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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 7 octobre 1994

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

    Reprise de l'étude de la motion 6699
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 6699
    M. White (North Vancouver) 6705

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE MOIS NATIONAL DE SENSIBILISATION AU LUPUS

LA DETTE NATIONALE

LE DÉPUTÉ DE BONAVENTURE-ÎLES-DE-LA-MADELEINE

L'UNITÉ NATIONALE

L'OCTOBERFEST DE ST. CATHARINES

LE SIDA

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

LE CANCER DU SEIN

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 6708

LE MULTICULTURALISME

LES SOCIÉTÉS D'AIDE AUX ENTREPRISES

LE SIDA

LA POLITIQUE SOCIALE

LE BLOC QUÉBÉCOIS

LA RÉFORME DE LA POLITIQUE SOCIALE

L'EMPLOI

LE COMMERCE INTERNATIONAL

ST. ANDREWS

QUESTIONS ORALES

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6710
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6711
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6711
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6711
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6712
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6712
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6712
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6713
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6713
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6713
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6713
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6714
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6714
    M. White (North Vancouver) 6714
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6714
    M. White (North Vancouver) 6715
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6715
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6715
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6715
    M. Harper (Churchill) 6715
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6715

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Harper (Calgary-Ouest) 6716
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6716
    M. Harper (Calgary-Ouest) 6716
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6716

LES TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6717
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6717
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 6717
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6717

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

LE CODE CRIMINEL

LES ANCIENS COMBATTANTS

AFFAIRES COURANTES

LA DÉFENSE NATIONALE

LES ENTREPRISES CANADIENNES EN AFRIQUE DU SUD

    Mme Stewart (Northumberland) 6719

L'ÉRYTHRÉE, L'ÉTHIOPIE ET L'ÉGYPTE

    Mme Stewart (Northumberland) 6719

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

    M. Gauthier (Ottawa-Vanier) 6721

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

AFFAIRES AUTOCHTONES ET DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

    M. Harper (Churchill) 6722

LA LOI SUR LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

    Projet de loi C-54. Adoption des motions portant présentation et première lecture 6722
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6722

LOI SUR L'OFFICE DES DROITS DE SURFACE DU YUKON

    Projet de loi C-55. Adoption des motions portant présentation et première lecture 6722

LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES

    Projet de loi C-283. Adoption des motions portant présentation et première lecture 6722
    M. Gauthier (Ottawa-Vanier) 6722

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Motion portant adoption 6722
    Adoption de la motion 6722

EXAMEN DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

    Adoption de la motion 6722

PÊCHES ET OCÉANS

    Adoption de la motion 6722

PÉTITIONS

L'ÉTHANOL

LA VIOLENCE DANS LES MÉDIAS

LES PERSONNES ÂGÉES

LES DROITS DE LA PERSONNE

L'ÉTHANOL

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. White (North Vancouver) 6723

LA JUSTICE

LE SUICIDE ASSISTÉ

L'AVORTEMENT

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LE SUICIDE ASSISTÉ

LE JEU DU TUEUR EN SÉRIE

QUESTIONS AU FEUILLETON

MOTION PORTANT PROLONGATION DE LA SÉANCE

    Adoption de la motion 6725

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

    Reprise de l'étude de la motion. 6725
    M. White (North Vancouver) 6733
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6734
    M. White (North Vancouver) 6734
    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 6737

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUSCONDITION

    Projet de loi C-240. Reprise de l'étude de la motionportant deuxième lecture 6739
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 6740
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 6742

6699


CHAMBRE DES COMMUNES

Le vendredi 7 octobre 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 6 octobre, de la motion.

M. Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je tiens à signaler à la Chambre que, conformément au paragraphe 43(2) du Règlement, le secrétaire parlementaire interviendra pendant la période normalement prévue de vingt minutes. Tous les autres orateurs qui prendront la parole au nom du gouvernement, aujourd'hui et durant le reste du débat, partageront cette période avec un collègue, à raison de dix minutes chacun.

M. Silye: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Nous avons terminé hier en annonçant que, en vertu du paragraphe 43(2) du Règlement, nous allions partager notre temps. Nous étions les derniers à intervenir, hier soir. Le député d'Edmonton-Sud-Ouest a parlé pendant dix minutes et son discours a été suivi d'une période de cinq minutes réservée aux questions et observations. Je crois que nous devrions être les premiers aujourd'hui à prendre la parole pour épuiser le temps qui nous restait hier.

(1005)

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour parler de cet examen de la politique sociale, de ce document de travail, du plan libéral déposé par le ministre du Développement des ressources humaines.

À l'heure actuelle, les Canadiens ont très peu confiance dans le processus politique. Ils attendent des politiques qu'ils soient précis, et qu'ils montrent qu'ils savent au moins ce qu'ils font. À cet égard, la prestation du gouvernement est loin d'être brillante. Il se contente de nous présenter un document de travail qui essaie vaguement de réformer un système social qui s'effondre.

Le ministre reconnaît l'évidence, c'est-à-dire un besoindésespéré de changement, mais comment allons-nous faire? Nous avons des opinions tout à fait divergentes là-dessus. Je voudrais être saisie d'un plan qui recommande des modifications courageuses et créatives, mais le ministre préfère manifestement consulter, discuter, examiner et étudier une autre année encore avant de procéder à une modification quelconque.

Pour ajouter à la confusion que suscite le plan libéral de réforme sociale, il y a les torts causés par des détails dont la presse a eu vent au sujet de compressions de sept milliards de dollars dans les programmes de soutien. L'accord libéral a maintenant été réduit à une simple question d'argent. Il n'y a pas de chiffres dans ce plan qui viennent appuyer les arguments que le gouvernement pourrait invoquer pour se défendre face à cette remise en question de sa crédibilité.

Comment le ministre peut-il, en toute conscience, poursuivre ce processus de consultation, tant qu'on n'a pas répondu à toutes les questions et fourni des chiffres précis pour prouver la justesse de sa façon d'aborder la réforme sociale?

Le gouvernement continue de dépenser les deniers publics en donnant l'impression d'agir, mais à la manière libérale toujours, c'est-à-dire en continuant de dépasser les budgets et de ne rien faire pour réduire le déficit ou l'endettement du Canada.

Le Parti réformiste a toujours été en faveur d'écouter les Canadiens, ce que nous appelons la base. Nous écoutons ce qu'ils ont à dire et nous essayons d'être à la hauteur de leurs attentes.

Les Canadiens sont tout à fait clairs. Ils veulent que le gouvernement donne l'exemple et ils le mettent au défi de présenter une véritable mesure législative pour réformer le filet de sécurité sociale qui est terriblement mal en point à cause du gaspillage. Nous ne pouvons plus attendre. La dette et le déficit du Canada constituent un boulet pour les contribuables canadiens.

Le gouvernement dépense chaque jour 110 millions de dollars de plus qu'il ne reçoit pour des programmes désuets et mal orientés, des programmes qui ne rallient plus la confiance ni l'appui des Canadiens. Étant donné cet état d'esprit, le gouvernement a maintenant une excellente occasion de commencer à réformer le système pour donner plutôt l'argent aux gens qui en ont vraiment besoin.

Le Parti réformiste croit que les Canadiens sont notre ressource la plus précieuse et que le développement de la connaissance, des compétences et des relations humaines constitue la clé qui nous permettra de jouer pleinement notre rôle au XXIe siècle.

Nous croyons à la valeur et à la dignité de la personne humaine, ainsi qu'à l'importance de renforcer et de protéger l'unité familiale essentielle au bien-être des Canadiens, en tant qu'individus et membres de la société.

À la page 9 du document de travail, on peut lire ceci: «Comme trop de travailleurs âgés et de jeunes familles ont été exclus de la classe moyenne, notre société s'est polarisée de plus en plus: d'un côté, les personnes instruites et très qualifiées que demandent les employeurs, l'élite économique d'aujourd'hui; de l'autre, les personnes peu scolarisées et sans compétences spéciali-


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sées, ou aux qualifications dépassées, qui perdent du terrain. Comme on le voit, la lutte contre l'insécurité sociale peut se résumer en quelques mots: aider les gens à trouver et à conserver un emploi.»

Comment les libéraux entendent-ils concrètement aider les gens à retourner sur le marché du travail? Il est évident que le standard de vie de la famille moyenne canadienne est à la baisse, même dans les foyers où les deux conjoints sont des salariés. Le nombre de personnes vivant dans la pauvreté augmente et, au sein de ce groupe, le nombre de personnes travaillant à temps plein, mais se trouvant néanmoins dans le dénuement, augmente encore plus rapidement.

Le nombre de chômeurs, même si on considère les travailleurs à temps partiel comme des travailleurs à temps plein et si on exclut les 100 000 sans-travail qui sont trop découragés pour chercher un emploi, atteint le chiffre scandaleux de 1,1 million de Canadiens. Il est grand temps de s'attaquer à la racine du problème qui assaille les familles canadiennes et leurs enfants.

Le problème tient essentiellement à l'état de nos finances. S'il y a tant d'enfants qui sont déclarés comme vivant dans la pauvreté, c'est que beaucoup d'entre eux sont nés de parents qui sont des chômeurs. Le taux de chômage reste supérieur à 10 p. 100 de la population canadienne. Même si les libéraux ont englouti des milliards de dollars dans le prétendu programme d'infrastructure, le taux de chômage n'a baissé que de deux dixièmes de point.

Pourquoi le programme d'infrastructure ne fonctionne-t-il pas? Le gouvernement affecte pourtant des milliards de dollars à des projets d'infrastructure. Un an après les élections, nous voilà plus pauvres de plusieurs milliards de dollars, sans que le taux de chômage ne se soit modifié pour la peine.

Nous sommes aux prises avec une polarisation économique qui touche tout le monde.

(1010)

Les contribuables canadiens sont moins en mesure d'acheter les produits de la grande entreprise. Les perspectives d'expansion y sont donc peu nombreuses. Par conséquent, les riches se voient offrir moins de possibilités d'investissement. Il s'ensuit aussi que le marché de l'emploi est moins prometteur. Il y a actuellement moins d'argent affecté à des projets courants et les cycles d'investissement sont au ralenti. Les salaires font l'objet de pressions négatives. En somme, l'emploi se raréfie. Qui en souffre? Nos familles.

Les libéraux s'accrochent au statu quo face au problème de l'emploi au Canada et cherchent à l'escamoter en le ramenant à la pauvreté chez les enfants. Les libéraux prétendent que les enfants canadiens vivent dans la pauvreté. Le mouvement Campagne 2000 a publié un rapport qui condamne le gouvernement et, indirectement, s'en prend à la compassion et à la générosité de la population. Certains ont prétendu que le taux de pauvreté chez nos enfants était plus élevé que celui de tous les autres pays, à l'exception des États-Unis. Les statistiques qu'on nous présente sans grand sérieux laissent croire que 20 p. 100 des enfants du Canada vivent dans la pauvreté. Une telle condamnation produit un effet dramatique dans l'esprit de ceux qui l'entendent. Ils voient des enfants vivant dans un état pitoyable, des enfants mal nourris, mal habillés, mal logés et mal aimés. Ces déclarations insouciantes ternissent l'image du Canada, tant chez nous qu'à l'étranger. Le chiffre de 20 p. 100 d'enfants vivant dans la pauvreté a été souvent répété, mais jamais clairement défini. Que signifie-t-il vraiment?

Dans son rapport, le Comité permanent de la santé, du bien-être social, des affaires sociales, du troisième âge et de la condition féminine affirme que les données de Statistique Canada sont continuellement et délibérément mal employées pour mesurer la pauvreté.

Lorsque les libéraux déclarent que 20 p. 100 des enfants canadiens vivent dans la pauvreté, ils utilisent le terme «pauvreté» dans un sens différent de celui que la population lui attribue en général. Voilà la source de la confusion. Le gouvernement perpétue sciemment cette confusion et trompe les Canadiens sur la nature du véritable problème. Il est peut-être plus aisé de créer un problème fictif que de régler celui qui existe vraiment.

Laissez-moi expliquer à la Chambre comment cette interprétation a été soigneusement et délibérément élaborée. Lorsque les libéraux parlent de pauvreté, ils décrivent une situation financière qui correspond au seuil de faible revenu tel que mesuré par Statistique Canada. Chaque année, Statistique Canada produit une série de seuils de faible revenu qui déterminent le revenu brut minimum au-dessous duquel les familles doivent consacrer une partie disproportionnée de leurs revenus à l'alimentation, à l'habitation et à l'habillement. Ces seuils sont souvent appelés seuils de pauvreté. Ils varient en fonction du nombre de personnes dans la famille et dans la collectivité, car ils doivent tenir compte de la variation du coût des dépenses essentielles. Statistique Canada considère que sous ces seuils, les gens vivent dans des circonstances contraignantes. Un enfant pauvre est donc celui qui vit dans une famille dont le revenu total se situe sous le seuil de faible revenu.

Lorsque Statistique Canada avance que 20 p. 100 des enfants vivent dans la pauvreté, cet organisme dit en fait que 20 p. 100 des enfants appartiennent à des familles vivant sous le seuil de faible revenu. Ce seuil est relatif et ne décrit absolument pas le niveau de vie réel. En fait, au Canada, 18 p. 100 des familles sous le seuil de faible revenu possèdent leur maison et n'ont plus de paiements d'hypothèque à faire. Voilà une question de responsabilité gouvernementale, mais aussi sociale. Mon parti est d'avis que le gouvernement a un rôle légitime à jouer et qu'il doit combler les besoins essentiels des gens lorsque ceux-ci ne peuvent le faire eux-mêmes ou obtenir l'aide d'organisations non gouvernementales.

La solution au régime dysfonctionnel de sécurité sociale du Canada, c'est moins d'ingérence de la part du gouvernement. Qu'il accorde une aide de façon sérieuse. Nous devons offrir des encouragements aux parents afin qu'ils fassent les meilleurs choix en ce qui concerne la garde de leurs enfants. Des politiques de sociologie appliquée qui obligent les parents à placer leurs enfants dans des garderies sont importunes et discriminatoires. Que le gouvernement traite toutes les familles équitablement et qu'il supprime l'allocation pour frais de garde.


6701

Qu'il aide les familles monoparentales en permettant à des agences de recouvrement privées de retrouver les parents qui prennent tous les moyens possibles pour ne pas verser leurs pensions alimentaires.

Que le gouvernement donne de bons emplois aux Canadiens et qu'il allège leur fardeau fiscal, ce qui créerait un climat favorisant l'initiative et l'investissement. Qu'il cesse de dépenser, équilibre le budget et commence à rembourser notre dette, qui dépasse maintenant 533 milliards de dollars.

Nous reconnaissons que, au nom de la réforme des programmes sociaux, le gouvernement a tenté d'offrir une certaine protection aux Canadiens, mais le document de travail n'est qu'un flot de belles paroles, renfermant beaucoup de mots, pas assez de chiffres, et dénué de tout plan.

M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours de la députée. J'ai une très brève question à lui poser.

Le parti de la députée a critiqué à maintes reprises tout ce que nous avons proposé jusqu'ici, et il en va de même pour la réforme des programmes sociaux. Il a dit, et je souligne que ses paroles figurent dans le hansard, qu'il ferait des compressions de 15 milliards de dollars. Où cela?

(1015)

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, je ne mâcherai pas mes mots en répondant ce matin à la question du député d'en face.

Tout ce que le Parti libéral a fait hier, pendant la période de questions, c'est de lancer des attaques contre les députés de l'opposition. Ceux-ci ont posé des questions pertinentes, mais ont constamment essuyé des attaques.

Je vais donner une réponse au député et lui demander d'examiner l'ensemble du tableau, car le gouvernement a déçu les Canadiens sur tous les plans: financier, social, économique et constitutionnel. Pour parler bien franchement, les Canadiens, tout comme moi, en ont marre d'une telle approche à la réforme des programmes sociaux dans notre pays. Voilà ma réponse.

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, je voudrais profiter de l'occasion pour féliciter le ministre du Développement des ressources humaines et le gouvernement de se charger d'une initiative fort importante. Cette initiative d'envergure historique est extrêmement importante pour la génération actuelle de Canadiens, car nous devons nous pencher sur l'évolution de la dynamique et la configuration de l'économie canadienne.

S'il y a une constante dans notre société, c'est bien le changement. Si nous jetons un coup d'oeil sur les changements sociaux, technologiques et économiques qui se sont opérés ces 30 dernières années, il s'ensuit logiquement que nos programmes sociaux, qui ont été mis en oeuvre il y a bien longtemps, doivent être modifiés pour être plus conformes à la réalité actuelle.

Nos programmes sociaux touchent chaque habitant dans notre pays. Ils touchent les députés, nos voisins, nos amis, les enfants. Ils touchent les jeunes qui, aujourd'hui, doivent se démener pour obtenir leur premier emploi important, pour obtenir le genre de formation dont ils ont besoin.

On retrouve, à l'origine de cette réforme et de cette nouvelle configuration des programmes sociaux, une notion très simple qui englobe tout cela. La meilleure forme de sécurité, pour les Canadiens, vient de l'emploi. C'est dans cet esprit qu'on a rédigé ce document de travail.

Les Canadiens veulent un emploi non seulement pour la sécurité économique, mais aussi pour le but et la dignité que cela leur donne. La Société catholique d'aide à l'enfance de la communauté urbaine de Toronto a très bien expliqué ce point dans le mémoire qu'elle a présenté au comité parlementaire plus tôt, cette année. Elle a dit que le travail donnait un sens à la vie des gens. Leur bien-être, leur contribution et leur participation à la vie sociale en dépendent. C'est pour cela que nous entreprenons une réforme du système de sécurité sociale.

Si occuper un emploi est la meilleure forme de sécurité qui soit, nos programmes sociaux devraient aider les gens à trouver du travail. L'assurance-chômage devrait être, en réalité, une assurance-emploi, un tremplin pour remettre les gens sur le marché du travail. Il faudrait évaluer les programmes d'emploi en fonction d'un seul critère, à savoir s'ils aident les gens à trouver du travail.

L'aide sociale devrait aider les gens à trouver du travail, pas les en empêcher. Il faut, bien sûr, fournir une telle aide aux personnes qui en ont besoin, mais les aider surtout à devenir autonomes. Ce n'est pas ainsi que le système fonctionne, à l'heure actuelle. Pour trop de gens, c'est exactement le contraire. Il devient donc plus difficile pour eux d'acquérir cette indépendance, d'avoir accès à la formation. Le système empêche les gens de progresser.

(1020 )

Le but de ce débat est d'examiner les vrais défis et les vrais problèmes des Canadiens.

Dans une lettre au ministre Axworthy, une divorcée, mère de deux enfants, raconte qu'elle a cherché à ne plus dépendre de l'aide sociale, mais que le système l'a laissé tomber. Elle écrit: «Il est vraiment anormal que j'aie dû quitter mon emploi pour prendre mieux soin de ma famille».

Un jeune homme écrit à quel point il est fier de ne pas dépendre de l'assurance-chômage. Il préfère occuper des emplois de courte durée pour améliorer ses perspectives d'emploi grâce à la formation ainsi reçue, formation qu'il n'a pas les moyens d'aller chercher à moins de cesser de travailler et de toucher des prestations d'assurance-chômage. Il écrit: «Dans le système actuel, il en coûte extrêmement cher pour conserver ses valeurs». Dans la situation actuelle, comment peut-on motiver les jeunes?

Un chômeur écrit qu'en raison des paperasseries administratives, il n'a pu recevoir à temps la formation dont il a besoin et que ses prestations d'assurance-chômage sont épuisées, tout comme ses économies.

Une jeune femme qui a perdu son emploi écrit au sujet des programmes qui semblent inadéquats et inefficaces. Elle dit qu'après avoir passé un an dans le système, elle n'était pas plus avancée pour trouver un emploi qu'au premier jour.


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Un athlète handicapé parle avec enthousiasme de projets qui lui permettront de ne plus dépendre de l'aide sociale et de lancer sa propre entreprise. Il se dit frustré du fait que les règles qui régissent l'aide sociale l'empêche d'amasser les fonds dont il a besoin pour mettre sur pied son entreprise.

Le statu quo fonctionne-t-il pour ces gens? Le système fonctionne-t-il pour ces gens? Le système, qui est censé aider ces gens, les empêche-t-il, en fait, d'apporter des changements positifs dans leur vie?

Nous avions la possibilité de faire ce que les gouvernements précédents ont fait et éviter ce débat très difficile, mais nous avons décidé de demander aux Canadiens et à la Chambre de relever le défi et de changer la vie des gens en les dotant de meilleurs outils. Nous voulons changer la vie des gens et de leurs enfants.

Les Canadiens, partout où je vais au Canada-dans chaque ville, chaque village, chaque rue ou avenue de notre pays-veulent des changements. Nous avons la responsabilité d'apporter ces changements. Nous avons la responsabilité de donner le feu vert à nos jeunes et non un avis de renvoi. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que les gens ne dépendent plus de l'aide sociale, mais travaillent. Et c'est là tout l'objet de ce débat.

Il est clair que le système actuel est inefficace. Nous pouvons ou bien rester sans réagir aux changements qui se produisent tout autour de nous ou bien prendre des décisions difficiles et inviter les Canadiens à débattre de façon valable du type de système de sécurité sociale qu'ils veulent.

Je voudrais parler en particulier des propositions autour desquelles tourne ce débat: investir davantage dans nos ressources humaines en mettant à leur disposition de meilleurs programmes d'emploi, donner au programme d'assurance-chômage une nouvelle orientation qui permette aux gens de trouver du travail, aider les parents à trouver un équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle en prenant certaines mesures, comme le financement de meilleurs services de garderie.

(1025)

Ne négligeons pas les enfants. Donnons-leur des perspectives d'avenir. Partons du bon pied. Donnons aux jeunes, à nos enfants, l'appui dont ils ont besoin pour partir sur le bon pied de façon à ce qu'ils puissent envisager l'avenir avec confiance. Donnons-leur les outils, l'éducation et l'amour dont tant de ces enfants ont besoin. Prononçons-nous en faveur d'un système d'aide sociale qui ouvre des perspectives et qui permette d'espérer au lieu d'enfermer les gens dans cet état de dépendance et de maintenir tant d'enfants dans la pauvreté.

Le député du Parti réformiste cherche à m'interrompre. Le Parti réformiste devrait jouer franc jeu avec les Canadiens. La seule chose qu'ils ont proposée durant ce débat est d'éradiquer la pauvreté dans notre pays en en abaissant le seuil. C'est une façon bien simpliste de participer à ce débat très important.

En ce qui concerne la question des programmes d'emploi, le gouvernement fédéral consacre plus de 3 milliards de dollars à des programmes et services comme l'orientation professionnelle, la formation et l'information sur le marché du travail. C'est ou cela devrait être un bon investissement. Cela devrait aider les gens à retrouver un emploi rémunéré et à ne plus dépendre de l'assurance-chômage ou de l'aide sociale. Cependant, beaucoup trop de gens se retrouvent dans des programmes qui n'ont rien ou guère à voir avec les débouchés ou leurs besoins. Beaucoup de gens reçoivent une formation qui les prépare à des emplois inexistants sur le marché local. Beaucoup de gens passent d'un programme de formation à l'autre alors que tout ce dont ils ont réellement besoin, c'est d'une orientation de base et de conseils quant aux emplois disponibles.

Il s'agit de mettre en place un système souple. Les programmes sociaux devraient servir les gens, et non le contraire. On devrait concevoir les programmes en fonction de leurs besoins. Les programmes devraient être organisés de façon à permettre aux gens d'accéder à la formation et être suffisamment souples pour leur permettre de passer d'un programme à l'autre afin d'acquérir les compétences voulues pour participer pleinement à l'activité économique nationale.

Seulement 10 p. 100 de tous les prestataires d'assurance-chômage bénéficient de services d'orientation. Il faut changer cela. Nous devons offrir aux Canadiens plus de possibilités, un menu plus étoffé. Il arrive que des personnes inscrites à des programmes de formation aient plutôt besoin d'orientation et d'un plan d'action personnel. Il faut leur donner une meilleure information sur le marché du travail, leur dire où sont les emplois et dans quel domaine ils devraient acquérir une formation. Les gens doivent également connaître les possibilités d'emploi du marché actuel et pouvoir acquérir les ressources nécessaires pour réintégrer le marché du travail.

Le plan d'action dont nous parlons devrait reposer sur des programmes plus souples. Comme je l'ai dit, les gens doivent avoir une bonne information au sujet du marché du travail et bénéficier de programmes de formation plus accessibles; il faut leur offrir une formation variée, hors du cadre de travail ou en cours d'emploi, une formation assistée par ordinateur et une formation à distance afin qu'ils aient accès aux ressources les mieux adaptées à leur situation au sein de leur communauté.

Je voudrais maintenant parler des mesures visant à encourager l'embauche de chômeurs. Dans certains cas, le gouvernement pourrait payer une partie du salaire de chômeurs qui ont besoin d'acquérir de l'expérience et une formation en cours d'emploi. Il serait alors plus facile pour les employeurs d'embaucher des gens qui présentent des problèmes d'emploi. Le gouvernement pourrait aussi contribuer à la rémunération de chômeurs qui seraient affectés à des travaux utilitaires au sein de leur communauté ou encore aider des chômeurs à lancer leur propre entreprise en utilisant les ressources qui leur sont disponibles. Nous devons mettre davantage l'accent sur les résultats, faire en sorte que les gens obtiennent l'aide dont ils ont besoin pour trouver du travail. Il faudra pour cela renoncer à l'établissement de règles et procédures rigides à Ottawa et faire preuve d'une plus grande souplesse en laissant les localités gérer leurs propres programmes, puisque les entreprises, les travailleurs et autres membres de la collectivité sont souvent mieux placés pour décider des programmes qui leur conviennent. Nous devons accorder la liberté d'action aux communautés et à leurs membres et en faire une réalité à l'échelle nationale. C'est de loin la meilleure façon de régler les problèmes qui nous attendent.

(1030)

Trouvons une façon d'améliorer la coopération avec les provinces. Créons un système à guichet unique, de sorte que les gens n'aient pas à passer par sept, huit, neuf ou dix bureaux différents


6703

pour savoir qui s'occupe d'eux en ces temps difficiles de chômage et de restructuration de la société.

Créons des guichets uniques en collaboration avec les provinces et les localités. Tendons la main aux communautés et utilisons les ressources dont nous disposons pour faire en sorte que les gens reçoivent de meilleurs services, une aide de meilleure qualité, qu'ils aient accès à un système plus efficace qui les aidera à relever les défis auxquels ils font face.

Par ailleurs, les discussions avec les provinces pourraient viser à améliorer le programme fédéral de réadaptation professionnelle des personnes handicapées. Cet exercice doit tendre à optimaliser le potentiel humain et à doter notre pays de la main-d'oeuvre la plus compétente possible afin de rendre notre pays attrayant pour les gens et les entreprises. Nous attirerons les investissements et serons en mesure de créer un milieu des affaires dynamique qui engendrera la prospérité chez nous.

C'est en partie en améliorant le programme d'assurance-chômage que nous pourrons améliorer les programmes d'emploi. Le programme d'assurance-chômage est efficace pour les personnes qui ont besoin d'un soutien à court terme tout en cherchant un emploi, mais il n'est pas efficace pour ceux qui ont besoin d'aide pour s'adapter aux changements du marché du travail.

Les Canadiens qui se retrouvent fréquemment au chômage ont besoin d'un soutien plus efficace pour trouver et garder des emplois. Le programme a souvent pour effet de décourager l'adaptation au marché. Certains chômeurs ne trouvent aucun incitatif à acquérir de nouvelles compétences recherchées par les employeurs.

Le programme fait l'objet de fréquents abus. Certains travailleurs et employeurs planifient leur calendrier de travail en fonction du programme d'assurance-chômage et font de l'alternance emploi et prestations d'assurance-chômage un mode de vie. De nombreux travailleurs canadiens, notamment ceux qui ont des emplois à temps partiel et les travailleurs autonomes ne sont aucunement protégés par le programme actuel.

Que penser d'une société où, d'une part, on propose d'encourager les gens à se mettre à leur compte et de promouvoir l'esprit d'entreprise, mais où, d'autre part, on ne fournit pas les mécanismes d'aide nécessaires pour que les entreprises prospèrent.

Le document de travail donne deux propositions de base pour l'assurance-chômage. La première fonctionnerait à peu près comme maintenant, mais on y ajouterait un élément clé d'adaptation. Au cours des cinq dernières années, 40 p. 100 de tous les prestataires ont fait au moins trois demandes. Cela nous indique qu'il y a une relation entre l'individu et le marché du travail qui ne fonctionne pas. Que faire? Nous donnons aux gens une trousse d'outils qui leur permettra de retourner dans la population active. Il y a de nouveaux problèmes. Nous ne faisons rien pour régler le chômage cyclique, nous ne voyons que le chômage structurel. L'assurance-chômage telle qu'elle est ne peut pas survivre à la nouvelle réalité, à la nouvelle économie. Nous devons la changer, et c'est ce que nous proposons dans le document de travail.

(1035)

Il y a bien des options à explorer. Par exemple, il faudrait décider combien de temps les gens peuvent obtenir des prestations et jusqu'à concurrence de quel montant. Deux des questions les plus difficiles seraient celles-ci:

Les prestations devraient-elles être basées sur le revenu, de sorte que le montant qu'une personne recevrait dépendrait des autres revenus familiaux disponibles? C'est une question dont il faut débattre publiquement.

Est-il juste qu'une personne qui gagne 40 000 ou 50 000 dollars en huit mois, reçoive des prestations d'assurance-chômage? Est-il juste qu'une personne qui travaille 12 mois sur 12 et gagne 18 000 ou 20 000 dollars subventionne ainsi cette autre personne? Est-ce juste?

Des voix: Non, ce n'est pas juste.

M. Bevilacqua: Faut-il en parler?

Des voix: Certainement.

M. Bevilacqua: Oui, il faut en parler, et c'est pour cela que le gouvernement l'a mis dans son document de travail.

La deuxième approche ne ferait pas de distinction entre les utilisateurs fréquents ou occasionnels. Elle modifierait simplement les conditions d'admissibilité et les prestations disponibles pour tous les demandeurs. Cela pourrait signifier une augmentation de la durée pendant laquelle un personne doit travailler avant d'avoir droit à des prestations, ou une diminution du montant versé aux prestataires.

Cette méthode pourrait économiser de l'argent qui pourrait être réinvesti dans des services d'emploi. Toutefois, il me semble que cette méthode ne s'attaque pas au vrai problème, celui des gens qui ont du mal à trouver et à garder un emploi. Quelle que soit la méthode choisie, il faudra considérer les besoins des personnes qui ont des emplois non standard.

Il y a aujourd'hui beaucoup plus de gens qui ont des emplois temporaires ou à temps partiel, parfois plus d'un. Il y a aussi plus de gens à leur compte. Beaucoup ne sont pas entièrement couverts par l'assurance-chômage, d'autres sont totalement exclus. Si la tendance actuelle se poursuit, ces emplois ne seront plus «non standard», ils deviendront la nouvelle norme. Donc, si le programme d'assurance-chômage doit continuer de répondre aux besoins des Canadiens, nous devrons nous demander où entreront ces nouveaux types d'emplois.

Le document de travail parle aussi de la garde des enfants et de la restructuration et de la modernisation du système canadien de sécurité sociale. Il y a beaucoup de questions qui appellent une réponse. Je demande aux députés et je demande aux Canadiens, qui devraient discuter de ces questions à leur table de cuisine, de participer à ce débat historique de façon à ce que nous puissions apporter des changements positifs à la façon dont les gens vivent.


6704

[Français]

M. André Caron (Jonquière): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention le discours du secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines. J'y ai vu beaucoup de bonnes intentions, j'ai entendu beaucoup de mots, mais j'aurais aimé avoir des chiffres et des propositions claires.

J'aurais aimé que l'honorable secrétaire parlementaire nous dise les montants des coupures qui vont être effectuées dans les programmes d'emploi, dans les programmes d'aide aux étudiants, dans les programmes de sécurité du revenu pour les plus démunis de notre société. J'aurais aimé avoir des chiffres.

Il y a des chiffres qui sont sortis, lors du Budget que nous a présenté le ministre des Finances; on parlait de milliards de dollars. J'aurais aimé que le secrétaire parlementaire nous fasse la grâce de nous énumérer les propositions gouvernementales, en tout cas celles dont on nous parle dans le document. Si cela signifie 3, 4 ou 5 milliards de dollars de moins d'investis par les gouvernements dans les programmes sociaux, j'aurais aimé qu'il nous le dise. Je pense que cela aurait été la moindre des choses face à la Chambre.

(1040)

J'aurais aimé aussi qu'il nous parle un petit peu plus de l'implication des propositions du ministre concernant les juridictions provinciales. On nous amène dans une vaste querelle fédérale-provinciale. Je vous dirai que, comme souverainiste québécois, je n'en suis pas fâché, parce que je considère que le gouvernement fédéral et l'État du Québec ont des objectifs différents et qu'ils devraient avoir leur propre politique. Quand je vois l'État fédéral envahir massivement les juridictions provinciales, cela ne fait que confirmer mes objectifs en ce qui concerne la souveraineté du Québec. Je devrais m'en féliciter mais, dans un sens, j'en suis un peu triste parce que, encore une fois, les démunis de notre société, que ce soit au Canada ou au Québec, vont attendre, vont être témoins, vont assister à des discussions, mais ils ne verront aucune solution poindre à l'horizon.

En somme, j'aurais aimé aussi enfin avoir des propositions claires. Pour le fond, le ministre nous convie à une vaste opération d'échanges, de discours; il nous convie presque à l'émission Parler pour parler. Pendant six mois, les Canadiens et les Québécois vont parler de la proposition du ministre, mais aucune solution ne sera mise de l'avant. J'aurais aimé qu'on nous dise: «Comme gouvernement, nous proposons telle chose pour l'emploi; nous proposons telle chose en ce qui concerne le chômage; nous proposons telle chose en ce qui concerne les montants qui seront investis dans la sécurité du revenu.» On ne nous propose rien. On nous invite à la conversation; on nous invite à discuter entre nous. C'était la réflexion que je voulais faire.

Maintenant, j'aimerais poser une question au secrétaire parlementaire. Je ne vois aucune proposition précise dans le document en ce qui concerne l'emploi. Pourtant, le secrétaire parlementaire nous a bien dit qu'il y avait actuellement des emplois au Canada qui n'étaient pas comblés, parce que nos citoyens manquent de formation. J'aimerais qu'il nous dise concrètement dans quel journal, aujourd'hui, que ce soit au Canada anglais ou au Québec, trouve-t-on des pages et des pages d'offres d'emploi qui ne seraient pas comblées à cause d'un manque de compétence. Ce n'est pas ce qu'on trouve dans les journaux. Ce qu'on y voit, c'est qu'il y a 10 à 12 p. 100 de chômage et que les citoyens réclament de la formation, mais qu'ils n'en reçoivent pas.

Dans le fond, on est dans une société où on nous dit: «On va vous aider à vous trouver un emploi», mais personne ne voit, avec évidence, que ces emplois sont tellement nombreux.

Alors, j'aimerais que le secrétaire parlementaire m'éclaire sur cette question. Quel journal devrais-je dire à mes commettants de Jonquière de consulter pour trouver des offres d'emploi si évidentes que ça au Canada?

[Traduction]

M. Bevilacqua: Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement les propos du député. Je suis en désaccord avec ce qu'il a dit au sujet des relations fédérales-provinciales.

Si le député voulait bien prendre le temps de lire le programme présenté par le gouvernement fédéral, il verrait que le fédéral est un gouvernement plein de sollicitude pour les provinces et qu'il se propose de les aider de nombreuses manières.

Nous avons une proposition fédérale en matière de gestion et de planification du marché du travail que le député s'en voudrait de ne pas appuyer au Québec, j'en suis certain. En effet, cette approche favorise un guichet unique en vue d'accroître l'efficacité de notre système et de réduire le gaspillage et le double emploi que l'on retrouve souvent dans nos programmes fédéraux-provinciaux.

Pour ce qui est des chiffres, le député n'a qu'à relire cette partie du document. Ils sont dans le livre vert. C'est parfaitement clair. Nous en avons parlé dans le dernier budget. Le député sait que nous avons prévu de réduire le budget de l'assurance-chômage de 2,4 milliards de dollars. Cela figure dans le document. Le gouvernement a été élu sur la promesse de ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB. C'est dans le livre.

(1045)

Nous sommes très francs avec les Canadiens. En ce qui concerne la création d'emplois, je trouve très ironique que nous en ayons créé plus de 275 000. Rien n'illustre mieux le succès de notre gouvernement que ce que nous avons été capables d'accomplir dans la circonscription de la députée qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de développement des ressources humaines. Lorsqu'elle a été élue en octobre, le taux de chômage dans sa circonscription était de 12,3 p. 100. J'ai le plaisir d'annoncer à la Chambre des communes qu'il n'est plus que de 9,1 p. 100. Je n'entends pas beaucoup de félicitations venant du Bloc québécois. Et pourtant les députés d'en face prennent la parole jour après jour.

Pour ce qui est de la création d'emplois, le Québec arrive au second rang au Canada. Cela illustre bien le genre de programmes instaurés par notre gouvernement pour améliorer la vie des Québécois.


6705

Pour connaître la philosophie sous-jacente du gouvernement, il suffit de se référer au type de mesures législatives que nous avons déjà présentées à cette Chambre. Qu'on songe au projet de loi sur les prêts aux étudiants, qui a été approuvé par la Chambre et qui comporte des dispositions prévoyant l'octroi de subventions spéciales aux handicapés, aux femmes inscrites à des programmes de doctorat et aux étudiants à faibles revenus ayant grandement besoin d'aide financière. Nous avons également introduit la notion de report des paiements pour les étudiants qui, à la fin de leurs études, doivent plus de 22 000 $ et dont la dette peut être réduite de 6 000 $ par le gouvernement fédéral. À mon avis, toutes ces mesures montrent bien dans quel esprit nous oeuvrons.

Parlons maintenant des modifications à l'assurance-chômage que nous avons annoncées dans le dernier budget. Les salariés à faible revenu avec des personnes à charge ont maintenant droit au taux de prestations d'assurance-chômage le plus élevé, soit 60 p. 100, et 27 000 Canadiens ont bénéficié de cette modification.

Je me demande où la députée se trouvait ces derniers mois, car elle semble ignorer que nous n'avons pas perdu de temps pour agir, depuis le 25 octobre où la population canadienne nous a massivement confié un mandat. Nous avons procédé avec célérité pour légiférer afin d'améliorer la qualité de vie dans toutes les provinces, y compris le Québec.

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, j'ai relevé avec intérêt dans le discours du député qu'il faudrait peut-être tenir compte de l'importance du revenu familial quand il est question de services sociaux. Je considère cette idée excellente.

Le principal problème auquel nous serons confrontés à la fin de ce processus, c'est que la plupart des députés ne pourront pas se prononcer librement sur un éventuel projet de loi du gouvernement. Ils devront suivre la ligne de leur parti, peu importe le résultat de la consultation menée dans les circonscriptions. Je rappelle aux députés que, étant originaire de la Nouvelle-Zélande, j'ai vu ce qui arrive quand la consultation se poursuit sans cesse.

Le député peut-il nous dire s'il assume la responsabilité de dire à ses électeurs que tous les programmes sociaux entraînent un coût phénoménal?

M. Bevilacqua: Monsieur le Président, je vais m'engager dans un vaste programme de consultation dans ma circonscription. Je suis très fier de pouvoir faire valoir les opinions de mes électeurs.

En ce qui concerne la question du vote libre, je n'ai jamais vu un grand nombre des collègues du député se prononcer contre la position de leur parti. Ils se lèvent tous en même temps. Mettons la question de principe de côté un instant et admettons donc que le Parti réformiste se comporte plus ou moins comme les partis traditionnels.

Mme Elsie Wayne (Saint John): Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir sur cette question très importante.

À l'instar de nombreux autres députés, je reconnais qu'il faut revoir notre filet de sécurité sociale. Cette réforme s'impose pour plusieurs raisons. Nous vivons dans un monde où augmente sans cesse le nombre d'emplois qui exigent de plus en plus de compétences. En même temps, nous assistons à une évolution technologique accélérée et au vieillissement de notre main-d'oeuvre.

(1050)

Dans notre société, la rupture des mariages est fréquente et mène souvent à la pauvreté. C'est pourquoi je préconise énergiquement le retour aux valeurs familiales et aux politiques traditionnelles qui aident les familles à rester unies. Nous vivons dans notre société où ceux qui sont dans le besoin peuvent de moins en moins compter sur leurs proches.

Les programmes de sécurité du revenu actuellement en vigueur au Canada ont été mis en place à une époque où, peu importaient les compétences, le chômage était de nature temporaire, où les familles vivaient généralement du salaire d'un seul parent et où les enfants pauvres ne faisaient pas l'objet de débats et encore moins de statistiques.

La situation n'est plus la même depuis dix ans. Le gouvernement précédent a effectué des réformes pour aider les Canadiens à relever les défis d'aujourd'hui, des réformes visant à délaisser les programmes passifs de soutien du revenu pour investir activement dans le capital humain. Ces réformes avaient pour but d'éliminer les barrières qui empêchaient un grand nombre de Canadiens d'entrer sur le marché du travail et de remplacer une série de programmes disparates par un système uniforme.

La politique sociale doit être conçue en fonction des gens, en particulier, des plus démunis. Compte tenu des impôts qu'ils ont déjà versés, les Canadiens devraient avoir droit à des programmes sociaux comptant parmi les plus généreux dans le monde. Notre défi consiste à utiliser l'argent déjà investi dans ce secteur pour établir les programmes les plus flexibles qui soient et faire en sorte que les bénéficiaires puissent toucher des prestations favorisant leur autonomie.

Nous devons encourager les Canadiens à briser le cycle de la dépendance et les aider à retrouver leur autonomie. À l'instar de nombreux Canadiens, je comprends que la qualité de ces programmes se détériorera si nous ne faisons rien. La politique sociale doit être modifiée en fonction de la réalité des années 1990 et du XXIe siècle, afin que tous les Canadiens aient pleine confiance en eux et puissent profiter des possibilités qui s'offrent à eux et relever les défis.

Dans les jours, les semaines et les mois à venir, je rencontrerai mes électeurs pour recueillir leurs opinions, mais pour l'instant, voici les premières réserves que j'ai à exprimer au sujet du livre vert. Je ne suis pas convaincue que le document de travail du gouvernement renferme une série cohérente de propositions qui nous orientera dans la voie où nous voulons aller.

Le temps qu'a mis le gouvernement pour préparer ce document de travail me préoccupe aussi beaucoup. Il devait le déposer au printemps. Selon le calendrier original des travaux, nous

6706

devrions être en train d'étudier le projet de loi. Pendant tout le temps que nous avons attendu et que nous perdons encore, des milliers de personnes et des milliers de femmes et de familles, malgré leur désir de ne plus toucher d'aide sociale, ne peuvent faire autrement, car ils perdraient leur assurance de frais dentaires et de frais médicaux.

En tant que députés, nous sommes souvent appelés à porter secours aux personnes en difficulté. Ces personnes ne s'inquiètent pas des tiraillements constitutionnels, comme la répartition des compétences. Je connais, par exemple, une famille qui a un enfant gravement handicapé. Par le passé, elle a pu compter sur l'aide du gouvernement pour satisfaire aux besoins de l'enfant, mais plus maintenant.

Les familles aux prises avec ce genre de problèmes s'attendent à ce que les gouvernements fédéral et provinciaux collaborent pour rationaliser les programmes et aider les plus démunis. Les parties du livre vert qui m'inquiètent le plus sont celles qui portent sur les changements proposés à l'assurance-chômage. Ce qui m'inquiète, c'est que le gouvernement a été incapable, dans son projet de régime à deux volets, de définir ce qu'est un prestataire fréquent.

Dans certaines régions du Canada atlantique, il y a des travailleurs qui peuvent être considérés comme des prestataires fréquents d'assurance-chômage. Ce n'est pas attribuable au fait qu'ils cherchent, ou que leurs employeurs cherchent, à frauder le système, mais plutôt au caractère très saisonnier de certains secteurs de notre économie. Les temps changent et les habitants du Canada atlantique ont besoin d'un programme cohérent qui leur aidera à s'adapter au changement. Ils n'ont surtout pas besoin de propositions qui les mèneront au bord du précipice.

La force du Canada a toujours reposé sur deux facteurs: une économie saine et un bon filet de sécurité sociale pour satisfaire aux besoins des Canadiens. Nous avons toujours été considérés comme des gens à l'esprit pratique qui savent progresser et s'adapter aux changements afin de maintenir leur niveau de vie élevé.

Je ne suis pas convaincue que nous y parviendrons avec les propositions du gouvernement. Certains l'ont déjà dit, mais permettez-moi de le répéter, car j'y crois beaucoup: une bonne politique économique et une bonne politique sociale vont de pair.

Nous devrions tous chercher à protéger les programmes qui fonctionnent et à modifier ceux qui ne fonctionnent pas. Nous devrions tous nous assurer que notre main-d'oeuvre reçoive la meilleure formation possible. Nous devrions tous veiller à ce que notre système d'éducation produise des diplômés aptes à profiter pleinement des possibilités qui s'offrent à eux dans une économie en constante évolution. Nous voulons des emplois bien rémunérables, à long terme, pour ces diplômés. Nous voulons un système d'enseignement qui encourage l'éducation permanente.

(1055)

Je ne crois pas que les Canadiens seront bien servis par une politique sociale incitant le gouvernement à emprunter des milliards de dollars et à augmenter le niveau d'imposition des Canadiens dans le seul but de maintenir un sentiment de sécurité faux et irréaliste. Ils ne seront pas mieux servis par une solution qui déchirera le tissu social. Il nous faut une solution raisonnable ayant comme mots clés: équité, efficacité, autosuffisance et dignité.

J'appuierai des propositions qui favoriseront une telle approche et rendront le système plus proactif. J'espère que le gouvernement agira avant qu'il ne soit trop tard et formulera ce genre de suggestions qui ne se trouvent malheureusement pas dans le document de travail diffusé hier. En fait, comme le disait un sage, «jamais un gouvernement n'aura mis tant de temps à dire si peu».

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je rappelle à la députée d'en face qu'il s'agit ici d'un document de travail. J'ai entendu depuis hier des choses qui me préoccupent vraiment. On fait beaucoup de politique partisane.

Si nous avons été élus cette fois-ci, c'est pour faire vraiment de notre mieux afin d'offrir des solutions véritables et applicables plutôt que de belles paroles, une politique attentiste et des critiques sournoises. Les députés n'ont pas fait beaucoup de propositions concrètes ni de propositions tout court avant que le gouvernement ne fasse de ce document sa politique officielle.

Je voudrais vraiment entendre des propositions concrètes. Je demande à la députée qui vient de parler avec tant de sincérité des propositions contenues dans le document ce qu'elle va faire pour s'assurer que ce document comporte de bonnes propositions.

Le vice-président: La députée pourra répondre à la question après la période des questions.

Comme il est 11 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés prévues à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE MOIS NATIONAL DE SENSIBILISATION AU LUPUS

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le Président, octobre a été proclamé Mois national de sensibilisation au lupus. Le lupus est une maladie auto-immune qui affecte des milliers de Canadiens et surtout de Canadiennes en âge de procréer.

La cause en est encore inconnue. Le gouvernement compte cette maladie au nombre de ses questions prioritaires concernant la santé des femmes. Voici une maladie qui affecte les femmes, dont le traitement est limité et sur laquelle la science médicale a encore beaucoup à apprendre.

J'encourage tous les députés à appuyer les nombreux groupes bénévoles qui travaillent à longueur d'année à aider et à soutenir les personnes qui souffrent de cette maladie.

Souhaitons tous ensemble nos meilleurs voeux de succès à Lupus Canada en ce mois de sensibilisation à cette maladie!


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LA DETTE NATIONALE

M. Ivan Grose (Oshawa): Monsieur le Président, je veux parler aujourd'hui d'une tactique agaçante que des députés d'en face reprennent tous les jours, à savoir donner le montant de la dette nationale et cela, au cent près.

Ces députés oublient d'énumérer les actifs qui équilibrent cette dette. Si on leur demandait de déclarer leur valeur personnelle nette, ils énuméreraient sans doute leur hypothèque, l'emprunt contracté pour l'achat de leur voiture, le solde de leur carte de crédit et peut-être même ce qu'ils doivent encore à leur tailleur pour les vêtements qu'ils ont sur le dos. Ils signaleraient sans doute ensuite leurs actifs, soit la partie de leur maison, de leur voiture et de leurs autres biens qu'ils ont déjà payée.

S'ils persistent à donner systématiquement le montant de la dette, j'énumérerai chaque fois, en toute équité, les actifs de notre pays, soit les avions, les trains, les navires, les autobus, les buffles et jusqu'à la dernière toilette publique.

Nous pourrions commencer par citer l'immeuble dans lequel nous nous trouvons et qui doit bien être payé à l'heure actuelle.

* * *

[Français]

LE DÉPUTÉ DE BONAVENTURE-ÎLES-DE-LA-MADELEINE

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, à notre grande surprise, le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine, spécialiste du Parti libéral pour les articles 31, s'est dissocié du caucus de son parti et a exprimé des réserves sur la réforme proposée des programmes sociaux. Il a dit et je cite: «J'ai certaines réserves en termes de formation professionnelle, etc.»

Pour marquer sa dissension et prendre ses distances envers son parti, le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine a rejoint un ami stratégique de son parti, le député de York-Sud-Weston qui déclarait, quant à lui, et je cite: «Pendant les dix ans que nous étions dans l'opposition officielle, nous avons accusé les conservateurs de réduire le déficit sur le dos des démunis, et nous faisons exactement la même chose.»

J'invite donc le numéro 31 du Parti libéral à faire attention à sa belle carrière, car de déroger ainsi à la ligne de son parti ne doit pas être de nature à plaire à son premier ministre, et caetera.

* * *

[Traduction]

L'UNITÉ NATIONALE

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan): Monsieur le Président, lundi soir, le Parti réformiste a entendu les opinions de milliers de Canadiens au cours d'une assemblée nationale électronique historique.

Contrairement au premier ministre, ces Canadiens sont disposés à envisager d'autres façons de résoudre le problème. Quatre-vingt-treize pour cent des 10 000 personnes au moins qui ont téléphoné veulent qu'on règle la question de l'unité nationale. Cinquante-sept pour cent estiment que le meilleur moyen d'y arriver consiste à modifier le système pour tout le Canada, ce changement devant venir des Canadiens eux-mêmes selon 92 p. 100 d'entre elles.

Le premier ministre voudra peut-être tenir compte de ces résultats, même s'il a déjà dit répugner à tenir des référendums. Il a déjà dit aussi que le Parti réformiste s'intéressait à cette question parce que ce parti échoue partout ailleurs.

D'après la définition du dictionnaire, un échec est un revers éprouvé par quelqu'un qui voit ses calculs déjoués, ses espérances trompées. Il apparaît donc que le mot s'applique davantage aux libéraux en rapport avec les mesures qu'ils prennent, lorsqu'ils en prennent.

* * *

L'OCTOBERFEST DE ST. CATHARINES

M. Walt Lastewka (St. Catharines): Monsieur le Président, l'automne est arrivé et, à St. Catharines, l'automne est synonyme d'Octoberfest.

Cette année, l'Octoberfest se déroulera du 15 au 23 octobre. Il y aura des événements spéciaux dans les clubs et les pubs locaux, ainsi qu'à l'hôtel de ville, à la bibliothèque Centennial et à bien d'autres endroits. Ces neuf jours de célébration à la bavaroise s'accompagnent de musique, de bouffe et d'une petite bière de temps à autre.

St. Catharines, qui en est cette année à sa 34e édition, est très fière d'être la ville canadienne qui célèbre l'Octoberfest depuis le plus longtemps.

Je tiens à féliciter tout particulièrement le St. Catharines Octoberfest-Pumpkinfest Committee ainsi que les nombreux bénévoles qui assurent le succès de ce grand événement.

J'invite tout le monde à se rendre à St. Catharines la semaine prochaine. Comme le disent le président Stephen Ruf et John Larocque de CHSC Morning Mayor: «Venez pour l'amitié, la musique, la bouffe et venez pour vous amuser.»

* * *

LE SIDA

Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre): Monsieur le Président, regardez les députés. Beaucoup portent des rubans rouges.

Le ruban rouge est devenu le symbole du sida, de la lutte contre cette tragique maladie. Il nous rappelle la mémoire des hommes, des femmes et des enfants qui ont été emportés par cette terrible maladie.

Dimanche dernier, j'ai participé à la huitième marche annuelle pour le sida à Vancouver. Des familles, des milliers d'hommes et de femmes et de personnes âgées ont marché pour recueillir les fonds qui font si cruellement défaut aux services communautaires et pour sensibiliser la population à cette tragique maladie. C'est une marche qui exprime la solidarité dans la lutte contre un


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virus qui ravage la planète, mais c'est aussi une marche qui célèbre le triomphe de la vie sur la mort, de la compassion sur les préjugés.

Il est triste de voir que certaines personnes ignorent toujours les origines du virus du sida. Ces gens stigmatisent et jugent ceux qui en sont les victimes et meurent. Par conséquent, en cette semaine de sensibilisation au sida, j'exhorte tous les Canadiens à lutter contre l'ignorance et les préjugés, et à porter le ruban rouge pour souligner le courage des personnes atteintes du sida, pour marquer leur respect de ceux qui en sont morts et pour exprimer l'espoir qu'un jour, le sida sera rayé de la planète.

* * *

[Français]

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, après l'épisode du référendum, le ministre des Affaires intergouvernementales poursuit ses frasques avec une habileté et une finesse d'esprit insoupçonnées de tous.

Cette fois-ci, l'incorrigible ministre nous livre ses réflexions quant à la formation de la main-d'oeuvre: il offre un demi-pain aux provinces et suggère que l'autre moitié soit négociée plus tard. Il n'en aurait pas fallu beaucoup plus pour qu'il ajoute: La mie pour le fédéral et les miettes pour les provinces.

Le ministre devrait pourtant comprendre cette expression bien québécoise: «On n'est pas né pour un petit pain.»

Sa volonté arrêtée de ne pas céder l'entière responsabilité de la formation de la main-d'oeuvre au Québec, au nom de normes nationales, est la réponse cavalière du gouvernement fédéral au large consensus exprimé par les Québécoises et les Québécois.

M'inspirant du célèbre personnage de bandes dessinées, Gaston Lagaffe, je dis au ministre: «M'enfin, continuez et merci!»

* * *

(1105)

[Traduction]

LE CANCER DU SEIN

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour exhorter la communauté médicale à mettre plus d'énergie dans la recherche sur le cancer du sein.

Les femmes veulent savoir pourquoi il faut tant de temps pour trouver les réponses aux questions sur le cancer du sein. Personne ne sait avec certitude quelles en sont les causes.

Les chercheurs continuent de mettre l'accent sur la recherche fondamentale, le traitement et le diagnostic. Nous devrions aller plus loin et rechercher les effets des produits toxiques présents dans l'environnement et les liens entre le tabac et le cancer du sein.

Je sais quelle peur horrible vous prend lorsque vous savez que vous avez peut-être une tumeur maligne. On ne peut pas se sentir plus seule qu'à ce moment. Rien ne peut faire plus peur et rien non plus ne peut calmer cette peur.

Nous ne devons jamais oublier qu'une femme sur neuf aura un jour le cancer du sein. Compte tenu du nombre de femmes ici présentes, cela veut dire que six d'entre nous seront frappées.

Octobre est le mois de la sensibilisation au cancer du sein. Il est temps de repenser nos priorités et de trouver un traitement.

* * *

LE MULTICULTURALISME

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): Monsieur le Président, demain sera le 23e anniversaire de l'adoption de la politique éclairée qui reconnaît la diversité culturelle du Canada et garantit la liberté culturelle à tous les Canadiens.

Le premier ministre de l'époque, M. Trudeau, déclarait à la Chambre qu'il ne peut pas y avoir une politique culturelle pour les Canadiens d'origine britannique et française, une autre pour les peuples autochtones et une troisième pour tous les autres.

La politique du multiculturalisme a été pensée pour intégrer, pas assimiler, tous les Canadiens à tous les aspects de la vie canadienne. Cette politique fait maintenant l'envie d'autres pays qui s'efforcent d'intégrer leurs minorités aux grands courants de leur société.

Aujourd'hui, le multiculturalisme demeure un facteur de ralliement à l'identité canadienne et un élément de cohésion sociale.

Réaffirmons, par cette politique, notre attachement à la diversité au sein de notre société. C'est là un atout pour l'ensemble du Canada, que nous souhaitons uni, fort et prospère pour longtemps.

* * *

LES SOCIÉTÉS D'AIDE AUX ENTREPRISES

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour souligner l'importance des sociétés d'aide aux entreprises. En même temps que nous envisageons une vaste réforme de nos programmes de développement des ressources humaines, il est essentiel que nous reconnaissions les programmes qui fonctionnent bien.

Depuis 1981, plus de 200 SAE ont consenti des prêts aux petites entreprises. En Ontario, 55 SAE ont accordé plus de 115 millions de dollars en prêts à presque 5 000 entreprises. Nous avons aujourd'hui des entreprises qui n'auraient jamais existé sans les SAE.

Sur le plan de la création d'emplois, l'impact a été plutôt impressionnant. En Ontario, le programme a créé 10 926 emplois à un coût moyen de 6 200 $ seulement. Ce qui est encore plus impressionnant, c'est que ces sociétés consentent des prêts qui ont été refusés par les prêteurs traditionnels et que ces prêts sont remboursés sans problème dans 93 p. 100 des cas.

Les SAE jouent un rôle important du point de vue de l'aide aux petites entreprises et de la création d'emplois. Elles méritent qu'on continue de les appuyer.

* * *

[Français]

LE SIDA

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, le SIDA est maintenant une réalité incontournable dans les sociétés québécoise et canadienne. Voilà déjà plus de dix ans que le premier cas de SIDA a été diagnostiqué à Montréal. L'épidémie du SIDA est loin de se résorber et elle atteint


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maintenant des clientèles que l'on croyait, jusqu'à maintenant, épargnées.

À ce jour, il n'existe malheureusement aucun remède efficace pour soulager les personnes atteintes. Seule la prévention peut enrayer la propagation du virus. Une enquête publique a révélé que moins d'un tiers des élèves des écoles secondaires avaient déclaré avoir utilisé un condom durant leur première relation sexuelle. Ces données témoignent bien de la nécessité, pour les gouvernements, de soutenir les organismes communautaires qui, mieux que quiconque, rejoignent les individus dans leur milieu de vie. Je veux terminer en remerciant tous les organismes communautaires pour le soutien apporté aux personnes atteintes.

* * *

[Traduction]

LA POLITIQUE SOCIALE

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, hier, à la Chambre, le ministre du Développement des ressources humaines a prononcé un discours sur les programmes sociaux. Dans ce discours, il a décrit le genre d'attitude que nous devrions adopter dans l'examen de nos programmes sociaux, la nécessité de collaborer, d'avoir un débat honnête, d'échanger librement des idées et, ce qui est le plus important, de ne pas dénigrer délibérément les autres partis.

À peine avait-il fini de prononcer ces paroles qu'il s'est mis à dénigrer le Parti réformiste en répétant cette notion ridicule selon laquelle notre parti amputerait les programmes sociaux de 15 milliards de dollars. C'est de la foutaise, de la politicaillerie, et le ministre le sait fort bien. C'est le gouvernement libéral qui doit diminuer de 15 milliards de dollars l'ensemble des dépenses de programmes s'il veut atteindre son maigre objectif en matière de réduction du déficit.

Les Canadiens méritent mieux que ce genre de tactiques alarmistes. Ce n'est pas en faisant peur aux gens dans le besoin que le gouvernement gagnera le respect des Canadiens.

Lorsqu'il est question de dénigrer les autres partis, l'attitude «faites ce que je dis et non ce que je fais» est absolument inacceptable. Le ministre devrait relire son discours et suivre ses propres conseils.

* * *

(1110)

[Français]

LE BLOC QUÉBÉCOIS

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle): Monsieur le Président, dans son édition du 2 octobre dernier, le quotidien La Presse de Montréal publie un article intitulé «Le Bloc lance ses troupes à la chasse au vote souverainiste sans attendre».

Nous y apprenons que le whip de l'opposition officielle exhorte les séparatistes à s'infiltrer dans les CLSC, les commissions scolaires, les administrations municipales et dans tout autre organisme ou instance contrôlé par des soi-disant fédéralistes.

Le message est clair et net, le Bloc se fout éperdument de l'administration de l'État et de la qualité des services offerts à la population. La seule avenue que prône maintenant le Bloc québécois est une campagne de propagande souverainiste à outrance. Celle-ci deviendra rapidement un exercice de démagogie destiné à détruire le pays.

* * *

[Traduction]

LA RÉFORME DE LA POLITIQUE SOCIALE

M. George Proud (Hillsborough): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour féliciter le ministre du Développement des ressources humaines pour son document de travail sur la réforme de la politique sociale.

Nous avons promis l'automne dernier que les choses se passeraient différemment à Ottawa, et nous l'avons prouvé cette semaine. C'est le pays tout entier qui s'engage sur le chemin de la réforme sociale, et non seulement les politiciens et les bureaucrates à Ottawa. Contrairement à son prédécesseur, notre gouvernement ne souhaite pas réduire le déficit au détriment des pauvres et des chômeurs. Nous ne voulons pas non plus voir le système s'effondrer. En travaillant de concert avec tous les Canadiens, nous pourrons tenir notre promesse et créer une économie vibrante et prospère dans un pays où les programmes sociaux deviendront de moins en moins nécessaires.

* * *

L'EMPLOI

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, selon le gouvernement, le programme d'infrastructure avait créé 71 000 emplois au 28 septembre dernier. Même si cela était vrai, ce ne sont que des emplois de courte durée. Le gouvernement admet lui-même que, malgré des dépenses totales de 4,5 milliards de dollars, seulement 10 p. 100 de ces emplois sont permanents. Nous ne sommes pas surpris, de ce côté-ci de la Chambre, de voir que certaines provinces n'ont eu aucun emploi de longue durée.

C'est le cas de la Colombie-Britannique, de l'Île-du-Prince-Édouard, du Yukon et des premières nations. La Saskatchewan a eu six emplois de longue durée, et le Manitoba, trois. Il y a toutefois une chose qui est encore moins surprenante, soit que 73 p. 100 des emplois de longue durée, la part du lion, ont été créés dans une seule province. Et quelle province cela pourrait-il bien être? Évidemment, celle du ministre.

Voici le score du programme d'infrastructure: Ontario, 5 140, Colombie-Britannique, zéro. Comme d'habitude, ce sont les contribuables qui se sont fait avoir pour 4,5 milliards de dollars.

* * *

LE COMMERCE INTERNATIONAL

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface): Monsieur le Président, le premier ministre du Canada va bientôt entreprendre une

6710

importante mission commerciale en Asie en compagnie de ses homologues provinciaux pour tâcher de trouver de nouveaux marchés pour les produits et les services canadiens.

[Français]

Trouver de nouveaux marchés, c'est ça l'objectif. Tel que décidé en décembre dernier, le premier ministre devait y aller avec ses homologues des provinces et des territoires. Jusqu'à récemment, tous les premiers ministres devaient se joindre à lui sauf un, le premier ministre du Québec refuse toujours de se joindre à l'Équipe Canada.

Contrairement aux dires du chef du Bloc québécois à l'effet que M. Parizeau, et je cite: «a des obligations plus urgentes», on vient d'apprendre que M. Parizeau sera bel et bien en vacances à ce moment-là. Au lieu de représenter le Québec au sein de l'Équipe Canada, il sera en vacances, supposément. Quelle comédie! Quelle honte!

* * *

[Traduction]

ST. ANDREWS

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, lundi dernier, la ville de St. Andrews, au Nouveau-Brunswick, a lancé son projet jonquille en plantant plusieurs milliers de bulbes. Deux raisons principales motivent cette entreprise: embellir la ville et servir de complément à l'industrie touristique déjà florissante de la région.

Voilà le genre d'initiative qui contribue à faire progresser notre industrie touristique. Je tiens à féliciter les autorités de la ville de St. Andrews et ses citoyens pour ce louable projet. La municipalité a non seulement participé à son propre projet, elle a aussi eu la gentillesse d'offrir des bulbes de jonquille pour planter ici sur la colline du Parlement.

Quand les jonquilles fleuriront en avril prochain, nous nous rappellerons sûrement tous ce don de la municipalité de St. Andrews-By-The-Sea.

_____________________________________________


6710

QUESTIONS ORALES

(1115)

[Français]

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

L'offensive centralisatrice qu'entend réaliser Ottawa avec sa réforme des programmes sociaux provoque déjà une levée de boucliers et pas seulement au Québec. Le ministre des Affaires intergouvernementales a rejeté hier catégoriquement, et pour la première fois d'ailleurs, le transfert complet au Québec des responsabilités fédérales en matière de formation de la main-d'oeuvre.

Le ministre du Développement des ressources humaines confirme-t-il les propos de son collègue des Affaires intergouvernementales à l'effet qu'Ottawa annonce que le fédéral refusera de transférer au Québec l'ensemble des responsabilités en formation de la main-d'oeuvre?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, le printemps dernier, nous avons proposé à toutes les provinces une nouvelle entente triennale en matière de formation de la main-d'oeuvre. Cette entente comportait, comme je l'ai dit hier à la Chambre, un transfert de responsabilité pour la formation en établissement et pour les cours de formation achetés dans les collèges communautaires et les cégeps.

Nous nous sommes montrés disposés à inviter les provinces à planifier leurs priorités pour les dépenses de fonds fédéraux chez elles. Dans le cas du Québec, où nous dépensons environ 800 millions de dollars, cela représente une enveloppe de près de 500 millions. Nous nous sommes montrés disposés à collaborer avec les provinces pour mettre sur pied un système de prestation des services à guichet unique. Nous avons dit également que, si les provinces le souhaitaient, nous examinerions la possibilité de transférer la responsabilité de certains des programmes qui entrent plus clairement dans le domaine de l'éducation, comme les programmes de l'école avant tout et d'autres.

Plusieurs provinces ont répondu de façon très constructive. Nous sommes en train de négocier avec elles. Le nouveau gouvernement du Québec ne nous a pas encore communiqué officiellement sa réponse à cette proposition d'entente.

Je voudrais faire remarquer une chose importante. Il s'agit d'une proposition d'entente triennale. Il ne sert à rien d'avoir des ententes à plus long terme tant que nous ne saurons pas quelle sera la nouvelle structure de nos programmes. Il ne sert à rien non plus de réorganiser ou de réaffecter des programmes qui n'existeront peut-être plus ou qui seront peut-être modifiés ou transformés. L'entente triennale provisoire montre donc très bien à mon avis que nous sommes prêts à être flexibles. Nous sommes prêts à laisser plus de responsabilité aux provinces dans leurs domaines de compétence. Nous voulons travailler en collaboration avec elles.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, le ministre n'a peut-être pas reçu la réponse du Québec, mais l'ex-premier ministre Johnson, libéral, fédéraliste, a donné cette réponse au cours de la campagne électorale qui vient de se terminer au Québec. Il a déclaré qu'il refusait ce genre d'offre à rabais que lui faisait le gouvernement fédéral. C'est l'ex-premier ministre Johnson qui a déclaré ça, fédéraliste, libéral lui aussi.

J'en reviens au ministre des Affaires intergouvernementales qui a déclaré et je cite: «Ce qu'on propose ne va pas à l'encontre des demandes du Québec. On fait la moitié du chemin». On dit: «Prenez un demi-pain maintenant, on négociera l'autre partie du pain plus tard».


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Le gouvernement réalise-t-il que par son entêtement à n'offrir au Québec que la moitié du pain dans les secteurs de la formation de la main-d'oeuvre, il perpétue le fouillis et le gaspillage qui coûtent, au Québec, plus de 250 millions de dollars au détriment de gens qui cherchent à retourner sur le marché du travail?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Au contraire, monsieur le Président. Le gouvernement fédéral se montre très désireux de collaborer avec les provinces pour redéfinir la façon dont nous pouvons mieux assurer les services et les programmes.

Nous avons déjà des ententes avec un certain nombre de provinces. Nous venons d'en conclure une avec l'Ontario il y a quatre semaines pour mettre sur pied un nouveau conseil ontarien de la formation au sein duquel les gouvernements fédéral et provincial coopéreront avec les entreprises et les syndicats pour fournir les services. Nous voulons certainement faire la même chose avec les autres provinces.

Quant au chiffre mentionné par le député, il n'est pas fondé sur une analyse vraiment solide. À partir d'une analyse de l'OCDE portant sur 15 pays, il en est arrivé à un chiffre artificiel qu'il a appliqué à tout le Québec. Il n'a pas cité les chiffres réels. Tout jugement qu'on porte doit vraiment faire l'objet d'un nouvel examen sérieux. Nous avons déjà soumis à la province de Québec une réévaluation de ces chiffres qui porte à croire que le double emploi déploré n'est pas attribuable au fédéral dans bien des cas. Ce que nous souhaitons, et cela me semble être la solution au problème, c'est l'établissement d'un système de prestation des services à guichet unique.

(1120)

[Français]

Il faut avoir un processus de guichet unique. Il y aurait un partage de l'activité par tous les partenaires, les groupes locaux, les syndicats, les hommes d'affaires, les provinces et le gouvernement fédéral afin de collaborer à la révision des services pour une meilleure efficacité à tous les citoyens.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, quand le ministre conteste le chiffre de 250 millions, il conteste les avancés faits par Robert Bourassa, par Daniel Johnson et par l'ex-ministre Bourbeau, qui sont tous des libéraux également, tous des fédéralistes. D'ailleurs, ils auraient dû le dire durant la campagne électorale qui vient de se terminer; ils ne l'ont pas fait, pour des raisons qu'on comprend bien. Cela n'a pas changé grand-chose, de toute façon.

Quand il nous parle de coopération, réalise-t-il qu'il y a un consensus depuis deux ou trois ans au Québec entre les syndicats, les milieux d'affaires, le milieu coopératif, les milieux d'enseignement et même le Parti libéral du Québec demandant que tous les outils de la main-d'oeuvre reviennent au Québec?

Comment le ministre peut-il prétendre que son gouvernement veut discuter, voire coopérer, avec les provinces alors qu'il rejette d'entrée de jeu une revendication fondamentale du gouvernement du Québec qui fait l'objet d'un large consensus chez tous les intervenants socio-économiques au Québec?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, comme je l'ai dit dans ma première réponse, nous avons déjà proposé à toutes les provinces de leur céder la responsabilité de la formation. D'après ses questions préparées à l'avance, le député ne semble pas avoir compris la portée ni l'importance de cette affirmation. Il me semble que ce transfert montrerait bien que nous sommes disposés à partager.

La chose qui n'est pas négociable, c'est l'assurance-chômage, car il s'agit d'un programme national. La Constitution est claire là-dessus. C'est un programme qui nous permet de partager les ressources entre les diverses régions pour donner de l'aide à celles qui en ont le plus besoin. Soit dit en passant, le Québec profite largement de ce partage depuis de longues années, comme le député le sait pertinemment.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, ma question d'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

En plus d'annoncer un effort de centralisation jamais vu, un des buts de la réforme est de diminuer substantiellement la contribution du gouvernement fédéral au financement de l'aide sociale. Les provinces seraient donc forcées soit d'augmenter les impôts pour compenser le désengagement du fédéral, soit de couper dans les bénéfices aux assistés sociaux.

Comment le ministre veut-il qu'on prenne au sérieux l'objectif de son gouvernement d'aider davantage les enfants pauvres, alors qu'Ottawa veut réduire la contribution qu'il verse aux provinces pour financer l'aide sociale? Comment peut-on le prendre au sérieux? Quelle contradiction, monsieur le Président!

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, j'ignore où se trouvait le député en février dernier et où il a passé son temps depuis. Cela a clairement été annoncé dans le budget fédéral de février dernier. Je me réjouis qu'il puisse enfin, au bout de neuf mois, commencer à saisir les chiffres.

Il était dit clairement dans le budget que nous allions maintenir au niveau de 1993-1994 les paiements de transfert au titre de ces programmes. Nous avons donc commencé à chercher avec les provinces les moyens de résoudre plus efficacement les problèmes d'aide sociale. De concert avec les provinces, nous avons déjà commencé à chercher une façon de coopérer pour que les


6712

assistés sociaux puissent réintégrer le marché du travail et pour modifier les règles.

C'est là un des éléments essentiels du livre vert. Nous sommes prêts à collaborer immédiatement avec les provinces en vue de modifier les règles du Régime d'assistance publique du Canada de manière que près de 50 p. 100 des assistés sociaux qui veulent revenir dans la population active puissent le faire sans se heurter à une discrimination qui ferait diminuer leurs revenus. La meilleure solution au problème de l'assistance sociale, c'est de redonner du travail aux gens.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, le ministre s'inquiète de savoir où j'étais en février. Je voudrais lui dire par votre intermédiaire que, s'il était à la gauche du Parti libéral par le passé, il se ramène considérablement à droite avec la réforme.

Comment peut-il prétendre vouloir venir en aide aux enfants défavorisés, alors que la principale conséquence de sa réforme serait d'appauvrir les parents? Comment peut-il prétendre vouloir venir en aide aux enfants défavorisés?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, de toute évidence, le député n'a pas discuté avec les assistés sociaux. Lorsqu'on leur demande ce qu'ils veulent, ils répondent qu'ils veulent pouvoir se débrouiller seuls et être autonomes. Ils veulent gagner un revenu pour faire vivre leur famille. Ils ne veulent pas vivre aux crochets de la société.

(1125)

Voilà l'objectif du livre vert: donner un véritable espoir aux gens pour qu'ils n'aient plus à dépendre d'un programme et d'un chèque, pour qu'ils puissent recommencer à travailler.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, le gouvernement dit qu'il se préoccupe de l'éducation et des compétences professionnelles des Canadiens, mais le document de travail sur la politique sociale qu'il a déposé hier prévoit pour ainsi dire la suppression des transferts fédéraux au titre de l'enseignement supérieur.

Par contre, le gouvernement continue de dépenser des milliards de dollars en subventions aux entreprises, aux groupes d'intérêts et aux sociétés d'État. Le ministre devait bien avoir une liste de priorités de dépenses lorsqu'il a préparé son document! Voici ma question au ministre du Développement des ressources humaines: Où le financement de l'enseignement postsecondaire se situe-t-il dans les priorités de dépenses du gouvernement?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, il est clair qu'il se situe très haut dans notre liste de priorités, car nous avons engagé des dépenses supérieures à 8 milliards de dollars pour aider les provinces dans le domaine de l'enseignement supérieur. Il me semble que nous sommes prêts à respecter ce que nous avions annoncé en matière financière, mais on ne saurait en dire autant du chef du Parti réformiste.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, pratiquer des compressions de 1,5 milliard de dollars dans les transferts destinés à l'enseignement supérieur ne me semble guère témoigner de la haute priorité qu'on accorde à la question.

Les réformistes ont dit que, à cet égard, le gouvernement devrait accorder la priorité absolue aux paiements de transfert visant les soins de santé et l'éducation. Nous avons proposé de réduire presque toutes les autres dépenses pour pouvoir respecter ces priorités.

Voici ma question au ministre: Pourquoi le gouvernement ne maintient-il pas le financement fédéral de l'enseignement postsecondaire à son niveau actuel et pourquoi ne fait-il pas un investissement plus efficace en transférant ce financement directement aux étudiants, sous forme de bons d'études, plutôt qu'aux provinces et aux établissements?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, la question que pose le chef du Parti réformiste prouve clairement une chose: il n'a pas lu le livre vert. S'il l'avait lu, il aurait appris deux ou trois faits importants.

Comme il aime parler de faits, je vais lui en présenter quelques-uns. Tout d'abord, en vertu des accords actuels sur les transferts dans le cadre du FPÉ, les provinces voient leurs revenus augmenter nettement grâce aux points d'impôt que nous leur transférons. Le revenu des provinces augmente donc pour l'éducation grâce aux points d'impôt, mais en raison de l'application de la formule actuelle, les transferts de fonds proprement dits diminuent durant cette période dans une proportion correspondante.

Si le chef du Parti réformiste comprenait cela, il ne dirait pas que nous sabrons les programmes, ce qui est parfaitement insensé. En réalité, les revenus augmentent. Nous disons qu'au lieu de voir les fonds disparaître au bout de dix ans, nous préférons utiliser ces sommes pour réinjecter 3 milliards de dollars supplémentaires dans le domaine de l'enseignement supérieur, afin d'aider des Canadiens de diverses catégories à retourner aux études. Voilà ce que c'est qu'un gouvernement novateur.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les étudiants savent la différence entre un prêt à rembourser et un bon d'études qui n'a pas à l'être. J'essayais d'amener le ministre à envisager un moyen plus innovateur pour transférer le financement des études supérieures, qui consiste à payer directement les étudiants à l'aide de bons d'études non remboursables au lieu de points d'impôt ou de transferts directs aux provinces.

Des centaines de milliers d'étudiants craignent que le retrait du gouvernement fédéral de l'aide aux études supérieures ne nuise à la qualité de l'enseignement et que le projet du ministre ne les force à s'endetter toujours davantage. Dans le cadre de son fameux processus de consultation, le ministre a-t-il l'intention de se déplacer et d'aller parler aux étudiants collégiaux et universitaires pour leur expliquer sa position? Il recevra sans doute un accueil chaleureux s'il le fait.


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L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, en tenant un processus de consultation ouvert, ce à quoi les députés du Parti réformiste s'opposent, nous voulons susciter un débat d'où surgiront de nouvelles idées.

Les réformistes disent qu'ils ne sont pas contre cette idée. Ils ont changé d'avis depuis hier parce que cinq députés du Parti réformiste, dont le chef du parti, ont alors pris la parole pour dire: «Ne tenez pas de consultations ouvertes. Ne consultez pas la population. Faites quelque chose tout de suite.» Nous ne souscrivons pas à ces principes-là. Si le chef du Parti réformiste a une meilleure idée à proposer pour l'aide aux étudiants, qu'il la présente au comité dont le président est ici présent. Qu'il présente son idée au comité. C'est pour cela que nous tiendrons des consultations ouvertes.

(1130)

Je dirai au chef du Parti réformiste que c'est ça la démocratie.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

La réforme des programmes sociaux propose d'établir deux catégories de chômeurs: les travailleurs qui ont très peu recours aux prestations d'assurance-chômage et ceux qui doivent toucher régulièrement des prestations, c'est-à-dire 40 p. 100 des prestataires, en particulier les travailleurs saisonniers. On sait que le gouvernement du Nouveau-Brunswick critique particulièrement la réforme sur ce point.

Le ministre du Développement des ressources humaines réalise-t-il que la réforme de l'assurance-chômage qu'il propose pénalisera lourdement l'économie des régions, où on retrouve une forte proportion d'activités saisonnières comme les pêches, la coupe du bois ainsi que l'industrie touristique?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je suis très heureux que le député me pose cette question parce qu'il y a à peine 45 minutes j'ai eu l'honneur de rencontrer le premier ministre du Nouveau-Brunswick au cours d'une réunion publique où il a dit sans équivoque qu'il souscrivait aux principes et à l'orientation de notre document de travail.

Qui plus est, il a dit qu'il applaudissait aux initiatives que nous avons annoncées lundi dernier, à savoir un nouveau programme de stimulation de l'emploi pour les travailleurs saisonniers, un nouveau programme de supplément du revenu et les expériences en cours qui concernent les critères d'admissibilité à l'assurance-chômage dans les provinces de l'Atlantique, notamment à l'Île-du-Prince-Édouard, qui visent à fournir un réel soutien pendant la transition.

J'invite le député, si cela l'intéresse, à s'asseoir avec moi pour que nous puissions, comme le premier ministre du Nouveau-Brunswick et moi l'avons fait, profiter de cette importante occasion pour examiner sérieusement les intérêts et les préoccupations des industries à travail saisonnier. Il y a longtemps que nous ne nous sommes pas penchés sur ces secteurs d'activité. Nous avons simplement laissé les choses suivre leur cours.

Dans le cadre d'un processus d'examen, nous pouvons sérieusement commencer à étudier la situation des travailleurs saisonniers et leurs préoccupations afin de pouvoir concevoir un nouveau système de sécurité sociale qui répondra à leurs besoins.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, ça ne m'étonne pas que M. McKenna ait été rappelé à l'ordre par son grand frère du gouvernement fédéral. Le ministre admettra-t-il, comme son collègue des Affaires intergouvernementales, que son projet de réforme ne constitue pas une formule miracle, mais qu'elle frappera de plein fouet les travailleurs saisonniers et en particulier les travailleurs forestiers qui ne peuvent oeuvrer en forêt douze mois par année?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, il est très regrettable que, lorsqu'ils sont à court d'arguments solides, les bloquistes se livrent à des attaques personnelles. Une telle attitude de leur part à l'égard d'un des fonctionnaires les plus distingués du Canada ne mérite pas de réponse.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, ma question s'adresse inopinément au ministre du Développement des ressources humaines.

Hier, le ministre a promis de rendre publics des documents techniques refermant des prévisions de coûts et d'économies qui découleraient des propositions de réforme énoncées dans le livre vert. Ces prévisions sont exigées par tous ceux et celles qui prennent cet exercice au sérieux. Elles sont absolument essentielles en vue des consultations budgétaires que mènera le comité des finances de la Chambre.

Le ministre peut-il donner aux Canadiens l'assurance que ces documents techniques renfermeront des prévisions de coûts et d'économies et nous fournir la date précise où ces documents seront rendus publics?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je peux donner l'assurance que nous ferons connaître les scénarios économiques qui s'imposent. Nous allons nous efforcer d'obtenir tous les documents pertinents le plus rapidement possible.


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Le député doit comprendre qu'ils sont très volumineux. Nous avons dû faire imprimer le rapport auparavant, mais nous ferons de notre mieux pour que les membres du comité disposent des documents avant le début des négociations.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, malheureusement, le temps presse. Les consultations budgétaires doivent être terminées d'ici sept semaines.

Hier, le Conference Board du Canada et plusieurs économistes d'entreprise ont déclaré que le plan budgétaire de cette année ne sera pas respecté et qu'il faudra effectuer d'autres compressions de dépenses, si on veut prévenir une crise financière au Canada. Tous ces spécialistes sont d'avis que des coupes dans les programmes sociaux s'imposent.

(1135)

Le ministre peut-il affirmer à ces experts financiers et aux Canadiens inquiets que ses réformes vont entraîner des diminutions de dépenses liées aux programmes sociaux dans le prochain budget?

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, le premier ministre et le ministre des Finances disent régulièrement à la Chambre et aux Canadiens que nous allons réaliser nos objectifs.

Durant le processus de consultation, nous accueillerons avec plaisir les propositions de l'opposition et de nos propres députés sur la façon la plus efficace d'atteindre ces buts pour tous les Canadiens.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, ma question s'adresse aussi au ministre du Développement des ressources humaines. On peut lire à la page 72 du document déposé hier par le ministre du Développement des ressources humaines, et je cite: «Il est vrai que le remplacement des transferts fédéraux en espèces pourrait faire monter davantage les frais de scolarité. C'est peut-être le prix à payer pour mettre en place un système permanent qui garantirait l'accès à l'éducation postsecondaire.»

Comment le ministre peut-il prétendre, comme il l'a fait hier, que sa réforme ne compromettra pas l'accès de milliers de jeunes à des études postsecondaires, alors qu'en réduisant les paiements de transfert, il provoque une hausse des frais de scolarité qui pourraient doubler selon une note de service du Conseil du Trésor que le gouvernement ne veut pas rendre publique?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, comme nous l'avons déjà signalé à la Chambre, les frais de scolarité ont déjà doublé au cours des quatre ou cinq dernières années dans le cadre du régime actuel. Je voudrais préciser en même temps que le nombre d'étudiants inscrits a augmenté de façon marquée durant cette période.

Nous sommes en mesure, grâce à notre programme d'aide aux étudiants et notre programme de prêts aux étudiants, d'offrir d'excellentes sources de revenu, mais il faut faire davantage.

Ce que nous disons dans ce document, c'est que la décision relative à l'augmentation des frais de scolarité n'est pas de notre ressort. C'est aux gouvernements provinciaux de décider. S'ils sont disposés à utiliser les revenus supplémentaires qu'ils vont recevoir dans le cadre du transfert de points d'impôt, au titre du financement des programmes établis, pour maintenir ces frais à un niveau assez bas, rien ne les en empêche.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, le ministre a également dit dans son document que les étudiants pourraient utiliser leurs REER afin de rembourser leurs frais d'études.

Le ministre est-il vraiment sérieux quand il propose aux étudiants d'utiliser leurs REER? Franchement, croit-il que les étudiants ont les moyens de se payer des REER tout en empruntant davantage pour étudier?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, nous n'avons pas dit que les étudiants pourraient utiliser leurs REER, mais bien qu'il serait possible de se servir de ces derniers pour aider les gens à s'instruire.

Cela signifie que les parents qui ont des REER pourraient fort bien juger bon de les utiliser pour aider leurs enfants à poursuivre leurs études. Nous voulons trouver d'autres moyens financiers pour que les Canadiens puissent commencer le plus tôt possible à investir dans l'avenir de leurs enfants. Nous souhaitons offrir des moyens d'investissement pour que les parents, les grands-parents et d'autres gens ayant un lien de parenté avec les étudiants puissent commencer à mettre de l'argent de côté, avec un encouragement quelconque de la part du gouvernement à épargner pour voir à l'éducation et à la formation de ces jeunes, plutôt que de simplement s'assurer un revenu suffisant à la retraite.

Je trouve incroyable que le Bloc québécois et d'autres affirment qu'il est répréhensible, de la part du gouvernement fédéral, d'encourager les parents à investir dans l'avenir de leurs enfants.

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines ne cesse de dire qu'il veut consulter les Canadiens. En fait, il l'a répété à peu près une douzaine de fois, hier, au cours de la période des questions.

Le ministre pourrait-il expliquer à la Chambre pourquoi, il y a plusieurs semaines, son ministère faisait déjà la promotion des programmes de financement dont il est question dans son document de travail auprès des groupes d'intérêts spéciaux, et cela, bien avant que les Canadiens ordinaires ne soient mis au courant du contenu de son document de travail?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, quand j'ai annoncé, en janvier dernier, que nous allions entreprendre un processus de réforme, j'ai dit que nous serions prêts à aider les groupes qui voudraient présenter des observations, à consulter leurs membres, surtout les groupes de femmes, car nous financions, à ce moment-là, 19 organisations différentes au nom de l'équité. Il y a des organisations et des groupes qui ont des


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ressources importantes, les organisations d'affaires et les syndicats, par exemple. Le Parti réformiste dispose de fonds qui proviennent de dons privés, fonds qu'il peut utiliser pour faire valoir son point de vue.

(1140)

Il y a de nombreux groupes, entre autres des groupes de lutte contre la pauvreté, des groupes de femmes et des groupes autochtones, qui n'ont pas accès aux mêmes ressources. Nous voulions être sûrs que ces groupes puissent travailler avec leurs membres et faire les recherches nécessaires pour qu'ils aient pleinement accès à ce processus, qu'ils puissent y participer pleinement et que nous puissions avoir un dialogue et un débat fructueux dans tout le pays.

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, il est intéressant de voir comment le ministre interprète l'égalité d'accès en finançant des groupes d'intérêts spéciaux. Je suis heureux qu'il ait admis la chose, car j'étais prêt à déposer à la Chambre une lettre montrant que c'était effectivement le cas.

Je voudrais que le ministre répète à la Chambre pourquoi il juge nécessaire de faire passer les groupes d'intérêts spéciaux avant les électeurs canadiens. Comment peut-on avoir l'assurance que les Canadiens ordinaires auront une influence, même minime, sur cette réforme de la sécurité sociale?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je veux bien admettre que le député est nouveau à la Chambre, mais il me semble que l'une des premières responsabilités d'un député est de bien faire valoir les opinions et les points de vue des Canadiens de sa circonscription.

Le député profitera d'un congé la semaine prochaine. Nous lui avons fait parvenir tous les documents pertinents. Je voudrais lui suggérer de retourner dans sa circonscription et de commencer, dès que possible, à parler à ses électeurs.

[Français]

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Les premières réactions au document de travail sur les programmes sociaux sont unanimes à dénoncer l'approche et le contenu des propositions gouvernementales. On trouve même des critiques chez les collègues du ministre. L'un d'eux a dit tout haut ce que plusieurs pensent tout bas, en déclarant: «Le ministre a sorti le bat de baseball pour faire la job aux plus démunis.»

Comment le ministre peut-il prétendre convaincre la population du bien-fondé de sa réforme alors qu'il ne réussit même pas à convaincre ses propres collègues?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je voudrais lire, par exemple, un article de La Presse, un journal très réputé de la province de Québec, un article de M. Alain Dubuc qui dit ceci, et je cite:

. . .il faut, dans un premier temps, saluer le gouvernement Chrétien et le ministre Axworthy, les premiers a avoir osé s'attaquer de front aux problèmes interreliés de l'anémie économique et de l'aide sociale.
Cela montre comment les personnes indépendantes, pas les partisans, mais les personnes indépendantes appuient les efforts faits par ce gouvernement pour développer une nouvelle approche aux problèmes de la pauvreté, du chômage et des démunis au Canada.

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, ne serait-il pas plus simple pour le ministre d'admettre que le document de travail est en complète contradiction avec les principes qu'il défendait lorsqu'il siégeait dans l'opposition?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, j'ai été élu il y a plus de vingt ans de cela et j'avais alors des ambitions en tête. Premièrement, je voulais que les gens soient traités équitablement d'un bout à l'autre du pays. Deuxièmement, je voulais que les défavorisés obtiennent une véritable égalité des chances. Troisièmement, je voulais que notre pays soit fort, efficace et capable de préserver son indépendance et son intégrité.

Mes valeurs et mes objectifs sont demeurés les mêmes. Le livre vert précise comment on pourrait mieux les réaliser dans notre société d'aujourd'hui.

M. Elijah Harper (Churchill): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Comme la Chambre le sait, le programme de réforme sociale est d'une importance capitale pour les autochtones du Canada. Nous sommes les plus pauvres parmi les pauvres. Nous voyons dans ce programme une occasion de nous attaquer au niveau élevé de pauvreté qui existe parmi nos jeunes et qui attend nos enfants.

(1145)

Le ministre peut-il garantir à la Chambre que les autochtones pourront faire entendre ce qu'ils ont à dire sur cette question importante et urgente?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question.

Premièrement, je tiens à dire à la Chambre que, comme ma collègue la secrétaire d'État à la formation, je vais lancer un processus spécial de consultation et de discussion avec les peuples des premières nations, ceci en raison des problèmes particuliers auxquels ils font face et des initiatives très importantes prises par mon collègue, le ministre des Affaires indiennes, en vue de leur autonomie gouvernementale. Ces raisons justifient à mon avis la mise en place d'un processus spécial de consultation et de discussion.

Deuxièmement, nous avons consacré jusqu'à maintenant 600 000 $ afin d'aider toute une série de regroupements autochtones dans le pays à consulter les membres de leur groupe, à travailler avec eux et à commencer réellement à se doter des ressources nécessaires pour oeuvrer auprès des collectivités les plus défavorisées, de façon à ce que tous les gens sentent que nous comptons sur leur contribution.


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Troisièmement, je suis très heureux de constater l'appui substantiel que nous ont manifesté ces derniers jours les organisations autochtones nationales comme le Ralliement national des Métis, qui a exprimé, comme beaucoup d'autres Canadiens, son désir de coopérer à la recherche de façons nouvelles et plus efficaces de venir en aide à leur peuple.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, hier, le ministre du Développement des ressources humaines a parlé à maintes reprises de la nécessité de collaborer avec les provinces et de les consulter. En fait, il a dit que nous devions compter sur l'entière collaboration de tous les paliers de gouvernement.

Il saura que, depuis le dépôt du document de travail, plusieurs gouvernements provinciaux, dont ceux de l'Ontario et du Québec, ont sévèrement critiqué ce document. Hier, en réaction à l'inquiétude du premier ministre de l'Ontario, le ministre n'a rien trouvé de mieux que de lui lancer des attaques sectaires.

Est-ce là un exemple de la façon dont il compte obtenir la collaboration des provinces?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, nous sommes témoins d'un numéro d'acrobatie politique fort curieux et intéressant. Il y a maintenant un député du Parti réformiste qui se porte à la défense de Bob Rae. Je suis sûr que les gens de Calgary qui nous regardent se réjouiront de connaître les nouveaux engagements du député.

Ce qu'il faut se rappeler, c'est que nous sommes prêts à collaborer, mais nous demandons également aux premiers ministres des provinces d'en faire autant et de montrer qu'ils sont disposés à défendre eux aussi les intérêts nationaux.

Il est temps que les provinces cessent de se cantonner dans la défense de leurs propres intérêts. Il est temps que les Canadiens s'unissent pour dire, comme le premier ministre du Nouveau-Brunswick l'a fait ce matin, que nous devons travailler ensemble, dans un effort concerté, pour régler une situation qui nous dépasse tous. C'est cet esprit de collaboration qui devrait animer tous les premiers ministres.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, la Chambre notera que le ministre a répondu aux préoccupations au sujet des attaques sectaires lancées contre le premier ministre de l'Ontario en s'attaquant encore au premier ministre et au Parti réformiste.

[Français]

Monsieur le Président, ma question supplémentaire s'adresse au même ministre. Le ministre a-t-il l'intention de continuer d'afficher l'attitude dominatrice et centralisatrice des gouvernements libéraux du passé ou respecte-il le fait que ses propositions touchent aux compétences exclusives des provinces?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je crois savoir maintenant pourquoi le député du Parti réformiste appuie Bob Rae et le NPD. Ils obtiennent tous deux 10 p. 100 de la faveur populaire. Ils ont donc un point en commun à l'heure actuelle.

Le député affirme encore une fois vouloir s'exprimer dans un esprit de coopération. S'il avait lu le livre vert-et il disposera d'une semaine complète pour le lire attentivement chez lui-il saurait que le document propose très clairement diverses solutions allant dans le sens d'une décentralisation et non pas d'une centralisation.

Nous proposons un nouveau système de financement global de l'aide sociale en collaboration avec les provinces. Nous proposons également d'établir de nombreux secteurs de formation. Nous proposons une façon de nous extirper du domaine de l'éducation, de façon à ce que les provinces aient clairement compétence en matière d'enseignement. Voilà le genre de mesures que nous voulons proposer.

En outre, le moment est venu pour tous les gouvernements d'envisager des moyens de décentraliser les pouvoirs de la bureaucratie, qu'elle soit fédérale ou provinciale, et de laisser plus de pouvoirs aux localités, c'est-à-dire là où les décisions véritables doivent être prises.

* * *

(1150)

[Français]

LES TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre): Monsieur le Président, j'espère vous étonner en vous disant que ma question ne s'adresse pas au ministre du Développement des ressources humaines. J'ai plutôt le plaisir d'adresser ma question au ministre de la Justice.

Lors du dernier congrès international des gynécologues et obstétriciens, le docteur Patricia Baird, ex-présidente de la Commission royale d'enquête sur les nouvelles technologies de reproduction, a, une fois de plus, insisté sur la nécessité pour le Canada de mettre en place une réglementation dans ce domaine.

Quand le ministre de la Justice compte-t-il déposer devant cette Chambre un projet de loi proposant une réglementation des pratiques reliées aux nouvelles technologies de reproduction?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, je suis heureuse de répondre à cette question. Je croyais que l'on m'avait oubliée. En ce qui concerne les nouvelles techniques de reproduction, nous travaillons à élaborer des règles à ce sujet.

Laissez-moi vous dire aussi que nous devons travailler avec les provinces et les autres groupes pour régler tous les problèmes qui existent. Il y a des problèmes de juridiction, et comme vous le savez, avec le Bloc québécois, c'est important de toujours parler


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avec les provinces pour ne pas empiéter sur leurs juridictions. Alors, nous faisons notre travail.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre): Monsieur le Président, je comprends que le festival qui se tient dans cette Chambre depuis deux jours fait que tout le monde dans ce Cabinet a envie de se lever. Je tiens à préciser à la ministre de la Santé que ma question s'adressait précisément au ministre de la Justice. Je lui poserai donc ma deuxième question étant convaincue qu'il n'aura pas oublié la première et qu'il pourra me répondre.

Le ministre de la Justice convient-il, tel que souligné par le docteur Baird, de l'urgence d'interdire la commercialisation des embryons humains afin de contrer les possibilités d'activités de recherches douteuses au plan éthique?

[Traduction]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, puisque je suis la ministre responsable de ce dossier, c'est moi qui répondrai. La députée ne s'en rend peut-être pas compte.

Nous travaillons étroitement avec les autres secteurs de compétence afin de réglementer, là où nous le pouvons, toute la question des nouvelles techniques de reproduction, et de produire un rapport sur la question le plus tôt possible.

* * *

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, les Canadiens commencent à croire que le gouvernement se cache derrière la consultation pour expliquer son inaction. Le gouvernement affirme tenir des consultations au sujet de la TPS, de l'immigration et de l'agriculture, mais s'il n'obtient pas des Canadiens les réponses qu'il souhaite, il n'en tient pas compte.

Pourquoi le ministre du Développement des ressources humaines persiste-t-il à dire qu'il veut connaître le point de vue des Canadiens alors que, de toute évidence, il n'écoute que ceux qu'il veut bien entendre?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, les députés du Parti réformiste devraient au moins s'entendre sur leur politique. Je sais que ce n'est pas leur point fort mais je crois qu'il est temps qu'ils s'amendent.

Des députés réformistes demandaient ce matin qu'on tienne davantage de consultations, qu'on élargisse le processus de consultation pour lui donner un caractère d'authenticité et pour donner aux gens la chance de participer. Or, la députée de Calgary-Nord affirme maintenant qu'il ne devrait pas y avoir de consultations du tout. On ne peut pas avoir les deux mais ce semble bien être ce qu'ils souhaitent.

Je voudrais cependant souligner une chose importante: les consultations les plus importantes seront tenues par un comité permanent de la Chambre des communes composé de représentants de tous les partis et si les membres du comité abordent la question dans un esprit d'ouverture et de collaboration, la consultation sera vraiment valable.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, comme nous l'avons vu hier encore, le ministre semble résolu à attaquer des propositions qui ne viennent pas du Parti réformiste au lieu de défendre des propositions qu'il n'a pas faites lui-même. Lorsque nous parlons de consultations, nous parlons de consultations honnêtes donnant aux Canadiens la vérité et des renseignements sur le coût véritable, pas des consultations arrangées où viendront témoigner des groupes d'intérêts financés par le gouvernement.

(1155)

En quoi ce processus sera-t-il différent? Comment donnera-t-il la parole aux Canadiens moyens?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, le leader du Parti réformiste nous a dit hier que son parti procédait à des consultations depuis un an sur la question des programmes sociaux.

Le seul résultat d'une année de consultations a été une déclaration de la députée de Calgary-Nord indiquant que le Parti réformiste voulait enlever 15 milliards de dollars aux programmes sociaux, mais ne donnant aucun détail sur la façon dont il procéderait. Ce sont eux qui nous demandent maintenant de leur présenter des chiffres. Où sont les leurs? Où est leur étude? Où sont les résultats de leur année de consultations?

Je reviens au conseil que je donnais précédemment à la députée. Qu'elle vienne au Comité permanent des ressources humaines. Qu'elle retourne dans sa circonscription et qu'elle parle aux gens. En tant que parlementaires, nous offrons aux Canadiens le meilleur endroit pour se faire entendre, à savoir le Parlement par l'intermédiaire de ses comités.

[Français]

M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux, la reprise de l'emploi est ferme. On a vu 339 000 emplois créés, la plupart à plein temps. Au-delà de 97 000 emplois sont dans les provinces Atlantiques seulement. Lesquelles de nos politiques ont contribué à ce virage remarquable?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, c'est une importante question. Malgré tous les commentaires négatifs que nous avons entendus, nous pouvons maintenant donner aux Canadiens de bonnes nouvelles, à savoir que depuis l'élection de notre gouvernement il y a eu création de 330 000 emplois, 90 p. 100 d'entre eux à plein temps.


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Je dirais qu'un des éléments les plus importants est que les Canadiens ont confiance en leur gouvernement. Ils savent que l'avenir économique est bon et ils sont prêts à investir.

Deuxièmement, le programme des infrastructures a eu un effet stimulateur pour l'économie, de même que les programmes d'emploi que nous avons annoncés l'an dernier pour les jeunes, comme le Service jeunesse et les nouveaux programmes d'apprentissage. Les initiatives que nous avons prises récemment, comme la réduction des cotisations d'assurance-chômage, commencent maintenant à avoir un effet.

Le fait est que nous avons pu prouver aux Canadiens qu'un gouvernement libéral sait où sont les emplois, comme on le constate aujourd'hui.

* * *

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke): Monsieur le Président, le projet de loi C-22 vient d'être à nouveau rejeté et renvoyé au comité par l'autre endroit.

Le ministre des Transports va-t-il admettre que cette mesure législative boiteuse n'est pas près d'être adoptée et qu'il n'a absolument aucune idée de la façon de se sortir de ce pétrin?

L'hon. Alfonso Gagliano (secrétaire d'État (Affaires parlementaires) et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, le projet de loi n'a pas été rejeté. Comme le prévoit le Règlement, il a été renvoyé au comité qui en fera à nouveau rapport. Ce n'est qu'alors que l'autre endroit prendra sa décision.

Permettez-moi de rappeler à l'honorable député qu'avant les élections, le premier ministre avait fait clairement savoir qu'il examinerait cet accord, ce qui n'a pas empêché les parties de le signer. Après notre arrivée au pouvoir, le premier ministre a fait ce qu'il avait promis et s'étant aperçu que cet accord n'était pas dans l'intérêt des Canadiens, il l'a donc annulé.

Pourquoi le Parti réformiste tient-il tellement à ce que les contribuables canadiens payent ces 440 millions de dollars? Je croyais qu'il voulait réduire le déficit?

* * *

[Français]

LE CODE CRIMINEL

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice, si Mme la ministre de la Santé l'autorise. C'est avec stupéfaction que nous apprenions, cette semaine, que les juges de la Cour suprême admettaient désormais l'extrême beuverie comme défense admissible dans le cas d'agressions sexuelles. Or, cette attitude laisse croire aux gens qu'ils peuvent commettre des actes criminels graves s'ils ont consommé suffisamment d'alcool ou d'autres drogues.

(1200)

Ma question est la suivante: Un tel jugement signifie qu'un citoyen affichant un taux d'alcoolémie de .30 pourrait s'en tirer devant un tribunal alors que celui qui aurait un taux de .09 serait condamné. C'est le monde à l'envers.

Le ministre de la Justice convient-il que cela n'a aucun bon sens?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, bien que je ne sois pas d'accord avec l'interprétation que fait le député du jugement, je dois dire que je m'inquiète des répercussions de ce dernier et que je partage les préoccupations qui ont été exprimées depuis qu'il a été rendu, voici une semaine.

Toute cette partie du Code criminel fait l'objet d'un examen depuis plusieurs dizaines d'années et, dans les semaines à venir, nous allons publier un document de travail à ce sujet. On y retrouvera cette question des défenses admissibles, dont l'ébriété. Aux fins de discussions publiques, nous soumettrons plusieurs propositions comprenant entre autres la possibilité d'éviter ce genre de controverse en faisant de l'ébriété entraînant la mauvaise conduite une infraction au Code criminel.

Cette approche, qui avait été étudiée par le Commission de réforme du droit il y a déjà huit ans, présente certains avantages, mais aussi des inconvénients. C'est pourquoi nous voulons savoir ce qu'en pensent les gens.

Quoi qu'il en soit, je tiens à dire au député que nous sommes au courant des préoccupations suscitées par ce jugement rendu la semaine dernière. Nous étudions les options à notre disposition pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

* * *

LES ANCIENS COMBATTANTS

Mme Elsie Wayne (Saint John): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Anciens combattants.

Des agents de son ministère m'ont avisée qu'ils sont en train de rédiger un projet de loi tendant à modifier les pensions, ce qui devrait accélérer le traitement des demandes des anciens combattants, et je leur en suis très reconnaissante. Le ministre reconnaîtra-t-il toutefois que des modifications au C-84 s'imposent et, dans l'affirmative, que ces modifications devraient être inscrites au programme législatif, car le temps file pour les anciens combattants de la marine marchande?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, nous cherchons des moyens d'accélérer le traitement des demandes faites par les anciens combattants. Depuis trop longtemps, les anciens combattants constatent qu'ils doivent attendre deux ou trois ans avant que des décisions soient prises. Nous étudions la possibilité d'apporter des changements structurels et législatifs. La députée et la Chambre seront informées, en temps et lieu, de la date à laquelle nous proposerons ces changements.

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AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LA DÉFENSE NATIONALE

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 32(2) du Règlement et l'engagement que j'ai pris lundi dernier à la Chambre, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un document intitulé Remise en état de l'étage de l'administration.

* * *

LES ENTREPRISES CANADIENNES EN AFRIQUE DU SUD

L'hon. Christine Stewart (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, je voudrais déposer, dans les deux langues officielles, un document intitulé Les entreprises canadiennes en Afrique du Sud. Le document décrit le code d'éthique et les pratiques qui s'appliquaient aux entreprises canadiennes entre juillet 1993 et juillet 1994.

* * *

L'ÉRYTHRÉE, L'ÉTHIOPIE ET L'ÉGYPTE

L'hon. Christine Stewart (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique)): Monsieur le Président, je tiens à faire rapport de la visite que j'ai faite, en septembre, en Érythrée, en Éthiopie et en Égypte. Je suis allée là-bas avant la Conférence du Caire sur la population et le développement.

L'Érythrée et l'Éthiopie sont des pays où le Canada intervient directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'organisations non gouvernementales, depuis longtemps et de façon importante, et tout récemment encore, lorsqu'ils ont traversé des périodes de sécheresse et de conflit. Comme vous ne l'ignorez pas, l'Égypte joue un rôle absolument crucial dans la politique du Moyen-Orient.

Permettez-moi de présenter d'abord des réflexions sur l'Érythrée et l'Éthiopie. Le gouvernement précédent a retiré ces deux pays du programme canadien d'aide bilatérale. En ne précisant pas que l'aide humanitaire n'était pas visée, on a donné l'impression que le Canada abandonnait l'Érythrée et l'Éthiopie au moment même où la paix revenait dans ces deux pays après 30 années de guerre civile.

(1205)

J'ai profité de mon passage là-bas pour transmettre plusieurs messages importants, le premier étant que le Canada demeure résolu à entretenir des relations bilatérales avec les deux pays, à défaut de les inclure dans son programme d'aide. J'ai fait savoir aussi que, si l'avenir de l'aide bilatérale et des programmes de partenariat dépendra de l'issue de l'examen de la politique étrangère et sera fonction de notre situation budgétaire globale, nous allons continuer à appuyer les efforts de reconstruction de ces pays.

Nous entendons deux choses par là. D'abord, nous allons les aider à passer de l'état de pays assistés à celui de pays en croissance. Puis, nous allons les aider à se donner des structures et des institutions, telle la constitution en fonction de laquelle ils seront gouvernés, espérons-le, dans la démocratie et dans la paix.

Dans le cadre des affectations budgétaires de février, nous avons pu affecter 18 et 7 millions de dollars respectivement à la sécurité de l'approvisionnement alimentaire, cette année, en Éthiopie et en Érythrée. En outre, nous avons accordé une aide de 400 000 $ aux réfugiés érythréens qui rentrent du Soudan. Nous avons créé un fonds de 500 000 $ pour des activités de mise en place de la démocratie dans chacun de ces pays.

Pendant que j'étais là-bas, j'ai loué les efforts que déploient les Éthiopiens et les Érythréens pour promouvoir la paix et la stabilité dans leur région du globe, ce qui n'est certes pas facile. Les deux pays ont beaucoup contribué aux pourparlers du Soudan pour la paix que le Canada appuie. Il en a été question dans les entretiens que j'ai eus avec le secrétaire général de l'OUA, M. Salim Salim, le président de l'Éthiopie, M. Meles Zenawi, et le ministre des Affaires étrangères de l'Érythrée, M. Petros Solomon.

Je signale que les pays occidentaux devront appuyer beaucoup plus les efforts des Africains pour rétablir la paix dans la Corne de l'Afrique. Tout en se pliant à des contraintes au chapitre des dépenses budgétaires et des ressources humaines, le Canada continuera à rechercher des moyens pour faciliter ce processus de paix ainsi que pour aider les réfugiés qui sont dans la région.

Quant à l'Égypte, qui chevauche l'Afrique et l'Asie, ce pays s'est attaché, depuis dix ans, à établir des rapprochements dans les affaires du Moyen-Orient. Sa place au premier rang l'a impliqué dans de nombreux conflits et le gouvernement lutte actuellement pour libéraliser l'économie, même s'il est sporadiquement confronté à des actes de terrorisme. Les régions rurales, où j'ai également eu l'occasion de me rendre, s'apparentent à l'Afrique par la pauvreté et par la gravité de la crise écologique.

Le Canada aide les Égyptiens à remédier aux problèmes de leur principale ressource, qui est le Nil. Je suis allée à Qanater voir l'unité des recherches stratégiques travailler au niveau de la deuxième cataracte du Nil, au nord du Caire. Il s'agit là du seul projet auquel le Canada participe bilatéralement, mais, selon des conversations que nous avons eues avec des hauts fonctionnaires égyptiens, cette participation est très appréciée.

Conformément à un engagement pris il y a longtemps, le Canada parraine divers projets pour favoriser le statut de la femme en Égypte. Dans la région de Qéna, dans le sud du pays, la Fondation pour la formation internationale poursuit des travaux. On tente d'ouvrir le système bancaire du pays aux femmes qui dirigent de petites entreprises. Dans des ateliers minuscules, à l'arrière des maisons, voire dans leurs cours, des femmes ont lancé des petites entreprises avec l'aide de l'ACDI et par l'entremise de la Fondation pour la formation internationale. Ceux qui connaissent la Grameen Bank ne seront pas étonnés d'apprendre qu'à ce jour, le taux de remboursement est excellent et que la clientèle s'accroît rapidement.


6720

C'est en visitant ces maisons et ces ateliers étroits qu'on découvre la tragédie cachée de l'Afrique rurale et qu'on constate le nombre de jeunes filles qui ne vont pas à l'école. Selon les statistiques de l'UNICEF, 80 p. 100 des filles en Égypte se rendent au moins jusqu'en 5e année à l'école primaire. En Éthiopie, cette proportion n'est que de 10 p. 100.

La veille de mon départ d'Égypte, j'ai annoncé, au nom du ministre des Affaires étrangères, que le Canada verserait 14,9 millions de dollars afin d'appuyer l'enseignement primaire pour les filles dans 15 pays d'Afrique, par l'intermédiaire de l'UNICEF. Je crois que l'éducation des filles en Afrique est la clé d'un avenir plus prometteur pour toute la population de ce continent. On s'entend de plus en plus pour dire que les dons consacrés à l'éducation des filles ont un impact positif non seulement sur leur vie à elles, mais aussi sur leur famille et sur la collectivité. Je suis honorée d'être porteuse de ce message d'aide à l'Afrique.

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord remercier la secrétaire d'État pour l'Amérique latine et l'Afrique du compte rendu qu'elle vient de nous présenter sur son récent voyage en Érythrée, en Éthiopie et en Égypte, ainsi que sur les initiatives canadiennes d'aide à l'égard de ces pays.

En premier lieu, vous me permettrez de souligner le respect que porte la secrétaire d'État à l'égard des travaux du Comité mixte chargé de la révision de la politique étrangère canadienne. Je voudrais la remercier à cet égard. Son collègue, le ministre des Affaires étrangères, lui, montrant peu de respect à l'endroit des travaux du Comité-travaux qu'il a lui-même initiés, faut-il le rappeler, et qui ne sont pas encore terminés-fait des choix et privilégie des orientations de politiques étrangères qui prennent pour acquis le résultat d'un examen majeur qui n'est pas encore terminé. La secrétaire d'État, elle, a au moins la décence de nous faire part de son intention d'attendre les conclusions des travaux avant d'élaborer de nouveaux programmes d'aide bilatérale et de partenariat.

(1210)

Cela étant dit, je pense que les efforts et les initiatives du Canada, dont nous fait part la secrétaire d'État ce midi, doivent être accueillis avec bienveillance. Le Canada doit en effet soutenir, de façon tangible et continue, les efforts colossaux que déploient les Africains pour instaurer la paix et la démocratie dans la Corne de l'Afrique.

Je voudrais m'attarder un bref moment ici sur l'Érythrée qui est devenue un pays souverain, comme vous le savez, suite au référendum d'avril 1993, alors que les Érythriens ont eu à répondre à une question claire: «Voulez-vous que l'Érythrée soit un pays souverain et indépendant?». Le résultat a été éclatant. La population a voté à plus de 90 p. 100 en faveur de la souveraineté.

Le Canada a été l'un des premiers pays à reconnaître l'accession de l'Érythrée à la souveraineté et il faut s'en réjouir. En effet, le Canada doit clairement s'engager à reconnaître ces décisions démocratiques, lorsqu'elles ont été prises dans un cadre qui respecte les critères qui nous paraissent conformes aux impératifs de la démocratie.

Cela étant dit, nous pensons que le gouvernement canadien doit se reconnaître une obligation spéciale envers l'Érythrée, dans la mesure où elle représente un élément prometteur de paix et de stabilité dans la région de la Corne de l'Afrique. À notre avis, cela justifie l'allocation d'un soutien spécial à un programme de reconstruction et de développement à long terme. Le Canada doit en effet s'engager à accorder une aide importante au programme de reconstruction et de développement durable.

J'écoutais la secrétaire d'État nous parler du Centre de recherche stratégique situé à Qanater, au nord du Caire, un projet auquel participe le Canada. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction. En fait, le développement durable doit constituer un objectif transcendant de la politique étrangère canadienne et je dirais même l'objectif fondamental de notre aide publique au développement.

Nous accueillons favorablement l'engagement du gouvernement à aider l'Éthiopie et l'Érythrée à passer de l'aide humanitaire à la reprise économique. Un des principaux objectifs de notre aide internationale doit effectivement être de contribuer au développement de l'autonomie des pays bénéficiaires. Il faut aider ces pays à mettre en place des structures et des institutions, notamment une constitution qui leur permettra de se gouverner de façon plus démocratique et pacifique. La secrétaire d'État le reconnaît, c'est essentiel.

Enfin, par le dialogue et nos programmes de coopération, nous devons nécessairement chercher à renforcer le respect des droits de la personne, le développement démocratique et les pratiques de bon gouvernement. La promotion du développement humain durable et des droits de la personne doit être au centre de nos politiques. Le Bloc québécois insiste sur cet aspect. Il considère que ces éléments doivent constituer les clés de voûte de la politique étrangère du Canada.

L'engagement de la secrétaire d'État à l'égard des femmes égyptiennes et l'annonce de la contribution de 14,9 millions de dollars pour l'éducation primaire des fillettes de quinze pays africains, par l'entremise de l'UNICEF, va dans ce sens et il faut l'applaudir.

En terminant, nous croyons que le gouvernement doit cependant prendre d'autres engagements concrets, notamment celui de favoriser par le biais des programmes déjà existants au Canada et aux Nations Unies le développement des ONG érythriennes et le recours aux expertises locales dans les activités de reconstruction et de réhabilitation. Il faut continuer nos efforts.

[Traduction]

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, nous souhaitons la bienvenue à la secrétaire d'État qui rentre d'un voyage à l'étranger. Nous sommes heureux qu'elle soit revenue saine et sauve.


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De notre point de vue, la secrétaire d'État a parlé de plusieurs initiatives positives. Au nom du gouvernement, elle a dit des choses très encourageantes pour les gens les plus démunis du monde.

Nous sommes heureux que le gouvernement se soit engagé à verser plus d'argent à l'Érythrée et à l'Éthiopie, qui ont été ravagées par la famine et la guerre ces dernières années. Nous devons aider ces pays à rebâtir leur économie et à faire la paix avec les États voisins. Nous félicitons le gouvernement pour ses efforts.

La secrétaire d'État a semblé laisser entendre que le gouvernement pourrait rétablir l'aide bilatérale à ces pays. Nous ne nous opposons certainement pas à cela, pourvu que les gouvernements de ces pays ne se servent pas de notre aide à des fins militaires ou autres.

(1215)

En raison de mon association avec le Comité permanent des affaires étrangères, je reçois régulièrement des bulletins sur divers sujets. Par exemple, on y parlait d'une tendance vers la démocratie et vers des entreprises stables axées sur le marché en Éthiopie, ce qui est très encourageant.

J'espère que ces bulletins reflètent fidèlement la réalité.

Je veux mettre en contraste les paroles de la secrétaire d'État avec l'orientation actuelle du Comité permanent des affaires étrangères, qui est en train de rédiger son rapport final au ministre. J'ignore ce que contiendra le rapport final, car cela dépendra beaucoup des négociations, mais je crains que le comité n'adopte le plus petit commun dénominateur pour tenter de plaire à tout le monde et qu'il ne présente que très peu de recommandations concrètes.

Je crains, par exemple, que l'on ne propose pas de légiférer sur le mandat de l'ACDI et que le comité ne recommande pas que notre budget d'aide de plus en plus restreint soit réservé pour les peuples qui en ont le plus besoin. La secrétaire parlementaire a parlé de la nécessité d'adopter une orientation pour l'avenir.

Je suis convaincu que quelqu'un au bureau du ministre et à celui de la secrétaire parlementaire m'écoute en ce moment. J'espère que quiconque m'écoute, surtout au bureau du ministre des Affaires étrangères, prend des notes. Je crois qu'il nous faut un rapport fort qui reflétera les paroles prononcées aujourd'hui par la secrétaire parlementaire et qui exprimera un soutien pour les masses démunies de régions comme l'Érythrée, l'Éthiopie et l'Égypte.

Les ministres, y compris la secrétaire d'État et le ministre des Affaires étrangères, doivent parler avec leurs collègues libéraux qui siègent au Comité des affaires étrangères pour les encourager à ne pas se contenter de recommandations timides, mais à faire des recommandations fermes qui expriment un soutien pour les peuples les plus pauvres du monde.

Au sujet de l'Égypte, il n'a pas été question de la participation de la secrétaire d'État à la conférence du Caire sur la population. Cela s'explique probablement par le caractère litigieux des questions qui y ont été soulevées. Je veux dire un mot sur cette conférence. Il a été amplement démontré que les facteurs déterminants dans la croissance démographique sont l'industrialisation ainsi que l'état de santé et le niveau d'instruction des populations.

Par conséquent, la meilleure chose que nous puissions faire consiste à concentrer une bonne partie de notre aide étrangère sur les services de santé et d'éducation de base dans le tiers monde. L'ACDI dépense 120 millions de dollars par année pour permettre à des étudiants du tiers monde d'obtenir des diplômes supérieurs comme des maîtrises et des doctorats. Nos programmes de développement sont peut-être efficaces, mais nous dépensons de plus en plus pour les classes dominantes de pays où il y a très peu de gens instruits et où les masses demeurent dans l'ignorance et restent aux prises avec des problèmes de santé.

J'ai constaté que, cette année, l'ACDI a accordé pas moins de 28 millions de dollars à la Fédération nationale du planning des naissances. J'imagine que la majeure partie de cet argent servira à fournir des services de base en hygiène et en éducation dans le tiers monde plutôt qu'à financer des mesures coercitives de contrôle des naissances et des services d'avortement, deux questions qui ont suscité une forte controverse au Caire le mois dernier.

Le moyen d'éviter de telles pratiques négatives est simple: il suffit d'éduquer les nécessiteux et d'améliorer les services de santé de base pour l'ensemble de la population.

C'est pourquoi nous félicitons la secrétaire d'État d'être allée dans les régions rurales d'Égypte et là où les problèmes sont les pires. Nous nous réjouissons des programmes dont elle a parlé pour scolariser les filles et nous les appuyons de tout coeur pourvu qu'on n'oublie pas les garçons qui ont besoin eux aussi d'une scolarisation de base.

Nous n'approuvons pas, loin de là, tous les voyages que font les membres du gouvernement actuel, mais en l'occurrence, nous croyons que ce voyage en valait vraiment la peine pour affirmer le soutien du Canada aux peuples les plus nécessiteux dans le monde. Il ne fait aucun doute que la ministre a été frappée de compassion devant la pauvreté qu'elle a vue, et elle a sans doute éprouvé de la satisfaction en constatant que le Canada peut y changer quelque chose même si c'est de façon bien modeste.

Je ne puis qu'espérer que la secrétaire d'État communiquera ses sentiments à ses collègues libéraux au Comité permanent des affaires étrangères et qu'elle usera de toute son influence pour renforcer les recommandations du comité dans ces domaines.

* * *

[Français]

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

M. Jean-Robert Gauthier (Ottawa-Vanier): Monsieur le Président, j'ai le plaisir, en vertu de l'article 34 du Règlement, de présenter dans les deux langues officielles le rapport de la section canadienne de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française concernant les Deuxièmes jeux de la francophonie qui ont eu lieu à Paris, du 5 au 13 juillet 1994.


6722

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le 39e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre au sujet de la liste des membres associés et membres permanents des comités. Si la Chambre donne son consentement, j'ai l'intention de proposer l'adoption de ce rapport plus tard aujourd'hui.

[Traduction]

AFFAIRES AUTOCHTONES ET DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

M. Elijah Harper (Churchill): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le septième rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord concernant le projet de loi C-36, Loi concernant l'accord de règlement de la première nation crie de Split Lake sur les questions découlant d'une convention sur la submersion des terres, dont il est fait rapport sans propositions d'amendement.

* * *

(1220)

LA LOI SUR LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien) demande à présenter le projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les allocations spéciales pour enfants et la Loi sur l'assurance-chômage.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

LOI SUR L'OFFICE DES DROITS DE SURFACE DU YUKON

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) demande à présenter le projet d loi C-55, Loi établissant un organisme ayant compétence pour statuer sur les différends concernant les droits de surface au Yukon, et modifiant certaines lois en conséquence.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

[Français]

LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES

M. Jean-Robert Gauthier (Ottawa-Vanier) demande la permission de présenter un projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (examen de la loi.)

-Monsieur le Président, je voudrais remercier mon collègue et ami de Nickel Belt d'avoir appuyé ce projet de loi. Le projet de loi modifie la Loi sur les langues officielles et prévoit que le gouverneur en conseil, sur recommandation du premier ministre du Canada, sera tenu de nommer une personne responsable de l'examen de cette loi et des conséquences de son application. Je souligne le mot application. La personne nommée devra soumettre au premier ministre un rapport sur les conclusions de son examen dans l'année qui suit le début de son mandat et le premier ministre sera tenu de déposer dans les deux Chambres du Parlement, la Chambre des communes et le Sénat, ledit rapport, afin que les députés puissent l'étudier.

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je propose que le 39e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, déposé plus tôt aujourd'hui, soit adopté.

(La motion est adoptée.)

* * *

EXAMEN DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je propose que la date prévue pour le dépôt du rapport final du Comité spécial d'examen de la politique étrangère du Canada soit reportée au 15 novembre 1994 et qu'un message soit communiqué au Sénat pour l'en informer.

TCC (La motion est adoptée.)

PÊCHES ET OCÉANS

L'hon. Alfonso Gagliano (secrétaire d'État (Affaires parlementaires) et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes) Monsieur le Président, conforméement à l'article 56.1 du Règlement, je propose:

Qu'un sous-comité du Comité permanent des pêches et des océans soit autorisé à se rendre au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest au cours d'octobre 1994 pour entreprendre une étude de l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce et que le personnel voulu accompagne le sous-comité.
(La motion est adoptée.)

* * *

(1225)

PÉTITIONS

L'ÉTHANOL

M. Rex Crawford (Kent): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter cette pétition au nom de citoyens de ma circonscription et de l'Alberta. Ils demandent au gouvernement d'accorder un soutien à long terme à l'industrie de l'éthanol, compte tenu du fait que les États-Unis prévoient déjà 49 grandes usines de production d'éthanol tandis que le Canada importe ce


6723

produit, créant ainsi des emplois aux États-Unis et aidant les agriculteurs américains.

Je me joins à mes électeurs pour exhorter le gouvernement à réagir avant que tout le monde ne nous précède dans l'exploitation durable de cette ressource renouvelable.

LA VIOLENCE DANS LES MÉDIAS

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface): Monsieur le Président, je présente une pétition dont les signataires dénoncent les manifestations de violence à la radio et à la télévision comme un réel problème pour la société canadienne.

Les pétitionnaires veulent que le CRTC réglemente et, si possible, contrôle toutes les formes de violence à la radio et à la télévision. Ils souhaitent que cela cesse si possible.

Ils demandent au gouvernement de veiller à ce que le CRTC intervienne. Les parents font remarquer que, très souvent, la violence à la radio et à la télévision va à l'encontre des efforts qu'ils déploient pour élever leur famille dans un milieu sûr et sain.

[Français]

LES PERSONNES ÂGÉES

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Monsieur le Président, j'ai une pétition au sujet des aînés.

[Traduction]

Les personnes âgées veulent nous rappeler, à nous, parlementaires, qu'ils ont beaucoup contribué à la qualité de vie dont nous bénéficions dans notre pays et qu'ils continuent encore de le faire aujourd'hui. Ils signalent que leur nombre va en augmentant, et j'imagine que nous deviendrons tous des personnes âgées à plus ou moins brève échéance, peut-être trop rapidement parfois. Ils signalent que la demande touchant différents régimes comme ceux des pensions et des soins de santé ira en s'intensifiant. Les personnes âgées ont besoin de logements confortables, d'activités sociales et communautaires et elles veulent l'assurance qu'elles pourront, au besoin, recevoir les soins de santé nécessaires.

Les personnes âgées demandent simplement au gouvernement de se souvenir, au moment de modifier les budgets, les lois ou les programmes, de leur contribution passée et actuelle. Je les appuie entièrement.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, j'ai le privilège de présenter aujourd'hui trois pétitions distinctes qui traitent toutes de la même question. Un total de 262 autres électeurs de ma circonscription ont pris le temps de signer des pétitions dans lesquelles ils expliquent que la majorité des Canadiens s'opposent à ce que les privilèges accordés aux couples hétérosexuels soient consentis aux couples formés de personnes du même sexe.

Les pétitionnaires demandent aussi au Parlement de ne pas modifier le Code canadien des droits de la personne de manière à y inclure l'expression non définie «orientation sexuelle».

Je partage l'opinion de ces pétitionnaires.

(1230)

L'ÉTHANOL

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur et le privilège de déposer aujourd'hui une pétition signée par des électeurs de la circonscription de Lambton-Middlesex et dûment certifiée par le greffier des pétitions.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de maintenir pour une période de dix ans l'exemption de taxe d'accise actuellement en vigueur pour l'éthanol entrant dans la composition de carburants mixtes, afin de faciliter l'établissement au Canada d'une industrie de l'éthanol qui soit solide et autosuffisante, une industrie qui fournirait un carburant provenant de ressources renouvelables et sans danger pour l'environnement et qui stabiliserait manifestement l'agriculture canadienne et l'économie de notre pays, en général.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'aimerais présenter une pétition signée par Cindy Silver et par 98 autres personnes. Ces pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier le code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe ou l'homosexualité et, notamment, de ne pas modifier le code des droits de la personne de manière à y inclure l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de discrimination interdits.

LA JUSTICE

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter des pétitions au nom de mes électeurs et d'autres personnes qui demandent au Parlement de légiférer contre les nominations permanentes de juges.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Ray Bonin (Nickel Belt): Monsieur le Président, je voudrais présenter une pétition signée par des habitants du nord de l'Ontario.

Le titre de la pétition se lit comme suit: «La majorité des Canadiens croient que les médecins devraient travailler à sauver des vies et non à y mettre un terme.»

Les pétitionnaires prient le Parlement de veiller à ce que soient vigoureusement appliquées les dispositions du Code criminel du Canada interdisant le suicide assisté et de ne pas adopter de modifications législatives ayant pour effet de permettre l'aide au suicide ou l'euthanasie passive ou active.

Je voudrais remercier et féliciter ces pétitionnaires de leurs efforts visant à nous faire connaître leur point de vue à la Chambre et à moi. J'appuie leurs efforts.


6724

L'AVORTEMENT

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River): Monsieur le Président, j'ai trois pétitions à présenter. Très brièvement, je présente d'abord une pétition au nom de mes électeurs qui veulent que le Code criminel soit modifié pour interdire l'avortement.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River): Monsieur le Président, la deuxième pétition que je voudrais présenter vient de certains de mes électeurs qui ne veulent pas que les revolvers et les pistolets soient interdits.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River): Monsieur le Président, la troisième pétition que j'ai à présenter vient de certains de mes électeurs qui expriment le souhait que les dispositions du Code criminel interdisant le suicide assisté soient strictement appliquées et que le Parlement ne modifie pas la loi.

LE JEU DU TUEUR EN SÉRIE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais déposer une pétition comprenant 7 012 signatures. Ces pétitionnaires pressent le Parlement d'interdire le jeu de tueur en série.

Cette pétition s'ajoute à celles qui ont déjà été déposées et qui comprennent 111 638 signatures. Le nombre de signataires s'élève donc maintenant à 118 640.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

M. Vic Althouse (Mackenzie): Monsieur le Président, je note que le secrétaire parlementaire a proposé que toutes les questions restent au Feuilleton et je sais que c'est la coutume. Par contre, il existe une entente, ou plutôt une règle, à la Chambre qui veut que les réponses restent 45 jours au Feuilleton.

J'attire l'attention de la Chambre-et je suis désolé de devoir y mettre un peu de temps-sur un incident qui m'est arrivé récemment. La semaine dernière, on m'a rapporté quelques-unes de mes questions.

Comme vous le savez sans doute, monsieur le Président, il semble bien que les questions composites ne soient plus permises. Autrement dit, si une de nos questions comporte trois ou quatre éléments, elle épuise la limite des quatre questions admissibles au Feuilleton en même temps. On peut très bien trépigner sur son siège pendant 45 jours en attendant que la liste des questions se libère pour poser d'autres questions et se trouver, comme ça a été mon cas la semaine dernière, dans la situation de devoir patienter encore 135 jours, ce qui fait que j'ai été réduit au silence trois fois plus longtemps que je n'aurais dû l'être.

(1235)

Pour comble, trois des questions ont obtenu pour seule réponse que le service, le ministère ou l'organisme ne possédait pas les données voulues. Pourquoi devrais-je attendre 135 jours pour me faire dire que le ministère ne connaissait pas la réponse?

J'exhorte le secrétaire parlementaire et le gouvernement à répondre beaucoup plus diligemment, surtout quand ils ne peuvent pas fournir les renseignements demandés, car il s'en faut de peu qu'ils n'empiètent sur un domaine lié au droit à l'information dont jouissent les députés à la Chambre. Le fait est que, par leur lenteur, ils m'empêchent d'obtenir des réponses à d'autres questions pendant près de cent jours de plus que ne l'autorisait mon privilège de parlementaire.

Je n'en fais pas ici une question de privilège, me contentant de demander au secrétaire parlementaire de bien vouloir exhorter les ministères à se montrer plus diligents et plus disposés à fournir des réponses et, quand ils ne les connaissent pas, à me le faire savoir immédiatement.

M. Milliken: Monsieur le Président, je compatis avec le député. Je sais que le gouvernement fait tous les efforts qu'il peut pour répondre le plus vite possible aux questions.

Les questions appellent parfois de longues consultations auprès de nombreux services gouvernementaux. Dans ce cas, il faut beaucoup de temps. Pour ce qui est des questions que le député à inscrites au Feuilleton, je peux dire que les réponses que nous avions reçues initialement ont été renvoyées, car nous n'en étions pas satisfaits.

Je comprends qu'il soit déçu, mais les organismes en cause ont répondu qu'ils ne pouvaient pas, ou ne voulaient pas, dévoiler les données, ou encore qu'ils n'avaient pas les chiffres demandés. Nous ne pouvions accepter cela. Nous avons donc renvoyé les documents aux organismes en demandant qu'ils nous présentent des réponses satisfaisantes. Voilà une explication partielle du délai. À cela s'ajoute le fait que la Chambre ne siège pas l'été.

Je sympathise avec le député. J'espère qu'il inscrira d'autres questions au Feuilleton. Nous ferons de notre mieux pour répondre à ses questions, comme nous le faisons pour tous les autres députés.

M. Althouse: Monsieur le Président, je serai bref. Je suis heureux que le député ait parlé de la difficulté d'obtenir auprès de l'organisme en cause, c'est-à-dire l'Office du transport du grain, des informations découlant de l'application de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Le 6 mai dernier, le comité mixte sur l'agriculture et le transport a eu les mêmes difficultés à obtenir de l'information.

Le comité a demandé au ministre des Transports de nommer immédiatement une autre personne qui assumerait les responsabilités attribuées à l'OTG quant à l'administration et au contrôle de la répartition des wagons de la flotte afin que l'approvisionnement en matériel roulant soit satisfaisant pour que les producteurs puissent faire transporter leurs grains de manière efficace, fiable et efficiente.

En répondant à mes questions qu'il ne connaissait ni le nombre ni l'emplacement des wagons du système, l'organisme n'a fait qu'envenimer la situation. Le comité mixte est parvenu à la même conclusion. Je crois. . .

6725

Le vice-président: Restons-en là. Les questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: Oui.

[Français]

Le vice-président: Je désire informer la Chambre qu'en raison de la déclaration ministérielle, les ordres émanant du gouvernement seront prolongés de 14 minutes, conformément au paragraphe 33(2) du Règlement.

* * *

[Traduction]

MOTION PORTANT PROLONGATION DE LA SÉANCE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, je désire présenter la motion suivante. Après consultation des whips d'en face, je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime de la Chambre. Elle se lit comme suit:

Que la séance soit prolongée de 30 minutes et que, pendant la prolongation, nonobstant le Règlement, la présidence refuse que des motions dilatoires soient présentées ou que l'absence de quorum soit signalée.
Si cette motion est présentée, c'est pour répondre au désir du député de Saskatoon-Clark's Crossing de prononcer un discours à la Chambre aujourd'hui. Nous espérons que cela sera possible avec la prolongation de la séance d'une autre demi-heure et l'attribution habituelle de temps.

(La motion est adoptée.)

_____________________________________________


6725

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

La Chambre reprend l'étude de la motion.

Le vice-président: Je donne la parole à la députée de Saint John. Elle a le droit de répondre à la question qu'on a posée de l'autre côté de la Chambre.

(1240)

Mme Elsie Wayne (Saint John): Monsieur le Président, la députée a dit qu'à son avis, il ne faudrait pas faire de politicaillerie, mais examiner tous ensemble, d'une manière très responsable, les politiques sur la réforme des programmes sociaux. Je suis d'accord avec elle là-dessus.

Cependant, je dois dire que pour effectuer une réforme de la politique sociale, il faut d'abord consulter les provinces. Or, si le gouvernement libéral et le ministre du Développement des ressources humaines n'obtiennent pas de propositions des provinces, ils n'auront pas de solutions.

Il faut que les gouvernements fédéral et provinciaux rationalisent les programmes pour veiller à supprimer les chevauchements et le double emploi.

La députée a également parlé de rencontres avec les électeurs et de comptes rendus de ces rencontres. J'ai bel et bien l'intention de rencontrer les électeurs de ma circonscription et j'espère que le ministre du Développement des ressources humaines accordera à leurs suggestions un peu plus d'attention que le ministre des Transports ne l'a fait pour les questions de transport.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur le document de travail qu'a déposé le ministre du Développement des ressources humaines et qui s'intitule La sécurité sociale dans le Canada de demain.

Dans le cadre de ce débat, quelques thèmes de base reviennent sans cesse. Un des plus importants, c'est que n'importe quel programme gouvernemental reflète les réalités de l'époque où il a été créé. C'est certainement vrai dans le cas du statu quo pour les programmes sociaux.

Ils ont été conçus à une époque où la plupart des gens avaient besoin de relativement peu de compétences pour décrocher un emploi et le conserver. Leurs études et leur apprentissage sur le tas leur suffisaient généralement pour gagner leur vie le reste de leurs jours. Les gens avaient besoin d'aide financière entre deux emplois. Il fallait en soutenir d'autres qui ne pouvaient absolument pas travailler à cause d'une invalidité ou d'engagements familiaux.

L'ancien système était basé sur un monde stable avec des compétences stables et des emplois stables pour la grande majorité des travailleurs. Quelqu'un croit-il encore que cela soit toujours vrai? Trop de gens apprennent à leurs dépens que les programmes et les services en place sont conçus davantage pour maintenir les gens dans la situation où ils sont que pour les aider à réaliser pleinement leur potentiel.

Notre système donne aux gens juste assez d'argent pour vivre, mais pas assez d'occasions de réussir. Il récompense parfois ceux qui manipulent les règles mieux que ceux qui essaient simplement de s'en sortir.

Les gens le constatent. Ils savent que certaines activités respectent la loi à la lettre, mais sont contraires à son esprit. Par exemple, j'ai reçu une lettre d'un homme de l'Ontario qui me signale comment de gros employeurs utilisent le régime d'assurance-chômage pour encourager les travailleurs à prendre une retraite anticipée. Ce n'est peut-être pas, à proprement parler, contraire aux règles établies, mais c'est loin d'être cohérent, lorsqu'on sait que l'assurance-chômage est censée être une source de revenu pour les gens en attendant qu'ils se trouvent un autre emploi.

Une autre personne m'a écrit pour me parler de l'économie qui s'est développée dans une petite ville de la Colombie-Britannique autour de l'assurance-chômage. Elle voit des jeunes apprendre de leurs parents qu'il n'y a rien de mal à quitter l'école assez tôt, sans avoir de compétences réelles, et à ne travailler que le nombre de semaines requis pour avoir droit à des prestations d'assurance-chômage qu'on touche ensuite pour le reste de l'année.

Y a-t-il un député qui n'ait pas entendu parler de ces préoccupations? Que disons-nous aux gens qui soulèvent ces questions? Cette situation se produit trop souvent pour dire simplement qu'il s'agit là d'un cas isolé. On voit ainsi que le statu quo n'est plus acceptable et qu'il risque fort de ne plus avoir l'appui des Canadiens. Cela explique, dans une large mesure, pourquoi 78 p.


6726

100 des Canadiens croient que nos programmes sociaux sont essentiels, mais que 85 p. 100 d'entre eux jugent qu'ils doivent être réformés.

Les sondages et notre courrier nous le disent. Les Canadiens ne sont pas satisfaits du statu quo. Ils savent qu'un filet de sécurité sociale plus efficace et efficient est non seulement possible, mais nécessaire.

(1245)

La principale qualité de ce document de travail sur la réforme de la sécurité sociale, c'est qu'il présente des faits, des idées et des choix réels. Il aide les Canadiens à traduire leurs sentiments et leurs expériences en conseils utiles au gouvernement sur les programmes sociaux.

Les Canadiens veulent travailler. Ils veulent que leurs concitoyens travaillent, mais entre la création d'emplois pour remettre les gens au travail et l'atteinte de cet objectif, il y a toute une série de défis à relever. Beaucoup de gens ne connaissent pas grand-chose au marché du travail. D'autres sont analphabètes. D'autres encore ont des emplois mais reçoivent très peu de formation pour améliorer leurs compétences. Certaines personnes se heurtent au manque de services de garde de qualité à prix abordable. Des personnes handicapées peuvent énumérer la liste des obstacles qu'elles rencontrent chaque jour. Le défi consiste à fixer des priorités en fonction des besoins et des chances de réussite, en tenant compte des contraintes financières actuelles.

L'importance de la participation de la collectivité est l'une des idées centrales que l'on retrouve dans une partie du document qui porte sur le travail. En établissant des priorités, le gouvernement fédéral reconnaît clairement qu'il n'y aura jamais assez d'argent pour répondre à tous les besoins. C'est pourquoi le document de travail propose d'adopter certains mécanismes qui permettraient aux collectivités de fixer des priorités et de travailler en fonction de ces priorités.

À quoi pourraient ressembler les programmes d'assurance-chômage par suite d'une réforme en profondeur de la sécurité sociale? Pour commencer, il pourrait y avoir, dans les collectivités, un centre responsable de la fourniture des programmes sociaux. La création d'un mécanisme permettant aux gens de se réunir pour déterminer les priorités et les besoins du marché du travail local serait un début. À l'aide des meilleurs renseignements, des renseignements les plus à jour qui soient sur ce qui fonctionne bien pour la formation, ils pourraient investir dans une combinaison de formation chez l'employeur, de subventions salariales pour les chômeurs chroniques et les jeunes, et d'autres genres de formation venant de différentes sources.

Un partenariat entre gouvernements dans la collectivité pourrait mener à la création d'un centre unique pour la prestation de tous les services d'assurance-chômage et de soutien du revenu. On pourrait adresser à ce centre une personne qui cherche un soutien du revenu pour la conseiller et l'aider à acquérir de bonnes techniques de recherche d'emploi. Pensez à la mère soutien de famille qui, au même endroit, pourrait obtenir l'aide dont elle a besoin pour la garde des enfants et le logement et recevoir un cours d'alphabétisation.

L'entente que le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario ont conclue pour créer une commission locale de mise en valeur de la main-d'oeuvre nous donne une idée de ce que nous réserve l'avenir. Ces gouvernements ont accepté de travailler avec les collectivités de cette province.

Des commissions locales composées de représentants de syndicats, d'entreprises, du secteur de l'enseignement et d'autres segments de la société auront la possibilité de déterminer et d'établir les priorités pour ce qui est des dépenses gouvernementales consacrées au marché du travail. Elles décideront du type de formation dont on a besoin et les secteurs sur lesquels on devrait insister pour le développement de l'emploi. Ce sera l'occasion pour les gens qui connaissent leur région, qui veulent bâtir un meilleur avenir pour le pays, de contrôler les outils qui leur permettront de réaliser leur rêve.

Ce type de coopération pourrait amener les gouvernements et les collectivités à s'efforcer ensemble de briser le cercle vicieux de la dépendance à l'égard de l'assurance-chômage. Cela pourrait donner lieu à des efforts en vue de doter les gens de compétences véritables, de créer de vrais emplois et de permettre à une économie réelle de prospérer.

Ce document examine comment faire en sorte que l'assurance-chômage aide les gens à trouver un emploi et à le garder. Nous demandons aux Canadiens de nous dire si notre système d'assurance-chômage devrait comporter deux volets, un qui offrirait une protection de base de type assurance et l'autre qui s'adresserait aux gens qui se trouvent régulièrement au chômage et qui ont peut-être besoin d'une aide plus importante. Nous leur demandons de nous dire s'il est préférable de renforcer le système actuel ou si nous devrions prévoir deux volets. Nous voulons savoir ce qu'ils feraient dans le cas des travailleurs à temps partiel, des travailleurs indépendants employés à contrat, et d'autres personnes qui ne reçoivent actuellement aucune aide.

Ce sont là des choix réels. Les Canadiens ont le droit de déterminer leurs propres priorités. Nous pensons, et les Canadiens en conviennent, que doter les gens des compétences nécessaires et les inciter à travailler constituent une priorité valable. Nous voulons aller plus loin et examiner la solution logique étant donné les fonds dont nous disposons.

Arriver à un équilibre entre les priorités sociales et les priorités économiques n'est pas une tâche facile. Nous reconnaissons que nous devrons faire des choix difficiles si nous voulons satisfaire à la fois à nos objectifs sur le plan social et à nos obligations financières envers les Canadiens. Cependant, ce sont des choix que les Canadiens peuvent faire.

(1250)

Il va de soi que personne ne veut nous voir créer un nouveau programe que nous imposerions aux Canadiens. Les citoyens veulent que nous les écoutions eux aussi, pas seulement les groupes d'intérêts spéciaux et les experts, mais aussi ceux qui ont besoin de ces programmes et qui en supporteront le coût. C'est ce que le gouvernement s'engage à faire.

Le document de travail qui vient d'être publié a pour objectif de remettre les gens au travail. Nous pouvons édifier une société qui ait les compétences voulues pour attirer les investissements. Nous pouvons aider les Canadiens à relever les défis de la vie dans une société et une économie en constante mutation. Nous pouvons prendre les mesures voulues pour permettre aux gens d'améliorer leur situation à long terme, grâce aux décisions qui seront prises en cette Chambre. Le statu quo n'est pas satisfaisant et le temps est venu d'agir.

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le discours de mon collègue. Je suis heureux de constater qu'un député libéral ait


6727

reconnu qu'il y avait un risque que la population retire sa confiance et son appui au filet de sécurité sociale et qu'elle finisse par douter de la capacité du gouvernement de fournir les services en notre nom à tous. Je crois pour ma part que cette confiance est déjà diluée.

Je trouve également encourageant que le député reconnaisse que la réforme est inévitable et que la situation actuelle ne peut se perpétuer. Peu importe quel parti politique est au pouvoir, il faut procéder à la réforme des grands programmes du filet de sécurité sociale.

Je trouve également réconfortant d'entendre mon collègue parler de besoins prioritaires et mettre l'accent sur les dépenses sociales. En fait, une bonne partie du discours qu'il a tenu aujourd'hui aurait pu être celui d'un député réformiste. Il m'a toutefois semblé constater une certaine divergence entre l'espoir encourageant manifesté par le député et les propos de son ministre. J'espère qu'il fera son possible pour encourager son ministre à être vraiment à la hauteur de l'optimisme qu'il affiche.

Je ne suis pas aussi confiant que le député que le plan du gouvernement sera réellement mis en place par le ministre. Il est certain qu'il y a des choix difficiles à faire. Il indiquait qu'il y aurait des consultations permanentes pour que le public s'exprime. C'est certainement la reconnaissance d'une attitude que j'appuie, j'espère seulement que c'est sincère. Vous vous demanderez peut-être ce qu'il y a de concret dans les propositions du ministre. Contentons-nous d'espérer pour l'instant que tout cet optimisme ne s'essouffle pas.

M. Szabo: Monsieur le Président, il y aura dans tout ce débat beaucoup de grands discours destinés à donner le change, car la Chambre est politisée. Il arrivera que les Canadiens se demandent si ce que disent les députés est vraiment clair pour tout le monde.

Le ministre du Développement des ressources humaines a déposé un document de travail, mais les députés de l'opposition l'abordent et le critiquent comme si c'était une mesure législative. Ils disent, comme vient de le dire le député: «Qu'est-ce qu'il y a de concret?» Si c'était une mesure législative, elle contiendrait tous les programmes et toutes les étapes que le gouvernement envisage pour résoudre les problèmes, mais ce n'est pas une mesure législative. C'est un document de travail qui vise à susciter des commentaires des Canadiens.

Le gouvernement a dit clairement que nous ne pouvions plus nous contenter de modifications de détails aux programmes sociaux. Il faut que nous modifiions radicalement nos programmes et leur prestation. C'est ce qui explique l'existence de ce document de travail. C'est la raison pour laquelle nous donnons aux Canadiens l'occasion de faire connaître leur point de vue, par l'intermédiaire de leurs députés et de cette Chambre. Nous voulons être absolument certains que tous les députés comprennent les besoins et les souhaits des Canadiens et qu'ils sachent ce que nous sommes en mesure de leur offrir.

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, j'aimerais profiter de cette occasion pour souligner, à l'intention des députés de cette Chambre, un certain nombre d'initiatives prises dans la région atlantique qui soulignent la nécessité de réformer les programmes sociaux et qui misent davantage sur la coopération et sur la consultation entre les provinces et le fédéral.

(1255)

Le processus de réforme sociale repose avant tout sur le document de travail présenté par le ministre du Développement des ressources humaines. Le besoin de consultations constantes et efficaces est au coeur de ce document et de la refonte de la sécurité sociale. Cela signifie que nous devons parler aux Canadiens, tenir compte de leur point de vue et répondre à leurs besoins. Mais cela ne suffit pas.

Tous les chapitres du document de travail produit par le Comité permanent du développement des ressources humaines, qu'ils portent sur l'acquisition du savoir, l'emploi ou la sécurité, insistent sur le fait que le succès de la réforme dépendra de la collaboration étroite avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Le processus de la réforme sociale comporte la solution pour établir cette relation, c'est-à-dire le programme d'initiatives stratégiques que le Cabinet a approuvé en mai dernier.

Ce programme met à la disposition des deux paliers de gouvernement un mécanisme unique pour prendre des mesures dans les domaines de grande priorité que sont l'emploi, l'acquisition du savoir, l'éducation, la sécurité du revenu et les services sociaux. Les projets autorisés sont financés à parts égales par le fédéral et la province ou le territoire. Non seulement cette initiative favorise un dialogue ouvert avec les provinces et les territoires, mais, en raison de la collaboration qu'elle suppose, elle aide aussi à éliminer le gaspillage, l'inefficacité en matière d'affectation de fonds et le chevauchement qui résultent des systèmes actuels.

De nombreuses raisons expliquent pourquoi un programme d'initiatives stratégiques est une composante cruciale de la réforme de la sécurité sociale. Bien des raisons expliquent aussi pourquoi ce programme fonctionne. D'abord et avant tout, il remet des Canadiens au travail. Il aide des Canadiens à s'en sortir par leurs propres moyens.

Nous avons déjà réalisé de remarquables progrès, surtout dans les provinces atlantiques. Les initiatives lancées avec la collaboration des gouvernements du Canada atlantique toucheront plus de 10 000 Canadiens qui risquent de dépendre un jour de l'aide sociale.

Au Nouveau-Brunswick, plus de 1 000 Canadiens se joindront aux compagnies de travailleurs de la province. Grâce à ce programme, des bénévoles âgés de 50 à 65 ans auront l'occasion de mettre leurs talents et leurs connaissances à la disposition de leurs collectivités.

À l'Île-du-Prince-Édouard, le projet de disponibilité pour apprendre et d'alphabétisation avec l'aide de tuteurs ou de pairs viendra en aide à de jeunes adultes qui ont éprouvé des difficultés dans les établissements d'enseignement traditionnels. Le projet assurera l'alphabétisation, l'apprentissage de l'autonomie fonctionnelle, le rattrapage scolaire et la formation professionnelle à des chômeurs et à des assistés sociaux. On espère que le projet de disponibilité pour apprendre éliminera les obstacles à l'acquisi-


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tion du savoir que rencontrent depuis longtemps de nombreux insulaires.

À Terre-Neuve, plus de 5 000 Canadiens auront accès au programme Transition. Ce programme en trois volets s'adresse aux jeunes, à ceux qui veulent poursuivre des études postsecondaires, à ceux qui viennent d'obtenir un diplôme universitaire ou collégial et aux adultes en âge de travailler.

En Nouvelle-Écosse, 3 000 Canadiens vont bénéficier de quatre nouveaux programmes visant à offrir de la formation et des possibilités d'emploi aux adultes actuellement sans travail. Le programme Compass s'adresse aux plus démunis, à ceux qui risquent de développer une dépendance à l'aide sociale, aux jeunes chômeurs, aux chefs de familles monoparentales et aux pêcheurs mis à pied.

Chacun de ces programmes contribuera à redonner aux Canadiens non seulement du travail, mais encore leur dignité et leur fierté. Malheureusement, le système oublie trop souvent à quel point c'est important. Mais ces efforts ne sont qu'un début.

Pas plus tard que cette semaine, le ministre a annoncé une nouvelle initiative à Charlottetown. Le programme Choix et Possibilités viendra appuyer l'aide sociale aux personnes qui sont aux prises avec des difficultés mentales. Et à St. John's, Terre-Neuve, nous avons lancé un projet pilote centré sur le supplément du revenu.

(1300)

Tout cela montre à quel point il est important et souhaitable que les gouvernements fédéral et provinciaux collaborent entre eux. Il est excitant de savoir que nos collègues provinciaux, les premiers ministres McKenna et Wells, appuient vigoureusement ce document de travail, la façon dont notre gouvernement aborde la réforme de la sécurité sociale au Canada et les initiatives qui ont déjà profité à leurs administrés.

À ce jour, ce sont surtout les provinces de l'Atlantique qui ont participé à la mise au point et à l'application du Programme d'initiatives stratégiques, mais ce n'est qu'un début. Il reste beaucoup à faire.

Beaucoup de travailleurs dans la région de l'Atlantique sont des travailleurs saisonniers et leur apport ainsi que celui des industries saisonnières ne sont pas négligeables dans notre développement économique. Le tourisme, la pêche, l'agriculture, l'exploitation forestière et la construction sont des industries extrêmement importantes et elles le demeureront encore longtemps.

Pour cette raison, je crois que le gouvernement doit promettre d'accorder à ces gens une aide pour s'adapter aux changements, peu importe de quelle nature ils sont.

Comme le ministre du Développement des ressources humaines l'a déclaré, nous entrons dans un processus consultatif. Puisque, à mon avis, il est très important pour la population de ma circonscription, Carleton-Charlotte, j'y ai organisé des réunions publiques qui auront lieu la semaine prochaine et au mois de novembre. La population pourra donc participer directement au processus.

Nous ne pouvons pas refaire notre système de sécurité sociale du jour au lendemain. Pour réussir une réforme aboutissant à la mise en place de programmes adaptés aux besoins présents et à ceux des générations futures, il faut construire sur du solide. Nous devons édifier notre nouveau système pierre par pierre. Ensemble, avec toutes les provinces et tous les territoires, nous devons obtenir la collaboration des Canadiens pour créer un système de sécurité sociale amélioré. Nous lui donnerons la forme qui correspond aux besoins des Canadiens. Nous prévoyons des rapports plus étroits avec nos vis-à-vis des provinces et des territoires.

Ensemble, nous pouvons édifier un système de sécurité sociale pouvant faire entrer le Canada dans le XXIe siècle.

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, le député a utilisé le mot «consultation» à maintes reprises dans son discours. Des consultations doivent nécessairement être fondées sur de véritables renseignements. Pour que la population puisse prendre des décisions ou appuyer des choix qui font mal, elle doit connaître les vrais chiffres et savoir quelles sont les véritables options. Le document de travail ne fait qu'énoncer les préoccupations que les libéraux ne peuvent plus nier ni éviter.

Le député ira-t-il dans sa circonscription présenter crûment les choix qu'il faut faire, leur coût et leurs répercussions directes dans la collectivité? Et je ne parle pas uniquement des quelques sujets mentionnés dans le livre vert, mais de l'ensemble des programmes sociaux.

M. Culbert: Monsieur le Président, comme le mentionnait le député, j'ai effectivement l'intention de consulter mes électeurs et de leur offrir l'occasion d'exprimer leur avis et de faire des suggestions.

Dès qu'il a été question de ce document de travail, je me suis empressé de vérifier auprès du ministre l'importance qui serait véritablement accordée au processus de consultation qu'il proposait. Je voulais avoir l'assurance que les propos recueillis au cours de ces consultations seraient vraiment pris en considération et que nous aurions véritablement l'occasion d'apporter des changements.

Le ministre me l'a garanti. Si mes électeurs veulent proposer des idées et faire des suggestions, et ils voudront sûrement le faire, je suis persuadé que leurs opinions seront transmises au comité permanent, au ministre et au ministère. Cela fait partie de la collaboration nécessaire à l'élaboration d'un plan et d'un programme qui seront favorables à tous les Canadiens à l'aube du XXIe siècle.

(1305)

[Français]

M. Laurin: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. En vertu de l'article 43(2) du Règlement, j'aimerais indiquer à la Chambre que la prochaine période d'intervention réservée à notre parti sera partagée en deux.

M. René Canuel (Matapédia-Matane): Madame la Présidente, il me fait plaisir de parler de la réforme du système canadien de sécurité sociale. Tout à l'heure, j'entendais le député


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dire: «Nous avons des choix difficiles à faire.» Il me semble que les choix ne sont pas si difficiles à faire.

Très souvent, de l'autre côté, j'ai également entendu dire: «Proposez quelque chose.» Je vais vous proposer quelque chose. Le choix pour vous, de l'autre côté de la Chambre, est difficile à faire, je vous comprends. Quand, il y a 15 jours, on a présenté une loi pour modifier les dons aux partis politiques, certains collègues de l'autre côté ont voté avec nous, mais la plupart ont voté contre nous, parce qu'ils ont des amis très riches et les amis très riches mettent de l'argent dans la caisse. Il est facile de comprendre qu'après, quand on a des choix à faire, ça devient extrêmement difficile.

C'est vrai qu'il y a deux choix. Mais pourquoi sommes-nous arrivés à faire un choix? C'est qu'à l'époque de M. Trudeau, on a endetté le Canada avec des dépenses folles que les conservateurs ont continuées. Ce n'est pas à cause des partis de l'opposition, ce n'est pas à cause du Parti réformiste, ce n'est pas à cause de nous, ce n'est pas à cause du NPD: ils n'étaient pas au pouvoir. Qui a endetté le Canada, depuis 30 ans? Les deux partis au pouvoir. Cinq cent trente milliards de dollars de dette, 40 milliards de dollars en intérêts à payer, et nous en sommes rendus, à cause de cette situation, à faire des choix, évidemment.

Quel est le choix à faire? Est-ce qu'on va aller chercher l'argent là où il est ou est-ce qu'on va aller vider les poches de ceux qui n'en ont pas? Nous, nous disons: «Allons chercher l'argent là où il est.» Allons-y, à coups de milliards de dollars sur le dos des fiducies familiales, de ceux qui ne paient pas d'impôt, des multinationales qui sont ici, allons les chercher là, les milliards de dollars. N'allons pas chercher des graines, des 10 c., des 25 c., dans les poches des pauvres.

C'est cela mon choix, c'est cela, la solution. Allons de l'autre côté. La semaine dernière, le Conseil canadien des affaires sociales lançait un autre cri d'alarme, en dénonçant l'immense détresse de plus d'un million d'enfants qui ne mangent pas à leur faim. Un million d'enfants! Dans les écoles où j'ai enseigné, beaucoup d'enfants ne mangeaient pas le midi. Heureusement qu'il y avait des personnes extrêmement généreuses, des Jean-Marc, des Christian, des Daniel, qui leur payaient leur repas. Pourquoi ne mangeaient-ils pas, ces enfants?

C'est que les parents avaient des dettes. Ils avaient trois ou quatre enfants et ils avaient acheté à crédit leur voiture, leur scie mécanique, leur bateau et quand l'année scolaire commençait, ils étaient également obligés d'acheter des volumes, des cahiers. Ils étaient obligés de payer l'association étudiante. Il ne restait plus d'argent pour manger. Je crois sincèrement que l'objectif de la réforme du système canadien de sécurité sociale devrait être de combattre la pauvreté et non pas de combattre les pauvres. Jusqu'à maintenant, on veut appauvrir les plus pauvres, c'est comme ça que je vois cette réforme.

(1310)

L'objectif devrait être de créer, en ce supposé beau et grand pays, plus de justice sociale et non pas d'écraser davantage les plus démunis, les sans voix, les plus faibles. L'objectif devrait être de faire en sorte qu'il y ait dans cette société un meilleur partage de la richesse collective. Ce n'est pas ça qu'il y a dans ce pays. Les riches, en peu de temps, deviennent de plus en plus riches; les pauvres, depuis des années et des années, s'appauvrissent.

Je ne suis pas convaincu que c'est là le véritable objectif poursuivi par le ministre responsable. Je ne suis pas convaincu également que l'objectif poursuivi soit le bon pour ce gouvernement. Je crois plutôt que l'objectif non avoué de cette réforme est uniquement et exclusivement de réduire les dépenses gouvernementales en privant encore davantage les sans voix, les plus démunis.

Ce genre de politique conservatrice a pour effet d'augmenter de façon dramatique le chômage et la pauvreté dans ce pays. Les politiques conservatrices ont conduit directement à l'appauvrissement systématique des classes moyenne et modeste.

Ce gouvernement agit comme un agriculteur qui cesserait de nourrir son troupeau. Croyez-vous que de cette manière il augmenterait sa production? S'il réduisait les rations, croyez-vous qu'il obtiendrait un meilleur rendement? S'il cessait de travailler sa terre, croyez-vous que sa récolte serait meilleure? Pour obtenir des résultats, il faut investir aux bons endroits et réduire également aux bons endroits.

Couper dans l'éducation postsecondaire empêchera un grand nombre de citoyens et de citoyennes de bien se former. Chez nous, je le répète très souvent, n'ayant pas encore de cégep dans la vallée-il y en a un à Matane-n'ayant pas d'université dans notre comté-elles sont à Rimouski, Québec, Laval, Montréal-si on coupe dans le postsecondaire, il y a des centaines d'étudiants qui ne pourront pas aller aux études.

Si ça coûte le double ou le triple, on ne pourra plus envoyer nos jeunes aux études. Rimouski, c'est une université formidable, sauf qu'elle n'offre pas toutes les facultés, à ce moment-là, c'est pour ça que nous sommes obligés d'aller à Laval ou ailleurs. Couper dans l'éducation postsecondaire n'est sûrement pas une bonne méthode pour adapter la main-d'oeuvre aux conditions du futur marché du travail.

Assommer, littéralement, les travailleurs saisonniers et les plus démunis en créant deux classe de bénéficiaires d'assurance-chômage n'est certainement pas la méthode idéale pour redonner espoir à notre société. Chez nous, les travailleurs forestiers ne travaillent que quatre ou cinq mois par année-cinq mois s'ils sont très chanceux. À ce moment, comme ils travaillent peu de temps, ils commencent très tôt le matin et finissent très tard le soir. Plusieurs brisent leur santé radicalement. Si on les conditionne encore davantage, cela devient un stress de plus.

(1315)

Il y a quelques années, un père de famille très malade était obligé de continuer à bûcher parce qu'il voulait amasser ses timbres, pas parce qu'il ne voulait pas travailler; les gens du Québec, particulièrement les gens de ma circonscription, veulent travailler. Nous sommes une des circonscriptions où le chomage est le plus élevé. Ils veulent travailler. Ce qu'ils demandent: des jobs promis par le premier ministre lors de la campagne


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électorale. Pendant la campagne électorale, on entendait seulement ceci: jobs, jobs et encore des jobs.

L'insécurité par ce manque d'emploi gagne davantage de terrain et un sentiment d'impuissance gagne ces gens. On ressent chez ces gens presque une certaine gêne, même s'ils travaillent.

Ce gouvernement a attendu beaucoup trop longtemps même si cela fait un an, et les autres gouvernements antérieurs aussi, pour trouver du travail décent aux gens des régions, et particulièrement aux gens des régions rurales. Si ce gouvernement veut être respecté, qu'il commence d'abord par respecter les pauvres. Et, à ce moment-là, nous pourrons respecter ce gouvernement.

[Traduction]

M. Ovid L. Jackson (Bruce-Grey): Monsieur le Président, je remercie le député pour son discours. Je l'ai trouvé extrêmement intéressant. Il a raison à bien des égards. Les pauvres ont besoin de manger. Les enfants surtout ont besoin de manger et d'être bien encadrés si nous voulons que notre société prospère.

Une chose me rend perplexe depuis mon élection à la Chambre, et vous savez comment on perpétue certaines choses d'année en année. Les députés de l'opposition et même les députés des deux côtés de la Chambre se lancent dans de grands débats politiques sur la façon de répartir les ressources. Ils veulent garder les structures en place et maintenir le statu quo, car cette solution est plus opportune sur le plan politique.

À la fin du siècle dernier, nous sommes passés de la vapeur à l'électricité. Aujourd'hui, nous entrons dans l'ère de l'information. Nous connaissons tous le succès qu'a remporté Bill Gates. C'est un bon exemple d'utilisation de l'entrepreneuriat pour exploiter une nouvelle technologie. Si certains de nous avaient adopté cette approche, elle nous aurait aidés à sortir de la récession économique, dès les années 60 et encore aujourd'hui.

L'objet de toute cette réforme, c'est de savoir ce qu'il faut faire à compter de maintenant. Comment pouvons-nous mieux préparer les gens? Comment pouvons nous utiliser plus judicieusement les ressources et éviter que la dette ne s'alourdisse?

Je demande au député d'en face de nous donner une idée, quelles que soient les préoccupations, préoccupations que nous connaissons tous. L'objet de la réforme est d'améliorer le processus. Comment pouvons-nous le rendre plus efficace? Quelle part du gâteau pouvons-nous garder, que nous appartenions à une région ou à l'autre?

[Français]

M. Canuel: Monsieur le Président, le député pose une très bonne question et j'en suis fier. Oui, il y a sûrement des moyens pour remédier à tout cela. Je vais vous donner au moins un exemple. Si nous investissons en foresterie, les sommes d'argent que nous mettons là, ce ne sont pas des subventions, ce sont des investissements. Monsieur De Bané, qui était ministre il y a quelques années-il est maintenant sénateur, malheureusement- le disait lui-même, c'est un investissement. Produire des plants pour replanter là où la nature ne produit plus, c'est un investissement. Il y a énormément de choses comme celle-là. On pourrait doubler les travailleurs forestiers et surtout depuis que le bois d'oeuvre se vend très bien. On hésite à faire cela.

(1320)

Dans ma région, on a le Plan de l'Est. Mon collègue de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine le connaît très bien. Nous espérons de tout coeur qu'il soit renouvelé. Il offre la possibilité de faire travailler les citoyens. Je vous donne juste un exemple en foresterie.

En agriculture, la plupart des propriétaires agricoles me disent ceci: «Sur une ferme, très souvent il y a du travail pour cinq personnes, mais il y en a deux qui travaillent.» Ces mêmes agriculteurs-je parle des petits exploitants-ne peuvent pas décemment payer leur employé. Il y a quelque chose à faire là. On pourrait créer des centaines d'emplois qui seraient extrêmement valables pour toute la collectivité et qui, en retour, bénéficieraient par la suite à l'État autant au gouvernement fédéral que provincial.

Il y a sûrement d'autres exemples que je pourrais vous donner, mais je m'en tiendrai à ces deux-là qui vous démontrent la possibilité de créer des emplois.

Maintenant, le gouvernement fédéral est très frileux quand on lui présente certaines solutions.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, je vous remercie de m'accorder la parole, car il est toujours agréable d'intervenir quand vous êtes au fauteuil présidentiel.

Je souhaite dire d'entrée de jeu que je suis heureux d'intervenir dans un débat comme celui-là parce que je représente une circonscription de l'est de Montréal qui a évidemment vécu très difficilement les deux dernières récessions, celle de 1980 et celle des années 1990.

Je me disais tantôt, en écoutant mes collègues, que je ne suis pas un partisan du statu quo. Je veux le dire dès le début de ce débat pour pouvoir peut-être même en discuter ultérieurement lorsque je répondrai à une éventuelle question de notre collègue.

Je crois que le ministre a posé un geste qu'il faut saluer en proposant les programmes sociaux, mais il y a un paradoxe. Le ministre nous propose. . .

Des voix: Bravo!

M. Ménard: Je reconnais l'aimable collaboration de mon ami, le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine.

Cependant, il y a un paradoxe parce que les programmes sociaux sont, pour l'essentiel, des outils qui, présentement, appartiennent aux provinces, et c'est comme ça que les choses doivent se passer, à une exception près: l'assurance-chômage est le seul programme où le gouvernement fédéral a quelque légitimité que ce soit pour intervenir. Rappelons-nous le contexte. Le régime d'assurance-chômage a été dévoilé au gouvernement fédéral, ce fut le premier amendement au texte constitutionnel de 1867 et ce le fut dans la foulée du rapport Rowell-Sirois. Et on sait dans quel contexte cela s'est fait: dans un contexte trouble,


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de guerre et, évidemment, qui a donné lieu à des discussions passionnées.

Quel n'est pas ce paradoxe! Imaginons-nous la scène où les 33 pères de la Confédération-je m'excuse auprès de mes collègues, mais il n'y avait pas de femme-Cartier, Langevin, Galt, Baldwin et les autres, reviennent ici et se rendent compte que le gouvernement central d'un régime fédéral prétend vouloir intervenir dans les programmes sociaux, alors que, d'aucune espèce de manière, ni les pères ni leurs successeurs ne leur ont donné cette légitimité pour le faire. C'est ça, à mon sens, le problème canadien.

Le problème canadien, c'est que quand on a les pieds à Ottawa, on pense qu'il y a un marché du travail. Mais ce n'est pas possible, ce n'est pas vrai et ce n'est pas souhaitable, dans un pays continental comme le Canada. Et j'attire votre attention pour dire que des pays continentaux d'inspiration fédérale comme le Canada, il y en a de moins en moins sur la planète. Et à quelque part, ce n'est pas moi qui vais s'en désoler.

La difficulté pour le gouvernement fédéral, quel qu'il soit, au-delà de ses bonnes intentions-et je suis prêt à admettre que le ministre a des bonnes intentions-c'est qu'il y a des marchés du travail. On est en présence d'un pays continental où le marché du travail de Rimouski et le marché du travail de la Gaspésie ne peuvent évidemment pas avoir les mêmes besoins, ne peuvent pas traduire la même réalité que le marché du travail de Calgary, par exemple. C'est pour cela que les programmes sociaux administrés par Ottawa, et selon l'inspiration dont ils sont issus, sont évidemment très inefficaces.

Il se trouve beaucoup d'économistes-et j'espère qu'on aura l'occasion d'en discuter lors du débat référendaire-pour dire qu'il y a un lien assez direct entre la croissance de la dette canadienne depuis 1970, dont mon collègue de Matapédia-Matane rappelait qu'elle se situe à la hauteur de 540 milliards de dollars, et la volonté du gouvernement fédéral d'intervenir dans le secteur des programmes sociaux via différents véhicules. Nous, ce que nous disons, et je pense que c'est une proposition qui doit être sur la table, c'est une proposition qui est raisonnable, qui mérite d'être discutée, c'est que ce gouvernement fédéral a des fonds.

(1325)

Je pense que le document, dans la première partie, lorsqu'il fait la recension de l'effort fédéral, lorsqu'il jette un coup d'oeil sur les tendances du marché du travail, c'est un document qui est bien fait. Dans la deuxième partie, évidemment ça se gâte. Mais dans la première partie, on apprenait que le gouvernement fédéral investit 38 milliards. Est-ce qu'on peut imaginer qu'un gouvernement qui n'a rien à voir avec les programmes sociaux investisse 38 milliards et, malgré ce fait, c'est à peu près sans précédent.

Je voyais également l'étude de l'OCDE, du dernier sommet auquel a participé le ministre de l'Industrie, le gouvernement canadien est un des gouvernements qui investit le plus, 38 milliards, et malgré tout, parce que ces sommes d'argent sont mal investies, parce qu'elles ne sont pas investies là où les utilisateurs pourraient en être les premiers bénéficiaires, on se retrouve quand même dans une société où on a officiellement 10, 12 p. 100 de chômage.

Alors, pour moi, évidemment ces problèmes-là ne sont pas simples et on doit se garder de toute démagogie qui pourrait nous les faire présenter d'une façon simple. Mais il y a une chose dont je suis convaincu, c'est qu'il faut tous ensemble, là où on a les pieds, travailler à l'atteinte d'une politique de plein emploi. Ce n'est pas un petit paradoxe que de parcourir ce document et de voir que pas une fois le mot plein emploi n'est mentionné.

Alors, l'objectif du ministre, c'est de gérer ceux qui sont exclus du marché du travail. Évidemment, c'est un objectif qui peut être noble, mais ce n'est pas suffisant. On aurait souhaité que ce débat s'amorce avec une politique de création d'emploi, puisqu'il ne s'agit pas de gérer ceux qui sont exclus du marché du travail. Il faut travailler à intégrer ceux qui n'y sont pas.

Quand on s'intéresse comme l'a fait la députée de Mercier, par ailleurs, comme l'ont fait d'autres parlementaires en cette Chambre, quand on s'intéresse aux conditions qui permettent à un pays, quelles que soient ses structures politiques, d'atteindre le plein emploi, on regarde et on constate qu'il y a un lien qui est assez évident entre les petites collectivités, les petits pays et le succès dans l'atteinte du plein emploi. On le comprend facilement. Il y a une première condition à l'atteinte du plein emploi qui est de mettre les partenaires nationaux autour d'une table de l'emploi pour qu'eux-mêmes ensemble, avec leur légitimité, puissent déterminer quels sont les objectifs économiques.

Or, au Canada, il ne sera jamais possible d'avoir une table nationale où on va discuter de l'atteinte du plein emploi, parce que les pêcheurs de l'Atlantique, les gens de la Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec ont des structures d'emploi qui sont radicalement différentes. Ça, c'est le premier obstacle qui, à mon sens, est structurel et qui devrait réconforter le gouvernement fédéral dans le fait que le meilleur service qu'il peut rendre comme administration, c'est de décentraliser des fonds vers ceux qui sont le plus susceptibles d'atteindre le plein emploi, c'est-à-dire dans un premier temps les provinces, et pourquoi pas même, je dirais, faire des partenaires de choix des municipalités. Mais ça suppose comme préalable que ce gouvernement, qui est en mal de visibilité, devra affronter, bien sûr, bientôt, le plus rapidement possible, des gens au Québec qui vont devoir se prononcer sur un choix constitutionnel. Je comprends que pour un gouvernement comme le gouvernement canadien, ce n'est pas immédiatement facile de retirer cette visibilité-là. Pourtant, c'est le prix à payer pour mettre les gens, à mon humble point de vue, au travail.

Au-delà de la dette, au-delà des obstacles qui se posent dans l'atteinte du plein emploi, il y a une autre réalité qui est à la fois très préoccupante. C'est celle de dire qu'on sait que depuis 1990, les prochains emplois de l'an 2000, que nous allons voir tous les deux, monsieur le Président, on sait qu'on va survivre à l'an 2000, les prochains emplois qui vont être créés vont nécessiter seize années de formation. Alors, seize années de formation, ça veut dire une technique au cégep, c'est ça que ça veut dire. Pourtant, et le ministre l'a dit dans son document, chaque année, il y a plus de 100 000 personnes dans les différentes institutions de formation qui décrochent.

Alors, le défi, évidemment, qui va se poser, pour ceux qui vont vouloir mettre les gens au travail, c'est de faire l'arrimage entre la formation, l'éducation et les emplois disponibles. Or, y a-t-il quelque chose de plus sacré dans ce pays-là que de dire que


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l'éducation, c'est la première composante de l'identité du Québec et c'est évidemment un choix que l'on a fait.

(1330)

Cela diffère du XIXe siècle, où quand on parlait du marché de l'emploi on s'intéressait beaucoup à l'immigration et aux moyens de transport, et on le comprend puisque historiquement il fallait façonner un pays qui avait un écoumène très réduit, et dont l'apport de l'immigration était déterminant dans les politiques de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas pour rien qu'on parlait des Centres d'emploi et d'immigration. Ce n'est plus le cas. Les trois composantes de l'accès au marché du travail sont l'éducation qui est de juridiction provinciale, et c'est aussi-je pense que le ministre a bien fait d'en faire état dans son document, mais cela ne relève pas de sa compétence- tout ce qu'on appelle le service de soutien aux familles.

Il est vrai que maintenant un travailleur n'est plus dans la situation d'autrefois avec un pourvoyeur qui travaille à l'extérieur, une personne qui est à la maison et des enfants qui proviennent d'un premier mariage. Ce n'est plus cela, la réalité canadienne.

C'est pour cela, en conclusion, qu'on croit que le ministre doit s'attaquer à la réforme des programmes sociaux. Il doit le faire en ayant la générosité, la lucidité et la grandeur d'âme de reconnaître que la meilleure chose qu'il peut faire, c'est de décentraliser ces fonds et de permettre aux provinces, a fortiori le Québec qui a pas mal d'expertise dans la question du plein emploi. . . Il y a eu en 1985 une table ronde nationale de l'emploi et je dois dire qu'un des premiers gestes qu'a fait le gouvernement Parizeau, c'est de confier à son équipe la création d'un ministère d'État de la concertation à l'emploi. Le meilleur service que peut rendre ce gouvernement, s'il veut mettre les Canadiens et les Québécois au travail, c'est de décentraliser ces fonds et de reconnaître qu'il n'est pas le gouvernement le mieux à même de mettre les Canadiens au travail.

[Traduction]

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, j'ai écouté les deux députés du Bloc. Nous serons tous d'accord pour dire que le terme à la mode est «choix». C'est le mot magique.

Parler de choix, c'est supposer que nous ne pouvons pas tout avoir. Le pays n'a plus un rond, et nous continuons à jeter l'argent par les fenêtres. Il n'y a personne à la barre.

Nous envisageons aujourd'hui des compressions parce que la situation actuelle est devenue insoutenable. Je crois que les députés ont fait ressortir le type de pensée qui nous a plongés dans ce pétrin. Nous avons combattu la pauvreté et tenté de répondre aux besoins en creusant les déficits au lieu de bâtir une économie qui favorise l'initiative et qui serait capable de répondre convenablement aux besoins des défavorisés.

C'est un constat d'échec qui s'impose, et, à suivre le raisonnement du député, qui souhaite que nous poursuivions dans la même voie, que nous financions les programmes par le déficit, nous en resterons toujours au même point, incapables de répondre adéquatement aux besoins.

[Français]

M. Ménard: Monsieur le Président, je veux féliciter mon collègue de participer au débat. Je pense que ce qui nous distingue, et je le dis sans arrière-pensée, c'est que nous sommes convaincus, comme parti politique, que la meilleure façon d'aider les défavorisés, tout d'abord ce n'est évidemment pas de laisser le marché fonctionner de lui-même. On reconnaît qu'il n'y a jamais eu autant de pauvres dans notre société qu'actuellement. C'est vrai pour Montréal, pour Vancouver, pour Toronto et c'est vrai dans beaucoup de régions du pays.

La différence, c'est que nous pensons que ce qui fait que le gouvernement ne peut pas être efficace dans la lutte qu'il mène contre la pauvreté, ce sont les structures politiques. Prenons l'exemple très concret d'un citoyen qui se présente à notre bureau de circonscription, et qui est sans emploi. Tout de suite, on constate que différents outils sont disponibles s'il relève de l'aide sociale, et ces outils ne sont pas les mêmes s'il est au chômage. Pourquoi? Parce que ce sont deux niveaux de gouvernement qui administrent ces programmes.

Pourtant, le besoin est le même, c'est celui d'avoir une formation et de réintégrer le marché du travail. J'ai la conviction que les choses seraient beaucoup plus simples si on avait le gouvernement qui est le plus près des citoyens, en l'occurrence le gouvernement provincial, le gouvernement du Québec pour l'exemple que je connais, je pense que les résultats seraient beaucoup plus satisfaisants s'il était possible de concentrer les fonds auprès d'un seul gestionnaire et si tous les outils, tous les programmes disponibles étaient offerts dans une seule et même structure.

Parfois on essaye de faire une différence qui n'existe pas entre la structure constitutionnelle et le marché du travail. Pourtant, il faut bien admettre que les deux sont intimement liés. Si j'avais la conviction que le gouvernement central est le meilleur gouvernement qui puisse mettre les gens au travail, je ne serais pas souverainiste.

(1335)

Je ne suis pas souverainiste par amour liturgique des mots. Je suis souverainiste parce que je pense qu'il faut un seul gouvernement. Le jour où on me fera la démonstration-qui sait, peut-être que le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine la fera, cette démonstration-mais le jour où on me fera cette démonstration, il me fera plaisir de revoir ma position, mais pour l'instant je ne suis pas convaincu.

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, le député d'Hochelaga-Maisonneuve a fait la démonstration que la situation budgétaire canadienne est liée à des éléments constitutionnels. Partant de cette constatation, n'est-il pas paradoxal d'observer la valse et la lenteur que prendra le gouvernement dans le processus de la réforme? On a l'impression qu'il tente de retarder l'échéance pour passer après un événement important qui aura lieu au Québec. J'aimerais entendre les commentaires de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Ménard: Monsieur le Président, je serai bref. Oui, évidemment, on a l'obligation de faire le constat que le plan de travail qui nous était proposé il y a quelques semaines devait amener le ministre-il l'avait dit à plusieurs reprises-à nous soumettre un programme beaucoup plus précis que ce qu'on a entre les mains.

Je partage la conviction et le constat de mon collègue à l'effet que comme ce gouvernement n'a rien à offrir au plan de la création d'emplois et comme ils sont convaincus que le référen-


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dum sera négatif, ils ont choisi de faire de l'occupationnel et de différer les objectifs qu'ils s'étaient eux-mêmes fixés.

[Traduction]

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, je voudrais parler de façon plus approfondie de la question soulevée par le député de New Westminster-Burnaby.

Nous voici, 12 mois après les élections, avec une dette totale qui s'est accrue d'environ 45 milliards de dollars depuis un an et avec un système de sécurité sociale qui risque de s'effondrer. Pendant le temps que je prendrai pour prononcer ce bref discours, notre dette augmentera d'environ 1 million de dollars. D'ici à ce que le gouvernement se décide enfin à faire quelque chose, nous aurons probablement ajouté 10 milliards de dollars à notre dette. Nous serons beaucoup plus près d'un effondrement économique total.

Les gouvernements semblent toujours prendre trop de temps pour s'attaquer aux problèmes financiers. La Chambre sait que je suis originaire de la Nouvelle-Zélande et que je suis très au courant de la crise financière qui a frappé ce pays en 1984. La dépendance à l'égard des programmes sociaux en Nouvelle-Zélande n'a pas été réduite au moyen de livres verts et de consultations qui n'en finissent plus de repousser l'échéance, elle a carrément été éliminée d'un seul coup parce que le pays a fait faillite.

Une crise comme celle qu'a connue la Nouvelle-Zélande n'est pas la façon la plus agréable de réformer les services sociaux.

Je crois qu'il vaudrait la peine de passer en revue certaines des choses qui se sont produites en Nouvelle-Zélande. Cela pourrait aider bon nombre de nos ministériels à comprendre la gravité de notre situation en ce qui concerne la dette et le déficit et la menace que cela représente pour la survie de nos programmes sociaux.

Nous savons qu'il est difficile de contrôler les dépenses gouvernementales. La Nouvelle-Zélande a vu sa dette doubler, de 22 millions en 1984 à 46 millions en 1994, avant de pouvoir enregistrer son premier excédent. Ces chiffres sont petits comparativement à ceux du Canada, mais il n'en reste pas moins que la dette totale a doublé avant que la Nouvelle-Zélande parvienne à contrôler ses dépenses.

Lorsque la Nouvelle-Zélande a atteint le fond du baril, le déficit annuel ne pouvait pas être ramené à zéro du jour au lendemain. Ainsi, des fonds d'urgence du FMI ont permis à ce pays de continuer d'enregistrer des déficits pendant la restructuration de l'économie. Ce sont ces déficits sur une période de dix ans qui ont fait doubler la dette.

Pensez à ce qui arriverait si une telle crise frappait le Canada. Nous savons tous que la seule façon d'équilibrer le budget du jour au lendemain serait d'éliminer pratiquement tous les programmes sociaux existants, y compris l'aide sociale, l'assurance-chômage, les pensions, etc., afin de pouvoir économiser les 40 millions de dollars nécessaires.

En pratique, cela ne pourrait pas se faire à cause des conséquences sociales. Le FMI permettrait au Canada de continuer d'enregistrer des déficits de moins en moins grands au fur et mesure que les programmes sociaux seraient abandonnés et que la population s'adapterait aux changements. Tout comme dans le cas de la Nouvelle-Zélande, cela pourrait facilement faire doubler la dette du Canada d'ici à l'an 2004.

Autrement dit, si nous touchons le fond du baril demain, il est fort probable que notre dette va exploser, atteignant le billion de dollars ou plus avant que nous commencions à afficher des excédents.

(1340)

À ce moment-là, même si le loyer de l'argent est stable, le service de la dette s'élèvera à plus de 100 milliards de dollars par année. La croissance économique contribuera à réduire le montant du service de la dette, qui n'en sera pas moins presque égal à 100 p. 100 des recettes fiscales actuelles.

C'est une situation très grave et, comme en Nouvelle-Zélande, ce n'est pas à coups de livres verts et de documents de travail qu'il se réglera. Tous les mois où nous reportons la décision de réduire les dépenses de façon marquée, notre dette s'alourdit de 3,5 milliards de dollars. Nous ne pouvons continuer comme cela.

La Nouvelle-Zélande a été forcée de prendre des mesures draconiennes, mais, telle le phénix, elle renaît de ses cendres. En effet, la Nouvelle-Zélande a affiché un excédent de 600 millions de dollars cette année et prévoit dégager un autre excédent de 2 milliards de dollars l'an prochain. Le gouvernement néo-zélandais a promis de commencer à réduire les impôts dès 1996, mais pour qu'il y parvienne, il faut que la population renonce à demander une expansion des services ou des programmes gouvernementaux.

C'est un point très important. Les Canadiens doivent eux aussi renoncer à demander toute expansion des programmes et des services gouvernementaux. En fait, c'est une diminution qu'ils doivent demander. En 1984, immédiatement après la crise de la dette en Nouvelle-Zélande, le dollar néo-zélandais a perdu 20 p. 100 de sa valeur, tombant à 62c. canadiens. Il est resté à ce niveau jusqu'en 1992, année où la réorganisation de l'économie était chose faite.

Depuis août 1993, il s'est apprécié de 17 p. 100 par rapport au dollar canadien et sa valeur s'établit maintenant à 84c. Parallèlement, il s'est apprécié de 8 p. 100 par rapport au dollar américain, ce qui témoigne de la vigueur de l'économie de la Nouvelle-Zélande.

La Nouvelle-Zélande s'est dotée de normes de rendement comparables à celles du secteur privé pour ses fonctionnaires. Les hauts fonctionnaires exerçant des fonctions semblables à celles de nos sous-ministres sont devenus des sous-secrétaires d'État engagés à contrat pour une durée déterminée et tenus personnellement responsables de la réalisation d'objectifs mesurables.

À l'instar des chefs d'entreprise, ils avaient le pouvoir d'embaucher et de congédier et d'acheter tout le matériel dont ils avaient besoin, mais il leur fallait produire des résultats. Je me demande combien de temps certains des sous-ministres du gouvernement conserveraient leur poste s'ils avaient à produire des résultats mesurables.

Outre qu'il exigeait des résultats de ses fonctionnaires, le gouvernement néo-zélandais a fait adopter une loi exigeant que tous les excédents servent à rembourser la dette. Grâce à Dieu, les Néo-Zélandais sont maintenant entrés dans ce cycle.

Les jeunes Néo-Zélandais envisagent maintenant la perspective d'une réduction du fardeau de la dette alors que les jeunes


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Canadiens envisagent encore celle d'un accroissement de ce fardeau. La réforme des programmes sociaux imposée en Nouvelle-Zélande s'est appliquée également aux exploitations agricoles et commerciales subventionnées.

Les subventions aux agriculteurs ont été complètement supprimées presque du jour au lendemain. On prédisait généralement la faillite des agriculteurs et une baisse de la production vivrière, mais il y a maintenant plus d'agriculteurs en Nouvelle-Zélande et gagnant plus d'argent par personne qu'ils ne le faisaient avant que l'État ne supprime les subventions. Ils cultivent maintenant les produits dont le monde a besoin plutôt que ce que l'État les payait pour produire.

Il y a une leçon à en tirer. Quand on verse à des gens des prestations si généreuses qu'il leur est plus avantageux de rester à ne rien faire chez eux plutôt que de travailler, quand on subventionne les agriculteurs pour produire des denrées dont le monde n'a pas besoin, quand on distribue des subventions aux entreprises et aux groupes d'intérêts, on crée une dépendance qui tue les emplois, l'esprit d'initiative et la responsabilité individuelle.

Quand je suis parti de Nouvelle-Zélande en 1979 pour émigrer au Canada, j'ai quitté un pays socialiste au bord de la faillite. On percevait les signes avant-coureurs du désastre là-bas tout comme ici aujourd'hui au Canada. La Nouvelle-Zélande est cependant devenue aujourd'hui un pays de libre entreprise, très différent de celui que j'ai quitté.

Je suis absolument convaincu qu'en étudiant l'expérience de ce pays-là, nous serons beaucoup mieux équipés pour régler notre propre problème de déficit et d'endettement. S'il est un voyage de député aux frais de la princesse qui servirait vraiment l'intérêt des Canadiens, ce serait un voyage toutes dépenses payées en Nouvelle-Zélande pour le ministre du Développement des ressources humaines. Il a besoin de voir ce qui s'en vient, et bientôt.

Il ne fait aucun doute qu'une réforme du système de services sociaux s'impose, mais il est très peu probable que les 102 pages de verbiage du livre vert du ministre y contribuent beaucoup.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement les observations du député.

Souvent, les députés de l'opposition ou certains prophètes de malheur donnent cet exemple de la Nouvelle-Zélande. Or, si je ne m'abuse, la population de ce pays est de 3 millions de personnes, et son activité économique n'est pas plus importante que celle de l'Alberta. Je comprends le processus auquel elle a dû s'astreindre pour restructurer son économie et tout ce qui s'ensuit. Cependant, lorsqu'on compare le profil industriel et économique de la Nouvelle-Zélande à celui du Canada, on constate qu'ils ont très peu en commun, sauf pour ce qui est des données sur la dette, données que le député aimerait sans doute porter à notre attention.

(1345)

J'aimerais qu'il nous explique mieux la réalité de la Nouvelle-Zélande à l'époque, par rapport à celle du Canada, qui a une population dix fois plus élevée, qui entretient des liens économiques étroits avec les États-Unis et d'autres puissances occidentales, qui fait partie du G-7 et qui jouit de bien des avantages par rapport à la Nouvelle-Zélande d'aujourd'hui ou de l'époque.

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, je remercie le député d'avoir écouté attentivement mon discours et de poser des questions intéressantes.

Évidemment, la population de la Nouvelle-Zélande ne représente qu'une fraction de celle du Canada. En fait, tout ce qu'il faut retenir de cela, c'est que nous aurons beaucoup plus de corde pour nous pendre que n'en laissaient à la Nouvelle-Zélande les étrangers qui finançaient sa dette.

Actuellement, jusqu'à 60 p. 100 de notre dette est financé par des étrangers. Le jour où ils décideront qu'ils nous laissent tomber, la sorte de base de ressources dont nous disposons n'aura aucune importance. Nous ferons des pieds et des mains pour trouver du financement.

La Suède a eu des difficultés avec son financement international. Je le répète, cela ne dépend pas de la population, mais bien de la corde dont on dispose pour se pendre.

Le modèle néo-zélandais décrit parfaitement ce qui se produira ici. La situation a été assez difficile juste après la crise de la dette. Mais en fait les gens en général étaient assez satisfaits de voir que le gouvernement prenait enfin les mesures qu'ils lui demandaient de prendre depuis longtemps.

Il est faux de prétendre que personne n'abuse de nos services sociaux. Ils sont en fait légion, et il est temps de l'admettre et de régler le problème. La Nouvelle-Zélande a été forcée d'agir parce qu'elle était à court d'argent. La même chose peut fort bien nous arriver. Mais j'espère que nous prendrons conscience que nous devons agir avant d'y être forcés.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, l'un des plus grands mystères qui entourent les programmes sociaux du Canada, c'est qu'ils n'ont guère réussi à réduire les plaies sociales du pays. Ils n'ont pas réussi en dépit du fait que les dépenses par habitant en chiffres réels ont considérablement augmenté depuis l'instauration des programmes durant les années de l'après-guerre. Qu'est-ce qui n'a pas marché?

Cette question a alimenté mes recherches universitaires pendant quelque temps. Dans le peu de temps à ma disposition aujourd'hui, je voudrais vous faire part d'une partie du fruit de mes recherches. Si je le fais, c'est parce que mes recherches débouchent sur des propositions de réforme des programmes sociaux du Canada visant à nous sortir de la crise financière actuelle et à nous faire entrer dans le XXIe siècle.

Cela fait partie du folklore que les restaurants qui sont assurés sont plus souvent victimes d'incendies que ceux qui ne sont pas assurés. Le secteur des assurances attribue cela à un risque subjectif, aussi appelé risque moral. Autrement dit, le fait d'être assuré provoque des changements de comportement. Il y a plus d'incendies dans des restaurants assurés parce que ce sont des incendies criminels. Cependant, la cause de beaucoup d'autres incendies est que, dans les restaurants assurés, on nettoie moins bien les ventilateurs tachés de graisse et on fait moins attention aux autres risques d'incendie. Ces restaurants sont moins portés


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à se doter de systèmes de gicleurs et d'extincteurs chimiques.

Maintenant, le gouvernement du Canada fournit de l'assurance contre les risques du chômage, de la pauvreté et de la vieillesse, de l'incapacité, de la maladie et d'un large éventail d'autres calamités frappant les gens. Tout comme dans le cas de l'assurance-incendie, ces assurances sociales entraînent des changements de comportement chez les assurés qui se traduisent par des coûts et des demandes de règlement plus élevés.

(1350)

Permettez-moi d'illustrer cela dans le contexte de l'assurance-chômage. Il est certain que les fraudeurs qui présentent de multiples demandes ou qui touchent des prestations tout en travaillant font augmenter le chômage et les coûts de l'assurance-chômage.

Certains prétendent que ces actes illégaux sont rares, et d'autres disent qu'ils sont fréquents. Vu la nature du crime, il n'est pas facile d'obtenir des données fiables. Quoi qu'il en soit, l'idée de mettre un terme à ces fraudes n'a rien de litigieux.

Ce qui importe surtout dans le cadre du débat sur la réforme des programmes sociaux, c'est que, à l'heure actuelle, le taux de chômage élevé est, dans une large mesure, attribuable au fait que certains Canadiens réagissent rationnellement aux modifications de l'environnement dans lequel ils évoluent.

Ainsi, un prestataire de l'assurance-chômage a, pour déterminer quel nouvel emploi est acceptable, des critères plus élevés que quelqu'un privé de prestations. Le premier refusera plus que le deuxième des emplois qui nécessitent des déplacements plus longs, qui sont moins rémunérateurs et qui exigent un recyclage plus approfondi.

Les gens qui agissent de la sorte n'enfreignent pas la loi. Ils agissent rationnellement, en réponse aux occasions que le gouvernement leur offre. Ils peuvent se permettre d'attendre plus longtemps un meilleur emploi, car il leur coûte moins cher d'être chômeurs. Pareil comportement légal et rationnel augmente néanmoins le taux de chômage et le coût du régime d'assurance-chômage.

Les mêmes facteurs entrent en ligne de compte dans le cas de l'aide sociale. À preuve, l'exemple d'une Ontarienne qui a fait la une des journaux à l'été 1993 parce qu'elle a avoué avoir quitté délibérément un emploi pour devenir prestataire de l'aide sociale. Elle a expliqué qu'elle bénéficiait ainsi d'un niveau de vie plus élevé que lorsqu'elle travaillait pour 40 000 $ par année.

Les médias se sont beaucoup interrogés sur la véracité de ces révélations, mais à mon avis, ils ont raté l'essentiel de la question. Qu'on s'arrête simplement à penser que la femme a vu son revenu baisser de 6 000 $ lorsqu'elle est devenue assistée sociale. Cela veut dire qu'un travail à temps plein ne lui rapportait que 500 $ par mois et lui faisait perdre des heures précieuses de loisirs et de travail avec sa famille.

Peu de Canadiens, à ma connaissance, condamnent ceux qui font le même choix que cette femme. Elle n'enfreint pas la loi. Elle profite simplement des possibilités que lui donne le système. Pourtant, ce comportement contribue à gonfler le nombre des assistés sociaux et alourdit le coût des programmes sociaux.

Le coût de l'assurance-chômage est encore alourdi par l'apparition, dans notre société, de véritables institutions qui exploitent explicitement le régime. Les industries saisonnières prennent de l'expansion. Certains gouvernements tiennent compte dans l'embauche des critères d'admissibilité à l'assurance-chômage. Tous agissent rationnellement et sans enfreindre la loi. Personne n'est à blâmer, sinon le système qui favorise ces procédés.

Combien coûtent les programmes sociaux? L'assurance provoque-t-elle des changements dans le comportement et les institutions? Les sociologues n'ont pas de réponses précises à ces importantes questions. J'ai collaboré à des études consacrées aux effets de l'assurance-chômage sur le taux de chômage. J'oserais dire que, si le régime n'avait pas été bonifié dans les années 70, le taux de chômage serait peut-être de deux ou trois points moins élevé aujourd'hui.

De manière plus générale, il ne fait aucun doute dans mon esprit que les changements de comportement provoqués par l'assurance expliquent l'énigme des années d'après-guerre, le coût de plus en plus élevé des programmes sociaux et la persistance des problèmes qu'ils visent à résoudre.

Le livre vert contient un graphique illustrant l'évolution du taux de chômage au Canada depuis les années 50. La tendance est constamment à la hausse. Selon mon analyse, cela est attribuable aux effets des changements de comportement provoqués par l'assurance, aux institutions et à une acceptation plus grande de ce comportement dans la société.

(1355)

Qu'est-ce que mon analyse suggère pour la réforme de la politique sociale? La réponse réside dans les méthodes utilisées par les régimes privés d'assurance pour limiter les risques de sinistre que présentent les activités ayant pour effet d'accroître le risque. Les primes d'assurance-incendie sont moins élevées pour les immeubles équipés d'un système de gicleurs. Toutes les formes d'assurance des biens et d'assurance-maladie comportent des franchises, une coassurance des dommages, des délais d'attente et des tarifs qui font des distinctions entre les personnes selon le caractère risqué de leurs activités. Par exemple, les primes d'assurance-vie sont plus élevées pour les fumeurs que pour les non-fumeurs; les amateurs de parachutisme doivent payer des primes beaucoup plus élevées.

Il est important de noter que le secteur de l'assurance sait que le comportement moral ne peut être complètement contrôlé. Cela se reflète dans les primes d'assurance. Là où le contrôle est extrêmement difficile et où les coûts varient comme dans le cas de l'assurance contre les pertes d'entreprise, les primes doivent être tellement élevées que personne ne veut acheter de l'assurance. Voilà pourquoi il n'existe pas d'assurance contre les pertes d'entreprise.

Pour de très nobles raisons, les architectes du programme d'assurance sociale du Canada ont fait un usage limité seulement de ces méthodes des régimes privés d'assurance pour contrôler le comportement provoqué par l'assurance.


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La solution la plus logique pour réduire les coûts extrêmement élevés de ces programmes consiste à mon avis à adopter davantage des méthodes éprouvées du secteur privé des assurances. On peut hausser les franchises. Dans le cas de l'assurance-chômage et de l'aide sociale, cela prendrait la forme de délais d'attente plus longs avant le versement de prestations.

On peut accroître la coassurance en réduisant les prestations par rapport aux gains antérieurs. On peut repousser l'âge auquel les pensionnés commencent à recevoir des prestations. On peut réduire le versement des prestations en exigeant des rapports fréquents et des preuves de recherche d'emploi, en établissant des exigences en matière de recyclage et en mettant en place diverses autres mesures qui équivalent à une augmentation des taux de coassurance.

D'autres pays qui ont vécu la même expérience que le Canada ont pris de telles mesures. La Suède a réduit les subventions au logement et mis en place un système de bons pour les services de garde d'enfants. La Norvège a limité l'accès à l'assurance-invalidité. En France, il faut s'inscrire à un programme de formation pour obtenir de l'aide sociale. Aux Pays-Bas, les jeunes gens jusqu'à l'âge de 27 ans reçoivent des prestations d'aide sociale qui ne représentent que 50 p. 100 du salaire minimum. L'Allemagne et l'Italie ont haussé l'âge de la pension. En Grande-Bretagne, le soutien du revenu n'est accordé qu'aux demandeurs qui en ont vraiment besoin.

Je crois que le phénomène du comportement lié aux assurances explique pourquoi le coût des programmes sociaux est devenu exorbitant au Canada et dans d'autres pays du monde. Il nous montre aussi cependant comment nous pouvons arriver à contrôler ces dépenses. Le Canada pourrait faire mieux que simplement écouter ce que les autres pays font pour enrayer ce problème de comportement lié aux assurances.

M. Gar Knutson (Elgin-Norfolk): Monsieur le Président, le député a soulevé de nombreux points fort intéressants. Je crois que sa description de ce qui dissuade les gens de travailler est un des éléments clés du livre vert.

Je veux lui poser une question. Je reconnais que les prestations d'assurance-chômage peuvent faire monter le taux de chômage. Je crois que ce serait difficile de dire le contraire. Nous pourrions abolir l'assurance-chômage ou, comme certaines personnes le souhaitent, réduire les prestations. Les gens prennent souvent l'exemple des Américains et disent: «Regardez leur taux de chômage. Il est beaucoup moins élevé que le nôtre et c'est principalement parce que leurs prestations d'assurance-chômage sont moins généreuses.»

Si nous étions plus sévères en ce qui concerne l'assurance-chômage, cela n'aurait-il pas des conséquences néfastes? Plusieurs milliers de personnes perdent leur emploi sans que ce soit leur faute. Il n'y a pas d'emplois disponibles. Je viens d'une collectivité de la rive nord du lac Érié qui a beaucoup souffert de la dernière récession. Notre ville de 30 000 habitants a perdu 5 000 emplois dans le secteur manufacturier. Les travailleurs touchés n'ont pas de véritable option.

(1400)

Aux États-Unis, où il n'y a pas de régime d'assurance-chômage digne de ce nom, des gens, des familles entières vivent dans la rue et des organismes de charité s'occupent exclusivement de fournir des soins médicaux aux enfants de ces familles.

Y aura-t-il un prix à payer? Il y aura davantage de pauvres au Canada. Si on ne fait que durcir le système et qu'il n'aide que quelques personnes à trouver des emplois, beaucoup de gens, sans que ce soit de leur faute, se retrouveront dans une situation pire que maintenant. Le taux de criminalité augmentera et toutes sortes de problèmes sociaux frapperont nos collectivités.

M. Grubel: Monsieur le Président, je remercie le député pour ses observations réfléchies. Il est clair que notre société est à la croisée des chemins.

Je puis assurer au député que dans les années 1960, lorsque nous avons commencé à distribuer généreusement de l'argent et que l'on croyait que la source ne se tarirait jamais, les gens se souciaient peu que le programme d'assurance ait un effet à la hausse sur la demande ou sur les services. Nous avions les moyens de payer. Mais le problème, c'est que nous ne pouvons plus payer les services et que l'on nous demande aujourd'hui de faire des choix difficiles pour réduire les dépenses.

Le livre vert est rempli de propositions susceptibles de frapper des gens. Si nous réduisons les dépenses dans le secteur social comme il faut le faire pour investir utilement dans d'autres secteurs ou éliminer le déficit, comme nous le ferions, il doit nécessairement y avoir des victimes.

Cela pour dire qu'il serait bon de faire comme d'autres pays où on a beaucoup réfléchi à la question et partir du principe que si des gens doivent souffrir, que ce soit d'abord ceux qui ont été amenés par le système à changer leur comportement. Il est évident qu'il est agréable de recevoir sans devoir donner.

M. Knutson: Le dputé vient de dire qu'il faudrait faire payer surtout les personnes qui ont modifié leur comportement, mais c'est impossible à vérifier. Si nous resserrions le règlement de l'assurance-chômage, nous n'aurions aucun moyen de faire la distinction entre une personne qui met plus de temps qu'une autre à trouver du travail et celle qui n'arrive vraiment pas à en trouver, parce que toutes les usines de sa région ont fermé leurs portes.

C'est impossible. Le système n'est pas précis au point de nous indiquer qu'une personne ne fait pas suffisamment d'efforts pour se trouver un emploi et mérite d'être pénalisée.

M. Grubel: Je suis entièrement d'accord, et là est le dilemme. Alors, que va-t-on faire? Que va faire votre parti? On n'a pas le choix.

Comme le disent si bien les socialistes, on ne peut pas faire d'omelette sans casser d'oeufs. Si l'on veut éviter la faillite à notre pays, il va falloir réduire les prestations de certaines per-


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sonnes. Il va falloir leur imposer une période d'attente plus longue. La franchise de coassurance devra être rehaussée dans tous les programmes.

En fait, si on interprète certaines des idées d'économies présentées dans le livre vert à la lumière de mon analyse visant à limiter les changements de comportement suscités par l'assurance, on constate que beaucoup vont en ce sens. Tout ce que je demande, c'est qu'on le reconnaisse ouvertement et qu'on accorde à l'avenir davantage d'attention à cette idée dans les débats qui auront lieu à la Chambre et les consultations qui seront menées dans tout le pays, car je crois qu'elle est à la source de nos difficultés actuelles.

Il vaut mieux s'attaquer directement au problème que de chercher 36 solutions.

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, en tant que néo-démocrate, je m'intéresse tout particulièrement à la question des programmes sociaux. Au Canada, les programmes sociaux ont vu le jour par suite des pressions exercées par le gouvernement CCF et par les politiciens CCF et néo-démocrates de tout le pays pour qu'on aide les gens dans le besoin.

En tant que social-démocrate, je suis résolu à veiller à ce que la société canadienne soit plutôt humaine qu'inhumaine. Je crois aussi que, si une personne ne gagne pas assez d'argent sur le marché économique traditionnel pour vivre dans la dignité, il incombe aux citoyens que nous sommes de subvenir à ses besoins essentiels. Pour ce faire, il nous faut redistribuer la richesse entre les bien nantis et les démunis.

(1405)

Le rapport dont nous sommes saisis s'intitule Programme: emploi et croissance. Pourtant, le titre n'a rien à voir avec le contenu du rapport lui-même, puisqu'on n'y trouve aucun programme et rien qui ne soit lié à l'emploi ou à la croissance. On suit simplement le programme de Mulroney. Le gouvernement conservateur est mort, mais de toute évidence ses politiques ont réussi à survivre grâce au nouveau gouvernement libéral. En octobre dernier, il y a eu un changement de gouvernement, mais les mêmes bureaucrates et les mêmes politiques sont restés en place.

Ces politiques ont fait accroître la pauvreté. Les taxes et impôts que doivent payer les Canadiens à revenu faible et moyen ont augmenté. Le déficit a grimpé. Les programmes sociaux sont parvenus à se maintenir au cours des dix dernières années, tandis que les allégements fiscaux accordés aux riches se sont accrus de même que les inégalités. Nous en sommes au stade où l'écart entre les riches et les pauvres, qui s'était rétréci, s'est de nouveau creusé et correspond à peu près à ce qu'il était à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nous revenons donc au temps où l'écart entre les mieux nantis et les plus démunis était énorme.

Les libéraux appliquent le même programme que Mulroney, avec les mêmes politiques monétaire, budgétaire, économique et commerciale qui ont fait si mal aux Canadiens.

Le Canada et les Canadiens appuient la réforme des programmes sociaux. Cela ne fait aucun doute. Nous avons un ensemble de programmes sociaux, et même une société et une économie, qui ne conviennent pas à environ quatre millions de Canadiens. Il existe donc un appui en faveur d'une réforme. Il y a une volonté politique d'examiner les programmes de sécurité sociale.

Les Canadiens veulent une vraie réforme. Ils ne veulent pas de ces phrases creuses dont ce document est rempli. Ils veulent qu'on leur présente des propositions à étudier et qu'on les consulte vraiment. Nous ne pouvons pas consulter les Canadiens tant que nous n'aurons pas de propositions précises à discuter.

On peut formuler certaines critiques d'ordre général avant de proposer ce qui aurait pu être fait. Comme je l'ai dit, il est évident que ce document contient bien peu de propositions précises. Il reste beaucoup trop vague. Le gouvernement lui-même a déclaré qu'il ne s'engageait à l'égard d'aucune proposition contenue dans ce document. Il est difficile de consulter quand il n'y a rien au départ.

Où est l'esprit de leadership dans ce document? Qu'est-ce que les ministériels pensent au juste? Quand le gouvernement va-t-il se décider à gouverner, car il n'a pratiquement rien fait depuis un an qu'il est au pouvoir? Nous n'avons pas fait grand-chose pour nous attaquer vraiment aux problèmes, qu'il s'agisse des programmes sociaux, de l'économie ou du déficit.

Il est clair toutefois que, malgré les tentatives du gouvernement pour ne pas le révéler, la réduction du déficit est un élément important de ce prétendu examen. En fait, je pense que c'est la réduction du déficit qui oriente l'examen de la sécurité sociale, de sorte que le résultat risque d'être comparable à celui qu'on obtient depuis dix ans avec le déficit. On constate aussi que l'américanisation des programmes sociaux se poursuit toujours sous la direction de ce gouvernement. Pourtant, comme de nombreux députés l'ont mentionné hier et aujourd'hui, on peut choisir entre des politiques sociales davantage axées sur les personnes et celles des Américains, que les libéraux ont décidé d'adopter.

Le document ne s'attaque pas vraiment au problème. Il ne fait rien pour remédier au chômage, entre autres. Il ne traite pas du système fiscal grâce auquel nous pourrons avoir à la fois les ressources pour régler nos problèmes et les encouragements pour faire en sorte que l'activité économique continue d'augmenter.

Pourquoi n'abordons-nous pas ces questions dans le débat? Elles sont pourtant d'une importance critique si nous voulons faire une réforme valable des programmes sociaux. Il me semble, d'après ce que j'ai pu comprendre, et je pense que la plupart des Canadiens sont de cet avis, que les libéraux continuent de vouloir réduire le déficit sur le dos des pauvres.

Il est temps d'adopter une approche plus équilibrée pour régler le problème du déficit. Il est temps de présenter des propositions pour obliger les riches à faire leur juste part dans la réduction du déficit. En fait, il est temps d'adopter une approche équilibrée non seulement pour réformer les programmes sociaux, mais aussi pour régler le problème du déficit.

(1410)

Pour terminer, je tiens à dire que de toute évidence, le processus de consultation des provinces semble avoir été un échec, autrement, nous n'aurions pas reçu toutes ces critiques de toutes les régions du pays, de tous les partis, de l'intérieur et de l'exté-


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rieur du parti libéral fédéral, et du leader du Parti libéral de l'Ontario qui n'aurait pas tant critiqué ce document si les consultations avec les provinces avaient été fructueuses.

De toute évidence, la réforme de la sécurité sociale ne peut se faire qu'en étroite collaboration avec les provinces. Tant que les provinces pensent qu'elles ont raison et que le principal objectif du gouvernement est de pelleter le déficit dans leur cour alors que leur situation financière est déjà extrêmement précaire, elles ne coopéreront pas et à juste titre.

Si l'on s'en tient au livre vert-je me demande combien de livres nous allons avoir et de quelle couleur ils seront-il semblerait que si tant de Canadiens sont au chômage, c'est qu'ils n'ont pas la formation nécessaire pour occuper les postes qui s'ouvrent à eux dans l'économie d'aujourd'hui. Nous sommes tous en faveur de possibilités accrues pour les Canadiens en matière d'éducation, de formation professionnelle et de recyclage. Nous n'y voyons que des avantages. Ce sont des initiatives louables, mais d'après le livre vert, les attentes sont minimes. Surtout, nous ne voyons pas où sont les emplois pour ces gens une fois qu'ils auront terminé leur formation. On doit donc malheureusement s'attendre à ce que ces gens continuent à être pauvres même s'ils sont un peu plus instruits et qu'ils ont acquis quelques compétences de plus.

Le véritable problème, c'est qu'il n'y a pas assez d'emplois et tant que nous ne l'aurons pas résolu, nous continuerons à éroder les programmes sociaux, les Canadiens continueront à venir grossir les rangs des chômeurs et des assistés sociaux et nous continuerons à être tentés de remanier un système complètement débordé.

Il faut que les Canadiens possèdent les compétences dont ils ont besoin. Il faut que le document aborde la question de ce qu'on appelle les obstacles au travail. Il faut également régler le problème des programmes qui rendent la transition au monde du travail plus difficile.

Certaines propositions méritent qu'on s'y arrête. L'une d'entre elles, qui est plus précise que les autres, concerne la modification des accords de financement avec les provinces. Si le gouvernement fédéral poursuit sa lutte au déficit-pas très efficacement d'ailleurs-en se contentant de le refiler aux provinces, qui du reste s'en sont beaucoup mieux tirées à cet égard, non seulement nous maintiendrons la politique des conservateurs mais nous en perpétuerons les conséquences.

Certaines provinces, et en particulier ma propre province, la Saskatchewan, ont trouvé des solutions efficaces. Le gouvernement néo-démocrate a fait de son déficit, qui était le plus élevé par habitant au Canada, le moins élevé par habitant. Le budget de l'an prochain sera équilibré. Ce sera la première fois qu'une province démunie, qui ne possède pas d'énormes ressources, y parviendra. Le gouvernement a su procéder de façon équilibrée tout en haussant les dépenses des programmes sociaux. La réduction d'un déficit ne doit pas nécessairement se faire aux dépens des démunis. La seule façon de faire est d'adopter une approche équilibrée, ce qui exige que tous les citoyens fassent leur part et consentent des sacrifices pour remédier à ce problème qui nous concerne tous.

L'assurance-chômage concerne évidemment beaucoup de Canadiens. On compte actuellement 1,6 million de prestataires de l'assurance-chômage et il y en aurait beaucoup plus si les gouvernements précédents n'avaient pas modifié les règles. Toutefois, le fait de dire, comme dans ce document, qu'il faut resserrer encore davantage les conditions d'accès à l'assurance-chômage. . .

Le vice-président: Il est maintenant 14 h 14. Un ordre a été adopté plus tôt. Si les députés y consentent à l'unanimité, nous pourrions accorder quelques minutes de plus au député pour lui permettre de terminer son discours.

Des voix: D'accord.

M. Axworthy (Saskatoon's-Clark's Crossing): Monsieur le Président, je n'ai besoin que de cinq minutes de plus. Je remercie les députés de leur coopération.

Il serait absurde de resserrer encore davantage les conditions d'accès à l'assurance-chômage et de réduire encore plus les prestations comme le propose le livre vert.

(1415)

Je trouve bizarre qu'on puisse considérer cela comme une solution au problème; il me semble que nous continuons de tenir les chômeurs responsables de leur situation.

Nous devons apporter des changements qui rendront l'assurance-chômage accessible à un plus grand nombre, notamment aux travailleurs aotonomes. Songeons qu'environ 50 p. 100 des travailleurs sont actuellement à leur compte. Bien que ces travailleurs ne soient pas protégés par l'assurance-chômage, nous devons trouver un moyen de les inclure dans le système, même si ça ne sera pas facile. Nous devons aussi y inclure les travailleurs à temps partiel qui ne sont pas protégés.

Nous devons trouver des moyens novateurs pour permettre à tous les Canadiens qui ont besoin d'aide d'en bénéficier. Encore une fois, on voit que l'accent est mis sur la formation, mais la formation à l'aide de fonds qui, autrement, iraient aux chômeurs canadiens qui ont besoin d'argent pour nourrir leur famille.

Mais la formation pour quoi? Allons-nous vraiment arriver à donner à un million de Canadiens la formation qui va leur permettre de réintégrer le marché du travail? Ce n'est tout simplement pas réaliste.

En ce qui concerne les prestations pour les enfants, il est proposé de les améliorer. En fait, de les doubler.

C'est très bien. De toute évidence, il est nettement préférable d'avoir pour un enfant entre 2 500 et 3 000 dollars par an que 1 200. Cependant, tout ce que cela va faire essentiellement, c'est de retarder de deux ou trois jours la visite mensuelle de la mère à la banque d'alimentation. Cela ne va pas régler le problè-

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me. Nous ne pouvons continuer d'apporter des solutions d'urgence aux problèmes, nous contenter de réagir à certains symptômes.

Les enfants sont pauvres parce qu'ils sont nés de parents pauvres. Leurs parents sont pauvres et n'ont pas les moyens de les nourrir parce qu'ils n'ont pas de travail.

Je voudrais pour finir faire une dernière remarque au sujet des propositions exposées dans ce document concernant l'enseignement postsecondaire. Le gouvernement fédéral adopte une démarche vraiment tordue. Nous disons et nous reconnaissons tous qu'il est important pour notre économie que nous ayons une main-d'oeuvre mieux instruite, mieux formée et mieux qualifiée.

On s'attendrait alors à ce que le gouvernement s'efforce de trouver des moyens de rendre l'enseignement postsecondaire plus accessible et non pas le contraire. On comprend difficilement le raisonnement du gouvernement, qui veut augmenter les frais de scolarité, voire les établir à un niveau cinq ou six fois plus élevé, qui veut augmenter les prêts aux étudiants pour faire passer ce qui représente déjà un fardeau difficile pour eux à un fardeau pratiquement intolérable, qui veut, enfin, restreindre l'accès à l'enseignement postsecondaire. Comment de telles mesures pourraient-elles nous permettre d'avoir une main-d'oeuvre mieux instruite et mieux formée? L'opposition constatée à cette mesure dans le milieu enseignant est un bon indicateur des problèmes que cela pose.

Je vais terminer en suggérant deux ou trois choses que nous devrions réellement faire pour résoudre les problèmes que le livre vert essaie de résoudre.

La vraie solution est de faire en sorte que plus de Canadiens travaillent, de susciter une situation économique qui conduira à la création d'emplois de qualité, en quantité suffisante pour satisfaire la demande. Nous avons du chemin à faire à cet égard. D'autres pays ont bien mieux réussi que nous dans ce domaine. Ce qu'il nous faut, c'est un consensus national sur la façon de procéder, de sorte que tous les Canadiens qui peuvent travailler soient en mesure de le faire.

Il faut aussi réformer la fiscalité. On ne peut pas continuer à subventionner, au coût de 15 milliards de dollars, ceux qui ont les moyens d'investir dans des REER, alors que tant d'enfants dépendent de banques alimentaires. Ce n'est plus possible. Comme tous les députés semblent le reconnaître, il y a des choix difficiles à faire. C'est peut-être un choix difficile, mais nous pouvons certainement réduire le déficit et accroître notre capacité de financement des programmes sociaux, en envisageant sérieusement des réformes fiscales justes et progressistes.

Il y a beaucoup de choses novatrices que nous pouvons faire dans le milieu du travail lui-même. On peut envisager de raccourcir la semaine de travail, de limiter les heures supplémentaires, de façon à répartir le travail qui existe. S'il y avait 4 millions de Canadiens au chômage et 8 millions qui travaillent, il ne semblerait pas très efficace de maintenir les chiffres à ce niveau.

On a vu dans d'autres pays quelques succès dans ce domaine et des employeurs et des syndicats se sont entendus pour raccourcir progressivement la semaine de travail. Nous l'avons fait constamment. Dans le passé, les gens travaillaient sept jours sur sept, alors qu'ils ne travaillent plus que cinq jours par semaine.

(1420)

En terminant, j'estime qu'il s'agit ici d'un débat sur la qualité de la vie canadienne, sur notre responsabilité les uns envers les autres, sur les inégalités et sur la nécessité de s'assurer que la politique sociale réponde aux insécurités profondes, aux structures familiales changeantes, aux niveaux élevés de pauvreté et à la grande insécurité qui règne au sein de la population active.

Nous avons beaucoup de travail à accomplir et, à mon avis, ce document ne nous donne pas suffisamment de moyens pour le faire.

[Français]

Le vice-président: Comme il est 14 h 14, plus ou moins, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 10 juin, de la motion: Que le projet de loi C-240, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et le Code criminel, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan): Monsieur le Président, dans la société dans laquelle nous vivons, il est très délicat de parler de crimes et particulièrement des crimes en rapport avec les agressions sexuelles sur lesquelles le présent projet de loi C-240 est basé. Il faut en parler certes, mais aussi en tant que parlementaires, nous avons le devoir fondamental de ne pas élaborer à en être spectaculaire. C'est un sujet très délicat.

Vous savez, la mort d'un enfant, c'est toujours désastreux, c'est toujours regrettable. Qu'un enfant meure d'un accident de voiture, qu'il décède de mort naturelle ou qu'il soit violenté avant d'être tué, cela sera toujours un décès.

Comme individus dans cette société, peu importe qui nous sommes, peu importe où nous sommes, nous avons le devoir fondamental et légitime de voir à protéger cette progéniture, soit la génération pour laquelle finalement, nous tous, hommes et femmes, qui siégeons ici en cette Chambre, travaillons. Oui, nous devons les protéger. Nous devons tout faire en notre pouvoir afin de nous assurer que leur avenir sera le plus beau possible dans un monde le plus sûr possible, bien entendu. Cependant, vouloir étouffer toute personne qui ose s'en approcher, là nous tombons, à mon avis, dans de la démagogie.

Je veux être clair sur le fait qu'en aucun cas l'opposition officielle ne peut prêter le flanc à la critique dans le sens qu'elle pourrait faire preuve de mollesse vis-à-vis d'un cas comme celui qui a été soulevé par notre collègue du Parti réformiste lors de son discours ici, en Chambre, le 10 juin dernier. Je me réfère au cas du jeune Christopher Stephenson qui, le soir du 17 juin 1988, a été kidnappé dans un premier temps, ensuite molesté pendant un peu plus de 24 heures, violenté sexuellement et


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physiquement, naturellement, par un individu qui s'appellait Joseph Fredericks, âgé de 45 ans.

Personne au monde ne peut, à moins d'être malade, accepter que des choses comme celle-là se produisent. Quand je dis personne au monde, c'est vraiment personne. Nous entendons souvent dire: les incarcérés sont tous des ci, sont tous des ça, des qu'en dira-t-on, peu importe, mais il y a une police à l'intérieur des centres de détention, il y a une police à l'intérieur des pénitenciers. On appelle ça la loi du milieu et même ces gens-là, à qui on reproche pourtant des crimes, les gens à l'intérieur, les incarcérés, ne tolèrent pas ce genre de crimes, tellement ces crimes-là sont odieux. Tout le monde s'accorde pour dire que toucher un enfant, c'est odieux. C'est ainsi qu'en janvier 1992, ce «milieu», cette police, cette loi de l'incarcération est venue à bout du fameux prévenu Joseph Fredericks dont je parlais tout à l'heure. Cela s'est passé au pénitencier de Collin's Bay en Ontario lorsque celui-ci a été poignardé à l'intérieur, pendant qu'il purgeait sa sentence.

Vous savez, les abuseurs d'enfants, peu importe qu'ils violent, qu'ils blessent ou qu'ils tuent ou qu'ils fassent tout ceci en même temps, ce qui est pire, ces gens-là ont à faire face au système judiciaire qui les amène à l'intérieur d'un pénitencier, c'est-à-dire qu'ils ont à passer par tout le processus habituel judiciaire les amenant à recevoir une sentence. Et ensuite, ils se ramassent à l'intérieur d'un pénitencier.

(1425)

Mais à l'intérieur du pénitencier, ils doivent faire face à une autre police, comme je le mentionnais tout à l'heure. C'est pour cela que ces gens ont besoin d'être protégés par le système qu'on appelle «la protection» à l'intérieur. On appelle même cela «la protect», dans le langage populaire du milieu.

Je ne suis pas là pour défendre à outrance les criminels de ce genre, mais je suis d'avis que, si le système judiciaire les a condamnés une fois, nous n'avons pas à recommencer continuellement cette condamnation chaque fois que nous en avons envie. Nous reprochons d'abord et avant tout au système correctionnel de posséder, dans son processus de libération conditionnelle, trop de politiques à l'intérieur. Autrement dit, donner un peu trop de latitude à des gens qui n'ont pas toujours été placés en raison de leur très haute compétence mais quelquefois plutôt en raison de leur appréciation d'un parti politique en particulier. En termes clairs, on place trop souvent des «téteux» de parti à des postes délicats.

Il ne faudrait pas non plus, dès qu'une personne a été jugée, donner à des gens qui sont membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles, le pouvoir de «rejuger» la personne une autre fois pour essayer d'évaluer si cette personne, pour telle ou telle raison, aurait ou n'aurait peut-être pas. . . parce qu'on se retrouve dans un labyrinthe incroyable! En travaillant de la sorte, nous nous enlisons dans une complexité épouvantable de la bureaucratie, une bureaucratie phénoménale, voire montagneuse, tellement elle serait énorme.

Un juge, quand il donne une sentence-c'est un juge qui me l'a dit et c'est vérifiable aussi; je crois que tous les juges l'admettront-c'est en fonction du fait qu'il évalue que, à la fin de la sentence donnée, l'individu devrait normalement avoir expié sa peine et avoir compris, à travers tout le processus du système carcéral et les services de suivi qui y sont offerts, qu'il ne faut pas recommencer l'acte commis pour lequel il a été incarcéré.

Naturellement, si cela fonctionnait chaque fois, ce serait le monde idéal. Donc, c'est toujours un objectif à atteindre.

D'un autre côté, quand on regarde les cas comme celui du jeune Christopher Stephenson, c'est malheureux, tout le monde déplore de pareils gestes, de pareilles erreurs qui ont été commises; oui, c'est vrai. Tout le monde le déplore. Mais les statistiques démontrent, parce qu'il faut regarder les deux côtés de la médaille aussi, nous n'avons pas été élus pour faire de la démagogie ou du spectaculaire: 6 p. 100 des gens qui sont remis en libérté conditionnelle, seulement 6 p. 100 récidivent dans une période de 6 mois après la fin de leur sentence. C'est-à-dire qu'ils peuvent récidiver après les 6 mois, je suis d'accord avec vous, mais, autrement dit, même si on se rend à 10 p. 100, ce qui est une large mesure, il y a quand même 90 p. 100 des gens pour qui le système actuel convient, et j'entends ici le système punitif. Quatre-vingt-dix pour cent des gens qui, comme vous et moi, peuvent, après une période d'incarcération, retrouver la liberté à laquelle vous et moi et eux aussi ont droit.

Nous sommes dans un système démocratique et humain, géré par des humains, où il y aura, d'une part, toujours des erreurs, mais, d'autre part, on se doit aussi de travailler à l'amélioration des conditions de vie des individus que nous sommes. C'est ce qu'on appelle la collectivité.

Il y aura toujours des marginaux; il y aura toujours des gens qui profiteront indûment du système, que ce soit d'un côté comme de l'autre. Il y a des gens qui se faufileront, c'est bien certain, mais quand un système est rendu à des pourcentages de 90 à 94 p. 100 de réussite, je pense qu'il faut partir de ces pourcentages-là et chercher à améliorer les choses à partir de ces pourcentages-là et non pas uniquement focaliser sur les 6 p. 100, rester assis dessus et ensuite en faire une guerre.

Oui, il y a du travail à faire, c'est bien vrai, tout le monde en conviendra, mais, à mon avis, donner un second jugement, comme le projet de loi le prétend, par des gens qui ne sont même pas des juges, là, je pense qu'il faut s'arrêter quelque part.

Je terminerai là-dessus. Il y a une faille, effectivement, tout le monde en conviendra. Le système, tel que je le mentionnais tout à l'heure, n'est pas parfait. Beucoup de gens de tous les milieux y travaillent, je pense, de bonne foi. Même des gens qui ne font pas toujours affaires avec le public mais qui sont du milieu ou qui sont des hauts fonctionnaires. Tous travaillent assidûment et écoutent le peuple.

(1430)

Oui, il faut travailler sur une solution, mais je crois sincèrement que ce n'est pas à l'intérieur du projet de loi C-240 que cette solution se trouve.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je tiens à remercier l'honorable députée de Surrey-White Rocks-South Langley d'avoir saisi la Chambre de cette importante motion. La protection accrue de nos enfants contre des récidivistes violents est une nécessité qui va de soi.

Ma collègue se sert, comme point de départ et comme preuve fort éloquente du besoin d'action dans ce domaine, des crimes commis par Joseph Fredericks. Le meurtre insensé du petit Christopher Stephenson, commis par ce pédophile chronique à


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Brampton, en 1988, nous rappelle cruellement, si tant qu'un rappel soit nécessaire, que nous devons agir rapidement pour corriger les faiblesses de notre système de justice pénale et réduire le risque que ne se reproduisent d'autres tragédies de ce genre.

Le gouvernement fédéral, les provinces et tous les secteurs du système de justice pénal conviennent qu'il faut travailler ensemble pour atteindre ce but commun. Le gouvernement fédéral, quant à lui, est déterminé à agir en ce sens. C'est pourquoi il a déjà pris des mesures pour donner suite à un bon nombre de recommandations formulées lors de l'enquête du coroner menée en 1993 sur le décès du petit Christopher Stephenson.

Enfin, la plupart des recommandations concernant des mesures fédérales ont été mises en application, ce qui a notamment permis d'améliorer les méthodes d'élaboration des rapports de gestion des cas et d'évaluation du risque dans l'ensemble du système correctionnel fédéral. Nous avons également amélioré l'échange de renseignements sur les délinquants, les mécanismes de responsabilisation et la coordination des activités de gestion et de traitement des délinquants sexuels. Ce sont là des progrès remarquables, mais il reste encore beaucoup à faire.

C'est pourquoi nous nous appliquerons à mettre en oeuvre les quelques recommandations qui restent. Ces recommandations touchent à des questions complexes qui ne peuvent être réglées du jour au lendemain. Elles exigent des solutions globales et durables. Une mesure qui va contribuer à améliorer la protection du public est le projet de loi C-45, lequel modifie la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ce projet de loi, présenté par le solliciteur général en juin dernier, est actuellement étudié par le Comité permanent de la justice et des affaires juridiques.

Grâce à l'une des modifications proposées, il serait plus facile pour la Commission nationale des libérations conditionnelles de garder incarcérés jusqu'à expiration de leur peine les délinquants sexuels qui sont susceptibles de s'en prendre à des enfants. Comme l'a récemment souligné le solliciteur général, cette modification ne donne pas à entendre que les infractions sexuelles contre les enfants sont plus graves que celles qui sont commises contre les adultes. Toutefois, dans le cas d'enfants, il arrive souvent que la Commission nationale des libérations conditionnelles ne puisse maintenir en incarcération un pédophile à risque élevé, parce qu'il est difficile de montrer qu'un dommage grave a été causé à l'enfant qui en a été victime.

La proposition réglerait, par conséquent, ce problème, en éliminant la nécessité de prouver qu'un dommage grave a été causé dans ce sens ou dans ces cas. La Commission serait ainsi habilitée sur le plan légal à garder un délinquant en prison, si elle le juge susceptible de commettre une nouvelle infraction sexuelle contre un enfant, avant l'expiration de sa peine. À mon avis, cette proposition aiderait considérablement à protéger nos enfants contre les prédateurs sexuels sous responsabilité fédérale.

Toutefois, nous ne devons pas oublier qu'une véritable réforme demande plus qu'une modification des dispositions législatives. Tôt ou tard, la majorité des détenus sont remis en liberté. C'est pourquoi le gouvernement a mis en place un certain nombre d'initiatives axées sur la protection de la société à long terme. Parmi ces initiatives, mentionnons l'amélioration des programmes de traitement des délinquants sexuels. Si vous le permettez, monsieur le Président, j'aimerais maintenant dire quelques mots sur nos connaissances actuelles au sujet du traitement des délinquants sexuels.

Les recherches révèlent qu'il existe plus d'une cause d'exploitation sexuelle et plus d'une façon d'envisager le traitement. Toutefois, les cliniciens s'accordent en général pour dire que dans bien des cas, le risque de récidive peut être réduit, grâce à la continuité des programmes de traitement et la prévention des rechutes.

(1435)

La prévention des rechutes est essentielle parce qu'elle aide les délinquants sexuels à maîtriser leurs pulsions lorsqu'ils sont de retour dans la collectivité. Dans ce contexte, le solliciteur général a annoncé que dans le cadre de la réforme proposée par le gouvernement en matière de sécurité publique, les programmes destinés aux délinquants sexuels seront renforcés et améliorés.

Pour s'assurer que le système correctionnel fédéral utilise les méthodes les plus efficaces de gestion et de traitement des délinquants sexuels, le Service correctionnel du Canada a entrepris l'an dernier un examen complet de ses programmes d'évaluation et de traitement, comme: améliorer l'évaluation des besoins des délinquants sexuels en fonction de leur comportement criminel; mettre en oeuvre une variété de programmes de traitements conçus pour répondre aux différents besoins de ce groupe de délinquants; former les membres du personnel correctionnel aux méthodes les plus modernes de gestion de délinquants sexuels, et mener des activités de recherche visant à évaluer l'efficacité de ces approches.

Au cours des cinq dernières années, il a accru de façon spectaculaire le nombre de places destinées aux délinquants sexuels, le faisant passer de 200 par année à plus de 1 800 aujourd'hui.

Afin de donner une direction nationale plus marquée de la gestion et du traitement des délinquants sexuels, le commissaire aux services correctionnels a annoncé récemment la nomination d'un psychologue principal au nouveau poste de conseiller en matière de programmes pour délinquants sexuels. C'est là un autre exemple des mesures prises en réponse à l'enquête sur le décès de Christopher Stephenson.

Conformément à d'autres recommandations découlant de cette enquête, le gouvernement prendra des mesures pour aider les organismes locaux à mieux protéger les enfants contre les mauvais traitements dans la collectivité.

La GRC joue déjà un rôle de premier plan en permettant aux services policiers, à la grandeur du Canada, d'avoir accès à la base de données du Centre d'information de la police canadienne, le CIPC. Cela permet à la police locale, au nom d'organisations communautaires, de connaître les antécédents de personnes qui souhaitent travailler auprès des enfants.

Par ce moyen, on peut s'assurer que les agresseurs d'enfants et les délinquants sexuels ne pourront entrer en contact direct avec des enfants dans des organismes communautaires.

Pour qu'à l'échelle nationale les mécanismes de filtrage soient les meilleurs possibles, des représentants du ministère du Solliciteur général, en collaboration avec leurs collègues de Santé Canada et de Justice Canada, examinent des façons d'améliorer la banque de données du CIPC, en vue de permettre la


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collecte de renseignements plus complets sur les condamnations au criminel et les enquêtes.

En retour, nous pourrons disposer à l'échelle nationale d'un système beaucoup plus efficace de présélection qui nous permettra d'empêcher les pédophiles et les délinquants sexuels d'entrer en contact avec les enfants.

En terminant, monsieur le Président, je tiens encore une fois à remercier la députée de Surrey-White Rock-South Langley d'avoir soulevé cette importante question devant la Chambre.

Nous avons la responsabilité vis-à-vis de Christopher Stephenson, ainsi que de tous les enfants et parents du Canada, de faire tout en notre pouvoir pour protéger les jeunes contre les prédateurs sexuels.

Cependant, la protection des jeunes ne repose pas seulement sur les dispositions législatives. Elle passe également par l'élaboration et l'exécution de programmes de traitements les plus efficaces possibles destinés aux délinquants sexuels pour que le risque puisse être géré lorsqu'ils réintègrent la société. Ce n'est qu'en procédant à une réforme équilibrée du système de justice pénale que nous pourrons véritablement établir la base d'une société sûre où les enfants peuvent vivre sans crainte d'être victimes de la violence et de l'exploitation.

Les initiatives que je viens de décrire et les efforts que nous continuerons de déployer au cours des prochains mois témoignent de l'engagement pris par le gouvernement de tout mettre en oeuvre pour protéger nos enfants. Je suis persuadé que tous les députés se joindront à nous pour réaliser cet objectif.

[Traduction]

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-240. Cette mesure, qui a été présentée par la députée de Surrey-White Rock-South Langley, propose d'importants changements à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et au Code criminel.

Encore une fois, le Parti réformiste a pris l'initiative de faire en sorte que les contrevenants dangereux ne puissent pas retourner dans la société pour commettre d'autres crimes mortels et menacer les familles des victimes. Les réformistes préconisent des peines plus sévères pour les crimes et la protection des citoyens respectueux des lois avant les droits des criminels. Il est déplorable que les députés d'en face continuent d'être aussi réfractaires à de profondes réformes du système de justice.

(1440)

Le projet de loi C-240 n'a pas pour objet d'enfermer les prisonniers et de jeter la clé. Il vise plutôt à protéger les Canadiens en gardant derrière les barreaux les détenus les plus dangereux. Comme la députée l'a déjà dit à la Chambre, cette mesure législative vise les personnes qui ne sont pas désignées contrevenants dangereux au moment du prononcé de leur peine initiale, mais dont la conduite après leur incarcération et leur casier judiciaire amènent le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles à les considérer trop dangereux pour les libérer dans la société.

De ce côté-ci de la Chambre, nous avons souvent évoqué la nécessité d'une réforme étendue du système de justice pénale et c'est exactement ce que ferait le projet de loi C-240.

Songez à la peur que doivent ressentir quotidiennement Helen Leadley et sa famille en pensant que, d'un jour à l'autre, Robert Paul Thompson pourrait obtenir un permis d'absence temporaire sous surveillance. La Chambre connaît bien l'histoire de cet homme et de son dossier criminel qui épaissit depuis 1969. Je n'ai pas l'intention de laisser tomber cette question.

En 1983, Robert Paul Thompson, qui avait déjà purgé une peine pour voies de fait graves sur une ancienne amie, a été emprisonné pour deux délits de fuite. Même à cette époque, malgré ses antécédents criminels et violents, on lui avait octroyé la semi-liberté. Et c'est pendant une période de semi-liberté qu'il s'est rendu au domicile de son ancienne conjointe de fait, Brenda Fitzgerald. Il a tenté d'assassiner l'ami de Brenda en le battant à coups de marteau et de couteau, puis il a brutalement frappé et poignardé à mort Brenda Fitzgerald. La décision de lui octroyer la semi-liberté était complètement idiote et irresponsable.

Pour ce meurtre brutal et cette tentative de meurtre, Robert Paul Thompson a négocié un plaidoyer et a plaidé coupable de meurtre au deuxième degré. Il n'a jamais été considéré comme un délinquant dangereux. Il a reçu une peine d'emprisonnement à perpétuité et aura droit à une libération conditionnelle au printemps de 1995. N'est-ce pas là une contradiction flagrante? Il est condamné à perpétuité et admissible à la libération conditionnelle.

La cause ne se termine pas par la condamnation et la détermination de la peine de Thompson. Deux années et demie plus tard, il a attaqué deux gardiens de prison à la pointe du couteau et a pris en otage une infirmière de 63 ans. Durant la prise d'otage, il a fallu dix gardiens de prison pour immobiliser Thompson. Pour ces attaques subséquentes, Thompson a reçu une peine concomitante de 11 ans d'emprisonnement, de sorte qu'il sera quand même admissible à la libération conditionnelle en avril 1995.

Même après ces assauts violents, Robert Paul Thompson n'a pas été considéré comme un délinquant dangereux. Que faut-il donc pour qu'un criminel violent comme lui soit enfin considéré comme un délinquant dangereux? La Commission des libérations conditionnelles a récemment accordé à Thompson une permission de sortir sous surveillance. Son frère souffre d'une maladie non mortelle, mais il est à l'hôpital, et Thompson voudrait lui rendre visite pendant deux heures.

C'était une décision irresponsable que d'octroyer la semi-liberté à cet homme en 1983. C'est une chose encore plus répréhensible que la Commission des libérations conditionnelles ait décidé une fois de plus d'accorder cette permission de sortir sous surveillance. Malgré les arguments de la famille de la victime qui vit dans la crainte de cet homme, malgré le fait que je sois intervenu à quatre reprises à la Chambre pour qu'on n'accorde pas cette permission, malgré tout cela, le solliciteur général a préféré ne pas en tenir compte. Il semble que la Commission des libérations conditionnelles, le Service correctionnel et le solliciteur général ne considèrent pas la propension de Thompson à la violence comme un motif suffisant pour le retenir derrière les barreaux.

Un membre de la Commission des libérations conditionnelles du Nouveau-Brunswick a admis que 70 p. 100 des demandes de


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libération conditionnelle étaient accordées et rendues publiques, mais que les membres préféreraient que ce soit 100 p. 100. La vengeance n'est pas inscrite dans le mandat de la commission. La Commission des libérations conditionnelles n'a-t-elle pas l'obligation morale de prévenir tout acte de vengeance à l'égard des victimes et de leur famille? Tel est l'enjeu. Thompson a pu passer les murs de sa prison et terroriser la mère de Brenda Fitzgerald. Mes collègues et moi-même luttons tous les jours pour que les droits des victimes ne passent pas après ceux des détenus.

Le régime de libération conditionnelle permet aux délinquants, comme Thompson, de ne purger que la moitié, voire le tiers de leur peine. La commission admet qu'un délinquant violent sur trois va récidiver, mais un délinquant ne peut être déclaré dangereux que lorsqu'il est en détention. Même alors la loi actuelle n'autorise le Service correctionnel à maintenir les délinquants dangereux en détention que jusqu'à la toute fin de leur peine. Il doit ensuite les relâcher dans la société.

Le violeur en série Larry Fisher a purgé entièrement sa peine de 23 ans de prison sans subir aucun programme de réhabilitation et le voilà de nouveau en mesure de récidiver.

(1445)

Une fois adopté, le projet de loi C-240 mettra en place un processus pour réévaluer la libération d'un détenu. Il donnera la chance au procureur général d'appliquer, sur la recommandation des autorités correctionnelles, les dispositions sur les délinquants dangereux.

Lorsque l'évaluation du cas d'un délinquant donne à entendre qu'il est probable qu'il va récidiver, on pourra alors le maintenir en détention pendant une période indéterminée. Cette détention postpénale supposera l'imposition d'une peine définie ou indéfinie et une surveillance à long terme pouvant aller jusqu'à dix ans. Des dispositions comme celles-là feront que l'on pourra maintenir en détention certains délinquants qui ont purgé leur peine, lorsqu'ils démontrent, même en prison, une propension continue à la violence.

Les Canadiens sont exaspérés du manque de mesures concrètes que prend le gouvernement pour faire en sorte que les criminels soient davantage responsables de leurs actions. Ils en ont de plus en plus assez de voir le gouvernement apporter des modifications mineures au système sans le réformer réellement. Ils commencent à remettre en question la capacité du gouvernement d'assurer la sécurité des Canadiens dans leurs rues.

Ce week-end sera celui de l'Action de grâce. Je trouve tout à fait terrible que le système correctionnel choisisse aujourd'hui pour rendre sa décision sur la demande de permission de sortir sans surveillance de Robert Thompson. Il ne semble pas très juste que la famille de Brenda Fitzgerald n'ait rien à célébrer en cette journée, alors que son meurtrier fête pendant ce temps.

Le projet de loi C-240 que présente ma collègue apporte de véritables modifications au système correctionnel. Il est temps que le solliciteur général redonne une certaine crédibilité au système et appuie ce projet de loi. Je n'ai pas l'intention de laisser tomber. L'audition de la demande de libération conditionnelle de cet individu est fixée pour avril 1995 et j'entends bien soulever à nouveau cette question.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat en deuxième lecture du projet de loi C-240, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et le Code criminel.

Les délits sexuels inquiètent beaucoup la population. Le coroner de l'Ontario a procédé à une série d'enquêtes pour attirer l'attention du public sur les crimes haineux que commettent des individus. La réaction qu'entraînent ces causes laisse souvent supposer qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, de dispositions pour s'occuper de ce genre d'individus et que les mécanismes en place sont tout à fait insatisfaisants.

Le Code criminel du Canada renferme d'importantes dispositions au sujet des délinquants dangereux. Elles ont beaucoup évolué au fil des ans. En 1948, a été déposée une loi concernant les psychopathes sexuels criminels qui autorisait le tribunal à déterminer qu'une personne était une psychopathe sexuelle criminelle, si elle avait été reconnue coupable d'une infraction comme le viol, les rapports sexuels, l'attentat aux moeurs, la sodomie, la bestialité ou la grossière indécence, ou encore d'une tentative de commettre une quelconque de ces infractions.

Si le tribunal jugeait que le délinquant était un psychopathe sexuel criminel, il pouvait lui imposer une période d'emprisonnement d'une durée déterminée pour l'infraction substantielle, ainsi qu'une période de détention préventive, une fois que la peine initiale avait été purgée.

Par la suite on a modifié le concept de psychopathe sexuel criminel au profit des repris de justice et des délinquants sexuels dangereux. On tenait à faire une distinction entre les délinquants sexuels dangereux et les personnes coupables d'infractions mineures. En 1969, on a modifié le Code criminel et supprimé de la loi concernant les délinquants sexuels dangereux la notion de période d'emprisonnement d'une durée déterminée pour ne plus parler que de l'emprisonnement d'une durée indéterminée. Le Comité Ouimet s'est penché sur le cas des délinquants sexuels dangereux et a recommandé l'établissement d'une nouvelle catégorie intitulée simplement «délinquants dangereux».

En 1977, a été promulguée la loi concernant les délinquants dangereux, en remplacement des anciennes dispositions applicables aux repris de justice et aux délinquants sexuels dangereux. La loi actuelle est décrite à la partie 24 du Code criminel. On y trouve la définition de «sévices graves à la personne», à l'article 752, et la définition pratique de la nature des comportements visés, à l'article 753.

Cet article s'applique aux délinquants qui constituent un danger pour la vie, la sécurité ou le bien-être physique ou mental d'autres personnes. Ce danger peut être fondé sur quatre critères. Le premier se ramène à ceci: par la répétition de ses actes, le délinquant démontre qu'il est incapable de contrôler ses actes et permet de croire qu'il causera vraisemblablement la mort de quelque autre personne ou causera des sévices ou des dommages psychologiques graves à d'autres personnes.

(1450)

Le deuxième critère, c'est que, par la répétition continuelle de ses actes d'agression, le délinquant démontre une indifférence marquée quant aux conséquences de ses actes.


6744

Le troisième, c'est tout comportement chez ce délinquant d'une nature si brutale qu'on ne peut s'empêcher de conclure qu'il y a peu de chance pour que, à l'avenir, ce comportement soit inhibé par les normes ordinaires de restriction du comportement.

Le dernier critère, c'est que la conduite antérieure du délinquant dans le domaine sexuel démontre son incapacité à contrôler ses pulsions sexuelles et laisse prévoir que, vraisemblablement, il causera à l'avenir des sévices ou autres maux à d'autres personnes.

Si le tribunal considère un délinquant comme dangereux, il peut lui imposer une peine indéterminée, au lieu de toute autre peine qui aurait pu convenir.

Je fais l'historique de l'élaboration de cet article et je parle des définitions qu'il renferme pour porter à l'attention de la Chambre le fait que divers gouvernements sur une période prolongée se sont penchés sur le problème des délinquants dangereux. Les dispositions actuelles ont été soumises à la Cour suprême du Canada qui a jugé qu'elles respectaient les normes juridiques pertinentes.

La possibilité de modifier les dispositions actuelles a fait l'objet de consultations auprès des provinces qui les administrent et on s'est aperçu alors que ceux qui devaient présenter une demande étaient généralement satisfaits de ces dispositions.

D'autres députés ont signalé que le projet de loi C-240 risquait d'être déclaré inconstitutionnel en vertu de la Charte. Je ne reviendrai donc pas là-dessus à ce stade-ci.

La question importante qu'on doit se poser, c'est s'il convient ou non d'envisager des modifications comme celles que propose le projet de loi C-240 et qui risquent fort d'être déclarées inconstitutionnelles, alors que nous pouvons déjà compter sur des mesures complètes et efficaces pour nous occuper des délinquants dangereux. Les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice reconnaissent qu'il y a d'autres questions importantes à étudier. Il y a des problèmes de compétence qu'on doit régler, grâce à une collaboration accrue et plus efficace entre les diverses juridictions. Les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice se réuniront avec leurs homologues de la Santé pour étudier ces problèmes.

On a aussi reconnu l'importance d'identifier et de poursuivre les personnes en recourant aux dispositions applicables aux délinquants dangereux. La mise en place d'un processus qui permettrait de connaître les délinquants violents à risque élevé et de communiquer des renseignements à leur sujet aux procureurs de la Couronne pour des poursuites subséquentes constitue un mesure importante à l'égard de ces délinquants.

En terminant, je voudrais rappeler que nos lois et nos pratiques, telles que nous les connaissons aujourd'hui, sont le fruit d'une longue évolution. Il semble clair, selon les spécialistes de la justice pénale qui administrent les dispositions applicables aux délinquants dangereux, que le Code criminel est un outil efficace pour s'occuper des délinquants dangereux.

Les propositions du projet de loi C-240 risquent fort d'être déclarées inconstitutionnelles par rapport au système actuel, qui a mis de nombreuses années à devenir ce qu'il est. Je pense que nous serons bien mieux servis, à court et à long termes, en améliorant la collaboration entre les différentes compétences et en améliorant les procédures et les mesures administratives qu'en adoptant des propositions qui comportent de trop grands risques, sur le plan juridique.

[Français]

M. André Caron (Jonquière): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi C-240 visant à modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et le Code criminel.

Si le projet de loi présenté par la députée de Surrey-White Rock-South Langley était adopté, il serait désormais permis aux instances responsables de réviser en cours de peine la sentence d'une personne reconnue coupable d'un crime grave et violent si elles estiment que celle-ci court de fortes chances de récidiver à sa sortie de prison.

Le projet de loi C-240 permettrait même d'incarcérer une personne dans un pénitentier pour une période de temps indéterminée si on estime qu'elle ne peut être réhabilitée.

(1455)

Comme on le constate, il s'agit de pouvoirs considérables qui seraient accordés au système judiciaire. Mais avant d'expliquer mes réserves concernant ce projet de loi, je veux émettre quelques précisions afin de dissiper tout malentendu concernant ma position.

Comme la plupart des citoyens du Canada et du Québec, je ne suis d'aucune façon favorable à la libération sous probation de personnes qui représentent un danger réel pour la société. Je partage l'opinion selon laquelle les gens qui ont commis un crime violent et qui ne sont pas évidemment réhabilités doivent être punis et subir la peine prévue par la loi. Ils doivent être maintenus derrière les barreaux aussi longtemps qu'ils demeurent un danger pour la société pour la durée de la peine à laquelle ils ont été condamnés. C'est une question de sécurité publique à laquelle, il va de soi, tout le monde adhère.

Dans un régime basé sur la primauté des règles de droit, il appartient à l'appareil juridique, aux forces de l'ordre et aux institutions politiques de veiller à ce que les criminels purgent leur peine. Il incombe à ces instances de veiller à ce que les citoyens honnêtes puissent vivre en société. C'est le fondement même du contrat social qui unit les citoyens et l'État.

Nous savons que sans règles de conduite claires et sanctions appropriées pour ceux qui ne respectent pas les lois, nous risquons de sombrer dans un état d'anarchie.

Le projet de loi qui nous est proposé, s'il est adopté sous sa forme actuelle, remet sérieusement en cause les principes de droit et de justice fondamentale que nous tenons absolument à protéger. Je vais préciser ma pensée.


6745

Comme je l'ai mentionné précédemment, nous vivons dans une société libre et démocratique basée sur le respect des libertés fondamentales et la primauté des règles de droit. En matière de justice pénale, cela se traduit par le droit inaliénable que possède chaque individu d'être présumé innocent jusqu'à preuve du contraire. C'est une règle de droit que nous avons héritée du droit coutumier anglais et qui demeure encore un fondement essentiel de notre système juridique.

De plus, selon ces mêmes principes, nous savons qu'une personne ne peut être punie qu'une seule fois pour le crime dont elle fut reconnue coupable. En d'autres mots, aucun individu ne peut être jugé et condamné deux fois pour le même délit. Vouloir renoncer à ce principe de justice fondamentale équivaudrait à suspendre indûment les droits civils d'une personne et la livrer à l'arbitraire. Ce genre de situation est de toute évidence inacceptable dans une société comme la nôtre.

Le projet de loi qui est devant nous contient une disposition qui permettrait, à l'article 26, à un tribunal de maintenir une personne en détention malgré le fait qu'elle ait purgé sa peine. Cette situation résulterait du fait que cette personne est réputée dangereuse et qu'elle devrait être maintenue en prison compte tenu de la preuve nouvelle qui n'avait ou ne pouvait être présentée lors de son procès.

D'après mon interprétation de ce projet de loi, des éléments de preuve qui ne furent pas soulevés durant le procès pour condamner un accusé, pourraient être introduits devant un tribunal pour le garder plus longtemps en prison. À mon avis, cette disposition compromettrait très sérieusement les droits fondamentaux de cette personne.

Rappelons que depuis son enchâssement dans la Constitution de 1982, la Charte canadienne des droits et libertés est le meilleur instrument de protection à la disposition des Canadiens contre les pouvoirs autrement absolus de l'État moderne. La Charte énumère une série de règles et de principes destinés à protéger les droits fondamentaux de la personne. À cet égard, et pour les fins de ce débat, l'article 11 de la Charte stipule clairement que «tout inculpé a le droit, d'une part, de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté et, d'autre part, de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni.» Autrement dit, la Charte prévoit qu'aucune personne dans ce pays ne peut être punie deux fois pour la même infraction. C'est un droit fondamental enchâssé dans la Constitution.

Il est absolument évident pour moi que certaines dispositions de ce projet de loi violent ce principe, puisqu'il serait désormais permis de condamner une seconde fois quelqu'un qui a déjà purgé sa peine si un tribunal estime que cette personne représente encore un danger pour la société. De toute évidence, il faudrait attendre un jugement de la Cour suprême pour savoir si cette loi résisterait aux principes énumérés dans la Charte. À cet égard, je crois que la Cour suprême la déclarerait inconstitutionnelle.

Pour les fins de ce débat, il ne faut pas perdre aussi de vue que le Code criminel du Canada contient déjà des mesures visant à garder derrière les barreaux des criminels dangereux, et ceci, même après l'expiration de leur peine.

(1500)

En effet, nous savons que les tribunaux possèdent le pouvoir de déclarer ces personnes «délinquants dangereux» pour les incarcérer le temps nécessaire. Avec cette nuance très importante et absolument fondamentale, cependant: il faut que le procureur de la Couronne en fasse la preuve pendant le procès de l'accusé et non pas quelques années plus tard lorsque le détenu est sur le point d'être libéré, comme le permettrait le projet de loi C-240.

Pourquoi faudrait-il adopter une nouvelle loi pour protéger la société contre des criminels dangereux lorsque nous possédons déjà tous les instruments nécessaires à cette fin dans le Code criminel? Au procureur de la Couronne de faire son travail ou au législateur de resserrer la définition de délinquants dangereux!

Notons enfin que selon la proposition qui est devant nous, il serait du ressort de la Commission des libérations conditionnelles de faire enquête en la matière, c'est-à-dire de déterminer s'il existe suffisamment d'éléments de preuve pour procéder à un autre procès et, ultimement, pour prolonger la peine d'un détenu. Cela, à mon avis, alourdirait considérablement la charge de travail de la Commission des libérations conditionnelles avec tous les délais et les coûts additionnels que cela pourrait comporter. D'autant plus que je crois que ce serait lui accorder une responsabilité qui n'est pas de son ressort.

En guise de conclusion, je voudrais réitérer ma profonde conviction selon laquelle les droits fondamentaux de la personne sont en principe inaliénables et qu'ils ne doivent pas être suspendus. C'est sûr qu'on peut évoquer ou faire la description de crimes particulièrement crapuleux, ce qui fait que les gens puissent croire que dans des circonstances spéciales, il faille faire abstraction des droits fondamentaux. Mais je pense que c'est injustifiable parce qu'il faut se tenir, comme législateurs, au niveau des principes.

Si le projet de loi C-240 est adopté dans sa forme actuelle, et je le répète en conclusion, il serait possible à un tribunal de maintenir une personne incarcérée pour une période de temps dépassant la durée de la peine prévue au moment de sa condamnation en prétextant que cette personne représente encore un danger pour la société. Autrement dit, on continuerait à punir une personne au-delà de ce que prévoyait sa sentence. De toute évidence, il s'agit d'une mesure injustifiable.

Il ne faut pas priver les citoyens de leurs droits fondamentaux sous prétexte que la société ou les services correctionnels ne peuvent trouver d'autres moyens pour protéger les citoyens contre les criminels dangereux. Cette solution ne règle pas le problème des délinquants dangereux, qui peuvent causer des torts sérieux à la société.

Je voudrais dire, en terminant, que lorsqu'une société commence à suspendre de façon ponctuelle les droits fondamentaux de la personne, ses citoyens ont toutes les raisons de craindre que cette société ne devienne dangereusement intolérante et que leur liberté personnelle ne soit à long terme en danger.

[Traduction]

M. Ian Murray (Lanark-Carleton): Monsieur le Président, le projet de loi C-240 vise à régler certaines préoccupations à propos des délinquants violents qui récidivent, en particulier des délinquants sexuels.

Le projet de loi vise surtout à identifier et à maintenir en détention plus longtemps un certain groupe de délinquants dont on constate, après leur condamnation, qu'ils continuent de représenter manifestement une menace grave pour l'intégrité physique ou mentale d'autrui.


6746

Prédire les comportements violents est indéniablement un objectif que l'on cherche à atteindre pour protéger la collectivité. Cependant, il n'est pas facile à atteindre. Des députés ont parlé des nombreuses mesures qui ont été mises à l'essai ou qui sont utilisées actuellement pour protéger la société contre les délinquants dangereux.

Les problèmes qui constituent un obstacle à la réalisation de cet objectif très louable sont nombreux. Près de 10 p. 100 de tous les crimes sont des crimes que l'on pourrait qualifier de violents. Le taux de base de comportement violent est donc très bas. Par exemple, étant donné que 10 p. 100 seulement des crimes sont des crimes de violence, si nous prédisions que personne n'aura de comportement violent, nous aurions raison dans 90 p. 100 des cas.

Le coeur de notre problème, c'est qu'on ne peut se satisfaire d'une prédiction qui se révèle vraie même dans 90 p. 100 des cas. Les travaux de recherche effectués depuis dix ans ont fait de grands progrès pour la prédiction de comportement violent.

Le Service correctionnel du Canada n'a pas ménagé ses efforts pour élaborer des instruments d'évaluation des risques et a mis au point un des meilleurs outils d'évaluation et de prédiction au monde.

Les travaux de recherche ont permis de cerner raisonnablement bien les principaux facteurs de prédiction de comportement criminel et violent. Mentionnons parmi ces facteurs les compagnons criminels, les antécédents de comportement antisocial, les attitudes antisociales, les problèmes familiaux, le dysfonctionnement cognitif et la médiocrité des résultats scolaires et professionnels. Certains de ces facteurs peuvent être évalués assez facilement au moyen des antécédents complets et détaillés des individus. Certains facteurs, comme le dysfonctionnement cognitif, nécessitent des tests compliqués.

(1505)

L'un des meilleurs facteurs de prédiction est lié à l'évaluation de la psychopathie qui se compose de nombreux traits, dont la dureté, la manipulation, la malhonnêteté, l'irresponsabilité et la conduite antisociale persistante.

Il existe des facteurs infantiles de prédiction de récidive violente liés par exemple aux difficultés à l'époque de la gestation, notamment l'alcoolisme ou la toxicomanie de la mère. Les problèmes de la petite enfance comme les crises de colère ou le fait d'avoir été la victime ou le témoin de mauvais traitements ou de conflits entre les parents constituent d'autres indices.

Divers troubles du comportement caractérisés par le vol, le mensonge, la pyromanie, l'école buissonnière, l'agression sexuelle, la violence, la cruauté et les fugues sont fortement reliés à la récidive violente.

La recherche porte à croire qu'on réussit de mieux en mieux à prédire le comportement dangereux. On peut réussir à identifier avec exactitude les délinquants présentant le plus de risques en combinant les mesures des traits psychopathiques, les variables démographiques et les antécédents criminels.

L'utilisation de ces outils permettra d'optimiser l'exactitude des prédictions, mais elle ne permettra malheureusement pas d'identifier toutes les personnes qui commettront des crimes de violence après leur sortie de prison.

En cherchant à raffiner encore davantage les prédictions, on risque d'identifier à tort un grand nombre de personnes comme dangereuses. Cela fera augmenter énormément le coût de ces mesures, sans compter qu'on aura ainsi empiété sur les droits des nombreuses personnes ainsi identifiées incorrectement.

L'une des choses les plus frappantes en ce qui concerne les facteurs prédictifs de récidive dans les cas des délinquants violents est qu'il s'agit toujours d'événements qui se sont produits avant l'infraction concernée. Ce sont des événements qui étaient connus ou auraient pu être connus au moment de la détermination de la peine.

Le Code criminel renferme d'importantes dispositions concernant les délinquants dangereux. Les définitions données dans ces dispositions ont évolué avec le temps et ont été maintenues ou modifiées à la suite de toutes sortes de contestations. Nous sommes de plus en plus à même de prédire quels délinquants sont potentiellement dangereux et les outils nécessaires pour traiter du genre de problème dont il est question dans le projet de loi C-240 sont déjà prévus dans le Code criminel.

Pour régler les cas à l'origine des craintes exprimées par le public, nous devons identifier et poursuivre au plus tôt les délinquants les plus dangereux. Les divers responsables de l'administration de la justice pénale doivent soigneusement examiner les cas de délinquants violents et dangereux de façon à s'assurer que les dispositions existantes concernant les délinquants dangereux soient bien appliquées.

Trouver des moyens d'identifier et de suivre les délinquants à risque élevé dès le moment où ils ont affaire au système de justice pénale permettra, de la part des procureurs, une meilleure application des dispositions prévues dans le Code criminel concernant les délinquants dangereux. Enfin, il faut reconnaître que certains délinquants passeront à travers les mailles du filet de la justice pénale.

Dans le cas de ces délinquants, une meilleure coopération et une meilleure coordination au niveau de la police, des poursuites, des services correctionnels et, ce qui est plus important, des services de santé mentale peuvent fournir des solutions efficaces en ce qui concerne les délinquants à risque élevé, cela sans risquer que nos outils actuels, efficaces et éprouvés ne soient jugés inconstitutionnels aux termes de la Charte.

En terminant, il importe de reconnaître une triste réalité. Il est en fin de compte impossible de prévoir qui commettra des crimes odieux. Une prévention plus efficace de la criminalité sert mieux nos intérêts à long terme.

J'aimerais citer un passage du douzième rapport du Comité permanent de la justice et du solliciteur général, intitulé Criminalité et prévention au Canada:

Le Comité admet que le crime, sous une forme ou une autre, existera toujours et qu'il faudra toujours compter sur l'intervention des forces policières, des tribunaux et des services correctionnels.
En revanche, il estime que la société doit commencer à promouvoir la prévention pour réduire les risques de criminalité et se préoccuper sans cesse davantage des jeunes à risque et des facteurs sociaux et économiques associés au crime et à la criminalité.
6747

Cette approche globale suppose la collaboration des gouvernements, des organismes de justice pénale ainsi que des agences et des groupes communautaires.
Elle situe la criminalité dans un contexte communautaire et en fait un problème auquel il faut trouver une solution sociale.
Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam): Monsieur le Président, je suis très heureuse de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-240, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et le Code criminel.

Nous discutons, à l'étape de la deuxième lecture, de ce projet de loi d'initiative parlementaire, dans l'espoir qu'il soit renvoyé au comité de la justice et des questions juridiques de la Chambre. Grâce aux initiatives parlementaires, les députés qui ne font pas partie du Cabinet ont la possibilité de présenter leurs idées sous forme de projets de loi ou de motions qui sont débattus et sur lesquels la Chambre est parfois appelée à voter.

(1510)

Si je mentionne cela, c'est que, il n'y a pas si longtemps, il y a eu un débat sur une motion d'initiative parlementaire que j'ai présentée au sujet de l'assouplissement de la convention régissant les motions de censure et, partant, de la tenue de votes plus libres à la Chambre. Grâce à l'appui des députés d'en face, cette motion qui faisait l'objet d'un vote a été adoptée.

Je soulève cette question parce que j'estime important que, durant la période réservée aux initiatives parlementaires, les députés puissent se servir de leur jugement pour décider eux-mêmes de quelle manière ils voteront sur une question donnée. Le whip ne devrait pas intervenir lors d'un vote concernant les initiatives parlementaires. Les députés devraient pouvoir juger la mesure législative en se fondant sur son mérite et non pas sur le parti d'où elle origine. Actuellement, on part du principe que tous les projets de loi présentés par le gouvernement sont bons et doivent être appuyés tandis que tous les projets de loi et toutes les motions de l'opposition sont mauvais et, par définition, doivent être rejetés.

Un tel principe ne permet pas aux députés de faire leur travail et d'écouter la population du Canada. Il les empêche plutôt de travailler ensemble dans le meilleur intérêt du gouvernement de notre pays et dans celui de nos électeurs, les Canadiens.

Je rappelle aux députés que la Chambre a approuvé la motion que j'ai présentée en faveur de votes plus libres et j'espère que mes vis-à-vis, de même que les députés du Bloc québécois, jugeront que le projet de loi mérite leur appui.

Tout le monde sait parfaitement bien quelle est la position du Parti réformiste sur la question de la loi et de l'ordre, qui suscite un vaste débat au Canada en ce moment. Notre parti est clairement pour la loi et l'ordre. C'est pourquoi nous avons présenté le projet de loi.

Le projet de loi C-240 constitue une autre mesure mise de l'avant par les députés réformistes pour apporter à notre système de justice les changements qui feront qu'il protège les Canadiens. C'est une mesure motivée par un besoin qui existe au sein de notre société et qui a été on ne peut mieux mis en évidence par les amis et les parents de personnes tuées par des criminels remis en liberté même si l'on savait qu'ils commettraient de nouveaux crimes violents.

Mon collègue, le député de Calgary-Sud-Ouest, a parlé tout à l'heure de la nécessité de garder en prison des criminels comme Robert Paul Thompson qui, bénéficiant d'une semi-liberté, a assassiné Brenda Fitzgerald en 1983. Ce criminel a été condamné à la prison à vie et sera admissible à une libération conditionnelle au printemps de 1995. Un projet de loi comme le C-240 permettrait aux services correctionnels de garder en prison de dangereux criminels comme Robert Paul Thompson.

Comme le disait la députée de Surrey-White Rock-South Langley, la législation actuelle permet aux autorités des services correctionnels de garder des criminels dangereux en détention jusqu'à la fin de leur peine. Il n'existe cependant pas de loi qui permettre de garder des délinquants à risque élevé en prison après l'expiration de leur peine.

À l'heure actuelle, des délinquants dangereux qui conservent des intentions violentes à l'égard de la société sont remis en liberté. Des changements sont également réclamés par les familles de victimes de meurtre et par les rares personnes qui ont survécu aux attaques brutales de criminels qui auraient dû être gardés derrière les barreaux jusqu'à la fin de leurs jours.

Le projet de loi est semblable à un autre projet de loi qui avait été déposé au cours de la dernière législature et il semble être similaire à des propositions que le gouvernement actuel a soumises pour fins de discussion. Si c'est le cas, je ne vois pas pourquoi quelqu'un s'y opposerait.

Je voudrais maintenant parler de deux critiques qui ont été formulées. Tout d'abord, on fait valoir que le gouvernement a dévoilé son projet pour fins de discussion et qu'aucune décision ne devrait être prise avant la fin du processus consultatif.

On trouve dans ma circonscription des établissements provinciaux comme le centre correctionnel de Fraser River, le centre correctionnel d'Alouette River, le Camp de Boulder Bay et Stave Lake, ainsi que des établissements fédéraux comme l'établissement de Mission et l'établissement à sécurité minimale de Ferndale.

Dans les circonscriptions voisines de Mission-Coquitlam se trouvent des établissements provinciaux comme le centre de détention préventive de Surrey, Ford Mountain, Mount Thurston, Centre Creek (pour les jeunes) et le centre correctionnel communautaire de Chilliwack, ainsi que des établissements fédéraux comme ceux de Matsqui, Kent, Elbow Lake, Mountain, l'établissement psychiatrique régional et Harrison Mills. Cela fait beaucoup d'établissements de détention.

Les habitants de ma circonscription et des circonscriptions environnantes savent de quoi ils parlent. Ceux qui travaillent et vivent dans les villes de la circonscription de Mission-Coquitlam veulent que ce genre de loi s'applique immédiatement. Ils ne veulent pas que des délinquants violents, qui ont causé suffisamment de problèmes en prison pour purger leur peine au complet, soient libérés sans surveillance au sein de la communauté. Le projet de loi vise seulement les détenus qui présentent le plus de risques de comportement violent et je suis certaine que les habitants de ma circonscription préféreraient que ces délinquants restent en prison.

6748

(1515)

L'envoi collectif destiné à mes électeurs contenait des questions touchant la réforme du système de justice pénale. J'ai reçu un taux de réponses de plus de 6 p. 100, ce qui m'apparaît très bon, aux questions concernant la réforme de la justice criminelle et à deux questions en particulier, 87 p. 100 et 95 p. 100 des répondants ont déclaré être en faveur de changements.

Il est encore plus intéressant de constater quels étaient les sujets traités en priorité dans les observations générales des répondants. Plus de 76 p. 100 d'entre eux ont parlé de modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, à la détermination de la peine, au système de libération conditionnelle, aux droits des victimes, et ainsi de suite.

Les Canadiens veulent des changements.

Par conséquent, il suffit que j'écoute mes électeurs pour me convaincre que ce projet de loi est nécessaire. De plus, qui le gouvernement consultera-t-il s'il demande à un détenu ce qu'il doit faire dans le cadre du processus de consultation? Il y a fort à parier que la réponse sera que le projet de loi n'est pas nécessaire.

Si le gouvernement consulte des amis ou des parents de ceux qui sont morts aux mains de détenus récemment libérés, je suis convaincue que la réponse sera que ce projet de loi n'est pas nécessaire.

Dans son discours sur ce projet de loi, qui a été présenté à la Chambre le 10 juin dernier, la députée de Surrey-White Rock-South Langley a éloquemment plaidé en faveur de son projet de loi en donnant des détails sur le meurtre d'un petit garçon de 11 ans commis par un tel contrevenant. J'estime que ses parents appuieraient ce projet de loi. Je crois donc que les gens que le gouvernement va consulter se sont déjà prononcés en faveur du projet de loi.

La deuxième objection soulevée à l'encontre de ce projet de loi, c'est qu'il pourrait contrevenir à la Charte des droits et libertés. Oui, je suppose que les tribunaux pourraient décider qu'un projet de loi qui traite sévèrement les contrevenants dangereux contrevient à un article donné de la Charte des droits et libertés. Mais est-ce que c'est le cas? Il y a une clause de sauvegarde dans la Charte, c'est l'article 1. Aux termes de l'article 1 de la Charte, les droits et libertés garantis par la Charte ne peuvent être enfreints que par une règle de droit pouvant se justifier dans le cadre d'une société libre et démocratique.

C'est un des compromis qui ont été faits au moment de la rédaction de la Charte, et je crois qu'il est utile en ce qui concerne le projet de loi C-240.

Je prétends que, dans une société libre et démocratique, il serait inacceptable de traiter les contrevenants les plus dangereux du Canada comme il est proposé dans le projet de loi C-240.

Mes collègues libéraux diront que pareil traitement viole les droits individuels de la personne condamnée. Ce serait l'argument classique soulevé par les libéraux, mais le temps n'est-il pas venu de considérer les droits de la société dans son ensemble? Le temps n'est-il pas venu de faire passer le bien-être du plus grand nombre devant les droits d'un individu qui est si dangereux pour la société?

J'estime que, dans des cas comme celui-là, les droits de la société dans son ensemble devraient être protégés au détriment, s'il le faut, des quelques personnes visées par ce projet de loi.

Je voudrais souscrire aux propos de ma collègue de Surrey-White Rock-South Langley qui, quand elle a pris la parole la première fois pour appuyer ce projet de loi, a déclaré que si ce projet de loi pouvait sauver au moins une vie il valait la peine d'être adopté.

Je crois qu'il faut agir maintenant. Le temps des consultations est passé. Les gens demandent que nous traitions les contrevenants dangereux d'une manière simple, mais ferme. J'exhorte tous les députés à examiner attentivement l'objet des initiatives parlementaires et, s'ils jugent que ce projet de loi s'impose, à y souscrire, en dépit des whips de parti.

Je vous remercie, monsieur le Président, de m'avoir permis de me prononcer sur cette question importante pour la sécurité de tous les Canadiens.

Le président suppléant (M. Kilger): Chers collègues, je crois que ça suffit pour aujourd'hui. J'espère que le député de Churchill, qui avait encore une trentaine de secondes de temps de parole, n'y voit pas d'objection.

Comme il est 15 h 20, la Chambre s'ajourne au lundi 17 octobre 1994, conformément aux articles 22 et 24 du Règlement.

(La séance est levée à 15 h 20.)