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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 24 février 1995

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI DE 1995 SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

    Projet de loi C-69. Motion de deuxième lecture 9987
    La motion est adoptée, et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, et renvoyé à un comité 9992

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

    Projet de loi C-37. Reprise de l'étude de la motion de troisième lecture 9992

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE PARLEMENT MODÈLE

LES CONSEILS SCOLAIRES DE LANGUE FRANÇAISE

CHEMAINUS

LES CARIBOUS

LA SANTÉ

LE RÉFÉRENDUM SUR LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 9997

L'ÉCOLE SECONDAIRE JOHN OLIVER

LE TRANSPORT AÉRIEN

LA SOCIÉTÉ HIRAM WALKER

LE BUDGET

LE BUDGET

LA CIRCONSCRIPTION D'OTTAWA-VANIER

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE

LES AFFAIRES INDIENNES

MM. RICHARD WEBER ET MISHA MALAKHOV

LE CANADA ATLANTIQUE

LA FISCALITÉ

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9999

QUESTIONS ORALES

LA FONCTION PUBLIQUE FÉDÉRALE

    M. Gauthier (Roberval) 10000
    M. Gauthier (Roberval) 10000
    M. Gauthier (Roberval) 10000

LE PROGRAMME D'ADAPTATION DES TRAVAILLEURS ÂGÉS

LES PENSIONS DES DÉPUTÉS

LES RELATIONS OUVRIÈRES

LES PENSIONS DES DÉPUTÉS

    M. Harper (Calgary-Ouest) 10002
    M. Harper (Calgary-Ouest) 10003

LA LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES ARMES À FEU

L'IMMIGRATION

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 10003
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 10004

L'HÉPATITE C

LA COLLINE DU PARLEMENT

LES CHEMINS DE FER

LA CRÉATION D'EMPLOIS

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 10005
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 10006

LA SANTÉ

L'EMPLOI

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 10006
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 10006

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LA SOUVERAINETÉ CULTURELLE

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 10007

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 10007

LE TOURISME

    M. Mills (Broadview-Greenwood) 10007

L'ÉDUCATION

LES SERVICES DE GARDERIE

    Mme Gagnon (Québec) 10008
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 10008

AFFAIRES COURANTES

LA SANTÉ

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

FINANCES

LA LOI SUR LES EXPLOSIFS

    Projet de loi C-71. Adoption des motions portant présentation et première lecture 10009

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-72. Adoption des motions de présentation et de première lecture 10009

LA LOI SUR LES OPÉRATIONS DE ADM AGRI-INDUSTRIES LTD.

    Projet de loi C-310. Adoption des motions portant présentation et première lecture 10009

LOI SUR LES MESURES DE RÉTORSION AUX RESTRICTIONS DES ÉTATS-UNIS À L'IMPORTATION DU SUCRE

    Projet de loi C-311. Adoption des motions de présentation et de première lecture 10009

LA LOI SUR LES OPÉRATIONS DE ADM AGRI-INDUSTRIES LTD.

    Projet de loi C-312. Adoption des motions portant présentation et première lecture 10010

LA LOI SUR LES OPÉRATIONS DE ADM AGRI-INDUSTRIES LTD.

    Projet de loi C-313. Adoption des motions portant présentation et première lecture 10010
    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 10010

PÉTITIONS

LE LOGEMENT SOCIAL

LA JUSTICE

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 10011

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES DÉLITS D'ORDRE SEXUEL

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE SUICIDE ASSISTÉ

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

LA FISCALITÉ

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 10012

QUESTIONS AU FEUILLETON

QUESTIONS MARQUÉES D'UN ASTÉRISQUE

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

    Projet de loi C-37. Reprise de l'étude en troisième lecture 10014
    Mme Gagnon (Québec) 10014
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 10018
    Mme Dalphond-Guiral 10020
    M. White (North Vancouver) 10021

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LE DROIT À LA PROPRIÉTÉ

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 10029
    M. White (North Vancouver) 10031

ANNEXE


9987


CHAMBRE DES COMMUNES

Le vendredi 24 février 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI DE 1995 SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

L'hon. Alfonso Gagliano (au nom du leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi C-69, Loi portant sur la création de commissions de délimitation des circonscriptions électorales et la révision des limites des circonscriptions électorales soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir pour appuyer la motion de deuxième lecture de ce projet de loi.

En vertu de la procédure que la Chambre a adoptée il y a un peu plus d'un an, nous avons modifié les règles concernant la rédaction des projets de loi. Comme je l'ai indiqué le 9 février dans mon intervention au sujet de l'adoption du rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, ce projet de loi a été préparé par le comité et est maintenant présenté par le gouvernement en réponse à la recommandation du comité qui a été adoptée par la Chambre.

Ce faisant, la Chambre a en fait donné instruction au gouvernement de présenter ce projet de loi. Celui-ci se présente sous une forme qui est substantiellement la même que celle qui avait été recommandée par le comité. Il y a eu certains changements mineurs apportés aux aspects techniques de la terminologie utilisée et un changement stupéfiant qui fait que ce projet de loi entre en vigueur à la date de la sanction royale et non à la date de la proclamation. Je suis sûr que personne n'en est contrarié. Il s'agit d'un changement mineur, un changement de forme que le comité avait examiné avant d'opter pour une solution qu'il jugeait plus pratique. Il se trouve que le gouvernement estimait le contraire et a fait le changement approprié dans le projet de loi.

J'attends avec impatience que ce projet de loi soit étudié par le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.

[Français]

Lors de notre réunion de cette semaine, le leader de l'opposition officielle à la Chambre a indiqué que le Bloc québécois désirait obtenir l'opportunité de prononcer un discours au moment de la deuxième lecture de ce projet de loi. Nous sommes d'accord avec eux et peut-être voudront-ils prononcer un discours pour sauver du temps plus tard dans l'étude de ce projet de loi.

C'est pour cette raison que nous tenons ce débat aujourd'hui, parce que généralement, selon le Règlement, il n'est pas possible de débattre d'un projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.

[Traduction]

Je suis ravi d'avoir donné mon accord pour que ce débat ait lieu aujourd'hui. J'attends avec impatience l'intervention que doit faire le député du Bloc sur cette question. Je recommande ce projet de loi à la Chambre, ainsi que je l'avais fait le 9 février. Comme je crois avoir dit à cette date tout ce qu'il y avait à dire au sujet de cet excellent projet de loi, je ne vois pas la nécessité de prolonger mon intervention. J'appuie ce projet de loi et j'invite la Chambre à en faire autant.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi d'être le porte-parole de l'opposition officielle du Bloc québécois, un parti souverainiste à Ottawa, sur une question aussi importante que le projet de loi C-69, intitulé Loi portant création de commissions de délimitation des circonscriptions électorales et pourvoyant à la révision des limites des circonscriptions électorales.

Pourquoi est-ce un honneur pour moi d'intervenir à cette étape-ci? Parce que, encore une fois et j'invite le gouvernement à écouter attentivement, je peux défendre les intérêts du Québec, le grand oublié de ce système.

(1010)

De plus, encore une fois, je peux faire valoir en cette Chambre une demande traditionnelle du Québec. À nouveau, je peux dénoncer les ténors du régime, dénoncer les prises de position des gens d'en face, pour qui semble-t-il le rapport de Lord Durham est encore le livre de chevet. Bien sûr, la stratégie a changé. Le fédéral s'est raffiné. On est plus subtil, on ne cherche pas des coups d'éclat comme à la belle époque, pour parvenir à l'assimilation des Québécois et des Québécoises.

On préfère gruger, à chaque occasion qui se présente, dans les acquis et dans le poids politique du Québec, pour mieux les


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diluer dans la masse anglaise du Canada. Le projet de loi C-69 en est un exemple révélateur. Il faut dire que ce projet de loi n'a pas que des mauvais côtés, au contraire.

Je me réjouis des modifications proposées afin d'améliorer la mécanique de la redistribution électorale dont les principales sont les suivantes: Les modifications à la carte électorale après un recensement décennal seront suivies d'un ajustement cinq ans plus tard, afin d'éviter de trop grands bouleversements des circonscriptions électorales; les circonscriptions pourront avoir une variation de plus ou moins 25 p. 100 du quotient provincial. C'est bien.

Les commissions provinciales seront tenues de recevoir l'avis du public avant de débuter leurs travaux. C'est encore bien. Les commissions provinciales devront tenir compte, dans l'établissement des circonscriptions électorales, de la communauté d'intérêts, de la taille de chaque circonscription et des changements géographiques prévisibles. Enfin, les commissions provinciales devront produire trois projets de cartes et tenir de nouvelles audiences si la demande le justifie.

Ce sont là des propositions acceptables, voire même nécessaires si nous ne voulons pas nous retrouver avec des aberrations, comme le démontrait le projet des nouvelles circonscriptions électorales. Sans m'attarder plus qu'il ne le faut, je voudrais donner en exemple le comté de Berthier-Montcalm, que j'ai l'honneur de représenter. Au cours des trente dernières années, ce comté a été nommé successivement Berthier-Maskinongé, Berthier-Maskinongé-Lanaudière, pour se retrouver avec l'appellation actuelle de Berthier-Montcalm. Advenant que le projet de redécoupage ou de redistribution électorale proposé ait été mis de l'avant, je ne sais de quelle nouvelle appellation les grands penseurs du régime auraient pu l'affubler. Si l'on s'y fiait, le comté était méconnaissable.

On divisait des MRC, on scindait des milieux naturels d'affaires et de services, on accrochait une municipalité dans un comté voisin n'ayant aucune affinité avec celle-ci, en plus de faire fi de l'histoire régionale, tout cela pour l'amour d'une conformité numérique, pour une représentation uniforme. En fait, ça respirait le fédéralisme canadien à plein nez.

À juste titre, plusieurs députés en cette Chambre se sont opposés à cette redistribution électorale. Ce ne sont pas des pommes et des oranges qu'il fallait se séparer. Bien au contraire, c'est de l'âme du comté et de son bagage historique dont il était question ici. Il fallait donc agir avec réalisme, être pratique, tout en s'assurant de l'efficacité du travail du député. Malheureusement, les règles de droit applicable à ce moment ne permettaient pas de faire cette redistribution rationnelle.

Le rapport produit par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre discutait d'une série d'éléments et de propositions pour améliorer la représentativité et la délimitation des circonscriptions électorales. C'est pour ces raisons que le Bloc québécois a appuyé la production de ce rapport. Beaucoup d'idées étaient sur la table, notamment la proposition de l'opposition officielle de créer à même cette loi un mécanisme permettant au Québec de conserver 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes. Nous ne pouvions donc pas, en toute bonne foi, voter à l'encontre d'une demande traditionnelle du Québec. C'était un élément fondamental dans ce rapport pour le Bloc québécois, et c'est pour cela que nous avons appuyé ce rapport.

Cependant, comme à son habitude, le gouvernement refuse systématiquement de regarder la dualité du Canada. Il remet à plus tard l'étude d'une autre demande traditionnelle du peuple québécois et ne fait strictement rien pour tenter de trouver une solution à la demande formulée. Le projet de loi découlant de ce rapport ne traite que d'une infime partie des propositions qui y sont incluses. En effet, le projet de loi C-69 ne donne aucun mandat à un comité parlementaire quelconque de trouver une solution au problème de l'érosion de la représentation du Québec à la Chambre des communes. Pire encore, le projet de loi C-69 n'offre aucune garantie permettant de freiner la diminution continue du nombre de députés québécois à la Chambre des communes. Au contraire, ce projet de loi maintient la formule prévue à l'article 51 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui a comme conséquence d'affaiblir l'influence québécoise dans les institutions fédérales.

(1015)

Vous comprendrez que tant et aussi longtemps que le peuple du Québec n'aura pas tranché la question de son avenir, décision qui se fera sans conteste en faveur de la souveraineté du Québec, il est d'une très grande importance que celui-ci conserve une représentation adéquate au sein des institutions fédérales.

L'histoire nous a démontré que malgré l'application de la clause sénatoriale et de la clause des droits acquis, le Québec a été et est toujours la seule province à avoir une proportion de députés inférieure à sa part de la population canadienne, et ce depuis les 127 ans de son existence.

L'Ontario, quant à elle, a eu droit à plusieurs députés supplémentaires au début du siècle. Cela démontre, encore une fois, de manière éloquente la politique de deux poids, deux mesures appliquée par le fédéral en faveur du Canada anglais. Quoi de surprenant, la tour de Pise penche elle aussi toujours du même côté.

La Chambre, par ce projet de loi, ne reconnaît pas qu'il y a deux peuples fondateurs. Ça fait également 127 ans qu'on s'efforce au gouvernement central de l'oublier. Est-ce que je dois le rappeler, le Québec est l'un des deux peuples fondateurs; le Québec est le point d'ancrage de la francophonie en terre d'Amérique; le Québec a une culture qui lui est propre; le Québec est la seule société française dans une mer anglaise; le Québec mérite et a un droit légitime de réclamer le quart des sièges à la Chambre des communes.

M. Boudria: C'est ça votre opinion au sujet des francophones hors Québec?

M. Bellehumeur: En fait, cette dernière demande n'a rien de neuf. Je sais que cela peut frustrer les gens d'en face que je dise des vérités ce matin. . .


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M. Boudria: Oui, les francophones hors Québec sont frustrés de vos propos.

M. Bellehumeur: Cependant, je demanderais au député qu'il m'écoute un peu.

M. Boudria: Vous abandonnez encore une fois.

M. Bellehumeur: Écoutez, monsieur le whip.

En fait, cette demande n'a rien de neuf, il s'agit simplement d'une demande traditionnelle. Mais encore une fois, je ne fais que répéter aux députés de la Chambre des communes ce que le Bloc québécois a maintes et maintes fois fait valoir en ces lieux, et que les politiciens du Québec, même certains libéraux que vous avez dans vos rangs, les plus timides, ont réclamé à hauts cris depuis de trop nombreuses années.

Le gouvernement voudrait que l'opposition officielle vote pour ce projet de loi alors que l'on élimine d'emblée la demande du Québec.

Non, la députation du Bloc québécois ne se fera pas le complice de la répudiation d'une demande légitime du Québec. Nous sommes ici pour défendre les intérêts du Québec et les intérêts du Québec exigent que l'on vote contre ce projet de loi.

M. Boudria: Vous avez voté pour en comité!

M. Milliken: C'est incroyable!

M. Bellehumeur: J'entends déjà les députés du gouvernement mentionner à cette Chambre que l'on ne peut garantir au Québec le plancher de 25 p. 100 des sièges de la Chambre des communes que par la modification de la Constitution. Celle-ci, dans la meilleure des hypothèses, serait soumise à la règle de 7 provinces ou de 50 p. 100 de la population, ou pire encore, dans la pire des éventualités, à la règle de l'unanimité.

Poudre aux yeux et désinformation constitutionnelle.

En 1985, et j'inviterais les gens d'en face à écouter, on a changé indirectement et très subtilement le principe de la proportionnalité des sièges à la Chambre des communes énoncé à l'article 42(1)a) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique par une simple loi.

Une voix: Ah non! On n'a pas fait cela! Cela n'a pas de bon sens.

M. Bellehumeur: Par une simple loi.

En garantissant un plancher à des provinces par le biais du principe qu'une province ne peut perdre de siège, en 1985, par l'adoption de cette simple loi, on procédait à un changement dans la proportionnalité. A-t-on contesté cette loi? Oui, monsieur le Président. A-t-on invalidé cette loi? Non, monsieur le Président.

Dans la cause Campbell c. Canada (1988) 49 D.L.R., 4e édition, page 321,-ils peuvent prendre cela en note pour faire de la bonne lecture-la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a mentionné que la protection de la représentation malgré le déclin d'une province n'affecte pas le principe de la proportionalité et ne requiert donc pas un amendement à l'article 41(1)a) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

M. Boudria: C'est clair.

M. Bellehumeur: Deux poids, deux mesures, monsieur le Président. Cela aussi c'est clair. Une législation pour le Canada anglais, pour les revendications du Canada anglais et une autre pour le Québec. Cela aussi c'est clair. Mais on ne le dit pas, en face.

(1020)

Selon ce précédent, le gouvernement va encore dire qu'il ne pouvait pas garantir au Québec un plafond de 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes en vertu du projet de loi C-69. Non, le peuple du Québec n'est pas dupe et portera son jugement incessamment.

Par conséquent, plaise au Président de reconnaître que l'opposition officielle, fier défenseur du Québec, ne peut accepter un projet de loi qui ne prévoit aucun mécanisme permettant d'endiguer la perte de poids politique du Québec en cette Chambre.

La députation du Bloc québécois refuse d'accepter l'effritement graduel du pouvoir des représentants de l'un des deux peuples fondateurs du pacte confédératif.

Monsieur le Président, ne nous demandez pas d'aller à l'encontre de nos revendications, ne nous demandez pas de voter contre les intérêts de la nation québécoise. Vous aurez compris que nous allons voter contre ce projet de loi. Ceux qui disent que le projet respecte le rapport, je les invite à lire ce rapport et à lire le projet de loi et ils verront qu'il y a une différence.

Je comprends qu'ils veulent se fermer les yeux et qu'ils ne veulent pas donner au Québec sa juste part de représentation dans ce Parlement. Leur seul objectif, c'est l'assimilation pure et simple du Québec. Quoi de mieux que de commencer par la Chambre des communes pour ne pas que les francophones et le Québec puissent se faire valoir en cette Chambre. C'est pour cela que nous allons voter contre ce projet de loi.

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, il est un peu surprenant que l'on discute du projet de loi C-69 ce matin, mais cela me donne une autre occasion de mentionner certains des problèmes et des dangers de ce projet de loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

Ce projet de loi est la justification que le gouvernement donne pour avoir gaspillé 5 milliards en annulant le travail de délimitation qui avait été fait antérieurement et qui devra être refait selon les nouvelles directives. Le gouvernement estime que les modifications qu'apporte cette mesure justifient que l'on ait gaspillé 5 milliards en refusant 11 mois de travail des commissions de délimitation.

Le gouvernement cherche à faire adopter ce projet de loi le plus rapidement possible, pour que les nouvelles délimitations soient en place pour les prochaines élections. Il devrait en être ainsi. Il se rend compte que cette suspension sans précédent du processus démocratique pourrait entraîner une contestation des


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prochaines élections si elles se tenaient avec les anciennes limites basées sur le recensement de 1981. Cela placerait le gouvernement dans une position constitutionnelle difficile, et il se couvrirait de honte.

La débâcle, qui a commencé avec le projet de loi C-28 et se continue avec le projet de loi C-69, a placé les libéraux dans une position très critiquable, car le processus électoral est censé être politiquement neutre. De toute évidence, le gouvernement considère que le projet de loi C-69 excuse son intervention dans le processus électoral. Ce n'est cependant pas ce que le projet de loi démontre.

Ce qui est également très intéressant, c'est que mes collègues du Bloc ont enfin compris que le projet de loi C-69 présente quelques problèmes. Je dis bien «enfin», parce que durant toutes les réunions du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, les membres du Bloc ont semblé satisfaits de l'orientation que prenait l'avant-projet de loi recommandé par le comité. Le gouvernement a présenté cet avant-projet de loi qui est devenu le projet de loi C-69. Le Bloc n'a présenté aucun avis dissident au rapport libéral présenté à la Chambre.

Le 22 novembre, quand les députés réformistes ont signalé qu'ils ajouteraient un rapport minoritaire ou un avis dissident, le Bloc québécois n'a pas profité de l'occasion pour s'opposer à ce que le gouvernement voulait imposer et a voté en faveur de toutes les dispositions de l'avant-projet de loi qui constitue maintenant le projet de loi C-69. Ce parti a défendu la nécessité de prévoir une marge de 25 p. 100. Il me semble curieux qu'il réclame soudainement un débat inhabituel, à cette étape du processus. Je me demande pourquoi il s'est prononcé en faveur du rapport et de tout ce qu'il contenait au comité et qu'il se manifeste maintenant contre ce projet de loi. Le Bloc semble adopter une bien curieuse position.

C'est clair que la principale préoccupation du Bloc au sujet du projet de loi C-69, c'est la question de garantir 25 p. 100 des sièges de la Chambre des communes au Québec, sans égard à la répartition de la population. Cette position est évidemment antidémocratique. La constitution de la Chambre a toujours été fondée sur le principe que tous les Canadiens sont égaux. Il est essentiel pour la démocratie canadienne que tous les Canadiens conservent un pouvoir de vote égal. Je ne comprends pas comment un parti quelconque peut défendre l'idée de donner plus de pouvoir politique à certains Canadiens qu'à d'autres. Les discours et les réactions du Bloc au projet de loi C-69 trahissent ses véritables intentions et les valeurs qu'il cultive.

(1025)

Pour voir à quel point ce concept n'est pas viable, il suffit de voir ce qui est arrivé dans ma propre province, la Saskatchewan. Au début des années vingt, la Saskatchewan était la troisième province du Canada pour sa population. À cette époque, la Saskatchewan détenait 21 des 225 sièges de la Chambre des communes. Si nous devions reprendre la proportion de sièges que nous avions à cette époque, la révision de la carte électorale devrait aujourd'hui accorder à la Saskatchewan 28 sièges au Parlement au lieu des 14 auxquels nous avons droit actuellement.

Pour que la Saskatchewan ait plus que sa juste part de sièges aux Communes, il faudrait que d'autres provinces acceptent d'avoir moins que leur juste part. Je me demande quelle province serait prête à renoncer à plusieurs sièges en faveur de la Saskatchewan. Pour nous donner 14 circonscriptions de plus, il faudrait que plus d'une province se sacrifie.

Les sièges additionnels viendraient-ils de l'Ontario qui a déjà beaucoup de circonscriptions ayant une population de plus de 100 000 habitants? Où encore de la Colombie-Britannique, la province qui a le taux de croissance démographique le plus élevé et qui a le plus besoin d'une plus grande proportion de sièges dans cette Chambre? Et pourquoi pas du Québec? Les bloquistes seraient-ils disposés à renoncer à quelques sièges au Parlement afin que la Saskatchewan puisse retrouver la proportion de sièges qu'elle avait jadis? Je ne le pense pas.

Le Québec est-il plus spécial que la Saskatchewan? Je ne le pense pas. Le Québec est-il supérieur à la Saskatchewan? Je ne le pense pas. Le Québec est-il inférieur à la Saskatchewan? A-t-il besoin d'un plus grand nombre de sièges pour être correctement représenté à cette Chambre? Je ne le pense pas. Le Québec est l'égal de toutes les autres provinces qui forment ce partenariat qu'est la confédération, et les lois du pays doivent refléter ce principe.

La raison pour laquelle la Saskatchewan n'a plus 28 sièges, c'est que la répartition démographique a changé. C'est un aspect fondamental de la réalité canadienne. La croissance a été plus rapide dans d'autres régions qu'en Saskatchewan. C'est pourquoi notre part des sièges à la Chambre a diminué. Les habitants de la Saskatchewan acceptent cet état de faits qu'ils trouvent juste et raisonnable. Si la répartition démographique change à nouveau, notre part des sièges pourrait augmenter.

Pourquoi le Bloc demande-t-il que la répartition des sièges à la Chambre des communes se fasse sur une base autre que démographique? Il serait dangereux d'inscrire un tel principe dans la loi. De plus, cela créerait un climat empreint de mauvaise volonté et de ressentiment ainsi que toutes sortes de problèmes de représentation dont nous sommes déjà témoins. Certaines dispositions comme la clause sénatoriale et l'instauration d'un minimum provincial sont à l'origine de certains des dilemmes auxquels nous devons faire face aujourd'hui à la Chambre, sans parler des problèmes que cela entraîne au Sénat.

Comme nous pouvons le voir, l'idée de réclamer une certaine proportion des sièges, indépendamment de la population, crée de nombreuses injustices. Elles est inéquitable, discriminatoire et sans aucun bon sens. Je n'accepte pas l'argument selon lequel le Québec a besoin d'un plus grand nombre de sièges au Parlement pour défendre sa langue et sa culture. Le Québec est une province qui est riche en histoire et qui a ses propres valeurs et traditions culturelles. Je suis heureux qu'il fasse partie du Canada. Ceux qui sont le plus à même de faire le maximum pour promouvoir la langue et la culture françaises au Québec sont les dirigeants de cette province.

Si le gouvernement québécois était assuré d'avoir les pleins pouvoirs et la responsabilité totale en ce qui concerne sa langue et sa culture, sans aucune ingérence d'Ottawa, il ne serait plus question de menace, réelle ou perçue, contre cette culture. Ce serait une façon beaucoup plus constructive de résoudre la question culturelle. Réduire la représentation des autres provin-


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ces canadiennes, et donc leur pouvoir politique, inciterait ces dernières au ressentiment et à la mauvaise volonté, sans compter qu'en soi, l'augmentation du nombre de députés n'influerait pas beaucoup sur les questions d'ordre culturel.

Garantir au Québec ou à une autre province une certaine proportion des sièges ne ferait qu'empirer le problème que pose la taille de la Chambre des communes. Qu'il n'y ait aucune disposition sur le nombre des députés ni sur sa croissance est une grave lacune du projet de loi C-69. Mes collègues réformistes et moi avons souvent déclaré qu'il fallait réduire ou plafonner le nombre des députés, et nous avons indiqué comment cela pourrait se faire. Il est clair que les libéraux n'ont aucun intérêt à limiter la taille et les coûts de la Chambre.

Une toute petite année s'est écoulée et les libéraux se sont montrés sous leur vrai jour. Ils ont un faible pour les gouvernements omniprésents, les cabinets nombreux et les dépenses faramineuses. Je ne m'oppose pas à la nomination d'une nouvelle ministre du Travail. C'est sûrement une personne respectable et très compétente, mais il n'y a eu aucun départ correspondant au sein du Cabinet quand elle a été nommée. Le gouvernement laisse de plus en plus tomber le voile de la frugalité. Il a d'abord accru la taille du Cabinet avec la nomination du secrétaire d'État chargé des Affaires parlementaires, puis avec celle d'une nouvelle ministre du Travail.

(1030)

Les libéraux font cela tout en comprimant la fonction publique. Ils augmentent la taille de la Chambre des communes, mais n'appliquent pas les coupes appropriées dans le régime de pension des députés. Ils s'apprêtent à hausser les impôts tout en réduisant les services de première ligne aux Canadiens.

Les vieux spectres de l'élitisme et de l'intérêt personnel des libéraux règnent en maîtres aux dépens des Canadiens ordinaires. L'élitisme et le favoritisme des libéraux peuvent continuer à dominer grâce à l'inclusion dans le projet de loi d'une annexe donnant une liste des circonscriptions spéciales.

Le projet de loi renvoie à l'annexe, mais ne fournit pas de lignes directrices ni de règles sur la façon de les déterminer. Il y est simplement indiqué que des circonscriptions pourront être désignées à l'annexe au moyen d'une loi du Parlement. Autrement dit, le gouvernement seul peut décider quelles circonscriptions figurent sur la liste. Les libéraux peuvent pratiquement inscrire presque toutes leurs circonscription à l'annexe. Tous les députés qui siègent et toutes les organisateurs des partis voudront que les élections se déroulent selon les limites électorales en place au moment de leur dernière victoire.

En incluant une annexe de circonscriptions mal définies sans fournir des règles de délimitation qui garantiraient l'équité et la neutralité, on ouvre la porte à un constant remaniement arbitraire des circonscriptions. Le libellé des dispositions concernant l'annexe de ce projet de loi permet au gouvernement de faire de la politique avec la délimitation des limites électorales.

Imaginez ce que le premier ministre Brian Mulroney aurait pu faire avec une disposition pareille? Des circonscriptions de partout seraient mentionnées à l'annexe. Notre système de délimitation des circonscriptions électorales serait considéré avec aussi peu de sérieux que les nominations au Sénat.

Le premier ministre actuel pourra faire la même chose si jamais ce projet de loi est adopté sans les modifications qui s'imposent. Il pourra créer partout au Canada des circonscriptions spéciales où les candidats libéraux ont de fortes chances de gagner. En peu de temps, le nom de certaines circonscriptions comme celle du Labrador, ou peut-être celle de Prince Albert-Churchill, en Saskatchewan, pourrait se retrouver à l'annexe. Ce qu'il y a d'ironique dans tout cela, c'est que si le premier ministre pousse l'arrogance de son gouvernement libéral jusque-là, il n'y aura plus de circonscriptions électorales où la victoire du candidat libéral est assurée.

Le projet de loi C-69 ne limite d'aucune façon le nombre de circonscriptions pouvant figurer à l'annexe. Lorsque les libéraux, emballés des nouveaux pouvoirs qui leur sont confiés aux termes de ce projet de loi, ajouteront à l'annexe le nom d'un trop grand nombre de circonscriptions d'une même province, ils s'apercevront que leurs décisions auront créé de nombreux maux de tête aux membres des commissions de délimitation des circonscriptions électorales. Dans bien des cas, à cause des circonscriptions figurant à l'annexe, il sera impossible de remanier efficacement les circonscriptions, puisque la multiplication des limites fixes réduira grandement les options offertes aux cartographes.

J'imagine que le Parlement aura le pouvoir légal de rayer de l'annexe le nom d'une circonscription, mais au point de vue politique, il serait très mal vu si un gouvernement, surtout le gouvernement fédéral, le ferait.

Qu'adviendrait-il si on observait dans une circonscription du Nord figurant à l'annexe une explosion démographique? La population des diverses régions du Canada change énormément au fil des ans. Qui aurait prévu, au moment de la Confédération, l'accroissement considérable que connaîtrait la population dans l'ouest? Sûrement pas les dirigeants politiques de l'époque, comme le prouve la façon dont ils ont réparti les sièges au Sénat.

Il pourrait y avoir des mouvements de population aujourd'hui, même dans les circonscriptions figurant à l'annexe. Prenons l'exemple de la circonscription de Skeena, en Colombie-Britannique. Il s'agit d'une grande circonscription du Nord qui pourrait fort bien figurer à l'annexe si elle était représentée par un député libéral et si les libéraux étaient maîtres du processus.

Dans la circonscription de Skeena, on retrouve la réserve minérale Windy Craggy dont la valeur se situerait entre 10 milliards et 40 milliards de dollars. L'exploitation de cette réserve entraînerait des dizaines de milliers d'emplois hautement spécialisés et bien rémunérés. Toutefois, le gouvernement provincial a décidé qu'il n'était pas souhaitable de créer des emplois et a préféré faire un parc de cette région.

Cependant, si cette regrettable décision était renversée et si des emplois étaient créés, la population de la circonscription de Skeena pourrait dépasser 200 000 habitants. Si la circonscription figurait à l'annexe, elle ne pourrait pas être remaniée. Le député de Skeena serait alors l'homme le plus occupé au Parlement, car il serait appelé à représenter le plus grand nombre d'électeurs et l'une des plus vastes régions du pays. Le concept de l'établissement d'une annexe n'a pas été longuement réfléchi et devrait être retiré du projet de loi.


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De toute façon, avec l'écart très généreux de 25 p. 100 qui est prévu, on ne devrait pas avoir besoin d'une annexe. J'ai entendu certains députés libéraux faire la même observation. Cependant, lorsque vient le temps d'agir, ils se défilent. Ils adoptent la position qui leur convient le mieux sur le plan politique. Ils s'accommodent des inégalités et d'un écart de plus ou moins 25 p. 100.

À cause de cet écart, il peut y avoir une différence de 50 p. 100 entre la population de deux circonscriptions, et ce, dès le début du processus de remaniement. S'il survient une modification démographique entre deux périodes de remaniement, l'écart peut s'accentuer encore davantage.

(1035)

Certes, cette différence de 25 p. 100 assure suffisamment de souplesse pour accommoder tout présumé cas spécial. Une annexe n'est pas nécessaire. Évidemment, sans l'annexe, le gouvernement ne pourra pas manipuler la carte électorale à sa guise.

L'histoire des cas spéciaux fait ressortir une autre lacune du projet de loi. En rédigeant ce projet de loi, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a entendu un grand nombre de députés de circonscriptions rurales se plaindre de la trop grande superficie de celles-ci. Même le député de Kingston et les Îles n'ignore pas que plusieurs de ses collègues craignent que ce processus de réaménagement ne dérape et que leurs circonscriptions deviennent tellement grandes qu'ils n'arrivent plus à bien s'en occuper. Ces députés ont demandé que les circonscriptions rurales gardent des dimensions raisonnables, même si elles restent en-deçà du quotient provincial.

Par ailleurs, la députée de Mississauga-Ouest a signalé que beaucoup de circonscriptions urbaines connaissent une croissance tellement rapide qu'elles devraient rester aussi en-deçà du quotient provincial afin de tenir compte de cette croissance. La contradiction inhérente à ce projet de loi est claire. Comment les circonscriptions rurales et urbaines d'une province peuvent-elles toutes se situer en-deçà de la moyenne? Cela ne fonctionnera tout simplement pas.

La députée de Mississauga-Ouest m'a dit ceci, au cours du débat sur la motion d'approbation: «Je dois remercier le député d'en face d'avoir signalé un point qui, je l'espérais, ne serait pas remarqué par les députés des circonscriptions rurales.» Ce sont les mots mêmes que la députée a employés: «ne serait pas remarqué par les députés des circonscriptions rurales. Il sait que j'espérais que cette disposition passe inaperçue.» C'est ce qu'on peut lire à la page 9396 du hansard.

Les libéraux cherchent encore à ménager la chèvre et le chou. Ils ne peuvent pas gagner sur tous les tableaux, mais ils s'y essaient dans le projet de loi C-69.

Le gouvernement ne se rend-il pas compte que, si toutes les circonscriptions rurales et toutes les circonscriptions urbaines restent en-deçà du quotient, il ne restera aucune circonscription pour équilibrer les choses en dépassant le quotient? Il n'en restera plus. C'est impossible.

Avec le temps, tous les députés trouveront une raison pour laquelle leur circonscription devrait bénéficier d'un traitement spécial. Notre comité en a entendu beaucoup. La seule chose raisonnable à faire, c'est d'appliquer les mêmes règles à tout le monde. Autrement, nous allons rester avec un ensemble de règles complètement dénuées de sens et inutiles.

La suspension du processus de remaniement qui avait été entrepris avec le projet de loi C-18 constituait une grave violation du principe de non-ingérence par le pouvoir politique. Le gouvernement a tenté de se couvrir en qualifiant son geste d'examen du système. Le projet de loi C-69 n'apporte aucune amélioration de fond au processus de remaniement.

J'exhorte les députés de tous les partis à repenser à leur appui au projet de loi. Je sais que le Bloc a changé sa position sur le projet de loi pour les mauvaises raisons. J'insiste, c'était pour de mauvaises raisons. Mais il existe de bonnes raisons de s'opposer au projet de loi.

Je sais que beaucoup de députés tiennent à la justice et à l'égalité de notre système électoral. Le projet de loi crée ou maintient de graves injustices. Je demande aux députés de défaire le projet de loi ou, du moins, d'aider à y apporter des amendements constructifs pour le sauver.

Pour en faire un bon projet de loi, il faut clarifier la question des annexes. Nous devons limiter l'écart admis pour protéger le poids du vote de chaque Canadien. Nous avons désespérément besoin de régler le problème de la croissance de la Chambre des communes.

La visite que le président des États-Unis a faite hier était intéressante. Nous avons pu nous faire une idée de ce qui se passerait si nous laissions le nombre de députés augmenter sans limites. Ces rideaux devraient être enlevés et des sièges devraient être installés dans l'allée centrale. Nous en serons là dans quelques décennies seulement.

Je suis convaincu qu'il n'est pas nécessaire d'attendre de devoir abattre les murs de la Chambre des communes parce que nous n'aurons pas trouvé de solution au problème du nombre de députés lorsque le pays comptera 30 millions d'habitants. Nous devrions respecter la volonté exprimée par les Canadiens qui veulent un gouvernement moins envahissant et plus petit plutôt qu'une Chambre des communes où le nombre de députés croît sans retenue.

Sans ces améliorations, aucun député soucieux de justice ou doué de sens commun ne devrait appuyer le projet de loi C-69.

[Français]

Le vice-président: En vertu de l'article 68(7) du Règlement et conformément à l'ordre adopté le mercredi 22 février 1995, la motion est réputée adoptée avec dissidence.

En conséquence, ce projet de loi est renvoyé au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé à un comité.)

* * *

(1040)

[Traduction]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 22 février, de la motion: Que le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel, soit lu pour la troisième fois et adopté.


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Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour parler, au nom de mes électeurs, des changements qu'on propose d'apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants dans le projet de loi C-37.

Dans ma circonscription, celle de Port Moody-Coquitlam, plus de 5 000 Canadiens ont participé à une manifestation le 25 septembre 1994 pour réclamer publiquement des modifications à cette loi. Cette manifestation reflète l'opinion de nombreux Canadiens d'un bout à l'autre du pays qui réclament une réforme de notre système judiciaire qui, selon eux, fait passer les droits des criminels, jeunes et vieux, avant la sécurité publique. Il y a à peine quelques semaines, près de ma région, plus de 2 000 Canadiens ont participé à une marche pour réclamer des changements à notre système judiciaire au nom de Melanie Carpenter.

Le ministre de la Justice a dit que de telles manifestations publiques ne sont qu'une réaction émotive aux manchettes. Il a tout à fait tort. Ces manifestations sont plutôt la réaction de gens qui en ont assez et qui se rendent maintenant compte qu'ils ne sont pas les seuls à ressentir de la peine et de la colère.

Oui, il existe ce sentiment de colère à l'égard du système. Le cri de ralliement des Jesse Cadman, Graham Niven et Melanie Carpenter, victimes tragiques de ce système, a servi de catalyseur pour la majorité depuis trop longtemps silencieuse et menacée. Les préoccupations des Canadiens sont réelles et très répandues. La population doit se faire entendre.

Aujourd'hui, je veux parler directement au nom de mes électeurs. Je ne peux pas faire autrement. En août dernier, mon bureau a parrainé une réunion après avoir été inondé de demandes pour organiser une manifestation publique à la suite de la mort tragique de Graham Niven. Nous avions d'abord prévu tenir la réunion dans une salle pouvant contenir 20 personnes, puis nous avons changé pour une plus grande salle pouvant en contenir 50. Ce soir-là, plus de 300 personnes sont venues offrir leurs services bénévolement.

Dirigé par un comité composé d'une douzaine de personnes dévouées, des centaines de bénévoles ont organisé la manifestation qui a eu lieu un mois plus tard et qui a été couronnée de succès. Leur message se fait l'écho des préoccupations des Canadiens d'un bout à l'autre du pays.

Les jeunes contrevenants devraient être tenus individuellement responsables de leurs actes. Ils devraient savoir qu'ils auront à subir certaines conséquences pour avoir enfreint les lois de notre pays. On doit redonner aux policiers le mandat de faire respecter les lois conçues pour protéger nos collectivités, et on doit laisser les parents exercer leur autorité sur leurs enfants et assumer la responsabilité en conséquence. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on pourra apaiser les craintes très réelles que ressentent les jeunes, les femmes, les parents, les personnes âgées et tous les citoyens face à l'attitude de plus en plus violente dont ils sont témoins dans nos rues et dans nos écoles.

Sous sa forme actuelle, la Loi sur les jeunes contrevenants contient un énoncé de principe qui reconnaît que les jeunes ont des droits et libertés assortis d'une garantie spéciale. Cela a été interprété par les tribunaux comme voulant dire que le traitement d'un jeune contrevenant nécessite leur consentement. Cette mauvaise interprétation continuera de s'appliquer si aucune précision à cet égard n'est apportée dans le nouveau projet de loi. Permettez-moi de vous donner quelques exemples de problèmes vécus.

Un employé des tribunaux, à Richmond, qui se trouve donc en première ligne, a écrit que le projet de loi C-37 n'allait pas assez loin: «Les jeunes contrevenants se moquent de nous et nous font durement sentir les lacunes d'un système qui ne les oblige pas à répondre de leurs actes.» Il n'est pas rare de voir des jeunes contrevenants rire de la peine qui leur est infligée et faire des clins d'oeil à leurs copains dans la salle du tribunal. Il est temps d'arrêter de leur donner motif à fanfaronnades. Il est temps de leur donner à réfléchir.

Le système n'est pas assez rigoureux, ce qui ne fait qu'encourager la récidive. Les statistiques sont éloquentes. Environ 75 p. 100 des contrevenants de 12 et 13 ans en sont à leur première infraction. La proportion n'est que de 58 p. 100 chez les 14 et 15 ans et de 50 p. 100 chez les 16 et 17 ans. L'étude dit que les jeunes récidivistes avaient derrière eux plus d'une condamnation. Il est clair qu'on ne dissuade pas ces jeunes contrevenants de violer la loi. De toute évidence, le système d'exécution de la loi et le judiciaire ne servent ni le contrevenant, ni la société. Ce sont les familles canadiennes qui font les frais de cet échec.

Imaginez un instant le chagrin d'un couple de Langley, en Colombie-Britannique, dont le fils de 17 ans est tombé sous les balles d'un jeune de 16 ans qui venait de sortir de détention. Ils m'ont écrit dans leur lettre: «Nous avons perdu pour toujours un jeune homme promis à un brillant avenir. Nous ne l'oublierons jamais, ni lui, ni sa mort atroce.»

À l'occasion d'une assemblée, Diane Sowden, mère d'une contrevenante de 14 ans, dans ma circonscription, a fait part de son exaspération devant le système judiciaire. Sa fille s'est enfuie de chez elle parce qu'elle ne pouvait pas accepter l'heure de rentrée, fixée à 9 h 30. La police a informé les parents qu'on ne pouvait rien faire.

La jeune fille a été confiée à deux foyers collectifs et à trois foyers nourriciers, mais elle a refusé d'y rester parce qu'il y avait, là aussi, des règles. Diane Sowden signale que, contrairement à la demande faite par les parents, il n'y a ni heure de rentrée, ni obligation d'aller à l'école, ni obligation de demeurer avec ceux qui ont sa garde. Le cas suit un parcours semé de proxénètes, de drogues, de racolage dans les cours d'école pour inciter à la prostitution juvénile et de violations des conditions de la libération conditionnelle qui restent impunies. Personne ne pouvait rien faire contre cela.

(1045)

«Nous voulions que ses actes encourent des conséquences plus rigoureuses plutôt qu'aucune conséquence», disait Diane. «En tant que parents, nous voulons avoir notre mot à dire à propos de ce qui arrive à notre fille.» Cette jeune fille de 14 ans fait maintenant le trottoir, et la Loi sur les jeunes contrevenants respectera son droit de poursuivre dans la voie de l'auto-destruction.

Nous n'avons rien accompli de bon en donnant aux jeunes tellement de droits que les conséquences de leurs actes n'ont plus d'importance. On ne sert pas bien les intérêts des jeunes contre-


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venants quand on ne peut exiger d'eux qu'ils respectent l'autorité de la loi ou même celle de leurs propres parents.

À moins d'une raison indubitable, on devrait informer les parents du traitement accordé à leurs enfants et leur donner un mot à dire à cet égard, et ces enfants ne devraient avoir d'autre choix que de subir les conséquences de leurs actes illégaux sous forme de traitement, de réparation et de châtiment.

Je voudrais relater à la Chambre l'expérience d'Erma et Dennis Vietorisz. Erma a pris la parole au rassemblement à titre d'enseignante et de mère de famille qui a observé les conséquences de la montée de la violence dans son école et dans sa ville. Elle m'a écrit de nouveau le 29 décembre 1994 à propos d'une agression dont son fils et un de ses amis avaient été victimes le mois précédent, c'est-à-dire après le rassemblement: «Aucune provocation, aucune dispute, ni aucune raison ne motivaient cette agression brutale contre ces deux jeunes gens. Conduit à l'hôpital, notre fils y a appris qu'il avait la mâchoire fracturée, qu'il devait subir une opération chirurgicale d'urgence et qu'il lui faudrait passer six semaines avec la mâchoire ligaturée. Son ami a nécessité six points de suture à l'oeil. Entre temps, les agresseurs s'en étaient tirés sans conséquence. Comment cela? Les policiers ont dit qu'ils ne pouvaient pas faire grand-chose pour protéger notre fils contre des représailles si des accusations étaient portées. Ils ne pouvaient pas détenir l'agresseur après l'avoir arrêté puisque le tribunal le remettrait en liberté en attendant son procès même s'il avait un comportement très violent. Tout ce qu'ils pouvaient faire pour protéger notre fils, c'est de faire prononcer une injonction contre l'agresseur, ce qui n'aiderait notre fils que s'il était agressé de nouveau.»

Après y avoir bien réfléchi, les parents ont décidé de ne pas porter d'accusations parce que le système judiciaire ne pouvait pas protéger leur fils. Ils ont décidé de ne pas l'exposer au risque très réel de plus de violence. L'agresseur n'avait rien à craindre d'un système qui est impuissant à l'empêcher de semer la crainte et la violence chez les autres.

Erma a récemment reçu une lettre du premier ministre Harcourt, de la Colombie-Britannique, qui lui reprochait de ne pas avoir donné une chance au système judiciaire. C'est grotesque. D'un côté, nous avons un agresseur effronté qui a un dossier d'actes de violence qui continuera vraisemblablement de s'alourdir. D'autre part, en raison du mandat que lui confère le gouvernement, notre système de justice fait peur à la victime et non pas au contrevenant.

Le projet de loi C-37 renforce davantage cette regrettable tendance. Selon les dernières études publiées en janvier 1995 par le Forum-Recherche sur l'actualité correctionnelle, la criminalité chez les jeunes est en hausse. En 1986, 179 000 jeunes ont été arrêtés par la police, et des accusations ont été portées contre 113 000 d'entre eux. En 1992, quelque 211 000 jeunes ont été arrêtés par la police, et 140 000 ont fait l'objet d'accusations. Les infractions avec violence sont passées de 9 275 en 1986 à 20 033 en 1991. Il s'agit là d'une augmentation supérieure à 100 p. 100 en à peine cinq ans.

Examinons ces statistiques en tenant compte du fait que les victimes et leur famille, comme les Vietorisz, craignent même de porter plainte. Examinons-les en tenant compte de la petite tape sur la main que reçoivent les auteurs d'une première, deuxième ou troisième infraction, de l'absence totale de conséquences ou de l'incidence de la criminalité chez les moins de 12 ans, dans le cadre du système actuel. Il y a là une épidémie que nos spécialistes de la justice refusent de reconnaître.

J'ai reçu plus de 13 000 lettres et fax ainsi que des pétitions réunissant plus de 15 000 signatures de Canadiens préoccupés qui demandent de véritables modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Comme le dit Mme Sandy Mahoney de Maple Ridge, en Colombie-Britannique, dont la fille de 14 ans a dû aller vivre avec sa grand-mère en Ontario parce qu'elle se faisait constamment battre et harceler à l'école par ce que les autorités et les représentants scolaires appellent les membres d'un gang, il est très clair que les jeunes criminels ne craignent aucune autorité.

Une autre femme de Coquitlam, Marian Jutila, dit ceci: «Notre collectivité exige que vous preniez immédiatement des mesures et que vous commenciez à remanier la Loi sur les jeunes contrevenants.»

J'ai reçu des lettres de nombreuses personnes âgées qui craignent de sortir de chez elles et qui ont également peur d'être victimes de violence dans leur foyer. Le message le plus pathétique est sans doute celui qui était inscrit sur une note manuscrite, à la fin d'une lettre, et qui disait ceci: «Vous devez nous aider!»

(1050)

En conclusion, permettez-moi de lire les paroles d'un jeune de 17 ans, Jamie Lipp, un bon ami de Jessie Cadman qui a été assassiné par un jeune contrevenant. Jamie a pris la parole lors de la manifestation et a fait la déclaration suivante: «Dans quelle genre de société vivons-nous si les jeunes ne sont pas tenus responsables des crimes qu'ils commettent? Dans quel genre de société vivons-nous si nous devons craindre pour nos vies à quelques pâtés de maisons de chez nous? Dans quel genre de société vivons-nous si l'on n'a plus aucun respect pour la vie?»

Le projet de loi C-37 ne tient absolument pas compte des préoccupations de ceux qui se sont exprimés aussi clairement et sincèrement. Je ne peux, en mon âme et conscience, appuyer pareil projet de loi. Pour le bien de notre société et des jeunes contrevenants, il nous faut remanier la loi de manière à exiger des comptes des responsables, à enseigner le respect de l'autorité ainsi que des droits et de la vie d'autrui et à enrayer la peur et l'intimidation au sein de nos collectivités.

Aujourd'hui, j'exhorte le ministre de la Justice à écouter ces Canadiens. Ils ont à lui communiquer un message qu'il doit écouter.

M. Ron MacDonald (Dartmouth, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours de la députée d'en face.

Elle vient de la Colombie-Britannique, et elle devrait trouver d'un océan à l'autre, et même sur la côte atlantique, que bien des gens ont un point de vue semblable en ce qui concerne la sécurité dans leur voisinage ainsi que le souhait que la législation, y


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compris la Loi sur les jeunes contrevenants, soit équilibrée. Cet équilibre doit être périodiquement examiné.

Cela constituera, à tout le moins, un pas dans la bonne direction. Dans ma région, les gens disent que c'est une préoccupation légitime. Ils veulent se sentir en sécurité. Cependant, les Canadiens sont très tolérants et ne traitent pas durement les personnes qui enfreignent la loi et l'ordre.

En ma qualité de député, j'ai pu constater ces dernières années un net changement du point de vue des Canadiens sur le système de justice criminelle, sur l'équité de ce dernier et sur la question de savoir si les droits de l'accusé ont maintenant la priorité sur ceux des victimes. J'estime que c'est bien souvent le cas.

En ce qui touche plus particulièrement la Loi sur les jeunes contrevenants, ce projet de loi prévoit quelques mesures que la plupart des gens raisonnables au Canada jugeraient acceptables. Certes, la disposition visant à ce que les jeunes de 16 ou 17 ans accusés de crimes très graves, comme un meurtre au premier ou au second degré, une tentative de meurtre, un homicide involontaire, des voies de fait graves et une agression sexuelle grave, soient jugés par un tribunal pour adultes, est une mesure très positive.

Les gens que je représente comprennent qu'il faut, le plus possible, aider les jeunes contrevenants qui se trouvent du mauvais côté de la loi à se réadapter. Car, ce qu'il faut viser dans leur cas n'est pas seulement l'incarcération, mais plus encore la réadaptation des jeunes contrevenants

Il faut reconnaître que, dans certains cas-et je souligne qu'il s'agit d'une minorité de cas-, où de jeunes contrevenants de 16 ou 17 ans sont des criminels dangereux, des récidivistes ayant commis des crimes des plus ignobles et affreux, les contrevenants en cause sont encore protégés par la loi. Ils sont protégés même s'ils ont commis un crime assez grave pour que être traités plus sévèrement par le système de justice pénale.

C'est une bonne chose que certains jeunes contrevenants soient jugés par un tribunal pour adultes et que le contrevenant, le procureur ou l'avocat de la défense puisse débattre devant le tribunal de ne pas le faire.

Je souscris également à l'imposition de peines plus sévères pour les meurtres aux premier et deuxième degrés. Les Canadiens veulent avoir la certitude que les individus condamnés pour des crimes extrêmement graves ne pourront pas, après avoir purgé quelques années de prison, se retrouver en liberté et commettre à nouveau des crimes de ce genre.

J'appuie aussi, avec certaines réserves, les dispositions de ce projet de loi portant sur l'accès aux casiers judiciaires des jeunes, surtout les récidivistes, et plus particulièrement les jeunes contrevenants qui semblent avoir pour but dans la vie de causer des ravages dans leur collectivité.

Il est essentiel, dans certaines conditions qu'on décrit fort bien dans ce projet de loi, que les agents de la paix aient accès à ces dossiers dans le cadre de leurs enquêtes, quand il s'agit de crimes graves. Cela doit s'appliquer aussi aux tribunaux, dans le cas de gens qui ont un long passé criminel, en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, et qui sont à nouveau traduits en justice après avoir commis un autre acte criminel. Cependant, je ne pense pas que cet article aille assez loin. Je dois être d'accord avec ma vis-à-vis là-dessus.

(1055)

Je vis dans une collectivité d'environ 70 000 habitants qui, pour la plupart, sont respectueux des lois. Les gens se sentent relativement en sécurité dans les rues. J'ai trois enfants et la plus âgée est âgée de presque 11 ans. Elle fêtera son onzième anniversaire dans quelques semaines. Mes deux autres enfants ont respectivement huit ans et trois ans. Je veux m'assurer que mes enfants puissent grandir dans une collectivité sûre. Même si je ne peux jamais savoir s'il s'agit simplement de rumeurs, je suis inquiet, lorsque j'entends dans la rue que certains jeunes délinquants violents passent par le système, abusent du système et profitent des protections qu'offre la loi pour demeurer anonymes.

À l'école que ma fille fréquente, s'il y a des jeunes de 14, 15 ou 16 ans qui ont été condamnés, en vertu de la loi, pour un crime grave, comme une agression sexuelle grave, et qui ont la réputation de porter une arme, le droit des habitants de la collectivité de vivre en toute sécurité dans la collectivité est nettement plus important que le droit à l'anonymat de ces jeunes délinquants qui ont commis des crimes.

Des voix: Bravo!

M. MacDonald: Je suis inquiet, monsieur le Président. Les réformistes m'applaudissent. Je vais peut-être devoir repenser ma position.

Les Canadiens, qui sont généreux et justes, doivent comprendre que les accusés ont bel et bien des droits, mais qu'on doit reconnaître dans la loi le droit des gens de vivre en toute sécurité dans leur collectivité.

J'invite le gouvernement à se pencher sur cette disposition. Lorsque ce projet de loi sera examiné plus longuement, le gouvernement consentira peut-être à tenir compte de circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire lorsque le droit à la sécurité des habitants d'une collectivité l'emporte sur le droit à l'anonymat d'un jeune contrevenant reconnu coupable d'un crime odieux ou violent.

Il y a un autre aspect qui ne figure pas dans ce projet de loi et que je dois soulever, parce qu'il porte essentiellement sur les jeunes et sur les infractions commises contre des jeunes. J'en ai déjà parlé à la Chambre. Dans notre pays, on assiste actuellement à une prolifération de criminels qui commettent peut-être le pire crime qui puisse exister dans notre société actuelle. En effet, il y a des adultes qui attirent dans la prostitution des adolescentes et, dans certains cas, des adolescents.

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À mon avis, il s'agit là d'une épidémie dont on ne parle pas assez fortement ou longuement au Parlement ou dans les assemblées législatives provinciales. Des jeunes sont littéralement enlevés de la rue et forcés de se prostituer.

Quand on parle de crimes commis par des jeunes, le gouvernement devrait également se pencher en priorité sur les crimes visant des jeunes. J'exhorte le ministre de la Justice à présenter rapidement de nouvelles lois et de nouveaux règlements visant à lutter contre ce genre de crimes des plus graves. Nous devons prévoir un châtiment rigoureux et des peines maximales contre les personnes reconnues coupables de vivre de la prostitution juvénile.

Le vice-président: Si le député de Dartmouth désire poursuivre, il aura deux autres minutes lorsque nous reviendrons aux initiatives ministérielles.

Comme il est 11 heures, nous passons maintenant aux déclarations de députés.

_____________________________________________


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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE PARLEMENT MODÈLE

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de rendre hommage aux jeunes étudiants de l'Université Queen's qui ont siégé dans cette enceinte, du 19 au 21 janvier, dans le cadre du Parlement modèle.

Je voudrais féliciter tout spécialement M. Sacha Bhatia, étudiant à l'Université Queen's et citoyen de ma circonscription, qui a occupé ce fauteuil à titre de député de Victoria-Haliburton dans le Parlement modèle.

Il importe aussi de remercier les députés qui ont participé à cet événement: le Président de la Chambre, le député de Kingston et les Îles, le député de York-Sud et le député de Lanark-Carleton, pour n'en nommer que quelques-uns, de même que les greffiers au Bureau, les agents de la sécurité et tous les autres à qui l'on doit la réussite de cette activité.

Je sais que les étudiants ont trouvé la fin de semaine très enrichissante, qu'ils ont entendu un excellent discours du Trône, qu'ils ont débattu de divers projets de loi et qu'ils ont participé aux travaux de comités.

Étant donné que j'étais dans ma circonscription à cette date, j'ai suivi les travaux, grâce à la diffusion de la CPAC, comme de nombreux autres électeurs, et j'ai eu l'occasion de voir l'excellent travail de ces étudiants.

[Français]

LES CONSEILS SCOLAIRES DE LANGUE FRANÇAISE

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, le quotidien Le Droit nous apprend ce matin que le ministre de l'Éducation de l'Ontario est sur le point d'annoncer la création de 15 nouveaux conseils scolaires de langue française.

Bien qu'il faille se réjouir d'une telle annonce, nous sommes en droit d'espérer que les francophones de l'Ontario pourront bientôt non seulement bénéficier de la création de tous les conseils scolaires requis, mais également de moyens de financement adéquats afin que les pratiques discriminatoires actuelles soient corrigées.

Le Groupe pour le développement de l'Ontario français soulignait, à juste titre, que le taux d'analphabétisme chez les Franco-Ontariens est honteusement élevé; situé à 31 p. 100, il se compare à celui des pays du tiers monde. Voilà le résultat concret de plus de 100 ans d'oppression linguistique et scolaire.

Il est temps que ça change. Il s'agit d'un droit et non d'un privilège.

* * *

[Traduction]

CHEMAINUS

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, en 1980, la petite municipalité de Chemainus, sur l'île Vancouver, était dans une situation économique des plus difficiles. La principale industrie de cette collectivité avait subi les contrecoups de la baisse du commerce du bois d'oeuvre et de la fermeture, après 120 ans, de la scierie de MacMillan-Bloedel.

Depuis ces jours noirs, la ville est dorénavant une source d'inspiration pour toutes les collectivités canadiennes, grâce à son projet touristique fort stimulant. Chemainus est devenue la «petite ville qui a réussi à s'en sortir», grâce à ses murales extérieures qui ont créé une industrie touristique de plusieurs millions de dollars. Quatre cent mille touristes de tous les coins de la planète se sont rendus à Chemainus l'année dernière pour voir ses 32 murales.

L'architecte des murales de Chemainus, Karl Schutz, a récemment reçu, à Londres, le prestigieux prix du tourisme de demain pour les Amériques qui est décerné par British Airways, devançant ainsi 120 autres concurrents.

Je félicite M. Schutz et tous les citoyens qui ont l'esprit d'entreprise à Chemainus, cette ville qui est maintenant la capitale de la murale au Canada, sinon au monde.

* * *

LES CARIBOUS

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, les gouvernements des États-Unis et du Canada appuient depuis de nombreuses années la protection de la réserve Arctic National Wildlife Refuge, située en Alaska.


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Or, la motion que l'Assemblée législative de l'Alaska a récemment adoptée pour autoriser l'exploration pétrolière et gazière sur le territoire connu sous le nom de terres 1002 représente une menace pour cette réserve. Le gouvernement canadien et le premier ministre se sont ouvertement prononcés contre l'exploration pétrolière et gazière dans la réserve.

Le Wildlife Refuge, qui est fréquenté par la harde de caribous de la Porcupine, constitue une source de nourriture pour les habitants du nord du Yukon et des États-Unis. La harde est un trésor national important. Elle représente un trésor international. J'ai encouragé le premier ministre à soulever la question auprès du président Clinton pendant son séjour à Ottawa.

Le premier ministre et le président se sont tous deux déclarés contre l'exploration sur les terres 1002. Je les exhorte de nouveau à confirmer cette politique pendant la visite présidentielle.

* * *

LA SANTÉ

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais parler aujourd'hui de la menace croissante que représentent les maladies infectieuses et les nouvelles infections.

Notre civilisation se retrouve de nouveau devant des maladies qu'on avait cru éliminées et qui menacent la santé des gens.

L'apparition de maladies, comme la tuberculose, menace la santé publique. C'est pourquoi le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux doivent se tenir prêts à combattre cette menace.

Le Canada fait également face à une dette et à un déficit, mais nous devons néanmoins conserver le Laboratoire de lutte contre la maladie et encourager les provinces à accroître la surveillance de la santé publique.

Si nous voulons être en mesure d'évaluer et de contrôler adéquatement les questions concernant notamment les vaccins, les demandes de nouveaux vaccins, leur sécurité et leur efficacité, nous devons nous assurer que la Direction générale de la protection de la santé du ministère de la Santé du Canada dispose du personnel qualifié et des connaissances médicales nécessaires.

Il en va de même des réserves de sang au Canada. Nous devons demeurer vigilants si nous voulons détecter les problèmes concernant les réserves de notre ressource la plus précieuse.

J'exhorte le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux à poursuivre la lutte contre les maladies infectieuses et les nouvelles infections.

* * *

[Français]

LE RÉFÉRENDUM SUR LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul, Lib.): Monsieur le Président, depuis quelques jours, les contradictions et les dissensions se multiplient à un rythme effarant au sein des troupes séparatistes du Québec.

(1105)

Le seul point qui semble faire l'unanimité chez les porte-parole séparatistes est que leur stratégie ne marche pas. L'astucieuse démarche référendaire qui devait mener les Québécois et les Québécoises à se mobiliser et à faire front commun en faveur de la souveraineté ne donne pas les résultats escomptés.

Plutôt que de continuer à chercher des astuces, le premier ministre Parizeau devrait, sans plus tarder, ordonner la tenue d'un référendum avec une question claire portant sur la séparation du Québec et laisser la population faire son choix.

* * *

[Traduction]

L'ÉCOLE SECONDAIRE JOHN OLIVER

M. Harbance Singh Dhaliwal (Vancouver-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour féliciter les élèves de l'école secondaire John Oliver, une école qui a déjà été la mienne et qui se trouve dans ma circonscription.

Les élèves de l'école John Oliver ont fait preuve d'un sens de l'initiative et d'un leadership exceptionnels en participant activement au programme Échec au crime du Grand Vancouver. Ces élèves ont trouvé une façon responsable et constructive d'appliquer une méthode progressiste de lutte contre l'intimidation et le harcèlement qui règnent dans nos écoles. En adoptant des mesures préventives, ils réduisent l'incidence de la criminalité dans leur environnement et contribuent à rendre les écoles plus sûres.

Je félicite les élèves de l'école John Oliver et j'encourage les élèves de la Colombie-Britannique à suivre leur exemple. Je crois que les jeunes ont des choses à nous apprendre. Y a-t-il plus belle preuve que l'apport de ces élèves à la prévention de la criminalité?

* * *

[Français]

LE TRANSPORT AÉRIEN

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui, le président américain et le premier ministre signeront le traité Open Sky. Ce traité modifiera substantiellement les règles du jeu dans le transport aérien entre le Canada et les États-Unis. Ce traité ouvrira un marché important pour nos transporteurs aériens qui devront toutefois faire face à une concurrence accrue.

Air Canada verra la concurrence augmenter sur un marché dont il est actuellement le seul transporteur canadien à exploiter. Open Sky permettra à Canadien International d'intégrer davantage des opérations avec American Airlines et de livrer une concurrence acharnée à Air Canada.

Par souci d'équité, le ministre des Transports doit revenir sur sa décision et permettre à Air Canada d'obtenir le plein accès sur Hong Kong, le principal point de chute en Asie. Le Bloc québécois ne restera pas inactif devant des décisions politiques douteuses qui nuisent au seul transporteur aérien de calibre mondial installé au Québec.


9998

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ HIRAM WALKER

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je suis au regret de signaler à la Chambre une autre victime des impôts excessifs. La distillerie Hiram Walker, une entreprise de ma circonscription qui s'est lancée en affaires en 1970 et qui emploie 137 personnes, fermera définitivement ses portes le 16 juin prochain, après 24 ans d'existence.

La société explique son geste par la baisse de son chiffre d'affaires à cause de ce qu'elle qualifie d'impôts fédéraux et provinciaux exagérément élevés et punitifs. C'est aussi mon avis.

Hiram Walker produit et commercialise Canadian Club, le whisky canadien de qualité supérieure le plus vendu au monde. La Hiram Walker and Sons Ltd. est l'entité commerciale canadienne du deuxième fabricant d'alcool de bouche au monde. Lorsque des entreprises sont forcées de fermer leurs installations à cause du trop lourd fardeau fiscal qu'on leur impose, il y a assurément un problème.

La surimposition empêche nos distillateurs de rivaliser avec les concurrents américains, et cela se traduit par des pertes d'emplois. Quand est-ce que cette. . .

Le vice-président: Je donne la parole au député de Lincoln.

* * *

LE BUDGET

M. Tony Valeri (Lincoln, Lib.): Monsieur le Président, lundi, le gouvernement déposera son deuxième budget. Ce sera l'occasion de redonner à notre économie son intégrité et sa stabilité financières. Cependant, il est important que cela ne se fasse pas au détriment de la classe moyenne qui paie déjà une part disproportionnée d'impôts et qui assume déjà une très grande partie de la dette canadienne.

Depuis toujours, notre parti cherche à donner de l'espoir aux Canadiens et à leur offrir des perspectives d'avenir. Si nous ne contrôlons pas la dette et le déficit, tous les espoirs seront perdus. Les députés ne peuvent accepter cela.

Notre but ultime est d'éliminer complètement le déficit. Notre objectif de le ramener à 3 p. 100 du PIB d'ici 1996-1997 est provisoire, mais extrêmement important. Nous nous sommes engagés à le respecter, dans le livre rouge, et nous le respecterons. En redonnant une stabilité à notre économie, nous pourrons maintenir l'un des programmes dont le Parti libéral est le plus fier, le système de sécurité sociale, un système qui fait l'envie du monde entier. . .

Le vice-président: La députée de Hamilton Mountain.

* * *

LE BUDGET

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Monsieur le Président, à la veille de la présentation du budget, je voudrais vous faire part des préoccupations des habitants de Hamilton Mountain. Même si les habitants de ma circonscription savent que le budget de cette année doit être rigoureux, ils ne voudraient pas que les réductions se fassent au détriment des plus vulnérables de notre société.

(1110)

Il ne faut pas que l'élimination du déficit se fasse aux dépens des personnes âgées qui ont des revenus fixes, des chômeurs et des Canadiens à faible revenu. Il est temps que tous les Canadiens paient leur part.

Au nom des habitants de ma circonscription, je demande au ministre des Finances d'éliminer les échappatoires fiscales avant de réduire les programmes sociaux. Mes électeurs comprennent très bien qu'il est urgent de réduire le déficit et de finir par l'éliminer. Cependant, il faut faire preuve d'équité dans la réalisation de cet objectif. Si le fardeau de la réduction du déficit est également réparti entre tous les Canadiens, je suis sûre que nos efforts pour remettre de l'ordre dans nos fi

* * *

[Français]

LA CIRCONSCRIPTION D'OTTAWA-VANIER

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui, pour la première fois en cette auguste Chambre et ce, pour deux raisons.

Premièrement, je désire remercier les électeurs d'Ottawa-Vanier qui m'ont accordé leur confiance lors des élections complémentaires du 13 février dernier, ainsi que le privilège de les représenter à la Chambre des communes. Je leur en suis fort reconnaissant et je ferai de mon mieux pour satisfaire et même dépasser leurs attentes.

[Traduction]

Deuxièmement, pour encourager le ministère à envisager l'adoption d'une mesure supplémentaire qui aiderait les collectivités de tout le pays et surtout de la région de la capitale nationale, qui seront gravement touchées par la mise en oeuvre des résultats de l'examen des programmes.

On suggère simplement d'imposer pour condition que, lorsqu'un poste de la fonction publique passe au secteur privé, ce poste reste dans la même région pendant au moins cinq ans. Cela donnerait à la personne visée le temps de s'adapter à ses nouvelles fonctions sans craindre d'avoir à déménager dans une autre région du pays.

Je suis très heureux que le président du Conseil du Trésor ait accepté d'envisager sérieusement cette suggestion.

* * *

[Français]

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, souvenons-nous de cette époque pas si lointaine où les libéraux pourfendaient l'Accord de libre-échange avec les États-Unis.


9999

«I think you sold us out!», lançait leur chef au premier ministre Mulroney, lors du débat électoral de 1988. Les libéraux misaient alors sur leur opposition au libre-échange pour marquer des points dans le reste du Canada.

Que le premier ministre libéral en chante aujourd'hui les louanges devant le président américain, alors qu'il avait lui-même effectué un pèlerinage à Washington, en 1991, pour supplier nos voisins américains de le renégocier, constitue un sommet d'hypocrisie.

Rappelons que pendant que les libéraux cassaient du sucre sur le dos des Américains, les Québécoises et Québécois, eux, ouverts sur le monde, faisaient pencher la balance lors des élections fédérales de 1988 et permettaient la ratification de l'accord.

Nous pourrions rappeler au président Clinton que si on peut, aujourd'hui, rêver d'un grand marché commun de la Terre de Feu à la Terre de Baffin, c'est grâce surtout au Québec: c'est grâce surtout aux Québécoises et aux Québécois.

* * *

[Traduction]

LES AFFAIRES INDIENNES

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Monsieur le Président, mercredi, à la période des questions, le ministre des Affaires indiennes a fait savoir que la nation nisga'a, du nord-ouest de la Colombie-Britannique, avait eu gain de cause en 1973, la Cour suprême ayant reconnu ses droits ancestraux sur ses terres. La déclaration du ministre est inexacte, les Nisga'a ayant perdu leur appel en 1973.

La dernière décision de cet ordre avait trait à l'affaire de la nation delgamuukw, en 1991. Cette demande de reconnaissance de droits fonciers a été rejetée par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, puis par la Cour d'appel. Le ministre s'appuie sur des données erronées.

Le but de l'offre faite aux Nisga'a était-il d'accorder à une entreprise de pêche commerciale la protection d'un traité? La population mérite d'avoir une réponse à la question que j'ai posée, et le ministre n'en a pas donné.

Du 3 au 13 mars, les députés réformistes de la Colombie-Britannique tiendront une série d'assemblées publiques aux quatre coins de la province pour sensibiliser la population et l'amener à mieux comprendre les conséquences des négociations relatives aux traités, qui sont en cours dans cette province.

* * *

MM. RICHARD WEBER ET MISHA MALAKHOV

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais prendre quelques instants aujourd'hui pour rendre hommage à deux hommes très courageux. Richard Weber, de Chelsea, Québec, qui se trouve dans ma circonscription, et Misha Malakhov, de Ryazan, en Russie. Voici des années que ces deux audacieux aventuriers se préparaient à la conquête de l'Arctique. Les voilà partis. Ils vont parcourir en ski une distance 1 500 km jusqu'au pôle nord et retour, sans aucune aide. Ils transportent avec eux toutes les provisions nécessaires pour leur permettre de survivre pendant quatre mois.

Ces deux explorateurs sont actuellement dans cette vaste étendue glaciale de l'Arctique. Ces deux hommes illustrent le défi constant de l'homme de se surpasser. J'envie réellement leur courage et leur quête d'aventure.

Le long voyage qu'ils sont en train d'accomplir est aussi un bel exemple de coopération internationale. Un Canadien et un Russe travaillant au même objectif est un grand événement.

J'adresse à M. Weber et à M. Malakhov tous mes voeux de succès.

* * *

(1115)

LE CANADA ATLANTIQUE

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants, Lib.): Monsieur le Président, notre gouvernement reconnaît que l'avenir du Canada atlantique dépend de son aptitude à diversifier et à élargir sa base économique. Notre gouvernement continue cette tradition par l'intermédiaire de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique.

L'approche suivie par l'APECA en matière de développement régional consiste à travailler en collaboration avec les localités et les petites entreprises en vue de diversifier et de renforcer leur base économique. C'est ainsi qu'ont été créés 65 000 emplois au cours des sept dernières années. Chaque dollar investi par l'APECA dans les petites entreprises génère 4,20 $.

Dans ma circonscription d'Annapolis Valley-Hants, l'engagement de l'APECA a produit beaucoup d'excellents exemples de croissance dans le secteur de la petite entreprise, croissance qui se traduit par la création d'emplois à long terme.

Contrairement à ce prétend le Parti réformiste, les Canadiens de l'Atlantique n'ont pas sombré dans la dépression. Bien au contraire, nous saisissons toutes les occasions qui se présentent. Par l'intermédiaire de l'APECA, notre gouvernement joue un rôle important dans la promotion de la croissance économique de la région.

* * *

LA FISCALITÉ

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, en prévision du nouveau budget fédéral, les Canadiens en colère ont fait savoir qu'ils ne voulaient pas de nouveaux impôts ni d'augmentations de ceux qui existent déjà. Ils tournent en dérision un gouvernement qui est incapable de prendre les décisions difficiles, mais nécessaires, qu'exige la réduction des dépenses.

Avec raison, les contribuables montrent du doigt les excès du gouvernement: les riches pensions des députés, le gaspillage, la fraude et les abus dans la bureaucratie, le financement des groupes d'intérêts particuliers, et le saint des saints, Radio-Canada, qui exige chaque année 1,1 milliard de subventions.

Les Canadiens de tout le pays demandent que ce gouvernement dépensier s'organise et mette un peu d'ordre dans une économie dont les impôts sont vraiment trop lourds. Les contri-


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buables Canadiens estiment qu'il est temps qu'on leur donne un répit, vu qu'ils dépensent maintenant plus en taxes et impôts qu'en logement et nourriture.

Qu'avons-nous en retour? Personne ne le sait au juste. Nos impôts continuent de grimper, les services gouvernementaux sont en déclin et notre dette double tous les dix ans.

Le ciel préserve les politiciens timorés qui n'écoutent pas et pensent que les Canadiens sont trop passifs pour retrousser leurs manches et descendre dans la rue. Il n'y a personne de plus direct que les milliers de Canadiens qui ont envoyé le message suivant aux libéraux dépensiers: «Nous en avons assez. Nous n'avons plus rien à donner.»

_____________________________________________

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA FONCTION PUBLIQUE FÉDÉRALE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le président du Conseil du Trésor a fait preuve d'une arrogance extrême à l'endroit du plus grand syndicat de fonctionnaires fédéraux qui représente plus de 70 p. 100 des employés du gouvernement, et cela en rejetant très rapidement du revers de la main la contre-proposition qui lui avait été soumise pour réduire sur une base d'entente le nombre de fonctionnaires fédéraux.

Comment le président du Conseil du Trésor peut-il justifier un rejet aussi rapide du revers de la main, quelques heures seulement après les avoir reçues, des propositions syndicales, autrement que par le fait que sa décision était déjà prise, prise unilatéralement, et qu'il n'a jamais réellement voulu coopérer avec ce syndicat pour atteindre les objectifs de réduction du personnel?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, nous discutons et négocions avec les syndicats depuis plusieurs mois. Nous avons donc étudié diverses propositions, y compris celles que l'Alliance de la fonction publique a maintenant officiellement rédigées.

Or, ces propositions ne peuvent tout simplement pas nous permettre de réaliser notre but. Pour pouvoir réduire notre déficit au niveau de 3 p. 100 du PIB et effectuer la rationalisation que cela exige, nous devons miser sur des propositions fondées sur les programmes et les services à comprimer.

La proposition des syndicats ne fonctionnerait pas à cet égard, et c'est pourquoi je n'ai pu l'accepter.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, normalement il reste place à de la négociation quand l'approche n'est pas définie d'avance.

Puisqu'il faut réduire la taille de la fonction publique et que tout le monde s'entend là-dessus, le ministre ne croit-il pas que la démarche unilatérale qu'il privilégie va se traduire par des coupures sauvages d'emplois, et qu'en conséquence il sera ainsi directement responsable de la perturbation inévitable des services à la population qui découlera de son approche inqualifiable?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, je ne crois pas que les services à la population seront perturbés. Nous fournissons des services de qualité que nos fonctionnaires professionnels et compétents maintiendront.

Toutefois, nous devons réduire la taille du gouvernement. Nous devons procéder à une rationalisation pour vivre selon nos moyens. Nous ne pouvons nous payer tous ces postes.

Au cours de nos discussions, les syndicats ont bien accueilli les arguments que nous avons fait valoir. Sur les 16 syndicats, 15 ont accepté la proposition que nous avons faite. Seulement un syndicat, l'Alliance, s'y est opposé.

(1120)

Je pense que c'est une bonne proposition parce qu'elle traite nos employés d'une façon équitable et raisonnable, mais elle dit aussi que, si nous n'avons pas de travail à leur confier, il est évident que nous ne pouvons pas les payer non plus.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, en ne s'entendant pas avec le plus important de tous les syndicats représentant les employés du gouvernement-plus de 70 p. 100 de tous les employés sont représentés par ce syndicat avec lequel le gouvernement ne s'est pas entendu-le gouvernement privilégie une stratégie d'affrontement en rejetant du revers de la main, sans négociation-et c'est cela qui est grave-en rejetant sans négociation la proposition syndicale. Cela va donner lieu à une partie de bras de fer entre le gouvernement et ses employés.

Je demande au président du Conseil du Trésor si cette partie de bras de fer qui découle directement de son attitude intransigeante ne risque pas de provoquer un affrontement majeur dans lequel tous vont perdre, les fonctionnaires, leur emploi, les citoyens, des services et le gouvernement, toute crédibilité auprès de ses employés comme auprès de la population?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, je doute qu'il y ait un affrontement majeur.

À mon avis, les fonctionnaires fédéraux, comme tous les Canadiens d'ailleurs, savent fort bien que le gouvernement doit mettre de l'ordre dans ses affaires et que, pour y parvenir, nous devons comprimer les dépenses.

Cependant, nos fonctionnaires s'attendent aussi à être traités d'une façon équitable et raisonnable. Pendant les nombreux mois de négociations, nous avons examiné toutes les diverses propositions avec les syndicats et nous avons obtenu l'accord de leurs agents négociateurs, sauf ceux de l'Alliance.


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Nous allons continuer de collaborer avec eux pour que l'exercice de rationalisation se fasse d'une manière efficace et efficiente, et pour que nous soyons justes à la fois envers ceux qui nous quittent et ceux qui restent afin de continuer de fournir d'excellents services à la population du Canada.

* * *

[Français]

LE PROGRAMME D'ADAPTATION DES TRAVAILLEURS ÂGÉS

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Travail.

La ministre se rappellera sûrement que son ex-collègue libéral provincial, M. André Bourbeau, avait, à de nombreuses reprises, demandé au gouvernement fédéral d'assouplir les critères du Programme d'adaptation des travailleurs âgés afin de réduire le nombre de travailleurs âgés montréalais qui sont injustement exclus de ce programme.

La ministre reconnaît-elle, comme l'a fait son ancien collègue, que les règles du programme PATA sont trop restrictives et que ce programme ne répond pas, de façon satisfaisante, aux besoins des travailleurs âgés mis à pied?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, si vous me le permettez, je n'ai pas encore été sensibilisée à cette question par mes collaborateurs. Alors, je demande qu'on me permette de prendre avis de la question.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, la ministre a sûrement été sensibilisée à cette question lorsqu'elle était ministre au Québec cependant.

Compte tenu que depuis plusieurs années, le gouvernement du Québec fait des pressions pour qu'on modifie les règles de ce programme, compte tenu qu'il y a au Québec un large consensus à ce sujet et compte tenu que la ministre est maintenant la première reponsable de ce programme, peut-elle s'engager à agir, aujourd'hui en cette Chambre et dans les prochains jours, à déposer des modifications au programme qui vont dans le sens des recommandations du gouvernement du Québec, recommandations que Québec fait depuis 1991, et cela, elle devrait savoir que c'est exact?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, c'est très clair que je vais examiner la question avec sérieux, comme toute question qui préoccupe les provinces, et le Québec, comme d'autres provinces canadiennes, j'imagine, doivent être préoccupées par cette question des travailleurs âgés. Je peux dire aux députés de cette Chambre que, oui, je vais examiner cette question de près et je pourrai revenir devant la Chambre pour donner l'orientation.

[Traduction]

LES PENSIONS DES DÉPUTÉS

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, la timide réforme des pensions des députés tentée par le gouvernement est une insulte à tous les contribuables.

Malgré tout ce que le gouvernement peut dire, il s'agit toujours d'une retraite en or pour les vieux routiers de la politique. Ainsi, l'ancien régime donnerait à la vice-première ministre une pension de base de 48 300 $, ce qui lui permettrait de toucher, si elle prenait sa retraite en 1997, 3,3 millions de dollars d'ici à l'âge de 75 ans. Le nouveau régime, lui assurerait une pension de base identique, et ses prestations de retraite totaliseraient 2,7 millions de dollars, à l'âge de 75 ans, si elle prenait sa retraite en 1997.

(1125)

Ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor. Comment le gouvernement peut-il prêcher l'austérité aux contribuables dans le budget de lundi soir alors que des ministres de premier rang continuent de s'empiffrer grâce au régime de pensions des députés?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, nous réduisons le coût des pensions, pour les contribuables, de quelque 33 p. 100. Nous allons au-delà des engagements pris pendant la campagne électorale.

Nous avions dit que nous mettrions fin au cumul des rémunérations, et nous l'avons fait. Nous avions promis de fixer un âge minimum, et nous l'avons établi à 55 ans. De plus, nous avons réduit le niveau des prestations pour permettre aux contribuables de réaliser des économies de 33 p. 100 sur le coût du régime, économies qui seront de 3,3 millions environ par année.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le public ne sera pas impressionné par une réduction de 33 p. 100 dans un régime qui est de quatre à cinq fois plus généreux que tout autre régime au Canada.

La vérité, c'est que le ministre a dû renoncer à une véritable réforme des pensions des députés à cause des pressions des vieux routiers, qui tiennent à préserver la plupart des excès de l'ancien régime. Nous sommes maintenant en présence d'un régime à deux volets, l'un pour les plus choyés, l'autre pour le reste des députés: régime calorique pour les uns, allégé pour les autres.

Le ministre éliminera-t-il ce régime à deux volets en faveur d'un autre qui s'appliquerait également à tous les députés?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, toute l'entrée en matière est fausse. En fait, la question l'est aussi. Il ne s'agit pas d'un régime à deux volets. C'est un régime uniforme et unique.

On ne peut pas dire non plus qu'il soit de quatre à cinq fois plus généreux. C'est absurde. Deuxièmement, il n'y a pas eu de


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pressions de la part des collègues les plus anciens. Nous avons plutôt cherché à établir un régime qui réponde aux besoins des députés, tout en réduisant les coûts pour le contribuable, afin de donner l'exemple dans le prochain budget.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le seul aspect louable de ce nouveau régime est qu'il permet aux députés qui font passer les principes avant leurs intérêts de s'en retirer. Mes collègues et moi refuserons de participer à ce régime scandaleux. J'espère que le ministre des Finances, le ministre des Pêches et Océans, le ministre de l'Immigration, le ministre du Développement des ressources humaines et la vice-première ministre feront comme nous.

Qui sera le premier des ministres à suivre l'exemple du Parti réformiste et à renoncer à son régime de retraite en or? Que le ministre réponde à ma question.

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a pas tellement de députés qui finissent par toucher une pension, car le nombre moyen d'années de service est inférieur aux six années nécessaires pour obtenir le droit à une pension. Je puis dire à la Chambre que, de toute manière, aucun des députés du tiers parti n'atteindra le nombre d'années voulu.

Je signale à ces députés que, dans le secteur privé, dont ils aiment bien parler, on n'a pas le choix entre participer au régime et s'en retirer. Les travailleurs doivent accepter tel quel le régime proposé, et leur participation est obligatoire pour garantir l'intégrité actuarielle. Le premier ministre a dit aux membres du tiers parti qu'ils pourront se retirer du régime, et effectivement, ils pourront le faire.

Nous réduisons le régime de rémunération global des députés. Nous donnons l'exemple en réduisant le coût du régime de pensions de 33 p. 100.

* * *

[Français]

LES RELATIONS OUVRIÈRES

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Travail. Les travailleurs de la minoterie Ogilvie de Montréal sont en grève depuis près de neuf mois maintenant, alors que de son côté, l'employeur s'amuse à utiliser des briseurs de grève, en toute impunité, d'ailleurs.

Considérant que la ministre a été élue au Québec, où l'interdiction d'embaucher des briseurs de grève a force de loi depuis près de 17 années maintenant, la ministre s'engage-t-elle à présenter un projet de loi antibriseurs de grève, et dans l'affirmative, dans quel délai?

(1130)

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je suis très sensible à la situation présente de la minoterie Ogilvie et de ses travailleurs. J'ose espérer qu'ils vont en arriver à une entente avec leur employeur.

Quant aux briseurs de grève, comme on le sait, mon prédécesseur l'a déjà dit en cette Chambre, nous étudions présentement la question. Nous regardons l'ensemble du Code canadien du travail et de quelle façon nous pouvons y apporter des améliorations. Entre autres, nous examinons présentement la question des travailleurs de remplacement. Nous sommes en consultation tant avec les organismes employeurs qu'avec les représentants des travailleurs sur la question.

Donc, il s'agit d'une question qui est présentement sous analyse et nous espérons pouvoir apporter une réponse satisfaisante aux préoccupations.

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, son collègue analyse le dossier depuis près de 15 mois et nous n'avons toujours rien aujourd'hui.

La ministre se rend-elle compte que les travailleurs de la minoterie Ogilvie ne peuvent se permettre qu'une nouvelle ministre reprenne le processus à zéro et qu'il lui faut procéder sans délai dans les prochains jours à régler ce dossier? Des délais, une date, c'est ce qu'on demande.

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je vais demander au député du Bloc québécois d'être quand même assez réaliste quand on me demande de régler la question dans les prochains jours. Oui, il s'agit d'une situation complexe. Il l'a mentionné et c'est vrai. Il y a des impacts en ce qui touche le Code canadien du travail. La situation à la minoterie Ogilvie est une situation de travail, mais il y en a partout, dans tout le Canada. On doit regarder les impacts sur les entreprises et sur les employeurs. Il est vrai qu'il s'agit d'une question complexe, et dans toute question complexe, on doit prendre le temps nécessaire d'apporter des bonnes solutions au problème présenté.

* * *

[Traduction]

LES PENSIONS DES DÉPUTÉS

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor.

Tout à l'heure, il a nié que le régime de pension des députés était beaucoup plus généreux qu'un régime de pension privé. Confirmera-t-il que ce régime contient les éléments suivants: un taux de prestations de 4 p. 100, soit le double du taux d'un très bon régime de pension privé; une protection totale contre l'inflation, ce qui n'existe pas dans le secteur privé; le versement de prestations complètes dès 55 ans, ce qui n'existe pas non plus dans le secteur privé; et, par-dessus tout cela, l'abaissement du taux des cotisations des députés qui passe de 11 à 9 p. 100, ce qui accroît le traitement réel des députés?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, le député parle de traitement réel comme si les députés obtenaient une augmentation de salaire. Pourtant, les réformistes auront un traitement réel nettement plus élevé puisqu'ils prévoient se retirer du régime.


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Il faut examiner la question dans le contexte de l'ensemble du système de rémunération. L'expert-conseil dont le gouvernement précédent avait retenu les services pour faire rapport sur la question des indemnités a déclaré que ce que reçoivent les députés est inférieur à ce qui est accordé dans le secteur privé.

Si nous replaçons les choses dans leur contexte et que, en plus, nous tenons compte de la diminution des pensions, il faut admettre que les députés subissent une perte de rémunération. Le chef du parti du député parlait d'un régime de pension de quatre à cinq fois plus généreux, mais maintenant, il ne parle plus que d'un régime deux fois plus généreux. Dans le secteur privé, il est très courant que des régimes supplémentaires aillent au-delà de ce qui est prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

Pour ce qui est de la protection contre l'inflation, les députés paient 1 p. 100 de leur traitement annuel pour l'obtenir et celle-ci ne joue même pas avant que les bénéficiaires soient arrivés vers la fin de la soixantaine.

Le régime n'est pas aussi généreux que voudraient le faire croire les réformistes. N'oublions pas que nous réduisons de 33 p. 100 les avantages offerts par le régime.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les réformistes subiront une réduction de leur revenu réel parce que nous, et les libéraux qui suivront notre exemple, nous occuperons nous-mêmes de notre revenu de retraite plutôt que de le faire payer par le gouvernement du Canada.

[Français]

Ma question supplémentaire s'adresse au même ministre. Comment le ministre peut-il demander aux Canadiens et Canadiennes de faire des sacrifices quand le gouvernement libéral lui-même se dote d'un régime de pensions doré qui est au moins trois fois plus généreux que ceux que l'on retrouve dans le secteur privé? Comment peut-il le justifier?

(1135)

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, apparemment, les réformistes sont incapables de s'entendre sur les chiffres. Ils passent de quatre à cinq, puis de deux à trois. Ils ne peuvent pas donner de chiffres exacts parce qu'ils n'en ont pas.

M. Harper (Calgary-Ouest): Quel est-il ce chiffre?

M. Eggleton: Le chiffre juste qui importe ici, c'est que le régime va être réduit de 33 p. 100. Il donne une indication de l'ampleur des compressions qu'il faut faire pour atteindre notre objectif, soit un déficit équivalent à 3 p. 100 du PIB.

* * *

[Français]

LA LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES ARMES À FEU

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ): Monsieur le Président, lundi dernier, le ministre de la Justice déclarait qu'il avait la certitude que la Loi sur l'enregistrement des armes à feu s'appliquerait partout au Canada, y compris dans les territoires autochtones.

S'il veut être pris au sérieux quand il affirme que la Loi sur l'enregistrement des armes à feu sera appliquée en territoires autochtones comme ailleurs, le ministre peut-il nous donner des preuves concrètes qu'il y a entente avec les groupes autochtones et que ses affirmations reposent effectivement sur quelque chose de sérieux?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons pas besoin, en tant que gouvernement, de contrats spéciaux avec les groupes ou individus autochtones. Notre pays n'a qu'une seule loi, y compris la loi concernant les armes à feu.

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ): Monsieur le Président, comment le ministre de la Justice peut-il faire preuve d'autant d'optimisme, quand on sait fort bien que même les recenseurs de Statistique Canada ne peuvent faire leur travail en territoires autochtones.

Comment le ministre peut-il faire croire qu'il sera plus facile de recenser les armes et leurs propriétaires que de recenser les citoyens, ce qu'on ne fait pas actuellement?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis optimiste de nature, je l'avoue, et j'ai découvert que c'est un atout dans le genre de travail que je fais.

Je puis assurer au député que le gouvernement a très bon espoir que, une fois promulguée, la Loi sur le contrôle des armes à feu sera non seulement efficace, mais encore respectée dans tout le pays.

* * *

L'IMMIGRATION

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais bien poursuivre avec les pensions, mais j'ai une question pour le ministre de l'Immigration. Elle découle d'une affaire traitée par son propre ministère.

Daljit Powar a agressé sa femme pendant des années. Il a fraudé le régime d'assurance-chômage et, depuis 1985, il s'est rendu coupable de deux voies de fait graves, dont une lorsqu'il était en liberté sous caution. Il a été frappé d'une ordonnance d'expulsion en 1986. Il a interjeté appel et a eu gain de cause. Il a violé les conditions. Il est accusé d'avoir trempé dans une affaire de drogue et d'avoir commis d'autres voies de fait, dont une fois sur son enfant. Enfin, il a été à nouveau frappé d'expulsion en 1989 et il a quitté le Canada, ce qui est bien.

Maintenant qu'on a finalement réussi à se débarrasser de cet individu, je voudrais savoir pourquoi la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a pris la décision de renverser l'ordonnance d'expulsion et de permettre à cet individu de rentrer au Canada.

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà


10004

signalé ici, il est difficile pour les parlementaires de parler de faits entourant une affaire dont des tribunaux sont saisis.

Il est ici question d'une affaire qui a été portée devant un tribunal quasi judiciaire indépendant. Nous ne discutons pas d'affaires dont des tribunaux sont saisis, et je ne crois pas que nous devrions entrer dans le détail d'une affaire qu'un tribunal instruit.

Qu'il me suffise de dire que je suis préoccupé, moi aussi, par un certain nombre d'affaires qui sont une cause de frustration et de consternation pour les Canadiens. C'est une des principales raisons pour lesquelles notre gouvernement a rapidement décidé d'essayer de corriger les caractéristiques systémiques qui sont source d'abus. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons présenté le projet de loi C-44.

Pourquoi les réformistes trouvent-ils un malin plaisir à parler de cas individuels, mais dénoncent un projet de loi qui vise à améliorer le système et à réduire le nombre même des cas qu'ils citent ici tous les jours?

(1140)

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le ministre m'a déjà dit ici que ce sont des cas isolés. J'en ai cité trois qui ont eu lieu dans ma propre circonscription. Où allons-nous parler de ces questions si ce n'est ici?

On cherche où faire des compressions budgétaires. Eh bien, on a ordonné à cet individu de rembourser les 4 000 $ de prestations d'assurance-chômage qu'il avait touchées pendant qu'il était en prison. Et on se demande quelles dépenses on devrait sabrer?

Cet homme n'a pas respecté les conditions qui lui avaient été imposées la dernière fois qu'il a réussi à faire renverser une ordonnance d'expulsion émise contre lui. Qui sera responsable lorsqu'il reviendra? Le ministre? La Commission du statut de réfugié? Ne serait-il pas plus logique, vraiment, que le ministre renverse la dernière décision et qu'on ne laisse pas cet individu rentrer au Canada?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je ne dis pas que nous ne devrions pas débattre ici de ces questions. Il y a une marge entre discuter des responsabilités que nous avons en tant que législateurs et parlementaires et s'ingérer dans les affaires de tribunaux indépendants.

Parlons de responsabilité. Le projet de loi C-44 autoriserait le gouvernement à empêcher des individus du genre de celui dont parle le député de rentrer au Canada. Il ne serait pas nécessaire de suivre un processus d'enquête pour les expulser. Le gouvernement pourrait mettre fin à une audience de la Commission du statut de réfugié et commander une enquête de l'Immigration. Le projet de loi permettrait à notre gouvernement d'interdire tout de suite et pour des raisons de sécurité nationale à des individus de faire une demande à la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié.

Je renverse la question: Qui fait preuve d'un manque de responsabilité en rejetant le projet de loi C-44 tout en se plaisant à citer des cas individuels?

[Français]

L'HÉPATITE C

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

La ministre affirmait, au printemps dernier, qu'elle attendait des recommandations de la Croix-Rouge avant de décider s'il y aurait des mesures pour retracer systématiquement les personnes qui ont contracté l'hépatite C avant 1992 suite à la transfusion d'un produit sanguin. Or, la Croix-Rouge a déjà fait parvenir ses recommandations.

Étant donné que la Croix-Rouge a déjà soumis ses recommandations, la ministre de la Santé peut-elle enfin nous indiquer si elle retracera de façon systématique les personnes atteintes de l'hépatite C avant que d'autres personnes ne soient contaminées?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà expliqué, en cette Chambre, le processus à suivre pour contacter les personnes concernées, comme l'honorable députée le demande.

Comme vous le savez, il y a des systèmes à plusieurs paliers et les responsabilités sont divisées entre plusieurs partenaires, tels les gouvernements provinciaux et les hôpitaux. Il y a plusieurs étapes à suivre et nous allons certainement travailler avec tous ceux qui sont impliqués pour assurer la meilleure intervention possible.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, est-ce que la ministre réalise qu'elle est en train de répéter dans le problème de l'hépatite C les mêmes erreurs qui ont été faites dans le cas du sang contaminé et que son incapacité à prendre des décisions risque fort d'entraîner de graves conséquences pour les personnes atteintes et leurs proches?

[Traduction]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je prends mes responsabilités de ministre extrêmement au sérieux.

Je travaille dur et collabore étroitement avec tous les intervenants afin de veiller à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité du système d'approvisionnement en sang et des produits sanguins. Je collabore également avec mes homologues provinciaux et de nombreuses autres personnes pour veiller à ce que tous ces gens prennent leurs responsabilités très au sérieux, comme je sais qu'ils le font.

J'aimerais que ma collègue d'en face se montre, elle même, plus responsable et cesse de propager des renseignements erronés et d'alarmer la population canadienne.

Nous avons des décisions très difficiles à prendre, et nous avons pris des mesures très difficiles. J'aimerais que nos vis-à-vis nous félicitent pour les nombreuses initiatives que nous avons déjà prises.


10005

(1145)

LA COLLINE DU PARLEMENT

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au porte-parole du Bureau de régie interne.

Tel que promis dans le budget de l'an dernier, le coût de fonctionnement de la colline du Parlement a été réduit de plusieurs millions de dollars. Le porte-parole peut-il nous dire quelles mesures le Bureau de régie interne compte prendre pour réduire le coût des services de restauration sur la colline du Parlement?

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'annoncer que le Bureau de régie interne a approuvé un plan opérationnel qui permettra à la Division des services de restauration d'économiser quelque 1,7 million de dollars par année.

On fermera trois cafétérias, qui seront remplacées par des services plus rentables. On réduira et redéploiera le personnel. On haussera les prix et on diversifiera les menus.

Cette initiative et les autres mesures prévues dans le plan Gagliano permettront aux contribuables canadiens d'économiser quelque 6 millions de dollars par année.

* * *

LES CHEMINS DE FER

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, la semaine prochaine, 35 000 cheminots pourront déclencher une grève légale. Le pays aura déjà assez de difficulté à se remettre d'un budget inadéquat qu'il ne sera pas en mesure de faire face à une interruption massive des services ferroviaires essentiels. Le comité d'orientation du Cabinet pour les questions économiques a déjà approuvé un projet de mesure législative interdisant le recours aux briseurs de grève.

La ministre du Travail s'opposera-t-elle à cette proposition? Refusera-t-elle de se ranger d'un côté ou de l'autre et trouvera-t-elle un moyen efficace et impartial de régler ce conflit en ayant recours, par exemple, à un mécanisme qui lie les parties, tel que l'arbitrage de l'offre finale?

[Français]

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, suite au dépôt du rapport du commissaire conciliateur et aux déclarations des parties, j'ai cru comprendre que celles-ci étaient prêtes à reprendre les négociations. Je pense que le député du Parti réformiste devrait réaliser que la meilleure chose qui puisse arriver est que les parties s'entendent face à un règlement négocié entre eux. Les parties sont très bien placées ensemble pour trouver une solution à leurs problèmes. Donc, n'envisageons pas la catastrophe avant qu'elle n'arrive.

Présentement, les parties sont très bien situées pour s'asseoir ensemble et essayer de voir quelle est la meilleure solution à apporter à leurs différends. J'exhorte les parties à s'asseoir à la table de négociations et à trouver cette solution, et j'ose espérer que c'est ce qu'ils feront.

[Traduction]

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, nous sommes tous d'accord pour dire que les parties doivent trouver une solution. La responsabilité de la ministre est de prévenir une catastrophe. La ministre a eu le temps de réfléchir pour voir si le gouvernement prendra des mesures afin d'empêcher l'interruption des services. L'heure fatidique approche.

La ministre affirmera-t-elle sans équivoque à la Chambre qu'il n'y aura pas de mesure législative interdisant le recours à des briseurs de grève, qu'elle n'appuiera pas une proposition qui causera des dommages irréparables à notre économie s'il y a effectivement une grève et qu'elle ne participera pas au lynchage qui aura lieu?

[Français]

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, il est nettement prématuré de parler de quelque législation que ce soit. Laissons faire les parties, qui sont les mieux habilitées à régler leurs différends ensemble.

* * *

LA CRÉATION D'EMPLOIS

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. Le dernier rapport du ministère de la sécurité du revenu du Québec fait encore état d'une hausse des prestataires de l'aide sociale, qui sont maintenant plus de 797 000. Par ailleurs, des mises à pied massives sont annoncées dans plusieurs secteurs ailleurs au Canada et, de toute évidence, le gouvernement se contente de se laisser porter par la reprise économique en matière de création d'emplois.

Compte tenu des hausses importantes de la clientèle de l'aide sociale, considérant que les résultats de création d'emplois sont bien en deçà des chiffres véhiculés par le premier ministre, le gouvernement réalise-t-il qu'il ne peut pas assister passivement à l'évolution de l'économie et qu'il lui faut mettre en place une politique active de l'emploi, afin de fournir ces emplois qui manquent si terriblement aux Canadiens et aux Québécois?

(1150)

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à rappeler à la députée que le gouvernement a bel et bien mis en place un programme très actif de création d'emplois dans son budget de l'an dernier. Cette initiative nous a permis d'afficher les meilleurs résultats à cet égard parmi les pays du G7, soit la création de plus de 433 000 emplois.

La députée devrait d'ailleurs le savoir, car le taux de chômage a diminué de près de 3 p. 100 depuis un an dans sa propre circonscription.

Je ne m'en estime nullement satisfait, car il reste encore beaucoup à faire. Voilà pourquoi nous aimerions bien qu'au lieu d'intervenir constamment pour défendre le statu quo, le Bloc québécois collabore à l'effort sérieux de réforme des programmes de formation et de création d'emplois que nous avons


10006

entrepris afin d'aider les Canadiens à se remettre au travail, car c'est de là que naîtront les emplois.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, il est important de savoir que de 1985 à 1988, au moment où on se sortait de la crise, il y a eu systématiquement, en moyenne, plus de 60 000 emplois de plus que ce que le gouvernement a fait, sans tenir compte de l'augmentation de la population. J'en viens tout naturellement à la conclusion que le gouvernement se fiche de l'emploi.

Comment le ministre peut-il expliquer que son gouvernement se sorte beaucoup moins bien de la crise économique que le précédent gouvernement ne l'avait fait au milieu des années 1980? Et va-t-il enfin mettre fin à l'attitude attentiste qui ne suffit plus?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, comme nous l'avons dit plusieurs fois à la Chambre, nous présenterons lundi un budget qui constituera de la part de notre gouvernement une réponse très décisive à la crise en général.

Si la députée examine ce qui s'est fait auparavant, elle verra que nos prédécesseurs ont notamment commis une erreur d'omission en n'affrontant pas la réalité économique. Ils n'ont pas pris les décisions qui s'imposaient pour stabiliser ou restructurer l'économie afin de nous donner les moyens de soutenir réellement la concurrence et de créer des emplois dans le contexte de la mondialisation de l'économie.

Nous avons entrepris des initiatives en matière de commerce international. Nous prenons des initiatives en matière de réforme sociale, et nous faisons de même en élaborant des programmes axés sur la petite entreprise. Cela montre bien qu'il ne s'agit pas simplement de réagir aux beaux discours, mais de nous astreindre à prendre les décisions difficiles qui s'imposent.

J'invite encore une fois la députée à se joindre à nous dans cette entreprise très importante.

* * *

LA SANTÉ

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, le pénitencier de Kingston est frappé par une épidémie de tuberculose. On signale que 25 p. 100 des détenus et six gardiens ont subi des tests de détection de la tuberculose qui se sont révélés positifs.

La présidente du Syndicat des employés du Solliciteur général, Lynn Ray, a dit que pareille crise n'aurait jamais dû se produire et que les autorités du pénitencier de Kingston étaient au courant depuis des mois des risques de recrudescence de la tuberculose.

Le solliciteur général pourrait-il expliquer pourquoi aucune mesure n'a été prise plus tôt pour éviter cette situation?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le Service correctionnel du Canada a adopté un train de mesures concrètes pour enrayer le problème. Il travaille en collaboration avec Santé Canada et d'autres autorités médicales et estime avoir la maîtrise de la situation à l'heure actuelle.

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, cette épidémie de tuberculose montre à quel point le système carcéral canadien est mal préparé pour faire face à des cas de contagion.

Le solliciteur général ne croit-il pas que le moment est peut-être venu d'envisager des tests de dépistage obligatoires, comme l'ont proposé des porte-parole des milieux correctionnels à Saskatoon?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ce serait toujours envisageable. À Kingston, il y a eu un programme de dépistage actif. En fait, jusqu'à maintenant, ceux qui ont obtenu des résultats positifs dans leurs tests n'ont pas, à proprement parler, développé la tuberculose. Les autorités pénitentiaires travaillent en étroite collaboration avec les représentants de Santé Canada pour s'assurer que personne ne contracte de tuberculose évolutive.

Je remercie la députée de l'intérêt qu'elle porte à cette importante question.

* * *

L'EMPLOI

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Il y a un an, le ministre a amorcé avec les provinces une série d'initiatives stratégiques dans tout le Canada pour mettre à l'essai de nouveaux moyens visant à remettre les Canadiens au travail.

Compte tenu des contraintes financières, les gouvernements et les Canadiens en général se tourneront plus souvent vers des solutions créatives et voudront s'assurer qu'elles donnent des résultats.

Le ministre pourrait-il faire rapport aujourd'hui sur les effets de ces initiatives de création d'emplois au Canada?

(1155)

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, cette question recoupe la question posée par la députée de Mercier. Nous avons négocié avec les provinces plus de 15 initiatives stratégiques différentes qui ont fourni à plus de 30 000 Canadiens des moyens innovateurs pour retourner au travail.

Par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, 2 000 personnes ayant un handicap mental sont maintenant réintégrées dans la collectivité et la population active. Dans la province du député, le Nouveau-Brunswick, nous avons pu fournir, par l'entremise d'un programme de création d'emplois du Nouveau-Brunswick, plus de 1 000 emplois à des travailleurs âgés.


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Je voudrais citer une lettre que m'a fait parvenir un homme travaillant dans un club de jeunes: «J'ai attendu 50 ans pour un emploi comme celui-ci. J'aime vraiment travailler avec les enfants. C'est la meilleure chose qui me soit arrivée. C'est un don du ciel.» Voilà le genre d'innovation qu'il nous faut pour remettre les gens au travail.

* * *

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Je suis sûre que le ministre de la Justice partage mes préoccupations au sujet de la violence faite aux femmes. Ce dont je suis moins sûre, toutefois, c'est si le ministre considère que le règlement de ce problème par la voie législative ou le financement de programmes est primordial et ne doit pas simplement être à la remorque d'autres considérations.

Certes, le ministre va proposer des modifications au Code criminel en ce qui concerne l'utilisation de l'état d'ébriété à titre de défense, mais je voudrais lui demander s'il reconnaîtra que ce n'est pas cet argument ni la consommation de drogues qui devraient être invoqués en guise de défense dans les procès de personnes accusées de violence envers les femmes, mais la violence elle-même.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis tout à fait d'accord avec la députée pour dire que la défense fondée sur l'état d'ébriété n'est qu'un aspect du défi que doivent relever le gouvernement et les Canadiens, à savoir traiter plus efficacement le problème de la violence faite aux femmes par les hommes.

En réponse à la question de la députée, je dirai que cette préoccupation touche presque tout ce que fait le ministère de la Justice relativement au système de justice pénale. Essayer d'évaluer et de prévoir les effets sur les femmes des lois que nous proposons, essayer de coordonner les efforts déployés avec les autres ministères et paliers de gouvernement pour fournir des services aux victimes de violence, essayer, par l'éducation et d'autres moyens sociaux proactifs, d'éliminer les causes de ces comportements violents, essayer d'améliorer l'éducation des jeunes adolescents et des garçons, pour qu'ils aient une meilleure opinion d'eux-mêmes et des membres de l'autre sexe. . .

* * *

[Français]

LA SOUVERAINETÉ CULTURELLE

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, la Conférence canadienne des Arts a affirmé avoir obtenu un document confidentiel qui émanerait de l'administration américaine et qui décrit une stratégie susceptible de nuire à la souveraineté culturelle du Canada et de certains autres pays.

La secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien peut-elle nous dire si le ministre a communiqué avec les autorités américaines et peut-elle nous indiquer l'origine de ce document?

[Traduction]

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je vais prendre cette question en note.

[Français]

On vous donnera une réponse le plus tôt possible.

* * *

[Traduction]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je me demande si le ministre de la Justice assume bien ses responsabilités. La semaine dernière, lorsqu'on lui a demandé en quoi un système national d'enregistrement des armes à feu réduirait la criminalité, il n'a pas pu ou n'a pas voulu répondre. Il s'est contenté de parler des bureaucrates et des organisations qui, selon lui, appuyaient ses mesures.

Ne lui incombe-t-il pas d'expliquer comment l'enregistrement des armes à feu va améliorer la sécurité publique et réduire le nombre de crimes violents? N'est-ce pas là sa responsabilité?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir dû répondre à une question sur la violence faite aux femmes tout juste avant qu'on m'interroge sur l'utilité d'un système d'enregistrement des armes à feu, car ces deux questions sont liées.

Le député n'a qu'à se reporter aux discours que j'ai prononcés sur la question à la Chambre, pas plus tard que la semaine dernière, pour voir le lien direct et démontrable qui existe entre l'enregistrement des armes à feu et la réduction de la violence, surtout la violence faite aux femmes.

* * *

LE TOURISME

M. Derek Wells (South Shore, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie.

Il y a des comités actifs du tourisme dans la circonscription de South Shore que je représente, en Nouvelle-Écosse. Ils souhaitent être mis au courant des progrès réalisés dans les travaux de la Commission canadienne du tourisme. Ils veulent savoir comment la commission va les aider à promouvoir le tourisme.

(1200)

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de sa question extrêmement importante.

Les députés ne sont pas sans savoir que c'est là un secteur où nous n'avons pas seulement maintenu notre budget, mais où nous

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l'avons accru, parce que nous croyons que, en encourageant le tourisme, nous pourrons donner rapidement de l'emploi à beaucoup de Canadiens.

Pour faciliter les choses, le premier ministre a annoncé, au début du mois de janvier, la création de la Commission canadienne du tourisme. Pour sa part, le ministre de l'Industrie a fait connaître, le 1er février, le nom de toutes les personnes nommées à cette commission qui reçoit maintenant des propositions de sociétés de tourisme du secteur privé.

La commission va examiner les plans de commercialisation que proposera le secteur privé et voir les sommes qu'on entend y consacrer. Elle contribuera ensuite à la réalisation de ces projets en versant une somme équivalente. On peut espérer que, grâce à cette forme de coentreprise et de promotion de l'investissement, nous pourrons. . .

Le Président: Je donne la parole au député de Nanaïmo-Cowichan pour une question.

* * *

L'ÉDUCATION

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, chaque année, le gouvernement fédéral accorde aux ministères provinciaux de l'éducation des millions de dollars pour subventionner des cours de français.

Or, des conseils scolaires utilisent une bonne partie de cet argent comme source de recettes générales au lieu de le consacrer aux études en langue française. Par exemple, selon un récent rapport du conseil scolaire de Carleton, le revenu provenant de ces subventions soutient l'ensemble du régime et n'est pas directement affecté au programme d'immersion.

Est-ce que le ministre du Patrimoine canadien ou sa secrétaire d'État peut expliquer pourquoi son gouvernement permet que des conseils scolaires d'un peu partout au Canada utilisent des fonds destinés à des programmes d'immersion en français pour payer leurs frais généraux d'administration?

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, il faudra que je prenne cette question en délibéré.

* * *

[Français]

LES SERVICES DE GARDERIE

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le livre rouge du gouvernement libéral promettait la création de 150 nouvelles places en garderie dès que la croissance économique aurait dépassé 3 p. 100, soit 50 000 places en garderie par année, engagement réitéré par le ministre du Développement des ressources humaines dans sa réforme. En février dernier, le ministre des Finances prévoyait une enveloppe de 120 millions de dollars pour 1995-1996 et une autre de 240 millions pour 1996 et 1997 afin de financer ces nouvelles places en garderie.

Compte tenu que tout indique que le taux de croissance économique est supérieur à 3 p. 100 cette année, le gouvernement a-t-il toujours l'intention de donner suite à son engagement, tout en respectant la responsabilité actuelle des provinces en matière de garderie?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, nous avons déjà entrepris des discussions avec les provinces.

Mon sous-ministre a rencontré ses homologues en janvier. Nous espérons tenir une réunion de rappel au printemps. Nous avons également entamé des négociations directement avec les représentants des peuples des premières nations pour leur offrir 6 000 places.

Il s'agit simplement de travailler avec la collaboration tant des autochtones que des autorités provinciales.

_____________________________________________


10008

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LA SANTÉ

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 32(2) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport provisoire de la Commission d'enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada établi par le juge Horace Krever.

* * *

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

Le vice-président: Conformément à l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le compte rendu de la réunion du Comité permanent de la conférence des présidents de séance du Commonwealth, qui s'est tenue du 5 au 7 janvier 1995 à Kuala Lumpur, en Malaisie.

[Français]

M. Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Mercredi dernier, j'ai indiqué en cette Chambre que le Bureau de régie interne avait approuvé l'achat de dix trousses concernant le projet de loi C-68 pour les parlementaires. En réalité, la quantité est de cinq copies par parlementaire, tel qu'approuvé par la Régie interne.

* * *

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

FINANCES

M. Jim Peterson (Willowdale, Lib.): Monsieur le Président, au nom des députés de tous les partis qui ont participé activement aux travaux du Comité des finances, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre le douzième rapport de ce comité.


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[Français]

Il s'agit des fiducies familiales.

(1205)

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, permettez-moi de mentionner que certains de mes collègues du Comité des finances ont participé aux séances du Comité et tiennent à remercier tous les groupes et experts qui sont venus témoigner lors des séances de ce Comité. Mais, comme ils sont absents aujourd'hui pour des raisons professionnelles dans leur comté, je présenterai donc l'opinion dissidente de notre parti.

Après plusieurs essais pour tenter d'obtenir un consensus, le Bloc québécois s'est vu obligé de rejeter le rapport majoritaire déposé par le Comité des finances.

L'opposition officielle n'est pas contre le principe même des fiducies familiales. Toutefois, le Bloc québécois ne peut endosser les conclusions du Comité qui prône le maintien du projet de loi C-92 permettant l'utilisation des fiducies familiales à des fins d'évitement fiscal par les grandes familles canadiennes. Selon des experts qui sont venus témoigner devant le Comité, le manque à gagner en impôt à cause du projet de loi C-92 se chiffrerait à plusieurs centaines de millions de dollars.

Le Bloc québécois se surprend aussi de la volte-face complète du Parti libéral du Canada qui dénonçait vivement le projet de loi C-92 lorsqu'il était dans l'opposition. Aujourd'hui, par le dépôt de ce rapport, les libéraux sanctionnent le report, pour des décennies, de l'impôt sur le gain en capital, refusant ainsi de mettre fin aux privilèges fiscaux des mieux nantis.

Je terminerai en disant que pour ces raisons, le Bloc québécois, dans son opinion dissidente, réclame que soit modifié le régime des fiducies familiales pour que soient imposés les gains en capital de ces fiducies familiales.

* * *

LA LOI SUR LES EXPLOSIFS

L'hon. Allan Rock (au nom de la ministre des Ressources naturelles, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-71, intitulé Loi modifiant la Loi sur les explosifs.

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-72, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire).

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

[Français]

LA LOI SUR LES OPÉRATIONS DE ADM AGRI-INDUSTRIES LTD.

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-310, intitulé Loi portant reprise des opérations de Archer Daniel Midland Ltd.

-Monsieur le Président, j'aurais voulu donner quelques brefs détails sur ce projet de loi.

Il y a un conflit de travail entre ADM Agri-Industries Ltd. et le Syndicat national des employés des minoteries Ogilvie Limitée affectant environ 150 employés de production. Les parties négocient le renouvellement de la convention collective qui a expiré le 31 janvier 1992.

Un conciliateur puis par la suite un médiateur ont été nommés afin d'aider les parties à régler leur différend. Malheureusement, peu de progrès ont été réalisés jusqu'à ce jour. Le syndicat a déclenché une grève générale légale le 6 juin 1994. La grève, commencée il y a huit mois, perdure. L'employeur a continué ses activités avec l'aide de travailleurs de remplacement.

(1210)

Je propose donc un projet de loi prévoyant la nomination d'un arbitre pour régler le différend, et dans les trente jours ou dans un délai supérieur accordé par la ministre, l'arbitre devrait déterminer les questions sur lesquelles les parties en viennent à un accord, rendre une décision arbitrale sur les questions en litige et déterminer un mémoire d'entente de retour au travail.

Le projet de loi contient des dispositions obligeant les parties à se soumettre au mémoire d'entente de retour au travail et à la reprise des opérations. Il prévoit également des sanctions sous forme d'amendes, en cas de contravention à la loi. La loi entrera en vigueur le lendemain de sa sanction.

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu une première fois et imprimé.)

* * *

[Traduction]

LOI SUR LES MESURES DE RÉTORSION AUX RESTRICTIONS DES ÉTATS-UNIS ÀL'IMPORTATION DU SUCRE

M. Paul Zed (Fundy-Royal, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-311, Loi obligeant le ministre du Commerce international à prendre des mesures de rétorsion aux restrictions imposées par les États-Unis d'Amérique à l'importation de sucre raffiné et de produits composés de sucre.

-Monsieur le Président, le titre abrégé de cette loi est Loi sur les mesures de rétorsion aux restrictions des États-Unis à l'importation du sucre.


10010

En 1994, le Canada, les États-Unis et plus d'une centaine de pays ont ratifié le nouvel accord du GATT qui vise à réduire les barrières tarifaires et à accroître graduellement les échanges commerciaux. Or, en dépit de la libéralisation du commerce mondial, les États-Unis ont conservé leur programme protectionniste de prix élevés du sucre et ont restreint encore davantage l'accès du Canada au marché américain du sucre et des produits composés de sucre.

Le 1er janvier 1995, les exportations canadiennes de sucre raffiné et de produits composés de sucre ont été réduites de force à presque rien. L'industrie du sucre estime que cette mesure fera diminuer ses exportations de 90 millions de dollars et entraînera la perte de nombreux emplois dans les industries canadiennes du raffinement du sucre et de la transformation alimentaire.

Les importations canadiennes en provenance des États-Unis ne sont assujetties à aucune restriction et continuent d'augmenter à mesure que diminuent, conformément à l'ALENA, les tarifs canadiens sur le sucre et les produits composés de sucre en provenance de ce pays.

Ce libre-échange à sens unique entraînera la perte de millions de dollars en revenus et d'innombrables emplois ainsi que le déménagement aux États-Unis d'usines de fabrication de produits composés de sucre.

En terminant, je signale que le premier ministre a déclaré hier que les États-Unis sont notre meilleur ami, que cela nous plaise ou non. Réglons donc rapidement ce problème à l'amiable.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

[Français]

LA LOI SUR LES OPÉRATIONS DE ADM AGRI-INDUSTRIES LTD.

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-312, intitulé Loi portant reprise des opérations à la compagnie ADM Agri-Industries Ltd.

-Monsieur le Président, j'aimerais également déposer un projet de loi devant cette Chambre portant sur la reprise des opérations de la compagnie ADM Agri-Industries Ltd. Comme on l'a déjà dit, les employés de la compagnie sont en renégociation de leur convention collective, laquelle a expiré le 31 janvier 1992. Une grève perdure depuis déjà huit mois.

Malgré le fait que même des conciliateurs et des médiateurs aient tenté de régler cette grève, celle-ci perdure et l'employeur continue ses activités avec l'aide de travailleurs indépendants de remplacement. Alors, je propose ce projet de loi qui prévoit la nomination d'un médiateur arbitre pour régler ce conlit et les employés retourneront au travail selon les dispositions d'un mémoire d'entente, déterminé par ce même médiateur arbitre.

Le projet de loi contient des dispositions obligeant les deux parties à se soumettre au mémoire d'entente et à essayer de régler le conflit qui existe. ll prévoit aussi des sanctions sous forme d'amendes en cas de contravention à la loi.

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

(1215)

LA LOI SUR LES OPÉRATIONS DE ADM AGRI-INDUSTRIES LTD.

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-313 intitulé Loi prévoyant la reprise et le maintien des opérations à ADM Agri-Industries Ltd.

-Monsieur le Président, je veux présenter un projet de loi prévoyant la reprise et le maintien des opérations à ADM Agri-Industries Ltd. communément appelé les minoteries Ogilvie.

Comme vous le savez, il y a quand même 150 employés en grève depuis 8 mois. Nous voulons, par ce projet de loi, obliger les deux parties à négocier et à retourner au travail. Une des deux parties aurait à choisir les conditions de travail à l'intérieur de ce plan. De nombreuses personnes ayant des enfants à leur charge sont en grève présentement, alors qu'ils doivent gagner leur pain. Ce projet de loi devrait régler ces problèmes.

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LE LOGEMENT SOCIAL

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais déposer en cette Chambre une pétition d'une quarantaine de signatures qui s'ajoute à une autre d'environ 15 500 noms que j'ai fait acheminer directement au bureau du ministre responsable du logement social ce matin.

Les pétitions sont signées par des locataires de logements sociaux venant d'un peu partout au Québec. Elles m'ont été remises par la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec et par le Comité des citoyens de Saint-Sauveur, au Québec. Cette pétition englobe 500 signatures de citoyens de Saint-Hyacinthe qui m'ont été référés par mon collègue, le député de Saint-Hyacinthe-Bagot.

Les pétitionnaires veulent attirer l'attention du Parlement sur la situation précaire dans laquelle ils vivent présentement et leur impossibilité d'assumer une hausse de loyer de 20 p. 100, telle qu'envisagée par le gouvernement. L'augmentation touchera 110 000 ménages québécois habitant des logements sociaux, dont le revenu annuel moyen est de 10 000 $. Cela signifie pour eux une hausse de loyer de 500 $ par année, ce qui est tout à fait inacceptable.

Les pétitionnaires prient donc le Parlement de renoncer à toute mesure d'économie qui aurait pour effet d'appauvrir les locataires.

J'appuie entièrement et sans réserve cette pétition et j'exhorte le gouvernement à y donner suite.


10011

[Traduction]

LA JUSTICE

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais maintenant présenter à la Chambre la pétition no 15 au nom d'habitants de ma circonscription qui ne veulent pas que Robert Paul Thompson obtienne une libération anticipée.

L'audience de libération conditionnelle doit avoir lieu le 11 avril. Ma collègue, la députée de Surrey-White Rock-South Langley, assistera avec moi à cette audience.

Les pétitionnaires que je représente veulent que l'on rende les rues plus sûres. Ils s'opposent à la pratique actuelle qui veut qu'on libère par anticipation des délinquants violents qui n'ont pas fini de purger leur peine.

Les pétitionnaires demandent que l'on rende les rues plus sûres pour les citoyens respectueux des lois et les familles des victimes de meurtre.

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter aujourd'hui à la Chambre trois pétitions.

La première pétition est signée par 150 habitants de ma circonscription qui demandent au Parlement de réduire les dépenses publiques au lieu d'augmenter les impôts.

La deuxième pétition est signée par 55 habitants de ma circonscription. Les pétitionnaires demandent au Parlement de réduire les dépenses publiques au lieu d'augmenter les impôts et d'adopter une loi sur la protection des contribuables pour limiter les dépenses du gouvernement fédéral.

(1220)

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, la troisième pétition est signée par des électeurs de ma circonscription qui prient le Parlement de s'opposer à toute modification à la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à la Charte canadienne des droits et libertés pour y inclure l'expression non définie «orientation sexuelle».

[Français]

LES DÉLITS D'ORDRE SEXUEL

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter cinq pétitions au nom des résidants de Carleton-Gloucester.

[Traduction]

La première pétition est signée par 60 électeurs de ma circonscription et a trait à la décision de la Cour suprême du Canada de libérer un alcoolique ayant violé une vieille dame handicapée.

Les pétitionnaires prient le Parlement d'adopter une loi portant révision de la décision de la Cour suprême, no du greffe 23435, rendue le 30 septembre 1994, et d'adopter une loi qui soit de nature à remédier à la situation qui découle de cette décision.

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, ma deuxième pétition est signée par 40 électeurs de ma circonscription. Les pétitionnaires demandent au Parlement de modifier le Code criminel afin d'accorder aux enfants à naître la protection dont jouissent les autres êtres humains.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, la troisième pétition porte 149 signatures. Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier le Code canadien des droits de la personne, ni la Loi canadienne sur les droits de la personne, ni la Charte des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions signées par 71 électeurs. Les pétitionnaires prient le Parlement de faire appliquer les dispositions actuelles du Code criminel du Canada qui interdisent le suicide assisté et de n'apporter à la loi aucune modification qui aurait pour effet d'approuver ou d'autoriser le suicide assisté ou l'euthanasie active ou passive.

[Français]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Finalement, monsieur le Président, la dernière pétition a été signée par 25 de mes commettants et demande que le Parlement révise la Loi sur les jeunes contrevenants afin de permettre que les cours agissent plus sévèrement envers ceux trouvés coupables de crimes commis avec violence.

[Traduction]

LA FISCALITÉ

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter trois pétitions au nom des habitants de ma circonscription, Okanagan-Similkameen-Merritt.

La première comporte 73 signatures. Les pétitionnaires demandent au Parlement de s'opposer à toute tentative en vue de modifier notre capacité de nous assurer une retraite sûre au moyen de l'imposition de biens ou de revenus provenant de REER et de régimes de pension.

La deuxième et la troisième pétitions, qui comportent un total de 225 signatures, portent sur le même sujet. Les pétitionnaires demandent au Parlement de réduire le déficit fédéral en réduisant les dépenses publiques et de s'abstenir d'augmenter les impôts.

Je suis d'accord avec les pétitionnaires.


10012

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter, au nom de 120 habitants de Saanich-Les Îles-du-Golfe et de la région avoisinante, une pétition dûment certifiée par le greffier des pétitions.

Les pétitionnaires demandent humblement qu'il plaise au Parlement de réduire les dépenses plutôt que d'augmenter les impôts et de mettre en oeuvre une mesure législative afin de protéger les contribuables et de limiter les dépenses du gouvernement fédéral.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition au nom de certains habitants de Simcoe-Centre. Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y insérant l'expression «orientation sexuelle».

Les pétitionnaires craignent qu'une telle insertion ne donne l'impression que la société approuve le comportement homosexuel. Ils sont d'avis que le gouvernement ne devrait pas légitimer ce type de comportement contre la volonté de la majorité.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, nous répondons aujourd'hui aux questions nos 104 et 110.

[Texte]

Question no 104-M. Hermanson:

Fait-on ou a-t-on déjà fait la vérification des comptes de la Commission canadienne du blé et, dans l'affirmative, a) par qui cette vérification a-t-elle été faite, b) le public a-t-il accès à ces vérifications, c) combien d'argent les gouvernements étrangers doivent-ils à la Commission canadienne du blé et d) quelle partie de cette dette a été radiée parce que jugée impossible à percevoir?
L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): a) Les comptes de la Commission canadienne du blé (CCB) sont vérifiés par un vérificateur externe indépendant, la firme de comptables agréés Deloitte & Touche. De plus, la direction de la CCB est chargée d'appliquer des contrôles internes rigoureux et de suivre des politiques et des procédures officielles pour assurer l'intégrité ainsi que la fiabilité des rapports comptables et financiers, Elle ne cesse d'évaluer les politiques et les procédures pour s'assurer qu'elles répondent au besoins de la CCB et se conforment aux normes comptables canadiennes actuelles. Une division de vérification interne indépendante évalue l'efficacité des contrôles internes et recommande des améliorations au besoin.

b) Les résultats de la vérification sont publiés chaque année dans le rapport annuel de la CCB qui est déposé au Parlement et accessible au public.

c) Au 30 septembre 1994, les comptes débiteurs des clients étrangers envers la CCB totalisaient 6,901 milliards de dollars.

d) La CCB n'a pas radié les comptes débiteurs des gouvernements étrangers. Le gouvernement canadien a toutefois consenti, avec d'autres pays créanciers, à mettre en oeuvre des projets multilatéraux d'allégement de la dette (Club de Paris) à l'intention de la Pologne et de l'Égypte. Les projets d'allégement à l'égard de la Zambie et de l'Éthiopie ont été beaucoup moins généreux. Le projet à l'intention de la Pologne visait à l'aider à faire la transition vers un État démocratique en quête de réformes adaptées aux marchés. L'entente signée avec l'Égypte visait à lui permettre de se remettre des séquelles de la guerre du Golfe. En aucun cas l'allégement a-t-il été consenti parce que la créance était jugée irrécouvrable.

Près de 522 millions de dollars seront puisés, au cours du présent exercice financier, sur les provisions du gouvernement du Canada pour les éventualités, créées en 1990. D'autres prélèvements seront effectués au cours de l'exercice 1995-1996 pour compléter les projets d'allégement à l'égard de la Pologne et de l'Égypte.

La dette de la Pologne envers les organismes gouvernementaux canadiens a été réduite d'environ 216 millions de dollars. Cet exercice permettra de réduire la dette de l'Égypte de 279 millions de dollars. Ces deux pays remboursent ponctuellement le reste de leur dette.

Question no 110-Mme Beaumier:

Concernant les rapports fournis par certaines organisations non gouvernementales voulant que les réfugiés vietnamiens internés dans des camps de l'Asie du Sud-Est sont soumis à un traitement inhumain par les pays d'accueil, a) est-ce que le gouvernement fait enquête sur ces rapports et b) quelles mesures le gouvernement entend-il prendre au sujet de ces violations présumées des droits de la personne?
L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Le rapport d'ONG cité par la députée dans cette question est celui d'Aministie internationale sur la protection des demandeurs d'asile (Al Index ASA 19/WU 03/94).

Le gouvernement était au fait des accusations concernant les violations des droits de la personne dans les camps de réfugiés de Hong Kong, mais il ne connaissait pas le rapport en question avant que la députée ne formule sa question.

Le Canada, défenseur enthousiaste du Plan d'action global pour les réfugiés indochinois, reconnaît que les non-réfugiés devraient retourner dans leur pays d'origine. En outre, le groupe dont il est question ne s'est pas vu reconnaître le statut de réfugié. En revanche, le gouvernement du Canada préconise que ces personnes soient rapatriées par des moyens aussi sûrs et humains que possible.

Le Canada reconnaît que la protection des réfugiés et des demandeurs d'asile relève du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et continuera de collaborer avec ce dernier en vue d'assurer l'application fructueuse du Plan d'action global.


10013

[Traduction]

Le vice-président: On a répondu aux questions énumérées par le secrétaire parlementaire.

* * *

QUESTIONS MARQUÉES D'UN ASTÉRISQUE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, auriez-vous l'obligeance d'appeler la question no 86 marquée d'un astérisque?

[Texte]

*Question no 86-M. Deshaies:

En ce qui concerne les marchés de services, d'approvisionnement et de locations accordés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, a) combien y en a-t-il eu d'accordés depuis le 25 octobre 1993 à ce jour, en Abitibi, b) pour quels montants, c) et à qui?
L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, Lib.): Les renseignements requis ne sont pas disponibles dans un document existant et ils ne peuvent être produits dans le cadre des opérations quotidiennes du ministère. Les banques de données, manuelles et électroniques, des quatre organisations distinctes qui existaient avant la fusion et qui ont donné lieu au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, n'ont pas encore été intégrées ou mises à jour. Pour compiler toutes les informations disponibles sur les activités contractuelles de tout le ministère, il nous faudrait procéder à une recherche approfondie dans les nombreux secteurs du ministère et dans ses multiples banques de données.

Le ministère ne dispose pas, à l'heure actuelle, des moyens nécessaires pour produire, dans le cadre de ses activités quotidiennes, des données statistiques précises sur toutes ses activités contractuelles en fonction du découpage de la carte électorale.

Le ministère étudie, toutefois, diverses options qui lui permettraient de regrouper ses banques de données.

Dans la recherche d'une méthode alternative pour fournir aux députés des données sur les marchés, nous avons entrepris de leur faciliter l'accès au Service des invitations ouvertes à soumissionner (SIOS). Le SIOS, un babillard électronique dont l'utilisation est défrayée par les usagers, affiche les projets de marchés publics, les préavis d'adjudication de marchés à un fournisseur unique, de même que les avis d'attribution de marchés. Le SIOS offre également à ses abonnés une base de données sur les marchés adjugés, leur permettant de se renseigner sur les marchés attribués et de savoir qui a obtenu un contrat et à quel prix.

De plus, le périodique Marchés publics, qui est publié trois fois par semaine par TPSGC, contient la même information sur les marchés publics fédéraux. Le périodique Marchés publics est mis gratuitement à la disposition des députés en vertu du Programme du service de dépôt.

Veuillez noter que les renseignements demandés pour toute la province du Québec sont disponibles dans la réponse à la question Q-93 déposée aujourd'hui.

[Traduction]

M. Milliken: Étant donné la longueur de la réponse, je demande qu'elle soit imprimée dans le hansard comme si elle avait été lue.

* * *

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si les questions nos 21, 85, 93 et 124 pouvaient être transformées en ordres de dépôt de document, ces documents seraient déposés immédiatement.

En ce qui concerne la question no 21, je voudrais dire que cela fait très longtemps qu'elle est au Feuilleton. Je suis heureux d'annoncer que la réponse est prête. Je sais que le député la trouvera certainement merveilleuse.

(1225)

En ce qui concerne la question no 93, cela fait plusieurs jours que le député de Québec-Est nous rebat les oreilles avec ses pleurnicheries. Je suis heureux de déposer la réponse à cette question. Il s'agit de la version française. La version anglaise est tout aussi épaisse. Je ne dépose qu'une version à la Chambre pour éviter d'avoir six caisses avec moi, ici.

Le député dit qu'il attend depuis longtemps. Il a raison. Cependant, il a fallu que le ministère réunisse méticuleusement plus de 1 000 pages de documents. Lorsque je lui ai dit, l'autre jour, que des fonctionnaires travaillaient là-dessus, j'avais raison, et il verra que c'était vrai. Je lui souhaite une bonne fin de semaine de lecture.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre que les questions nos 21, 85, 93 et 124 soient transformées en ordres de dépôt de documents?

Des voix: D'accord.

[Texte]

Question no 21-M. Harper:

Sur quelles directives ministérielles le ministre des Transports s'appuie-t-il pour accorder une route aérienne spécifique à un transporteur aérien canadien spécifique?
(Le document est déposé.)

Question no 85-M. Cummins:

Concernant MM. Paul LeBlond, Joe Scimger, Dick Routledge et David Brander-Smith (membres d'une commission chargée de mener un examen indépendant des mesures de gestion et d'application des règlements pour le fleuve Fraser), a) de quels comités consultatifs ministériels (y compris la Commission du saumon du Pacifique) ces personnes font-elles partie, ou ont-elles fait partie, depuis 1980, b) à quels travaux, études, rapports ou autres ces personnes, leur entreprise ou leurs départements universitaires ont-ils participé ou participent-ils actuellement depuis 1980, au nom de ministères et d'organismes fédéraux (y compris la Commission du saumon du Pacifique), c) quelles présentations ou propositions ces personnes, leur entreprise ou leurs départements universitaires ont-ils soumis en 1993 ou en 1994 à des ministères et organismes fédéraux (y compris la Commission du saumon du Pacifique), et quelles sont-celles qui ont été approuvées, rejetées, reportées ou non encore examinées, d) à combien s'élèvent les sommes que ces personnes, leur entre-
10014

prise ou leurs départements universitaires ont reçues, depuis 1980, des ministères et organismes fédéraux (y compris la Commission du saumon du Pacifique), e) quelle rémunération ces personnes recevront-elles pour leur participation à la Commission indépendante d'examen?
(Le document est déposé.)

Question no 93-M. Marchand:

Quels ont été les marchés de services, d'approvisionnement et de location accordés par le ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux depuis le 25 octobre 1993 dans tous les comtés fédéraux du Québec et quelles sont les propriétés du gouvernement fédéral situées dans ces mêmes comtés?
(Le document est déposé.)

Question no 124-M. Hermanson:

En ce qui concerne les bureaux régionaux des ministres, pour chaque année depuis 1988, a) quel est le nombre de bureaux régionaux, b) où sont-ils situés et c) pour chaque bureau i) quelle en était la date d'ouverture, ii) la date de fermeture (le cas échéant), iii) combien de personnes sont/étaient employées par chaque bureau, iv) quel est/était le budget de chaque bureau, v) quel pourcentage de ce budget a été dépensé, vi) dans quel pourcentage ces fonds ont-ils été dépensés pour l'administration, les salaires, les coûts d'immobilisations, les contrats de service et l'accueil, et vii) en application de quelles directives ces dépenses ont-elles été faites?
(Le document est déposé.)

[Traduction]

M. Milliken: Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

Le vice-président: Les autres questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


10014

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel, soit lu pour la troisième fois et adopté.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'interviens à nouveau pour contester le projet de loi à l'étude, le projet de loi C-37.

C'est avec regret que je constate que le gouvernement s'entête à vouloir faire adopter un autre projet de loi porteur d'une politique sociale à l'encontre des désirs et de la réalité des Québécoises et Québécois et à l'encontre des intérêts de la population canadienne.

Dans ce domaine, comme dans de nombreux autres, au Québec, on ne voit pas et on ne vit pas la problématique de la délinquance juvénile du même oeil que le Canada anglais. Au Québec, comme je l'avais d'ailleurs déjà mentionné il y a huit mois, le taux de délinquance est le deuxième plus faible au Canada après l'Île-du-Prince-Édouard. Au Québec, le taux d'utilisation des mesures de garde pour les jeunes contrevenants est le plus bas au Canada.

Quand on fait le lien entre ces deux états de fait, on en conclut qu'il n'existe donc aucune corrélation entre une utilisation plus systématique et plus prolongée de la mise sous garde, comme le propose le projet de loi, et le taux de criminalité juvénile. Voilà ce qu'on a constaté au Québec.

Au Québec, on croit que les véritables problèmes inhérents au traitement judiciaire des jeunes contrevenants proviennent des délais trop longs avant les sentences et aussi du fait que le taux de résolution des problèmes de criminalité plafonne à 29 p. 100. Dans 71 p. 100 des cas, les jeunes peuvent donc penser qu'ils peuvent recommencer en toute impunité.

Au Québec, on croit aussi qu'il faut d'abord et avant tout s'attaquer aux causes sociales de la violence. On croit qu'il faut éliminer la pauvreté des femmes et de leurs enfants. Au Québec, on croit qu'il faut faciliter aux femmes et à leurs enfants l'accès à des maisons d'hébergement pour échapper à la violence familiale. Au Québec, on croit qu'il faut améliorer l'accès aux logements sociaux, afin de fournir aux jeunes un milieu sain. Au Québec, c'est ça la solution qui fait consensus.

De ces observations, il découle fort naturellement que la société québécoise s'oppose à tout changement à la loi actuelle, puisque cette dernière considère que la loi actuelle permet, en l'appliquant avec intelligence, de parvenir à des résultats variables et adaptés à la situation. Ce n'est malheureusement pas la solution québécoise que le gouvernement fédéral veut nous imposer. La solution miracle qu'on veut nous faire accepter, c'est la méthode dure.

Ce gouvernement n'a aucune uniformité d'action ou de direction. D'un côté, on ne se gêne pas pour renier certaines promesses électorales, comme celle de ne pas réduire les transferts aux provinces, transferts qui, on s'en rappellera, contribuent à améliorer les conditions de vie des plus démunis, dont les femmes et les enfants. D'un autre côté, on s'entête à tenir d'autres promesses électorales, les plus démagogues.

Comment concilier les déclarations du ministre à l'effet qu'il n'y a pas eu au Canada de hausse dans les crimes violents et le projet de loi C-37? La réponse est simple: ce projet de loi entre aisément dans la deuxième catégorie de promesses électorales, celles qu'on se doit de tenir si on veut garder son niveau de popularité dans les sondages.

C'est une honte et il faut que cette soi-disant politique sociale soit dénoncée pour ce qu'elle est: une promesse électorale fondée, non pas sur la réalité, mais sur des mythes, une promesse électorale éminemment nocive pour ceux et celles qu'elle affectera et enfin, une promesse électorale à saveur d'extrême droite.


10015

(1230)

Nous dénonçons cette tentative malhabile du gouvernement de se faire du capital politique sur le dos des mineurs. Ce n'est pas là la méthode québécoise. Il faut dénoncer l'objectif visé, il faut dénoncer l'approche adoptée, il faut dénoncer les résultats probables.

En effet, on sait que l'augmentation des peines et l'incarcération des contrevenants dans les prisons pour adultes sont des solutions de facilité qui donnent plus de chance à l'exploitation homosexuelle des jeunes qu'à la réhabilitation et à la formation des citoyens responsables. On sait également que le temps de mise sous garde n'est pas un facteur de traitement et de réinsertion sociale, et que cinq ans sont simplement suffisants, le temps ne s'écoulant pas de la même façon pour un jeune que pour une personne d'âge mûr.

Deux expériences tentées aux États-Unis, et qui étaient semblables à celles proposées par le ministre de la Justice, se sont d'ailleurs révélées négatives.

J'aimerais maintenant parler de la position des victimes qu'on dit vouloir aider grâce aux modifications à la loi: les femmes. J'ai déjà souligné que plusieurs groupes de femmes n'appuient pas les amendements proposés.

Dans les six mois qui se sont écoulés, depuis la deuxième lecture de ce projet de loi, on n'a toujours pas réussi à convaincre les femmes que les changements proposés contribueront à réduire la violence contre les femmes. Ces dernières savent bien que les jeunes garçons, qui constituent la vaste majorité des accusés touchés par la loi, ne posent aucune menace aux femmes, alors que la législation est présentée en partie comme un moyen de réduire la violence envers elles. On se rappellera des résultats de la vaste enquête de Statistique Canada sur la violence envers les femmes, publiée en novembre 1993. On y apprenait qu'une femme sur deux est victime de violence et que, dans les très grande majorité des cas, l'agresseur était une personne connue de la victime.

Quand on parle de l'agresseur, on parle du conjoint ou de l'ex-conjoint. On ne parle pas d'un adolescent étranger. Il faut quand même être sérieux et replacer les choses. Les femmes victimes de violence sont les victimes d'une personne avec laquelle elles entretiennent ou ont entretenu des liens amoureux. L'image du jeune délinquant ne nous vient même pas à l'esprit quand on discute de la problématique de la violence envers les femmes.

D'autres intervenants, privilégiés de par leur position au sein de la société, se sont également élevés contre ce projet de loi du gouvernement. Pensons aux communautés religieuses, dont le mandat apostolique leur permet d'évaluer, à travers un prisme global, les politiques sociales. D'ailleurs, le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie est d'opinion que ces présumées mesures draconiennes n'offrent pas une solution valable à la délinquance juvénile. L'approche «loi et ordre public» semble calmer l'anxiété publique aujourd'hui, mais elle ne confronte pas les vrais problèmes de la criminalité juvénile. Pire encore, elle donne de faux espoirs basés sur une législation ad hoc et simpliste.

Je tiens à préciser que cette position est appuyée par la Conférence des évêques catholiques du Canada, les Quakers, le Comité central mennonite du Canada, l'Église Unie du Canada et la communauté des Oblats du Manitoba.

Pensons également à la communauté scientifique, dont les résultats de recherche sur la question du traitement de la délinquance juvénile n'appuient aucunement les conclusions auxquelles en arrive le ministre de la Justice.

Voilà à quoi on en arrivera avec les modifications proposées. On n'aide ni les victimes, ni les jeunes. On ne solutionne d'aucune manière que ce soit les problèmes avec lesquels nos jeunes sont aux prises.

En prime, on ne tient nullement compte de la spécificité québécoise. Beau fédéralisme que voilà, belles politiques sociales libérales. Ce projet de loi, à saveur purement électoraliste, nuira malheureusement à ceux qui auraient par ailleurs besoin d'aide de la part de leur gouvernement, les victimes et les jeunes. Au lieu de donner aux organismes de femmes, qui aident à contrer les effets de la violence, les fonds nécessaires, on veut emprisonner ceux qui sont les plus fragiles de notre société, nos jeunes. On manque encore le bateau.

[Traduction]

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui à la Chambre au sujet du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants.

C'est une question qui préoccupe grandement mes électeurs, et je pense qu'il en est de même dans l'ensemble du Canada. Pas un jour ne passe sans que mon bureau ne reçoive de lettre à ce sujet. Il y a quinze jours, j'ai présenté à la Chambre une pétition signée par 16 300 personnes demandant au Parlement de revoir cette loi de façon plus significative.

(1235)

L'organisateur de cette pétition, M. Bernard Castet, est un de mes électeurs. Il s'est intéressé à la question après que son jeune fils, André, fut battu à mort, sans aucune raison, par deux autres jeunes.

Il est déjà très pénible pour des parents de perdre un enfant, mais dans le cas de M. Castet, son chagrin était d'autant plus vif que les deux jeunes contrevenants allaient devoir répondre de ce crime brutal et parfaitement gratuit devant un tribunal pour enfants.

La triste réalité, aux termes de la loi actuelle, est que M. Castet a dû intenter une action en justice pour obtenir que ces deux jeunes soient jugés par un tribunal pour adultes afin que, s'ils étaient reconnus coupables, ils soient condamnés à une peine proportionnelle à leur crime. Après des mois d'audiences, le tribunal a décidé que ces deux jeunes accusés de meurtre seront jugés comme des adultes. Toutefois, si ce gouvernement avait accepté les amendements proposés par le Parti réformiste, personne dans la même situation de M. Castet n'aurait à subir la même épreuve que lui.


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L'un de ces amendements proposait que tout jeune contrevenant accusé de meurtre, de tentative de meurtre, d'homicide involontaire coupable, d'agression sexuelle grave et de voies de fait graves soit jugé par un tribunal pour adulte. C'est d'ailleurs ce que réclame la pétition de M. Castet.

Le Parti réformiste, tout comme M. Castet et les 16 300 personnes qui ont signé sa pétition, estime qu'un tel amendement serait très positif non seulement parce qu'il permettrait de faire en sorte que le châtiment soir proportionnel au crime, mais aussi en raison de son effet dissuasif. Il faut admettre que le Comité de la justice a présenté un amendement qui constitue un compromis mais qui n'est pas encore aussi radical que ce que le public souhaite et réclame.

Les réformistes ont aussi demandé qu'on baisse de deux ans les âges fixés dans la définition. Le groupe d'âge de 12 à 17 ans deviendrait donc de 10 à 15 ans. La plupart des gens, sauf les ministériels, semblent d'accord pour dire que, si une personne est assez âgée pour obtenir un permis de conduire et assumer beaucoup d'autres responsabilités sociales, elle est assez âgée pour être responsable de ses actes et en répondre devant un tribunal pour adultes. Une telle modification des limites d'âge empêcherait aussi les jeunes contrevenants de contourner la loi, comme ils le font actuellement.

M. Castet et ses 16 300 pétitionnaires sont aussi d'accord avec le Parti réformiste pour dire que les dispositions sur la protection de la vie privée qui doivent s'ajouter à la Loi sur les jeunes contrevenants sont également inappropriées dans le cas des récidivistes ou des jeunes qui ont commis des crimes violents. Dans ces cas, on donnerait la priorité absolue à la protection de la collectivité en publiant leurs noms.

Le Parti réformiste appuie aussi les modifications qui tiendraient les parents davantage responsables des actes de leurs enfants. Cette responsabilité se manifesterait par l'indemnisation des victimes, dans le cas des crimes contre la propriété, si l'on peut démontrer que ces parents n'ont pas fait un effort raisonnable pour exercer leur autorité parentale.

Le Parti réformiste approuve l'idée d'imposer des peines plus sévères en cas de crimes graves, mais il ne cherche pas à faire enfermer tous les jeunes contrevenants et ne croit pas non plus que ces jeunes soient irrécupérables, pas même les plus durs d'entre eux. Un autre amendement du Parti réformiste proposait justement que les techniques de réadaptation soient appuyées par une ferme discipline.

Je vais prendre une minute pour traiter d'une autre question que j'ai déjà soulevée à la Chambre et qui, à mon avis, doit être examinée très sérieusement par tous les députés. Il s'agit de tout l'aspect des peines imposées aux jeunes contrevenants.

Dans l'état actuel des choses, les jeunes contrevenants sont mis à l'écart, mais ne perdent aucun de leurs droits. Ils peuvent garder leurs cheveux aussi longs qu'ils le veulent. Ils ont la télévision en couleur. Ils ont tous les droits du monde, et n'ont pas l'impression d'être punis ou d'être soumis à une dure discipline. Une nouvelle tendance se dessine aux États-Unis, soit le recours aux camps d'entraînement. J'approuve le principe fondamental de ces camps à cause de la discipline qu'ils inculquent aux jeunes contrevenants. Ces camps ne leur permettent pas d'organiser leur horaire à leur manière, comme ils le font dans les institutions où ils sont placés. Si un jeune est envoyé à un camp d'entraînement, après avoir été trouvé coupable de quelque chose, il doit se conformer au programme prévu.

(1240)

J'ai déjà pris la parole à la Chambre pour parler de mon expérience passée, non pas en tant que détenu d'un établissement disciplinaire de l'armée canadienne, mais en tant qu'observateur dans un tel établissement. Je dois dire que la première chose qu'on remarquait à cet endroit, c'était que les détenus obéissaient sur-le-champ à toutes les règles qu'on leur imposait. Après leur libération, ils juraient qu'ils n'y retourneraient jamais. Aucun mauvais traitement ne leur est infligé. On ne les bat pas. On leur apprend simplement le respect des règles. Les résultats sont probants.

En disciplinant ainsi un détenu et en l'obligeant à suivre les règles établies au lieu d'agir à son propre gré, cette méthode présente aussi l'avantage d'être rentable. Un jeune contrevenant, ou même un contrevenant adulte, qui passe 30 jours dans une installation de ce genre respecte ensuite les règles de la société. Il ne faut que 30 jours pour y parvenir, alors qu'une détention de 60 ou de 90 jours dans une installation où on les laisse agir à leur guise n'a aucun effet.

Je conclus cette partie de mon discours en invitant tous les députés à se pencher sur l'efficacité d'une telle discipline, notamment à l'endroit de jeunes contrevenants.

Enfin, étudiant attentivement le projet de loi, je reconnais les efforts que le ministre de la Justice a déployés en vue de donner satisfaction aux divers groupes d'intérêts spéciaux que comprend le Parti libéral. La tâche était vraiment de taille. Cependant, le ministre a présenté une autre mesure susceptible de plaire à tout le monde, ce qui devient typique de tout gouvernement libéral.

Malheureusement, la grande majorité des Canadiens veulent une solution décisive à cette question et non ce genre de libéralisme dilué. Au nom de M. Castet et de son fils, le regretté André, j'invite le gouvernement à faire preuve d'audace et à apporter à ce projet de loi les modifications qui s'imposent.

S'il me reste deux minutes, je voudrais revenir à mon discours pour demander aux Canadiens et aux députés de réfléchir aux camps d'entraînement de type militaire qui, au bout d'une période de détention minimale, ont un effet de discipline durable sur les gens qui y sont envoyés. Aucune souffrance physique ne leur est infligée. On leur dit simplement qu'ils doivent obéir aux règles de l'établissement, parce que leurs règles ne tiennent pas. On les amène ainsi à conclure qu'ils ont peut-être avantage à faire attention et à écouter ce que la société leur dit.

[Français]

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ): Monsieur le Président, il me fait bien sûr plaisir de prendre la parole, à mon tour, sur le projet de loi C-37. Ce projet de loi, comme mes collègues l'ont déjà répété avant moi à de nombreuses occasions, est complètement inacceptable pour le Bloc québécois, et ceci, pour plusieurs raisons. J'aimerais profiter des quelques minutes qui me sont accordées pour en aborder quatre


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en priorité. J'en parlerai de façon superficielle, mais je veux quand même les aborder.

Il y a quatre raisons majeures qui font que l'on n'accepte pas ce projet de loi. Premièrement, c'est un projet de loi incohérent dans sa démarche; deuxièmement, c'est, à bien des égards, un projet de loi boiteux dans sa construction et rempli d'ambiguïté; troisièmement, cette loi impose une législation pancanadienne au Québec qui a déjà le meilleur système dans ce domaine à travers tout le Canada. Enfin, quatrièmement, c'est un projet de loi dont on peut absolument douter de l'efficacité.

(1245)

C'est un projet de loi incohérent. J'espère que mon honorable collègue pourra écouter et il va savoir pourquoi il l'est. Le ministre propose de changer des aspects importants d'une loi qui, par la suite, fera l'objet d'une étude en profondeur par le comité. Il est évident que lorsqu'on veut faire des changements, on fait les études avant, et non après. On se retrouve devant un cas typique où on met la charrue devant les boeufs. D'ailleurs, le mémoire présenté par le Barreau du Québec, dont je vais lire quelques extraits, s'accorde exactement avec cette analyse.

Je cite le Barreau, qui nous dit ceci: «À ce sujet, d'ailleurs, le Barreau ne peut que déplorer la décision de procéder d'abord aux amendements pour, par la suite, réviser la loi en profondeur et examiner la situation de la criminalité chez les jeunes. Procéder à l'inverse aurait justement facilité, bien au-delà de la simple reconnaissance de la réussite du Québec en cette matière, l'identification précise des mécanismes sur lesquels repose le bon fonctionnement du système, sans compter que l'examen, de façon préliminaire, de la criminalité chez les jeunes, aurait permis de colliger les résultats des modifications apportées en 1992.» On a déjà apporté des modifications à ce projet de loi. On n'a pas analysé les conséquences, et déjà on se prépare, encore une fois, à changer le projet de loi et à faire les études après.

Et, le Barreau continue, en conclusion: «Le Barreau du Québec en arrive irrémédiablement à la conclusion que le projet de loi C-37 sous étude devrait être retiré.» Cela dit, dans l'impossibilité politique de le faire, le Barreau reconnaît que le ministre s'est déjà engagé sans doute devant la population. «Le ministre, disait-il, devrait à tout le moins susprendre son étude pour procéder d'abord à l'examen de la situation de la criminalité chez les jeunes et de l'économie générale de la Loi sur les jeunes contrevenants pour ne revenir que par la suite aux modifications législatives.»

Il y a une autre raison pour laquelle ce projet de loi nous semble inacceptable, boiteux et rempli d'ambiguïtés. On en a cité de nombreuses, ici à la Chambre, depuis quelques jours, depuis qu'on discute de ce projet de loi. J'aimerais en relever quelques-unes tout simplement, de façon superficielle, en passant, avant d'aborder les autres points.

L'article 1 du projet de loi C-37 fait en sorte d'introduire dans la loi des déclarations de principe à l'effet que la prévention du crime est essentielle pour la protection de la société et qu'une approche multidisciplinaire s'impose pour juguler ce problème.

D'autre part, l'article 15 du même projet de loi souligne que le placement sous garde n'est pas une solution de rechange à des services de santé ou d'aide à la jeunesse. De plus, cette disposition prévoit que le tribunal, avant d'opter pour un placement sous garde, envisage des solutions de rechange. Pareils énoncés sont tout à fait conformes sur le fond avec le discours du Bloc, bien sûr. Cependant, le projet de loi est totalement silencieux quant aux mesures concrètes qui pourraient venir appuyer ces intentions. Donc, on parle d'intentions, mais il n'y a pas de mesures effectives prévues pour les réaliser.

Autre argument: l'un des points majeurs de ce projet de loi consiste dans les modifications au régime de renvoi devant les tribunaux pour adultes. Le régime actuellement en place veut que le tribunal pour adolescents tienne compte de l'intérêt de la société, notamment de la protection du public et la réinsertion sociale de l'adolescent et détermine s'il est possible de concilier ces deux objectifs en maintenant l'adolescent sous sa compétence. Autrement, il doit renvoyer l'adolescent devant le tribunal pour adultes.

Les articles 3 et 8 du projet de loi C-37 introduisent des amendements faisant en sorte que les adolescents de 16 et 17 ans, qui se voient inculpés d'infractions criminelles relatives à des blessures corporelles graves, soient automatiquement renvoyés devant un tribunal pour adultes. Les infractions criminelles sont les suivantes: meutre au premier degré, second degré, tentative de meurtre, homicide involontaire coupable, agression sexuelle grave et voies de fait. Le projet de loi C-37 prévoit que l'adolescent renvoyé automatiquement devant le tribunal pour adultes pourra, cependant, demander à un juge d'un tribunal pour adolescents qu'il entende sa cause.

(1250)

Par conséquent, dans les cas de blessures corporelles graves pour lesquelles sont inculpés des adolescents de 16 et 17 ans, on assiste à un renversement du fardeau de la preuve relativement au renvoi devant un tribunal pour adultes. En effet, cet adolescent devra convaincre le tribunal pour adolescents que celui-ci est apte à le juger. Actuellement, la Couronne doit convaincre un juge qu'il faut renvoyer un adolescent devant un tribunal pour adultes.

On assiste donc à la hiérarchisation des groupes d'âge vis-à-vis des tribunaux. En effet, sans que la loi établisse une distinction entre, d'une part, les adolescents de 12-15 ans et, d'autre part, ceux de 16-17 ans, ces modifications feront en sorte qu'ils n'auront pas le même traitement dans le cas des infractions impliquant des blessures corporelles graves. Certains avocats plaideront qu'il s'agit là d'un manquement au droit à l'égalité de tous devant la loi, prévu à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

D'un autre côté, l'alinéa 13(3) du même projet de loi fait passer des peines maximales prévues pour meurtre aux premier et second degrés de cinq ans à respectivement dix ans et sept ans. Dans les cas de meurtre au premier degré, la période maximale de placement sous garde serait de six ans continus et en ce qui concerne le meurtre au second degré, sept ans. Cette période est de quatre ans continus.

Ce durcissement ne se justifie pas, puisque les taux de meurtres ont baissé depuis les années 1970. De plus, il appert que les 16-17 ans sont responsables de la grande majorité des meurtres commis par les adolescents, soit environ 60 p. 100. Or, le projet


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de loi prévoit lui-même que ces derniers seront différés au tribunal pour adultes et jugés selon les règles des adultes. La portée de ces argumentations de peine sera plus restreinte qu'on ne pourrait y croire à première vue. Tout porte à croire que le fardeau sera surtout supporté par les 12-15 ans, ce qui ne se justifie pas, selon les statistiques sur la criminalité.

Enfin, le projet de loi a déjà été modifié en 1992, comme on le soulignait tout à l'heure, pour renforcer les peines à cinq ans dans les cas de meurtre. Or, étant donné le décalage des statistiques, on ne peut pas vérifier actuellement les effets de cette modification. Comment justifier un tel amendement à ce stade, pourquoi ne pas attendre de reconnaître les effets de cette modification avant d'aller plus loin dans la répression? C'est ce que le Barreau se demande.

Enfin, c'est une législation pancanadienne qui veut imposer au Québec des façons de procéder que le Québec a déjà de façon assez remarquable. Et j'aimerais encore une fois souligner les commentaires du Barreau, dans son rapport, qui nous dit ceci: «Il importe de préciser que le Québec ne connaît pas la même solution que le reste du Canada, face à la problématique soulevée. Il s'ensuit donc que les problèmes ne sont à peu près pas vécus au Québec et qu'en conséquence, il serait plus approprié de conserver un statu quo général que de modifier un système qui a fait ses preuves. En revanche, force est de constater que le même résultat pourrait être atteint dans le reste du Canada, si les ressources matérielles étaient mises en place.»

Le Barreau reconnaît donc que l'une des carences majeures de ce projet de loi est le manque de ressources qu'on veut vraiment mettre dans la réinsertion sociale de nos jeunes. J'aimerais souligner églement ce qu'a dit une collègue du Parti libéral, la collègue de London-Ouest, qui récemment disait ceci, et je pense qu'elle avait tout à fait raison, et je la cite: «Si j'étais aujourd'hui un jeune en difficulté avec la loi, je préférerais de loin être au Québec que dans toute autre province. Le Québec fait une interprétation beaucoup plus progressiste des résultats de la Loi sur les jeunes contrevenants. On y emploie plus de tactiques de diversion pour éviter que les jeunes aient à subir un procès. Je crois que nous pouvons nous inspirer de cet exemple, c'est même essentiel que nous suivions cet exemple.»

Alors, ce n'est pas le cas ici, on ne suit pas l'exemple du Québec, on veut imposer au Québec un durcissement de la loi qui n'est pas du tout nécessaire dans les circonstances, puisqu'on le sait, au Québec, et mon honorable collègue de Québec vient d'en parler, les résultats sont parmi les meilleurs au Canada et c'est là que les mesures répressives sont au minimum.

Finalement, on peut douter très sérieusement de l'efficacité de cette loi, puisque rien, actuellement, ne permet de croire qu'une augmentation des peines entraîne une diminution du crime. Je terminerai avec cela, on reconnaît également, actuellement dans la société, et beaucoup de nos collègues en ont parlé ici, qu'il y a par contre une hausse énorme de la sensibilité du public au crime.

(1255)

Quand on regarde la situation aux États-Unis, on a le plus bel exemple, un endroit où effectivement les mesures répressives sont à leur maximum et le taux de criminalité est à son maximum aussi. Nous ne croyons pas, dans les circonstances, qu'un durcissement des lois règle finalement un problème qui est beaucoup plus un problème social profond, qui demande des mesures multidisciplinaires. Et le Québec là-dessus devrait être pris en exemple.

[Traduction]

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui d'aborder une question aussi importante que le projet de loi C-37 visant à modifier la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel.

Ce projet de loi vise à contrer l'augmentation des crimes violents et surtout à répondre non seulement aux appels à la justice lancés par une population qui n'en peut plus d'être terrorisée tant par les jeunes contrevenants que les délinquants adultes et de constater les lacunes de notre système juridique qui ne parvient pas à protéger les citoyens et leurs biens, mais aussi aux appels lancés par les policiers qui jugent tout à fait inadéquat le système qui a été créé pour s'occuper des contrevenants reconnus coupables.

La population est tellement exaspérée que certains électeurs de ma circonscription harcelés par des jeunes contrevenants ont même proposé d'infliger à ces contrevenants des châtiments corporels pour les dissuader de récidiver. Étant donné les situations qu'ont vécues ces gens, je ne peux pas dire que je suis contre leur proposition.

Comme j'approuve l'objectif visé, j'appuierai le projet de loi. Cependant, mon parti et moi trouvons que la mesure législative ne va pas assez loin. Je voudrais aujourd'hui discuter des principes du projet de loi, formuler certaines critiques positives et proposer certains ajouts dont le ministre, j'espère, tiendra compte.

Je suis d'accord pour imposer des peines plus sévères notamment dans les cas d'infractions violentes, comme le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré, et également pour faire comparaître des jeunes de 16 et 17 ans ayant commis des infractions violentes devant des tribunaux pour adultes, à la discrétion des juges.

Je souscris au principe visant à décourager l'incarcération prolongée en milieu fermé des contrevenants ayant commis des infractions sans violence, car ce genre de peine n'apporte rien au contrevenant ou à la société. Il faut cependant se demander ce qui remplacera ces peines d'incarcération. La question n'est pas abordée dans le projet de loi.

Les crimes violents commis par les jeunes constituent un problème grave, mais les crimes non violents, qui sont beaucoup plus variés, constituent aussi un problème. Beaucoup de jeunes commettent à plusieurs reprises des crimes sans violence comme des vols par effraction et des vols de voitures. Ils sont reconnus coupables, condamnés, incarcérés puis remis en liberté, mais, malheureusement, ils récidivent. On peut comprendre que la population et les corps policiers éprouvent une certaine frustration.

La justice doit servir plusieurs fins. La première, c'est la protection de la société, la deuxième, c'est la réinsertion sociale des criminels et la troisième, c'est le dédommagement de la société et de la victime. Il devrait exister des mesures dissuasives contre le crime. Je crois qu'à bien des égards, le système de


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justice a échoué et, comme je le disais, il suffit de parler avec les intervenants pour en avoir confirmation.

Nous, du Parti réformiste, avons suggéré que les criminels reconnus coupables soient tenus de verser un dédommagement substantiel à leur victime ou à la société, que ce soit en argent ou par le travail. De plus, pour faciliter la réinsertion sociale, les jeunes contrevenants devraient être tenus, ce qui ferait partie de leur peine, de s'inscrire dans une école ou à un programme de formation pour acquérir des compétences qui leur permettraient de devenir des membres productifs de la société. Des services d'orientation ou des services psychiatriques pourraient aussi leur être imposés au besoin par les tribunaux. Les jeunes devraient participer activement et de plein gré à ces programmes, sinon, ce serait aller à l'encontre des objectifs de la réinsertion sociale.

Beaucoup de jeunes contrevenants récidivent en raison du manque de programmes de réinsertion sociale. Nous devons nous demander pourquoi il en est ainsi. Cela est attribuable en partie au fait que beaucoup d'entre eux préfèrent rester en milieu fermé plutôt que de retourner d'où ils viennent.

C'est une triste réalité que j'ai pu moi-même constater il y a quelques années. J'avais devant moi un jeune patient de 15 ans qui allait être libéré du centre de détention à sécurité maximale pour jeunes où il était détenu. Il m'a dit d'un ton suppliant: «Dr Martin, si vous me laissez sortir, je vais récidiver.» Cela m'a brisé le coeur. C'était tragique. Je me suis dit qu'il y avait quelque chose qui faisait désespérément défaut dans notre système pour qu'un jeune contrevenant en vienne à dire cela. À mon avis, ces jeunes devraient être éloignés du milieu où ils vivent et où ils se retrouvent après avoir été libérés. On pourraient par exemple les envoyer faire un séjour en milieu rural, loin de la ville, de la drogue, de l'alcool, de l'abus sexuel et de la violence.

(1300)

Ce changement de milieu est absolument essentiel à leur réadaptation. La durée du séjour dans ce nouveau milieu est également importante. Ils doivent être éloignés de ces milieux malsains et violents pendant de longues périodes. Je n'insisterai jamais assez sur ce point. Une longue période de temps sera également nécessaire pour opérer un changement de comportement et réparer les dommages causés par les influences destructrices qu'ils ont subies pendant plusieurs années, au cours de leurs années de formation. Les jeunes récidivistes ont besoin d'un environnement stable, discipliné et constructif, non pas durant quelques mois, mais durant un an ou plus, de préférence.

La proposition paraîtra peut-être sévère à certains, mais il s'agit de les placer dans un environnement normal, sûr et sain où ils pourront commencer à s'attaquer aux raisons psychologiques et aux problèmes de comportement qui les ont amenés à commettre leurs crimes. Cela ne peut pas se faire dans l'environnement destructif dans lequel vivent beaucoup de contrevenants, malgré tout l'argent investi en travailleurs sociaux et en counselling. Cela ne marche pas.

Placer ces délinquants dans des maisons de transition ou dans des centres de rééducation pendant quelques mois ne changera pas grand-chose, car ils se trouveront tout près de l'environnement dans lequel ils trempaient auparavant et seront par conséquent soumis au même stress qui a engendré leur comportement criminel et qui se rencontre dans notre société.

Le Parti réformiste a par ailleurs soutenu que les parents qui abandonnent consciemment leur responsabilité envers leurs enfants devraient eux aussi être tenus responsables, en leur imposant par exemple des amendes à payer.

Enfin, je voudrais aborder la question des peines pour les crimes avec violence. Je suis d'accord pour qu'on prolonge les peines d'emprisonnement. Je tiens cependant à signaler au ministre un autre aspect dont le projet de loi ne tient pas compte. Les jeunes et les adultes qui ont commis des crimes de violence et qui sont susceptibles de récidiver au terme de leur peine de prison, devraient être gardés en détention jusqu'à ce qu'ils ne posent plus de danger pour les citoyens innocents.

Nous le pensons parce que nous croyons que les droits des victimes dans la société et leur protection devraient primer en toute justice. Dans le passé, je crois que les droits de la victime ont été enfreints et qu'on a accordé plus d'importance à ceux du coupable.

En vertu de ce projet de loi, la déclaration de la victime pourrait être considérée avant la détermination de la peine. Cela devrait être, non pas une possibilité, mais une obligation, et la victime devrait avoir le droit de présenter pareille déclaration au moment de la détermination de la peine.

J'aimerais parler de la prévention de la criminalité. Je n'ai pas de solution au problème, mais je voudrais faire part de certaines idées étant donné que j'ai travaillé au sein du système, à titre de gardien et aussi de médecin. Nous nous entendons tous pour dire que la criminalité a effectivement de multiples causes. Comme je l'ai déjà mentionné, de nombreux jeunes qui commettent ces crimes ont malheureusement vécu d'horribles situations familiales, sont souvent issus de foyers désunis, ont des parents qui ne s'occupent pas adéquatement ou suffisamment d'eux, sont victimes d'abus sexuels ou de violence physique et sont souvent aux prises avec des problèmes d'alcool ou de drogue. Bon nombre de ces enfants vivent ces situations tragiques et développent des traits de personnalité, des profils psychologiques et des comportements pouvant mener à la criminalité.

Je tiens aussi à dire que le nombre de personnes qui évoluent dans ce genre d'environnement tragique est en hausse. Par conséquent, le nombre de personnes qui subissent ces perturbations psychologiques durant leur enfance et qui manifesteront des comportements criminels à l'âge adulte augmentera aussi et occasionnera des coûts sociaux plus élevés à bien des égards.

Je propose que nous nous employions à enrayer les facteurs à l'origine du comportement criminel. Les enfants doivent apprendre tôt, au début de leurs années d'école, à l'âge de cinq ou six ans, à bien se comporter, à se respecter et à respecter les autres, à assumer leurs responsabilités et à comprendre en quoi consistent les problèmes de drogue et d'alcool ainsi que les abus sexuels et ce, en même temps qu'ils apprennent leur alphabet. Ils doivent apprendre cela très tôt, dès l'âge de cinq ou six ans.

(1305)

Il serait également bon d'amener les parents dans la salle de classe pour leur faire comprendre l'importance d'être de bons


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parents et leur expliquer certaines choses qu'ils n'ont peut-être pas apprises étant enfants. Il nous faut apprendre cela individuellement si nous voulons collectivement vivre dans une société sûre, responsable et respectueuse de la loi.

En nous attaquant aux problèmes à l'origine de la criminalité chez les jeunes, on aidera non seulement les jeunes contrevenants actuels, mais aussi ceux qui suivraient normalement cette voie, les empêchant, espérons-le, de devenir des criminels. Ce sera donc avantageux pour eux, mais cela protégera aussi l'ensemble de la société.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, en juin 1994, le ministre de la Justice proposait la seconde lecture du projet de loi C-37 et son renvoi en comité pour fin d'étude.

Le Comité permanent de la justice a récemment adopté 28 amendements qui ne changent guère les attributs et caractéristiques du projet de loi initial. Force est de constater que le caractère répressif du projet de loi est toujours présent et que la version actuelle oublie encore une fois la dynamique de la réhabilitation et de la réinsertion sociale du jeune contrevenant.

Aujourd'hui comme hier, le projet de loi C-37 ne répond qu'à un seul impératif: faire taire les ténors de la ligne dure du Parti libéral et tenter d'amadouer ceux du Parti réformiste.

Le projet de loi est fort simple. Pourtant, sa portée modifiera en profondeur la vision gouvernementale du problème de la délinquance juvénile et du traitement à y apporter.

En effet, ce projet de loi modifie substantiellement la déclaration de principe de la loi actuelle en précisant, et je cite, «que la protection de la société constitue l'un des objectifs primordiaux du système de justice pour les jeunes, objectif qui est atteint par la réinsertion sociale des jeunes lorsqu'elle est possible».

En second lieu, le projet de loi C-37 entraîne des peines plus sévères pour les jeunes contrevenants et un renvoi automatique au tribunal pour adultes des adolescents âgés de 16 et 17 ans qui commettent des crimes graves.

Finalement, le projet de loi C-37 propose une modification importante à la loi actuelle en indiquant que les professionnels impliqués pourront s'échanger des renseignements concernant les jeunes contrevenants et que les dossiers de ceux-ci pourront être conservés par les autorités policières pendant une période de dix ans pour les crimes graves et de trois ans pour les autres.

Depuis 1984, la Loi sur les jeunes délinquants a fait place à celle sur les jeunes contrevenants: elle s'appliquait alors aux jeunes de 12 à 17 ans exclusivement.

Son objectif était d'inciter les jeunes à faire face à leur comportement criminel même si leur degré de responsabilité peut différer largement de celui des adultes. On responsabilisait également la société: si la population a le droit d'être protégée des actes menaçant sa sécurité, la prévention de la criminalité n'en reste pas moins une responsabilité sociale importante.

En conséquence, les jeunes contrevenants avaient le droit d'être traités équitablement, puisque leur jeune âge et leur degré de maturité nécessitait une assistance particulière, absente du système de justice pour adultes.

Dans cet esprit, la loi de 1984 interdisait aux médias de divulguer l'identité du jeune accusé ou celle des témoins appelés à comparaître. L'interdiction n'a pas tenu longtemps. En effet, dès 1986, la loi était amendée pour permettre la divulgation de l'identité du jeune, recherché, inculpé ou reconnu coupable de crime et qui constituait une menace à la sécurité publique.

En 1992, le gouvernement conservateur modifiera à nouveau la Loi sur les jeunes contrevenants en alourdissant de 3 à 5 ans les peines d'emprisonnement pour les cas de meurtre. On introduit alors le principe selon lequel un jeune contrevenant pourra être jugé devant un tribunal pour adulte si les mesures pour assurer la sécurité publique ne sont pas adéquates.

Il ne fait aucun doute que ce projet de loi entraîne un durcissement des peines prévues pour les jeunes délinquants et un changement de cap important en ce qui a trait à la déclaration de principe de la loi.

(1310)

Dans les faits, la sévérité des peines encourues pour crimes ou délits graves se traduira par une augmentation du nombre d'années de détention. Ainsi, dans le cas de meurtre au premier degré, la peine passera de 5 à 10 ans et dans le cas de meurtre au second degré, elle passera de 5 à 7 ans, période durant laquelle ces adolescents ne seront pas éligibles à la libération conditionnelle.

Plusieurs spécialistes et intervenants dans le domaine de la délinquance juvénile ont observé que la sévérité des peines encourues pour crimes graves a très peu d'effets dissuasifs chez les jeunes contrevenants.

Plusieurs études, doit-on le rappeler, ont démontré de façon éloquente que les individus qui se retrouvent dans une situation de délinquance grave ne sont pas en mesure de réfléchir sur les conséquences des gestes qu'ils ont commis ou qu'ils s'apprêtent à commettre. Règle générale, en matière de crimes graves, on reconnaît trois catégories de jeunes délinquants: la première catégorie regroupe ceux dont l'état psychologique ou la santé mentale est fragile. Ces jeunes, grâce à des programmes adéquats de réhabilitation ont toutes les chances de s'en sortir et de réintégrer la société.

Une seconde catégorie regroupe les jeunes délinquants qui commettent de petits délits et qui, dans une situation imprévisible, commettent l'irréparable, un meurtre ou un autre crime sérieux.

Enfin, la dernière catégorie touche les adolescents de 16 et 17 ans coupables de crimes sévères parce que leur passé délinquant leur a tracé la voie à suivre: c'est la délinquance juvénile que l'on peut qualifier de lourde. Dans ces cas, ces jeunes contrevenants sont référés aux tribunaux pour adultes, puisque la prévention et la réhabilitation se sont avérées impuissantes.


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Or, on doit mentionner que la majorité des crimes octroyés aux jeunes contrevenants se retrouvent dans les deux premières catégories mentionnées.

Plusieurs études tendent à démontrer que le taux d'homicides chez les jeunes a très peu augmenté au cours des dernières années. Dans un document du ministère de la Justice du Canada publié en mai 1994, on peut lire ce qui suit: «Au cours des dernières années, le nombre moyen de personnes de moins de 18 ans soupçonnées d'avoir commis un homicide a été considérablement plus bas que dans les années 1970. En effet, de 1974 à 1979, les policiers ont, chaque année, en moyenne, soupçonné d'homicides 60 personnes âgées de moins de 18 ans. De 1986 à 1992, cette moyenne n'était que de 46.»

On remarque pourtant dans la population, une sensibilisation plus grande à l'égard de la violence chez les jeunes. Il semble bien que la population surestime les actes de violence grave. À preuve, un sondage effectué en 1992 nous révèle que les «Canadiens croyaient que les crimes violents représentaient 30 p. 100 de tous les crimes commis.»

La réalité est tout autre: 10 p. 100 des crimes sont violents. La réalité est souvent déformée sous le prisme des médias qui, pour des raisons évidentes, exploitent souvent des crimes spectaculaires et ainsi laissent croire à la population que les crimes violents ont connu une recrudescence majeure.

L'opposition officielle considère que les mesures répressives envisagées dans l'actuel projet de loi sont bien loin d'être justifiables dans tous les cas de délinquance juvénile, d'autant qu'il existe déjà, dans la loi actuelle, des dispositions qui visent à pénaliser les contrevenants qui commettent des délits graves.

La déclaration de principe proposée par le ministre de la Justice dans le projet de loi C-37 ouvre toute grande la porte à la répression du crime plutôt qu'à sa prévention. Comment expliquer autrement qu'aucune nouvelle disposition concernant la prévention, la réhabilitation et la réinsertion sociale ne soit prévue dans ce projet de loi.

Le Québec et certaines provinces canadiennes, comme l'Ontario, axent leurs actions à l'égard des jeunes contrevenants au niveau de la prévention, de la réhabilitation et de la réinsertion sociale. Plusieurs études, dont celle de Boscoville, ont démontré les effets positifs de cette approche.

Il est vrai que plusieurs provinces canadiennes ne disposent pas de structures et de ressources suffisantes pour adopter une telle approche. Dès lors, on peut penser qu'il est peut-être plus facile d'opter pour la répression.

(1315)

Au cours des derniers mois, ce projet de loi a fait l'objet d'une large dénonciation par tous les intervenants du milieu judiciaire, parce qu'il oublie toute la problématique de la réhabilitation et de la réinsertion. La criminalité juvénile dépasse le strict contexte judiciaire et englobe des causes beaucoup plus profondes qui entraînent les comportements délinquants chez les jeunes.

L'actuelle délinquance de notre jeunesse est peut-être le négatif de notre société. Ingorer cette réalité, c'est refuser de s'attaquer aux causes profondes de la délinquance.

Monsieur le Président, je vous pose la question suivante: La société canadienne a-t-elle le droit de choisir la voie simpliste de la punition en faisant croire qu'elle fait ainsi face à ses responsabilités?

L'opposition officielle ne le croit pas, et je suis sûre que le Canada ne le souhaite pas.

[Traduction]

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet de ce projet de loi. J'ai reçu de nombreux échos de ma circonscription qui m'indiquent que la population est très mécontente de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants et trouve que le projet de loi dont nous sommes saisis ne va pas assez loin.

L'an dernier, j'ai effectué un sondage électronique, sans aucun doute le premier du genre en Amérique du Nord, au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je parlerai de quelques-uns des résultats de ce sondage qui renforcent l'opinion selon laquelle le projet de loi laisse à désirer.

Je voudrais fournir quelques données générales au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants, pour mieux la situer. La Loi sur les jeunes contrevenants, adoptée en 1984, en tant que projet de loi C-61, a remplacé la Loi sur les jeunes délinquants de 1908, qui était en vigueur depuis 76 ans, était devenue désuète et était perçue comme trop rigide.

Peu après l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants, on a constaté qu'elle était également trop rigide à certains égards. Le Parlement a donc adopté, en 1986, le projet de loi C-106 qui modifiait les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants concernant l'incarcération provisoire de jeunes délinquants en attente de l'audition préliminaire, la compilation et la communication du dossier judiciaire d'un jeune contrevenant et certains autres aspects de la loi. En 1992, le projet de loi C-12 a renforcé les règles de détermination de la peine pour les meurtres aux premier et au second degrés.

En 1990, le gouvernement avait tenu un sondage au sujet des modifications qu'il avait proposé d'apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants au début de 1990. La question posée était la suivante: «Le gouvernement fédéral a récemment présenté un projet de loi qui alourdit les peines imposées aux jeunes contrevenants de 18 ans et moins reconnus coupables de crimes comme le meurtre. Êtes-vous en accord ou en désaccord avec le projet de loi?» Quatre-vingt huit à 90 p. 100 des répondants ont estimé que les peines étaient loin d'être assez sévères.

Aujourd'hui, je constate encore que les mêmes résultats ressortent du référendum que j'ai tenu dans ma circonscription. À la question: «Un jeune qui commet un crime grave comme un meurtre devrait-il être traduit d'office devant un tribunal pour adultes?», plus de 96 p. 100 des 5 500 répondants ont dit oui. À la question: «La Loi sur les jeunes contrevenants devrait-elle placer dans une catégorie à part les contrevenants qui récidivent


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ou qui sont dangereux?», 97 p. 100 ont répondu par l'affirmative. Les gens ont le sentiment que l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants ne permet pas de les protéger.

Au rez-de-chaussée de l'immeuble qui abrite mon bureau se trouve un restaurant McDonald; une bande de jeunes s'y rassemble souvent les week-ends. Malheureusement, en rentrant après le week-end, on voit parfois des graffiti, de l'urine et d'autres objets sur les murs. J'en ai parlé à la GRC, et beaucoup de résidants du quartier en ont fait autant. Les forces policières semblent pratiquement incapables de régler la situation.

Les habitants du quartier sont très mécontents qu'aucune mesure ne soit prise. Ils voient des agents de police arriver et tenter de mettre fin à des escarmouches et entendent ces jeunes contrevenants dire aux policiers d'aller se faire voir. La situation est à un point tel que, si une personne ordinaire qui se trouve dans la rue est témoin d'un crime commis par un adolescent et tente de faire quelque chose en appelant la police, ses efforts n'aboutiront absolument à rien pour tous les intéressés: la personne qui a signalé l'infraction, les forces policières et les gens dont les biens ont été endommagés. La seule personne à s'en tirer à bon compte est le jeune contrevenant qui est libéré immédiatement et qui ne semble pas avoir de pénalité à payer pour ce qu'il a fait.

(1320)

La mère d'un jeune contrevenant est venue me voir récemment, à mon bureau, dans le cadre d'une affaire plus ou moins connue dont il a été question dans le journal de ma localité. Peu de temps après son arrivée, elle a éclaté en sanglots. Elle avait du mal à me raconter son histoire. Son fils est un jeune contrevenant, un récidiviste. Elle avait supplié les juges et les gens d'être durs envers lui et de lui faire purger une peine.

Malheureusement, il semble que l'on donnait toujours une autre chance à son fils. Il s'est mis à commettre des crimes de plus en plus graves. Un jour, il a été arrêté pour avoir commis une série d'introductions par effraction et des voies de fait mineures. Cette fois-là, sa mère a décidé de ne pas verser de caution. Elle ne voulait rien faire pour le libérer. Elle a demandé qu'on le mette en prison. L'avocat qui avait été engagé pour défendre le jeune homme a réussi à le faire libérer. Il a été relâché sur-le-champ.

Son premier réflexe a été d'aller mettre le feu à la maison de ses parents. C'est ce qu'il s'est empressé de faire, dès le premier soir, parce que sa mère avait dit qu'il fallait faire quelque chose à son sujet. Le lendemain, il était de retour dans le quartier et servait des pizzas, comme il avait coutume de le faire.

La situation qui existe dans notre société est très grave. Les habitants de ma circonscription estiment que ce projet de loi ne va pas régler ce genre de problèmes.

Je reviens au référendum qui a été organisé dans ma circonscription. Ce fut l'un des plus meilleurs indicateurs que nous ayons eus sur la question. Plus de 7 000 personnes y ont participé. Nous avions préparé un bulletin très complet à ce sujet. Je sais que je ne peux pas utiliser d'accessoires à la Chambre. Je ne peux donc pas tendre le bras pour le montrer à tout le monde.

Dans ce bulletin, nous avions donné des renseignements généraux concernant la Loi sur les jeunes contrevenants et avions présenté les avantages et les inconvénients. Nous avions cité un extrait d'un discours que le ministre de la Justice avait prononcé à la Chambre des communes le 17 mars 1994. Cet extrait se lit comme suit:

La loi a été dans une large mesure un succès et, en principe, elle constitue la bonne approche. Je suis certain que des améliorations s'imposent, mais je crois aussi que cet exercice confirmera le bien-fondé de la ligne de conduite éclairée proposée par la Loi sur les jeunes contrevenants.
L'Association canadienne des chefs de police n'est pas de cet avis. Dans la réponse qu'elle a donnée, en 1994, au rapport du ministère de la Justice intitulé «Objectif: sécurité communautaire-Lutte contre la violence et la récidive des jeunes», elle a dit qu'à son avis, il fallait modifier la Loi sur les jeunes contrevenants en profondeur et qu'il ne servait à rien de n'y apporter que quelques modifications, ici et là. On ajoute qu'une approche globale, qui comprend non seulement des modifications législatives, mais également des changements fonctionnels, est essentielle pour s'occuper du cas des jeunes à problème.

Je vais également vous citer un passage d'un document de travail sur les victimes de violence en ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants. J'ai d'ailleurs reproduit ce passage dans mon bulletin parlementaire. On y disait que, au lieu de devenir plus responsables de leur comportement, les jeunes contrevenants profitaient des largesses de la loi. On ajoutait que le droit de la société à se protéger contre les activités illégales avait diminué au point que, pour rétablir la confiance des Canadiens, il fallait absolument modifier en profondeur la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est tout à fait vrai.

J'ai déjà mentionné à la Chambre que, lorsque je me rends dans les écoles de ma région pour y discuter de la Loi sur les jeunes contrevenants et que je demande aux jeunes ce qu'ils pensent de cette loi, ils me disent que c'est de la frime. Beaucoup de jeunes en ont peur eux-mêmes, car elle ne les protège pas contre la violence perpétrée par les gangs dans notre société.

J'ai demandé à une classe de jeunes étudiants s'ils étaient sûrs que leur jugement au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants n'était pas basé simplement sur l'hystérie de la collectivité face au mauvais fonctionnement de la loi et s'ils n'ignoraient pas tout du contenu de la loi et ne se laissaient pas guider par leurs émotions. Leurs mains se sont levées de nouveau. Environ 35 sur 37 des étudiants présents m'ont dit que leur réaction n'était absolument pas émotive. Ils ont ajouté qu'ils connaissaient bien les effets de la Loi sur les jeunes contrevenants, qu'ils savaient comment les membres de gangs s'en sortaient et qu'ils souhaitaient qu'on remédie à la situation.

Dans le cadre du référendum tenu dans ma circonscription, nous avons organisé un référendum électronique distinct pour les étudiants. Eux aussi ont affirmé, dans une proportion de plus de 95 p. 100, qu'ils voulaient une réforme en profondeur de la Loi sur les jeunes contrevenants.

(1325)

Ainsi, il ne fait pas de doute que, depuis 1986, le taux de jeunes accusés de crimes violents a augmenté de façon marquée. En fait, cette augmentation a été en moyenne de 14 p. 100 par année.


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Durant cette période, le taux d'adultes accusés de crimes violents ne s'est accru en moyenne que de 7 p. 100. Ainsi, le nombre de crimes violents commis par des jeunes a augmenté beaucoup plus rapidement que le taux s'appliquant aux adultes. Cela doit s'expliquer par l'absence de mesures de dissuasion dans la version actuelle de la Loi sur les jeunes contrevenants. Les jeunes peuvent faire pratiquement tout ce qu'ils veulent.

Je suis extrêmement déçu de constater que ce projet de loi ne nous donne pas ce dont nous avons vraiment besoin pour remédier à la situation. J'espère que le ministre finira par comprendre le problème, qu'il changera d'idée et qu'il présentera des dispositions plus strictes.

La vice-première ministre a promis de démissionner si la TPS n'avait pas disparu après un an. Nous attendons encore qu'elle respecte son engagement.

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, j'ai reçu récemment une lettre de Brian Gregory, un électeur de Enderby, en Colombie-Britannique. Je n'ai jamais rencontré M. Gregory, mais j'aimerais lire ici une partie de sa lettre. Il dit ceci:

Avec le temps, il semble que de plus en plus de gens manquent de respect envers la loi et montrent même de l'indignation. Si les lois sont injustes ou inéquitables, il appartient aux législateurs de les modifier. Cela m'amène à l'objectif premier de cette lettre: je veux parler du système de justice pénale.
Les terribles tragédies survenues récemment à Rodney Bell, Mindy Tran et Melanie Carpenter ont fait ressortir les faiblesses et les lacunes de notre système de justice pénale.
Hier soir, mon épouse et moi avons fait un peu de remue-méninges et avons établi une liste des modifications qui pourraient améliorer ce système.
Voici donc la liste des changements que nous vous demandons de porter à l'attention du Parlement:
Premièrement, les citoyens respectueux des lois doivent être protégés à tout prix.
Deuxièmement, il faut créer un environnement propice au rétablissement de la confiance et du respect envers la loi. La justice doit régner.
Troisièmement, la Charte canadienne des droits et libertés ne devrait pas s'appliquer aux criminels incarcérés, y compris les cols blancs reconnus coupables de crimes. Il faudrait promulguer un ensemble distinct de droits minimums pour les criminels.
Quatrièmement, les jeunes contrevenants devraient être jugés par les tribunaux pour adultes et leur identité ne devrait pas être gardée secrète. Les adolescents qui ont l'âge de commettre des gestes criminels ont aussi l'âge de défendre leur cause devant les tribunaux pour adultes et de purger des peines d'adultes. Je crois toutefois qu'ils devraient être incarcérés dans des prisons différentes, à l'écart des adultes. Ces enfants sont assez vieux pour connaître la différence entre le bien et le mal.
Cinquièmement, les prisons devraient être situées dans des régions isolées.
Sixièmement, les peines pour les crimes violents devraient être plus sévères et ne devraient jamais être assorties de libération anticipée pour bonne conduite.
Septièmement, les peines d'emprisonnement à perpétuité devraient être purgées jusqu'au bout, sans libération conditionnelle possible.
Huitièmement, il faut abroger les dispositions prévoyant la libération obligatoire pour bonne conduite, une fois que les deux tiers de la peine ont été purgés.
Neuvièmement, on ne devrait pas libérer un détenu qui refuse toute réhabilitation ou orientation, même s'il a purgé la totalité de sa peine.
Dixièmement, la population a le droit de savoir s'il se trouve un contrevenant violent dans le voisinage.
Onzièmement, il faudrait établir des camps de travail pour que les criminels puissent se rendre quelque peu utiles à la société.
Douzièmement, même si je ne suis pas partisan de la peine de mort, je suis d'avis que ce châtiment est peut-être nécessaire dans le cas de récidivistes violents ou de meurtriers en série. Une solution de rechange serait des peines d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.
Comme nous l'avons vu récemment, l'élément humain que comporte le système de justice présente le risque trop grand qu'une innocente personne soit tuée.
M. Gregory souligne que c'est là l'opinion d'un citoyen ordinaire, d'un Canadien de la classe moyenne. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que la plupart des Canadiens partagent ses points de vue.

Ne vous laissez pas influencer par une poignée d'experts isolés dans leur tour d'ivoire qui prétendent que la taux de la criminalité est à la baisse. Un meurtre qui aurait pu être prévenu est un meurtre de trop. Faisons en sorte que notre système de justice revienne au bon sens et au principe de la justice.
Ce matin, mes collaborateurs ont appelé M. Gregory à 7 heures, heure de la Colombie-Britannique, pour lui demander si je pouvais citer sa lettre aujourd'hui. Sa femme s'est dit persuadée que son mari en serait très heureux. Moi aussi, j'étais heureux de recevoir une lettre si sensée à propos du complexe dossier des réformes que les Canadiens ordinaires souhaitent que le Parlement mette en branle afin que les Canadiens respectueux des lois puissent se sentir de nouveau en sécurité chez eux et dans leur milieu.

Or, les mesures édulcorées proposées dans le projet de loi C-37 ne satisfont en rien le besoin que la population ressent pour un plus grand respect de la loi chez les jeunes.

La Loi sur les jeunes contrevenants a exactement l'effet inverse. Elle fait que les jeunes ne prennent pas la loi au sérieux.

Par exemple, le 3 novembre dernier, nous étions nombreux à participer au rallye Justice pour Joshua. Ce jour-là, Joshua aurait eu 5 ans s'il n'était pas mort, le 15 septembre, des suites de blessures à la tête causées par un jeune de 16 ans qui fuyait la police, à vive allure, dans une voiture volée qui est entrée en collision avec la camionnette conduite par la grand-mère de Joshua. Le jeune contrevenant a été condamné à un an de garde en milieu fermé pour homicide involontaire par négligence criminelle, à un an de garde en milieu fermé à purger simultanément, à un an de probation et à cinq ans d'interdiction de conduire.

Dans la région d'Ottawa-Hull, 10 000 véhicules automobiles sont volés chaque année par des jeunes contrevenants. Un grand nombre d'entre eux essayeront d'échapper à la police, mettant la sécurité du public en danger. Même dans ma circonscription d'Okanagan-Shuswap, où les gens sont relativement respectueux des lois, il y a eu, l'an dernier, 200 vols de véhicules automobiles dans la région de Vernon et plus de 50 à Salmon Arm.

Selon l'animateur d'émission-débat d'Ottawa, Steve Madely, qui a pris la parole au rallye Justice pour Joshua, 20 p. 100 des jeunes contrevenants en sont au moins à leur cinquième récidive. Mais pour les jeunes victimes comme Joshua, il n'y a pas de seconde chance.

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Les Canadiens en ont assez de voir que les jeunes contrevenants et les contrevenants très violents s'en tirent à si bon compte. Ils ne cessent de nous demander à nous législateurs de faire en sorte que le système judiciaire soit plus juste. Au lieu de cela, le projet de loi C-37 interdit de traduire en justice les jeunes contrevenants de 10 et 11 ans alors qu'ils sont à un âge où on a encore l'espoir de les remettre sur le droit chemin.

Le vice-président: Toutes mes excuses au député. Mais comme il est 13 h 30, nous devons passer à la période réservée aux initiatives parlementaires.

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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LE DROIT À LA PROPRIÉTÉ

M. Mike Scott (Skeena, Réf.) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait apporter une modification à l'article 7 de la Loi constitutionnelle de 1982, afin de reconnaître le droit de chacun de jouir de la propriété, et qu'il ne puisse être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de la justice fondamentale.
-Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole pour proposer cette motion que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait apporter une modification à l'article 7 de la Loi constitutionnelle de 1982, afin de reconnaître le droit de chacun de jouir de la propriété, et qu'il ne puisse être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de la justice fondamentale. Il n'y a rien de plus important que cela dans un système de gouvernement.

En prenant la parole aujourd'hui, à la Chambre des communes, je fais suite à de nombreuses personnes de plus grande stature et de plus grande compétence que moi, qui se sont battues pour ce droit des plus fondamentaux. Je fais suite, disais-je, à ceux qui ont lancé cette glorieuse révolution. Je fais suite à ceux qui ont confronté le roi Jean et l'ont forcé à signer la Grande Charte. Je fais suite à ceux qui, depuis plus de 1000 ans, travaillent et, si nécessaire, se battent et meurent pour que les gouvernements servent les droits de leurs citoyens plutôt que de les opprimer.

J'ai l'intention de poursuivre la lutte pour la reconnaissance du droit à la propriété, laquelle est au centre de nos anciennes libertés. Vu que ce n'est pas ainsi que la plupart des gens comprennent la notion de droit à la propriété, j'ai trois objectifs précis, aujourd'hui. D'abord, je voudrais expliquer ce qu'est le droit à la propriété. Deuxièmement, j'indiquerai pour quelles raisons il est au centre de la question du bon gouvernement. Ensuite, j'expliquerai comment ma motion résout le problème.

Les droits à la propriété reposent sur la notion des droits personnels de l'individu. Il est important de le souligner car lorsque les gens entendent propriété, ils pensent généralement à des biens concrets: maisons, bateaux, demeures et yachts. Ils ne pensent pas seulement à des biens concrets, mais à des biens de luxe. Ils voient dans les droits à la propriété une façon de protéger les riches ou l'ordre existant des choses. C'est fondamentalement faux et entièrement faux.

Les droits à la propriété reposent essentiellement sur la notion que les droits personnels de l'individu, sa conscience et son jugement, sont inviolables, voire sacrés. Les gens ont le droit de prendre leurs propres décisions. J'en suis fondamentalement convaincu.

(1335)

Notre propriété, c'est nous-mêmes, notre travail, notre imagination et notre courage. Le droit à la propriété c'est le droit de chacun de contrôler ses propres actions. Ce n'est que par extension que cela s'applique aux biens matériels.

Dans ce monde de choses matérielles, dans ce monde où le temps passe, le respect des biens des autres doit signifier le respect des choses ou des changements qu'ils ont accomplis. Propriété s'applique donc aussi aux choses. Le droit à la propriété personnelle est fondamentalement le droit de «posséder» ce qui fait ce que nous sommes. C'est le droit pour l'individu de prendre ses propres décisions, de commercer volontairement avec d'autres, de travailler librement et pour lui-même, non pour les autres comme un esclave.

Il est donc profondément erroné de croire que les droits à la propriété se limitent aux riches. Ôtez à un homme riche la moitié de ce qu'il possède, il sera encore riche. Ôtez par contre à un homme pauvre ou de la classe moyenne la moitié de ce qu'il possède, quel espoir a-t-il d'être aisé un jour?

Il n'est pas juste de dire que l'individu peut être libre sans posséder les choses qu'il doit à son labeur. Il n'est pas juste d'opposer les simples choses matérielles aux choses plus importantes comme l'amour. Aussi brillant puisse être le regard d'un enfant bien-aimé, il ne faut pas moins à cet enfant de la nourriture, des vêtements et un abri. Toutefois, les besoins matériels de l'enfant ne s'arrêtent pas là. Il ne s'agit pas de satisfaire les besoins matériels puis de s'élever. Les jouets, les jeux, les livres et les bras mêmes d'un parent qui bercent l'enfant sont tous matériels. Un parent qui ne peut faire une chose, la garder ou l'échanger pour une autre, que ce soit de la nourriture ou un livre de poésie, ne peut pas exprimer son amour de façon efficace et libre.

Le droit d'être son propre maître est donc fondamental et doit supposer le droit de regard sur les biens matériels qu'on possède, fabrique ou modifie. Mais, au départ, il faut être maître de soi-même, de son travail et de son imagination.

Les gens qui dénonce le droit de propriété, dénonce non seulement le droit de l'exploiteur d'amasser des richesses, mais encore celui du citoyen ordinaire de vivre comme il l'entend. C'est un droit fondamental à la dignité humaine.

Cela m'amène à mon second point, à savoir le problème du bon gouvernement. Car, aussi valable que puisse être en théorie le droit d'être maître de soi-même, il est doublement menacé dans la pratique.


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Les gens peuvent être victimes de la force et de la fraude au sein de leur propre collectivité. Leurs droits ne seront pas assurés en théorie ni en pratique si le vol est légal ou s'il reste impuni. Rien de ce que l'on peut faire pour améliorer comme on l'entend le monde dans lequel on vit ne peut persister. Toute réalisation est dérobée. Et les rêves ne se concrétisent jamais. Ils restent à l'état de rêves.

Les gens peuvent être victimes de la force et de la fraude aux mains d'agents extérieurs à leur collectivité. Quels que soient leurs droits, une attaque de l'extérieur peut anéantir ces droits et faire qu'ils soient violés et assassinés dans leur maison en flammes. Toute réalisation peut aussi être dérobée de cette manière.

Par conséquent, les gens se regroupent en sociétés et créent des gouvernements dans l'espoir d'établir un ensemble de droits qui soient respectés au sein de ces sociétés et qui soient aussi protégés contre toute menace de l'extérieur. Ils échouent parfois. Et, dans ce cas, les résultats sont absolument catastrophiques. Un gouvernement qui est trop faible pour défendre la vie, la liberté et la propriété de ses administrés est intolérable. Mais, habituellement, c'est le contraire qui arrive.

Pour la plus grande partie de l'histoire de l'humanité, le problème est venu du fait que les gouvernements ont exercé un pouvoir excessif. En général, un gouvernement trop faible pour protéger les droits des citoyens est remplacé par un gouvernement qui est assez fort pour le faire, mais peu disposé à agir.

Par le passé, le problème a toujours été lié au fait que les gouvernements avaient le pouvoir de protéger les citoyens, mais n'avaient pas la volonté d'agir. Ils ont plutôt préféré retirer des droits à la population. Ils ont agi comme si les gens ne constituaient que les moyens pour arriver à leurs fins. Ils se fixaient des objectifs nobles et forçaient ensuite la population à les aider à les atteindre.

Certaines régions du monde n'ont jamais réussi à régler ce problème. Les Romains se sont penchés sur la question. «Quis custodiet custodientes?», demandaient-ils. «Qui gardera ceux qui nous gardent?» Ils n'ont jamais trouvé réponse à cette question.

Dans la tradition anglo-américaine, le problème a été réglé, bien que de façon imparfaite. La solution trouvée tenait en partie à la théorie et en partie à la pratique. Toutefois, cette théorie a acquis de l'importance, à mesure que les sociétés et les gouvernements devenaient plus grands et impersonnels. En Grande-Bretagne, les conseils anglo-saxons semblaient avoir réglé leur problème de gouvernement, en donnant à leurs chefs et à leurs dirigeants certains pouvoirs, sans toutefois tomber dans l'exagération. Leurs chefs étaient en mesure de défendre les droits de la population, mais pas de les supprimer.

(1340)

Après la conquête normande, il semblait que le gouvernement avait triomphé sur la société, mais ce n'était pas le cas. À la pointe de l'épée, à Runnymede, la société civile a ordonné au roi Jean de signer et de respecter la Grande Charte sinon il mourrait.

Lorsque les Stuart ont cherché à s'en défaire, le peuple s'est révolté. Charles 1er a littéralement perdu la tête à cause d'elle. Lorsqu'Oliver Cromwell a cherché à se servir du pouvoir pour faire de la sociologie appliquée, le peuple a retiré son consentement à être gouverné. Peu de temps après la mort de Cromwell, le Commonwealth a été aboli.

Toutefois, la monarchie a été ramenée selon des termes strictement limités et, après que Jacques II eut montré qu'il respecterait les conditions fixées, la révolution glorieuse a porté Guillaume et Marie sur le trône, mais a également apporté la Charte des droits de 1689. Encore une fois, le droit du citoyen d'être libre de son gouvernement a triomphé.

Les gouvernements ont cependant tendance à empiéter. Les gardiens doivent être gardés. C'est ce qui a conduit à la révolte dans les 13 colonies dans les années 1770 et c'est la menace d'une autre révolte qui a mené à la rédaction du rapport Durham sur la responsabilité ministérielle dans notre pays. Pendant la majeure partie de notre histoire, la common law et sa protection du droit de chacun de jouir de la propriété ont résisté à toute tentative en vue de miner ce droit.

Malheureusement, un homme astucieux peut détruire ce qu'un homme sage peut bâtir. Et c'est ce qui s'est passé ici. Le très honorable Pierre Elliott Trudeau ne comprenait pas la notion selon laquelle le citoyen est une fin et non un moyen, et ne s'en souciait guère, pas plus qu'il ne comprenait la tradition parlementaire britannique et la suprématie de la common law.

En 1982, il ne s'est pas gêné pour renoncer à notre droit le plus fondamental dans une manoeuvre politique brillante et astucieuse, mais il n'aurait jamais dû le faire. Depuis 1982, les choses se sont détériorées très rapidement dans notre pays. Depuis 1982, nous avons l'impression que le gouvernement est roi et maître, et le citoyen, son serviteur.

M. Trudeau s'est senti très intelligent parce qu'il en était venu à une entente avec les premiers ministres provinciaux pour rapatrier la Constitution. Toutefois, lorsqu'un niveau de gouvernement s'entend avec un autre niveau de gouvernement pour abolir la protection des citoyens contre le gouvernement, une protection qui date de 1 000 ans ou plus, ce n'est pas bien et ce n'est pas sage. Par conséquent, je veux que la Chambre prenne les mesures nécessaires pour rétablir cette protection dans la Constitution.

Les Canadiens n'ont pas eu la chance de voter sur les droits de propriété en 1982 lors du rapatriement de la Constitution. Personne ne leur a demandé leur avis. Ce fut la même chose en 1992 lorsque les droits de propriété ont été délibérément omis de l'Accord de Charlottetown, et j'ajouterais que c'était contre la volonté des Canadiens. On leur refuse encore la chance de se prononcer ici parce que les députés d'en face ont refusé à la Chambre la chance de voter sur cette motion, de se ranger du côté du peuple ou du côté du roi Jean. Le temps est venu de corriger la situation.

Ma proposition est très précise. Je propose que la Charte canadienne des droits et libertés soit modifiée par l'inclusion de ce qui suit:


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Le gouvernement fédéral ne saurait saisir la totalité ou une partie des biens d'un citoyen en invoquant le droit souverain de l'État, un règlement ou tout autre moyen, à moins que l'expropriation vise un usage public, qu'elle se fasse par l'application régulière de la loi et qu'une juste indemnisation soit accordée en temps opportun au citoyen exproprié.
Cela n'empiète pas sur les domaines de compétence provinciale et ne lie que le gouvernement fédéral. Cela ne nuit pas aux politiques gouvernementales, mais oblige tout simplement le gouvernement à respecter des normes raisonnables dans ses rapports avec la population en l'empêchant de commettre certains abus. Ma proposition n'interdit pas les expropriations, mais oblige le gouvernement à y recourir uniquement si elles sont légitimes et en suivant un processus légitime.

Cette proposition reconnaît l'existence du paradoxe du gouvernement et se veut une solution sage aux problèmes créés par ceux qui sont trop astucieux. Elle vise à ramener le gouvernement à sa fonction première, qui est de protéger les droits des citoyens et non pas de les usurper.

Le plus important de ces droits est le droit de propriété. Ce droit est le droit d'être maître de soi-même, d'être libre et non pas esclave. J'exhorte donc la Chambre à se prononcer en faveur de l'inclusion du droit de propriété dans la Constitution.

Beaucoup de députés auront la possibilité de se prononcer sur la question aujourd'hui, mais beaucoup d'autres ne pourront pas le faire. En plus de ne pas pouvoir soumettre ma motion aux voix, le temps dont nous disposons pour en débattre est malheureusement très limité.

(1345)

Par conséquent, mes collègues qui aimeraient avoir la parole, mais ne l'auront pas, m'ont demandé de lire une déclaration d'appui en leur nom. Au nom de mes collègues de Calgary-Nord-Est, Lethbridge, Mission-Coquitlam, Prince George-Peace River, Port Moody-Coquitlam, Prince George-Bulkley Valley, Végréville et Wetaskiwin, je conclus sur cette déclaration:

«Monsieur le Président, honorables collègues et concitoyens Canadiens, nous croyons que le droit de propriété, ce qui inclut le droit de ne pas en être privé sauf pour un usage public et après application régulière de la loi et versement d'une indemnisation juste, se retrouve au coeur des libertés anciennes dont jouissent les Canadiens, qui forment un peuple libre. Nous aimerions tous prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour exprimer notre appui à l'inclusion de ce droit dans la Constitution. Au cas ou cela nous serait impossible, nous avons demandé à notre collègue, député de Skeena, de lire la présente déclaration d'appui en notre nom.»

J'espère que tous les députés de tous les partis pensent comme nous. J'insiste sur le fait que la question transcende tous les partis politiques et constitue une question de justice fondamentale et de droits de la personne.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir participer au débat de cette motion. Je tiens à remercier le député d'en face de nous avoir saisis de cette question.

Il cherche à faire apporter à l'article 7 de la fameuse Charte canadienne des droits et libertés une modification visant à reconnaître le droit de chacun de jouir de la propriété, afin qu'il ne puisse être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de la justice fondamentale.

J'invite le député, qui semble bien connaître son histoire, à réfléchir à une autre grande révolution contre la Couronne britannique, la révolution américaine. Les Américains se sont dotés eux aussi d'une constitution à l'issue de cette révolution, mais cette constitution a créé un énorme problème pour les tribunaux en constitutionnalisant le droit de propriété.

Nous avons reçu cette semaine l'agréable visite du président des États-Unis. Il est peut-être opportun de soulever cette question aujourd'hui, même au moment où il quitte notre pays.

Il est probablement judicieux d'examiner ce qui est arrivé chez nos voisins du sud en étudiant la possibilité de consacrer le droit de propriété dans notre constitution. D'après ce que je comprends, les tribunaux américains ont élargi le droit de propriété au-delà des formes traditionnelles de propriété comme celle d'un terrain ou d'une maison pour y englober des éléments comme les prestations de sécurité sociale, le permis de conduire et l'emploi dans la fonction publique. Il s'agit notamment de droits à des prestations. Aux États-Unis, on les considère comme des formes de propriété protégées par la constitution.

Voilà un concept intéressant, surtout quand on le considère au regard de la pensée traditionnelle du Parti réformiste. Si le Parti réformiste, qui existe depuis peu, a une tradition, c'est bien son opposition à la Charte des droits et libertés et son opposition à ce qu'il considère comme une ingérence du gouvernement dans les activités des simples citoyens.

Selon moi, une modification de l'article 7 irait à l'encontre des convictions fondamentales dont les réformistes se réclament. Chose certaine, l'expérience américaine soulève des questions sur l'interprétation que les tribunaux canadiens donneraient d'une modification qui ajouterait à la charte la protection du droit de propriété.

On peut s'interroger sur les conséquences. Le résultat d'une semblable modification serait une ingérence injustifiée dans le droit de propriété des Canadiens. Nos voisins américains ont connu une expérience regrettable pendant la première moitié du siècle en garantissant dans leur constitution le droit de propriété. Cela s'explique par une doctrine particulière sur l'application régulière du droit. En vertu de cette interprétation, les tribunaux américains, y compris la Cour suprême des États-Unis, ont rejeté des lois sociales importantes comme celles qui réglementaient le nombre maximum d'heures de travail et le salaire minimum, ainsi que les lois sur le travail des enfants.


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(1350)

Ces dernières été déclarées inconstitutionnelles parce qu'elles étaient perçues comme un atteinte au droit de propriété de l'employeur, ou plutôt du propriétaire d'esclaves.

La Cour suprême des États-Unis a fini par rejeter cette approche dans les années 30. Néanmoins, les tribunaux américains ont continué d'appliquer dans divers domaines les protections prévues par la constitution américaine.

Les tribunaux canadiens seraient libres d'adopter leur approche propre des questions de droits constitutionnels, comme ils l'ont d'ailleurs fait jusqu'ici, même lorsque les dispositions de notre constitution et de notre charte sont semblables à celles de la constitution américaine.

J'aimerais dire aux députés d'en face que, puisque nos principes juridiques ont tellement en commun avec ceux des États-Unis, il serait très utile d'examiner l'expérience américaine.

Il ne fait aucun doute que cet effort sera récompensé, car il nous permettra de mieux comprendre la signification des droits de propriété et les répercussions qu'ils pourraient avoir sur notre système.

Plus on fouille cette question, plus on se rend compte qu'elle n'est ni facile, ni limpide. Quoi qu'il en soit, comme d'habitude, les réformistes proposent une solution miracle, une solution simpliste à un problème qui existe essentiellement dans leur esprit.

Nous devrions commencer par examiner le principe simple et fondamental de la propriété et de sa jouissance. On ne devrait pas entraver arbitrairement le droit d'être propriétaire d'une maison ou d'un bien. Comment pourrait-on s'opposer à cela?

Quand on commence à examiner le principe de la propriété et sa portée réelle et possible, quand on commence à comprendre la portée et l'étendue des lois qui régissent et affectent la propriété, quand on commence à comprendre tous ces principes, il faut prendre du recul et faire un examen de la question dans son ensemble.

C'est une chose de parler de cette question en termes généraux et abstraits, mais c'en est une autre d'envisager l'inclusion de ce genre de droits dans notre Constitution, ce qui permettrait aux tribunaux d'examiner toute une série de lois pouvant, d'une certaine manière, avoir des répercussions sur la propriété ou sa jouissance.

Pour inclure les droits relatifs à la propriété dans la Constitution, il faut l'approbation de la majorité des provinces. Étant donné que la Constitution accorde déjà aux provinces la compétence sur les droits civils et le droit de propriété sur leur territoire, je suppose qu'elles auraient un intérêt plutôt marqué dans cette question, un intérêt qui serait d'ailleurs réel et valable. Compte tenu que leur accord serait un préalable nécessaire à toute modification de la Constitution à cet égard, je suis d'avis que ce n'est pas le genre de mesure pouvant faire l'objet d'une décision unilatérale.

Ceux qui étudient la Constitution diront aux députés que ce pourrait être le genre de mesure à laquelle une province pourrait se soustraire, aux termes des formules de modification énoncées à l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le compte rendu des débats avant et après le rapatriement de la Constitution montre que certaines provinces ont eu des préoccupations au sujet des modifications constitutionnelles qui pourraient restreindre leur capacité de réglementer la propriété.

J'ignore quel est le point de vue des provinces sur cette question à l'heure actuelle, mais j'ai la presque certitude que ce n'est pas une priorité pour elles. Le parti d'en face devrait fort bien savoir que la réouverture de la Constitution n'est pas une priorité pour la vaste majorité des Canadiens à l'heure actuelle.

Nous avons adopté des lois complexes pour réglementer et protéger le droit de propriété et la jouissance de ce dernier. Les lois sur les biens personnels et immobiliers régissent l'acquisition et l'aliénation de tous les types de biens; elles prévoient aussi comment, dans certains cas, les biens doivent être gérés et à quel usage ils doivent servir.

Contrairement à ce que prétend le député d'en face, ces lois ne visent pas à imposer un fardeau aux particuliers, mais plutôt à garantir que ces transactions aient lieu d'une manière ordonnée et équitable et protègent les parties contre des erreurs ou la fraude dans l'achat, la vente et la gestion des biens.

Au Québec, le Code civil régit la cession des biens personnels et immobiliers, alors que, dans les autres provinces, cette question est régie à la fois par les lois écrites et la common law.

Les règles de la common law remontent à des centaines d'années dans l'histoire du droit britannique. En fait, elles remontent bien plus loin que la Grande Charte.

(1355)

Je ne puis, de ce côté-ci de la Chambre, passer sous silence l'argument du député au sujet de la glorieuse révolution. Je suis d'avis que la glorieuse révolution et le Parti réformiste ne sont guère synonymes. La Grande Charte, qui est vraiment le modèle dont nous nous sommes directement inspirés pour la conception de notre propre charte, créait des droits fondamentaux.

Le Parti réformiste tente aujourd'hui, par cette proposition de modification, de limiter ces droits. J'estime que l'actuelle Charte canadienne des droits et libertés est en fait l'aboutissement de notre glorieuse révolution, soit la révolution par laquelle nous avons enchâssé à jamais dans une charte les libertés civiles et les droits de la personne fondamentaux. Le député dit que le droit le plus important est le droit de propriété.

Je suis d'avis qu'il y a d'autres points de vue quant aux droits qui sont les plus importants. L'un d'eux, à mon sens, est clairement le droit de tout citoyen de vivre librement dans notre pays.

La glorieuse révolution consiste-t-elle à adopter une modification pour insérer le droit de propriété dans la Constitution? J'estime que c'est là une tentative faite par ceux qui veulent


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limiter les droits des Canadiens et empêcher ces derniers de se protéger eux-mêmes par l'entremise de leur gouvernement.

[Français]

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on veut modifier la Charte canadienne des droits et libertés de manière à y garantir le droit à la propriété. L'enchâssement du droit de propriété était un objectif pour l'ancien gouvernement libéral de 1968, alors que le premier ministre de l'époque, M. Pierre Elliott Trudeau, qui fut aussi ministre de la Justice, proposait l'adoption d'une charte qui assurerait la protection constitutionnelle de certains droits dont, évidemment, celui de la jouissance de la propriété.

On se rappellera, naturellement, que cette motion fut rejetée. En 1978, dans le projet de loi sur la réforme constitutionnelle, on se souvient que c'est le projet de loi C-60, des provinces se sont carrément opposées à une telle proposition. On parle entre autres des provinces du Manitoba et de l'Île-du-Prince-Édouard, si je me souviens bien.

En 1980, le gouvernement fédéral a proposé un nouveau projet de garantie de droit de la propriété. Encore là, les provinces se sont opposées avec acharnement à cette garantie. Je dois donc aviser mon collègue que s'il espère modifier l'article 7 de la Loi constitutionnelle de 1982 afin de faire reconnaître un tel droit, ce sera, je vous le dis, très difficile. Afin de mieux conceptualiser un petit peu la difficulté qui nous attend, juste dans l'éventualité de la possibilité, je pense qu'il est important d'être technique pour quelques minutes, afin de bien cibler la problématique.

Tout d'abord, la charte faisant partie de la Constitution ne peut être modifiée qu'au moyen d'une modification dans la Constitution elle-même, il va sans dire. Pour qu'une telle mesure puisse être appuyée, il faut premièrement des résolutions émanant du Sénat et de la Chambre des communes, ce qui n'est pas fait et n'est pas chose facile non plus, et deuxièmement, des résolutions des assemblées législatives d'au moins deux tiers des provinces, ces dernières devant représenter au moins 50 p. 100 de la population canadienne. Ça non plus, ce n'est pas fait.

Cette dernière obligation sous-entend que parmi les provinces souscrivant à un tel projet de modification, on retrouvera obligatoirement ou l'Ontario ou le Québec, puisqu'ensemble, ces deux provinces regroupent plus de 50 p. 100 de la population. Ensuite, la Loi constitutionnelle de 1982 exige, en son article 38(2) je crois, que la résolution doit recevoir l'appui de la majorité des députés siégeant au sein d'une assemblée législative, plutôt que la majorité des députés présents au moment du vote et cela, si la modification proposée est dérogatoire à la compétence législative, au droit de propriété et à tout autre droit ou privilège d'une législature ou d'un gouvernement provincial. Ce serait le cas ici si l'on modifiait la Charte pour y inclure le droit à la propriété. Mon collègue peut donc constater que sa proposition risque de mourir dans l'oeuf.

(1400)

De plus, jusqu'ici, aucune décision, même au niveau de la Cour suprême, n'a établi que le droit de propriété devait être protégé par la Charte de 1982. On l'a même écarté dans l'arrêt Irwing Toys Ltd., une décision importante où la Cour suprême a statué à la majorité, et je cite: «. . .l'exclusion intentionnelle de la propriété de l'article 7 et son remplacement par la «sécurité de sa personne» a un double effet. Premièrement, cela permet d'en déduire globalement que les droits économiques, généralement désignés par le terme «propriété», ne relèvent pas de la garantie de l'article 7. Cela ne signifie cependant pas qu'aucun droit comportant un élément économique ne peut être visé par l'expression «sécurité de sa personne».»

On est donc à même de constater qu'il existe de sérieuses réserves quant aux contrecoups défavorables d'une telle démarche. Plusieurs groupes ont fait reconnaître leurs préoccupations quant à un enchâssement possible du droit de la propriété dans la Constitution. On va en citer quelques-unes et quelques-unes aussi de leur priorité.

Les autochtones, entre autres, en appréhendent les répercussions éventuelles sur leurs revendications territoriales et leurs droits fonciers. Par les temps qui courent, c'est un secteur sensible au niveau des revendications territoriales et on sait à quel point ils y tiennent. Du côté des syndicats, ils sont inquiets des conflits susceptibles de surgir entre les droits des travailleurs et les droits de ceux qui possèdent les biens. Au niveau des groupes environnementaux, on se demande quelle sorte de loi il serait possible d'adopter si le droit à la propriété était inclus dans la Constitution, droit tout à fait légitime d'ailleurs.

De plus, les provinces devraient craindre que la constitutionnalisation du droit à la propriété n'habilite les tribunaux à entraver l'application des lois qui protègent d'importants intérêts sociétaux. À titre d'exemple, on peut citer les lois qui touchent la planification de l'utilisation des terres à celles qui touchent la propriété des biens mobiliers et immobiliers, et même celles qui touchent la santé et la sécurité.

Dans le domaine des règlements municipaux de zonage, les règlements relatifs à l'environnement, à la pollution, et le droit du conjoint à la propriété en cas de dissolution du mariage, l'enchâssement d'un tel droit aurait des conséquences totalement imprévisibles et même farfelues.

Prenons par exemple un homme et une femme qui mettent fin à leur union et qui se séparent ou qui divorcent. La Loi sur le patrimoine familial, qui est une loi provinciale, prévoit qu'en cas de dissolution du mariage, la maison sera vendue et le produit de la vente sera divisé entre les ex-conjoints. Advenant que l'on amende la Constitution pour y inclure le droit à la propriété, comme le propose mon collègue réformiste, cela voudrait dire que l'ex-époux qui a acheté la maison pourrait contester la loi provinciale en plaidant la Charte canadienne, en disant tout simplement que c'est le droit de jouir de sa propriété qui est brimé. Ainsi, l'autre époux serait complètement déchu de ses droits issus de la loi provinciale. Il y a imbroglio et il est impossible de régler ce problème. On peut donc voir facilement le non-sens d'un tel amendement.

L'enchâssement du droit à la propriété dans la Charte canadienne est aussi un danger et une intrusion du fédéral dans une compétence législative réservée exclusivement aux provinces en vertu de l'article 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 qui


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dit que: «seules les provinces sont habilitées à légiférer pour la propriété et les droits civils dans la province.»

De plus, comment les tribunaux interpréteront-ils le droit de propriété puisqu'au Québec, le droit civil régit le droit de propriété et que les tribunaux l'interprètent selon la conception civiliste, alors que dans les autres provinces, on l'interprète en vertu de la common law.

(1405)

Pour conclure, j'aimerais préciser que personne ne peut suggérer que ce droit est moins bien respecté au Canada qu'ailleurs dans le monde. Il est clair que, pour l'opposition officielle, l'intérêt véritable d'une telle démarche tient probablement à des considérations d'un tout autre ordre. Il est clair que l'ajout d'un tel droit dans une loi fondamentale transcendant les pouvoirs du fédéral et des provinces, comme la Charte des droits, et réunissant des valeurs constantes pour régir la vie en société constitue pour le fédéral un instrument puissant pour à nouveau s'ingérer une fois de plus dans une compétence relevant uniquement des provinces.

Le président suppléant (M. Bellemare): Comme aucun député du gouvernement ne désire prendre la parole, je passe maintenant au Parti réformiste.

Les députés du Parti réformiste m'ont demandé s'il y avait consentement pour séparer la période d'intervention de dix minutes entre le député de Yorkton-Melville et le député de Nanaïmo-Cowichan, chacun pour une période de cinq minutes.

Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, on trouve rarement des champions des droits de propriété en politique active.

Face au Parti réformiste, bien des gens ont réagi en manifestant de l'étonnement et le sentiment que nous ne pratiquions pas la politique fédérale. Tout laisse croire que ces gens ont raison, même si ce n'est pas au sens où ils l'entendent. En effet, nous ne sommes pas des politiciens typiques. C'est que nous sommes contre l'État omniprésent. C'est pour cette raison que nous sommes ici. Ce n'est pas simplement parce que nous souhaitons y être.

J'ai cherché à comprendre pourquoi les Canadiens étaient de si mauvais poil ces temps-ci et pourquoi le gouvernement semble être l'objet de toutes leurs doléances. Je crois que c'est à cause du dossier dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Le droit de posséder quelque chose en propre, c'est le droit d'être laissé en paix par le gouvernement. J'ai prêté une oreille très attentive aux arguments qu'a invoqués le député de Windsor, mais ce sont là les objections typiques du Parti libéral qui croit que l'État n'est jamais trop omniprésent. J'ai aussi prêté une oreille attention aux arguments du Bloc qui consistent à affirmer qu'il s'agit d'un domaine relevant de la compétence des provinces.

Qui protégera la population canadienne d'un gouvernement fédéral de plus en plus tentaculaire? Les provinces? Je dénote une contradiction réelle entre les propos que tient le Bloc et ses convictions profondes. En démocratie, le gouvernement, ce n'est pas eux, c'est nous. Ce n'est pas le gouvernement qui s'attaque à nous. C'est l'un l'autre par le truchement du gouvernement.

Nous avons jugé qu'il était possible d'obtenir de l'argent par un vote, et c'est effectivement le cas. Plus on essaie de se soutirer de l'argent l'un l'autre, plus on invoque la tolérance et toutes les autres vertu, plus on est furieux, non seulement contre le gouvernement, mais l'un contre l'autre. Pour les autorités publiques, la démocratie équivaut à voter. C'est un moyen d'exercer un contrôle sur le gouvernement, et non pas un processus visant à légitimer toute mesure prise par le gouvernement.

Le droit de posséder un bien et d'en user à sa guise, c'est le droit d'être laissé en paix par le gouvernement. En réalité, ce n'est pas le gouvernement qui prend nos dollars d'impôt durement gagnés et nos biens, c'est nous qui nous prenons nos biens les uns aux autres, par l'intermédiaire du gouvernement.

Le gouvernement n'est pas bienveillant. Il représente la force. Plus nous essayons de prendre les richesses les uns aux autres par l'entremise du gouvernement, plus nous devenons en colère, non seulement contre ce dernier, mais aussi les uns contre les autres. Nous avons du mal à voir les effets que produit l'absence de droits de propriété sur nous et sur notre société. Un trop grand nombre d'entre nous croient que la démocratie confère au gouvernement le pouvoir ultime de nous priver de nos droits fondamentaux et de nos biens. La démocratie ne sert alors que de prétexte. Nous n'avons pas une vraie démocratie au Canada. Nous votons tous les quatre ou cinq ans simplement pour élire une autre bande d'experts en impôts et en dépenses qui méprisent notre droit fondamental de posséder des biens et de les utiliser.

(1410)

Ce n'est pas de la démocratie. La démocratie est censée être un moyen d'exercer un certain contrôle sur le gouvernement, et non de légitimer la confiscation de biens privés sans l'application régulière de la loi et sans dédommagement juste et opportun. Voter devrait constituer simplement un moyen d'empêcher le gouvernement de prendre nos biens. Au lieu de cela, nous nous sommes habitués à nous en servir comme moyen de prendre les richesses les uns aux autres. C'est du socialisme.

À mon avis, c'est ce qui ne va pas au Canada, et tous les votes possibles ne pourront pas régler le problème. Par exemple, si les droits de propriété privée étaient inscrits dans notre constitution, le ministre de la Justice ne pourrait pas appliquer ses lois de contrôle des armes à feu et nous nous en porterions tous beaucoup mieux. À moins de tenir un référendum sur l'insertion du droit de propriété privée dans la constitution, nous avons peu d'espoir d'instaurer une vraie démocratie au Canada. Nous en avons désespérément besoin.

Nous, à la Chambre, devons modifier notre Constitution ou tenir un référendum sur l'insertion du droit de propriété dans la constitution.

Le député de Skeena m'a demandé de faire consigner au compte rendu une déclaration appuyant cette motion. Mais il faut savoir que ce principe fait partie de la politique énoncée dans notre livre bleu et que, par conséquent, tous les députés réformistes y souscrivent. Nous espérons que le gouvernement examinera


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attentivement ce que nous avons présenté dans notre argument sérieux.

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, j'aime à croire que les Canadiens vivent dans une société juste et démocratique. J'aime à croire que le Canada est un pays où l'on respecte la règle de droit.

Cependant, quand j'examine notre Constitution, et notamment la Charte canadienne des droits et libertés, je m'inquiète. Le droit de propriété est le plus fondamental de tous. Nous avons le droit de conserver ce que nous gagnons, le droit d'acquérir ce dont nous avons besoin en faisant des échanges équitables et le droit de jouir de ces libertés tout en respectant les droits des autres.

Comme l'a écrit Thomas Bethell dans Property and Justice, il existe un lien étroit entre le fonctionnement d'un système fondé sur la propriété privée et la notion de justice même. À titre de Canadiens, nous croyons avoir un droit inhérent à la justice. Si un criminel vole un bien quelconque, nous nous attendons à ce que la victime reçoive une compensation et à ce que le criminel soit puni. Nous sommes indignés lorsque rien de tel ne se produit.

C'est leur foi profonde en la justice qui a incité de nombreux Canadiens à exiger des peines plus sévères pour les criminels, une obligation accrue pour le gouvernement de rendre compte des dépenses faites avec leurs impôts, ainsi que la constitutionnalisation de leur droit de propriété.

Dans une société juste, les faibles n'ont pas à craindre les forts ou les corrompus car ils savent que leurs droits seront respectés et que la règle de droit saura les protéger. Dans une société juste, l'État protège le droit de propriété de chacun contre ceux qui voudraient le violer. C'est l'une des raisons d'être des forces policières: les États veulent empêcher les criminels de violer les droits des autres citoyens.

De même, lorsque l'État confisque arbitrairement des biens privés sans tenir compte de la règle de droit, c'est une injustice. Notre système de justice est basé sur la notion de propriété privée. On part de l'hypothèse selon laquelle, lorsqu'une personne prend quoi que ce soit à une autre, elle viole alors une loi fondamentale de notre société. En effet, nos biens sont une propriété privée et non commune. Les biens peuvent généralement appartenir à l'État ou être une propriété privée ou commune. Au Canada, nous aimons à penser que nous pouvons compter sur la propriété privée. Cependant, comment pouvons-nous garantir cela sans protection constitutionnelle?

De par sa nature même, un système de propriété commune est injuste. N'importe qui peut s'emparer du fruit du travail d'une personne sans qu'on considère que c'est du vol. On appelle cela de la redistribution, car tout le monde dans la collectivité possède ce qui est produit. Cela finit par conduire à une société où la justice veut dire que chacun contribue selon sa capacité et chacun reçoit selon ses besoins. Avez-vous déjà entendu cela auparavant? Inévitablement, dans le cadre de ce système, les gens dans le besoin deviennent cupides et les travailleurs honnêtes finissent par être pauvres.

(1415)

Lorsque, dans une société, l'État s'assure la propriété ou le contrôle de biens et nie arbitrairement à ses citoyens le droit de jouir de leurs biens comme bon leur semble, il viole la convention qui le lie aux gens.

Il n'est plus alors question de liberté individuelle et, lorsque l'État ne respecte pas la règle de droit, on peut parler de tyrannie. Parfois, les Canadiens ont du mal à se définir, mais je ne pense pas que la notion de propriété commune ou d'État aille bien avec cette définition.

Il est tout à fait répréhensible que les Canadiens croient fondamentalement dans le droit à la propriété, mais que ce droit ne soit protégé de façon formelle nulle part. Pourquoi le gouvernement ne reconnaît-il pas ce droit?

Il est parfaitement inadmissible qu'un ministre puisse imposer arbitrairement ses croyances personnelles à la société et promulguer une loi qui prive les citoyens respectueux des lois de leurs biens parce qu'il n'aime pas les armes à feu. Cela signifie que les Canadiens sont régis par des gens qui ne croient pas dans le droit fondamental à la propriété. Ce n'est pas rassurant.

Pour appuyer la motion M-301, je tiens à dire que je dormirais mieux la nuit si je savais que mon droit à la propriété est protégé. Je souscris donc de tout coeur à cette motion.

Le vice-président: Normalement, nous donnerions la parole aux députés siégeant de l'autre côté, mais le député que je vois se lever est déjà intervenu et ne peut le faire à nouveau. Ainsi, avec le consentement unanime de la Chambre, le député de Kindersley-Lloydminster divisera son temps de parole avec deux de ses collègues.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je demande le consentement de la Chambre pour partager mon temps de parole avec le député de North Vancouver et le député de Saanich-Les Îles-du-Golfe.

Le vice-président: La Chambre consent-elle à l'unanimité à la demande du député?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Le député dispose de trois minutes et un tiers.

M. Hermanson: Monsieur le Président, vous me ferez signe quand je devrai m'arrêter.

Je suis heureux de dire que je suis en faveur du droit de propriété au Canada. La question du droit de propriété est importante pour tous les Canadiens. Elle ne concerne pas seulement les riches ou les personnes qui ont des intérêts commerciaux.

Ce n'est pas une question que l'on peut qualifier de droite ou de gauche. Elle concerne la liberté personnelle, qui est fondamentale dans les sociétés libres. Il est tragique qu'une démocratie développée comme la nôtre ait exclu le droit de propriété de ses traditions constitutionnelles et juridiques. Je vais expliquer en quoi la question du droit de propriété, ou plutôt de l'absence de ce droit, nuit aux agriculteurs des Prairies.


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Étant donné que nous n'avons pas, dans notre système judiciaire, de dispositions adéquates sur la propriété, les agriculteurs ne possèdent pas réellement les biens qu'ils produisent. Quand on possède quelque chose, on peut décider de l'utilisation que l'on veut en faire, en autant que cela ne nuit pas aux autres.

Le blé n'est pas une substance dangereuse. L'agriculteur devrait donc pouvoir le vendre à qui bon lui semble, en respectant les mécanismes de commercialisation que ses collègues et lui ont établis, au prix auquel il s'entend avec l'acheteur.

De plus, l'agriculteur devrait pouvoir choisir le moyen de transport utilisé et l'itinéraire suivi pour expédier le blé. Après tout, c'est bien son blé, n'est-ce pas? Dans les Prairies, le blé n'appartient pas à l'agriculteur. Il ne lui appartient pas, parce qu'il n'est pas libre de le vendre comme il le voudrait. On lui dit à qui vendre son grain, à quel prix et comment l'expédier. L'absence du droit de propriété au Canada fait en sorte que l'agriculteur n'est pas propriétaire du grain qu'il produit par son propre labeur. Il s'ensuit que l'agriculteur ne possède pas son propre travail et n'est pas son propre maître.

L'agriculteur est réduit à être un agent de l'État et il reçoit pour son produit le montant que le gouvernement veut bien lui donner. Si le droit à la propriété était respecté, tous les agriculteurs pourraient choisir de commercialiser leurs produits collectivement ou pas. Je suis convaincu que de nombreux agriculteurs feraient un choix, ce qui est louable, pourvu que ce choix soit exercé librement, et non dicté par le gouvernement.

On dit que l'homme est seulement maître de lui-même et de son travail. Par conséquent, il est également maître du fruit de son travail. La reconnaissance du droit à la propriété dans le système juridique canadien donnerait aux agriculteurs la possibilité de choisir librement la manière de combler leurs besoins en utilisant leurs propres ressources et le fruit de leur travail. Une loi concernant le droit à la propriété donnerait à chaque agriculteur le choix de décider de la manière de combler ses besoins.

J'exhorte tous les députés, en particulier ceux des régions éloignées, à appuyer le principe du droit à la propriété au Canada.

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, les députés savent que je prends souvent la Nouvelle-Zélande à titre d'exemple dans mes discours sur des questions économiques.

Ce n'est pas que je croie que tout ce qu'a fait la Nouvelle-Zélande était bien, mais plutôt que je trouve que nous avons beaucoup à apprendre de l'expérience d'autres pays qui ont connu des problèmes semblables aux nôtres.

(1420)

Nous pouvons tirer des leçons de l'histoire en ce qui a trait aux droits à la propriété. Nous devons examiner l'expérience des autres avant de décider si ces droits doivent être inscrits dans notre charte.

L'histoire a mis une grande variété de précédents à notre disposition. Par exemple, nous connaissons l'histoire de la Rome antique, de la Grèce, de la Chine, de l'Égypte et de la Mésopotamie. Nous savons ce qui s'est produit à l'époque classique, à l'époque médiévale, durant la révolution industrielle et même dans les temps modernes. Tout est documenté. Nous en savons beaucoup au sujet de la Grande-Bretagne, du Canada, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, de la Russie, des États-Unis et du Cambodge. L'étude des réalisations historiques de ces lieux et de ces époques nous permettrait de découvrir rapidement quels gouvernements n'ont pas respecté les droits à la propriété et lesquels l'ont fait. On apprend ainsi que, dans les pays qui n'ont pas respecté ces droits, la population a été réduite à la misère et à la pauvreté.

Les choses semblent souvent sans conséquences au début. Un gouvernement promet de réglementer l'économie pour le bien de tous, de redistribuer la richesse plus équitablement, de faire payer aux riches leur juste part d'impôts et d'éliminer les échappatoires. J'ai l'impression d'avoir déjà entendu tout cela. On présume alors naïvement que le gouvernement sait ce qu'il fait et que les citoyens moyens doivent être protégés contre eux-mêmes.

L'histoire regorge d'exemples pour illustrer cela. Que ces réformes soient dirigées par des détraqués comme Staline ou Hitler ou par des rêveurs bien intentionnés comme Nehru et Nyerere, elles sont invariablement vouées à l'échec. Elles créent des conflits plutôt que d'instaurer la paix, engendrent la famine plutôt que l'abondance et favorisent la pauvreté plutôt que la prospérité. Au lieu de conférer des droits plus nombreux et mieux adaptés aux besoins, par rapport aux droits que nous avons hérités de la Grande Charte, ces réformes réduisent et amoindrissent nos droits. Elles finissent par créer une cage qui n'a même rien à voir avec la cage dorée promise.

Je défie les députés de me nommer une société où le gouvernement a respecté les droits à la propriété et où la population n'en a pas profité. Je les mets aussi au défi de me nommer une société où le gouvernement n'a pas respecté les droits de propriété et où la population n'en a pas souffert. Plus le droit à la propriété est protégé, plus les gens profitent de meilleures conditions de vie et d'un meilleur ordre social.

L'histoire nous apprend également que là où les droits à la propriété sont protégés, les droits de la personne le sont également. La perte des droits à la propriété s'accompagne de la perte des droits de la personne, de la perte de la liberté d'expression et de la perte de tout respect pour les personnes. Les droits à la propriété constituent le fondement même d'une société respectueuse. Ils sont les plus importants droits de la personne.

Je suis stupéfait de constater que notre Constitution et notre Charte des droits et liberté protègent contre l'expulsion des criminels notoires qui viennent s'établir au Canada en se faisant passer pour des réfugiés, mais ne garantissent pas aux citoyens respectueux de la loi le droit à la propriété.

Je trouve stupéfiant de voir que notre Constitution et notre Charte des droits et libertés permettent de commettre des crimes en invoquant l'ivresse, mais ne protègent pas le droit de proprié-


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té des citoyens respectueux des lois. Les Canadiens devraient être fiers de leur Constitution, mais je ne m'étonne plus qu'ils en soient dégoûtés.

Le député réformiste de Skeena a proposé une excellente motion que le gouvernement ferait bien d'approuver et de mettre en application.

En plus de tout ça, la vice-première ministre a promis de démissionner si la TPS n'était pas supprimée dans l'année suivant l'accession de son parti au pouvoir, mais elle ne l'a toujours pas fait.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, je suis ravi de prendre la parole au sujet de la motion no 301, que propose mon collègue, le député de Skeena.

Il s'agit de déterminer si le droit de propriété doit être constitutionnalisé. Au cours des trois années où j'ai travaillé en Tanzanie, j'ai vu passer ce pays d'un régime socialiste convaincu, où tout le monde possède tout et où personne ne possède rien, à une société qui reconnaît qu'il est humain de vouloir posséder son propre lopin de terre, sa propre pièce d'équipement ou sa propre entreprise.

Ce désir existait déjà, mais il était écrasé par le gouvernement, et ce n'est que lorsque les choses ont changé que la fierté et la productivité ont commencé à s'améliorer.

(1425)

Comme Canadiens, nous jouissons du droit de propriété, mais l'exercice de ce droit est laissé à la discrétion du gouvernement. Nos seuls droits à cet égard résident dans la jurisprudence qui s'est accumulée au fil des siècles et que nos tribunaux reconnaissent.

À l'heure actuelle, les tribunaux fédéraux et provinciaux peuvent arbitrairement enlever ce droit, imposant leur propre évaluation et s'élevant au-dessus du droit du particulier d'établir ce qui lui semble être une indemnisation juste et équitable.

Nous n'avons que trop tardé à établir le droit de propriété, et les gouvernements fédéral et provinciaux devraient agir sans tarder pour le constitutionnaliser.

Traditionnellement, les démocraties se sont inspirées de quatre droits fondamentaux: le droit à la vie, le droit à la liberté, le droit à la sécurité et le droit de propriété. Le droit de propriété remonte à la Grande Charte. Il est reconnu dans la déclaration des Nations Unies de 1948 sur les droits de la personne.

Le droit de propriété était mentionné au paragraphe 1a) de la Déclaration canadienne des droits de 1960. Dans son libellé original de 1981, la Charte canadienne des droits et libertés faisait mention du droit de propriété. Ce droit a cependant été exclu par la suite, à cause de tractations politiques.

Il est peut-être particulièrement utile de rappeler, pour l'édification de mes collègues libéraux d'en face, ce qu'écrivait à ce sujet le très honorable premier ministre Pierre Elliott Trudeau en 1983: «Je répète que mon gouvernement appuie sans réserve l'adoption d'une résolution parlementaire visant à constitutionnaliser le droit de propriété.»

Au moins 24 pays, dont les États-Unis, l'Australie, l'Italie, l'Allemagne, la Suède et la Finlande, ont protégé le droit de propriété en le constitutionnalisant.

Aucun citoyen raisonnable ne remettrait en question le droit d'un gouvernement d'exproprier des terrains nécessaires au bien commun de la société; cependant, les droits à l'indemnisation des personnes touchées par l'expropriation doivent évidemment être clairement énoncés et protégés. L'insertion des droits de propriété dans la Constitution obligerait les autorités chargées de l'expropriation à rendre des comptes à la population. En tant que droit fondamental, le droit de propriété devrait jouir de la même garantie constitutionnelle que le droit à la vie, la liberté et la sécurité de la personne.

Le gouvernement devrait fournir cette protection et, lorsque les besoins du bien commun ont préséance sur ce droit personnel, des dispositions devraient être adoptées pour garantir le respect de la justice fondamentale.

Il est à espérer qu'il ne manquerait pas de volonté politique pour accorder ce droit fondamental à nos concitoyens.

M. Scott (Skeena): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement pour demander le consentement unanime de la Chambre afin que cette motion importante soit mise aux voix.

Des voix: Non.

Le vice-président: Le député a posé la question, et la réponse est négative. Je crois que le député veut invoquer le Règlement à nouveau.

M. Scott (Skeena): Monsieur le Président, je demande alors le consentement unanime de la Chambre pour que cette motion soit renvoyée au Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées afin qu'elle y soit étudiée plus à fond.

Des voix: Non.

Le vice-président: La Chambre a refusé d'accorder son consentement à la deuxième requête du député.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je ferai seulement quelques observations. Je suis la discussion depuis quelques minutes et je n'ai jamais entendu autant de sornettes et d'arguments tortueux, ni un tel manque de compréhension à l'égard d'une communauté autonome qui croit que, en restant ensemble, nous nous en tirerons mieux qu'en vivant selon la règle du chacun pour soi et la loi du plus fort.

Quelqu'un a dit que la non-reconnaissance du droit à la propriété dans la Constitution conduit à la misère et à la pauvreté. Je n'ai toutefois pas entendu citer un seul exemple de pays, que je pourrais d'ailleurs contester, où la reconnaissance de ce droit ait engendré la richesse et le bonheur.

Au contraire, les Nations Unies ont désigné à deux reprises le Canada, dont la Constitution n'a jamais reconnu le droit à la propriété, comme le pays où il fait le mieux vivre, compte tenu de


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la qualité et du niveau de vie de sa population. Je crois que ce seul fait constitue un démenti de certains arguments que j'ai entendus à la Chambre aujourd'hui.

Lorsque nous utilisons le temps de la Chambre, nous devons au moins à la population canadienne d'être logiques, rationnels et francs. Je constate toutefois que cela a souvent fait défaut dans la discussion actuelle.

Le vice-président: L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Par conséquent, l'article est rayé du Feuilleton.

Comme il est 14 h 30, la Chambre s'ajourne au lundi 27 février, à 11 heures.

(La séance est levée à 14 h 30.)


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ANNEXE

Allocution

prononcée par

M. William J. Clinton,

Président des États-Unis d'Amérique

devant

les deux Chambres du Parlement

en l'enceinte de

la Chambre des communes, à Ottawa

le jeudi 23 février 1995









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ANNEXE

Allocution
prononcée par
M. William J. Clinton,
Président des États-Unis d'Amérique
devant
les deux Chambres du Parlement
en l'enceinte de
la Chambre des communes, à Ottawa
le jeudi 23 février 1995

(1505)

[Traduction]

M. et Mme William J. Clinton sont accueillis par le très honorable Jean Chrétien, premier ministre du Canada, l'honorable Gildas Molgat, Président du Sénat, et l'honorable Gilbert Parent, Président de la Chambre des communes.

L'hon. Gilbert Parent (Président de la Chambre des communes): Chers collègues, je déclare la séance ouverte.

Monsieur le Président, vous faites un grand honneur aux Canadiens en prenant la parole devant nous à l'occasion de cette séance conjointe du Sénat et de la Chambre des communes. Votre présence parmi nous aujourd'hui nous honore.

J'inviterais maintenant le premier ministre, le très honorable Jean Chrétien, à présenter nos distingués invités.

(1505)

Le très hon. Jean Chrétien (Premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de vous souhaiter la bienvenue au Parlement au nom de tous les Canadiens et Canadiennes. Je dois d'abord dire qu'avant même d'avoir prononcé un seul mot devant cette assemblée, vous avez déjà fourni une preuve éloquente de l'amitié qui lie nos deux pays en acceptant de venir à Ottawa en février.

Je tiens à vous signaler, monsieur le Président, qu'il s'est passé une chose fort inhabituelle à la Chambre hier. Il a été résolu à l'unanimité que nous aurions aujourd'hui, ce qui est très rare en février, une belle journée de printemps en l'honneur de votre visite.

Monsieur le Président, le temps froid qui sévit à l'extérieur est peut-être typiquement canadien, mais il en est de même de l'accueil chaleureux que nous vous réservons à l'intérieur. Cette chaleur, nous la réservons à nos amis les plus chers.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien: Il s'est dit et écrit beaucoup de choses au sujet de l'amitié qui lie nos deux pays. Cette amitié n'a pas toujours été facile à vivre, ce qui est normal, étant donné que l'un est un pays relativement petit et que l'autre est la plus puissante nation du monde. Comme l'a déjà dit un député, il y a une trentaine d'années, les Américains sont nos meilleurs amis, que cela nous plaise ou non.

Des voix: Oh, oh!

M. Chrétien: Mais notre relation s'est épanouie et a évolué au fil des ans. Aujourd'hui, comme dans toute amitié saine et solide, notre relation se déroule d'égal à égal. En tant qu'amis et voisins, nous sommes capables de faire la distinction entre les affaires et l'amitié lorsque cela s'impose. Et, dans la grande majorité des cas, nous sommes en mesure de collaborer, comme depuis toujours, à la réalisation d'objectifs communs.

Le fait est, monsieur le Président, que nos deux gouvernements ont été élus en fonction de leurs programmes d'emploi et de croissance. Et tous deux ont mis l'accent sur ces programmes depuis leur arrivée au pouvoir. Le Canada et les États-Unis connaissent tous deux une relance économique forte, solide et durable.

[Français]

Vous pouvez maintenant écouter l'interprétation, monsieur le président.

[Traduction]

Vous savez, c'est ainsi qe les choses se passent au Canada.

Des voix: Oh, oh!

(1515 )

[Français]

M. Chrétien: Nos économies sont étroitement liées. Il se fait plus de commerce entre nos deux pays qu'entre n'importe quels autres pays dans le monde, soit près de un milliard de dollars canadiens par jour, tous les jours. Lorsqu'un des deux pays va bien, l'autre en profite; et lorsque nos deux économies sont fortes, rien ne peut nous arrêter. Des emplois en Colombie-Britannique signifient des emplois dans l'État de Washington; des emplois au Michigan se traduisent par des emplois en Ontario; des emplois au Québec entraînent des emplois dans l'État de New York.

Nos objectifs communs vont au-delà de notre relation immédiate. Nos deux administrations comprennent que l'accroissement et la libéralisation du commerce sont garants de la création d'emplois et de la croissance dans nos pays respectifs.

Nous étions ensemble, à Djakarta, en novembre dernier, lorsque les pays de l'Asie du Pacifique se sont engagés à créer une zone de libre-échange d'ici l'an 2010. Aussi, à la conférence que vous avez présidée à Miami, en décembre, au cours de laquelle tous les pays de l'hémisphère se sont entendus sur une zone de libre-échange des Amériques pour l'an 2005.

Je tiens à souligner, monsieur le président, le rôle que vous avez joué à l'égard de la concrétisation de cette vision nouvelle. D'ailleurs, vous n'avez pas limité cette vision aux questions économiques, vous avez agi de façon décisive à l'égard du rétablissement de la démocratie en Haïti et vous avez joué un rôle de premier plan en ce qui a trait aux progrès remarquables qui ont été réalisés dans le processus de paix au Moyen-Orient.


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[Traduction]

Monsieur le Président, vous avez compris les forces qui régissent l'économie de la planète. Vous vous êtes employé à établir une nouvelle unité et un nouvel optimisme dans l'hémisphère. Vous vous êtes efforcé d'unir les populations et les pays. Ce sont là des objectifs que cette Chambre et la population du Canada ont en commun avec vous. Et nous sommes déterminés à travailler avec les États-Unis et les autres pays en vue de les réaliser.

Mes récentes visites en Asie et en Amérique latine m'ont rappelé qu'il est plus important que jamais de pouvoir compter sur une présence forte des États-Unis dans le monde. Les bouleversements survenus depuis la fin de la guerre froide indiquent que les États-Unis peuvent et doivent jouer un plus grand rôle sur la scène internationale.

Notre propre gouvernement a tracé les nouvelles orientations de notre politique étrangère. Nous voulons maintenir la tradition canadienne qui consiste à promouvoir la paix et la sécurité. Nous savons tous depuis longtemps que l'isolationnisme est assorti d'un prix et d'un danger beaucoup plus lourds que la collaboration internationale.

Monsieur le Président, vous ne le savez peut-être pas, mais parmi vos prédécesseurs qui ont pris la parole au Parlement du Canada au cours de votre vie, il y a MM. Harry Truman, Dwight Eisenhower, Richard Nixon et Ronald Reagan, qui ont tous une chose en commun: ils ont été élus pour un deuxième mandat.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien: Cette coïncidence ne semble peut-être pas si remarquable. Mais si l'on considère les présidents récents qui n'ont pas pris la parole devant le Parlement canadien, on trouve MM. Gerald Ford, Jimmy Carter et George Bush.

[Français]

Mais je me garde bien de tirer quelque conclusion que ce soit, monsieur le président.

Comme vous le savez, le Canada applique une politique stricte de non-ingérence et de non-interférence.

[Traduction]

De toute façon, monsieur le Président, nous sommes enchantés que vous ayez accepté notre invitation.

Monsieur le Président de la Chambre, Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs et chers invités, je cède la parole à notre ami et voisin, le Président des États-Unis, William J. Clinton.

Des voix: Bravo!

(1520 )

M. William J. Clinton (Président des États-Unis): Monsieur le premier ministre, madame Chrétien, monsieur le Président du Sénat, monsieur le Président de la Chambre des communes, honorables sénateurs et messieurs les députés, distingués membres du corps diplomatique, mesdames et messieurs, depuis quelque temps déjà, je me demande ce qui différencie les systèmes politiques canadien et américain. Quand le premier ministre a parlé de la motion qui avait été adoptée à l'unanimité ici hier, j'ai compris que votre système était supérieur au nôtre sur un point. Nous n'avons aucun ascendant sur le temps qu'il fait à Washington, D.C., mais je suis reconnaissant que vous en ayez.

Des voix: Oh, oh!

M. Clinton: Je remercie également le premier ministre pour sa leçon d'histoire. Je n'ai jamais cru aux lois implacables de l'histoire autant que maintenant.

Des voix: Oh, oh!

M. Clinton: Je vous remercie, monsieur le premier ministre et vous tous, de m'accueillir dans votre magnifique capitale. Quand le premier ministre a commencé de représenter les Canadiens dans cette Chambre, le Président Kennedy résidait à la Maison-Blanche. Cela m'ennuie parce que j'en étais alors au premier cycle de l'école secondaire. Pourtant, le premier ministre a maintenant moins de cheveux blancs que moi. Sans compter que, depuis ce temps-là, il a occupé pratiquement tous les postes au Cabinet canadien. La première fois que je l'ai rencontré, je me suis d'ailleurs demandé pourquoi il n'arrivait pas à garder un emploi.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Je peux vous dire ceci: aux États-Unis, nous savons que le service que le premier ministre rend à son pays depuis tant d'années lui a valu la gratitude et le respect de la population canadienne. Il lui a également valu la gratitude et le respect de la population américaine.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: La tradition veut que, lorsqu'ils prennent la parole devant ce Parlement, les présidents des États-Unis expriment leur affection pour les liens qui les unissent aux Canadiens. Au nom de tous les Américains, permettez-moi de suivre cette tradition pour vous parler de l'amitié solide qui occupe une grande place dans nos vies.

Je me souviens très clairement d'être venu au Canada, il y a plus de dix ans, avec Hillary et notre fille qui était toute petite, pour célébrer le Jour de l'an. De Montréal, nous avions fait la route jusqu'au Château-Montebello. Nous étions passés par Ottawa et nous avions vu tout ce monde sympathique qui patinait sur le canal. Originaire d'un État du Sud, je n'avais jamais imaginé qu'il était possible d'enfiler des patins pour se promener sur un plan d'eau pendant bien longtemps. Des années ont passé, mais Hillary n'a jamais oublié à quel point elle aimerait patiner sur ce canal. Il semble que Mme Chrétien ait l'intention d'exaucer ce voeu demain. Nous avons très hâte de vivre cette expérience.


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Ma femme a déjà visité Toronto et, en 1990, nous avons passé de merveilleuses vacances en famille dans l'ouest du Canada, notamment à Victoria et à Vancouver. Ces vacances ont été parmi les plus belles que nous ayons passées tous ensemble.

Nous devons beaucoup à votre culture. Le nom de notre fille nous a été inspiré par la magnifique chanson Chelsea Morning, de la chanteuse canadienne Joni Mitchell.

Vous savez tous que, au printemps de 1993, la première fois que j'ai quitté les États-Unis en qualité de président, je suis venu à Vancouver pour le sommet avec le Président Eltsine. À l'époque, nous subissions tous les deux un grand stress, car nous tentions de réaffirmer les rapports entre nos pays et nous voulions solidifier la démocratie en Russie. Je peux affirmer que l'accueil reçu de la population du Canada ainsi que du gouvernement et du premier ministre ont contribué dans une large part au succès de notre rencontre. De cela, nous sommes très reconnaissants au Canada.

(1525)

Je viens aujourd'hui pour réaffirmer les liens qui unissent les États-Unis et le Canada à l'aube d'une nouvelle ère remplie de promesses et de défis: nous sommes à une époque de changements rapides faite à la fois d'occasions à saisir et d'incertitude, tant dans mon pays que dans le vôtre, à une époque où, dans le monde entier, les gens s'enthousiasment pour les nouvelles possibilités qui s'offrent, mais sont retenus par les vieux démons.

Je suis venu ici parce que je crois que nos nations doivent saisir ensemble les possibilités qui se présentent et relever les défis de cette nouvelle ère. Je le répète, nous devons avancer ensemble.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Que ce soit le pétrole de l'Alberta qui fait fonctionner des usines aux États-Unis ou les puces de silicium de la Californie qui font fonctionner vos ordinateurs, nos rapports démontrent hors de tout doute la valeur du partenariat et de la collaboration.

Les technologies produites dans votre pays sauvent des vies dans nos hôpitaux tandis que nos produits agricoles se retrouvent sur les tablettes de vos supermarchés. Nos horizons se sont élargis depuis que nous pouvons écouter Radio-Canada aux États-Unis.

Notre culture s'est enrichie des contributions d'écrivains comme Margaret Atwood et Robertson Davies, que Hillary, qui l'a lu pendant des années, a eu le plaisir de rencontrer la semaine dernière. Je mentionne aussi les superbes photographies de Yousuf Karsh, dont je viens de voir le fameux portrait de Churchill. Il a pris quelques photographies de Hillary et moi qui ne sont pas aussi distinguées, mais que j'adore tout de même.

En tant que musicien, je me dois de vous remercier tout spécialement pour Oscar Peterson, un homme que je tiens pour le plus grand pianiste de jazz de notre époque.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: La relation entre nos deux pays est la plus remarquable qu'il y ait sur la terre. Le premier ministre a dit «que cela nous plaise ou non». Je peux vous dire que la plupart du temps, cela me plaît beaucoup.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Nous devons renforcer cette relation. Nous devons la renforcer, pour notre bien à tous, au moyen des échanges commerciaux et des voyages. Nous devons la renforcer parce qu'il nous incombe de propager les bienfaits de la démocratie, de la liberté, de la prospérité et de la paix au-delà de nos frontières.

C'est par la grâce de la nature que nous sommes voisins, mais c'est par choix que nous sommes des alliés et des amis. Il y a, dans nos deux pays, des gens qui disent que nous ne pouvons plus nous permettre-et que nous n'avons peut-être même plus besoin-d'exercer notre leadership dans le monde. À un moment où un si grand nombre de nos gens éprouvent des difficultés, il est facile d'accepter cette affirmation, mais elle est fausse.

Nous sommes deux pays riches en ressources et en histoire. Nous avons de grandes responsabilités. Après tout, nos pays ont été bâtis par des hommes et des femmes qui ont fui la tyrannie et l'intolérance des vieux pays pour venir s'installer dans le nouveau monde.

Nous sommes des nations de pionniers, de gens qui avaient la confiance nécessaire pour se débrouiller seuls et pour se servir de leurs talents afin de venir façonner leurs rêves sur une terre nouvelle.

Il est certain que la culture et la tradition distinguent nos deux peuples de bien des façons que nous apprenons tous encore à connaître chaque jour, mais nous partageons des valeurs essentielles, et c'est ce qui compte avant tout. Ces valeurs sont un grand dévouement au travail, une foi inébranlable en la démocratie, la détermination de donner à chaque citoyen le droit de réaliser son plein potentiel et la reconnaissance pour les dons que nous avons reçus.

Ces valeurs que nous partageons font de nous un modèle pour toutes les nouvelles démocraties du monde. En nous regardant, ces nouvelles démocraties peuvent voir à quel point les liens qui unissent deux nations sont renforcés lorsque leurs gouvernements répondent à la soif de liberté, de démocratie et de libre entreprise de leurs citoyens et lorsqu'ils conjuguent leurs efforts pour s'entraider au lieu d'essayer de se détruire.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Évidemment, nous avons nos différences, dont certaines sont extrêmement complexes. Par contre, nous les avons abordées directement et de bonne foi, comme de vrais amis doivent le faire. Chaque jour, nous, Américains, apprenons à comprendre et à respecter ce qui est différent chez vous et chez vos nombreux peuples, et à nous en inspirer.

(1530 )

Le Canada a montré au monde comment trouver un juste équilibre entre la liberté et la compassion ainsi qu'entre la tradition et l'innovation en donnant l'assurance-maladie à tous ses habitants, en traitant ses personnes âgées avec la dignité et le


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respect qu'elles méritent et en s'attaquant à des questions épineuses comme en témoigne le projet de loi visant à interdire les armes automatiques qui sont conçues pour tuer et non pour chasser.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Compte tenu de vos chaleureux applaudissements, j'ajouterai que vous l'avez fait dans un pays où les gens respectent le droit de chasser et font la différence entre la loi et l'ordre, et le sport.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Ceux d'entre nous qui viennent ici admirent tout particulièrement le respect que vous témoignez à l'environnement magnifique que Dieu vous a donné, des Laurentides aux Rocheuses. Dans un monde assombri par les conflits ethniques, qui déchirent littéralement des pays, le Canada constitue pour nous tous un pays modèle, où des gens de cultures diverses vivent et travaillent ensemble dans la paix, la prospérité et la compréhension.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Comme l'ont dit beaucoup de mes prédécesseurs, les États-Unis ont la chance d'entretenir d'excellentes relations avec un Canada uni et fort, mais nous reconnaissons, comme l'a signalé le premier ministre tout à l'heure en parlant des relations que votre pays entretient avec le nôtre, qu'il vous incombe entièrement de décider de votre avenir politique. C'est cela la démocratie.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Je vais vous parler maintenant de notre système politique. Si mon discours sur l'État de l'Union a été aussi long, c'est que j'ai réussi, par mes propos, à contenter également les démocrates et les républicains; grâce à leur enthousiasme, mon discours a duré deux fois plus longtemps.

Je vous demande à tous de vous rappeler que nous avons le plus grand respect pour vous et que notre grand Président de l'après-guerre, Harry Truman, a dit ceci, lorsqu'il est venu ici, en 1947: «L'éminente situation du Canada, à l'heure actuelle, est un hommage à la patience, à la tolérance et à la force de caractère du peuple canadien. Les pays frères ont intérêt à s'inspirer de la façon remarquable dont le Canada a progressé dans l'unité, à la faveur de compromis, de modération et de tolérance.» Ces paroles sont tout aussi vraies aujourd'hui qu'alors.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Depuis des générations déjà, nos deux pays unissent leurs efforts pour faire que le monde soit plus sûr et plus prospère. Ensemble, nous avons défendu nos valeurs et nos intérêts au cours de la Première Guerre mondiale, sur les plages de Normandie et en Corée. Ensemble, nous avons contribué à fonder les Nations Unies. Ensemble, nous avons combattu la tyrannie communiste et tenu bon au cours de la guerre froide. Ensemble, nous avons repoussé l'agression durant la Guerre du Golfe. Voici maintenant que nos deux pays ont décidé d'aider Haïti à sortir de la répression et à rétablir la démocratie. Je remercie le premier ministre pour ce qu'il a dit à cet égard. Au moment où il n'était à la mode nulle part dans le monde de se préoccuper du peuple pauvre, assiégé et abandonné de Haïti, le Canada a été un véritable ami pour ce pays.

(1535 )

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Sur toutes les tribunes internationales, qu'il s'agisse de la Conférence mondiale de la population ou de notre volonté commune de prolonger indéfiniment le Traité de non-prolifération des armes nucléaires, nous cherchons côte à côte à réaliser un monde meilleur et plus sûr, et nous collaborons de bien des façons.

Nous savons que, pour le Canada, l'action est une question de tradition et de conviction. La tradition, qui se perpétue depuis Lester Pearson jusqu'à Jean Chrétien, veut que nous participions aux affaires internationales.

Vous avez toujours eu la sagesse de tendre la main au lieu de tourner le dos, et d'assumer de nouvelles responsabilités au lieu de vous y soustraire. Votre tradition continue encore aujourd'hui, croyez-moi, de vous valoir le respect du monde entier, de toutes les races, de tous les groupes ethniques et de tous les régimes politiques.

Les troupes canadiennes ont joué un rôle inestimable pour contenir la violence dans des régions névralgiques, notamment à Chypre et au Sinaï. À l'heure actuelle, vos 2 000 casques bleus en mission dans l'ancienne Yougoslavie jouent avec courage le rôle qui leur a été confié, au milieu d'un des plus grands et irrémédiables conflits à éclater de notre vivant.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Depuis un demi-siècle, les États-Unis partagent l'idéologie et le sens du devoir qui vous ont constamment incités à faire preuve de leadership à l'étranger. Malgré tous les contre-courants observés dans notre pays, je suis déterminé à poursuivre dans la même veine.

Nous vivons peut-être à une époque agitée, mais nous avons l'occasion unique d'assurer une meilleure sécurité et une plus grande prospérité à nos propres citoyens et aux habitants du monde entier. Je tiens à vous dire que je ferai l'impossible pour que notre pays contribue de façon constructive à régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés afin de pouvoir léguer à nos enfants un monde libre où règnent la paix et la raison.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Imaginez ce que serait aujourd'hui la région du golfe Persique si nous n'avions pas réagi à l'offensive irakienne. Imaginez les tarifs et les obstacles qui gêneraient les échanges commerciaux internationaux si nous n'avions pas collaboré étroitement pendant toutes ces années, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux événements qu'a décrits le premier ministre, la ratification de l'ALENA, les négociations du GATT, la création de l'Organisation de coopération Asie-Pacifique et le Sommet des Amériques tenu à Miami, en décembre dernier. Imaginez quelle différence cela aurait fait. Imaginez


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dans quelle mesure l'horrible tragédie du Rwanda aurait été pire encore si nous n'avions pas été là pour tenter de fournir une aide essentielle aux réfugiés dans les camps pour les maintenir en vie.

Nous ne pouvons pas permettre à quiconque ni à quoi que ce soit de rompre cette grande tradition de nos deux pays. Dans notre partenariat, nous trouverons la clé pour protéger nos peuples ainsi que pour accroître leur prospérité et leur capacité d'aller à l'étranger défendre la démocratie et la liberté, non seulement parce que c'est une cause juste, mais encore parce qu'il y va de notre intérêt.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Avant de venir à la Chambre, le premier ministre et moi sommes encore convenus que pour relever ces nouveaux défis du XXIe siècle nous devons adapter les institutions qui nous ont aidés à sortir vainqueurs de la guerre froide, afin qu'elles continuent de nous aider au cours du prochain siècle. Nous devons le faire.

Certaines de ces institutions ont changé. D'autres ont clairement rejeté leurs anciennes missions et assumé de nouveaux rôles. Nous avons également été témoins, à la fin du conflit Est-Ouest, de l'avènement de marchés financiers ouverts 24 heures sur 24, de désastres écologiques soudains, de la montée du terrorisme international et de la résurgence d'anciennes haines ethniques. Ces faits nouveaux ont exercé sur ces institutions des pressions que les hommes d'État d'il y a 50 ans ne pouvaient tout simplement pas imaginer.

(1540 )

Le XXIe siècle laissera derrière lui tous ceux qui attendront sans rien faire que les problèmes se règlent tout seuls. Nous devons faire face à ces défis et nous demander ce que nous devons changer et comment le faire.

Par exemple, pour répondre aux besoins futurs en matière de sécurité, nous devons travailler ensemble afin de veiller à ce que l'OTAN, l'alliance militaire la plus fructueuse de l'histoire de l'humanité, s'adapte à la nouvelle donne. En d'autres termes, nous devons garantir que l'inévitable processus d'expansion de l'OTAN se fasse en douceur, graduellement et ouvertement. Personne ne devrait avoir de surprises quant à ce que nous voulons. Nous ferons en sorte que les conditions, le choix du moment opportun et les répercussions militaires de l'expansion de l'OTAN soient largement et clairement connus à l'avance.

Parallèlement à l'extension du rôle de l'OTAN, nous devons tisser des liens étroits et solides avec la Russie. J'ai beaucoup travaillé dans ce sens, à l'instar du premier ministre. Nous devons continuer de travailler ensemble aux Nations Unies où nos deux pays ont pris les devants dans les efforts visant à réformer nos activités de maintien de la paix, à maîtriser les coûts, à améliorer les services d'information ainsi qu'à garantir que nous disposions d'un bon système de commandement et de contrôle avant que nos jeunes militaires ne soient placés dans des situations dangereuses.

Nous devons également continuer de travailler à la réforme des institutions économiques internationales. Nous avons déjà fait de grands progrès dans la réorganisation de l'économie mondiale avec l'adoption du GATT, qui est l'entente commerciale la plus complète de l'histoire. Le travail ne fait que commencer.

Lors du prochain sommet du G7 qui se tiendra à Halifax et que nous attendons avec une vive impatience, nous nous emploierons à ce que nos institutions commerciales internationales fassent progresser la cause de la libéralisation des échanges commerciaux de diverses façons afin de procurer des avantages concrets aux populations des pays visés.

Nous devons aussi réexaminer les institutions qui ont été créées lors de la signature des accords de Bretton Woods, le FMI et la Banque mondiale, afin de nous assurer qu'elles pourront venir à bout de la nouvelle génération de problèmes transnationaux de plus en plus complexes auxquels nous nous heurtons, des problèmes comme l'explosion démographique et la détérioration de l'environnement, des problèmes comme ceux auxquels nous avons tous été confrontés au Mexique et à l'échelle de l'Amérique latine, lors de la récente crise financière.

L'accomplissement de véritables progrès dans tous ces domaines dépendra non seulement de notre volonté de déployer des efforts en ce sens, mais aussi de notre volonté de faire figure de chefs de file à titre de partenaires. Ensemble, le Canada et les États-Unis s'efforcent de saisir tous les avantages que la nouvelle économie mondiale a à offrir.

Nous savons que le secteur commercial crée des emplois rémunérateurs, qu'il crée le genre d'emplois permettant à nos concitoyens de subvenir aux besoins de leur famille, de faire instruire leurs enfants et de laisser dans une meilleure situation qu'eux la génération suivante. Cette aspiration a toutefois été compromise dans bien des économies industrialisées ces dernières années.

Le succès de l'ALENA, qui crée de nouveaux emplois et de nouveaux marchés de Monterey à Medicine Hat, en est la preuve. Comme le premier ministre l'a si bien dit, nous, les parties à l'ALENA, sommes sur le point de devenir les quatre amigos. Cette expression passera à l'histoire; j'aurais aimé y avoir pensé.

Des voix: Bravo!

M. Clinton: Bientôt, nous amorcerons avec le Chili nos consultations sur l'adhésion de ce pays à l'ALENA. Ce sera un excellent partenaire. L'ajout de cette économie florissante viendra simplement accroître les avantages dont nous bénéficions tous.

Je veux prendre encore quelques instants pour remercier le Canada de son appui et de son aide lors de la récente crise financière survenue au Mexique. Vous avez compris ce qui était en jeu. Vous avez compris que le Mexique n'était pas le seul concerné et que des emplois, nos relations commerciales, notre avenir ainsi que notre appui à la démocratie et à la stabilité dans toute l'Amérique latine étaient en jeu. Vous l'avez compris, et nous vous en sommes reconnaissants. Parce que nous avons su nous épauler, nous avons une chance de préserver ce remarquable triomphe de la démocratie dont nous avons été témoins lors du sommet des Amériques. Nous devrions continuer dans cette voie.

Des voix: Bravo.

M. Clinton: Si vous me le permettez, j'aimerais toucher un mot de l'environnement. Alors que nous multiplions nos échanges commerciaux, nous devons nous rappeler qu'il nous faut défendre ce dont nous avons hérité et l'améliorer si c'est possible.


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(1545 )

Notre continent recèle des richesses naturelles considérables. Nos deux pays ont toujours fait preuve d'un sens poussé de la coopération: l'Accord sur la qualité de l'air apporte la solution au problème des pluies acides, les Grands Lacs sont sur la voie de l'assainissement et les aigles volent de nouveau sur le lac Érié. Il ne nous reste plus qu'à donner suite aux progrès réalisés.

Grâce à la Commission environnementale créée dans le cadre de l'ALENA, dont le siège se trouve à Montréal, le Canada jouera un rôle primordial dans la protection de l'extraordinaire abondance que nous avons reçue pour le bien de nos enfants et de nos petits-enfants. L'ALENA n'est qu'un des cadres dont nous disposons pour travailler ensemble à accroître notre prospérité et, en même temps, à protéger l'environnement. Mais ces deux objectifs doivent aller de pair

Nos deux pays bénéficient également des progrès réalisés l'an dernier au sommet des Amériques. Cette initiative donnera lieu à la création d'une zone de libre-échange englobant tout l'hémisphère. Nous avons posé les jalons, comme le disait le premier ministre, de nouveaux marchés et du libre-échange au sein des économies dynamiques des pays de l'Asie et du Pacifique. Il était très important que nous le fassions, parce que ces économies connaissent une croissance très rapide, et nous voulions éviter que le monde ne se morcelle en blocs commerciaux qui auraient limité les débouchés du Canada et des États-Unis pendant des décennies.

Ces efforts ne feront que renforcer les relations commerciales entre nos deux pays, ces relations qui sont déjà les plus importantes au monde. Chaque jour, des gens, des idées et des biens traversent notre frontière. Les échanges bilatéraux se chiffrent quotidiennement à un milliard de dollars canadiens-j'ai appris à faire la différence-et ils s'élevaient à quelque 270 milliards de dollars américains l'an dernier. Nos échanges bilatéraux, qui sont de loin les plus importants au monde, sont devenus un pilier essentiel de l'architecture de nos deux pays.

À l'heure actuelle, quelque 4,5 millions d'Américains vivent du commerce entre nos deux pays. Ce sont là les résultats concrets de notre association. Entre 1988 et 1994, les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis ont augmenté d'environ 60 p. 100. Seulement l'an dernier, ils ont enregistré une hausse de 15 p. 100. Les statistiques ne tiennent cependant pas compte de la réalité humaine qui se cache derrière les échanges florissants de biens et d'idées. Les échanges commerciaux créent des emplois réels pour du vrai monde.

À Boscawen, au New-Hampshire, une petite entreprise du nom de Secure Care Products fabrique des systèmes de surveillance pour les patients des maisons de soins infirmiers. L'entreprise a récemment commencé à exporter ses produits au Canada. Ses ventes augmentent rapidement, et on prévoit qu'elles tripleront cette année. C'est ainsi que Mme Susan Southwick, petite-fille d'une Québécoise et mère de deux enfants, est devenue la 26e employée de cette société. Elle et son époux peuvent maintenant participer au rêve que les Canadiens et les Américains ont en commun. Voilà ce que nous apporte notre association!

Beaucoup plus loin de chez vous, à Greensboro, en Caroline du Nord, une autre petite entreprise, Createc Forestry Systems, illustre bien comment, grâce aux échanges commerciaux entre nos deux pays, les gens peuvent réaliser leurs rêves. Createc, créée dans la cuisine familiale par Albert Jenks, fabrique des ordinateurs de poche qui servent à faire l'inventaire dans les scieries. Les gestionnaires utilisent ces ordinateurs pour mieux évaluer leurs besoins et ne pas abattre d'arbres inutilement.

Il y a quelques années, Createc a commencé à exporter vers le Canada. Ses ventes chez vous représentent maintenant près de 20 p. 100 de la totalité de son chiffre d'affaires. Cela assure la sécurité d'avenir à l'entreprise, à M. Jenks et à son fils Patrick, qui travaille avec son père dans cette affaire familiale. Voilà comment notre commerce peut tout à la fois favoriser notre prospérité et protéger l'environnement.

Vos entreprises font aussi leur marque sur nos marchés et apportent des avantages concrets aux Canadiens. Qu'il s'agisse de réparer les moteurs des plus grands avions de l'aviation américaine, de fabriquer des logiciels qui gèrent nos ressources naturelles ou de construire un village olympique pour les Jeux de 1996, à Atlanta, les entreprises canadiennes sont très présentes aux États-Unis. Leur réussite aide vos gens à matérialiser leurs espoirs et à réaliser leurs rêves.

Notre principale industrie illustre une autre facette de cette histoire remarquable. Les entreprises canadiennes et américaines ont travaillé en collaboration à l'intégration de l'industrie automobile de l'Amérique du Nord et ont réalisé l'une des reprises les plus extraordinaires de toute l'histoire de la révolution industrielle. Nous avons puisé à même nos forces réciproques et, aujourd'hui, nos entreprises collaborent si étroitement que nous ne parlons plus du contenu américain ou canadien, mais du contenu nord-américain des véhicules, qu'il s'agisse d'une fourgonnette Chrysler faite à Windsor ou d'une jeep Chrysler fabriquée à Détroit. Je crois que c'est l'ambassadeur du Michigan, je veux dire des États-Unis, que j'ai entendu applaudir là-bas.

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La productivité et l'emploi ont atteint un tel niveau que, lorsque j'ai visité Détroit l'automne dernier, la chose dont se plaignaient le plus les travailleurs de l'automobile de cet État considéré comme économiquement perdu à peine une décennie auparavant, c'était de devoir faire trop de temps supplémentaire. Dans mon coin de pays, on appelle cela un problème de riches. L'industrie automobile offre maintenant plus d'un million d'emplois dans nos deux pays.

Pour renforcer notre attachement à l'ALENA et donner une expansion considérable à un important marché, nos deux nations signeront demain une entente d'ouverture de nos espaces aériens. Cette entente, qui permettra une expansion importante des services aériens américains et canadiens à destination de l'autre pays, créera des milliers de nouveaux emplois et des milliards de dollars d'activité économique dans nos villes, les vôtres et les miennes.

Nous sommes parvenus à une solution équitable qui facilitera la vie des voyageurs des deux côtés de la frontière, qui profitera aux transporteurs aériens canadiens et américains et qui augmentera les voyages entre nos deux pays et les interconnexions entre nos deux populations. Le fait d'avoir pu nous entendre aussi

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amicalement sera un modèle de plus de façons de régler les différends entre nations voisines.

Amitié et engagement. Le Canada et les États-Unis montrent au monde ce qu'il y a de mieux en matière de partenariat entre nations et tout le potentiel dont pourraient disposer les peuples libres de cette planète s'ils faisaient cause commune. Comme on peut le lire sur le monument érigé près de la Voie maritime du Saint-Laurent, nous sommes deux nations dont les frontières sont un lien d'amitié, dont les habitudes sont celles de liberté et dont le travail est la recherche de la paix.

Chaque jour, nous voyons les avantages énormes de ce partenariat dans les domaines des emplois, de la prospérité et de l'énergie créatrice qu'apportent nos échanges. Cependant, ce n'est encore que le début. Que ce soit pour des particuliers comme Susan Southwick, qui a obtenu la chance de se bâtir une vie meilleure, ou pour des sociétés comme Createc, qui essaient de construire des entreprises qui durent, notre partenariat ouvre de vastes horizons, des horizons à la taille de notre continent.

Ensemble, nous avons dirigé nos énergies vers l'amélioration du monde qui nous entoure, depuis maintenant près d'un siècle. Aujourd'hui, plus que jamais, réaffirmons et ravivons cette grande tradition. Attaquons-nous aux grands défis de cette fin de siècle et du nouveau qui approche rapidement. Nous devons maintenir nos efforts. Nous devons accroître nos efforts. Nous devons maintenir notre partenariat et le renforcer encore.

C'est notre tâche et notre mission. Ensemble, nous y parviendrons. Une frontière sépare nos populations, mais il n'y a pas de limite à nos rêves communs.

Merci et que Dieu vous bénisse.

Des voix: Bravo!

L'hon. Gildas Molgat (Président du Sénat): Monsieur le Président et madame Clinton, monsieur le premier ministre et madame Chrétien, monsieur le Président de la Chambre des communes, Excellences, distingués membres du Sénat et de la Chambre des communes, mesdames et messieurs.

(1555)

Monsieur le Président, j'ai la tâche agréable de vous remercier, mais rien de ce que je pourrais dire ne saurait mieux vous remercier que les applaudissements et les ovations que vous avez reçus cet après-midi.

Nous sommes tous honorés de votre présence, monsieur le Président et madame Clinton, et nous souhaitons la bienvenue aux nombreux amis américains qui vous accompagnent en cette visite au Canada.

Nous apprécions vos chaleureux témoignages d'amitié, et vous pouvez être assuré que nous vous tenons, vous et votre grand pays, en haute estime, vous qui êtes nos précieux voisins.

De nombreux hommes d'État de tous les coins du monde ont déjà pris la parole devant les deux Chambres du Parlement réunies, mais aucun n'a reçu meilleur accueil que les présidents américains, qui ont tous parlé avec éloquence, comme vous l'avez fait aujourd'hui, des liens étroits d'amitié existant entre nos deux pays.

Monsieur le Président, vous avez rappelé plus tôt aujourd'hui, au déjeuner, les paroles prononcées par le président Kennedy lorsqu'il s'est adressé à notre Parlement en mai 1961. Je vais répéter un extrait des paroles que vous avez citées. Il a dit: «La géographie a fait de nous des voisins; l'histoire a fait de nous des amis; les questions économiques ont fait de nous des associés; et la nécessité a fait de nous des alliés. Que personne ne vienne séparer deux peuples que la nature a ainsi réunis. Ce qui nous unit est beaucoup plus important que ce qui nous divise.»

[Français]

Monsieur le président, le monde a beaucoup changé depuis 1961, mais le temps n'a en rien altéré la justesse de ses observations.

[Traduction]

Monsieur le Président, même si notre histoire et notre situation géographique nous unissent de bien des façons, nos deux pays n'en sont pas moins très différents. Il est donc très important qu'ils ne se tiennent pas pour acquis.

Ce qu'il faut, c'est que nos dirigeants et les membres de nos cabinets respectifs se réunissent régulièrement pour coordonner notre politique et, on peut l'espérer, pour aplanir les difficultés et prévenir les désaccords avant qu'ils ne surgissent.

Monsieur le Président, nous sommes très heureux de votre présence parmi nous. Nous vous sommes reconnaissants pour vos paroles fort inspirantes. Nous espérons sincèrement que vous reviendrez parmi nous.

Des voix: Bravo!

Le Président Parent: Monsieur le Président et chers collègues. Monsieur le Président, lorsque vous étiez dans mes appartements, un peu plus tôt, je vous ai expliqué l'origine de mon titre. Eh bien, même si je porte ce titre depuis maintenant près d'un an, j'attends encore qu'il me soit permis de me prononcer sur les grandes questions de l'heure.

Monsieur le Président, vos paroles et votre présence dans cette enceinte témoignent de l'amitié profonde qui a grandi entre nos deux peuples au fil de nombreuses générations. Les liens qui nous unissent viennent de ce que nous sommes voisins, il est vrai, mais la force de ces liens, monsieur le Président, réside dans le fait que nous partageons plus d'une frontière commune. En fait, le 49e parallèle n'est pas tant une ligne qui nous divise que le lieu de rencontre de deux grandes nations.

Le Canada et les États-Unis ont été bâtis par des immigrants, des hommes et des femmes qui partageaient les mêmes aspirations et qui avaient l'esprit d'aventure, de braves gens qui avaient soif de liberté, d'égalité et de démocratie. Lorsque ces immigrants sont venus s'établir ici, ils ont été reçus par des peuples autochtones que nous ne devrons jamais oublier.

Des voix: Bravo!

Le Président Parent: Même si nos institutions partagent des valeurs communes, et même si le Congrès et le Parlement présentent beaucoup de similitudes, ils sont aussi très différents parce qu'ils sont le reflet de nos traditions et de nos caractéristiques distinctes. Malgré tout, monsieur le Président, ils sont taillés

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dans la même pierre et reflètent notre héritage commun caractérisé par des valeurs démocratiques et libérales.

(1600)

Notre proximité est aussi un avantage. Comme beaucoup de Canadiens, j'ai eu la chance d'étudier dans des universités américaines, et de nombreux Américains ont étudié ici au Canada. Monsieur le Président, vous ne savez peut-être pas que cinq de nos parlementaires sont nés aux États-Unis.

[Français]

Notre entente ne repose pas tellement sur notre intérêt personnel, mais elle s'est plutôt construite sur des valeurs et des idées communes à nos deux pays. Au cours de ce siècle, nous avons travaillé ensemble pour promouvoir ces valeurs. Côte à côte, nos soldats ont combattu et beaucoup sont morts en les défendant.

Il y a cinquante ans, nous avons contribué à l'instauration de la paix en Europe au prix d'énormes pertes humaines. Des Canadiens et des Américains, ensemble, ont contribué à la création des Nations Unies, à la mise en place d'un ordre international voué à la paix et à la démocratie.

[Traduction]

Notre collaboration, sur le plan international, a pris beaucoup de formes différentes. Ensemble, nous avons libéré certains pays et assuré le maintien de la paix dans d'autres. Nous avons libéralisé le commerce international, fait la promotion des droits de la personne et contribué à faire régner la primauté du droit.

Monsieur le Président, je tiens à vous rappeler, avec beaucoup d'égards, qu'il y a 15 ans, un diplomate canadien a accueilli des citoyens américains en danger, et leur a permis de conserver leur liberté. Cet événement nous a rappelé à tous que nous pouvons compter les uns sur les autres dans les situations critiques et que nous le ferons parce que notre amitié est un principe sacré.

Des voix: Bravo!

Le Président Parent: Monsieur le Président, les hommes et les femmes réunis ici pour vous écouter représentent le Canada et sont l'expression de notre démocratie. Oui, monsieur le Président, c'est un grand honneur que vous nous avez fait en prenant la parole à la Chambre des communes pour vous adresser aux Canadiens.

En tant que Président de la Chambre des communes, je tiens à vous assurer encore une fois du respect et de la grande affection que nous vous portons, à vous, à Mme Clinton et à tous nos amis américains.

Merci, monsieur le Président.

Je déclare maintenant que la séance est levée.