le renseignement de sécurité. Il semble que le SCRS, comme d'autres organismes de renseignement de sécurité, notamment la CIA, ont vu le jour parce que l'on supposait qu'ils avaient un rôle particulier à jouer.

Dans la deuxième partie de sa question, la députée demande si nous avons besoin de tels organismes aujourd'hui. Je crois qu'il n'est pas nécessaire de fouiller beaucoup dans les journaux locaux pour constater que le terrorisme existe encore dans le monde. Nous avons vu la terreur frapper l'Irlande du Nord, la Bosnie-Herzégovine et d'autres régions. Cela concerne le Canada parce que des Canadiens ont des liens de parenté et d'autres liens avec ces pays.

La réponse est oui, nous en avons apparemment besoin. De plus, la mondialisation de l'économie et les progrès techniques font peut-être que ce besoin est plus grand que jamais.

(1325)

M. John Duncan (North Island-Powell River): Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec mon collègue, le député de Crowfoot.

Je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole pour participer au débat sur la sécurité de notre pays. Je me rends bien compte que, de par sa nature même et de par sa création en 1984, le SCRS et la plupart de ses activités doivent rester secrets. La vie des gens qui travaillent pour le compte du SCRS, ses contacts et, en fin de compte, tous les Canadiens seraient en danger s'il fallait que tombe entre de mauvaises mains de l'information qui ne devrait pas s'y trouver. Cela ne devrait cependant pas empêcher les parlementaires, représentant tous les Canadiens, de discuter de ce service secret, de son travail, de son mandat, de ses activités et de la façon dont nous examinons son champ d'activité, à savoir par le truchement du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, connu sous le sigle CSARS.

On ne met pas en doute le travail du SCRS, qui a pour mission de protéger les intérêts et la sécurité des Canadiens. Comme le Canada est un pays très ouvert, il doit rester vraiment vigilant à l'égard du danger d'action subversive. Nous devons rester conscients du fait que le Canada risque de devenir un champ de bataille entre groupes d'immigrants qui veulent poursuivre leurs hostilités sur notre sol. Étant donné que le Canada affiche le taux d'immigration le plus élevé du monde occidental et qu'il est très exposé à cet égard, la vigilance s'impose.

Il est donc important de reconnaître les menaces potentielles et de réitérer notre soutien au SCRS, mais cela ne veut pas dire que le SCRS est ultra vires ou un dérivé intouchable de la CIA. L'obligation de rendre des comptes demeure toujours la caractéristique de notre pays, de ses fonctionnaires, de ses politiciens et des gens qui figurent sur la feuille de paie de l'État.

Le Canada est l'un des rares pays démocratiques occidentaux à avoir donné dans un texte de loi une charte précise à son service de sécurité. La loi lui confère une mission bien définie pour l'exercice de ses activités. Elle prévoit un système de mandats définis par les tribunaux pour faire usage de techniques d'enquête intrusives et elle institue des organismes de surveillance et d'examen. Toutes ces mesures visent à faire en sorte que le service n'outrepasse pas les limites de sa mission.

On se demande donc si c'est bien le cas. Il était devenu évident au cours des quatre années d'existence de la Commission McDonald à la fin des années 70 que le Service de sécurité de la GRC se livrait fréquemment à des actes illégaux et à des abus. Ce rapport recommandait principalement la constitution d'un service de renseignement totalement civil. Ce service devait être comptable au gouvernement et assujetti à une procédure d'examen strict. Le rapport concluait que le travail de renseignement et l'application des lois étaient incompatibles.

En conséquence, en mai 1983, on a présenté le projet de loi C-157, qui visait à créer ce nouveau service de renseignement. Mais il est mort au Feuilleton après avoir fait l'objet d'un long débat à la Chambre et en comité ainsi que de nombreuses critiques de la part du public. Au cours de la session suivante de la 32e législature, le projet de loi C-9 a été présenté de nouveau et renfermait toutes les modifications proposées dans le projet de loi C-157. Cette loi a été proclamée en août 1984.

Elle confie la gestion et la direction du SCRS au directeur, qui est nommé par le Cabinet. Elle donne au solliciteur général un rôle de supervision active. Initialement, le législateur avait adopté un modèle semblable à la loi américaine où le ministre ne jouait pas le moindre rôle opérationnel. Cela visait officiellement à garantir que le SCRS ne soit pas utilisé à des fins partisanes. La loi prévoit maintenant que le ministre a un pouvoir de révision et qu'il doit approuver toutes les délivrances de mandat. La loi crée également le poste d'inspecteur général et le comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. L'inspecteur général a pour fonction de surveiller les activités opérationnelles du SCRS; il doit en outre faire rapport au solliciteur général adjoint et au CSARS sur la légalité et le caractère approprié des activités du SCRS.

(1330)

Le CSARS est composé de cinq membres du Conseil privé nommés après des consultations tenues entre le premier ministre et les chefs des partis de l'opposition à la Chambre des communes. Il doit examiner les activités du SCRS et en faire rapport au Parlement et au ministre. Il fait également des enquêtes sur les plaintes et sert de tribunal d'appel en matière d'évaluations de sécurité et de décisions fondées sur des renseignements de sécurité en vertu de la Loi sur la citoyenneté et de la Loi sur l'immigration.


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Pendant ses 10 années d'existence, le SCRS a eu des problèmes de croissance. La Chambre des communes a créé un comité spécial en 1989 pour examiner la Loi sur le SCRS et la Loi sur les infractions en matière de sécurité. Ce comité a fait 117 recommandations. Intitulé Une période de transition, mais non de crise, ce rapport a conclu, de façon générale, que le système était sain et que toute réforme devrait être fondée sur le maintien et le renforcement des institutions établies.

Dans sa réponse, le gouvernement a émis l'avis qu'il n'était pas nécessaire de modifier ces deux lois. Il a même ajouté qu'il n'était pas prêt à envisager des changements de structures.

En février 1991, on a débattu une motion de l'opposition demandant à la Chambre d'adopter le rapport du comité qui recommandait la création d'un sous-comité parlementaire sur la sécurité nationale. Ce sous-comité a tenu sa première réunion en juin 1991.

Le 3 mai 1994, ce même Comité permanent de la justice et des questions juridiques a rétabli le sous-comité sur la sécurité nationale qui s'occupe actuellement de l'affaire Bristow. Le vote sur cette motion avait été très serré; elle avait été adoptée de justesse.

Passons maintenant à la création du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, communément appelé le CSARS. En 1984, le gouvernement conservateur, qui venait d'entrer en fonction, a annoncé la composition initiale du CSARS. Pour se conformer aux exigences de la loi quant aux critères d'admission au CSARS, deux personnes ont dû être assermentées au Conseil privé le jour même de leur nomination. La politique était déjà entrée en jeu, les dés étaient jetés et les soupçons éveillés. Naturellement, l'une des conditions d'admissibilité étant l'appartenance au Conseil privé, quatre des cinq premiers membres étaient d'anciens ministres et le cinquième était un éminent avocat de la ville de Québec.

Aujourd'hui, les membres du comité d'examen sont étroitement liés à un parti et choisis par nomination politique. Trois sont d'allégeance conservatrice, un est lié au Parti libéral et l'autre au NPD. Cet organisme est une pure création de Mulroney.

Quelle est donc la fonction du comité? Il doit observer rigoureusement le SCRS au nom du public et du Parlement. Il doit être indépendant du gouvernement et de son fonctionnement, mais rendre compte au Parlement du Canada. La Loi sur le SCRS stipule que les membres du comité sont nommés par le gouverneur en conseil après consultation des chefs de tous les partis comptant plus de 12 députés à la Chambre des communes.

Est-il indépendant ou s'agit-il d'un autre organisme sectaire et de nature politique regroupant surtout des dinosaures conservateurs? Fait-il des examens constructifs et apolitiques du SCRS et de ses activités? Nous devons le savoir et la seule façon de répondre à ces questions est peut-être de faire enquête sur les enquêteurs.

Nous ne voulons pas faire la même erreur que nos voisins qui ont créé des monstres comme la CIA. Si nous ne sommes pas vigilants et si nous ne prenons pas le temps d'examiner le travail d'organismes comme le SCRS qui existe déjà depuis 10 ans, nous risquons facilement de perdre le contrôle de leur fonction et de la portée de leurs activités.

(1335)

La loi interdit au CSARS l'accès aux documents du Cabinet. C'est pourquoi j'estime que la règle qui veut que les membres du CSARS soient désignés par le Conseil privé ou aient l'expérience du Cabinet est inutile et qu'il y a lieu de l'abolir. Qu'ils soient plutôt l'objet d'un examen d'agrément sécuritaire mené par la GRC et, s'ils satisfont aux critères, qu'on les habilite!

Pourquoi exiger une désignation du Conseil privé si les membres du CSARS n'ont pas accès aux documents du Cabinet? Cette nouvelle façon de procéder permettrait de nommer des membres indépendants, plutôt que d'anciens membres du Cabinet.

Je recommanderais également des changements au sujet de la durée du mandat des membres du CSARS. Les cinq ans que dure actuellement le mandat permettent à l'ancienne administration de se protéger contre la nouvelle. À l'heure actuelle, le premier membre du CSARS nommé par les conservateurs verra son mandat expirer en décembre 1996 et le dernier, en 1998. Il se pourrait donc qu'ils survivent tous à l'actuel gouvernement, si les prochaines élections devaient avoir lieu avant décembre 1996. Quatre ou cinq d'entre eux seront toujours en fonction si les élections se tiennent avant novembre 1997.

Par ailleurs, le membre du comité nommé par les libéraux, Michel Robert, celui-là même qui travaillait les samedis et qui a signé un contrat conclu sans appel d'offres de 249 000 $ avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, est le protégé de l'actuel gouvernement chargé de veiller au grain. C'est de la rigolade! Voilà un cas de favoritisme qui est loin de favoriser un examen indépendant des opérations du SCRS.

Ce dont nous avons besoin, c'est un sous-comité parlementaire de la sécurité qui soit permanent et doté d'une compétence législative. Ainsi, on satisfera au moins à la recommandation faite dans le cadre de l'examen sur la sécurité nationale de 1991 et on se dotera d'un organisme dont les pouvoirs d'enquête s'étendent au Cabinet, ce que le CSARS n'est pas habilité à faire.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Madame la Présidente, je voudrais souligner la minutie avec laquelle le député d'en face a préparé et prononcé ce discours. Il a été agréable de se faire rappeler certains faits récents.

Je suis bien conscient de la recherche assez approfondie qu'il a manifestement effectuée à l'égard du mécanisme de nomination des membres du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. Il a fait valoir une préoccupation au sujet de ces nominations, c'est-à-dire la consultation ou l'absence de consultation des dirigeants des partis de la Chambre des communes avant que ces nominations ne soient faites. Il s'agit là d'un point que j'avais soulevé à la Chambre au cours de la dernière législature.


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À l'époque, il semble bien que le premier ministre, qui était l'unique responsable de ces nominations, ne m'ait pas entendu. Il est donc réconfortant d'entendre les observations du député.

Je voudrais lui demander s'il a réfléchi plus longuement à la question ou s'il peut nous dire comment il serait possible de mettre sur pied un sous-comité parlementaire qui serait différent de celui qui existe actuellement au Parlement et dont le mandat englobe cette question générale d'examen de l'enveloppe du renseignement de sécurité.

Pourrait-il nous donner plus de détails sur les changements qu'il proposerait au sujet des activités du comité parlementaire?

M. Duncan: Madame la Présidente, je voudrais souligner le rôle très important qu'a joué dans la création de ce sous-comité le député qui vient de prendre la parole. Il en a été la force agissante. Je dois avouer que j'ai suivi un cours intensif sur le SCRS depuis que j'ai su que cette motion serait déposée.

(1340)

Je voudrais que ce sous-comité devienne permanent au moyen d'une mesure législative. Je voudrais également que ce sous-comité permanent ait un rôle très important à jouer dans les nominations au CSARS. Autrement dit, il devrait pouvoir examiner minutieusement les candidats au lieu de simplement les interviewer.

Je serai certainement disposé à entendre toute autre proposition constructive que le député pourrait avoir.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Madame la Présidente, la question primordiale à laquelle il faut répondre au sujet de l'affaire Brian McInnis-Grant Bristow, c'est celle de savoir si le SCRS et d'autres institutions gouvernementales ont été politisés par le gouvernement de Brian Mulroney et si l'affaire McInnis-Bristow était le prolongement prémédité de cette politisation.

Rod Stamler, un ancien sous-commissaire de la GRC, a précisé clairement dans le livre de Paul Palango intitulé Above the Law et aussi dans le cadre de tribunes radiophoniques partout au pays que la GRC avait été politisée par le gouvernement Mulroney et qu'on ne lui avait pas laissé les coudées franches dans le cas des enquêtes sur des affaires de politique et de corruption au Canada.

Lorsqu'on cherche des preuves de cette accusation très grave, on constate plusieurs incidents inquiétants. Il y a, par exemple, l'accusation portée par Shelly Ann Clark qui parle de tromperie dans la négociation de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et qui n'a cessé de se plaindre de ce que la GRC n'a jamais vraiment fait enquête sur les questions qu'elle avait soulevées.

On doit parler également de Glen Kealy, qui a accusé des membres du gouvernement Mulroney d'offrir des pots-de-vin, et en particulier de l'affaire Roch LaSalle, qui n'a jamais été tranchée par les tribunaux. Il ne faudrait pas oublier non plus Alan Eagleson, un ami proche de l'ancien premier ministre. Malgré les preuves détaillées d'activités illicites qu'avaient entre les mains la GRC, la police du Grand Toronto et le Barreau du Haut-Canada, aucune mesure vraiment concrète n'a été prise.

Pourtant, après avoir examiné les mêmes preuves, le département américain de la Justice a porté 34 accusations contre M. Eagleson, émis un mandat d'arrestation contre lui, gelé son compte en banque aux États-Unis et entrepris des procédures d'extradition, afin qu'il soit jugé aux États-Unis.

Ces incidents donnent beaucoup de poids aux allégations de M. Stamler qui a affirmé qu'il y avait eu de l'ingérence politique dans les opérations de la GRC et dans l'administration de la justice au Canada, que la GRC avait été politisée sous le gouvernement Mulroney et qu'on n'avait pas procédé aux enquêtes voulues sur des activités illicites menées par des membres du gouvernement et des amis de ce dernier.

Des personnes bien informées m'ont dit qu'il serait beaucoup plus facile de politiser le Service canadien du renseignement de sécurité que la GRC. Lorsque j'ai demandé à mes sources de s'expliquer, elles m'ont répondu que le solliciteur général avait le pouvoir, en vertu des lois fédérales, de demander au SCRS des renseignements secrets et classifiés, notamment des dossiers complets et le nom d'informateurs.

Cette affirmation est corroborée par le fait qu'au moins huit boîtes de documents secrets et hautement confidentiels, qui ont été saisies à la résidence de Brian McInnis, venaient directement du cabinet du solliciteur général. Pourquoi le solliciteur général doit-il avoir en sa possession des documents aussi secrets? Pour quelles raisons doit-il avoir des documents du SCRS?

Tout prouve que Doug Lewis, l'ancien solliciteur général, a participé directement à l'administration du SCRS. Ce dernier n'était donc pas indépendant, puisque M. Lewis s'ingérait directement dans ses opérations.

(1345)

La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité confère au solliciteur général le droit d'avoir pleine connaissance des renseignements concernant le SCRS et le pouvoir d'orienter les politiques, le fonctionnement et la gestion de cet organisme. En outre, le sous-adjoint au solliciteur général fait partie du comité de surveillance et d'approbation des objectifs du SCRS et a directement son mot à dire quant aux personnes ou aux groupes visés par le SCRS.

Il faut alors se demander dans quelle mesure l'ancien solliciteur général a politisé le SCRS par l'entremise de son sous-adjoint qui faisait partie du comité qui décidait des personnes et des activités sur lesquelles le SCRS devait se concentrer, ou par sa participation directe, ou encore de ces deux façons. Cette question ne doit pas demeurer sans réponse.

Dans le discours qu'il a prononcé à la Chambre aujourd'hui, le solliciteur général a tenté de rejeter la demande que le Bloc a présentée en vue de l'établissement d'une commission royale pour étudier cette question sous prétexte que cela faisait double


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emploi avec le travail du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. Ce n'est pas vrai. Le comité de surveillance a dit au sous-comité qui étudiait la question qu'il ne pouvait pas enquêter sur les affaires qui étaient rendues au bureau du solliciteur général. Cela signifie qu'il n'est pas habilité à déterminer si l'ancien solliciteur général a politisé ou non le SCRS. Il s'agit d'une question fondamentale qui outrepasse son mandat. A-t-on eu recours au SCRS à des fins politiques, du temps de Doug Lewis?

Je pense qu'il faut étudier non seulement cette question mais aussi celle de la politisation de nos institutions fédérales, dont le SCRS et la GRC, par le gouvernement Mulroney.

Il semble que l'on ait délibérément brouillé la répartition des pouvoirs entre ceux qui font les lois et ceux qui les administrent et les appliquent. Cependant, la question qui a le plus de répercussions, la question la plus importante qui ait été soulevée par toute l'affaire McInnis-Bristow est la suivante: A-t-on détruit ou enfreint la règle de droit dans notre pays?

C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec l'actuel solliciteur général quand il dit que le comité de surveillance peut s'occuper de cette affaire. De toute évidence, le comité de surveillance ne peut examiner l'utilisation incorrecte ou l'abus de pouvoirs politiques dans le bureau de l'ancien solliciteur général ou dans quelque autre institution gouvernementale que ce soit. Son mandat n'est donc pas adéquat.

Nous devons nous en remettre au sous-comité et espérer qu'il réussira à faire la lumière sur cette affaire et à répondre à toutes les questions. Sinon, la demande d'une enquête approfondie sera justifiée.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Madame la Présidente, je dois dire que j'ai été quelque peu surpris hier soir de noter que la motion de l'opposition demandait la mise sur pied d'une commission royale pour enquêter sur certaines allégations publiées par les médias ces derniers temps-au cours du dernier ou des deux derniers mois-en ce qui concerne à la fois le mandat du Service canadien du renseignement de sécurité et la protection des documents émanant du SCRS et la façon dont ils peuvent être communiqués au ministre qui rend compte des activités du SCRS à la Chambre, le solliciteur général.

Les événements faisant l'objet de ces allégations se sont produits il y a deux, trois ou quatre ans. Quoi qu'il en soit, l'opposition a présenté sa motion. Avant d'aborder le fond de cette dernière, je tiens à faire remarquer-comme certains peut-être l'ont fait avant moi-que le terme «illégales» utilisé dans la motion risque d'être considéré comme non parlementaire. Il a déjà été considéré comme tel. Je sais gré à l'opposition d'avoir eu plus tôt aujourd'hui la courtoisie de remplacer cette formulation par «allégations» d'activités illégales.

J'aurais préféré que l'on emploie «allégations d'activités irrégulières» parce qu'on a été très précis sur les activités illégales qui peuvent avoir eu lieu.

(1350)

Quelque activité illégale qu'il ait pu y avoir, elle devait sans aucun doute se rapporter au mandat du SCRS et, pour faire une analogie, si quelqu'un au ministère de l'Agriculture décide de faire quelque chose qui met en cause le ministère de la Santé, ce n'est certainement pas une chose illégale en soi.

Mais je laisse là les questions techniques pour en venir à la motion.

D'autres collègues à la Chambre ont noté à juste titre le travail accompli par le SCRS pour le compte des Canadiens. Cela fait 10 ans que le SCRS recueille et analyse des renseignements, prépare des autorisations de sécurité, fournit des rapports et des analyses de sécurité aux autres ministères.

Le collègue qui vient de parler mentionnait une autorisation de sécurité établie par la GRC. La GRC ne fait pas cela. C'est un travail qui est effectué par le SCRS.

Le travail du SCRS porte surtout sur ce que l'on appelle les menaces à la sécurité du Canada. Elles sont définies à l'article 2 de la Loi sur le SCRS et elles comprennent l'espionnage et les activités influencées par l'étranger. Parfois ces activités du SCRS sont qualifiées de contre-espionnage et, effectivement, une partie du travail consiste à enquêter sur l'espionnage que pratiquent certains services de gouvernements étrangers.

Il y a le secteur du contre-terrorisme, que le terrorisme vienne ou non d'un gouvernement étranger. Il y a aussi une catégorie de menaces que l'on appelle la subversion mais, dans ce cas, le service ne fait aucune enquête sans l'autorisation expresse du solliciteur général. La dernière fois que nous avons vérifié, nous n'avons trouvé trace d'aucune opération du SCRS en relation avec la subversion.

Le gros du travail du SCRS, le gros de son excellent travail, ne vient jamais au grand jour. En raison de la nature de ce travail, le service ne prépare jamais de communiqués, le vendredi après-midi, à l'intention des médias ou de qui que ce soit. L'essentiel du travail se fait à l'abri des regards, au bureau, sur bloc de papier ou sur un écran d'ordinateur, et fait avant tout appel au bon sens. Tout ce travail de collecte de données et de préparation d'évaluations de sécurité se fait surtout à partir de sources publiques. Cependant, le service acquiert aussi des données de sources qui ne sont pas publiques, mais elles sont acquises par des moyens appropriés et légaux.

Le SCRS vient en aide au gouvernement du Canada et, en général, aux citoyens également, en tâchant d'empêcher des gouvernements étrangers de voler nos secrets industriels ou d'intervenir dans les affaires du Canada par différents moyens. C'est une sorte de jeu du chat et de la souris qui se fait dans tous les pays du monde.

Pourquoi l'opposition officielle réclame-t-elle une commission royale? Nous avons une loi qui régit le SCRS au Canada, une

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loi relativement moderne, à jour et efficace, comparativement à celles qui existent ailleurs.

(1355)

Je ne suis pas de ceux qui disent que la Loi sur le SCRS est parfaite. Le compte rendu confirmera que j'ai essayé de formuler des observations constructives, tant à la Chambre qu'au cours de l'examen quinquennal du SCRS, sur la façon dont on pourrait la modifier. Je signale que ce ne sont pas tous les pays qui ont une loi régissant leur service de renseignement.

Je crois comprendre qu'à l'heure où l'on se parle, la Grande-Bretagne est sur le point d'invoquer une loi adoptée récemment et de mettre au point un règlement régissant les travaux de l'organisme de sécurité qu'on appelle MI5. C'est tout un changement pour les habitants de Grande-Bretagne, qui n'avaient jamais eu de loi applicable au travail de leurs James Bond. Cette loi sera ensuite mise à jour progressivement, selon les besoins.

L'Australie n'a pas de loi régissant son service de renseignement. Je crois bien que chaque personne qui travaille pour le service est employée par une personne qui elle est employée par le gouvernement. Cet organisme n'est constitué que d'une seule personne. Il n'existe pas de loi pouvant confirmer ou démentir les activités de ce service de renseignement.

En plus de la loi dont les articles précisent la façon dont doit opérer le SCRS, nous avons le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité ou CSARS qui a pour fonction de surveiller toutes les activités du SCRS prévues dans son mandat et de s'assurer qu'il agit conformément à la loi et avec efficacité. C'est tout un défi pour le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité.

Le Président: Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe aux déclarations de députés prévues à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

M. DOMINIC CARDILLO

M. Janko Peric (Cambridge): Monsieur le Président, je me joins à mes collègues de Kitchener et de Waterloo pour rendre hommage au maire de Kitchener, M. Dominic Cardillo.

Les résidents de Kitchener ont organisé des célébrations aujourd'hui en l'honneur de M. Dominic Cardillo, pour le remercier pour sa remarquable contribution à leur ville. D'abord élu à titre d'échevin en 1963, il a été maire de Kitchener au cours des 11 dernières années. À une époque où les politiciens ne sont pas très populaires, un mandat aussi long atteste vraiment de l'intégrité de Dom et de son ardeur au travail.

Le maire Cardillo mérite des félicitations pour avoir promu les intérêts de Kitchener sans jamais se lasser. Sous sa direction, la ville a connu une croissance de population et gagné en maturité. Sa plus grande réalisation est le nouvel hôtel de ville, qui permet de centrer l'attention sur les personnes pour vraiment mettre en valeur le gouvernement municipal et le centre-ville de Kitchener.

Dom Cardillo a été un leader municipal modèle dont le dévouement aux intérêts de ses électeurs restera longtemps gravé dans leur mémoire.

* * *

[Français]

LA RECONVERSION INDUSTRIELLE

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières): Monsieur le Président, dans son livre rouge, le Parti libéral s'engageait à soutenir la reconversion militaire. Or, ses engagements, il ne les tient que pour les provinces anglophones, comme le dévoilait hier la CSN.

Les provinces maritimes ont perdu 3 000 emplois dans la fermeture de bases militaires et elles ont obtenu 20 millions de dollars pour diversifier leur économie. Le Québec, quant à lui, a perdu près de 1 000 emplois lors de ces mêmes coupures et n'a reçu qu'un maigre 200 000 $ pour y faire face.

Faut-il rajouter que l'industrie militaire du Québec a perdu 7 000 emplois depuis quatre ans et qu'elle attend toujours que le gouvernement fédéral modifie son programme de productivité de l'industrie de matériel de défense.

Cet exemple démontre une fois de plus l'injustice dont le Québec est victime. On le voit bien, le premier ministre ne cherche pas à défendre les intérêts du Québec. La seule vraie préoccupation qu'a le premier ministre, et il s'y applique fort bien, c'est de mettre le Québec à sa place.

* * *

[Traduction]

YORKTON-MELVILLE

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, je suis fier de signaler que le Xe Congrès annuel canadien du leadership étudiant a eu lieu la semaine dernière dans ma circonscription, Yorkton-Melville. Ce congrès s'est tenu pour la toute première fois à Yorkton il y a 10 ans et n'a jamais cessé de croître depuis.

Cette année, plus de 1 000 étudiants et leaders du secondaire, représentant toutes les provinces et les territoires du Canada de même que certaines régions des États-Unis, ont participé à l'événement. Ils ont eu l'occasion de partager leurs expériences avec leurs homologues et de s'encourager mutuellement à réaliser leurs rêves.

En même temps que le Congrès du leadership étudiant se tenait à Yorkton la finale du tout premier championnat canadien annuel de rodéo pour les étudiants du secondaire. Ce rodéo a remporté un vif succès, et je suis fier d'annoncer que l'équipe championne vient de la Saskatchewan.

Jason Resch, de la Saskatchewan, a remporté le championnat masculin, et Kelly Rood, également de la Saskatchewan, a décroché le titre féminin. Levons nos chapeaux à nos futurs leaders. Félicitations à tous les organisateurs et aux participants.


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Soit dit en passant, l'année prochaine, le Congrès se tiendra à Bathurst, au Nouveau-Brunswick.

* * *

LE CODE CRIMINEL

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton): Monsieur le Président, la semaine dernière, j'ai reçu des lettres des maires de Brampton et de Mississauga et de la Coalition for the Safety of our Daughters au sujet d'une question très grave.

Les municipalités de Mississauga et de Brampton ont toutes deux un règlement qui empêche les bars de danseuses nues d'engager des personnes de moins de 18 ans. Mais beaucoup d'autres municipalités canadiennes n'ont pas un tel règlement ou encore les ressources nécessaires pour le faire respecter.

De concert avec les maires de Brampton et de Mississauga et avec la coalition, je demande au ministre de la Justice de modifier immédiatement le Code criminel de telle sorte que les propriétaires de bars de danseuses nues qui emploient des personnes de moins de 18 ans soient poursuivis en justice.

* * *

LES FOIRES AUTOMNALES

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, en cette saison où le paysage de notre pays change de couleur et où les agriculteurs font leurs récoltes, les foires annuelles battent leur plein. Ces foires répondent à une vieille tradition au Canada et permettent aux parents, amis et voisins de célébrer l'automne ensemble.

Dans London-Middlesex, ma circonscription, j'ai eu l'occasion d'assister et de participer à la Foire de Dorchester, à la Foire d'automne de Thorndale, au Festival des récoltes de Lambeth, à la Foire d'Iderton et à la plus grande foire du sud-ouest de l'Ontario, la Western Fair.

Un formidable esprit communautaire et de longues heures de dur labeur font de ces foires des événements mémorables auxquels participent avec joie mes électeurs des régions urbaines autant que rurales.

Félicitations à tous les gens de London-Middlesex qui, grâce à leur dur labeur, assurent le très grand succès de ces foires.

* * *

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Barry Campbell (St. Paul's): Monsieur le Président, beaucoup de Canadiens sont bouleversés de voir certaines personnes tenter de nous détourner du débat légitime que nous devons tenir sur la place des armes à feu dans la société canadienne.

La grande majorité des Canadiens réclame un contrôle plus rigoureux des armes à feu parce que la présence d'armes dans nos villes et dans nos foyers porte atteinte à notre sécurité à tous. Je comprends que les chasseurs et les agriculteurs aient besoin de fusils. Cependant, au Canada, la possession d'une arme à feu est un privilège, ce n'est pas un droit.

Certains faits sont incontournables. Les armes à feu tuent des gens et les armes de poing n'ont pas d'autres but que cela. L'enregistrement de toutes les armes n'aurait que des inconvénients mineurs pour tous ceux qui ont besoin de fusils de chasse. Les armes de poing et les armes d'assaut ne sont pas nécessaires pour chasser et les agriculteurs n'en ont pas besoin pour se débarrasser de la vermine.

Je respecte le droit des Canadiens de choisir leurs passe-temps. Toutefois, les passe-temps ne doivent pas imposer au gouvernement sa politique. Les pilotes de course de démolition ne contrôlent pas le code de la route. Les tireurs sportifs ne devraient pas tenter de nous dicter nos règles sur le contrôle des armes à feu.

J'exhorte le gouvernement à faire de la sécurité publique la priorité première de notre politique sur le contrôle des armes à feu. Dans ce débat, tous les facteurs à prendre en considération n'ont pas le même poids. Nous devons nous occuper de la contrebande des armes et de l'utilisation d'armes à des fins criminelles. L'interdiction des armes de poing et l'adoption d'un système d'enregistrement rendront le Canada plus sûr.

* * *

[Français]

LES RÉGIMES ENREGISTRÉS D'ÉPARGNE-RETRAITE

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau): Monsieur le Président, le ministre des Finances demeure volontairement muet quant à ses intentions sur l'imposition des REER et refuse de s'engager formellement à ne pas les taxer.

Le ministre des Finances est un homme dur d'oreille. La réaction de la population est éloquente. Le ministre se camoufle derrière les consultations qu'il mène. Les personnes âgées ont souvent économisé leur vie durant pour s'assurer un revenu décent pour leurs vieux jours.

Que leur dit leur ministre aujourd'hui? Il leur dit qu'il ne peut assurer que leurs revenus ne seront pas encore une fois diminués.

(1405)

On veut changer les règles du jeu une fois la partie commencée. Même s'il tergiverse depuis quelques jours, le ministre devra prendre une décision. Les personnes âgées espèrent qu'il choisira la seule option dictée par l'équité: ne pas taxer les REER.

* * *

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead): Monsieur le Président, vous souvenez-vous quand, enfant, votre mère vous obligeait à manger du brocoli, même si vous détestiez ça? Eh bien, on dirait que la Mère SRC essaie de forcer les Canadiens à avaler encore un plat de sa composition. Et ça goûte le poisson qui n'est plus très frais.

D'abord, le gouvernement a jonglé avec l'idée d'imposer une taxe sur les billets d'entrée au cinéma et sur les films en location dans le but d'augmenter les recettes pour sauver la SRC qui patauge. J'imagine qu'un octroi supérieur à un milliard de dollars par an, ce n'est pas suffisant. Voilà maintenant que la télévision de la SRC veut que les compagnies de câblodistribution de tout le pays alimentent une nouvelle station diffusant rien que des informations en langue française. Comme les compagnies,


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semble-t-il, s'y refusent, la Mère SRC demande au CRTC de les forcer à le faire, même si personne ne réclame ce service. Et cela, au moment même où notre dette nationale dépasse les 530 milliards de dollars!

Quand notre mère nous forçait à manger du brocoli, au moins elle voulait notre bien et elle ne nous demandait pas un sou.

* * *

L'AIDE HUMANITAIRE

Mme Jane Stewart (Brant): Monsieur le Président, les Canadiens font des prouesses pour assurer le maintien de la paix et offrir de l'aide humanitaire.

Je pense ici à une bonne amie à moi, une résidente de Brant, Mme Sidne Maddison, qui a reçu un appel téléphonique en juin de l'organisme Médecins sans frontières lui demandant de se joindre aux autres intervenants oeuvrant au Rwanda. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, elle a quitté son emploi et sa famille et s'est rendue au Rwanda à titre d'infirmière.

À son retour, elle a parlé des autres Canadiens qui travaillaient avec elle au sein du même organisme ou pour la Croix-Rouge canadienne et, bien entendu, de nos militaires qui risquent leur vie quotidiennement au nom de la paix.

Ces gens sont de véritables ambassadeurs du Canada. Je tiens à rendre hommage à leur courage et leur dévouement envers l'humanité et à les remercier de perpétuer ainsi l'excellente réputation du Canada à l'étranger.

* * *

LA BRAVOURE

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest): Monsieur le Président, dimanche dernier, deux braves hommes, Gary et Richard Peddle, de Whites Lake, dans la circonscription de Halifax-Ouest que je représente, ont fait preuve d'un grand courage lorsqu'ils ont sauvé des eaux M. John Laverdure, âgé de 74 ans, qui se noyait dans la baie Prospect.

M. Laverdure, un voisin de la famille Peddle, se trouvait à plus d'un mètre sous l'eau lorsque Gary a plongé dans les eaux glaciales de la baie Prospect et l'a tiré jusqu'à l'embarcation. Il faut également féliciter les pompiers volontaires du district no 4 d'avoir prêté assistance à M. Laverdure lorsqu'il a été ramené au quai.

Je suis heureux d'informer la Chambre que John Laverdure est maintenant sorti de l'hôpital et se porte très bien, grâce aux efforts de Richard, de Gary et de toute la famille Peddle. Il est vraiment réconfortant de voir encore de tels actes d'abnégation et de bravoure.

* * *

[Français]

LA JOURNÉE NATIONALE DE LA TRADUCTION

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface): Monsieur le Président, demain, nous célébrerons la Journée nationale de la traduction. Nous sommes nombreux sur la colline parlementaire à nous fier de façon régulière aux services exceptionnels fournis par des groupes d'interprètes, de traducteurs et de terminologues du Syndicat canadien des employés professionnels et techniques.

[Traduction]

Monsieur le Président, vous saurez que les services de traduction sont offerts, dans les deux langues officielles, en fait, dans plus de 100 langues, au gouvernement, aux parlementaires et à la fonction publique du Canada. Nous avons réellement de la chance de compter sur des personnes aussi dévouées, aussi efficaces et aussi compétentes pour nous fournir ces services exceptionnels.

Je tiens à les remercier très sincèrement au nom de tous les députés de la Chambre.

* * *

[Français]

LE RÉFÉRENDUM DE 1992

M. Jean Landry (Lotbinière): Monsieur le Président, le premier ministre maintient qu'il n'a trouvé aucune trace d'un engagement du gouvernement précédent à rembourser le Québec pour les coûts du référendum de Charlottetown, et c'est sur cette base qu'il refuse de payer le Québec. Pourtant, dans Ginn Publishing, où il s'agissait d'un engagement verbal, il n'a pas hésité, pas un seul instant, à l'honorer, au contraire!

On voit bien que tous les engagements verbaux n'ont pas le même poids à Ottawa. Le gouvernement fédéral préfère honorer un engagement honteux, anonyme, inacceptable plutôt que celui qui est contracté honorablement entre deux premiers ministres.

Les Québécois en ont assez de payer pour ce régime coûteux. Ils en ont assez des propos tortueux du gouvernement fédéral. Vous vouliez des preuves, vous en avez eu. Payez, maintenant!

* * *

(1410)

[Traduction]

LE PARTI RÉFORMISTE DU CANADA

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, hier, la députée de Saskatoon-Humboldt a dit que c'étaient les huiles du Parti réformiste, et non la base, qui décidaient des politiques que nous allions examiner à notre congrès.

C'est absolument faux! Les membres du Parti réformiste exercent un contrôle sur chacune des étapes du processus décisionnel. Non seulement ils décident de ce qui sera à l'ordre du jour, mais, par leurs votes au congrès, ils établissent la politique du parti.

Je suis très heureux de voir que la députée se rallie aux principes de la démocratie. Après tout, la députée de Saskatoon-Humboldt a été choisie, ou devrais-je dire sacrée, par le chef de son parti aux dernières élections. Malgré les nombreuses


6330

protestations de l'association de comté, l'élite libérale n'a pas permis à d'autres candidats de contester cette nomination.

On a refusé aux libéraux de Saskatoon-Humboldt le droit démocratique le plus fondamental, celui de choisir leur propre candidat. Le Parti réformiste donne la chance non seulement aux membres, à la base, de participer. . .

* * *

[Français]

LE IRVING WHALE

M. Patrick Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine): Monsieur le Président, la semaine dernière, la députée de Laurentides est tardivement intervenue sur le dossier de l'épave du Irving Whale. Je crois que le temps est venu de vous rappeler ce qu'a fait le gouvernement, ainsi que d'autres députés, pour résoudre ce problème vieux de 24 ans.

Les 2 et 3 mars dernier, le Comité Gagnon-Easter tenait des audiences publiques à l'île du Prince-Édouard et aux îles de la Madeleine. Par la suite, le 18 mars dernier, la ministre de l'Environnement et le ministre des Transports annonçaient que le gouvernement du Canada avait pris la décision de renflouer cette embarcation qui gisait au fond des eaux depuis près de 8 600 jours.

Notre gouvernement n'a pris que 135 jours pour remédier à la situation. Il est à noter que le chef de l'opposition, quand il était ministre de l'Environnement, a refusé d'intervenir, même s'il était conscient des dangers de cette bombe à retardement, en dépit des recommandations du rapport d'étude sur la sécurité des navires-citernes qu'il avait lui-même réclamé.

Nos audiences publiques et l'évaluation environnementale ont confirmé que l'option du renflouage était la meilleure, la plus sécuritaire, tant pour l'environnement que pour les populations locales.

L'épave du Irving Whale sera renflouée l'été prochain, comme le gouvernement s'est engagé à le faire. Contrairement au chef de l'opposition, dans ce dossier, nous avons assumé nos responsabilités.

* * *

[Traduction]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

Mme Paddy Torsney (Burlington): Monsieur le Président, le contrôle des armes à feu fait partie d'une importante série de mesures de prévention de la criminalité que le gouvernement est sérieusement décidé à mettre en place.

Cette semaine, j'ai rencontré les membres du Burlington Rifle Club, qui se trouve dans ma circonscription et regroupe des habitants de plusieurs circonscriptions de la région. J'ai eu, avec le directeur du club chargé de la sécurité et plusieurs membres du club, une discussion fantastique sur les moyens d'accroître la sécurité dans nos collectivités et sur les mesures que pourraient prendre les propriétaires et les marchands d'armes à feu afin d'aider le gouvernement à assurer dans nos collectivités une plus grande sécurité pour les hommes, les femmes et les enfants.

La série de mesures législatives dont est actuellement saisie la Chambre, le Conseil national de prévention de la criminalité, nouvellement créé, le travail de plusieurs de nos ministres et un contrôle plus efficace des armes à feu contribueront à améliorer et à protéger la qualité de vie de tous les Canadiens.

Travaillons ensemble à la réalisation de ces objectifs.

* * *

LA JUSTICE

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'empressement que j'ai participé au congrès de l'association CAVEAT qui s'est tenu à Hamilton, en Ontario. Je croyais qu'en écoutant les groupes et les personnes présents, je pourrais trouver de nouvelles idées et de nouvelles façons de résoudre les problèmes de notre système judiciaire.

J'ai entendu beaucoup de bonnes recommandations mais je me suis également rendu compte qu'il serait difficile d'obtenir un appui à ces recommandations car il n'y a pas d'argent pour améliorer la justice, le respect des droits des victimes, l'indemnisation et la sécurité des citoyens.

Je dis cela parce que je venais tout juste d'apprendre que le gouvernement n'avait pas d'argent à dépenser pour la justice qu'on m'informait qu'il allait débourser 12 millions de dollars pour la construction d'un immeuble commercial à Edmonton, pour accueillir des médecins, des juristes, des associations privées, une banque et un restaurant, toutes des entreprises privées qui peuvent financer elles-mêmes leur milieu de travail.

Le gouvernement semble pouvoir dépenser 12 millions de dollars pour aider des associations, des professionnels et des entreprises privées mais il n'a pas d'argent pour l'appareil judiciaire et pour rendre la justice due aux Canadiens.

Nous savons maintenant ce qui est important pour ce gouvernement et il est certain que la justice n'en fait pas partie.

* * *

LE PROJET DE LOI C-41

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest): Monsieur le Président, le Comité permanent de la justice et des questions juridiques doit entamer l'étude du projet de loi C-41. Cette mesure propose notamment de modifier l'article 745 du Code criminel.

J'encourage les membres du Comité permanent de la justice et des questions juridiques à envisager sérieusement d'abroger l'article 745 du Code criminel. Le temps est venu de supprimer cette échappatoire qui permet à l'auteur d'un meurtre au premier degré de demander une réduction de peine après avoir purgé seulement 15 ans d'une soi-disant peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

6331

(1415)

Beaucoup de mes électeurs, des groupes communautaires, des organisations et des citoyens d'un peu partout au Canada ont fait savoir qu'ils en ont assez et que la situation actuelle est inacceptable.

Le choix est clair: l'article 745 du Code criminel doit être abrogé.

_____________________________________________


6331

QUESTIONS ORALES

[Français]

LES RÉGIMES ENREGISTRÉS D'ÉPARGNE-RETRAITE

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Depuis quelques jours, le ministre des Finances refuse d'écarter la possibilité de taxer les REER lors de son prochain budget. Plusieurs analystes ont dénoncé cette taxe rétroactive visant les contribuables à revenu moyen. Claude Picher, du quotidien La Presse, affirmait, et je cite: «Ottawa manquerait gravement de jugement en s'attaquant encore une fois aux contribuables». Il ajoute «Ce serait d'autant plus odieux que les premières victimes seraient les employés non syndiqués du secteur privé».

En se cachant derrière ses consultations prébudgétaires, pour éviter de s'engager à ne pas taxer les REER, le ministre des Finances réalise-t-il que c'est lui et lui seul qui provoque l'incertitude et l'inquiétude chez les contribuables québécois et canadiens?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je l'ai dit hier, lorsque le député pour la troisième fois a posé la question. C'est lui qui sème l'inquiétude. Là, je le répète encore aujourd'hui, il pose la question pour la quatrième fois cette semaine.

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, pour dissiper l'inquiétude, le ministre des Finances a simplement à dire que non, qu'il ne le fera pas.

Reconnaît-il qu'en taxant les REER, il change les règles du jeu en cours de route et se comporte en État tricheur en bousculant la planification. . .

Le Président: À l'ordre! Peut-être que l'honorable député pourrait changer ce mot, s'il vous plaît.

M. Brien: Monsieur le Président, le ministre des Finances reconnaît-il qu'en taxant les REER, il change les règles du jeu en cours de route et se comporte en État irresponsable en bousculant la planification financière des personnes âgées qui comptent sur le revenu de leur REER pour s'assurer une retraite adéquate?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, l'irresponsabilité est du côté du député lorsqu'il cherche à entraver, à écarter le processus de consultation prébudgétaire. J'espère qu'il va soulever ces points, comme membre du Comité des finances, lorsque viendra le temps d'étudier la question.

[Traduction]

LA RÉFORME SOCIALE

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, pendant que le gouvernement et le Bloc québécois se disputent au sujet de qui devra payer 47 millions de dollars pour le référendum, je tiens à signaler que la dette nationale s'accroît de 47 millions de dollars toutes les neuf heures. Voilà qui place les choses dans leur contexte.

Le premier ministre du Québec dit qu'il ne participera pas à la réforme sociale du gouvernement. Nous savons tous que les séparatistes n'ont aucune envie de faire quoi que ce soit de positif pour le Canada. Tout ce qu'ils veulent, c'est se retirer.

Le premier ministre s'engagera-t-il à mettre en oeuvre sa réforme sociale malgré les tactiques obstructionnistes des séparatistes?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, le gouvernement du Canada a l'intention de prendre des mesures constructives et je suis certaine que, lorsque les bloquistes verront en quoi consiste notre réforme sociale, ils seront prêts à travailler avec nous pour essayer de faire des changements positifs pour le Canada.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, hier, le ministre du Développement des ressources humaines a mal interprété la position du Parti réformiste concernant les réductions de dépenses.

Pour atteindre l'objectif du gouvernement en matière de déficit, il faudra réduire les dépenses de quelque 15 milliards de dollars.

Le ministre des Finances reconnaît-il que, pour atteindre son objectif qui est de ramener à 25 milliards de dollars environ un déficit qui atteint actuellement les 40 milliards de dollars environ, son gouvernement devra diminuer ce déficit d'une quinzaine de milliards de dollars? Pour cela, réduira-t-il les dépenses ou haussera-t-il les impôts?

(1420)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, nous avons dit très clairement que notre gouvernement devra réduire ses dépenses. Nous attendons impatiemment les consultations du Comité des finances afin de déterminer exactement quelle est la position des Canadiens à cet égard.

Nous attendons aussi impatiemment d'entendre les idées du Parti réformiste, puisqu'il aime tant parler de réductions des dépenses. Nous avons hâte de voir s'il aura des suggestions constructives pour nous dire où il faudra réduire.

Une voix: C'est dans le livre bleu, pas dans le livre rouge.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): S'agit-il de hausser les impôts ou de réduire les dépenses?


6332

Le ministre du Développement des ressources humaines a dit que son plan d'action serait axé sur la pauvreté chez les enfants. Le ministre des Finances peut-il expliquer comment le gouvernement peut sortir les gens de la pauvreté alors qu'il hypothèque notre avenir en faisant grimper le déficit à 1 500 $ pour chaque homme, femme et enfant dans notre pays?

Votre déficit actif ne règle pas le problème de la pauvreté, il ne fait que l'aggraver.

Le Président: Je sais que ce n'est qu'un oubli, mais je prierais les députés de s'adresser à la présidence.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, il ne fait pas de doute que l'important déficit avec lequel nous sommes aux prises constitue un problème. Notre pays est très endetté, et il est certain que nous devons prendre des mesures pour corriger la situation. C'est ce que nous avons fait dans le dernier budget, qui était la première étape, et c'est ce que nous comptons faire dans le prochain budget, qui sera la deuxième étape.

Le député d'en face soulève la question de la pauvreté chez les enfants. C'est étrange que cela vienne d'un réformiste, car ce parti est prêt à reconnaître, comme nous, l'extrême gravité des problèmes financiers, mais n'a jamais reconnu l'extrême gravité des problèmes humains que nous avons l'intention de corriger.

* * *

[Français]

LES RÉGIMES ENREGISTRÉS D'ÉPARGNE-RETRAITE

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, dans une entrevue accordée au Téléjournal, le 1er octobre 1993, le premier ministre promettait de ne pas augmenter les taxes durant les deux premières années d'un gouvernement libéral. De son côté, le ministre des Finances déclarait hier qu'il ne faut pas écarter des possibilités et des suggestions dans le cadre du processus de consultation prébudgétaire, y compris celle de taxer les REER.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Comment le ministre des Finances peut-il se garder des portes ouvertes pour taxer les REER, alors que le premier ministre, son premier ministre, a promis durant la campagne électorale de ne pas augmenter les taxes durant les deux premières années du règne libéral?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, ce que le premier ministre a dit, c'est qu'il ne faut pas augmenter le fardeau de taxation dont souffrent les Canadiens et d'ailleurs, dans le livre rouge, nous étions très clairs: c'est-à-dire qu'ultimement-et c'est une des raisons pour laquelle il faut réduire le déficit-la responsabilité de tout gouvernement est de baisser le niveau de taxation.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, le ministre des Finances devrait réviser l'article de

presse au moment où le premier ministre affirme carrément qu'il n'y aurait pas d'augmentation de taxes ni d'impôt lors des deux premières années du règne libéral. Pas le fardeau fiscal, les taxes et les impôts.

Le ministre des Finances ne croit-il pas qu'il agirait d'une façon plus responsable si, au lieu de s'acharner sur les contribuables en taxant les REER, il s'engageait immédiatement dans cette Chambre à réduire les énormes dépenses de fonctionnement fédérales et à faire payer ses amis, les plus riches Canadiens, en éliminant les fuites fiscales dont ils bénéficient?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, si le député avait lu le dernier budget, il aurait vu qu'on a éliminé beaucoup d'échappatoires fiscaux, c'est-à-dire le gain en capital de 100 000 $. On a certainement éliminé les échappatoires en ce qui concerne la taxation des corporations. S'il avait lu le budget, il aurait vu que nous avons agi de façon très significative, lors du dernier budget, et nous avons l'intention, dans le prochain budget, d'agir de la même façon.

J'espère que le député, et je l'invite à le faire, va nous donner ses suggestions de façon constructive, lors des séances du Comité des finances.

* * *

(1425)

[Traduction]

LES DROITS DES DÉPUTÉS

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Comme vous le savez, monsieur le Président, le droit à la liberté d'expression constitue l'un des droits les plus anciens et les plus fondamentaux du Parlement; bien plus, nous l'exerçons abondamment au point de tolérer 54 députés qui en font usage principalement dans le but de briser le pays.

D'après les reportages des journaux, le gouvernement a maintenant adopté pour règle que ce droit ne peut pas être exercé par les députés dont les convictions morales et religieuses peuvent entrer en conflit avec la politique du gouvernement.

Le gouvernement peut-il nier catégoriquement ces reportages et assurer à la Chambre que les députés ministériels et tous les députés ont le droit de contester la politique du gouvernement pour des motifs moraux ou religieux à la Chambre aussi bien qu'à l'extérieur, que leurs opinions soient compatibles ou non avec celles du ministre de la Justice?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, à en juger d'après les résolutions que le Parti réformiste a élaborées en préparation de sa prochaine conférence, je pense que le député ferait mieux de s'occuper des affaires de son propre parti plutôt que de celles du gouvernement du Canada.


6333

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, il est merveilleux de voir à quel point cette réponse n'avait rien à voir avec la question, comme on a pris l'habitude de s'y attendre.

J'ai une question complémentaire à propos des votes libres. La pratique s'est établie ici à la Chambre et dans la plupart des assemblées législatives de tenir des votes libres sur les questions fondamentales de morale. Même le gouvernement néo-démocrate de l'Ontario a récemment permis un vote libre sur une question liée à l'orientation sexuelle.

Le gouvernement va-t-il demander aux whips de s'abstenir de faire respecter la discipline de parti pour permettre la tenue de votes libres sur les questions d'orientation sexuelle ayant rapport avec les projets de loi du gouvernement?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, le gouvernement du Canada a pour règle de défendre ses politiques. Selon une de ces politiques, l'orientation sexuelle ne devrait pas constituer un motif de discrimination, et nous avons l'intention de faire inscrire ce principe dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

* * *

[Français]

LA FORESTERIE

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, lors de la dernière campagne électorale par laquelle nous avons été élus, le gouvernement a fait miroiter à des milliers de Québécois de l'Est du Québec le maintien jusqu'en 1998 de sa contribution à l'aménagement des forêts privées en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent. La ministre des Ressources naturelles a affirmé à la Chambre qu'elle voulait bien que le programme se poursuive mais qu'il fallait que son collègue responsable du développement régional au Québec débloque les sommes nécessaires pour le financer. Le journal Le Soleil nous indique aujourd'hui que son collègue attend les recommandations de la ministre. . .

Le Président: À l'ordre! Je demanderais à mon honorable collègue de poser sa question.

M. Crête: Monsieur le Président, la ministre peut-elle nous indiquer si elle a réussi à convaincre son collègue responsable du développement régional au Québec de reconduire le Plan de l'Est. Sinon, peut-elle nous expliquer les raisons de son échec?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, je tiens à rassurer le député. Du côté du gouvernement, nous comprenons tous l'importance des forêts privées pour l'économie du Québec, notamment pour celle de l'Est et de la Gaspésie.

J'ajoute que, depuis février, j'ai rencontré les propriétaires de boisés du Québec et d'ailleurs à six reprises.

Comme le député l'a signalé, mon collègue, le ministre chargé du développement régional au Québec, et moi nous sommes engagés à rencontrer les propriétaires de boisés de l'est du Québec. Nous allons tenir parole pour chercher à résoudre ce problème important pour le Québec.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, les producteurs forestiers en ont assez des comités dans l'Est. Pourtant, la question est simple. La ministre des Ressources naturelles peut-elle nous dire si oui ou non le gouvernement fédéral se retire du Plan de l'Est et qu'il abandonnera ainsi les milliers de travailleurs qui en dépendent?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, permettez-moi d'implorer le député pour qu'il demande à ses collègues du Québec d'envoyer une délégation politique la semaine prochaine à la réunion des ministres de la Forêt à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, où nous discuterons de la participation fédérale dans le secteur forestier.

Je lui demande d'inciter ses collègues à y envoyer des représentants politiques pour participer aux échanges. C'est là que les décisions se prendront.

* * *

(1430)

LE COMMERCE

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, l'une des plus importantes tâches du premier ministre en matière d'affaires étrangères consiste à promouvoir, à l'extérieur du pays, les exportations canadiennes. C'est cela qui créera des emplois. Nous sommes favorables à ce rôle et au concept d'Équipe Canada en Chine.

Je dois cependant demander au premier ministre ce qu'il va faire face à la menace de sabotage des missions commerciales canadiennes par MM. Parizeau et Landry en s'en servant comme tribune pour diffuser leur message séparatiste.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, le premier ministre a dit très clairement et ouvertement qu'il est important d'inclure les provinces dans Équipe Canada. Il tient à ce que le premier ministre du Québec fasse partie de cette équipe-là. L'invitation est lancée.

Le premier ministre du Canada sait que son homologue au Québec a été élu à cause de son programme économique. Nous espérons qu'il se joindra au premier ministre canadien et à ses homologues provinciaux et qu'il fera partie d'Équipe Canada, qui est chargée de faire la promotion de nos produits pour que nous puissions créer des emplois dans toutes les provinces, y compris au Québec.


6334

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, les emplois créés par les missions commerciales sont destinés à tous les Canadiens, y compris les Québécois. Toute perturbation causée par le PQ se traduira donc par des pertes d'emplois au Québec. C'est un point qu'il faut bien faire ressortir.

Le premier ministre ne doit-il pas demander aux gens d'affaires du Québec de faire partie des missions commerciales et ne pas tenir compte des politiques saboteurs s'ils continuent leur manège?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, les gens d'affaires du Québec voient d'un très bon oeil le voyage du premier ministre. Je suis convaincue qu'ils feront valoir à leur premier ministre qu'il est très important qu'il fasse partie d'Équipe Canada.

* * *

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest): Monsieur le Président, on a annoncé que la deuxième piste nord-sud de l'aéroport international Pearson serait terminée dès que possible. Cette piste aura des répercussions importantes sur l'économie et la sécurité.

Le ministre des Transports peut-il assurer aux résidents de Mississauga que la nouvelle piste ne servira qu'aux atterrissages, qu'aucune discussion n'aura lieu sur la construction de nouvelles pistes est-ouest et qu'aucune décision ne sera prise à cet égard avant que la nouvelle administration aéroportuaire ne soit établie et qu'elle n'ait pris en charge l'exploitation de l'aéroport Pearson?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, nous avons annoncé que nous allions parachever le travail déjà entrepris sur la piste nord-sud de l'aéroport Pearson. Une bonne partie du travail est déjà achevée, et nous voulons le terminer. Cette piste servira relativement peu souvent, uniquement lorsque la sécurité ou les conditions météorologiques l'exigeront.

Quant aux pistes est-ouest, le Grand Toronto nous a déjà fait connaître les noms des personnes qu'il propose comme membres de l'administration aéroportuaire de Pearson. Les candidats fédéraux ont aussi été choisis, et j'attends la réponse du premier ministre Rae de l'Ontario quant au candidat provincial. Dès que j'aurai cette réponse, nous essayerons de former, à partir des personnes désignées, une équipe de transition qui nous aidera à prendre les décisions concernant l'avenir de l'aéroport Pearson.

Je veux assurer à la députée, et à tous les résidents touchés par les pistes est-ouest, qu'aucune décision ne sera prise à ce sujet avant que l'administration aéroportuaire ne soit en place et à l'oeuvre à l'aéroport international Pearson.

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe): Monsieur le Président, comme vient de le rappeler mon collègue de Kamouraska-Rivière-du-Loup, des milliers d'emplois sont reliés à l'entente et à la reconduction de l'entente du Plan de l'Est. La question n'est pas de savoir s'il y aura des représentants du gouvernement du Québec à une conférence, mais bien la responsabilité du ministre du Développement régional à prolonger l'entente jusqu'en 1998, comme il l'a promis.

Compte tenu des centaines d'emplois liés à la reconduction du Plan dans une des régions les plus éprouvées du Québec, le ministre s'engage-t-il aujourd'hui à débloquer les sommes nécessaires que lui réclame sa collègue des Ressources naturelles?

(1435)

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, comme je l'ai mentionné plus tôt, le gouvernement est bien conscient de l'importance des propriétaires de boisés privés pour l'économie du Québec.

J'ai rencontré les représentants de ces propriétaires au Québec. Mon collègue, le ministre responsable du développement régional, et moi allons nous réunir à nouveau avec ces gens. Nous espérons régler sous peu cette importante question économique.

[Français]

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe): Monsieur le Président, si l'importance de ce dossier est vraiment réelle pour le gouvernement, comment se fait-il que le ministre chargé du développement régional s'était engagé à rencontrer les intervenants de la région cet été et qu'il ne l'a pas fait? Qu'attend-il pour agir?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, permettez-moi de dire à la décharge de mon collègue, le ministre responsable du développement régional au Québec, qu'une rencontre était bel et bien prévue et qu'en raison de mon emploi du temps, elle a dû être annulée. Nous sommes en train d'en organiser une autre avec les propriétaires de boisés privés.

* * *

LES PÊCHES

M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, le Times Colonist de Victoria affirme que le ministère des Pêches et des Océans est en pleine pagaille et que le moral n'a jamais été aussi bas. En outre, un document du ministère, qu'Ernie Fedoruk, du Times Colonist, a obtenu à la suite d'une fuite et m'a transmis, attribue les niveaux sans précédent de pêche illégale du saumon sur l'île de Vancouver directement à une pénurie d'agents des pêches.


6335

Face aux preuves qui s'accumulent, le ministre a-t-il encore l'audace de dire dans cette enceinte que son ministère réussit parfaitement à protéger les ressources halieutiques?

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de Delta pour sa question.

Comme je l'ai précisé auparavant et comme le ministre l'a signalé dans cette enceinte, on a entrepris l'enquête indépendante que réclamait le député. Cette enquête portera notamment sur les questions d'application de la loi.

Contrairement à mon vis-à-vis, nous examinons tous les faits avant de faire des allégations ou de lancer des accusations, de là l'importance d'une commission d'étude indépendante. Une fois que nous connaîtrons tous les faits, le gouvernement agira, comme il l'a fait dans le passé, de façon globale, rationnelle et pragmatique, et non en se laissant emporter par la panique.

M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, le ministre impose des milliers de dollars d'amendes aux pêcheurs terre-neuviens qui pêchent quelques morues pour leur souper et fait semblant de ne rien voir lorsque des milliers de poissons sont pêchés illégalement en Colombie-Britannique.

Ce document du ministère et d'autres montrent très clairement que les problèmes de gestion du ministère ne se limitent pas au fleuve Fraser et dépassent les compétences professionnelles des scientifiques que le ministre a nommés pour faire partie de son groupe d'examen.

Le ministre va-t-il démanteler ce groupe interne de scientifiques et demander une enquête judiciaire sur la gestion ministérielle de la pêche au saumon sur la côte ouest.

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans): Non, monsieur le Président.

* * *

LES VOLS À BASSE ALTITUDE

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton): Monsieur le Président, les audiences de la commission fédérale chargée de l'évaluation environnementale des vols à basse altitude au Labrador ont commencé la semaine dernière. L'Association des Innu du Labrador a décidé de ne pas participer à ces audiences, car elle estime que le processus n'est pas ouvert et équitable.

La vice-première ministre et ministre de l'Environnement peut-elle affirmer que l'on accorde toute l'attention nécessaire aux préoccupations des Innu et que le processus est ouvert et équitable?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, comme je l'ai déclaré à la Chambre un peu plus tôt cette semaine, j'ai eu l'occasion, hier, de rencontrer des représentants de la communauté innu. En fait, nous avons eu des discussions très générales sur le rôle de la commission, et je leur ai dit que si jamais l'on découvrait la moindre preuve qu'un membre de la commission a un parti pris, je serais la première à le renvoyer.

Je poursuis les discussions avec les Innu et, en l'absence de toute preuve, je continue de les presser de revenir à la table. S'ils veulent que le processus d'évaluation environnementale des vols à basse altitude fonctionne, ils doivent faire connaître leur point de vue. Il faut que ce processus soit ouvert et équitable. Nous nous sommes engagés à ce qu'il le soit et nous tenons à ce qu'ils y participent.

* * *

[Français]

LES AÉROPORTS

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, ma question non prévue s'adresse au ministre des Transports.

(1440)

Le 13 juillet dernier, en pleine période estivale, et alors que la population canadienne est en vacances, le ministre des Transports annonçait une stratégie globale pour le transport aérien au Canada. Cette stratégie s'appuie sur la politique nationale des aéroports qui aura des répercussions sur toutes les régions québécoises et canadiennes.

Le ministre a-t-il prévu adopter des mesures qui permettraient de maintenir les aéroports ouverts dans l'éventualité où certaines administrations aéroportuaires locales devenaient incapables de remplir leur mandat de gestion?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, tout le réseau national des aéroports, tel que mentionné par mon collègue, a été annoncé et les trois niveaux d'aéroports ont été identifiés. J'espère qu'avec la collaboration de tous les intéressés, nous allons arriver à implanter un système efficace et sûr, et surtout qui réduira le fardeau des contribuables.

Nous ne voulons pas préjuger de la situation. Nous avons de deux à cinq ans pour arriver à des solutions finales basées sur les problèmes de chacun des endroits affectés. J'espère pouvoir travailler avec mon collègue pour en arriver à la meilleure solution possible. S'il y a des choses qui ne fonctionnent pas, il faudra réviser la situation, mais je suis très confiant, en me fiant aux résultats obtenus jusqu'à présent, que le système que nous avons annoncé au mois de juillet connaîtra un grand succès partout au pays.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, avant de rendre son plan public, le ministre s'est-il assuré que les ressources financières des municipalités étaient suffisantes pour qu'elles puissent gérer les aéroports régionaux sans que le service soit diminué?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, mon collègue sait sans doute qu'il y a environ 725 aéroports certifiés au Canada.

Transports Canada est impliqué dans la gestion de 150 aéroports seulement, comme propriétaire ou comme opérateur. On a déjà, dans toutes les provinces, des exemples d'aéroports qui fonctionnent très bien sans la participation du gouvernement du Canada. Le député de Beauport-Montmorency-Orléans et ses collègues de l'opposition nous parlent régulièrement du besoin qu'a le gouvernement du Canada de réduire son déficit et de gérer


6336

nos affaires de façon très efficace. C'est justement ce que nous allons essayer de faire.

* * *

[Traduction]

LES NOMINATIONS FAITES PAR LE GOUVERNEMENT

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre): Monsieur le Président, la promesse libérale de rétablir la confiance du public dans le gouvernement n'a pas été tenue. Les libéraux ont vivement critiqué le gouvernement conservateur parce qu'il nommait ses amis politiques. Ils avaient dit qu'ils nommeraient les gens en fonction de leurs compétences. Il y a beaucoup de gens compétents qui ne sont pas dans les hauts échelons de la hiérarchie libérale, mais une fois de plus, hier, ce gouvernement a nommé l'un des siens.

Ma question s'adresse au premier ministre. Il n'est pas ici, mais c'est à lui que cela s'adresse.

Le Président: J'invite le député à poser sa question.

M. Schmidt: Je vous prie de m'excuser, monsieur le Président.

Comment le gouvernement peut-il espérer restaurer la confiance du public lorsqu'il continue de faire des nominations qui ne sont que des récompenses à de fidèles libéraux?

Le Président: Le député de Verchères a la parole.

* * *

[Français]

L'INDUSTRIE DU BOIS D'OEUVRE

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, alors que le Canada a gagné tous les panels binationaux sur la question, le gouvernement américain analyse actuellement la possibilité de rembourser les 800 millions de dollars qu'il doit aux producteurs québécois et canadiens de bois d'oeuvre. De plus, politiciens et gens d'affaires américains se déchaînent actuellement contre le Canada, menaçant l'intégrité même de l'Accord de libre-échange.

(1445)

Pendant ce temps, tout ce que le ministre du Commerce international trouve à faire, c'est espérer qu'un chèque arrivera très bientôt.

Ma question s'adresse donc au ministre du Commerce international. Pourquoi le ministre ne trouve-t-il rien de mieux à faire que d'espérer que les Américains nous remboursent? Pourquoi n'exige-t-il pas que cesse immédiatement ce cirque et qu'on nous rembourse sans délai les sommes qui nous sont dues? Tout ce qu'on attend de ce gouvernement, c'est qu'il mette son poing sur la table sur cette question.

[Traduction]

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, les États-Unis sont en train de rembourser l'argent qu'ils ont perçu jusqu'en mars dernier. Pour ce qui est de l'argent perçu avant le mois de mars, le processus est bien amorcé en vue d'un remboursement complet des sommes dues, capital et intérêt.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, nous voudrions que ce gouvernement accepte d'assumer les responsabilités qui sont les siennes à l'égard de nos producteurs de bois d'oeuvre. Est-ce qu'il peut s'engager en cette Chambre à faire en sorte que cette question soit réglée avant la fin de la présente année? C'est près d'un milliard de dollars dont il s'agit et le ministre semble l'oublier.

[Traduction]

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, je partage entièrement le désir de mon collègue de voir cette situation se régler. Nous poursuivons les discussions au plus haut niveau et nous avons reçu l'assurance que les sommes dues seront entièrement remboursées.

* * *

LES GROUPES D'INTÉRÊTS

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, c'est demain que le Conseil du Trésor doit achever son rapport sur le financement des groupes d'intérêts.

Le président du Conseil du Trésor va-t-il s'engager à prendre des mesures immédiates et dire à la Chambre quand nous pouvons nous attendre à une diminution importante des subventions accordées aux groupes d'intérêts, ce qui épargnera un gaspillage de plusieurs millions de dollars aux contribuables?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure): Monsieur le Président, il n'y aura pas d'annonce demain, si c'est ce que veut savoir le député.

Toutefois, ce que je peux dire, c'est que le personnel du Conseil du Trésor est en train d'élaborer des lignes directrices concernant le financement des groupes d'intérêts qui seront remises aux différents ministères. Nous demanderons à ces derniers d'étudier cette question dans le cadre de l'examen des programmes.

Je m'attends à ce qu'il y ait des coupes là aussi, comme dans tous les autres programmes, car elles sont nécessaires pour ramener nos dépenses à un niveau raisonnable et réduire le déficit. Nous allons donc envoyer ces lignes directrices aux ministères pour les guider dans l'examen des subventions qu'ils accordent.

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, on nous avait fait croire qu'il y aurait une annonce demain. Le gouvernement précédent avait commandé une étude dont les résultats ont été publiés en février. Malgré cela, nous en sommes toujours à débattre la question de savoir quand et où faire des coupes.

Quand va-t-on enfin faire des coupes sombres dans le financement des groupes d'intérêts de façon à ce que le ministre des Finances puisse réduire sensiblement le déficit, déficit auquel il faut s'attaquer sans plus attendre?


6337

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure): Monsieur le Président, cela fera intégralement partie de l'examen des programmes qui fait partie intégrante du processus de consultation auquel va se livrer le ministre des Finances. Ces coupes seront annoncées dans le budget de février qui expliquera comment on y procédera.

* * *

[Français]

LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général et leader du gouvernement à la Chambre. Dans le cadre d'un récent débat à la Chambre des communes sur le financement des partis politiques, un grand nombre de députés de tous les partis politiques ont appuyé une motion visant à assurer un financement démocratique et populaire des partis politiques, en limitant à 5 000 $ les contributions des citoyens aux partis politiques fédéraux.

Alors qu'une dizaine de ses collègues ministériels ont appuyé cette motion, le leader du gouvernement reconnaît-il la nécessité de démocratiser le financement des partis politiques en s'inspirant du modèle québécois?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, nous avons déjà un système démocratique pour amasser des fonds électoraux, mais je pense que nous pouvons faire une étude sur ce sujet, en utilisant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Ce n'est pas à moi de faire une telle demande à ce comité, mais je pense que ce serait un sujet utile en temps et lieu pour ce comité.

(1450)

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, doit-on comprendre de la réponse du leader du gouvernement à la Chambre qu'il préfère le financement illimité des grandes corporations à celui des citoyens ordinaires pour assurer le fonctionnement de son parti, le Parti libéral du Canada?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je pense que l'honorable député a mal saisi mes propos. C'est un sujet qui intéresse tous les députés de cette Chambre et c'est pourquoi je propose que le sujet soit étudié par le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, bien que la motion ait été rejetée en majorité par cette Chambre.

* * *

[Traduction]

LA SANTÉ

M. Grant Hill (Macleod): Monsieur le Président, Santé Canada a approuvé les implants mammaires au silicone, dont un grand nombre sont fabriqués par Dow Corning. Bien des femmes souffrent aujourd'hui à cause de cette décision.

Nous apprenons maintenant que la ministre de la Santé a ordonné une étude sur les effets de ces implants. Qui finance cette étude?

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé): Monsieur le Président, pour répondre à cette question, il faut évidemment que je consulte la ministre de la Santé, parce que j'ignore si une étude de ce genre est actuellement en cours.

M. Grant Hill (Macleod): Monsieur le Président, Dow Corning vient de conclure un règlement à l'amiable d'environ quatre milliards de dollars, aux États-Unis. À votre avis, qui finance cette étude?

Le Président: La question s'adresse à la secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé et non à moi, je suppose.

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé): Monsieur le Président, les règlements conclus aux États-Unis n'ont rien à voir avec la première question du député.

Vous savez que le gouvernement du Canada a demandé. . .

Le Président: À l'ordre. Si tous les députés le veulent bien, je rappelle que je m'ennuie un peu, quand on ne s'adresse pas à moi.

Mme Fry: Monsieur le Président, le député sait probablement qu'au cours des négociations liées à ce règlement, le Canada a fait des démarches, au nom des Canadiennes touchées, en demandant d'agir à titre d'intervenant bénévole. Nous avons également mis en place un numéro 1-800 que les Canadiennes peuvent composer pour obtenir des renseignements à ce sujet.

* * *

[Français]

LE RÉFÉRENDUM DE 1992

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. J'ai été surpris hier, même très surpris, d'apprendre que le premier ministre se disait non informé sur l'engagement pris par son prédécesseur dans le dossier du référendum. Or, je suis allé aux sources et j'ai appris depuis ce temps-là que le premier ministre savait depuis et avant la période des questions orales hier que son prédécesseur avait pris un engagement envers le gouvernement du Québec de soumettre à son gouvernement la requête pour verser compensation au Québec dans le cadre du référendum.

J'aimerais savoir de la part du gouvernement pour quelle raison le premier ministre n'a pas livré ces faits à la Chambre des communes hier?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, je crois que la situation actuelle est très claire et elle a été indiquée plusieurs fois à la Chambre. Il n'y a pas dans le dossier aucune preuve qu'il y a eu un engagement qui a été contracté. Dans les derniers jours, le premier ministre a contacté l'ancien premier ministre, M. Mul-


6338

roney. Pour savoir s'il y avait eu un engagement contracté, il lui a demandé de nous indiquer par écrit quelle était sa position. Lorsque nous aurons la position de l'ancien premier ministre quant à savoir s'il avait contracté un engagement, nous agirons en conséquence.

(1455)

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): Monsieur le Président, ma question au gouvernement est très claire, c'est la suivante: Le premier ministre, hier, savait, parce que son prédécesseur lui a dit avant la période des questions qu'il avait pris un engagement de soumettre au gouvernement la requête du Québec. J'aimerais savoir pour quelle raison le premier ministre, hier, dans cette Chambre, n'a pas partagé cette information avec les députés et pour quelle raison, au lieu et place, il a fait des insinuations à l'effet que des illégalités avaient été commises?

[Traduction]

Le Président: Sauf erreur, la question s'adresse directement au premier ministre, qui n'est pas présent à la Chambre en ce moment.

Est-ce que c'est à la vice-première ministre?

[Français]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, il n'y a aucune insinuation de la part du premier ministre. La seule insinuation qu'on voit aujourd'hui vient de la part du député de Sherbrooke. Franchement, s'ils veulent savoir pourquoi le premier ministre attend les paroles écrites de Brian Mulroney, c'est parce qu'il y a beaucoup de choses qui sont dites au téléphone. On veut voir la vérité par écrit et on attend la vérité par écrit, et quand on la recevra, le premier ministre a bien dit que lorsqu'il voit un engagement par le gouvernement fédéral par écrit, on va le respecter. C'est exactement ce qu'il a dit hier à la Chambre.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

M. Tony Ianno (Trinity-Spadina): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Certains Canadiens croient, à tort, que les immigrants leur volent des emplois et fraudent le système d'aide sociale. Ce mouvement de ressac contre les immigrants et les réfugiés m'inquiète beaucoup.

Qu'entend faire le ministre pour calmer les esprits et informer les Canadiens de la contribution réelle et positive des immigrants à la société canadienne?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je voudrais remercier mon collègue pour m'avoir posé cette question que je trouve intéressante, car on laisse parfois des mythes obscurcir notre politique d'immigration. Au lieu de pointer du doigt le gouvernement, on devrait examiner l'étude publiée cette semaine par le Clark Institute, qui a évalué, sur une période de 10 ans, la situation de 1 300 réfugiés de la mer vietnamiens.

Cet institut a découvert des gens qui ont fort bien réussi. Un réfugié de la mer sur cinq s'est lancé en affaires, 99 p. 100 sont devenus des citoyens canadiens et 7,3 p. 100 ont eu recours à l'aide sociale, comparativement à 10 p. 100 pour le reste des Canadiens.

Le Clark Institute distingue la réalité de la fiction. Il reste à espérer que la leçon qu'il nous sert sera retenue par ceux qui continuent de propager des mythes au sujet des immigrants.

* * *

[Français]

LE RÉFÉRENDUM DE 1992

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, comme vous le savez, le premier ministre devait être présent aujourd'hui: on nous en avait informés. Cependant, au début de la séance, on nous a dit qu'il serait un peu en retard et, avec votre agrément, nous avons accepté d'attendre de poser nos questions. Alors qu'il n'est pas là, je dois poser une question à la vice-première ministre, qui fait suite à la réponse qu'elle vient de donner au député de Sherbrooke. Je n'en poserai qu'une puisqu'on n'a pas le temps. Je le comprends. Mais vous ne perdez rien pour attendre.

(1500)

Dois-je comprendre par la réponse que la vice-première ministre vient de donner au député de Sherbrooke que le premier ministre savait, suite à une conversation téléphonique qu'il a eue avec M. Mulroney, que ce dernier avait pris l'engagement de traiter équitablement le Québec pour compenser les dépenses du référendum et que le premier ministre ne croit pas la parole de l'homme d'honneur qu'est M. Mulroney et qu'il exige un écrit pour la confirmer?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, lorsque le premier ministre a parlé à M. Mulroney, ils se sont entendus pour que M. Mulroney lui envoie, dans une réponse écrite, sa position sur l'existence ou non d'un accord entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.

C'est la position que le premier ministre a exprimée à la Chambre et c'est encore la situation.

* * *

[Traduction]

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de Son Excellence Ali Hassan Mwinyi, président de la République unie de Tanzanie.


6339

Je voudrais également signaler aux députés la présence à notre tribune de l'honorable Geoff Smith, ministre des Terres du Queensland, en Australie.

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, je voudrais demander à mon honorable collègue, le leader du gouvernement à la Chambre, de nous dire de quoi sera composé le menu législatif des prochains jours.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, la journée de l'opposition se poursuit cet après-midi. Demain, nous allons d'abord reprendre le débat sur le projet de loi C-22 concernant l'aéroport Pearson, puis nous allons passer à la deuxième lecture du projet de loi C-52, Loi constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

Lundi, nous commencerons par la deuxième lecture du projet de loi C-53, Loi constituant le ministère du Patrimoine canadien, puis nous enchaînerons avec le débat sur le projet de loi C-52, si celui-ci n'a pas pris fin vendredi. Nous passerons enfin à l'étude du projet de loi C-42, Loi modifiant le Code criminel en divers domaines.

Mardi et mercredi prochains, seront au programme la deuxième lecture du projet de loi C-51, la Loi sur les grains du Canada, et la deuxième lecture du projet de loi C-47, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires extérieures.

Si la Chambre n'a pas encore terminé l'étude des projets de loi C-52 et C-42, nous y reviendrons dans cet ordre. Nous reprendrons ensuite d'autres débats non terminés selon un ordre qui sera déterminé en collaboration avec les autres partis.

Pour jeudi et vendredi prochains, nous proposons que soit tenu, à la demande du gouvernement, un débat sur le document de travail sur la réforme de la sécurité sociale qui doit être déposé mercredi prochain, je crois, et cela, afin de permettre aux députés de faire connaître leur position dans le cadre de cette importante discussion nationale en cours.

* * *

[Français]

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA PROCÉDURE SUIVIE À LA CHAMBRE

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement sur deux sujets. Je le mentionne parce que cela vient de se produire. Après la période des questions orales, vous avez appelé la question habituelle posée le jeudi en cette Chambre, mais j'ai toujours cru qu'après la période des questions, le Président appelait dans l'ordre et les questions de privilège et les rappels au Règlement.

(1505)

Je vous le mentionne. Ce n'est pas le sujet de mon recours au Règlement, mais je pense qu'il est important de le dire parce que nous sommes habitués de suivre ces traditions et ces coutumes.

Le Président: La Présidence agit selon l'ordre qu'on appelle. Je n'ai vu aucune autre personne. Si l'honorable député nous parle de lui-même, je ne l'ai pas vu, sauf quand le député de Roberval parlait. C'est pour cette raison que je reviens à lui, mais je suis très conscient du Règlement de cette Chambre.

M. Charest: Monsieur le Président, je vous remercie. Remarquez, on peut fort bien comprendre qu'il est parfois difficile de vous voir jusqu'ici. Cependant, cela fait évidemment partie des qualités qu'on exige de la Présidence. C'est la raison pour laquelle je vous avais fait parvenir une note vous avisant que je désirais prendre la parole sur un recours au Règlement.

Je voulais soulever la question suivante. Lors de la période des questions, vous vous êtes levé à deux reprises pour demander à qui les députés dirigeaient leur question. À ma connaissance-et ma mémoire n'est pas parfaite-lorsqu'un député de l'opposition pose une question, en fait, selon les règles, il pose une question au gouvernement. Il s'adresse à vous, c'est-à-dire qu'il doit passer par vous pour s'adresser au gouvernement en tant que tel. Mais la personne en particulier à qui la question s'adresse. . . dans le fond, il s'agit d'une courtoisie que de souligner de qui on souhaite recevoir une réponse.

Je vous souligne ce qui me semble être les coutumes habituelles en cette Chambre parce que le gouvernement est aussi libre, de son côté, d'offrir une réponse venant de n'importe quel membre du Cabinet.

Le Président: L'honorable député a absolument raison, il n'y a pas de doute. La deuxième fois, il s'agissait d'une erreur et je m'en excuse. Si c'est le but de votre recours au Règlement, vous avez absolument raison, à savoir que quand une question est posée par un député, c'est au gouvernement qu'elle s'adresse. Je suis d'accord sur cela, si telle est la teneur de votre recours au Règlement.

M. Charest: Monsieur le Président, vous me permettrez de compléter mes remarques parce qu'il y avait un autre élément que je voulais soulever. Vous avez dû remarquer que ma question s'adressait au premier ministre. J'ai compris, comme d'autres députés en cette Chambre, que le premier ministre devait être présent à la période des questions. C'est la raison pour laquelle je lui ai adressé ma question. Puis vous avez mentionné que le premier ministre était absent de cette Chambre.

Je vous avoue que c'est une situation qui m'embête pour les raisons suivantes. Il y a également une règle bien reconnue en cette Chambre qui interdit à chacun de soulever l'absence de ses collègues. Règle respectée, habituellement.

Le Président: Mon cher collègue, encore, vous avez absolument raison! C'est moi qui suis en faute et je m'excuse. La situation ne se reproduira plus et j'accepte vos paroles telles que vous les dites.

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6340

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE SERVICE DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Monsieur le Président, j'ai dû interrompre mon allocution à cause de la période des questions. Je vais essayer de reprendre là où j'en étais rendu.

Avant la période des questions, nous parlions du fait que l'opposition officielle réclame une commission royale d'enquête et je disais que je considérais et je considère toujours cette demande comme peu judicieuse.

(1510)

Il a été dit que nous avons au Canada une loi constituant et régissant le SCRS. Nous avons le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité qui examine le travail du SCRS. Nous avons un Comité de la justice et un Sous-comité sur la sécurité et le renseignement de sécurité qui se penchent sur les mêmes questions. Il y a aussi le solliciteur général qui rend compte ici au Parlement et au peuple canadien de toutes les questions intéressant son ministère, y compris le SCRS.

En quoi avons-nous besoin d'un quatrième ou d'un cinquième niveau d'examen ou d'enquête? Pourquoi avons-nous besoin d'une commission royale? Au cours de la dernière législature, la Chambre a présenté, par l'intermédiaire de son Comité de la justice, 117 recommandations concernant le SCRS. Le gouvernement n'a mis en oeuvre que deux des 117 recommandations. C'est regrettable.

Mais soyons reconnaissants pour le peu que nous avons obtenu. Deux recommandations ont été acceptées. L'une d'elles était la création d'un comité ou d'un sous-comité s'occupant de questions de sécurité et de renseignement de sécurité. En fait, le gouvernement avait dit: «Nous ne voulons pas que le Parlement s'en mêle.» Cependant, le Comité de la justice a dit: «Nous vous demandons respectueusement pardon, mais il y aura un sous-comité!»

Les partis représentés au sein du comité ont appuyé à l'unanimité la création d'un sous-comité de la sécurité nationale. Celui-ci a été ressuscité sous la présente législature. Le Parlement dispose donc d'une fenêtre sur le domaine particulier du renseignement de sécurité.

Nous avons jugé que ce sous-comité était nécessaire pour plusieurs raisons, notamment parce que même si le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, le CSARS, travaille pour le Parlement et pour les Canadiens, ses relations avec le Parlement restent épisodiques. Le CSARS est tenu de présenter un rapport chaque année au Parlement et, aux termes de l'article 54, il peut en présenter d'autres au solliciteur général lorsqu'il le juge nécessaire.

Les rapports préparés en vertu de l'article 54 ne sont pas directement soumis au Parlement. Je crois même pouvoir affirmer sans me tromper que ces rapports ne parviennent jamais au Parlement. On ne peut pas dire que tout a été clair et net dans les procédures. Il faut donc établir des relations plus suivies entre le CSARS et le Parlement.

C'est là l'une des raisons qui nous ont amenés à créer le sous-comité: établir des relations suivies entre, d'une part, l'organisme chargé de surveiller le SCRS et, d'autre part, le Parlement, qui est l'organisme de surveillance de l'ensemble du gouvernement.

Je veux maintenant parler des coûts possibles d'une commission royale d'enquête. Je crois qu'un ou deux autres députés ont bien couvert cette question. Certaines commissions d'enquête récentes ont coûté entre neuf millions et 25 millions de dollars. C'est beaucoup de blé.

Je crois personnellement que les mécanismes que prévoient actuellement les lois sur le solliciteur général et sur le CSARS, et le sous-comité suffisent amplement pour répondre aux questions soulevées. Si je me trompe, quelqu'un pourra peut-être présenter des arguments suffisants pour justifier la formation d'une commission royale d'enquête, mais en ce moment, je ne crois pas me tromper. L'avenir nous dira si j'ai raison. Nous verrons d'ici six mois ou un an. Nous verrons avec quel bonheur le CSARS, le sous-comité, le Comité de la justice et les députés règlent ces questions.

Remettons-nous en au Comité de la justice lui-même et au sous-comité de la sécurité nationale. À l'intention des députés et de la population canadienne, je tiens à souligner que les ressources qui seront utilisées en remplacement d'une commission royale d'enquête sont déjà payées par les contribuables. Nous avons les ressources nécessaires. Nous avons du personnel de recherche et nous avons le pouvoir d'assigner à comparaître. Nous avons un sous-comité et un comité qui travaillent tous deux de façon relativement impartiale. Je crois que nous pouvons faire ce que le Parlement nous demande de faire dans le Règlement.

(1515)

Comme je l'ai dit, nous avons les ressources nécessaires. Nous avons le pouvoir d'assigner à comparaître. Le Règlement dit plus précisément que le comité est autorisé à convoquer des personnes et à exiger la production de documents. Cela veut dire essentiellement que nous pouvons obliger des personnes à se présenter devant le comité et exiger une réponse. Cela fait partie du droit parlementaire qui existait bien avant que notre pays soit formé. Le droit parlementaire a commencé à prendre forme lorsque les barons ont forcé le roi Jean à se soumettre à un parlement populaire dans la Grande Charte de 1215. Ils ont enlevé au roi une partie de ses pouvoirs. La Déclaration des droits de 1689 a transféré au Parlement une autre part importante des pouvoirs du roi.

Nous avons le pouvoir d'assigner à comparaître. Ce pouvoir a été décrit comme étant un pouvoir absolu. Je n'entrerai pas dans les détails, mais c'est un pouvoir réel.


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Nous tenons à assurer aux Canadiens que nous n'hésiterons pas à nous servir, au besoin, des pouvoirs dont nous sommes investis. N'oublions pas que la masse qui repose sur la table ici est le symbole de chacun des pouvoirs que les Canadiens nous ont confiés à nous tous qui sommes ici à la Chambre.

Quelles sont les allégations sur lesquelles l'opposition officielle voudrait qu'on fasse enquête? Ces allégations se divisent en deux catégories. Il y a d'abord les allégations voulant qu'un prétendu informateur du SCRS se soit occupé d'une façon ou d'une autre de recueillir de l'information avec un journaliste de la SRC, qu'il ait par ailleurs pris part à des activités du Parti réformiste du Canada, qu'il ait dans un autre cas tenté d'obtenir une liste des membres du Congrès juif canadien et qu'il se soit peut-être occupé dans un autre cas de recueillir de l'information touchant le Syndicat des postiers du Canada.

Voilà quatre allégations qui font actuellement l'objet d'une enquête de la part du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, qui y a affecté en permanence trois membres de son personnel.

Le second problème a trait à la protection des documents classifiés. Voici en quoi consiste essentiellement la question: Comment une boîte de documents prétendument classifiés a-t-elle pu sortir d'un environnement protégé pour se retrouver dans le sous-sol d'une maison quelque part à Ottawa, et leur contenu aboutir dans les pages d'un grand journal? C'est une question très raisonnable. Ce n'est pas une question que le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité serait normalement capable d'examiner, mais c'en est une que le sous-comité parlementaire pourra examiner.

Il y a d'autres questions connexes, des allégations hypothétiques. Ces questions ont été posées publiquement, et le sous-comité fera son travail, tout comme le CSARS. Le sous-comité consultera le CSARS dans l'accomplissement de son travail, et vice versa. Mes collègues au sous-comité examineront toutes ces questions au cours des prochaines semaines.

Finalement, je considère qu'une commission royale d'enquête à ce moment-ci serait absolument inutile, ridiculement coûteuse et tout à fait superflue sur le plan de la procédure. Je tiens à garantir aux députés et à tous les Canadiens que les membres du sous-comité aborderont les problèmes de façon responsable et rationnelle, sans qu'il y ait chevauchement ni gaspillage de ressources, d'une manière qui redonnera confiance aux Canadiens dans la manière dont le Parlement, le SCRS et le CSASR s'acquittent de leur travail.

(1520)

[Français]

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, dans un premier temps, on apprend que le coût d'une commission royale d'enquête serait de l'ordre de 9 millions à 25 millions de dollars. Après tout, on est un gouvernement qui a le souci des économies et je crois qu'il a été démontré à maintes reprises que la population désire un meilleur contrôle des dépenses.

Comme il en coûterait entre 9 millions et 25 millions de dollars pour une commission d'enquête telle que proposée par l'opposition, je serais curieux de connaître le coût réel du sous-comité de mon collègue. Deuxièmement, je voudrais savoir si, selon lui, le sous-comité, tel que composé, exerce des pouvoirs semblables à ceux d'une commission royale d'enquête?

[Traduction]

M. Lee: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Quand on parle de coûts, tous les Canadiens et tous les députés savent que nous touchons tous un salaire en tant que parlementaires. Tous les comités et les sous-comités ont un greffier, un attaché de recherche et d'autres employés, dont le nombre varie en fonction des besoins; mais ils doivent tous respecter les contraintes budgétaires de la Chambre des communes, qui sont assez strictement contrôlées à l'heure actuelle.

Les salaires des députés, le coût des bureaux-nous n'irons pas louer tout un étage dans un édifice quelque part à Ottawa, car nous avons déjà des salles de réunion pour les comités que nous pouvons utiliser-, toutes ces dépenses-là sont déjà prévues dans le budget actuel de la Chambre des communes.

Quant aux pouvoirs et au mandat du sous-comité ou de tout autre comité de la Chambre, d'ailleurs, ils sont énoncés dans le Règlement de la Chambre, mais en termes très généraux. Le mandat du sous-comité dans ce cas-là couvre amplement la question en cause.

Comme je l'ai dit plus tôt, le pouvoir d'obliger les témoins à comparaître et celui d'exiger la divulgation sont pratiquement absolus. Je ne dirai pas qu'ils sont absolus parce qu'il n'y a plus guère de pouvoirs absolus en droit et en politique. Mais ils existent et peuvent être petits ou grands selon ce qu'en feront les députés dans leur travail, aux comités ou à la Chambre.

Il existe quantité de possibilités, de mandats, de pouvoirs et de ressources pour faire le travail.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse): Monsieur le Président, j'aimerais, par votre intermédiaire, dire au député de Scarborough-Rouge River que je partage totalement ce qu'il vient de mentionner quant aux pouvoirs du sous-comité qu'il préside et quant au pouvoir du Parlement de réviser les décisions de toutes les agences gouvernementales.

Le problème n'est pas avec le Sous-comité sur la sécurité nationale ni avec le député de Scarborough-Rouge River, il est avec les membres qui composent le comité de surveillance, les membres du CSARS qui, eux, lors de leur comparution, le 13 septembre dernier, devant le Sous-comité sur la sécurité nationale, se sont réfugiés derrière une interprétation de l'article 54 de la Loi sur la sécurité nationale pour, à toutes fins utiles, refuser


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de répondre aux questions posées par les membres dûment élus de cette Chambre.

Là est le problème, et c'est le problème qu'on aura tout au cours de la législature: obtenir des réponses de ces gens-là. C'est pourquoi une commission royale d'enquête nous apparaît tout à fait appropriée. Après avoir regardé à plusieurs reprises ce qui se passe aux États-Unis lors d'investigations de commissions parlementaires qui surveillent les agences nationales, si des témoins s'étaient comportés aux États-Unis comme ils l'ont fait ici devant le Sous-comité, ils auraient probablement eu à séjourner quelques heures à l'ombre pour réfléchir à leur comportement.

(1525)

[Traduction]

M. Lee: Monsieur le Président, je dois avouer que mon collègue n'a pas tort, si l'on présente les choses sous cet angle. Je ne peux nier que le comité de surveillance n'est pas empressé de collaborer avec le sous-comité.

Mais j'espère que le député admettra qu'il y a eu un certain travail de conciliation et d'information quant aux objectifs et aux pouvoirs du sous-comité.

Je ne m'attends pas à ce que tous ceux qui entrent dans une salle de comité sachent immédiatement quels sont les pouvoirs conférés à l'occasion aux comités, surtout si l'on tient compte de l'histoire de la Chambre.

Depuis quelques décennies, ces pouvoirs n'ont pas été utilisés de façon effective ou évidente. Par conséquent, les simples citoyens ne sont pas conscients de cette sous-utilisation, et j'irais même jusqu'à dire que les tribunaux eux-mêmes ne sont pas pleinement au courant de la législation parlementaire et de la portée des articles 4 et 5 de la Loi sur le Parlement du Canada. Ce n'est pas leur faute. C'est peut-être la faute du Parlement lui-même qui, depuis quelques décennies et même depuis 50 ans, n'a pas su s'adapter au contexte moderne. C'est une tâche qui nous attend tous. J'espère que le travail en cours favorisera cette évolution.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Est-ce que le député de Kamouraska-Rivière-du-Loup pourrait indiquer à la Présidence s'il partage son temps avec son collègue, soit dix minutes et cinq minutes de questions et commentaires?

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Oui, monsieur le Président, on partagera le temps.

Le président suppléant (M. Kilger): D'accord.

M. Crête: Monsieur le Président, soyons clairs, le Service canadien du renseignement de sécurité est une bonne chose en soi. Nous n'en avons pas contre le fait qu'il faille avoir un tel service. Le problème est que le SCRS est un peu comme le petit-fils de la GRC. Si on devait dire que le passé est garant de l'avenir, on aurait beaucoup d'indices dangereux pour l'avenir. C'est pour cela qu'on veut assurer à ce genre d'organisme un contrôle de sécurité adéquat.

On a plusieurs exemples que dans les organismes de sécurité de ce type, il est important qu'il y ait les chiens de garde appropriés pour faire la différence entre un mandat de sécurité et ce qui devient un mandat de défense d'un gouvernement ou d'un parti.

Dans le passé on a eu plusieurs exemples, et c'est ce qui a amené la création du SCRS, de l'intervention de la GRC dans l'action démocratique des partis. Lorsqu'on a volé la liste des membres du Parti québécois en 1973, je figurais probablement dessus et un certain nombre de députés de la Chambre des communes devaient y figurer également. C'était complètement illégal et non pertinent.

Suite à cela, on a créé le SCRS et il semble que l'histoire se répète à l'occasion. On a présentement une situation très problématique de l'espionnage d'un parti politique reconnu, un des partis de l'opposition, le Parti réformiste, et on n'arrive pas à voir clair dans cette situation. Ce n'est pas par mauvaise foi des parlementaires ou des membres du comité, mais par le fait qu'on ne s'assure pas de l'éclairage suffisant.

Lorsqu'on propose qu'il y ait une commission royale d'enquête, on peut parler bien sûr du coût d'une telle commission, comme on peut parler du coût de tout le système judiciaire au Canada. On peut se dire que ce serait plus facile de couper les mains et la tête des gens pour régler les problèmes que de rendre des jugements et de permettre aux gens de se défendre. On pourrait facilement dire cela. On peut dire que ça ne vaut jamais la peine de créer une commission royale d'enquête parce que ça coûte trop cher. Il y a des principes qui ne sont pas des questions de coûts, et en justice, c'est important de préciser ces éléments.

(1530)

Par exemple, si dans le cas qui nous occupe de personnes qui semblent avoir infiltré, au nom du SCRS, le Parti réformiste, si, effectivement, ce geste a mené à des résultats qui peuvent avoir, même à l'occasion, peut-être joué sur les résultats des dernières élections, cela met en cause même la base du système dans lequel on vit et je pense que cela mérite qu'on aille voir au fond des choses et qu'on s'assure qu'il n'y a pas de situation inacceptable qui remette en question notre système démocratique lui-même.

Un autre élément permet de voir l'importance d'assurer un contrôle par les parlementaires de façon plus directe et plus précise sur le respect du mandat d'un organisme comme le Service canadien du renseignement de sécurité. Je me permets de citer quelques extraits du rapport public de 1993 de ce service-là. On voit que, finalement, parfois l'opinion partagée par les membres d'un organisme comme celui-là, cela commence à ressembler beaucoup à de la partisanerie ou à une vision du développement du pays qui, si on ne la partage pas, on devient hors-la-loi, on devient des gens qui ne peuvent pas continuer à fonctionner en société.

Par exemple, on dit, dans un des paragraphes: «Ce qui importe davantage, c'est que la multiplication des centres de pouvoir indépendant dans le monde va avec l'augmentation des sources éventuelles de menace.» C'est un extrait qui dit que, dans le fond, on serait donc bien s'il n'y avait qu'un pays sur toute la planète, et que tout le monde soit pareil, car cela serait bien plus simple à gérer. Sauf que, telle n'est pas la réalité. Il y a un jugement de valeur sur l'avenir d'une société là-dedans. Je pense que si un organisme comme le Service canadien prend de telles attitudes, il faut s'assurer qu'on puisse le surveiller convenablement et apporter des modifications en conséquence.


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Il y a un autre extrait sur lequel je me pose beaucoup de questions et qui, selon moi, mérite qu'il y ait surveillance. On dit: «À la différence de la Gendarmerie royale qui, elle, est chargée de faire respecter les lois, le SCRS recueille des informations et fournit des renseignements opérationnels ou tactiques sur des personnes, des groupes ou des événements susceptibles de constituer des menaces pour la sécurité du Canada afin que le gouvernement et les autorités policières puissent agir.»

Il est important de savoir ce qu'on entend dans un organisme comme celui-là par «des groupes ou des événements susceptibles de constituer des menaces pour la sécurité du Canada.» Personnellement, je peux trouver que ce qui constitue une plus grande menace pour la sécurité du Canada c'est la façon dont il est géré, et certainement que ce point de vue ne serait pas partagé par le gouvernement. Eux peuvent juger, dans cet organisme-là, que la menace pour le Canada c'est tel ou tel parti, comme, semble-t-il, il y a eu des gestes de posés. Cela aussi est inacceptable.

Donc, à partir des excès qui ont été commis par la GRC, à partir de la correction qu'on a essayé de mettre en place avec la création du SCRS, il reste une étape importante à franchir: il faut encore aller plus loin pour faire la lumière complètement sur cet organisme, sur ses mandats, sur la façon dont il les réalise et comment il les atteint, et que l'ensemble de ces informations puisse être rendu disponible aux gens dans lesquels la population met sa confiance, c'est-à-dire les élus.

On peut dire aussi qu'il y a des rapports qui sont faits de l'activité du SCRS au solliciteur général, mais ces rapports sont confidentiels. On peut comprendre qu'il y ait des aspects confidentiels, des choses qui ne doivent pas être discutées, par exemple, devant le grand public, mais il peut y avoir des dépôts de rapports qui pourraient être faits à huis clos, par exemple à un comité de parlementaires, qui va pouvoir assurer que les choses se font en conformité avec les lois et en fonction des situations vécues.

Je vais vous donner des exemples de rapports confidentiels qui ont été présentés par le CSARS, le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité et qui sont secrets ou top secret. C'est comme cela qu'ils sont classés. On parle d'enquêtes de sécurité sur les campus universitaires. C'est assez important de savoir ce qu'un tel organisme fait dans les enquêtes de sécurité sur les campus universitaires. Est-ce qu'on est reparti à la chasse aux sorcières? Est-ce qu'on va reproduire ici des modèles qu'on a vus aux États-Unis il y a 30 ou 35 ans? Qu'est-ce qui fait que sur un campus universitaire il y ait quelqu'un qui soit considéré comme dangereux pour la sécurité du Canada ou pas? Il peut y avoir des cas très nets et très clairs comme il peut aussi y avoir de l'abus. Il faudrait s'assurer qu'il y ait un contrôle adéquat de ces choses-là.

(1535)

Il y a une autre étude, et celle-là, le titre en soi est tellement ambigu qu'il vaudrait la peine qu'on puisse le regarder, ce sont les études régionales du SCRS. Qu'est-ce qu'ils sont allés voir dans les études régionales? Est-ce qu'ils vont voir là-dedans que s'il y a une région où le taux de chômage est à 20, 25 p. 100, c'est du monde plus dangereux qu'une place où il y a 10, 12 p. 100? Qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur de ça? Il y a des choses comme ça qu'il faut qu'on puisse aller voir.

Il y en a un autre que j'aimerais bien citer, c'est l'examen par le CSARS des activités du SCRS touchant les Canadiens autochtones. Pourquoi les Canadiens autochtones méritent-t-ils avoir des objets d'enquête particuliers? Qu'est-ce qui fait qu'on fait ce type d'enquête? Lorsqu'on a fait connaître les titres de ces études, lorsqu'on nous dit qu'ils ont reçu des études là-dessus, on laisse prétendre que ces groupes, soit les campus universitaires, soit les Canadiens autochtones ou soit différents autres groupes, qu'il peut y avoir des choses à inspecter de façon particulière, et on n'a aucune preuve que, effectivement, le rapport qui est présenté mène à des accusations en bout de ligne. Tout ce qu'on en sait, c'est qu'il y a eu une enquête.

C'est un peu comme dans un journal, quand vous dites que quelqu'un est accusé de telle situation et que vous apprenez trois mois après qu'il a été acquitté, l'acquittement est marqué en caractères d'un pouce, tandis que l'accusation est inscrite en caractères de deux pouces de haut, mais l'effet est le même. À ce moment-là, on a déjà eu l'effet négatif de la décision et je pense que c'est assez inacceptable.

Il y a peut-être une autre citation que j'aimerais vous donner par rapport à ce qu'il y a dans le rapport public qui m'apparaît à la base de ce qu'on doit voir pour l'avenir. On dit: «En général, le monde est devenu moins prévisible et le pouvoir plus diffus». Cela veut dire qu'il y a beaucoup de changements dans notre société, de toutes sortes, et qui demandent aux gens qui ont à surveiller ces choses-là d'être d'actualité et d'être capables de comprendre exactement l'importance des changements et des situations qui se font.

Sans vouloir juger de la qualité des gens qui sont membres actuels du CSARS, on peut dire que la situation actuelle est assez difficile à accepter, parce qu'il y a là des gens qui ont été nommés suite à une consultation des partis à la Chambre des communes lors de la dernière législature. Mais de ces mêmes personnes qui sont toutes là présentement, il n'y a personne du Parti réformiste, personne du Bloc québécois qui a participé à la nomination de ces gens-là. On a donc un comité, le CSARS, qui est composé de gens qui ont très peu de liens avec la présente législature, et même au niveau des libéraux, parce que la majorité a été nommée à partir de la liste des conservateurs.

Pour toutes ces raisons, je crois qu'il serait important que le gouvernement se rende à la volonté de l'opposition pour que l'on atteigne l'objectif qui était celui de la fondation du SCRS, c'est-à-dire d'avoir une transparence, la plus adéquate possible, la plus pertinente possible dans ce domaine difficile qui est celui de la sécurité, pour s'assurer que les excès qui ont eu lieu dans le passé ne se répètent pas dans l'avenir, surtout dans la situation présente, où le Canada fait face à des défis importants au niveau politique. Il ne faut d'aucune façon que le débat démocratique soit faussé par des institutions qui outrepassent leur mandat.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je trouve très curieux qu'on fasse encore une fois référence que l'histoire est garante de l'avenir. Il est certain qu'on a connu aux États-Unis l'affaire McCarthy, les Rosenberg. En France, on a connu par exemple, quand on a coulé le Rainbow Warrior de Greenpeace,


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on a vu toutes sortes d'abus dans d'autres pays, mais seulement pas des abus semblables ici.

Il est certain que lorsqu'on veut passer un commentaire,-et justement c'est un peu cette question-là que je voudrais passer à l'honorable député-c'est que justement hier soir, il y avait Bernard Landry, à Radio-Canada, qui mettait en doute, enfin on parlait justement des délégués généraux du Québec à l'extérieur, et Bernard Landry voulait savoir si c'étaient des vrais souverainistes. Si ce n'était pas des vrais souverainistes, je crois qu'il les menaçait de les mettre à la porte.

Encore une fois, on nous démontre qu'on n'est plus très tolérant des opinions de tous les Québécois, si ça ne fait pas l'affaire du parti au pouvoir. Mais je peux vous dire ceci, monsieur le Président, c'est que nous au moins avons constitué un comité d'enquête, un sous-comité, présidé par un des nôtres, mais aussi en présence des gens du Bloc québécois et du Parti réformiste, ce qui va jeter la lumière sur cette histoire, sauf que j'aimerais quand même rappeler à l'honorable député qu'il y a quand même ses collègues de Québec qui veulent mener une enquête sur des bons québécois, mais qui selon eux ne sont pas des vrais.

(1540)

M. Crête: Monsieur le Président, je trouve que l'expression du député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine nourrit encore mes soupçons, parce qu'effectivement, il y a une très grande différence lorsque quelqu'un qui dit publiquement: «On va s'assurer que les gens soient conformes à l'objectif qu'on s'est donné comme gouvernement, que la population nous a donné et on fait connaître que notre objectif est de faire la souveraineté du Québec.» On va se donner les moyens démocratiques pour atteindre ce résultat.

C'est très différent de donner un mandat à un organisme dont on ne contrôle pas la composition et qui va faire des enquêtes sur des sujets qu'on ne connaît pas, avec des contenus qu'on ne connaît pas et avec des outils qu'on ne connaît pas. Entre les deux façons de gouverner, je viens de trouver une autre raison pour faire en sorte que le Québec soit un pays très différent du Canada.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je trouve ces paroles très regrettables. Nous, ici au Canada, on est une société tolérante, mais de pointer du doigt des gens qui ont servi le gouvernement du Québec, qui ont voulu faire le développement du Québec à l'extérieur de la province et encourager des gens à venir chez nous, à venir investir, justement parce qu'il y a un changement de gouvernement, on trouve qu'il y a un manque de continuité. Malheureusement, je trouve qu'on commence à faire preuve de maccarthyisme; vous n'êtes pas des vrais Américains, vous n'êtes pas des vrais capitalistes.

C'est ce qui est malheureux et c'est cela, le danger de sa pensée. C'est pour cela que notre gouvernement s'assure d'une tolérance et qu'on invite des gens de l'opposition, des intervenants du milieu à venir nous voir et à nous parler, soit de leurs craintes ou de leur position sur la façon de gérer le SCRS.

M. Crête: Monsieur le Président, je pense que le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine mélange les oignons et les tomates. Dans le cas présent, on parle de situation dramatique, on ne parle pas, comme je disais tout à l'heure, de gens qui ont reçu des mandats de la population, qui ont une organisation conforme et à la face de tout le monde.

À côté de cela, on parle actuellement de situations où on aurait fait des enquêtes à la CBC, qui est un organisme de diffusion nationale. On parle de situation où quelqu'un, comme M. Bristow, aurait infiltré le Parti réformiste. Le SCRS, dans ma tête, est un organisme qui génère sa propre clientèle. Dans les années 1970, il fallait brûler les étables, les fermes, pour réussir, ensuite, à embaucher des inspecteurs pour former le Service du renseignement de la sécurité. Aujourd'hui, on s'assure que dans les partis politiques reconnus, on va pouvoir les influencer suffisamment pour générer des enquêtes par rapport à cela.

Il y a vraiment un niveau de manque de transparence qu'il faut clarifier, parce que dans une société, il est important qu'on sache ce qui se passe, sinon, nos perceptions du passé se poursuivent dans l'avenir.

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne): Monsieur le Président, je voudrais débuter mon commentaire en parlant d'un comité d'examen qui a eu lieu en 1990 et qui était justement chargé de réviser la Loi sur le SCRS. À leur grand étonnement, les membres de ce comité ont découvert une autre organisation qu'on appelle le Centre de la sécurité des télécommunications, communément appelé le CST, avec l'ensemble des pouvoirs qui lui est attribué.

Le CST dépend directement du ministère de la Défense nationale. C'est une sorte de SCRS, mais en parallèle. Le budget supposément secret du CST serait d'environ 200 millions de dollars, selon les estimations faites par ce sous-comité et ce, sans que la Chambre des communes ou qu'aucun comité ou sous-comité n'ait droit de regard sur les activités du CST.

Le budget, comme je l'ai dit, est enfoui dans le budget global du ministère de la Défense nationale pour qu'on ne puisse le calculer exactement. Mais, avec des estimations, le sous-comité est arrivé à ce moment-là à un budget approximatif de 200 millions de dollars, sur lequel nous n'avons aucun droit de regard.

Pire encore, les membres du comité d'examen, en 1990, soulignaient que même le CSARS n'avait aucun droit de regard sur les activités de renseignement du CST. Ce comité déposait, en 1990, 117 recommandations précises.

(1545)

Depuis ce temps, deux ou trois recommandations ont été adoptées, et ce, par l'ancien gouvernement. Pourquoi? Parce que ce comité demandait de créer officiellement le Centre de sécurité de télécommunication, mais par le biais d'une loi qu'on pourrait administrer, qu'on pourrait regarder et qu'on pourrait étudier.

Le comité demandait aussi que le CSARS soit chargé de vérifier que les activités du CST soient conformes aux lois du Canada et d'en faire rapport au Parlement.

Pourquoi les membres du comité d'examen de 1990 s'inquiétaient-ils et, en fait, qu'est-ce que le CST? Un article paru dans le quotidien Le Droit de mai dernier nous expliquait un petit peu ce qu'il avait pu voir sur le CST et je le cite ici: «Le Centre de sécurité des télécommunications travaille en effet dans le secret le plus total, utilisant l'écoute électronique pour capter des messages pouvant provenir de nombreuses régions du monde. Ces équipements de haute technologie, valant des dizaines de millions, ils seraient parmi les plus sophistiqués du monde,


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peuvent capter des messages transmis à des troupes évoluant en Sibérie ou même écouter vos conversations téléphoniques privées avec des amis d'outre-mer.» Tout cela, au nom de la sécurité nationale.

Le CST est un service qui fournit des services de renseignement semblables à ceux du SCRS, mais sans aucun compte à rendre au Parlement. Les deux organismes sont liés en plus par un protocole d'entente de coopération. Les activités de l'édifice Chomley, à Ottawa, où se logent les centaines d'employés du CST au milieu des neuf étages d'équipement d'écoute électronique ultrasecret, sont tout à fait semblables à celles du SCRS.

Dans le quotidien The Ottawa Citizen de la même année, on pouvait expliquer qu'il y avait un appareil qui semblerait être entre les mains du CST où on peut écouter, au même moment, 10 000 conversations téléphoniques, et où on a juste à moduler dans un ordinateur un mot, comme «Iran» ou «souveraineté». Et à ce moment-là, l'ordinateur enregistrerait spécifiquement cette conversation-là. Mais on est en sécurité, il semblerait.

Le CST communique-t-il ses renseignements au SCRS? On ne le sait pas. Le CST viole-t-il les lois canadiennes? On ne le sait pas. Nul ne peut savoir: ni les citoyens, ni les parlementaires, ni les membres du CSARS. Or, selon les propos du solliciteur général et de son secrétaire parlementaire, le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine, le CSARS existe pour surveiller les services du renseignement, et ce, à la place des élus, démocratiquement choisis par la population.

Combien d'affaires de Bristow restent à découvrir au sein du CST, parce qu'on n'en parle pas? Difficile à savoir. On se demande si les ministres de l'autre côté en savent plus que les députés de l'opposition. On croit que non.

Le CST, c'est 900 employés civils et environ 1 000 membres des Forces armées canadiennes. Des installations du CST se retrouvent partout au Canada: à Ottawa, dans le Nord et dans les grandes villes.

Je voudrais citer un deuxième passage de l'article du journal Le Droit où on dit: «Le travail du CST est si secret que ses employés, environ 1 000, sont invités à ne jamais voyager à bord de vols commerciaux, de crainte que leur avion soit piraté ou qu'il soit pris en otage»-mais il s'agit d'un groupe qui n'est pas dangereux, n'est-ce pas?

Le CST recueille-t-il des renseignements au sujet des partis politiques légitimes, comme le Parti réformiste ou le Bloc québécois? On ne le sait pas. Un citoyen peut-il se plaindre à un organisme de surveillance? La réponse est non. À quoi sert une charte des droits et libertés, si les employés du CST peuvent allègrement et volontairement écouter nos conversations et vos conversations téléphoniques sans aucune demande d'autorisation judiciaire et sans jamais rendre compte à un groupe de parlementaires ou à un groupe de renseignements?

Bref, il n'y a aucune surveillance parlementaire ou autre du CST. Le gouvernement ne veut charger le CSARS de la surveillance des activités du CST, on ne sait pourquoi. Et le Sous-comité

sur la sécurité nationale, tellement vanté par tout les députés ministériels, n'obtient aucune réponse de la part des membres du CSARS et n'a aucun droit de regard, je le répète, sur le CST.

(1550)

Mais ce n'est pas grave, ce n'est pas dangereux. C'est ce que l'on nous dit.

C'est pour cela, entre autres, que seule une commission royale d'enquête peut expliquer aux Canadiens, aux Canadiennes, aux Québécois et aux Québécoises ainsi qu'aux députés de cette Chambre, de quelle façon les services de renseignement et les services secrets sont à notre écoute, sont à notre regard et nous surveillent quotidiennement.

[Traduction]

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'ai écouté l'intervention de mon collègue, car je suis tès bien placé pour répondre au moins à quelques-unes de ses questions.

Je suis l'auteur d'un livre qui s'intitule Best Kept Secret, qui raconte l'histoire du CST de ses origines à nos jours. Il a été publié en novembre dernier. Le député peut l'obtenir. Malheureusement, il n'existe qu'en anglais. Cependant, je serais très reconnaissant au député de bien vouloir me trouver un éditeur de langue française, au Québec, pour qu'il puisse l'obtenir dans sa langue.

La création du CST remonte à la Seconde Guerre mondiale. Voici, à l'intention du député, un bref historique. Il s'inscrivait dans l'effort déployé par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale pour déchiffrer les messages codés. Le tout a débuté par l'unité de vérification qui se trouvait dans l'édifice voisin de la résidence du premier ministre en ce temps-là.

Elle était notamment chargée de déchiffrer les messages secrets des Japonais et du gouvernement français de Vichy. Le déchiffrement était alors une compétence de nature à la fois diplomatique, économique et militaire. Les Américains se spécialisaient dans les codes japonais et les Britanniques, dans les codes allemands et italiens. Aux Canadiens était dévolue une partie des codes japonais et franco-vichyssois.

Si les Canadiens étaient de la partie-il importe de l'expliquer pour que le député comprenne la situation actuelle-c'est qu'ils étaient les champions du monde pour capter les signaux radio. Le phénomène de la dérivation faisait que les ondes bondissaient dans l'atmosphère et se transmettaient un peu partout dans le monde, à divers points névralgiques. Le Canada était particulièrement bien placé pour capter tous les types de messages. C'est ainsi que nous avons été mêlés à tout ça.

Durant la Seconde Guerre mondiale, il s'agissait, bien sûr, d'une activité ultrasecrète. Ce fut ensuite l'après-guerre. Le Canada a continué d'assumer son rôle en créant d'abord la Direction des communications qui relevait du Conseil national de recherches du Canada, puis le Centre de la sécurité des télécommunications.


6346

Le travail du Centre de la sécurité des télécommunications n'a rien de secret. Si le député consultait mon livre, il constaterait que j'y cite un passage d'un discours que le sous-greffier du renseignement de sécurité, M. Ward Alcock, a prononcé devant un comité il y a quelques années et où il explique que le Centre de la sécurité des télécommunications a pour mandat d'écouter en secret les télécommunications partout dans le monde, tout comme le font les Américains, les Australiens et les Britanniques. Il s'agit de capter les renseignements qui peuvent avoir un certain intérêt pour la sécurité économique et la sécurité tout court du Canada.

Il peut arriver, par exemple, que le Canada ait conclu des accords internationaux qu'un concurrent cherche à torpiller. Est-ce que je prends trop de temps, monsieur le Président?

Le président suppléant (M. Kilger): Avez-vous une question ou un commentaire?

M. Bryden: J'y arrive. Je vais aller un peu plus vite. Je suis sûr que cela intéresse le député car il semble que ce soit. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Avec tout le respect que je dois à la Chambre, le député a parlé pendant 10 minutes. Nous avons cinq minutes pour les questions ou les commentaires. Quand j'ai demandé s'il y avait des questions ou des commentaires, j'ai vu que plusieurs députés voulaient prendre la parole. Je voudrais que le débat se déroule le mieux possible, que l'on ait, à la Chambre, le débat le plus fructueux possible, que l'on soit pour ou contre la question.

Je demanderais au député de Hamilton-Wentworth de terminer ses commentaires ou de poser directement sa question au député de Terrebonne.

M. Bryden: Monsieur le Président, je vais essayer de m'en tenir à une question assez courte. Je m'excuse d'avoir pris tant de temps.

Le député est-il d'accord pour dire qu'il est très difficile, pour une organisation qui a pour mandat de surveiller des sources de renseignements étrangères, de soumettre les renseignements ainsi obtenus à un comité parlementaire pour qu'il les examine ouvertement, en raison des répercussions très graves qu'une fuite pourrait avoir sur les plans politique, social et économique?

[Français]

M. Sauvageau: Monsieur le Président, je pense qu'en tant qu'élus nous sommes en droit de connaître les principaux services qui gèrent le pays, qui gèrent le Québec.

(1555)

Le député d'en face disait: «Nous écoutons des conversations qui peuvent nuire à l'unité du Canada.» Avec ce qu'on entend en cette Chambre, est-ce que cela veut dire qu'ils peuvent écouter des conversations du Québec? Sûrement que non, mais on peut se poser la question.

En ce qui concerne la traduction de son livre, il aurait pu se fier à un de ses anciens confrères et faire comme le sénateur Hébert, le faire traduire au Sénat, comme il a déjà fait. La seule question qu'on se pose, c'est de savoir pourquoi un comité de renseignements secrets qui n'a aucune surveillance peut capter des ondes et des micro-ondes et les conversations qui nous entourent?

Puisque mon honorable confrère a écrit un livre sur les services secrets, j'aimerais savoir pourquoi on n'a jamais tenu compte des 117 recommandations faites par le comité? Et si ce n'est pas si secret, pourquoi peut-on lire que: «le CST a son quartier général au sud d'Ottawa dans un édifice protégé par une haute clôture surmontée de barbelés. Son toit est coiffé de nombreuses antennes, mais on ne voit nulle part le nom de l'organisme qui l'occupe»? Si vous tentez de prendre une photo de l'endroit-avertissement aux Canadiens et Canadiennes-, vous serez très probablement abordé dans les minutes suivantes. Mais ce n'est pas secret!

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, j'ai bien écouté les propos de mon honorable collègue député de Terrebonne, et jusqu'à un certain point cela me donne la trouille. On sait très bien que le CSARS est né suite à des enquêtes, en particulier l'enquête Keable qui a été tenue au Québec à la fin des années 1970, enquête qui, commencée sur une simple petite chose-un ex-policier de la GRC avait été pris à poser une bombe, et l'enquête a débuté autour de ce geste précis-, s'est étendue et nous a permis de découvrir des faits très troublants.

La GRC avait mis le feu dans des granges, volé des listes de membres du Parti québécois, ouvert illégalement du courrier-ce qui est tout à fait démocratique-, avait posé des bombes, écrit des faux communiqués au nom du FLQ. C'est suite à cela qu'est né le besoin de dissocier de la Gendarmerie royale du Canada un centre spécial, le CSARS.

Compte tenu de ce qu'on apprend aujourd'hui, compte tenu des raisons pour lesquelles ce comité a été formé, compte tenu du fait que l'on ne peut rien savoir de ce qui se passe là-dedans, malgré nos demandes répétées, mon honorable collègue se sent-il aussi en sécurité aujourd'hui, plus en sécurité, moins en sécurité qu'on l'était à l'époque?

M. Sauvageau: Monsieur le Président, je remercie mon confrère d'Anjou-Rivière-des-Prairies. Je voudrais lui dire tout d'abord que je me sens moins en sécurité, surtout quand on entend le numéro un du SCRS nous dire à ce comité qui est censé régler tous les problèmes: «J'ai appris à ne jamais dire ni oui ni non.»

Ça c'est le numéro un du Service canadien du renseignement de sécurité qui le dit. Il dit au sous-comité qui est supposé régler les problèmes: «On n'a pas besoin de commission royale d'enquête on a un sous-comité. J'ai appris à ne jamais dire ni oui ni non.» Les autres témoins qui participent à ce sous-comité ne veulent jamais répondre aux questions.


6347

Donc, est-ce que je me sens en sécurité? Non. Est-ce que ça prend une commission royale d'enquête indépendante et non un sous-comité où les membres sont majoritairement libéraux? Je crois que oui.

[Traduction]

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour parler de la motion de l'opposition. Elle vise à dénoncer le gouvernement pour son refus de mettre sur pied une commission royale d'enquête sur les «activités illégales du Service canadien du renseignement de sécurité».

Le député met la charrue devant les boeufs. Pourquoi le gouvernement souhaiterait-il mettre sur pied une commission royale d'enquête, alors que rien ne prouve qu'il y a eu des activités illégales. Il est vrai que des allégations ont été faites à cet égard, mais elles ne s'appuient pour le moment sur rien de concret.

Pourtant, sur la foi d'allégations non prouvées, le député souhaite la création d'une commission royale d'enquête qui coûterait aux contribuables canadiens des centaines de milliers de dollars. Le député est peut-être disposé à prendre des libertés de ce genre avec les deniers publics, mais notre gouvernement a précisé clairement qu'il avait le sens des responsabilités financières.

Mis à part les questions financières, la motion du député soulève un problème plus grave. Le libellé laisse entendre de façon implicite que le Service canadien du renseignement de sécurité ne relève pas de la compétence du Parlement et n'est soumis à aucun mécanisme de surveillance. Cette motion nuit ainsi beaucoup à la réputation du SCRS et à la Chambre qui, en 1984, a mis en place un large éventail de garanties législatives et de mécanismes de surveillance pour s'assurer que le SCRS allait rendre des comptes et que toutes ses activités seraient contrôlées et surveillées. Le SCRS a mené ses opérations en respectant ce cadre législatif et a prouvé qu'il était un service de renseignement responsable tout aussi professionnel que ceux d'autres démocraties occidentales.

(1600)

Les principes de contrôle ministériel et de responsabilité ministérielle au coeur de notre démocratie parlementaire sont également à la base du contrôle et de l'orientation des activités du SCRS. La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité permet de s'assurer que le ministre est parfaitement au courant de la politique, des opérations et de la gestion du SCRS et qu'il peut les orienter. Le paragraphe 6(1) de la loi précise sans équivoque que le directeur du service travaille sous la direction du ministre.

La loi donne également au ministre les moyens de contrôler et de guider le service. Le contrôle ministériel se distingue de la responsabilité ministérielle. Même si on les utilise parfois comme synonymes, ces expressions ont des significations différentes. Le contrôle porte sur le pouvoir d'approbation du ministre et sa capacité d'établir la politique et de donner des directives, ainsi que sur les moyens à sa disposition pour s'assurer que les décisions sont bien mises en oeuvre.

La responsabilité concerne l'obligation du ministre de rendre des comptes au Parlement et le devoir des fonctionnaires de répondre de leurs actes devant le ministre. Le pouvoir d'approbation est l'un des principaux moyens qu'utilise le ministre pour exercer un contrôle sur le SCRS. En vertu des règles normales de gouvernement, le ministre doit être consulté sur toutes les questions importantes qui ont trait à son portefeuille.

En outre, la Loi sur le SCRS et les instructions ministérielles données au service exigent que le ministre approuve personnellement toute une série d'opérations, en particulier les opérations délicates. La Loi sur le SCRS stipule que le ministre doit personnellement approuver toutes les demandes de mandat judiciaire, toutes les ententes du SCRS avec d'autres organismes et gouvernements fédéraux, les provinces et les gouvernements étrangers, ainsi que la participation du SCRS aux activités des services de renseignement étrangers au Canada.

Le ministre exerce aussi un contrôle sur le service grâce au pouvoir que lui confère la loi d'établir les lignes directrices du service en lui donnant des instructions.

Une loi du Parlement peut assurer un cadre législatif, mais une mesure législative ne peut à elle seule fournir les orientations détaillées concernant chaque aspect des opérations.

Pour cela, il faut un cadre qui va permettre d'interpréter et d'appliquer la loi. Toute mesure législative portant création d'un service de renseignement doit être accompagnée d'un cadre si l'on veut que le public ait confiance dans son fonctionnement.

Il y a deux façons de fournir un cadre à l'appui d'une mesure législative: formuler un règlement et élaborer des lignes directrices en ce qui concerne les opérations. Aucun de ces mécanismes n'est vraiment satisfaisant quand il s'agit du renseignement.

Les règlements sont des instruments publics qui de toute évidence ne conviennent pas pour donner des instructions détaillées sur le secret à respecter dans la conduite des opérations. D'un autre côté, un règlement intérieur n'assurerait pas un degré de confiance suffisant.

Une troisième façon a donc été inscrite dans la mesure législative, sous la forme d'instructions ministérielles qui sont données au service en vertu du paragraphe 6(2) de la loi. Les instructions ministérielles permettent de veiller à ce que le solliciteur général soit le pivot entre la loi et le cadre.

En pratique, toutes les instructions importantes sont données par écrit par le ministre, indépendamment du sujet. À force de travailler avec la Loi sur le SCRS, le gouvernement a fini par définir les instructions données par le ministre en vertu du paragraphe 6(2) comme des instructions écrites d'une nature continue que le ministre a la prérogative de donner concernant les normes ou les procédures.

La préparation stratégique des instructions du ministre est claire. Au cours des 10 dernières années, le ministère s'est doté d'instructions qui définissent les grands principes du solliciteur général concernant le service et ses activités. Ces instructions peuvent être regroupées en sept grandes catégories, à savoir: les dispositions visant à aider le directeur à rendre compte au ministre; les priorités annuelles du gouvernement concernant les ren-seignements relatifs aux menaces à la sécurité du Canada, appelées «exigences nationales»; l'orientation des tâches et fonctions


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du service prévues par la loi; l'orientation concernant les méthodes et techniques d'enquête; les instructions ayant trait aux pratiques de gestion générale du service; les normes de négociation d'accords de coopération avec les organisations nationales et étrangères et les questions concernant la politique et la mauvaise administration des dossiers, en particulier la rétention par le service de dossiers hérités du Service de sécurité de la GRC.

Quelque 50 instructions ministérielles sont actuellement en vigueur. Le service applique ces instructions sous forme de procédures opérationnelles à l'intention du personnel du SCRS. Cette progression logique, de la loi aux instructions ministérielles, puis aux procédures opérationnelles, offre un moyen pratique et vérifiable de veiller à ce que le service s'acquitte de ses tâches et fonctions de façon adéquate. Je rappelle aux députés que le CSARS reçoit copie de toutes ces instructions.

La loi accorde également une grande importance à la responsabilité. Il existe également une instruction générale qui établit la responsabilité du directeur devant le ministre. Cette instruction décrit les attributions du solliciteur général, du sous-solliciteur général et du directeur et résume les exigences officielles relatives aux rapports, notamment l'obligation du directeur de déposer un rapport annuel. Le ministre a également établi des lignes directrices sur la portée et le contenu du rapport annuel du directeur.

L'instruction concernant la politique opérationnelle du service relative au mandat du renseignement de sécurité du service est particulièrement importante pour les fins du contrôle ministériel. Cette instruction fait en sorte que les activités relatives à l'obtention, à l'analyse et à la déclaration des renseignements respectent les exigences nationales annuelles du gouvernement en matière de renseignements de sécurité et elle offre un guide pratique d'interprétation de la terminologie importante de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

Les méthodes opérationnelles sont aussi clairement définies. Une instruction générale sur la conduite des enquêtes englobe des instructions plus précises sur les procédures opérationnelles. Cette instruction endosse implicitement les cinq principes fondamentaux de contrôle des enquêtes adoptés par la Commission McDonald. La primauté du droit doit être respectée en tout temps.

Les moyens d'enquête utilisés doivent être proportionnels à la gravité de la menace et à la probabilité qu'elle se concrétise. La nécessité d'avoir recours aux diverses techniques d'enquête doit être évaluée à la lumière des préjudices que leur utilisation peut causer aux libertés civiles ou à des institutions sociales importantes.

Plus la technique est «intrusive», plus elle doit être approuvée à un haut niveau. Sauf en cas d'urgence, il faut toujours employer les techniques de collecte d'information les plus classiques avant de passer à des techniques plus «intrusives.»

Une instruction sur les opérations menées en collaboration reconnaît que, dans certaines circonstances, il se peut qu'il soit dans l'intérêt du Canada que des enquêteurs de services de renseignement étrangers poursuivent des activités à l'intérieur de nos frontières. Dans un tel cas, les principes qui doivent guider les activités du SCRS sont les suivants: la souveraineté et les lois du Canada doivent être totalement respectées et protégées; l'objectif et le produit éventuel de la coopération doivent être utiles au Canada et servir les intérêts du pays; le SCRS doit exercer une surveillance efficace des activités menées en vertu de cette coopération.

Une instruction sur les enquêtes à l'étranger présente des lignes directrices pour les enquêtes que le SCRS mène à l'étranger concernant des menaces à la sécurité du Canada. On y apprend qu'il faut l'autorisation du solliciteur général pour que le SCRS puisse exercer ses activités à l'étranger.

Cette instruction s'applique aux déplacements de sources humaines, aux enquêtes de sécurité à l'étranger par des agents du SCRS, et à l'aide apportée, à l'étranger, à des services de renseignement d'autres pays.

Une instruction sur les liaisons intérieures présente des lignes directrices sur les ententes entre. . .

[Note de l'éditeur: La sonnerie d'alarme ayant retenti]

Mme Minna: Dois-je m'arrêter ou poursuivre, monsieur le Président?

SUSPENSION DE LA SÉANCE

Le président suppléant (M. Kilger): Nous suspendons la séance jusqu'à l'appel de la présidence.

(La séance est suspendue à 16 h 8.)

_______________

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 16 h 25.

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine): Monsieur le Président, je parlais de la liaison et de la collaboration. Des instructions sur les liaisons intérieures orientent la mise en oeuvre d'ententes entre le service et des institutions fédérales ou provinciales. Il y a, par exemple, les instructions ministérielles sur la collaboration entre la GRC et le SCRS.

Les principes régissant les liaisons intérieures garantissent que les ententes sont conformes au mandat du service et qu'elles sont en vigueur quand il est nécessaire d'obtenir de l'information, un soutien opérationnel, un échange de renseignements ou une consultation sur l'organisation.

De même, les instructions sur les liaisons avec l'étranger énoncent les principes qui guident le SCRS dans l'établissement et le maintien de liaisons avec des services de sécurité ou de renseignement étrangers. Au besoin, le solliciteur général communique de nouvelles instructions, pour garantir l'existence au Canada d'un service de renseignement de sécurité réceptif et responsable.

L'obligation de rendre compte prévue dans la Loi sur le SCRS de 1984 repose aussi sur les fonctions de contrôle attribuées au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécuri-


6349

té et à l'inspecteur général du SCRS. Le CSARS a pour mandat d'examiner la régularité des activités du SCRS, en particulier l'équilibre délicat entre la sécurité nationale et les libertés individuelles. Selon l'article 38 de la Loi sur le SCRS, le CSARS surveille la façon dont le service exerce ses fonctions.

Le CSARS est chargé d'examiner notamment les rapports annuels du SCRS, les certificats de l'inspecteur général, les instructions du ministre, les ententes du SCRC avec des gouvernements et des services étrangers, les rapports visés à l'article 20 sur des agissements illicites, et les règlements.

L'article 40 de la loi charge le CSARS de veiller à ce que le service respecte la Loi sur le SCRS, ses règlements et les instructions du ministre, ainsi que d'effectuer des recherches sur les activités du SCRS afin qu'elles ne donnent pas lieu à l'exercice des pouvoirs d'une façon abusive ou inutile.

L'inspecteur général du SCRS assume une fonction de surveillance tout aussi importante. Le poste d'inspecteur général est unique; il a évolué avec le temps pour tenir compte de l'expérience pratique et des attentes ministérielles. Le rôle principal de l'inspecteur général consiste à effectuer des examens internes indépendants pour le compte du ministre.

La Loi sur le SCRS donne à l'inspecteur général trois fonctions liées les unes aux autres: surveiller les activités opérationnelles, suivre l'observation par le SCRS des règles générales qui régissent son fonctionnement et présenter des certificats au ministre.

Pour s'assurer que l'inspecteur général est capable de s'acquitter efficacement de ses fonctions, la loi précise qu'il est autorisé à «avoir accès aux informations qui se rattachent à l'exercice de ses fonctions» et à recevoir du service «les informations, rapports et explications dont il juge avoir besoin». En vertu de l'article 31, à l'exception des renseignements confidentiels du Cabinet, aucun document ne peut lui être refusé pour quelque motif que ce soit.

J'ai donné tous ces détails pour illustrer à quel point les mesures de protection et de surveillance prévues dans la loi pour s'assurer que le SCRS respecte en tout temps son mandat et la loi sont complètes. Prises ensemble, ces mesures de protection et de surveillance donnent au SCRS des assises légales solides et conformes aux traditions et aux principes d'une nation libre et démocratique.

L'adoption de la motion à l'étude marquerait un recul par rapport à ces traditions et à ces principes et nierait les années de travail et l'expérience qui ont préludé à l'adoption d'un cadre législatif moderne et efficace pour le système de renseignement de sécurité au Canada.

Je suis convaincue que la motion a été motivée par le souci du député pour le bien de notre système de sécurité national. Cependant, je suggère que nous attendions l'examen du CSARS et la fin des travaux du comité permanent, dont le député, comme tous les députés, sont sûrement informés, avant de tirer des conclusions.

[Français]

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, j'ai bien écouté les commentaires de mon honorable collègue qui vient de nous dresser une liste des mécanismes législatifs qui permettraient, selon elle, de s'assurer que le Service canadien du renseignement de sécurité est un organisme qu'on peut, jusqu'à un certain point, contrôler.

Elle nous a dit également que le Service canadien du renseignement de sécurité est redevable à des ministres qui peuvent contrôler son activité.

(1630)

J'aimerais rappeler à mon honorable collègue que la Gendarmerie royale du Canada était effectivement, elle aussi, réglementée et elle aussi redevable à des ministres. Cela ne l'a pas empêchée de commettre des cas d'abus criminels inexplicables. Aujourd'hui, on a formé un nouveau centre canadien de renseignement et de sécurité. On a remis des mesures législatives et on prétend aujourd'hui que c'est devenu sécuritaire. Quelle différence mon honorable collègue voit-elle entre la situation qui prévalait entre 1970 et 1980 et celle qui prévaut aujourd'hui?

[Traduction]

Mme Minna: Monsieur le Président, ce n'est pas exactement la même chose. Je crois que le SCRS est maintenant soumis à des contrôles beaucoup plus rigoureux.

Si, et je dis bien si, les allégations qui ont été faites au sujet du SCRS et discutées à la Chambre sont fondées, je crois qu'il y a lieu de s'inquiéter. Le gouvernement devrait chercher comment s'attaquer au problème et quelles modifications il faut apporter.

Cependant, tout un dispositif est en place. Le comité de surveillance a le pouvoir de faire enquête sur toutes les activités du SCRS. Le comité permanent tient aussi des audiences, comme le député l'a dit. Des députés d'en face font partie de ce comité. Il y aura des audiences et les rapports du comité de surveillance seront examinés. Il y aura d'autres réunions avec le CSARS.

Si, au bout du compte, lorsque le rapport de ce dernier sera publié ou lorsque le comité permanent fera rapport à la Chambre, les députés estiment qu'il subsiste des difficultés ou si le gouvernement croit qu'il y a de graves problèmes, nous serons les premiers à vouloir régler la question.

Je voudrais que le député accepte au moins que le processus se déroule normalement et que le comité permanent, qui représente les députés de la Chambre, fasse le travail, au lieu de créer une grande commission royale qui coûtera très cher. Les commissions royales ne terminent pas toujours leur travail au moment où elles sont censées le faire, et c'est un dispositif très lourd à mettre en place alors qu'il y a déjà quelque chose de prévu. Inutile de faire double emploi.


6350

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, le SCRS a été institué à cause des irrégularités constatées dans les opérations de surveillance menées par le service de sécurité précédent qui relevait de la GRC.

On sait très bien que la GRC avait violé les lois canadiennes en faisant enquête sur un mouvement politique légitime au Québec. On sait très bien également que dès que ces activités illégales ont été révélées, le gouvernement de l'époque a non seulement ordonné une enquête approfondie, mais a également institué le SCRS afin qu'il exerce des activités responsables, respectueuses des lois et qui n'outrepassent pas la mission que lui confiait la loi.

Selon des allégations indépendantes, le SCRS aurait peut-être incité un citoyen ordinaire à recueillir de l'information sur un autre mouvement politique légitime.

Quelle différence y a-t-il entre les activités de l'ancien service de sécurité et l'activité prétendument illégale du SCRS? Je n'en vois aucune.

À la page 48 de son rapport annuel, sous la rubrique «Surveillance», le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité se dit étonné du fort volume d'information recueillie par le SCRS au cours de ses opérations de surveillance. À la même page, sous la rubrique « Opérations délicates », le CSARS se dit également étonné de voir que le SCRS ait entrepris une opération délicate alors qu'il n'existait aucun indice particulier permettant de justifier réellement ou éventuellement cette activité de renseignement.

À la page 47 du même rapport, le CSARS exprime une certaine inquiétude à propos du ciblage de la surveillance. Il mentionne dans un cas la raison invoquée pour effectuer cette surveillance, et il était dans ce cas-là très exagéré de justifier ainsi cette opération.

(1635)

Le CSARS dit aux Canadiens que le SCRS n'avait aucune raison véritable de cibler ainsi l'objet de sa surveillance, mais il a entrepris et continué de surveiller et d'observer sa cible, même si le CSARS a confirmé qu'il n'avait aucun droit légal d'entreprendre cette opération.

Le CSARS a également affirmé que le SCRS avait invoqué de mauvaises raisons ou des raisons imprécises en s'appuyant sur la Partie II de la Loi sur le SCRS pour cibler un objet de surveillance. Le CSARS a en outre affirmé que le SCRS avait du mal à comprendre ce que l'on considérait comme une véritable menace pour la sécurité du Canada. Rien n'indique cependant que le CSARS ait enjoint au SCRS de mieux comprendre et de mieux respecter la loi régissant ses activités.

Le rapport annuel fait état d'une autre affaire où le CSARS a noté que le SCRS avait fait une autre enquête improprement. Le CSARS a déclaré, en examinant les motifs de l'enquête, que les enquêteurs avaient dit que le SCRS n'avait aucune justification pour continuer la surveillance. Encore une fois, le CSARS a soutenu que le SCRS avait perdu tout contrôle, mais rien ne montre que le SCRS ait tenté de remédier à la situation.

La loi régissant le SCRS énonce clairement que le SCRS ne doit pas utiliser ses pouvoirs d'une manière déraisonnable ou non nécessaire et qu'il doit exercer ses fonctions avec efficacité, efficience et, par-dessus tout, dans le respect des lois.

Si le SCRS a payé une personne pour infiltrer un groupe et inciter celui-ci à concevoir et à répandre un message sur la suprématie de la race blanche, il a clairement violé l'article de la Loi sur le SCRS qui porte sur l'abus de pouvoir.

Si le SCRS a permis à cette personne d'inciter des tenants de la suprématie de la race blanche à noyauter un parti politique légitime, il a sûrement violé la disposition sur l'abus de pouvoir.

Le Parti réformiste du Canada n'est pas un groupe de terroristes. Il n'est pas un groupe d'agents de services de renseignement hostiles et il n'est certainement pas une menace pour la sécurité du Canada. Le Parti réformiste, n'en déplaise au gouvernement, est le parti des Canadiens respectueux des lois.

Comment le gouvernement libéral peut-il s'attendre à ce que les citoyens respectueux des lois continuent de l'être quand un organisme de l'État est accusé d'avoir, d'une manière flagrante et sans motif légitime, enfreint la loi en toute impunité?

À tout le moins, l'organisme de surveillance des activités illégales du SCRS, le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, doit en informer le Parlement dans des termes non équivoques si le SCRS a autorisé son informateur à infiltrer le Parti réformiste, si le SCRS a autorisé son informateur à inciter des tenants de la suprématie de la race blanche à se joindre au Parti réformiste. Si c'est le cas, le CSARS doit rendre cette information publique.

Si le SCRS savait qu'une personne était de mèche avec des tenants de la suprématie de la race blanche et militait au sein du Parti réformiste, cela serait publiquement préjudiciable à la réputation de cette formation politique légitime.

Le SCRS et le CSARS sont responsables devant le Parlement pour leurs activités, et le Parlement est responsable devant la population. À tout le moins, le gouvernement libéral doit dire à la population si, oui ou non, le SCRS a permis à un individu imprévisible et dangereux de salir un parti politique légitime.

Si le SCRS a trempé dans l'établissement d'un groupe croyant à la suprématie de la race blanche, s'il a participé à la création et au financement d'un tel groupe par l'entremise de son informateur, la divulgation de tous les détails relatifs à cette affaire ne constituera pas une menace pour la sécurité des Canadiens et du Canada.

Si le SCRS a vraiment été impliqué, seuls les dirigeants du SCRS seront menacés par la divulgation de tous les détails de l'affaire.

(1640)

Si ces activités illégales étaient approuvées par les responsables du SCRS, le gouvernement libéral doit fournir à tous les parlementaires et à tous les Canadiens des renseignements complets, détaillés et approfondis sur la raison pour laquelle le SCRS a décidé de surveiller un parti politique légitime, mon parti, le Parti réformiste du Canada.


6351

Puisque le gouvernement libéral refuse de mettre sur pied une commission royale d'enquête sur les présumées activités illégales du SCRS, nous devons savoir pourquoi il tente de se cacher derrière le secret et la Loi sur le SCRS. Tous les Canadiens doivent savoir pourquoi le parti qui est au pouvoir à la Chambre des communes refuse de mener une enquête approfondie sur les présumées activités illégales d'un ministère fédéral, affichant un mépris total des lois du pays.

Non seulement l'ancien gouvernement avait fait enquête sur les activités illégales du précédent service secret du Canada, mais il avait démantelé l'organisme et en avait créé un nouveau.

Personne ne propose que le gouvernement libéral gaspille l'argent des contribuables pour démanteler le service et en créer un autre. Mais tous les Canadiens pressent le gouvernement libéral de mener une enquête complète, de divulguer tous les renseignements et de renvoyer les employés du SCRS qui étaient au courant d'activités illégales et qui appuyaient ces activités. Le gouvernement doit accorder la priorité à cette enquête, même au risque de se mettre légèrement dans l'embarras.

En refusant de tenir une enquête complète et de divulguer tous les renseignements au Parlement, le gouvernement indique aux Canadiens qu'il tolère le secret inutile et abuse de la confiance que les Canadiens ont placée en lui.

Le gouvernement libéral peut bien prétendre qu'il n'a rien à voir dans les présumées activités illégales du SCRS puisqu'il n'était pas au pouvoir lorsqu'elles se sont produites. Mais refuser de tenir une enquête sur ces activités ne satisfera pas les Canadiens respectueux des lois.

Le gouvernement libéral a tout à perdre en ne tenant pas une enquête complète. Il perdra la confiance des Canadiens, et un parti au pouvoir ne peut jamais regagner cette confiance. Cette perte de confiance risque de diminuer davantage le gouvernement aux yeux des Canadiens, ce qui est inadmissible.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté les propos du député. Je peux lui assurer que personne de ce côté-ci ne considère le Parti réformiste comme une organisation terroriste.

On entend toutes sortes d'allégations d'inconduite. Chose sûre, nous disposons d'un mécanisme, le CSARS, qui a été créé il y a 10 ans, je me permets de le rappeler au député, pour enquêter sur ce genre d'allégations.

Nous avons même fait davantage. En effet, en collaboration avec les députés de l'opposition, tant bloquistes que réformistes, nous avons créé un sous-comité sur la sécurité nationale. Un des députés qui traitent avec ce sous-comité a accompli un travail admirable. Nous examinons toutes les propositions que fait l'opposition. Nous sommes dans l'attente des rapports du CSARS. Je suis convaincu que le sous-comité va poursuivre ses recherches sur les allégations portées contre le service.

Je tiens à ce que les députés de l'opposition sachent que l'actuel gouvernement n'encouragera jamais l'espionnage d'organismes politiques légitimes, tels que le Parti réformiste et le Bloc québécois.

J'aurais une question à poser au député puisque le Parti réformiste se préoccupe tellement des responsabilités et de la façon dont nous dépensons les deniers publics et maîtrisons le déficit. Est-ce que le député croit qu'il vaudrait mieux affecter 20 à 25 millions de dollars à une commission royale que d'accorder au sous-comité sur la sécurité nationale le temps et la possibilité de se pencher sur cette question et de permettre au CSARS de rendre compte au Parlement de ce qui s'est passé ou de ce qui s'est prétendument passé? J'aimerais savoir si, à son avis, il ne vaudrait pas mieux attendre encore avant de puiser de 20 à 25 millions de dollars dans les poches des contribuables.

(1645)

M. Thompson: Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord remercier le député de nous confirmer les sentiments des libéraux à l'égard de cette activité.

Je suis très surpris d'entendre un député de ce coté-là de la Chambre affirmer qu'il n'est pas bon de dépenser. Ils n'ont jamais fait preuve d'un tel esprit d'économie dans d'autres circonstances ou d'autres domaines. Ce groupe semble plutôt penser qu'il est très agréable de dépenser de l'argent.

Rien ne nous porte à croire qu'une enquête de ce genre entraînerait nécessairement des dépenses d'une telle envergure. Je suis très heureux que ce comité ait été créé. J'espère que le gouvernement peut nous garantir qu'une fois que les travaux du comité seront terminés, il pourra convaincre non pas le Parti réformiste, mais la population canadienne, qui a le droit de savoir, que cette question est définitivement réglée. S'il ne peut pas nous donner de garantie, j'espère qu'il peut nous assurer qu'il ira au fond des choses et que de tels événements ne se reproduiront jamais dans le contexte d'activités de ce genre.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth): Monsieur le Président, je voudrais poser une question très brève.

Dans son discours, le député a dit qu'on devrait procéder à un examen parlementaire au coût de 25 millions de dollars parce que le SCRS est accusé d'avoir violé la loi. Le député a bien dit que cet organisme était accusé.

Le député ne croit-il pas que nous devrions attendre d'avoir des preuves concrètes avant de lancer une enquête aussi coûteuse sur la foi d'une simple accusation?

M. Thompson: Monsieur le Président, je ne prétends certes pas un seul instant que nous devons nous lancer sans réfléchir dans une entreprise qui va nous coûter des millions de dollars. Je ne pense pas avoir laissé entendre cela.

J'ai signalé qu'il y avait un groupe spécial de gens qui composent le CSARS et qui ont la responsabilité, selon moi, de faire rapport sur tout ce qui se passe. Ainsi, lorsque j'ai le sentiment, et nous avons des raisons de croire, que ce n'est pas ce qui se produit, je me demande alors si le gouvernement libéral va


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s'assurer que ces gens que nous payons vont rendre des comptes aux Canadiens pour mériter le salaire qu'on leur verse. Vont-ils s'acquitter ou non de leur tâche? Ou devons-nous avoir recours à des solutions extrêmes comme une commission royale?

M. Gagnon: Monsieur le Président, je peux affirmer au député que les députés de ce côté-ci de la Chambre ont l'intention de prendre leur travail très au sérieux. Nous savons que le sous-comité sur la sécurité nationale, dont font partie certains députés d'en face, fera un examen approfondi de la question.

J'espère, grâce aux questions que le député et ses collègues ont posées, que nous allons tirer cette question au clair une fois pour toutes.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole sur cette motion. Je pense que ce genre de débat a toujours sa place. Cette motion ne me semble pas correcte. On dirait qu'il y a quelque chose qui cloche. Néanmoins, je pense que c'est une question que tous les députés devraient examiner de temps à autre.

Je voudrais tout d'abord parler de la motion comme telle. On y retrouve le mot «illégal». On demande qu'une commission royale d'enquête soit mise sur pied pour étudier des allégations d'activités illégales. Si je comprends bien, ce sont les journaux et les médias qui ont laissé entendre que le SCRS aurait mené des activités incorrectes et qu'il faudrait effectuer une enquête à ce sujet.

C'est de cela dont je voudrais parler, car selon l'une des accusations parues dans la presse, la SRC aurait fait l'objet d'une surveillance du SCRS. Je pense que c'est cette accusation qui, plus que tout, a suscité les réactions qui ont conduit au débat que nous avons aujourd'hui et aux différentes études qui sont faites actuellement sur les activités du SCRS.

(1650)

Je voudrais parler de l'article publié dans le Star de Toronto. J'ai en main un document que je voudrais montrer, car il est pertinent. Le Star de Toronto titrait: La Société Radio-Canada sous la surveillance du contre-espionnage. Je crois que l'article avait été publié à la une du journal.

Il va de soi qu'un titre semblable cause beaucoup d'émoi des deux côtés de la Chambre et dans l'opinion publique. Si l'on examine le contenu de cet article d'après lequel la Société Radio-Canada aurait été espionnée par le SCRS, on constate que le titre lui-même est basé sur un seul paragraphe de l'article. Ce paragraphe se lit comme suit: La source fait état d'interventions de M. Howard Goldenthal, un attaché de recherche de l'émission Fifth Estate du réseau anglais de Radio-Canada, auprès du dirigeant du Heritage Front, M. Wolfgang Droege, afin de savoir si des soldats du régiment aéroporté canadien en Somalie avaient des liens avec des groupes racistes au Canada.

Je ferai remarquer qu'il s'agissait de l'émission Fifth Estate du réseau anglais de Radio-Canada mais qu'il aurait tout aussi bien pu s'agir d'une émission du réseau CTV ou d'une enquête menée par la presse écrite. Un informateur a répondu à une préoccupation légitime concernant la possibilité d'infiltration d'un régiment aéroporté canadien par un groupe raciste.

Nous reconnaîtrons certainement tous qu'il est légitime que le SCRS veuille vérifier s'il y a effectivement eu infiltration des Forces canadiennes par un groupe d'éléments racistes. Telle était la teneur de l'article. Pourtant, l'article était intitulé: La Société Radio-Canada sous la surveillance du contre-espionnage. Voilà le genre de titre qui contribue plus que toute autre chose à éveiller l'inquiétude du public.

En définitive, nous nous intéressons à une question-et j'en ai fait référence au député de Wild Rose-, nous tenons un débat sur la base d'allégations, mais sans avoir de preuves. J'ai cité cet article comme exemple, mais on trouve dans les médias d'autres récits qui sont essentiellement des allégations ne reposant sur aucun fait connu.

Avant de songer à créer une commission royale, je crois que nous devons aller au-delà des allégations publiées dans la presse.

Je voudrais pousser l'examen de la question un peu plus loin car cette situation me préoccupe beaucoup. Un article donne à penser que le SCRS avait un agent secret au sein d'une organisation qui a peut-être eu des liens avec l'extrême droite, et que cet agent s'est peut-être lui-même engagé, dans le cadre de sa mission, dans des activités qui pourraient être considérées comme des activités d'extrême droite ou même à caractère raciste.

Quelle différence y a-t-il entre cette personne, si toutefois elle a vraiment existé, et un policier en civil qui infiltrerait une organisation de trafiquants de drogue dans le cadre d'une opération policière secrète? Nous reconnaîtrons certainement tous qu'il est parfaitement justifié de la part d'une force policière qui désire mettre à jour des activités criminelles ou des menaces à la sécurité nationale, ou municipale si l'on veut, d'avoir recours aux services d'un agent d'infiltration et qu'il est normal que ce dernier agisse comme ceux qu'il infiltre.

J'irai même encore un peu plus loin. Je n'en sais pas plus que n'importe quel autre député au sujet de ce qui s'est réellement passé. Si Grant Bristow était réellement un agent d'infiltration chargé d'une mission légitime concernant la sécurité nationale et que les fuites publiées dans la presse ont compromis un projet très important pour la sécurité nationale, je crois qu'il s'est produit une chose très regrettable.

(1655)

Nous devrions regretter ce qui s'est produit, et non critiquer le SCRS sur la foi de simples allégations. Du fait que c'est un organisme de renseignement, un organisme de contre-espionnage, le SCRS n'a pas la possibilité de se défendre, car il risquerait alors de compromettre des agents qui participent à des opérations clandestines.


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Il y a ici une autre question, celle de la fuite de documents qui a conduit à la révélation que le SCRS se livrait à certaines opérations clandestines.

En ce qui concerne celle du Heritage Front, je ne sais quels dommages il y a eus et je ne sais même pas si c'est vrai. Toutefois, je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur une chose que tout le monde semble oublier. Il y a d'abord eu un article de journal au sujet de cette affaire. La fuite a donné lieu à un article qui a paru dans le Sun de Toronto du 13 août 1994, un peu avant la manchette du Star de Toronto, que j'ai mentionnée, et qui disait: «Le SCRS. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Un article du Règlement interdit de produire des pièces à la Chambre. Je sais qu'il nous arrive tous de citer des articles, pris parfois dans des journaux, ce qui est parfaitement justifié, mais j'invite néanmoins les députés à se souvenir de cet article du Règlement sur la production de pièces et à ne pas les montrer ouvertement aux téléspectateurs et aux autres membres de cette assemblée. J'invite le député de Hamilton-Wentworth à continuer son intervention.

M. Bryden: Monsieur le Président, j'en prends bonne note. Je vais lire le titre puisque je ne peux le montrer. Il dit, en très gros caractères: «Le SCRS espionne les Somaliens de Toronto». L'essentiel de l'article, fondé sur un document dévoilé illégalement, portait sur le fait que le SCRS avait infiltré la communauté somalienne parce qu'il craignait qu'elle n'abrite des éléments violents susceptibles de constituer une menace.

Vu les problèmes qu'il y a eus en Somalie, il me semble que le SCRS avait de bonnes raisons de s'inquiéter de la sorte. Nous sommes probablement tous d'avis qu'il était justifié de chercher à obtenir des renseignements de la communauté somalienne.

Ce qui n'est pas justifiable, c'est le fait de communiquer illégalement ce document à la presse. Ce n'est pas le journal qui est fautif, car son rôle est de diffuser les renseignements qu'il reçoit. L'erreur a été de produire un document qui, de toute évidence, était conçu pour nuire à une opération très légitime de la part du SCRS et qui, en fait, aurait bien pu y contribuer.

Ceci nous amène à un point très important, à savoir que nous devrions, à la Chambre, déplorer le fait qu'à un moment donné, tout soit allé de travers et qu'un individu dans un poste de confiance ait été à même de réunir des documents du SCRS dans l'intention apparente de les divulguer à la presse pour une raison quelconque. Nous pouvons être reconnaissants au Star de Toronto d'avoir publié une photo d'un des documents. C'est grâce à cela que nous avons pu trouver la personne qui l'avait divulgué.

Je ne veux pas paraître étroit d'esprit ou radical, mais j'espère bien que le gouvernement prend des mesures très strictes afin d'empêcher que des fonctionnaires et des personnes de confiance ne divulguent des documents de cette nature-j'espère aussi qu'il en a les moyens. Nous devons avoir un gouvernement méthodique, qu'il s'agisse des secrets, des services de renseignement ou de la confidentialité des travaux du Cabinet. C'est un précédent très, très grave et je crois que nous devrions tous être inquiets.

Je pense avoir le temps de passer une autre question, celle de la responsabilité, qui a été soulevée à maintes reprises et qui est, je crois, le but de la motion. C'est une question très importante. J'ai écouté les députés de tous les côtés de la Chambre et l'explication donnée par les députés de mon parti quant à la structure qui a été mise en place pour essayer de rendre le SCRS et le Centre de la sécurité des télécommunications responsables de leurs actes.

(1700)

En dernière analyse, bon nombre d'organismes et de ministères gouvernementaux s'occupent d'activités secrètes-la défense, par exemple, qui doit effectuer des essais militaires ou d'autres opérations du genre. Finalement, la responsabilité repose sur la qualité de nos fonctionnaires et la force de notre démocratie.

On peut adopter des mesures législatives, mais rien ne garantit que les personnes qui y sont assujetties ne les enfreindront pas d'une manière ou d'une autre, étant donné les contraintes de leur travail. Quand on assure des services de renseignement touchant l'étranger ou de contre-espionnage, on est forcé de travailler dans l'ombre. Malgré tout ce qu'on a dit, je ne crois pas vraiment que les députés d'en face considèrent qu'on peut soumettre ces activités à l'examen d'un comité parlementaire. C'est irréaliste. Chose certaine, cela nous ferait perdre tous nos alliés.

Il y a un autre problème. Comment faire pour combler ce manque de confiance dans du personnel qui oeuvre dans un domaine caché et dont les résultats concrets ne peuvent jamais être exposés au grand jour?

La solution tient à une démocratie solide et à une méthode de sélection fiable. La seule chose qui pourrait s'ajouter à cela, et c'est ma marotte, c'est une méthode pour rendre des comptes précis et très documentés.

À part les solutions déjà proposées, la seule façon de contrôler ces personnes qui travaillent en coulisses est d'exiger qu'elles mettent toujours leurs ordres par écrit, et qu'elles conservent leurs écrits à perpétuité. Il faut qu'une forme de contrôle empêche les gens de détruire les dossiers.

En effet, dans une démocratie solide, quand on a une administration solide et dévouée, je crois que c'est assumer ses responsabilités face à l'avenir que de vérifier que les administrateurs font ce qu'ils ont à faire quand ils doivent agir en secret. Ainsi, 30 ou 40 ans plus tard, quand les historiens s'intéresseront à ce que nous avons fait, ils pourront être sûrs que nous avons au moins agi de bonne foi, même si nous avons pris des décisions parfois radicales ou discutables. La grande majorité de nos fonctionnaires agissent de bonne foi et font de leur mieux. Il ne faut pas l'oublier.


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Pour terminer, je vais parler de l'avenir du SCRS. C'est également l'un des enjeux de ce débat. Nous le savons, depuis l'effondrement de l'empire soviétique, le monde est en pleine transformation. Cela a et doit avoir une incidence sur les services de contre-espionnage.

Le SCRS est avant tout un organisme de contre-espionnage. Il n'y a aucun doute là-dessus. Nous sommes maintenant menacés de partout. Certains petits pays sont potentiellement très dangereux. Nous savons tous combien il est difficile de contrôler le plutonium. Il existe à l'heure actuelle dans l'ancienne Union soviétique des stocks énormes de plutonium qui peuvent se retrouver d'un jour à l'autre dans n'importe quel pays du tiers monde. Je suis désolé de devoir le dire, mais la technologie permettant de fabriquer une bombe nucléaire, aussi petite soit-elle, est bien connue. Cela constitue un danger immense.

De même, nous sommes menacés par le danger que représentent les armes biologiques et chimiques. Ces armes sont à la portée des tout petits pays. C'est pourquoi nous avons besoin d'un service de renseignement aux aguets qui surveille sans arrêt la situation dans le monde entier et qui, je dois le dire, puisse également détecter ces menaces sur le territoire national.

Notre politique d'immigration est très généreuse et c'est merveilleux. Il ne faut cependant pas oublier que cela ouvre la porte à des menaces réelles contre notre sécurité, non seulement de la part de criminels notoires, mais aussi de ceux qui n'attirent pas autant l'attention et qui, animés par la haine et l'animosité régnant dans leur pays d'origine, risquent de s'en prendre à d'autres groupes ethniques sur le sol canadien. Il nous faut un bon service pour faire échec à ces gens.

(1705)

En terminant, je vais dire un mot sur le Centre de la sécurité des télécommunications, qui a été mentionné précédemment. Nous fonctionnons maintenant à l'échelle mondiale, de sorte que les menaces ne se limitent plus à la sécurité. En effet, elles visent aussi l'économie et la politique. Nous devons donc tenir compte de la grande dépendance du Canada à l'égard du commerce.

Je vois que le ministre du Commerce international est présent. Il conviendra que l'avenir du Canada dépend de notre capacité de relever la concurrence partout dans le monde. Or, tous les pays ne sont pas des concurrents loyaux. Certains pays recueillent des renseignements en poursuivant des activités illégales, ce qui nuit à notre capacité de faire du commerce en toute franchise et de façon appropriée.

Nos services de renseignement sont notamment chargés de garantir au Canada un traitement commercial toujours équitable. Ils doivent donc être solides pour pouvoir nous appuyer, parce que nous avons déjà vu, dans les siècles passés et même au cours de ce siècle, qu'un pays doté d'un bon service de renseignement l'utilise et parfois même, je dois l'avouer, contre un pays plus faible. Il faut être fort pour livrer concurrence.

Enfin, si jamais il y a eu un argument pour lutter contre le séparatisme, contre le démantèlement de notre pays, c'est bien celui du coût qu'entraîne le maintien d'un service de renseignement polyvalent et compétent.

Si jamais il y a séparation, la nouvelle entité, le Québec, devra mettre sur pied son propre service de renseignement. Il perdrait ainsi tous les avantages des excellents services de renseignement que nous avons depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il devrait se débrouiller seul. Il se retrouverait dans une situation très dangereuse.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, je remercie le député pour ses observations, que j'ai écoutées avec beaucoup d'intérêt. Il a prévenu les députés-à juste titre, je crois-de ne pas condamner le SCRS sur la seule foi d'allégations, de rumeurs ou de sous-entendus.

Et pourtant, j'ai entendu ici des députés d'en face traiter des députés réformistes de racistes et de bigots. J'ai bien entendu prononcer ces mots à la Chambre. En fait, la vice-première ministre s'est même fait rappeler qu'elle avait qualifié l'un des nôtres de raciste en cours de délibérations. Cela figure au compte rendu.

M. Gagnon: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Le député parle de langage antiparlementaire, mais peut-il citer des sources? Est-ce vraiment imprimé dans le hansard?

Le président suppléant (M. Kilger): Je ne suis pas au courant des allégations ou des faits exacts auxquels on fait allusion, mais j'en profite pour rappeler à tous les députés que, dans le meilleur intérêt de la Chambre, nous devrions tous avoir ici le plus grand respect les uns pour les autres.

(1710)

M. Ramsay: Monsieur le Président, je veux simplement conclure en disant que les commentaires qui ne sont étayés par aucun élément de preuve, comme ceux que nous avons entendus, ne sont motivés que par le sectarisme politique.

J'aimerais que le député réponde à cette question: Si Bristow avait vraiment infiltré le Parti réformiste pour le discréditer, qui en aurait bénéficié? Pourquoi quelqu'un, au sein du SCRS, voudrait-il discréditer le Parti réformiste du Canada?

À mon avis, personne ne serait prêt à consacrer autant de temps et d'énergie à discréditer le Parti réformiste. Cependant, qui en profiterait si le Parti réformiste était discrédité? Ce serait inévitablement les autres partis politiques parce que nous leur enlevons une partie du soutien de la population canadienne.

Le député ne juge-t-il pas raisonnable que le CSARS et le sous-comité cherchent à savoir si, oui ou non, le solliciteur général de l'époque a politisé le SCRS pour discréditer le Parti réformiste en le faisant passer pour un parti d'extrême droite afin que son propre parti en retire des avantages? J'aimerais entendre le député là-dessus.


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M. Bryden: Monsieur le Président, je crois que l'examen doit prendre la tournure que le comité parlementaire voudra bien lui donner et que celui-ci doit entendre tous les témoins qu'il juge utile d'entendre.

Je souligne cependant que le député suppose ici que quelqu'un a été malhonnête. Mon vis-à-vis veut-il laisser entendre que le gouvernement précédent était si corrompu-parce que, bien sûr, ce serait là de la corruption-qu'il est allé jusqu'à politiser le SCRS pour qu'il fasse ce que le député suggère? Si l'on ne fait pas une telle supposition, il n'y a aucune raison de croire que M. Bristow a effectivement infiltré le Parti réformiste.

À mon sens, l'absence apparente de justification fait qu'il est très probable que rien de tel ne se soit produit.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil): Monsieur le Président, le député libéral qui a fait le discours a mentionné le rôle du SCRS concernant particulièrement l'économie et la préservation de nos brevets ici, au Canada. Je sais qu'il y a quelques années, on se plaignait souvent du fait qu'on se faisait voler facilement, que le Canada était une passoire pour les fruits de notre recherche. Je pense bien que c'était un des rôles que jouait le SCRS.

Puisque le député semble bien connaître cet organisme, le SCRS, et parce que nous demandons une enquête, est-ce que ce sujet ne pourrait pas faire partie de l'enquête aussi, à savoir pourquoi le Canada est une passoire en ce qui concerne le vol proprement dit des fruits de notre recherche? On nous dit que c'est très facile, les gens venant d'un peu partout dans le monde, de prendre ou de voler-je pense que c'est le mot à utiliser-ce pour quoi on a tellement travaillé fort.

Comme on fait beaucoup de recherche ici, comment se fait-il que ce soit si facile, ici, au Canada, de se faire voler les fruits de nos recherches? Cela devrait peut-être faire partie de l'enquête que nous demandons, nous, du Bloc québécois, justement pour connaître les problèmes et pourquoi cela se produit aussi facilement?

(1715)

[Traduction]

M. Bryden: Monsieur le Président, je remercie le député pour ce qui est à mon avis une très bonne question.

La raison pour laquelle le Canada a été perçu de cette façon, et je crois que c'est un problème très sérieux, c'est que nous n'avons peut-être pas investi assez d'argent dans le SCRS dans le passé. Ce service n'a peut-être pas bénéficié de l'appui qu'il mérite. Je sais qu'on a investi une somme importante dans le SCRS tout récemment. On vient d'achever la construction, dans le sud de la ville, d'un nouvel immeuble qui abritera cet organisme. Je crois que nous faisons des progrès.

À mon avis, une commission royale d'enquête n'est pas le meilleur moyen d'aller au coeur du problème qui le préoccupe et qui me préoccupe aussi. Je crois que cette tâche devrait être confiée au comité parlementaire compétent.

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, dans mon discours, j'ai employé assez souvent le mot «si», comme l'a fait mon collègue d'en face. Le mot «si» revenait souvent dans nos deux discours. Je crois toutefois que son «si» était un peu plus gros que le mien, car il disait que ce serait dommage si M. Bristow était vraiment sur une bonne piste et si toute cette affaire venait nuire à son travail.

Je crois que, ce que les Canadiens essaient de dire, et cela ne fait pas de doute à mon avis, c'est que nous avons perdu la confiance des gens qui nous ont envoyés ici. Nous avons perdu cette confiance, et il suffit pour le constater d'écouter les Canadiens parler de leurs craintes au sujet de la corruption qu'ils soupçonnent d'exister ici depuis 30 ans.

Jusqu'à maintenant, personne ne m'a accusé de corruption, mais lorsque je vois les résultats des sondages qui demandent aux gens quelle est la profession la plus populaire et qui sont les personnes les plus estimées dans notre pays et que je constate que les médecins et les enseignants sont en tête de liste et que les politiciens viennent après les avocats, je crois que cela devrait nous faire réfléchir.

J'ai bien apprécié les paroles rassurantes du secrétaire parlementaire, mais je crains seulement que ce genre de paroles ne représentent rien d'autre qu'un discours politique pour les Canadiens parce qu'ils les ont déjà entendues. Ils les ont probablement déjà entendues avant que le député vienne au monde.

Quel est, selon le député, l'objet des études en cours, quelles mesures le CSARS devrait-il prendre puisqu'il a manifestement décelé de graves problèmes et quelles mesures ce comité prendra-t-il si certaines de ces allégations s'avèrent justifiées?

M. Bryden: Monsieur le Président, le député a parlé de la méfiance du public. Je lui répondrai que nous n'aidons pas la population à reprendre confiance lorsque nous nous lançons dans de grandes chasses aux sorcières à partir d'allégations sans fondements comme dans ce cas, et comme cela s'est produit à maintes reprises au cours de la dernière législature. Lorsque la Chambre s'engage dans un débat et que des allégations non étayées convenablement sont lancées, nous sapons effectivement la confiance du public.

Quant aux autres réflexions du député, je ne peux pas prévoir ce que feront le comité de surveillance ou d'autres personnes qui étudieront l'affaire lorsqu'ils prendront connaissance des faits. Ils prendront leurs décisions.

(1720)

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, il me fait plaisir à mon tour d'appuyer la motion proposée par mon collègue, le député de Bellechasse, qui est le comté voisin du mien. Je pense qu'il vaut la peine de rappeler la motion dont il est question:

Que la Chambre dénonce le gouvernement pour son refus de mettre sur pied une commission royale d'enquête sur les allégations d'activités illégales du Service canadien du renseignement de sécurité.
J'écoutais attentivement les propos de mes collègues d'en face, et je pense que les velléités de l'opposition officielle ne sont pas à l'effet que l'on doive nécessairement abolir toutes les activités du Service canadien du renseignement de sécurité, mais ce dont il est question-et l'affaire Bristow est le prétexte qui nous motive à présenter cette motion-c'est de faire en sorte que le public canadien et surtout le gouvernement, la Chambre des


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communes, soient informés de la meilleure façon possible des activités du Service canadien du renseignement de sécurité.

Il y a des faits qui font en sorte que le public pense qu'il y a des activités illégales. Devant les audiences du sous-comité de la Chambre qui a étudié cette question, notre collègue, le député de Berthier-Montcalm avait posé un certain nombre de questions auxquelles, il faut avouer, il n'a obtenu pratiquement pas de réponses précises, à peu près jamais, et beaucoup de questions sont donc restées sans réponse. Ce fait est important.

Je pense que le public canadien, les contribuables canadiens qui paient des taxes pour des services sont en droit d'obtenir le plus de renseignements possibles. Souvent des questions sont posées aux députés et si nous, députés qui faisons partie de comités, sommes dans l'incapacité d'obtenir ces réponses, comment voulez-vous qu'on puisse informer adéquatement la population?

Il s'agit ici de mettre sur pied une commission royale d'enquête afin que tous les moyens soient pris pour que, au moins, les députés qui y participeraient, puissent obtenir une information complète.

Je parlerai de mon expérience personnelle en tant que Québécois. C'est un fait que l'on a vécu une période assez tranquille, mais je rappellerai un événement que beaucoup de Québécois de mon âge se rappellent: 1973. On se rappelle cet événement lors duquel il y avait eu une grange incendiée et où l'on avait volé, pris illégalement une liste de membres du Parti québécois. Ça, tous les Québécois de mon âge s'en souviennent. Les plus jeunes, qui n'étaient pas là, ne peuvent s'en souvenir, mais c'est resté dans l'esprit de beaucoup de Québécois.

À ce moment-là certaines mesures ont été prises, puis il y a eu la Commission Keable qui avait finalement réussi à établir l'illégalité de certains actes. Évidemment, il n'y a pas nécessairement eu de condamnations adéquates, mais les faits avaient été prouvés. Après, il y a eu une période relativement tranquille.

Mais malgré tout, dans un passé un peu moins lointain-on sait que dans une certaine affaire dont je préfère taire le nom-, il y a même eu la preuve d'une tentative d'infiltration, non pas d'un parti politique, mais d'un gouvernement québécois.

L'affaire Bristow est une autre chose qui nous a été montrée, même au petit écran. Tout le monde l'a vu aux nouvelles.

(1725)

L'affaire Bristow en est une autre qui a démontré, même à l'écran car tout le monde l'a vu aux nouvelles, qu'il y aurait eu une tentative, et non seulement une tentative, mais infiltration d'un autre parti politique qui, cette fois-ci, n'est pas le Parti québécois mais le Parti réformiste. Du point de vue du strict sens démocratique, je trouve cela inacceptable.

On a évoqué les problèmes concernant l'infiltration d'agents secrets venant de pays étrangers. Soit, mais quand même, depuis l'effondrement du mur de Berlin, je ne peux croire qu'il y ait une menace incroyable qui pèse de ce côté-là. J'ai écouté la question de mon collègue, le député de Longueuil, et je crois qu'effectivement, il serait peut-être nécessaire qu'il y ait un service du renseignement de sécurité, mais avec des moyens légaux et dans le cadre d'activités légales.

Ce dont il est question ici, ce n'est pas ce qu'a soulevé le député de Longueuil, mais bien des activités de nature illégale. Au prix que coûte un service de sécurité comme celui-là, je pense que non seulement les Québécois, mais tous les Canadiens sont en droit d'obtenir des réponses.

Je vais vous citer un certain nombre de questions qui pourraient être soulevées devant une commission royale d'enquête. Le SCRS a-t-il obtenu par voie directe ou indirecte des renseignements au sujet des médias canadiens ou des partis politiques canadiens depuis 1989-et on admet qu'il ne faut pas retourner trop loin, mais depuis 1989-oui ou non? On n'a pu obtenir ce renseignement. On ne demande pas de dévoiler la nature des renseignements, mais si c'est oui, il serait peut-être important que ce soit étudié par un sous-comité. Il y a peut-être des choses vraiment importantes. On pourrait au moins savoir si oui ou non il y a eu, de façon directe ou indirecte, des renseignements au sujet des médias canadiens ou des partis politiques canadiens reconnus. On ne parle pas de groupuscules qui viennent d'ailleurs, mais des partis reconnus qui sont ici, qui sont reconnus dans le cadre de la Loi sur les partis politiques, qui font partie des institutions démocratiques de ce pays.

Est-ce qu'on pourrait avoir une réponse là-dessus? C'est le genre de question auquel les Canadiens voudraient avoir une réponse.

L'inspecteur général du SCRS et le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité ont-ils relevé des cas où on a fait la collecte de renseignements sur des médias, des syndicats, des partis politiques ou d'autres organismes légitimes canadiens?

À tort ou à raison, comme député, et avant cela, en tant qu'intervenant dans des organismes publics, des gens m'ont rapporté personnellement, à maintes reprises, et ce n'est pas du ouï-dire, leurs inquiétudes face à certains individus qui semblaient, alors qu'ils étaient impliqués dans des activités de nature syndicale-et je pourrais citer des exemples-où des collaborateurs de ce service de renseignement avaient infiltré la CSN, un organisme syndical important au Québec. S'il s'agit d'infiltrer, cela peut aller, mais lorsqu'on parle de dynamite, d'incendie, de vol, il me semble qu'il y a matière à rechercher la vérité.

Une question d'ordre général: Quels sont les fondements-je voudrais bien les connaître-et les limites des relations que le Service canadien du renseignement de sécurité peut entretenir avec les agences de renseignement étrangères et le Centre de sécurité de télécommunications du ministère de la Défense nationale? Il me semble que ce n'est pas un secret d'État. Quels sont les fondements et les limites de ce service? On devrait être en mesure de le savoir.

Le SCRS reçoit-il de l'information d'autres agences de renseignement canadiennes ou étrangères au sujet d'activités de citoyens canadiens ayant lieu à l'intérieur des limites territoriales canadiennes? Dans l'affirmative, la réception par le Service canadien du renseignement de sécurité de tels renseignements constitue-t-elle un acte illégal selon la Loi sur le SCRS? Est-ce que c'est illégal ou pas? Il faudrait avoir des balises. Il faudrait que ces balises, si elles existent, soient connues.


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(1730)

À quel moment, dans l'affaire Bristow, le SCRS a-t-il pris connaissance de la participation-le moment est très important dans ce cas-ci-de M. Grant Bristow à des événements politiques du Parti réformiste du Canada? Le SCRS a-t-il mis fin à sa relation avec M. Bristow?

L'information recueillie par M. Bristow, de quelque nature que ce soit, a-t-elle été utilisée à des fins judiciaires au Canada ou à l'étranger depuis 1989? Oui ou non? Ce sont des questions qui ne sont pas du domaine du secret d'État et auxquelles on peut répondre par un oui ou un non. Il a été impossible de le savoir.

Or, toutes ces réponses imprécises, l'absence de réponses, laissent beaucoup de Québécois et de Canadiens avec une impression et il y a un risque qu'ils perdent confiance dans certaines institutions. Je pense qu'il faut aider les gens à renforcer leur sentiment de confiance envers ces institutions. Je pense que le moyen que l'opposition officielle propose est justifié. Une commission royale d'enquête, une véritable commission royale d'enquête en mesure de faire témoigner toutes les personnes qui pourraient nous permettre de découvrir la vérité sur certains faits, serait justifiée. Je précise qu'il s'agit de faits dont on a la présomption qu'ils sont illégaux, donc des activités illégales. Il ne s'agit pas de remettre en question tout le système, mais on peut se questionner sur des faits et des gestes très précis.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, encore une fois, je voudrais quand même répéter à l'opposition que le Service canadien du renseignement de sécurité ne vise toutefois pas les activités licites de défense d'une cause de protestation ou de manifestation d'un désaccord. Il n'est pas question que ce service se mette à espionner des organismes légitimes, comme des partis politiques et comme des syndicats, comme l'a mentionné plus tôt le député d'en face.

Encore une fois, l'opposition nous rebat les oreilles avec des événements qui ont eu lieu il y a plus d'une vingtaine d'années. Depuis ce temps, la Commission McDonald a établi l'existence de la fonction publique qu'on connaît aujourd'hui et du CSARS. J'ai aussi comme l'impression que l'opposition a plutôt tendance à ne lire dans l'histoire que ce qui convient à leur idéologie, et c'est ce qui est malheureux.

Hier soir, j'ai entendu, et en tant que Québécois, j'étais vraiment déçu de mon nouveau gouvernement à Québec, Bernard Landry dire publiquement qu'il va faire la chasse aux fédéralistes dans les délégations générales du Québec, qu'il est là pour voir si ce sont de vrais souverainistes, si ce sont de vrais indépendantistes. Il y a des fois où je crois que l'opposition devrait peut-être regarder elle-même et devrait s'assurer que le gouvernement du Québec va quand même respecter la vaste majorité des Québécois qui sont des fédéralistes et non pas des séparatistes.

Je voudrais aussi quand même faire remarquer à l'autre député de l'opposition qui me crie après, qu'après tout le Canada, c'est un pays d'accueil, un pays de liberté, un pays qui respecte surtout les libertés individuelles. Je crois que ce gouvernement a quand même pris l'engagement de s'assurer de regarder à fond ces allégations qui ont été portées contre nos services et de s'assurer des correctifs, s'il y a lieu.

Alors, je ne crois pas qu'il faille dépenser 20 à 25 millions pour une commission d'enquête, quand nous n'avons même pas encore mené nos enquêtes à fond, c'est-à-dire le Sous-comité de la sécurité nationale et quand le CSARS n'a pas encore remis son rapport. Cependant, je voudrais quand même faire cette remarque, c'est que je suis profondément déçu de savoir que le député de l'opposition qui fait partie d'un groupement séparatiste à Québec veuille faire la chasse aux fédéralistes, tel que proposé par M. Landry. Je trouve que c'est inacceptable dans une société démocratique comme la nôtre.

M. Dubé: Monsieur le Président, c'est une drôle de façon de se sortir d'une situation. C'est comme si on était dans un domaine guerrier. On dirait que c'est une bonne manoeuvre de diversion.

(1735)

Parler de transporter cela à l'Assemblée nationale, ce qui se passe avec le nouveau gouvernement du Québec qui, en passant, il me donne l'occasion de le dire, avait, avant 1976, un gouvernement libéral, avait un service qu'on appelait le CAD, un service de renseignement aussi, que le gouvernement du Parti québécois-je sais bien que le député de Bonaventure-Les îles-de-la-Madeleine est jeune mais il y a d'autres gens qui nous écoutent, c'est peut-être bon-avait enlevé cela.

Ce dont on parle, il ne faut pas parler de n'importe quoi, c'est du Service canadien du renseignement de sécurité. Quant à transporter cela du côté du Québec. . . et le genre de réponse qu'il donne en plus me renforce dans mon inquiétude puisqu'il dit en quelque sorte: Depuis l'arrivée du nouveau gouvernement du Parti québécois à l'Assemblée nationale, il y a maintenant des séparatistes, et là, tout énervé, il nous pose ce genre de questions. Plus il parle, plus il me convainc qu'il faut s'inquiéter des activités du Service canadien du renseignement de sécurité. Plus j'entends ce type d'intervention agitée et nerveuse concernant le nouveau gouvernement du Parti québécois, j'appuie encore plus fortement la motion de mon collègue de Bellechasse.

Je rappelle simplement que comme les députés du Bloc québécois, comme les députés du Parti québécois, ils sont élus de la même façon qu'il est élu. Et je respecte qu'il soit élu, qu'il représente un autre parti à l'intérieur de la même province que la mienne. Je le respecte comme élu. Il est élu par ses gens qui lui ont fait confiance. Lorsqu'il fait ce type d'allusions, il laisse sous-entendre finalement que la population québécoise est une population-je vais employer des propos parlementaires-qui manquerait de jugement, n'est-ce pas, en élisant des gens du Parti québécois et qu'à partir de ce moment, il faudrait se méfier, devenir insécure devant ce nouveau gouvernement qui, comme les députés du Parti réformiste qui ont été élus dans l'Ouest à partir du bon jugement, après avoir eu un débat démocratique, ils ont élu ces gens-là pour les représenter.

[Traduction]

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth): Monsieur le Président, j'ai une question à poser à mon collègue.

Certains séparatistes disent que, après la séparation, le Québec pourra conserver la même monnaie que le reste du Canada et même une citoyenneté commune, ce qui me semble contradictoire.


6358

Le député croit-il qu'un Québec séparé devrait s'attendre aussi à partager le SCRS et le Centre de la sécurité des télécommunications?

[Français]

M. Dubé: Monsieur le Président, d'une attitude plus calme que son prédécesseur, il reste que le député laisse entendre quand même que, il parle de séparatisme comme si nous étions des méchants, des gens qui veulent un mauvais sort à nos collègues d'en face, alors que nous voulons continuer d'être de bons voisins et des amis le plus possible.

Quant à la question, vous comprenez, ici, je suis à la Chambre des communes, je représente l'opposition officielle. Je pense que sa question, en quelque sorte, je veux bien peut-être servir de messager, d'interprète et la relancer, mais je pense qu'elle appartiendrait à un gouvernement du Parti québécois qui serait élu et qui gagnerait son référendum. Donc, elle est un peu prématurée ou encore dans le cadre de la campagne référendaire, elle pourrait être posée. Vous comprenez que, moi, dans l'opposition, je n'ai pas de mandat précis pour parler au nom du gouvernement du Québec. Ce serait le genre de service qu'on pourrait maintenir.

Je prends bien note de sa question, je le remercie de son intérêt, mais pour l'instant c'est tout ce que je peux faire. J'étais plus habitué comme député de l'opposition à poser des questions que de donner des réponses.

(1740)

M. Gagnon: Monsieur le Président, je veux faire remarquer au député qu'il ne représente pas la totalité des Québécois, et nous non plus d'ailleurs, j'en conviens.

Sauf qu'on doit quand même tenir compte des engagements de notre gouvernement, enfin, de ce sous-comité, de regarder, d'étudier cette question en profondeur. Je crois que la question d'aujourd'hui était quand même de voir si nous avions besoin d'une commission parlementaire. Je vais quand même faire remarquer au député qu'il y a un représentant du Bloc québécois, ainsi qu'un représentant du Parti réformiste et c'est vrai, quelques membres de mon parti qui siègent à ce sous-comité. Nous avons l'intention de faire la lumière sur ces allégations qui ont été portées contre le Service du renseignement de sécurité.

Je dois quand même assurer le député qu'une fois que le rapport sera soumis, soit par le sous-comité ou encore par le CSARS, il aura sûrement l'occasion de le regarder et de passer un jugement sûrement très éclairé sur ces rapports qui seront soumis à ce Parlement.

M. Dubé: Monsieur le Président, je vais donner une réponse très courte, comme vous le souhaitez. Ce sur quoi s'appuie l'opposition est justement l'absence de réponses précises et l'absence de réponses tout court, dans certains cas, qu'a dû encaisser notre député de Berthier-Montcalm qui était notre représentant à ce comité.

Si, au cours de l'été, ce député, à titre de représentant officiel, avait pu obtenir les réponses qu'il souhaitait, il est évident que cette motion aurait pu être différente. Si le gouvernement veut modifier son attitude et aller en profondeur avec ce qu'il faut, et nous, avec ce qu'il faut, dans un tel cas, nous prétendons qu'il ne peut le faire qu'avec une commission royale d'enquête. C'est notre prétention, monsieur le Président.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney (Burlington): Monsieur le Président, étant donné le peu de temps dont je dispose, je commencerai peut-être par ma conclusion pour ensuite revenir au début de mon exposé.

J'estime que la motion du député est imparfaite et qu'elle présume de la véracité des allégations qui ont été récemment rapportées dans les médias. Ces allégations ne reposent sur absolument aucun fait et elles n'ont pas été vérifiées selon le mécanisme de reddition de comptes déjà prévu dans la loi régissant actuellement le SCRS. La motion est prématurée, sinon inopportune pour le moment.

Les responsables du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité ont comparu devant le sous-comité de la Chambre et se sont engagés à effectuer un examen très approfondi et exhaustif de la question, et je ne m'attends à rien de moins. La Chambre devrait respecter cet engagement et attendre l'issue du processus d'examen avant de sauter aux conclusions à ce sujet.

Un des principes fondamentaux de tout système démocratique devrait être la présomption d'innocence. Des allégations non fondées qui portent des gens à sauter à des conclusions immédiates de culpabilité battent en brèche ce principe fondamental. Qu'il s'agisse d'une institution ou d'un individu, nous avons tous le devoir de veiller à ce qu'on respecte l'application régulière de la loi et à ce qu'on se base uniquement sur des faits pour parvenir à une conclusion.

On ne nous a pas fait connaître les faits jusqu'à présent, et on ne nous a pas permis de suivre le processus régulier. Le sensationnalisme et les insinuations, que l'on pratique beaucoup à la Chambre, n'ont pas leur place quand on discute de questions de sécurité nationale.

La Loi sur le SCRS fournit au Parlement et à tous les Canadiens un processus à suivre et la possibilité de parvenir à des conclusions basées sur des faits. Malheureusement, nous sommes témoins depuis quelques semaines d'une frénésie d'allégations non fondées et d'accusations qui a miné, comme de nombreux députés l'ont fait remarquer, la confiance du public dans une importante institution chargée de grandes responsabilités pour assurer la sécurité publique de tous les Canadiens.

Les députés, les médias et tous les Canadiens doivent permettre aux systèmes efficaces que nous avons de suivre leur cours. Notre sécurité nationale dépend en dernière analyse de la confiance du public dans les gens et les institutions chargés de l'assurer.

Le SCRS, dans le cadre de ce système, dépend implicitement de la coopération du public pour remplir sa mission. Nous avons la responsabilité à la Chambre de veiller à ce que le régime d'examen énoncé dans la Loi sur le SCRS soit appliqué et qu'il


6359

fasse enquête sur les doutes qui planent sur notre service de renseignement national.

Entre-temps, les députés ne devraient pas encourager la méfiance dont a parlé le député de Wild Rose. Il faut laisser le processus suivre son cours, et les autorités, examiner les informations. Si nous ne sommes pas satisfaits du résultat, cette motion pourrait alors être opportune.

Il importe de ne pas oublier comment a été créé le SCRS. Nombre de députés en ont d'ailleurs parlé.

(1745)

Dix ans ont passé depuis que le Parlement a adopté la loi créant le Service canadien du renseignement de sécurité. Cela faisait suite à un long débat auquel tous les députés d'alors ont pris part après le dépôt du rapport de la Commission McDonald, dont les travaux portaient sur le service de renseignement de la GRC.

Cette commission a étudié en détail les préoccupations au sujet des activités du service de renseignement de la GRC. Sa conclusion était claire: l'intérêt de la sécurité nationale serait mieux servi par l'établissement d'un service de renseignement civil. J'estime que le régime et les pouvoirs créés par le Parlement en 1984 par l'entrée en vigueur de la Loi sur le SCRS ont satisfait aux exigences de la responsabilité devant la population du Canada parce que la loi elle-même satisfait aux cinq principes de base énoncés par la commission.

Je vais rappeler ces cinq principes aux députés. Le premier était que les activités de renseignement de sécurité étaient essentielles à la sécurité du Canada. Le deuxième était qu'il devait y avoir un cadre juridique acceptable au sein duquel le service de renseignement pourrait exercer son activité dans le respect de la primauté du droit tout en reconnaissant les droits démocratiques de tous les Canadiens. Le troisième était d'offrir un système de gestion efficace pour assurer une direction sensée et le respect envers la loi. Le quatrième était de rendre des comptes aux ministres qui sont vraiment responsables devant le Parlement et, par la suite, devant le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité mandaté par le Parlement. Le dernier principe était d'assurer la transparence d'un bon examen par un organisme extérieur chargé de veiller à ce que le service n'abuse pas de ses pouvoirs et à ce que les gouvernements ne l'utilisent pas à des fins partisanes.

Le gouvernement a adopté ces principes au moment de la rédaction de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et les a confirmés devant le Parlement en 1984. En 1989, le Parlement a satisfait à l'exigence légale de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité en se penchant sur l'efficacité de la mesure législative et sur ses objectifs.

Cinq années environ ont passé depuis cet examen, et je ne vois pas de motif pour contester la validité du document publié à l'époque. Le récent concert d'allégations au sujet du SCRS n'est rien d'autre que des allégations. Ces allégations n'ont pas encore fait l'objet du processus d'examen complet prévu dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

Il importe de noter que la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité fait 29 pages, dont la moitié sont consacrées aux mécanismes de contrôle et de surveillance que le SCRS doit mettre en oeuvre dans l'exercice de ses fonctions. Cela même devrait suffire à rétablir la confiance en ce qui concerne l'examen des questions qui ont été soulevées au cours des sept dernières semaines dans les médias. Chaque année, depuis 10 ans, le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité a présenté un rapport à la Chambre. Même si elle a été critique au départ, la situation s'est beaucoup améliorée ces dernières années et les solutions sont apparues de plus en plus évidentes avec l'amélioration des activités menées par le SCRS.

Il ne faut pas oublier que, en 1994, la sécurité du Canada est encore menacée. Le terrorisme international demeure une menace à l'ordre mondial. Il arrive de temps à autre que le Canada serve de base à des activités de soutien au terrorisme dans d'autres pays. Les actes de terrorisme peuvent menacer directement la vie de certains Canadiens. Les hôtes du Canada peuvent aussi faire l'objet de menaces terroristes.

Nous ne voulons pas subir de violence sur notre territoire et nous ne voulons pas voir notre réputation ternie à l'échelle internationale. Il est important de se rappeler que tout cela est bien réel. La technologie du terrorisme est de plus en plus accessible et l'attentat à la bombe contre le World Trade Centre le confirme. Les causes du terrorisme sont solidement ancrées: nationalisme, idéologies religieuses et politiques extrémistes, terrorisme parrainé par l'État, agitations ethniques et conflits régionaux.

Heureusement, les Canadiens ont été largement épargnés par ces manifestations de terrorisme, mais nous habitons un univers de plus en plus petit à cause de la mondialisation. Ce qui se produit dans un coin éloigné du monde peut avoir des répercussions immédiates sur le Canada. Nous ne sommes plus isolés de ce qu'on croyait, à une certaine époque, être des conflits régionaux éloignés. Nous devons aider nos alliés et nous protéger nous-mêmes, c'est-à-dire nous prémunir contre les menaces à la sécurité de nature internationale.

Nos frontières sont très longues et pas du tout protégées et nous faisons partie d'un système mondial de transport et de communications. Les Canadiens et le sol canadien ne sont pas à l'épreuve des dangers. Le terrorisme n'est pas une force abstraite qui sème ses horreurs uniquement dans les pays étrangers. Le Canada et les Canadiens sont vulnérables et l'ont toujours été. La prospérité évidente de notre pays et l'accessibilité de notre société font du Canada un endroit parfois trop invitant.

La Loi sur le SCRS définit les rôles et responsabilités du solliciteur général, du solliciteur général adjoint et du directeur du SCRS.

Un excellent système de freins et de contrepoids est en place concernant les activités du SCRS, surtout celles qui supposent des mesures d'intrusion. Pour recourir à ces mesures, il faut l'approbation d'un juge de la Cour fédérale.

Cela tient clairement compte de la priorité et de la préoccupation que la population et les parlementaires accordent à la possibilité d'abus de pouvoir par un service de sécurité, étant donné

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les moyens extraordinaires mis à sa disposition pour intervenir dans la vie privée des Canadiens.

À titre de parlementaire, je suis aussi très préoccupée par cette possibilité. C'est pourquoi, en rédigeant la loi, nous avons décrit avec soin, précision et clarté le mandat du SCRS ainsi que le rôle des divers services de contrôle.

Ce système de contrôle a évolué depuis 10 ans et permet vraiment de préserver l'intégrité de la conduite du SCRS. Les travaux que nous faisons maintenant nous permettront de juger si c'est bien le cas.

Outre le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le bureau de l'inspecteur général peut garantir au solliciteur général que le SCRS respecte la politique, les procédures et les instructions ministérielles. Selon les normes internationales, notre système de contrôle et l'obligation de rendre compte sont les plus sévères au monde. Nous devrions en être fiers.

Voilà ce que les Canadiens nous ont demandé en 1994 et c'est ce qui assure l'équilibre du système. Voyons comment il fonctionne. S'il le faut, nous pourrons alors présenter des motions comme celle que nous étudions.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 50, il est de mon devoir de faire savoir à la Chambre que, conformément à l'article 81(19) du Règlement, les délibérations relatives à la motion sont terminées.

_____________________________________________


6360

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LES ENFANTS VICTIMES DE LA PAUVRETÉ

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait envisager de réaffirmer son engagement à se donner comme objectif d'éliminer la pauvreté chez les enfants canadiens d'ici l'an 2000.
-Monsieur le Président, comme vous l'avez mentionné, la motion que je propose aujourd'hui exhorte le gouvernement à envisager de réaffirmer son engagement à se donner comme objectif d'éliminer la pauvreté chez les enfants canadiens d'ici l'an 2000.

Le 24 novembre 1989, le député d'Oshawa de l'époque a proposé une motion très similaire qui se lisait comme suit: «Que la Chambre témoigne de son souci pour le million et demi d'enfants canadiens qui vivent dans la pauvreté et s'emploie à réaliser l'objectif d'éliminer la pauvreté chez les enfants du Canada d'ici l'an 2000.»

La motion a été adoptée à l'unanimité. Tous les députés présents ont voté en faveur de cette motion, donc pour que le pays s'engage à éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000.

De ce débat est née Campagne 2000, une coalition d'organisations visant à faire appliquer cette mesure et à veiller à ce que le Canada prête dès aujourd'hui attention à ses ressources les plus précieuses, son gage d'avenir.

Comme beaucoup le savent, le nombre d'enfants canadiens vivant dans la pauvreté a augmenté depuis et s'élève actuellement à environ 1,3 million. Non seulement nous n'avons pas réussi à résorber la pauvreté chez les enfants, mais nous l'avons laissé s'accroître.

Les Canadiens qui se préoccupent du sort des enfants et les enfants eux-mêmes observeront le débat sur cette motion. Le Parlement d'aujourd'hui se préoccupe-t-il tout autant des enfants canadiens que celui de 1989? Tient-il à réduire et à éliminer la pauvreté chez les enfants canadiens, notre plus grande ressource? Considère-t-il que la situation des enfants pauvres au Canada est critique, ce qu'elle est indubitablement, ou se montrera-t-il froid et indifférent à la douleur de ces 1,3 million d'enfants canadiens?

À la fin de mon allocution, je solliciterai le consentement unanime de la Chambre pour que cette motion fasse l'objet d'un vote, comme en 1989, dans l'espoir que le Parlement sera tout aussi déterminé aujourd'hui qu'il l'était en 1989 à aider les enfants du Canada. Nous ne nous entendons peut-être pas sur les moyens à prendre pour supprimer la pauvreté chez les enfants au Canada. Nous différons peut-être d'avis, sur les plans idéologique et économique, quant à la façon d'atteindre cet objectif des plus importants et des plus louables.

Il serait remarquable que quelqu'un ici n'appuie pas une motion visant à supprimer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000.

(1755)

Je le répète, depuis 1989, la pauvreté chez les enfants s'est accrue au Canada et je voudrais donner une idée de la gravité de la situation en citant certaines statistiques. Je vais m'attarder là-dessus, car je suis persuadé que de nombreux Canadiens ignorent la gravité de ce problème au Canada. Ils ont peut-être une idée des chiffres en cause, mais je ne pense pas que beaucoup savent au juste à quel point le problème est profond et sérieux ni dans quelle mesure il est important pour le Canada, à long terme, étant donné les coûts socio-économiques qui découlent du fait qu'on ne s'attaque pas à ce problème social extrêmement grave à l'heure actuelle.

Le taux de décrochage scolaire au secondaire, chez les enfants de familles pauvres, est 2,5 fois supérieur à celui des enfants venant de familles à l'aise; les enfants de familles parmi les 20 p. 100 les plus pauvres sont deux fois plus susceptibles de vivre dans des logements inadéquats que ceux des familles parmi les 20 p. 100 les plus favorisés et 1,4 fois plus que les enfants de familles à revenu moyen.


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Le taux de mortalité infantile est deux fois plus élevé chez les familles défavorisées que chez les familles les plus aisées. Le faible poids à la naissance est lié à la pauvreté également. Ce phénomène est 1,4 fois plus commun chez les enfants des familles les plus pauvres que chez les enfants des familles les plus riches. Les enfants de familles à revenu faible sont 1,7 fois plus susceptibles de souffrir de troubles psychiatriques que les enfants d'autres familles et ils ont pratiquement deux fois plus de chances de mal réussir à l'école. Ils sont également deux fois plus susceptibles d'avoir un problème de comportement.

Les adolescents de familles à faible revenu ont pratiquement deux fois plus de chances que ceux des familles plus aisées de fumer et de souffrir de problèmes d'alcoolisme et sont 1,5 fois plus susceptibles de consommer des drogues.

Les enfants de familles à faible revenu sont en moins bonne santé, n'ont pas le même accès que les autres à des activités favorisant l'acquisition de compétences, ont un comportement plus destructeur et une vie beaucoup plus difficile, puis sont soumis à davantage d'humiliations. En bref, ils ont une existence moins stable et moins sûre. Il y a donc de fortes chances qu'ils souffrent davantage d'insécurité à l'âge adulte.

D'aucuns ont parfois le sentiment que les gens sont pauvres parce qu'ils ne travaillent pas. Pourtant, la moitié de ceux qui vivent au-dessous du seuil de la pauvreté au Canada travaillent pour gagner leur vie. Cependant, leur revenu n'est pas suffisant pour les situer au-dessus de ce seuil.

Le nombre total de foyers pauvres a augmenté de façon marquée au cours des 20 dernières années. Il est passé de 700 000, en 1973, à près de un million, en 1992, soit une augmentation de 41 p. 100. Par ailleurs, le nombre de personnes seules pauvres a augmenté de 79 p. 100. En 1992, la dernière année pour laquelle nous avons des chiffres, le nombre total de familles pauvres s'élevait à 2,36 millions, une hausse de près de un million depuis 1973.

Une famille est cinq fois plus susceptible d'être pauvre si le chef de cette famille n'a pas travaillé pendant l'année. Les familles dont un seul des parents travaille risquent quatre fois plus que les autres de vivre dans la pauvreté. Vingt-cinq pour cent des chefs de famille pauvre et 15 p. 100 des personnes seules pauvres travaillent toute l'année, mais vivent quand même dans la pauvreté.

De façon générale, ce qui distingue les familles pauvres des autres, ce sont des niveaux inférieurs d'instruction et d'emploi.

J'aimerais parler brièvement des autochtones, car ce sont eux qui souffrent le plus de la pauvreté. Les revenus des autochtones sont habituellement moins élevés que ceux des autres Canadiens; en effet, près de la moitié d'entre eux ont des revenus bien inférieurs à 10 000 $, comparativement à un quart des autres Canadiens. Près des trois quarts des autochtones ont des revenus de moins de 20 000 $, contre seulement 50 p. 100 des autres Canadiens. La proportion des autochtones qui vivent sous le seuil de la pauvreté augmente et dépasse d'environ 20 p. 100 celle de la population canadienne en général.

Je voudrais également dire quelques mots au sujet des personnes handicapées, car il s'agit là d'un autre groupe qui est surreprésenté parmi les pauvres. Les personnes ayant un handicap sont 25 p. 100 plus susceptibles d'être pauvres que les autres Canadiens du même âge.

Une partie du problème réside dans le fait que la répartition du revenu se détériore au Canada. L'écart entre les riches et les pauvres se creuse davantage et, en fait, se situe aux niveaux enregistrés vers 1951. Les 20 p. 100 des ménages canadiens les plus riches touchent un revenu environ neuf fois supérieur aux 20 p. 100 des ménages les plus pauvres. Cet écart s'agrandit malgré certaines mesures prises dans les années 70 et 80.

(1800)

Dans les années 80 et 90, le nombre de familles pauvres a augmenté de 18 p. 100, et l'une des augmentations les plus importantes a été enregistrée chez les jeunes familles. Nous avons réglé en grande partie le problème de la pauvreté chez les personnes âgées, car nous voulions que ces personnes, qui ont tant fait pour notre pays, puissent vivre leurs dernières années dans la dignité. Nous avons fondamentalement réglé le problème de la pauvreté chez les personnes âgées parce que nous avions la volonté politique de le faire.

Le gouvernement dit parfois qu'une meilleure éducation réglera le problème de la pauvreté ou permettra aux gens de se trouver du travail. Au cours des 10 dernières années, on a assisté à une forte augmentation du nombre de familles pauvres dont les chefs possèdent des diplômes d'études postsecondaires. De 1980 à 1990, le nombre de familles pauvres où un ou plus d'un adulte possède un diplôme d'études postsecondaires a presque doublé. Avoir fait des études supérieures ne protège pas une personne contre la pauvreté, mais cela lui donne nettement plus de chances d'y échapper.

À moins d'une amélioration dans les emplois et les revenus, le nombre de pauvres ne cessera d'augmenter. Nous savons que les familles monoparentales sont très touchées par la pauvreté. Nous savons aussi que cette situation ne s'améliore pas.

Il ne faut pas non plus oublier que l'écart de pauvreté, c'est-à-dire l'écart entre ce dont les gens ont besoin pour vivre au seuil de la pauvreté et l'argent qu'ils reçoivent en fait en revenus ou en soutien de l'État, s'accentue. En fait, il s'est accentué de près de trois milliards de dollars au cours des années 90, en grande partie parce que le nombre de pauvres a augmenté.

Les statistiques sont de plus en plus alarmantes pour tout le monde. L'urgence de la situation nous dicte de nous en préoccuper.

Le nombre de gens, le nombre d'enfants qui vivent dans la pauvreté ne cessent d'augmenter. L'écart entre ce qu'ils reçoivent en revenus ou en soutien de l'État et ce dont ils ont besoin pour conserver un minimum de dignité s'accentue. Le nombre de gens qui travaillent à plein temps et qui, malgré tout, sont pauvres va en augmentant.

Sans une stratégie efficace pour régler ce problème, les Canadiens continueront de souffrir dans ce pays où l'on enregistre le taux de pauvreté chez l'enfant le deuxième le plus élevé du


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monde industrialisé. Comme nous le savons, seuls les États-Unis ont un taux de pauvreté chez l'enfant plus élevé que le Canada. Et pourtant, ce gouvernement propose de réformer la sécurité sociale et d'adopter un système plus américanisé. Nous devons faire quelque chose en ce qui concerne notre système fiscal. Nous devons faire quelque chose en ce qui concerne notre système économique de façon à assurer au Canada des emplois adéquats aux personnes qui ont une famille à élever.

Le problème n'est pas que les gens ne veulent pas travailler, ou n'en sont pas capables. Le problème est qu'il n'y a pas assez d'emplois sur le marché du travail pour garantir un revenu aux personnes qui en ont besoin.

J'ai quelques solutions à proposer. Je ferai remarquer d'abord que les enfants qui ont eu la malchance de naître dans une famille pauvre-après tout, les enfants ne choisissent pas leurs parents-, où ils seront défavorisés sur les plans économique et social, naîtront aussi plus petits. Ils seront malades plus souvent et, quand ils le seront, ils seront plus malades que les enfants plus riches. Ils réussiront moins bien à l'école. Les risques sont plus grands qu'ils deviennent des décrocheurs. Ils auront plus d'accidents. Les risques sont plus grands qu'ils deviennent chômeurs. Quand ils le seront, ils le seront plus longtemps que les enfants de parents plus riches. Ils encourent plus de risques d'avoir des troubles de comportement, et ils mourront plus jeunes de plusieurs années que leurs concitoyens plus aisés. C'est l'héritage que nous offrons aux enfants pauvres, et nous ne faisons rien pour que cela change.

Nous devrions avoir honte de ce que nous avons fait, au Canada, en ce qui concerne les enfants des familles moins aisées. Ce n'est pas vrai qu'il n'y a rien à faire. Si l'on considère notamment les pays du nord de l'Europe, et en particulier la Norvège, la Suède et l'Allemagne-certes l'Allemagne de l'Ouest avant l'unification-on constate qu'ils ont un taux de pauvreté chez les enfants de 5 p. 100 environ. Notre taux de pauvreté chez les enfants est de 25 p. 100 environ; il est donc cinq fois plus élevé que celui des pays qui se sont engagés à résoudre ce problème.

(1805)

Les prétendues solutions du passé n'ont rien donné. La pauvreté chez les enfants et la pauvreté en général se sont accrues pendant que, ces 20 dernières années, les gouvernements fédéraux diminueraient les programmes sociaux, réduisaient les impôts des riches et des grandes sociétés, accumulaient d'énormes déficits et adoptaient des politiques commerciale, monétaire et fiscale qui faisaient perdre beaucoup d'emplois à l'économie canadienne. Rien n'a été fait pendant toutes ces années pour régler les problèmes structuraux de l'économie qui nous ont portés au deuxième rang des pays riches et industrialisés pour ce qui est de la pauvreté chez les enfants.

Je le répète, ce sont les États-Unis qui affichent les pires taux de pauvreté mais, cette semaine, le gouvernement cherche à parfaire l'américanisation de nos programmes sociaux, dans la plus belle tradition mulroneyiste.

La seule solution-et j'insiste-la seule façon de mettre fin à la pauvreté et à la pauvreté chez les enfants, c'est de s'efforcer sur le plan national de corriger de toute urgence l'apparente incapacité de l'économie canadienne de créer les emplois dont ont besoin les quatre millions de Canadiens qui ne font pas présentement partie de la main-d'oeuvre rémunérée, les quatre millions de Canadiens qui veulent travailler afin de pouvoir nourrir leur famille.

D'autres réductions dans les programmes sociaux ne feront qu'empirer les choses et pourtant, c'est ce que le gouvernement se propose de faire. Les programmes de formation ne valent qu'en fonction des emplois offerts.

Le véritable problème, ce ne sont pas les programmes sociaux, mais le chômage. Et c'est ce à quoi nous devrions nous attaquer sur le plan national. Si le gouvernement avait affecté à la création d'emplois les ressources humaines et financières qu'il a choisi d'affecter à la réforme des programmes sociaux, nous serions beaucoup mieux placés pour donner de l'espoir au 1,3 million d'enfants qui vivent actuellement dans la pauvreté. Ils auraient de bien meilleures chances de briser le cycle de la pauvreté.

Je veux soulever brièvement deux autres points. En tant que signataire de la Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants, le Canada reconnaît «le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social».

Cet article oblige le Canada à prendre «les mesures appropriées pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l'enfant à mettre en oeuvre ce droit et à offrir, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d'appui, notamment en ce qui concerne l'alimentation, le vêtement et le logement».

Nous n'avons pas fait cela. Nous ne nous sommes pas acquittés de nos responsabilités internationales. En tant que pays, nous n'avons pas respecté nos obligations envers nos enfants.

Enfin, je voudrais retourner au point que j'ai soulevé au début de mon intervention. Je sais que tous les députés reconnaîtront l'importance de cette question. Je crois que nous sommes tous d'avis que nous devrions travailler pour éliminer la pauvreté chez les enfants et aider ces enfants à se bâtir un avenir.

Je demande maintenant le consentement unanime de la Chambre pour que cette motion fasse l'objet d'un vote, afin de reconnaître le rôle crucial que les enfants joueront dans l'avenir de notre pays et l'importante responsabilité que nous avons aujourd'hui envers nos enfants. Je demande le consentement unanime de la Chambre pour que cette motion fasse l'objet d'un vote. Si la Chambre donnait son consentement, je suis certain que nous pourrions trouver un moment pour mettre cette motion aux voix.

Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.


6363

L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Formation et Jeunesse)): Monsieur le Président, je suis très heureuse de pouvoir intervenir dans le débat sur la motion très importante présentée par le député.

Les enfants qui vivent dans la pauvreté préoccupent tous les Canadiens. Selon un sondage, 91 p. 100 des Canadiens estiment que la lutte à la pauvreté chez les enfants est une très grande priorité. Compte tenu de toutes les richesses que nous avons dans notre pays, le Canada n'a aucune excuse pour laisser vivre tant d'enfants dans la pauvreté.

Les estimations du nombre d'enfants vivant dans des familles à faible revenu varient, mais le chiffre le plus souvent cité est 1,25 million. Il est évident que cela est inacceptable. Certaines personnes croient que la pauvreté des enfants n'est pas une question isolée, mais qu'elle recoupe celle de la pauvreté des familles, des parents. C'est une question dont nous pouvons très bien saisir toute la complexité.

Il est évident que ce n'est pas simple. Les enfants qui vivent dans la pauvreté ne souffrent pas uniquement d'une mauvaise alimentation et du manque de vêtements chauds pour aller à l'école. Bien sûr, il y a cela, mais il y a beaucoup plus. Des enfants se retrouvent dans la pauvreté parce que leur famille est désunie, parce qu'un des deux parents, ou les deux, n'ont pas d'emploi ou encore parce qu'ils ont des emplois qui ne rapportent pas un revenu décent.

(1810)

Que devons-nous faire? Nous devons travailler de concert avec nos partenaires des provinces et des organisations non gouvernementales pour trouver des solutions constructives aux problèmes sous-jacents de la pauvreté des enfants. Prenons les bons moyens. Travaillons tous ensemble, dans un esprit constructif. Prenons les mesures nécessaires pour vraiment adoucir le sort de tous ces enfants canadiens.

J'invite tous les députés et tous nos partenaires à nous faire part de leurs idées. Pour moi, c'est cela le sens de la réforme des programmes sociaux. Ce n'est pas une question d'empiétement ou de changement au statu quo, mais il s'agit plutôt de trouver de véritables solutions à des problèmes bien réels qui frappent des êtres humains.

Étudions un large éventail d'idées, puis mettons l'accent sur les moyens les plus efficaces pour prévenir la pauvreté plutôt que de toujours devoir prendre des mesures correctives.

Toutefois, je peux dire que le gouvernement fédéral contribue déjà au bien-être des enfants canadiens grâce à un certain nombre d'initiatives. Ainsi, en 1994-1995, le crédit d'impôt pour enfants fera profiter les familles dont les revenus sont inférieurs à 30 000 $ de 1,6 milliard de dollars. Par l'intermédiaire du Régime d'assistance publique du Canada, le gouvernement fédéral versera aux provinces et aux territoires environ 1,3 milliard de dollars pour les prestations d'aide sociale, 315 millions de dollars pour les garderies et 440 millions pour l'aide sociale aux enfants.

Dans son livre rouge, le gouvernement a promis de dépenser 720 millions de dollars en trois ans pour accroître le nombre et la qualité des services de garderie. Le budget de février dernier a d'ailleurs prévu une certaine somme pour les deux premières années d'application de cette initiative.

Nous devrons établir un consensus en coopération avec nos homologues provinciaux et avec les parents de tout le Canada sur la façon dont cet argent devrait être dépensé. On a déjà entamé des discussions à ce sujet avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, mais nous devons vraiment investir dans ce domaine, car investir dans les enfants c'est investir dans notre avenir.

Je suis heureuse de dire que le ministère du Développement des ressources humaines travaille également en collaboration avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour améliorer les services de garderie pour les enfants des Premières Nations vivant dans les réserves. Notre gouvernement a également mis en oeuvre le programme Bon départ qui relève du ministère de la Santé.

Mes honorables collègues le savent, j'éprouve, tout comme eux sans doute, une empathie spéciale pour les enfants autochtones qui ont à vivre chaque jour dans des conditions révoltantes. Je me rappelle le rapport de 1990 du Réseau national des jeunes pris en charge. On calcule que sur plus de 303 000 enfants de 17 ans et moins, 51 p. 100 des enfants indiens et 27 p. 100 des enfants métis vivent dans la pauvreté.

Il n'est pas étonnant que nous observions une terrible pauvreté enfantine dans les localités autochtones. Le revenu des autochtones est en moyenne inférieur de moitié ou du tiers à celui des autres Canadiens en général. C'est un chiffre qui a été cité très souvent dans le cadre de différents efforts pour assurer une mesure de justice.

Le taux de chômage et le taux d'analphabétisme sont deux fois supérieurs à ceux de la population canadienne. Les jeunes autochtones ont deux fois moins de chance de faire des études postsecondaires que les Canadiens en général. Il y a beaucoup moins d'élèves autochtones qui terminent leurs études secondaires. Dans certaines localités du Nord, aussi peu que 5 p. 100 des jeunes autochtones terminent leur 12e année.

Cette situation dont nous devrions avoir particulièrement honte réclame une attention immédiate. Le Conseil canadien de développement social nous a rappelé la semaine dernière que tout en nous concentrant sur la réforme de la politique de sécurité sociale pour rendre nos programmes plus efficaces, nous devons également examiner le marché du travail pour voir comment il peut fournir de bons emplois rémunérateurs.

Tout cela est évidemment interrelié. Les députés en conviendront sûrement, la pauvreté enfantine est liée à l'éducation et à l'emploi.

(1815)

Le député a dit que des gens instruits, diplômés, chefs de famille, vivent dans la pauvreté. Le gouvernement est conscient que, dans les études et la formation qui dure toute la vie, ce n'est pas tant ce qu'on apprend qui compte, ni les compétences et les talents, mais plutôt la correspondance entre les compétences et les débouchés.

Nous savons qu'il faut aborder toute la question différemment. Non seulement nous allons devoir faire des choix difficiles, mais nous allons aussi devoir aider les gens à faire de bons


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choix, des choix plus éclairés pour avoir des possibilités de travail et d'épanouissement.

En 1993, il y a eu une augmentation de 17 p. 100 des emplois pour les étudiants de niveau postsecondaire. L'augmentation a été nulle pour ceux qui ont fait leur secondaire, et il y a eu diminution de 17 p. 100 pour ceux qui n'ont pas fait leur secondaire.

Le Conseil des arts du Canada dit que les enfants de familles pauvres ont deux fois plus de risques de devenir des décrocheurs. Il faut voir les choses en face. Plus on a d'instruction et de formation professionnelle, plus on a de chance de trouver un emploi bien rémunéré.

Le printemps dernier, avec mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, nous avons collaboré avec nos partenaires des provinces et de l'industrie pour mettre en oeuvre une stratégie d'emploi et de formation à l'intention des jeunes. Cette stratégie, pour laquelle 684,5 millions de dollars sont prévus dans l'exercice financier en cours, aide nos jeunes à faire la difficile transition entre l'école et le monde du travail. Elle s'attaque à des obstacles comme un taux élevé de décrochage scolaire, les difficultés d'accès aux études supérieures, le manque d'expérience de travail et l'absence de bonne formation en cours d'emploi.

Service Jeunesse Canada est l'une des mesures stratégiques visant à redonner du travail à des jeunes qui ont quitté l'école et qui sont au chômage. L'objectif de ce programme est de donner à ces jeunes une plus grande fierté devant leurs réalisations, plus d'autonomie, une meilleure estime de soi et de les aider à acquérir une expérience de travail conséquente.

Je signale que la majeure partie des fonds affectés au programme ira directement aux jeunes et que les participants admissibles recevront une aide financière pour payer les services de garde pendant leurs heures de travail.

À mesure que nous réformerons nos programmes de sécurité sociale, la stratégie globale en matière d'emploi et d'apprentissage contribuera à garantir que les jeunes, les dirigeants de demain, les futurs édificateurs de notre grand pays, que les jeunes, dis-je, auront la chance de devenir productifs et autosuffisants.

Tel est l'objectif de la réforme de la sécurité sociale. C'est un tremplin et non un coussin qui enlève aux gens leur esprit d'initiative et leur autosuffisance. C'est un effort qui vise à réintégrer les gens dans la population active et non pas à les marginaliser ni à les rendre dépendants.

Il y a également la réalité du 1,25 million d'enfants membres de familles à faible revenu, dont plus de 40 p. 100 sont des familles monoparentales dont le chef est une femme. Dans les Territoires du Nord-Ouest, en 1991, le salaire moyen des familles monoparentales était de 17 000 $. Quiconque est au courant des questions politiques, démographiques et économiques du pays, entre autres, sait que le coût de la vie dans les Territoires du Nord-Ouest est plus élevé de 30 ou 40 p. 100 que dans les régions au sud du 60e parallèle, que le coût de la vie est vraiment différent, sans parler du manque d'infrastructures et de grandes perspectives d'emploi. Nous sommes assez limités et, par conséquent, défavorisés au départ.

Nous devons faire davantage pour aider les parents uniques, des mères surtout, en leur offrant, par exemple, des services de garderie de qualité abordables. En aidant ces parents à devenir plus autonomes, nous atténuerons de beaucoup le problème des enfants pauvres.

À titre d'exemple de programme favorisant l'autonomie, je voudrais mentionner un projet annoncé par le gouvernement il y a deux semaines, le 16 septembre, à Rimouski, et qui durera 27 semaines à compter du milieu du mois prochain. Le gouvernement et ses partenaires de la région de Rimouski permettront à des femmes n'ayant pas de revenu de suivre un programme de formation grâce auquel elles pourront entrer sur le marché du travail en créant leur propre entreprise. Il s'agit là d'un programme de promotion sociale. Ces femmes ont de bonnes idées, mais elles ne disposent d'aucun capital pour mettre sur pied leur entreprise. En leur assurant une formation, en leur permettant d'acquérir des compétences précises, nous les aiderons à se lancer en affaires.

(1820)

Le ministère du Développement des ressources humaines appuie cette initiative à Rimouski. Chaque participant recevra une aide financière sous forme d'allocations hebdomadaires qui couvriront aussi les frais de garde d'enfants, le cas échéant. Nous savons que nous contraignons énormément les gens lorsque nous exigeons qu'ils consacrent des heures supplémentaires pour apprendre ou exécuter une tâche liée à leur travail sans qu'on leur offre une certaine forme d'aide.

À Winnipeg, il y a trois semaines, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Manitoba ont signé une entente concernant le programme «Taking Charge» qui viendra en aide à 4 000 parents seuls vivant de l'aide sociale. Grâce à ce projet quinquennal, ces parents auront accès à un bureau de quartier où ils pourront obtenir de l'aide dans divers domaines, de la formation en garde d'enfants à la recherche d'emploi, en passant par les service de soutien à la famille.

En terminant, j'espère que nous ne verrons plus jamais de cynisme et de défaitisme. En mettant nos efforts en commun, on peut accomplir de grandes choses. Il y a beaucoup d'optimisme chez les Canadiens. Nous devons exploiter cette richesse et élaborer un système de sécurité sociale qui sera utile pour les Canadiens des années 90 et des décennies à venir. Les pauvres n'ont pas choisi d'être pauvres, ils le sont à cause des circonstances.

Je prie mes collègues de prendre à coeur la cause des enfants pauvres du Canada. Ils n'ont pas voulu leur sort. Ils sont victimes d'une situation. Nous devons y remédier pour qu'ils puissent profiter d'un meilleur avenir au Canada.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, il me fait plaisir à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de formation et jeunesse de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer la motion du député de Saskatoon-Clark's Crossing, motion qui se lit comme suit:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait envisager de réaffirmer son engagement à se donner comme objectif d'éliminer la pauvreté chez les enfants canadiens d'ici à l'an 2000.


6365

Il peut paraître bizarre dans un pays qui s'est déjà mérité la reconnaissance internationale au niveau de la qualité de vie, de devoir suggérer au gouvernement de s'occuper d'un problème aussi dramatique que les enfants qui vivent dans la pauvreté. Les enfants sont la plus grande richesse d'un pays, ce sont eux qui font en sorte que les peuples évoluent et se développent. C'est grâce à eux que l'on peut compter sur un avenir intéressant.

Mais selon une récente étude de l'Institut canadien de santé infantile, en 1991, il y aurait 1,2 million d'enfants qui vivraient dans la pauvreté au Canada, soit 500 000 de plus qu'en 1981. C'est maintenant 20 p. 100 des enfants qui vivent dans la pauvreté au Canada.

Mon collègue, qui a présenté la motion, parlait de chiffres plus récents, 1,3 million d'enfants. Voilà qui indique une tendance qui continue, et cela illustre que la situation continue de se détériorer.

Quarante-deux p. 100 des décès d'enfants qui meurent avant d'atteindre l'âge de un an sont attribuables à leurs conditions de vie prénatales. Donc, la qualité de la vie de la mère avant la naissance est cruciale pour l'espérance de vie des enfants. Les problèmes de santé mentale et d'apprentissage scolaire sont deux fois plus élévés chez les enfants issus de familles pauvres que dans le reste de la population.

J'ouvre ici une parenthèse. Il m'a été démontré dernièrement que même dans des régions soi-disant plus prospères des enfants, encore aujourd'hui de plus en plus d'enfants vont à l'école sans petit déjeuner, sans avoir ce qu'il faut pour un menu de qualité le midi. Après cela, on s'étonne du taux d'échec de certains enfants et lorsqu'ils sont adolescents, du décrochage scolaire.

Parler de la pauvreté des enfants, c'est aussi parler de la pauvreté des familles. Comme on le sait, le revenu familial moyen n'augmente plus aussi rapidement que le coût de la vie depuis quelques années.

(1825)

Toujours selon le même rapport que je citais plus tôt sur la santé des enfants, en 1993, un parent seul employé au salaire minimum devrait travailler 73 heures par semaine, au Québec, pour avoir un revenu atteignant le seuil de la pauvreté. Ce même parent seul, vivant de l'aide sociale, avec un enfant à charge, recevrait, au Canada, en moyenne, 65 p. 100 de ce que représente le seuil de pauvreté. En 1991, il y avait 453 200 femmes chefs de familles monoparentales au Canada contre seulement 83 600 chez les hommes. Donc, on parle de la pauvreté des enfants, mais on parle aussi de la pauvreté que vivent les mères, chefs de familles monoparentales tout particulièrement.

Les familles monoparentales représentent 20 p. 100 de toutes les familles mais la situation la plus alarmante est celle des femmes seules avec des enfants. En effet, près de 90 p. 100 des enfants vivant avec leur mère seule vivent, au Canada, dans la pauvreté.

Ainsi, nos jeunes, et cela inclut naturellement les enfants, se retrouvent dans une situation que l'on n'avait pas vue depuis la grande crise économique des années 1930, à savoir qu'ils vivent maintenant une situation plus difficile que la génération précédente. Ils ont moins de possibilités que leurs parents. Le rapport sur la santé des enfants du Canada, qui est paru cette semaine et auquel je me suis référé pour mes statistiques, a été financé en grande partie par le gouvernement fédéral. J'ose espérer que le gouvernement fédéral réagira rapidement et concrètement devant ce constat troublant, car il serait indécent pour le gouvernement de payer une étude pour ensuite en ignorer les résultats, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de la santé de nos enfants.

Ce n'est pas la première fois, comme le rappelait mon collègue qui a présenté la motion, que la Chambre des communes s'intéresse à la pauvreté des enfants. En effet, le 24 novembre 1989, à l'initiative du député d'Oshawa de l'époque, la Chambre avait adopté à l'unanimité une résolution semblable à celle déposée aujourd'hui visant à mettre fin à la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000.

Je tire une parenthèse ici pour illustrer un peu ma déception qu'on n'ait pas obtenu l'unanimité tout à l'heure pour que cette motion soit votable, alors qu'elle avait été votée en 1989 et tous les députés présents à la Chambre avaient voté en sa faveur. Il y a de cela cinq ans. Mais au lieu de s'améliorer, la situation s'est détériorée. Pourquoi? On avait adopté une résolution, mais pourquoi la situation s'est-elle détériorée? Je dis que c'est parce que le gouvernement conservateur de l'époque n'avait rien fait pour corriger la situation et depuis un an, le gouvernement libéral continue-on l'a entendu encore cette semaine-de consulter les citoyens sur la réforme des programmes sociaux qui n'entrerait en vigueur que l'an prochain, donc dans un an.

Cela fera six ans qu'on a adopté, à l'unanimité, une résolution pour lutter contre la pauvreté des enfants. Pourtant, le Parti libéral de l'époque s'y était montré favorable, puisqu'elle avait été adoptée à l'unanimité, cette motion, en 1989. Il y a d'ailleurs plusieurs extraits de discours qui ont été prononcés, à cette époque, par des députés et même par des ministres actuels. Même le député de Saint-Boniface, que je vois en face de moi, s'était exprimé en faveur de cette motion en 1989.

M. Duhamel: Je suis toujours en faveur de la réforme politique, cher ami!

M. Dubé: Je vais y aller plus rapidement, mais il y a quand même un extrait particulier qui a attiré mon attention, parce que ce discours avait été prononcé par l'actuel ministre du Développement des ressources humaines. Il disait: «Les députés devraient remiser les beaux discours préparés par les ministères et ils devraient ouvrir les yeux et leur coeur un peu.

(1830)

Ils devraient essayer de voir la réalité telle qu'elle est et parler des vrais problèmes que nous avons au Canada. Il ne se passait pas une journée à la Chambre sans qu'on entende un ministre ou un député du gouvernement conservateur parler du déficit.» Ils disaient cela à l'époque.


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Je n'ai jamais entendu le ministre des Finances de l'époque parler du vrai déficit du Canada, celui d'un million d'enfants qui vivent dans la pauvreté. C'est là que nous devrions investir. C'est cela, le vrai drame. Ces enfants, dans dix ans, devraient être nos éducateurs, nos gens d'affaires, nos politiciens et nos journalistes. Ils n'y arriveront jamais, parce qu'ils ne pourront pas démarrer. Quand un million d'enfants vivent dans la pauvreté, c'est une perte considérable. C'est le grand déficit que nous devons affronter. Pourtant, rien ne se fait pour régler ce problème.

En 1989, l'actuel ministre du Développement des ressources humaines, le même député aujourd'hui devenu ministre, a permis la coupure d'un programme d'assurance-chômage, n'a pas accordé plus de place dans les garderies, a manifesté son intention de couper dans les programmes sociaux pour lutter contre le déficit. Il n'a pas, à mon avis, présenté de véritable programme de création d'emplois permanents. Je vous donne un exemple: Service jeunesse Canada, un programme à 150 $ par semaine pour les jeunes. En d'autres temps, ce serait bien, pour des emplois à temps partiel, mais ce ne sont pas de véritables emplois pour les jeunes.

Il maintient des dédoublements au niveau de la formation professionnelle, coûteux pour tout le monde, et pendant ce temps, son collègue d'Industrie et Commerce refuse d'accorder des fonds pour la reconversion des industries militaires et civiles. J'en parle, parce qu'il y a une industrie chez nous qui s'appelle la MIL Davie, qui a attendu les réponses du gouvernement du Parti conservateur pendant un an pour un simple traversier, mais qui attend encore depuis un an la réponse du nouveau gouvernement libéral, qui créerait au moins 700 emplois, 700 emplois.

À cause du déficit, on est pauvres. On ne peut pas aider les enfants pauvres, puisqu'on est pauvres. Pendant ce temps, il y a les dépenses. Je suis vraiment déçu, parce que les députés de cette Chambre-et certains ont l'air d'être en faveur-ne prendront même pas la chance de voter et d'inscrire à nouveau notre engagement pour combattre la pauvreté des enfants.

[Traduction]

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour me prononcer sur la motion qui nous invite à nous engager de nouveau à éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000.

Qu'est-ce que la pauvreté? Selon le dictionnaire, c'est le fait d'être pauvre, de ne pas avoir les moyens de se procurer les choses essentielles à la vie, d'être dans le besoin, dans un grand dénuement.

Il faut faire une distinction entre les besoins de base que l'on peut combler à l'aide de solutions économiques et le dénuement social, c'est-à-dire le fait que certains sont inférieurs aux autres sur le plan affectif ou sur d'autres plans, et le remède à ce dénuement n'est pas simplement d'ordre financier.

Sur le plan social, chacun peut se sentir pauvre et démuni sous l'angle d'un aspect de sa vie par rapport à d'autres et les autres n'y peuvent rien. Les programmes sociaux du gouvernement n'ont pas pour but de rendre tous les gens égaux sous tous les rapports.

Néanmoins, le gouvernement est en mesure de trouver des solutions à des problèmes financiers de longue durée en réduisant les impôts, la dette et les dépenses. Il faut comprendre qu'il existe tout un monde entre la pauvreté qui signifie l'incapacité de satisfaire aux besoins essentiels à la vie et la pauvreté dans laquelle se trouve une partie de la population canadienne dont les revenus sont dérisoires par rapport à la majorité.

Ces Canadiens à faible revenu pourraient être considérés à l'aise en comparaison des citoyens de la plupart des autres pays. En effet, nous avons souvent tendance à nous comparer à nos voisins du Sud, plutôt qu'avec les habitants du Brésil ou du Maroc, et cette comparaison sert d'argument au lobby antipauvreté au Canada.

(1835)

À l'heure actuelle, il n'existe pas de définition de la pauvreté sur le plan financier. Au Canada, de nombreux groupes d'intervention se servent, à tort, du bas niveau de revenu comme seuil de la pauvreté. C'est ce que Statistique Canada appelle le seuil de faible revenu.

Statistique Canada a toujours dit que le seuil de faible revenu ne servait pas à mesurer la pauvreté. En supposant que toute famille qui a un revenu inférieur au seuil de faible revenu était pauvre, les groupes de défense des enfants pauvres ont conclu, à tort, que plus de 1,2 million d'enfants, c'est-à-dire un enfant sur cinq, vivaient dans la pauvreté.

Barbara Greene qui, au cours de la trente-quatrième législature, présidait le sous-comité de la Chambre sur la pauvreté, a déclaré qu'il était impossible d'atteindre l'objectif que l'on s'était fixé d'éliminer la pauvreté chez les enfants parce que le seuil de faible revenu est une mesure relative.

Comme le seuil de faible revenu est une mesure relative, nous ne pourrons jamais éliminer la pauvreté si elle est définie ainsi parce qu'il y aura toujours un pourcentage semblable de familles canadiennes qui, du point de vue statistique, seront décrites comme des familles à faible revenu.

Pour montrer à quel point le mot «pauvreté» n'est pas synonyme de faible revenu, disons que 18 p. 100 des gens à faible revenu n'ont pas d'hypothèque sur leur maison.

On peut faire quelques généralisations à partir des études portant sur les personnes à faible revenu. On retrouve, parmi les personnes à faible revenu, des jeunes, des chômeurs, des immigrants récemment arrivés au pays, des chefs de familles monoparentales et des autochtones. Les trois premiers groupes, c'est-à-dire les jeunes, les chômeurs et les immigrants récemment arrivés, augmenteront sans aucun doute leurs gains moyens à un moment donné car les perspectives d'emploi seront plus nombreuses, étant donné leurs compétences et leur expérience.

Les parents seuls recevront sûrement de l'aide grâce à la nouvelle politique sur la famille que propose le Parti réformiste, une politique qui favorise la famille sur le plan fiscal et qui permet de mettre fin à la dépendance de l'aide sociale au moyen de la réforme des programmes sociaux.


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Les collectivités autochtones profiteront de la promesse des réformistes d'abolir le ministère des Affaires indiennes pour les faire participer pleinement à la société canadienne.

J'ai parlé de la confusion qui règne et j'ai montré la distinction qui existe entre la pauvreté réelle, financière, et le faible revenu au Canada. Peu importe que l'on soit d'accord ou non sur le fait que la pauvreté réelle, qui signifie le manque de nourriture, de vêtements et d'abri, n'existe pas au Canada, la question qui nous intéresse ici est celle de la pauvreté chez les enfants. Cette situation préoccupe vivement tous les Canadiens. Les réformistes estiment que l'application adéquate des lois et la promotion des valeurs familiales dans la société constituent les moyens les plus efficaces pour affronter une telle tragédie.

Il est possible que certains enfants soient confrontés à des situations aussi désespérées, sans y être pour rien, étant donné qu'un enfant est une personne à charge qui dépend d'une autre. À ce titre, un enfant n'est pas censé avoir un revenu ou subvenir à ses propres besoins. Le droit canadien reconnaît ce fait dans le Code criminel. L'article 215 précise, en effet, que toute personne est légalement tenue, en tant que parent, de fournir les choses nécessaires à l'existence d'un enfant de moins de 16 ans. En vertu de la loi canadienne, les enfants qui ne reçoivent pas ces choses nécessaires à l'existence ne sont pas victimes de pauvreté, mais sont plutôt maltraités et négligés.

Les intervenants dans le domaine de la pauvreté chez les enfants prétendent qu'ils veulent simplement aider les enfants souffrant de la faim, mais y a-t-il vraiment 1,2 million d'enfants canadiens dans cette situation comme ils l'affirment? A-t-on des preuves que nous sommes confrontés à une crise aussi grave? De façon réaliste, on peut dire qu'il y a des enfants qui vivent dans des foyers brisés, des familles à faible revenu, mais cela ne signifie pas pour autant qu'on ne peut répondre ou qu'on ne répond pas aux besoins physiques essentiels de ces enfants.

Au Canada, le système généreux d'assistance sociale déjà en place est plus que suffisant pour permettre aux parents, quelle que soit leur situation familiale ou leur situation sur le plan du travail, de répondre aux besoins physiques fondamentaux de leurs enfants. Cependant, le gouvernement ne peut jamais satisfaire à tous les besoins des enfants. Comment le gouvernement pourrait-il leur offrir amour et affection? Par contre, en pratiquant une politique non interventionniste, il est en mesure d'établir un climat économique favorable pour que les familles puissent prospérer et se développer.

Les réformistes croient qu'il n'incombe pas à l'État d'essayer d'élever les enfants du pays et que cette responsabilité revient plutôt à leurs parents ou à leurs tuteurs. Ce n'est que lorsqu'il est manifeste que des enfants sont négligés ou maltraités que l'État doit intervenir. Lorsque des parents se retrouvent dans des situations où il est difficile pour eux de fournir à leurs enfants les choses nécessaires à l'existence, ils doivent néanmoins assumer cette responsabilité. Ces parents peuvent, dans ces cas-là, chercher de l'aide tout d'abord auprès de parents ou, faute de soutien familial, auprès d'organismes sociaux privés. Ils ne doivent s'adresser aux organismes gouvernementaux qu'en dernier recours.

Il existe peut-être des cas isolés d'enfants qui souffrent parce qu'ils sont négligés ou maltraités par leurs parents, tout comme il y a des enfants agressés sexuellement, victimes d'infanticide ou exploités à des fins pornographiques.

(1840)

Des chercheurs du domaine de la santé et d'autres groupes ont souligné avec raison que, selon les statistiques, les personnes ayant un faible revenu sont plus susceptibles que les autres d'éprouver des problèmes comme des taux de décrochage scolaire plus élevés, une plus grande violence familiale et des soucis de santé plus nombreux. Il est évident que ces problèmes ne découlent pas d'un faible revenu, mais de l'éclatement des familles, de mères célibataires, du chômage structurel et d'un relâchement des valeurs de la société.

Toutefois, les groupes qui luttent contre la pauvreté des enfants estiment que le problème est bel et bien un faible revenu. Un faible revenu ou la pauvreté n'est pas une maladie contagieuse, mais une situation qui découle d'autres facteurs.

Les groupes qui luttent contre la pauvreté des enfants ont proposé certaines solutions à la situation des gagne-petit. Ils veulent davantage de garderies, de prestations d'aide sociale et une plus grande intrusion de l'État dans la vie des familles. Cependant, des études menées par le Dr Doug Allen, de l'Université Simon Fraser, montrent que 80 p. 100 des familles à faible revenu ne touchent pas de prestations d'aide sociale. De toute évidence, pour la vaste majorité des familles à faible revenu, un plus grand nombre de programmes sociaux n'est pas la solution au problème.

Le Parti réformiste reconnaît qu'un faible revenu ne constitue pas le problème comme tel, mais bien un symptôme d'un problème beaucoup plus profond dans notre société. Les familles éclatées, le divorce, les enfants illégitimes et le chômage sont bon nombre des facteurs qui mènent à une situation de faible revenu. Ces problèmes ont augmenté rapidement ces 30 dernières années, en raison des politiques d'ingérence des gouvernements libéral et progressiste conservateur.

Je parle des politiques fiscales injustes à l'endroit des parents qui restent à la maison ou de certains types de famille. Je parle des programmes de sécurité sociale qui dissuadent les gens de trouver du travail et qui encouragent et maintiennent le célibat des mères. Je parle des politiques qui ne prévoient pas de juste punition de la délinquance, surtout de la délinquance juvénile, et de la dette imposante qui est à l'origine du chômage structurel dans notre économie.

Quelle solution avons-nous à proposer? Nous croyons que le gouvernement n'a pas à s'occuper des questions de places de garderie. Nous croyons en une politique fiscale qui ne soit pas discriminatoire envers certains types de famille. Nous croyons en un système de programmes sociaux discrets qui aide ceux qui en ont vraiment besoin. Nous croyons en une politique fiscale qui continue à reconnaître les coûts associés à l'éducation des enfants. Nous croyons en une réduction des dépenses dans tous les domaines, pour régler le problème de la dette et du déficit. Nous croyons que des allégements fiscaux à long terme doivent être offerts, afin que les familles soient plus libres de faire leurs propres choix.

Les réformistes veulent préserver la santé des familles canadiennes et aider ceux qui sont vraiment dans le besoin. Nous ne croyons pas que la création de nouveaux programmes sociaux règle les problèmes de la société. Nous croyons que la promo--

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tion de la famille est la meilleure solution possible à la plupart des problèmes sociaux du Canada.

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine): Monsieur le Président, c'est avec plaisir mais aussi avec tristesse que je prends part au débat sur cette question.

La pauvreté chez les enfants au Canada est un signe évident de l'échec des programmes sociaux. Je suis fermement convaincue que c'est un problème que nous devons prendre en main en tant que nation, sans délai.

L'enfant pauvre ne l'est pas en soi. Il est pauvre parce que ses parents le sont. La pauvreté chez les enfants n'est pas une chose saine pour l'avenir de notre société. Notre déficit humain sera le futur déficit de notre pays. J'en suis fermement convaincue.

Nous parlons sans cesse à la Chambre de la nécessité d'avoir une main-d'oeuvre mieux éduquée, mieux qualifiée. Nous parlons sans cesse du manque de formation de la main-d'oeuvre. Nous parlons toujours de la nécessité de former et d'éduquer. Nous parlons à la Chambre de criminalité parmi les jeunes et de rétribution. Nous disons toujours que nous devons punir les jeunes délinquants, les mettre en prison et dans certains cas, jeter la clé. Nous parlons de punitions rigoureuses en ce qui concerne les jeunes enfants.

Nous n'abordons jamais ouvertement et franchement la question de savoir pourquoi ils sont comme ça. La pauvreté chez les enfants est une horrible tache sur la réputation du Canada. Que ce pays se trouve dans une telle position est une honte. Nous devons éliminer ce problème.

Les enfants ne deviennent pas des délinquants comme ça. La société y est pour quelque chose depuis qu'ils sont nés, que ce soit parce qu'ils sont pauvres, parce qu'ils sont maltraités à la maison ou pour d'autres raisons.

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À mon avis, la pauvreté n'est pas seulement le fait pour un enfant de ne pas avoir assez à manger, d'être sans abri ou de ne pas avoir de vêtements, la pauvreté, c'est aussi la pauvreté de la société et du cadre qui l'entoure. À tout instant, des enfants sont maltraités à la maison.

C'est vrai. Il ne sert à rien d'arguer. Les programmes sociaux ne sont pas adaptés aux besoins des enfants. Des programmes de santé mentale ont été éliminés alors que des enfants qui ont besoin de tels programmes font la queue dans tout le pays. Ce n'est pas acceptable. Comment espérons-nous les voir s'en tirer si nous ne leur apportons pas l'appui nécessaire? Nous n'avons pas dans ce pays de programme adéquat d'aide à l'enfance. Il faut que nous en ayons un. Les parents ont besoin d'aide. Nous devons avoir un système d'aide suffisamment complet pour permettre aux parents de faire face à la situation.

Le député d'en face vient de dire que la seule façon de reconnaître la pauvreté est de regarder les carences fondamentales. Il disait que nous plaçons le seuil de la pauvreté trop haut et qu'on la confond ainsi avec les faibles revenus. Il citait avec fierté une ancienne députée de cette assemblée, Barbara Greene, qui essayait d'abaisser le seuil de la pauvreté de façon à éliminer celle-ci de nos livres, sinon dans les faits. Les enfants et les adultes dans la pauvreté seraient toujours là. Ils ne disparaî-

traient pas. On peut changer le jargon et le verbiage, on ne peut pas changer les faits.

Cela regarde l'État, car il doit se soucier du sort des enfants de la nation. Nous avons une responsabilité collective à l'égard des enfants. Ils sont notre meilleure ressource si l'on veut survivre en tant que nation. Collectivement, nous prenons des décisions sur le minerai de fer, la foresterie et des tas d'autres choses, mais lorsqu'on en arrive aux enfants on dit: «Oui, mais la famille c'est sacré. On ne peut rien faire. Nous n'avons rien à dire et à faire en tant que société.» Ce n'est pas vrai, la société a une rôle puissant à jouer.

Les garderies, c'est important. Des systèmes d'aide adéquats, c'est important. Les bas revenus existent. Les carences, qu'elles soient sociales, physiques ou autres, sont importantes. Des services d'aide au sein des programmes sociaux sont d'extrême importance. Nous ne pouvons pas blâmer les enfants. Nous devons admettre qu'élever les enfants et les préparer à diriger le pays est une responsabilité collective que l'on ne saurait négliger. Le député n'est pas d'accord.

L'ONU disait que le Canada est le pays du monde où la qualité de vie est la meilleure. C'est une chose merveilleuse dont nous pouvons être fiers, mais pour certains, dont beaucoup d'enfants, la qualité de vie n'est pas si bonne que cela, et c'est une chose dont nous devrions avoir honte et au sujet de laquelle nous devrions agir immédiatement.

J'estime que si nous devons accomplir quelque chose, ce devrait être l'éradication de la pauvreté chez les enfants, sous toutes ses formes. Nous devons concevoir un système d'aide qui soit complet et apte à aider les enfants et leur famille.

J'aimerais travailler à la révision du système de sécurité sociale qui s'en vient, travailler dur avec mes collègues à la Chambre et avec tous les Canadiens afin de créer un système qui répondra, à tout le moins, aux besoins fondamentaux des familles et des enfants de ce pays. J'espère que tous les députés participeront à cette entreprise et qu'elle conduira à quelque chose dont nous pourrons être fiers.

Le président suppléant (M. Kilger): J'accorde le droit de réplique, pendant au plus deux minutes, au député de Saskatoon-Clark's Crossing.

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir la possibilité de répondre. Nous avons de toute évidence des préoccupations divergentes. Certains d'entre nous estiment urgent de s'attaquer à ce problème alors que d'autres préfèrent parler de questions philosophiques pendant que des enfants ont faim. Je trouve choquant que nous tenions une discussion philosophique au sujet des causes de la faim chez les enfants sans avoir pris l'engagement de résoudre ce problème.

Comment les députés réformistes peuvent-ils regarder en face des enfants affamés et leur dire qu'ils n'ont pas faim? Il est honteux d'entendre des Canadiens tenir de tels propos. Vous dites que c'est une question de responsabilité parentale. Peut-être, mais que faire dans le cas des enfants qui ont faim parce que leurs parents n'assument pas leurs responsabilités à leur égard? Allez-vous les laisser dans cette situation simplement parce que vous n'aimez pas la façon dont. . .

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Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Je rappelle aux députés qu'ils doivent s'adresser à la présidence et je demanderais au député de Saskatoon-Clark's Crossing d'abréger.

M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, veuillez m'excuser si je me mets en colère mais je vois tous les jours des enfants pauvres dans ma circonscription et je trouve aberrant qu'on ne prenne pas les moyens voulus pour remédier à leur triste situation. Ces enfants ont faim et ils ont besoin d'aide immédiatement, non pas dans 10 ans.

Nous devons nous engager collectivement à résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Certains enfants sont pauvres parce qu'ils sont nés de parents pauvres. Ils n'ont pas choisi leur état, mais c'est ainsi.

Le député trouve peut-être cela drôle, mais ce ne l'est pas. Nous connaissons un grave problème de la faim au Canada et il devrait le prendre au sérieux et non pas à la légère comme il le fait.

Les Canadiens doivent s'engager collectivement à créer des emplois. Qutre millions d'entre eux sont pauvres parce qu'ils n'ont pas d'emplois. Nous devons procéder à une réforme fiscale réelle et progressiste qui donnera au Canada les moyens de lutter contre la pauvreté. Nous devons modifier nos politiques commerciale et monétaire afin de pouvoir résoudre les problèmes de la pauvreté chez les enfants. Si nous ne nous attaquons pas avec détermination à ces problèmes réels, nous ne trouverons pas la vraie solution.

Nous connaissons sans doute tous des enfants pauvres. Nous savons quelle souffrance, quelle faim ils doivent supporter et nous nous devons de les traiter le plus humainement possible et de leur prodiguer les meilleurs soins possibles. Ils n'ont pas besoin d'un débat idéologique mais de réponses. Ils ont besoin de nourriture et de soutien. J'aurais souhaité que le Parti réformiste appuie cette motion pour qu'elle puisse faire l'objet d'un vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 18 h 52 et qu'il n'y a plus de députés voulant prendre la parole au cours du débat d'ajournement, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 52.)