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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 9 juin 1994

AFFAIRES COURANTES

LA FONDATION ASIE-PACIFIQUE DU CANADA

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LA CHINE

    M. Leblanc (Longueuil) 5058
    M. Mills (Red Deer) 5059

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

AFFAIRES AUTOCHTONES ET DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

PATRIMOINE CANADIEN

LOI SUR LA MÉDAILLE POUR SERVICE VOLONTAIRE CANADIEN DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES

    Projet de loi C-258. Adoption des motions portant présentation et première lecture 5060

PROLONGATION DES SÉANCES

    Adoption de la motion 5066

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

    Projet de loi C-18. Reprise de l'étude des amendements du Sénat 5067
    Adoption de la motion 5071

LOI SUR L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES PREMIÈRES NATIONS DU YUKON

    Projet de loi C-34. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 5071
    M. Bernier (Gaspé) 5082
    M. Bernier (Gaspé) 5082
    Le vice-président 5088

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE JOUR J

LA FÉDÉRATION DE L'ÂGE D'OR DU QUÉBEC

LE DÉCÈS DE M. TOM GOODE

LE PLAN NORD-AMÉRICAIN DE GESTION DE LA SAUVAGINE

LE MONUMENT DU CHAMP DE BATAILLE DE STONEY CREEK

LA SEMAINE NATIONALE DES TRANSPORTS

LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN

LE BUDGET DE DÉPENSES PRINCIPAL

LA CONSTITUTION

LE DROIT À L'AUTODÉTERMINATION

RESULTS CANADA

LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 5093

LA FAMILLE

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 5094

L'UNITÉ NATIONALE

LA LIGUE DE SOFTBALL CHALLENGER

    Mme Stewart (Brant) 5094

L'ENVIRONNEMENT

LES JEUX DU CANADA DE 1995

QUESTIONS ORALES

LE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 5095
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 5095
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 5095
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 5096
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 5096

LES SUBVENTIONS AU TRANSPORT

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Gauthier (Roberval) 5097
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 5098
    M. Gauthier (Roberval) 5098
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 5098

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

    M. Martin (LaSalle-Émard) 5098
    M. Martin (LaSalle-Émard) 5098

LES JEUNES CONTREVENANTS

L'IMMIGRATION

LE TRANSPORT DU GRAIN DE L'OUEST

LA GLOBULINE ANTILYMPHOCYTAIRE

LE CODE CRIMINEL

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 5100
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 5101

LES NAVIRES SOUS PAVILLON DE COMPLAISANCE

AIR CANADA

LE CRTC

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    M. Gauthier (Roberval) 5102

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES PREMIÈRES NATIONS DU YUKON

    Projet de loi C-34. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 5103
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 5104
    Mme Kraft Sloan 5105
    M. Mills (Red Deer) 5110

LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS TERRITORIALES DES PREMIÈRES NATIONS DU YUKON

    Projet de loi C-33. Motion portant deuxième lecture 5113
    Mme Kraft Sloan 5123
    M. Mills (Red Deer) 5124
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 5124

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI SUR LA FAILLITE

    Projet de loi C-237. Motion visant à la deuxième lecture 5126

MOTION D'AJOURNEMENT

LE RWANDA

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LA DÉFENSE NATIONALE


5057


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 9 juin 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LA FONDATION ASIE-PACIFIQUE DU CANADA

L'hon. Raymond Chan (secrétaire d'État (Asie-Pacifique)): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer aujourd'hui, dans les deux langues officielles, le rapport mixte au Parlement de la Fondation Asie-Pacifique du Canada.

* * *

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.

* * *

LA CHINE

L'hon. Raymond Chan (secrétaire d'État (Asie-Pacifique)): Monsieur le Président, la fin de semaine dernière, j'ai eu l'honneur de prendre part aux activités organisées pour marquer le 50e anniversaire du jour J.

Je n'ai pu m'empêcher d'être envahi par un sentiment de fierté à l'idée de me trouver auprès des Canadiens qui ont fait tant de sacrifices pour notre liberté. Grâce à eux et à des milliers d'autres comme eux, qui ont sacrifié leur vie en grand nombre, notre pays est, pour le monde entier, un exemple vivant de société pacifique et prospère qui est le fruit de la diversité, de la tolérance et de la générosité. Ce sont pour ces valeurs que les Canadiens se sont battus durant les deux guerres mondiales et ce sont ces valeurs qui continuent d'être les nôtres.

(1005)

La fin de semaine précédente, j'ai également pris part à une cérémonie organisée par des Canadiens pour commémorer un groupe de personnes qui ne sont pas canadiennes, mais qui n'en ont pas moins sacrifié leur vie dans l'espoir de s'élever aux valeurs que nous chérissons tant au Canada. J'ai participé à une cérémonie commémorative du cinquième anniversaire des événements tragiques de la place Tiananmen.

On m'a fait l'honneur de me demander de déposer des fleurs au monument érigé à l'Université de la Colombie-Britannique par la Société Alma Mater de l'UBC, l'Association des étudiants et des enseignants chinois de l'UBC et de la Vancouver Society in Support of Democratic Movement en commémoration des événements tragiques de la place Tiananmen. Le respect des droits de la personne est l'une des principales raisons qui m'ont poussé à prendre une part active à la vie politique canadienne, et je suis fier, en tant que membre du gouvernement, de défendre cette idée.

Comme l'a dit le ministre des Affaires étrangères dans un discours qu'il a prononcé la semaine dernière, le gouvernement a adopté une orientation très claire en ce qui a trait à la conduite de nos relations bilatérales avec la Chine. Cette orientation repose sur quatre principes: le partenariat économique, le développement durable, la paix et la sécurité, les droits de la personne et la primauté du droit. Nous ne sacrifierons pas un seul de ces principes au profit d'un autre. En fait, ces principes se renforcent mutuellement. Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur le principe des droits de la personne.

Le respect des droits de la personne est un élément essentiel de la politique étrangère canadienne. Nos relations avec la Chine ne peuvent être simplifiées ou réduites à une opposition entre des questions commerciales et le respect des droits de la personne. Nous croyons que des contacts systématiques et à grande échelle provoqueront des appels en faveur d'une plus grande ouverture et de la liberté au sein de la société chinoise.

La preuve est faite que la libéralisation économique engendre des possibilités politiques accrues et les gouvernements qui ont ouvert leurs marchés au commerce international sont plus sensibles aux positions et aux réactions des autres pays.

Une société fermée qui dépend peu du commerce et des investissements internationaux est moins susceptible de tenir compte des préoccupations des étrangers. Les échanges commerciaux réduisent l'isolement. Le commerce étend également la portée du droit international et crée la croissance économique nécessaire aux changements et au développement sociaux. La libéralisation économique engendre également la multiplication et l'habilitation des groupes d'intérêts dans la société.

Il demeure cependant impérieux que le gouvernement continue de saisir toutes les occasions qui se présentent pour soulever la question des droits de la personne auprès des pays qui semblent violer ces droits.


5058

Nous respectons les traditions et les cultures, mais nous avons toujours cru qu'un gouvernement responsable envers sa population offre la meilleure garantie de stabilité et de prospérité.

Le gouvernement entend continuer de travailler avec les autres pays pour s'assurer que la Chine respecte ses obligations en vertu de la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies. Cette décision a été confirmée dans une résolution adoptée il y a trois semaines au cours d'un congrès d'orientation de mon parti.

Le gouvernement canadien a également fait part aux autorités chinoises, dans le cadre de nos relations bilatérales, de ses préoccupations au sujet des droits de la personne. Durant sa visite au Canada, j'ai personnellement fait part au vice-premier ministre Zou Jiahua de mes préoccupations concernant le respect des droits de la personne en Chine et je lui ai parlé de cas précis. Le premier ministre et le ministre Ouellet en ont fait autant lorsqu'ils ont rencontré M. Zou.

Nous entendons, par ailleurs, nous engager dans des projets et des dialogues constructifs avec le gouvernement chinois sur la question des droits de la personne. C'est pour cette raison que le gouvernement financera des projets de recherche conjoints, comme celui auquel participent le Centre de recherche et d'enseignement sur les droits de la personne de l'Université d'Ottawa et l'Université de Beijing.

Je crois que ce genre de dialogue et de coopération ouvre la voie à une meilleure compréhension et aidera le gouvernement chinois dans ses efforts en vue de réformer les structures juridiques et judiciaires en Chine.

Le programme d'aide à la Chine de l'ACDI a contribué à la réalisation des réformes économiques en Chine et à une ouverture graduelle, principalement par la création de liens entre la population et les institutions, le transfert de compétences, de connaissances et de technologie et par la sensibilisation de milliers de Chinois au Canada à ses valeurs et à son gouvernement.

(1010)

Les Canadiens attendent de leurs représentants élus qu'ils suivent les principes démocratiques qui ont façonné notre société. Le Parti libéral a toujours su adopter une démarche innovatrice et efficace dans ses relations avec la Chine.

En 1970, un gouvernement libéral a fait preuve d'audace et d'imagination en reconnaissant la République populaire de Chine. Je crois que cette reconnaissance a contribué à établir les conditions qui ont amené la Chine à s'engager dans un processus de réforme économique et à s'ouvrir au monde extérieur, ce qui a eu des répercussions extrêmement positives pour des millions de simples citoyens chinois.

Ayant moi-même oeuvré activement au sein du mouvement de défense de la démocratie, je tiens à donner l'assurance à la Chambre et aux Canadiens qui s'intéressent à la question des droits de la personne que le dialogue et l'engagement sont la meilleure façon de servir les intérêts du Canada et ceux du peuple chinois. C'est la politique que pratique le gouvernement, et je crois que c'est la bonne.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole ce matin, afin de souligner, au nom du Bloc québécois, le triste anniversaire des massacres de la place Tiananmen, où des milliers d'étudiants ont subi l'écrasement de leur mouvement démocratique et la répression du régime chinois.

Malgré l'espoir qu'avait suscité ce grand mouvement, cinq ans plus tard, la démocratie n'est toujours pas plus avancée. À Shanghai, le 5e anniversaire a été marqué par l'arrestation du dissident Bao Ge, après qu'il eut déposé à la municipalité une demande d'enregistrement d'une organisation de défense des droits de la personne.

Monsieur Bao Ge, qui était surveillé en permanence par la police, était l'un des rares militants des droits de la personne à ne pas être détenu ou à ne pas avoir été contraint de quitter les grandes villes.

Pendant ce temps, à Pékin, où un dispositif de sécurité particulièrement dissuasif a été mis sur pied, c'est sur une place quadrillée par une police terrifiée à l'idée de manifestations publiques que cette tragédie a été commémorée.

On se souvient de l'écrasement spectaculaire du mouvement démocratique qui s'est déroulé dans la nuit du 3 au 4 juin 1989. On n'a pas oublié, bien sûr, ces massacres qui avaient fait des milliers de morts, selon les dissidents et les observateurs étrangers.

La première image qui nous vient automatiquement à l'esprit est celle de cet étudiant se tenant debout devant les chars qui ont littéralement écrasé la manifestation. Ici, au Canada, on serait tenté de croire que le gouvernement fédéral, pour sa part, a décidé de souligner cet événement par un changement radical de politique à l'égard des droits de la personne, une politique que défend pourtant avec courage le secrétaire d'État ce matin.

En effet, il en faut du courage pour défendre ce virage de 180 degrés que vient d'effectuer ce gouvernement, qui mettait dorénavant le cap sur ses seuls intérêts commerciaux, tournant ainsi le dos à la promotion du respect des droits de la personne.

Comme le mentionnait le chef de l'opposition lors d'une question au premier ministre, et je le cite: «Le Canada abandonne ses responsabilités historiques, puisque le premier ministre sait très bien que le simple fait de faire des remarques gentilles murmurées derrière des portes closes n'auront aucun impact sur les dirigeants étrangers qui violent de façon systématique les droits humains.» Vous voulez que je vous cite la réponse du premier ministre, monsieur le Président? Je vais vous la citer: «On va rire de moi si je prends ce genre de décision.»

C'est plutôt maintenant qu'on fait rire de soi. Si on veut être respecté, il faut avoir une conscience, celle que le Canada a toujours affichée partout et qui lui vaut, en partie, son prestige actuel dans le monde.

(1015)

On a pu entendre les ministres de ce gouvernement, à tour de rôle, affirmer que les droits humains n'ont plus rien à voir avec le commerce et la logique marchande.

Comme le rappelait mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve en cette Chambre le 22 mars dernier, et je me permets de le citer: «Les libéraux avaient promis une politique étrangère


5059

canadienne plus autonome, plus proche de la vision de Lester B. Pearson. Eh bien, que les naïfs se détrompent: le gouvernement libéral jette aux poubelles une tradition reconnue de défense des droits de la personne et rabaisse le Canada au statut de petite puissance commerciale mesquine, dépourvue de vision et de grandeur d'âme.»

Le secrétaire d'État nous confirme, ce matin, ce cadre très clair de relations bilatérales avec la Chine qu'a défini récemment le ministre des Affaires étrangères. On y voit clairement deux politiques, dont l'une pour les pays pauvres qui violent les droits de la personne-à l'égard de ceux-ci, le Canada est très sévère, on peut citer ici le cas de Haïti-et l'autre, pour les pays riches qui violent les droits humains. À l'égard de ceux-là, on ferme les yeux.

J'ai bien écouté le secrétaire d'État nous vanter les mérites des quatre piliers sur lesquels le gouvernement a décidé de faire reposer la conduite de ses relations avec la Chine.

Vous me permettrez de répondre à une partie de ses propos. Le secrétaire d'État nous a dit, et je le cite: «Nous croyons que des contacts systématiques et généralisés ne peuvent qu'inciter la société chinoise à s'ouvrir et à réclamer plus de liberté.»

Le problème n'est pas seulement d'inciter la population chinoise à réclamer plus de liberté, c'est plutôt d'avoir le courage d'exercer des pressions auprès du gouvernement chinois afin qu'il cesse justement de réprimer tous ceux qui réclament cette libérté.

Le secrétaire d'État nous dit également, et je le cite: «[. . .] au cours de la visite au Canada du vice-premier ministre de la Chine, M. Zou Jiahua, je lui ai personnellement exprimé mon inquiétude à ce propos, en citant des cas précis.»

Nous croyons que les Chinois s'attendent à beaucoup plus du Canada que la simple expression de son inquiétude. Pourquoi ne pas s'être indigné? Pourquoi ne pas l'avoir fait publiquement? Pourquoi ne pas avoir condamné la répression en cours? Il ne faudrait surtout pas que le gouvernement compromette ses relations avec la Chine et nuise même à certains contrats, s'il fallait qu'il daigne insister un peu.

Le secrétaire d'État ne nous parle d'aucune mesure concrète qu'entend prendre le gouvernement, sur le plan multilatéral, afin de compenser pour son manque de leadership sur le plan bilatéral. Je rappellerai donc le secrétaire d'État à l'ordre lorsqu'il nous dit que le Parti libéral a toujours suivi une approche innovatrice et efficace dans ses rapports avec la Chine. Ce n'est certainement pas aujourd'hui que le Parti libéral innove. S'il innove, c'est plutôt à reculons.

Je lui rappellerai qu'un pas extrêmement significatif avait été franchi au Sommet francophone de Dakar, en 1989, quand le Canada avait fait adopter, par les 42 pays de la Francophonie, une résolution qui situe la protection des droits humains au rang «d'objectif fondamental» de la communauté internationale.

On y avait affirmé de plus que, non seulement le Canada mais aussi les autres nations dominatrices devaient tenir compte des comportements des pays receveurs. . .

Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Que l'honorable député m'excuse, mais c'est un principe d'égalité, de parité. On ne peut disposer de plus de temps que le ministre.

Y a-t-il consentement unanime pour qu'il puisse continuer pendant quelques minutes?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

(1020)

[Traduction]

Le vice-président: Je devrais peut-être souligner encore une fois qu'il est entendu que si les ministres prennent la parole pendant, disons, 15 minutes, les porte-parole des deux autres partis ont droit au même temps de parole, mais pas plus.

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre pour rendre hommage aux braves gens qui ont fait le sacrifice de leur vie sur la place Tiananmen, il y a cinq ans.

À l'instar du ministre, je songe souvent à l'immense place qui s'étend devant la Cité interdite et à l'énorme photographie du président Mao, témoin des événements qui se sont déroulés sur cette place au cours de l'histoire.

Je songe également, et un de mes collègues l'a déjà mentionné ici, que l'histoire est souvent remplie de leçons. Je pense notamment aux années 1930, lorsque nous écoutions les commentaires sur la montée du nazisme et sur ce qui s'est passé en Allemagne. Cela ne fait qu'accentuer la difficulté que nous avons aujourd'hui de décider si nous devons choisir l'isolement ou la participation.

Nous rêvons tous au jour où la Chine se joindra aux pays qui respectent la liberté et la démocratie pour leur peuple, et qu'elle se conformera aux normes des droits de la personne qui existent pour tous les pays du monde. Dans l'intérêt de la sécurité en Asie, il est primordial que nous collaborions avec ces gens et que nous travaillions de l'intérieur, comme le ministre l'a laissé entendre.

Nous aussi nous sommes d'accord pour dire que les intérêts du peuple chinois seront le mieux servis à long terme si nous entretenons des relations avec la Chine. Le peuple chinois ne peut espérer bénéficier d'un traitement plus humanitaire et plus démocratique que si nous l'aidons à devenir moins économiquement dépendant du gouvernement chinois et à se rendre compte de ce qui se passe réellement ailleurs dans le monde.

Je ne peux m'empêcher de penser à ma première visite en Chine, il y a 15 ans. Les transformations qui se sont opérées dans ce pays en si peu de temps sont incroyables. Elles témoignent en un sens des progrès qui peuvent être réalisés au contact de la société occidentale. La Chine a apporté des changements et sa population a acquis une plus grande liberté. La situation n'est pas parfaite mais, au moins, les Chinois ont une meilleure qualité de vie.


5060

Un monde parfait est tout simplement impossible. Tout ce que nous pouvons faire, c'est exercer une influence positive et espérer que les choses s'amélioreront avec le temps. Nous avons ici l'occasion de jouer un rôle de leadership, compte tenu de nos contacts antérieurs avec la Chine et des relations que nous avons poursuivies avec elle au fil des ans.

Nous devons adopter une attitude plus ferme envers la Chine et saisir toutes les occasions diplomatiques qui nous sont offertes pour exiger qu'elle respecte davantage les droits de la personne. Nous espérons qu'un jour nous pourrons prendre la parole dans cette Chambre et féliciter de tout coeur le peuple chinois d'avoir accédé à une démocratie réelle et complète.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

AFFAIRES AUTOCHTONES ET DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité permanent des affaires autochtones et développement du Grand Nord concernant la conservation de la harde de caribous de la Porcupine.

Conformément à l'article 109 du Règlement, le comité demande que le gouvernement dépose une réponse à ce rapport dans les 150 jours qui suivent.

[Français]

PATRIMOINE CANADIEN

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité permanent du Patrimoine canadien sur le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne, sans modification.

(1025)

[Traduction]

Le vice-président: Le député invoque le Règlement. Je suppose qu'il sait que le consentement unanime de la Chambre est nécessaire dans ce cas.

M. Frazer: Monsieur le Président, je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour déroger au délai de 48 heures pour la présentation de ce projet de loi.

Des voix: D'accord.

LOI SUR LA MÉDAILLE POUR SERVICE VOLONTAIRE CANADIEN DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe) demande à présenter le projet de loi C-258, Loi régissant la création d'une médaille et d'une agrafe du service volontaire canadien de maintien de la paix des Nations Unies et leur attribution aux Canadiens ayant servi dans une mission de paix des Nations Unies.

-Monsieur le Président, ce projet de loi vise à réparer un oubli. En effet, les Nations Unies décernent en ce moment des médailles aux Canadiens qui prennent part à des activités de maintien de la paix. Quelque temps après l'attribution de cette médaille des Nations Unies, le gouverneur général a déclaré qu'il devait s'agir d'une médaille canadienne. Bon nombre de nos Casques bleus estiment que ce n'est pas à proprement parler un geste de reconnaissance de la part du Canada et ils souhaiteraient l'attribution d'une médaille canadienne.

Figure également dans ce projet de loi la mention de l'agrafe qui constituerait un signe visuel de reconnaissance pour le grand honneur qu'ont fait rejaillir sur le Canada nos Casques bleus qui ont obtenu le prix Nobel de la paix le 30 septembre 1988. Ce projet de loi prévoit l'apposition d'une agrafe sur la médaille, qui ferait état des personnes qui ont mérité ce prix.

Tous les Canadiens sont fiers, et à juste titre, de notre contribution au maintien de la paix. Il est donc juste et bon que nous témoignions une reconnaissance typiquement canadienne à nos Casques bleus qui ont ainsi renforcé notre réputation dans le monde.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PROLONGATION DES SÉANCES

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Conformément au paragraphe 27(1) du Règlement, je propose:

Que, à partir du 10 juin jusqu'au 23 juin 1994 inclusivement, la Chambre continue de siéger les lundis, mardis, mercredis et jeudis jusqu'à 22 heures afin d'étudier les affaires émanant du gouvernement, pourvu que les délibérations, conformément à l'article 38 du Règlement, aient lieu entre 22 heures et 22 h 30, le cas échéant.
-Monsieur le Président, je voudrais profiter de l'occasion pour remercier tout d'abord la Chambre de l'esprit de coopération dont elle a souvent fait preuve à l'égard des projets de loi dont elle a été saisie.

Je dois dire que le secrétaire d'État aux Affaires parlementaires, le député de Beauséjour, et mon secrétaire parlementaire, le député de Kingston et les Îles, m'ont beaucoup aidé dans mon travail. Je voudrais également remercier de leurs efforts le whip en chef du gouvernement, le député de Saint-Léonard, et le whip adjoint, le député de Glengarry-Prescott-Russell.

J'ai d'autres remerciements à faire. Je m'en voudrais vraiment de ne pas souligner le rôle important qu'ont joué les leaders parlementaires des partis d'opposition, le député de Roberval et le député de Kindersley-Lloydminster. Ils ont tous deux montré


5061

les compétences parlementaires nécessaires pour combiner un esprit de parti fort et vigoureux à une attitude polie et courtoise et ont su comprendre le public qui s'attend à ce que la Chambre effectue ses travaux d'une manière raisonnable.

Même si un certain nombre de différences importantes nous séparent sur les plans philosophique et politique, nous avons su, la plupart du temps, passer outre à ces différences et, en unissant nos efforts, nous avons réussi à structurer les affaires de la Chambre mieux que je ne l'ai jamais vu au cours de ma carrière au Parlement.

(1030)

Je ne dis pas cela pour m'attirer des éloges, en tant que leader du gouvernement à la Chambre, mais pour montrer qu'au moins une partie du message qui a été lancé aux élections, le 25 octobre dernier, a été entendu et compris ici, à la Chambre. Les Canadiens, indépendamment de leur allégeance politique, veulent que le Parlement fonctionne d'une manière plus ouverte et plus civile, tout en demeurant un endroit caractérisé par des débats animés et des échanges de points de vue.

C'est dans cet esprit que le gouvernement a cherché à rétablir l'importance de la Chambre des communes, en tant qu'institution centrale du gouvernement du Canada, en instituant un programme de réforme des règles de la Chambre qui est entré en vigueur immédiatement après la lecture du discours du Trône, cette année, et qui a été une oeuvre de collaboration de tous les partis.

Un des objectifs de cette optique était de donner à la Chambre des communes et aux députés l'occasion de jouer un plus grand rôle dès les premières étapes de l'élaboration des politiques.

C'est pourquoi des comités effectuent présentement des études importantes sur notre politique étrangère, notre politique de défense, notre politique sociale et notre taxe sur les produits et services. En outre, à la demande du gouvernement, la Chambre a tenu certains débats généraux en utilisant à cette fin le temps normalement réservé aux initiatives ministérielles afin que le gouvernement soit informé de la position des députés sur certaines questions comme le maintien de la paix, les essais de missiles de croisière et l'agriculture, avant que le Cabinet ne prenne de décisions à leur sujet.

Le résultat de plusieurs de ces initiatives ne sera perceptible que dans quelques mois seulement. Bon nombre d'entre elles donneront lieu à la rédaction de lois et certains rapports qui en résulteront soulèveront sans doute la controverse.

Dans certains milieux, on a critiqué le gouvernement parce qu'il avait commandé ces études, mais elles signifient qu'avant de présenter des projets de loi, on consultera la population canadienne sur certaines questions qui la touchent de très près. J'espère donc que ceux qui critiquent maintenant ne viendront pas plus tard, de façon bien contradictoire, nous reprocher de procéder trop rapidement lorsque nous présenterons les lois découlant de ces consultations.

Même si ce gouvernement est nouveau, je crois qu'il a présenté un programme législatif considérable; quelque 38 projets de loi jusqu'à maintenant et environ 6 autres à venir avant l'ajournement d'été. Nous avons déjà adopté la moitié de ces projets de loi, par exemple celui sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, le projet portant exécution de certaines dispositions du budget, un certain nombre de mesures fiscales découlant du dernier budget et des budgets antérieurs, et toute une gamme d'autres projets de loi portant sur des questions variant des pêcheries jusqu'à la sécurité des chemins de fer et à la restructuration gouvernementale.

Je tiens à remercier la Chambre et, je le répète, je voudrais remercier mes collègues leaders à la Chambre pour leur coopération extraordinaire.

Nous amorçons maintenant le dernier droit qui précède l'ajournement d'été. Les projets de loi que nous avons renvoyés aux comités plus tôt au printemps nous reviennent en bloc et nous devons en terminer l'étude avant le long congé d'été.

Il s'agit notamment du projet de loi C-28 concernant les prêts aux étudiants, le C-30 concernant les travailleurs des pêcheries et le C-12, Loi modifiant la Loi sur les sociétés par actions et d'autres lois en conséquence.

Nous devons aussi terminer le débat sur les deux projets de loi traitant des produits du tabac, C-11 et C-32. Le projet de loi C-32 est particulièrement important puisqu'il autorise le versement des remises de la taxe d'accise payée sur les produits du tabac, remises que les petites entreprises attendent depuis longtemps partout au pays.

Nous devons aussi terminer l'étude du projet de loi C-22 concernant l'aéroport Pearson, du projet de loi C-16 sur les revendications territoriales des Dénés du Sahtu, du projet de loi C-25 concernant les hydrocarbures, des deux projets de lois sur l'environnement, C-23 et C-24, et du projet de loi C-18 qui nous permettra de revoir le processus de révision des limites des circonscriptions électorales. Il y a également le projet de loi C-35 sur la réorganisation du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

(1035)

Il nous faut aussi étudier le projet de loi C-33 concernant les revendications territoriales au Yukon et le C-34 au sujet de l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon. Je désire mentionner que j'ai reçu de nombreuses instances, non seulement des groupes autochtones, mais aussi du premier ministre du Yukon, me rappelant que ces projets de loi sont le résultat d'un consensus obtenu au Yukon après 21 ans d'efforts. Ces gens me demandent de permettre qu'il soit mis en oeuvre le plus rapidement possible.

Monsieur le Président, il y a aussi beaucoup d'autres sujets que l'on pourrait qualifier de secondaires, mais que nous voudrions néanmoins faire adopter.

De plus, avant que la Chambre ajourne ses travaux pour l'été le gouvernement veut que le projet de loi C-37 sur les jeunes contrevenants soit adopté en deuxième lecture. Nous voulons aussi envoyer au comité le projet de loi C-38, sur la sûreté du transport maritime, de même que le projet de loi sur les lobbyistes qui sera présenté la semaine prochaine.

C'est une longue liste. Naturellement, le calendrier exact dépendra de la vitesse à laquelle les comités termineront leurs travaux et nous feront rapport. Je pense cependant que la proposition de prolonger les heures permettra à la Chambre de faire


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tout ce que j'ai mentionné. Après tout, trois heures et demie de plus par jour, du lundi au jeudi pendant deux semaines, me paraît être un moyen relativement facile d'ajouter l'équivalent d'une semaine de travail sur les initiatives ministérielles.

Pour terminer, je voudrais remercier mes collègues, le secrétaire d'État aux Affaires parlementaires, mon secrétaire parlementaire, le député de Kingston et les Îles, le whip en chef du gouvernement, le député de Saint-Léonard, et le whip adjoint, le député de Glengarry-Prescott-Russell, ainsi que les leaders à la Chambre et les whips de l'opposition pour leurs efforts de collaboration. Ces efforts ont permis à cette Chambre de procéder d'une façon qui reflète le désir des Canadiens d'avoir une Chambre plus active et plus transparente, une Chambre où règne un esprit de coopération, mais où, néanmoins, il y a de vigoureux débats et d'intenses échanges d'idées.

Monsieur le Président, j'espère que la bonne entente continuera de régner à la Chambre et que nous pourrons ainsi terminer tous les travaux prévus. Je demande l'appui des députés pour cette motion.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse): Monsieur le Président, ce que l'honorable leader du gouvernement à la Chambre a mentionné tout à l'heure au sujet des leaders de l'opposition, et particulièrement au sujet du leader de l'opposition officielle, mérite que l'ascenseur lui soit retourné et je désire également souligner le leadership que l'honorable leader du gouvernement a pu exercer, mais en collaboration avec l'opposition, et sa façon toujours agréable qu'il a eue de traiter avec nous de l'ordre du jour des affaires de la Chambre. Il est facile de comprendre, en voyant agir le leader du gouvernement à la Chambre, pourquoi il a vécu et survécu pendant 32 ans de carrière en politique.

Cela dit, l'ascenseur étant retourné, vous me permettrez d'avoir une vision un petit peu différente de celle de l'honorable leader du gouvernement, particulièrement sur les travaux qui ont pu être effectués en Chambre.

Nous, de l'opposition officielle, ayant été élus le 25 octobre dernier, les brefs d'élection ayant été rapportés dans les jours qui ont suivi, avons demandé une réunion immédiate du Parlement, parce que nous avions vu nos amis d'en face brandir le livre rouge, demandant de l'action.

Nous étions près, dès la mi-novembre, à nous réunir ici, pour étudier les politiques gouvernementales, les initiatives, les projets de loi émanant du gouvernement, pour mettre en application le programme sur lequel il avait été élu.

Malgré les demandes répétées, nous avons dû attendre le 17 janvier pour nous réunir, faisant bien sûr notre travail dans nos circonscriptions, rencontrant nos commettants, préparant nos dossiers, mais ne pouvant faire d'activités législatives, parce que le gouvernement avait décidé de ne pas convoquer cette Chambre.

(1040)

Il faut bien le dire aussi, lorsque la Chambre s'est réunie, au tout début, elle ressemblait à la Commission Spicer, agrandie, avec plus de visibilité. Elle nous a présenté des motions sur divers sujets dont nous avons eu à débattre, mais où était le menu législatif? Where is the beef? Where was the beef, à ce moment-là et où est-il encore maintenant?

Par la suite, on a eu des projets de loi sans signification profonde, sans débat particulier, parce que plusieurs personnes y consentaient, auxquels l'ensemble des parlementaires a pu agréer facilement. Là, on arrive en fin de session et on nous présente une motion pour prolonger les heures de débats. C'est coutumier dans la procédure parlementaire de le faire. Ça donne l'impression face au public, face aux électeurs et électrices, aux citoyens de ce pays et des deux pays, qu'il y a dans ce pays beaucoup à faire dans les derniers milles.

Si l'ordre du jour parlementaire avait été planifié de façon différente, si nous avions siégé à partir du mois de novembre dernier, on n'aurait pas besoin durant les deux dernièrs semaines de prolonger les heures, de faire en sorte que les députés devront, sur une période de 12 heures, travailler à la Chambre, en comités, répondre aux demandes de leurs commettants et faire une vie passablement infernale ici.

Nous allons cependant le faire. L'opposition officielle n'a pas du tout l'intention de s'opposer à la motion qu'a présentée le leader du gouvernement à la Chambre, mais il faut bien reconnaître que la planification de l'ordre du jour aurait pu faire en sorte qu'une telle motion de fin de session ne soit pas nécessaire, surtout qu'on nous annonce un peu en catastrophe, à la toute fin de la session, des projets de loi qui ne sont pas encore déposés.

Le leader du gouvernement a parlé de la Loi sur les jeunes contrevenants, un bill omnibus qui doit être incessamment présenté; la Loi sur les lobbyistes qui est annoncée; la Loi sur les sentences également qui est annoncée, et on veut peut-être avoir des votes en deuxième lecture sur ces projets de loi, alors que certains ne sont pas encore à notre menu parlementaire. On dit souvent «Qui trop embrasse mal étreint», mais peut-être que nous ne pourrons pas arriver à tout cela.

Il faudrait dissiper cette impression qu'il faut se précipiter parce que nous n'avons rien fait. L'opposition est à la merci de l'ordre du jour du gouvernement. Nous avons travaillé avec le menu législatif que nous pouvions avoir devant nous, et ce, chaque jour.

Le gouvernement, par la voix de son leader parlementaire, mentionnait tout à l'heure le projet de loi C-18 que nous aurons à considérer cet après-midi une dernière fois, ce projet de loi sur la redistribution des circonscriptions électorales et les conséquences qui vont s'ensuivre. Autre exemple de mauvais agencement du calendrier parlementaire que le projet de loi C-18 qui est arrivé un petit peu en retard, de telle sorte que les commissions provinciales, chargées de la révision des cartes électorales, ont dû, dans certains cas, commencer leur travail ou l'effectuer complètement dans d'autres, et on voit un peu l'imbroglio dans lequel nous sommes.

Ce qui m'a le plus surpris, mais agréablement surpris, monsieur le Président, du leader du gouvernement, c'est lorsque celui-ci a mentionné qu'il voulait avoir des débats vigoureux, des débats de fond dans cette Chambre et que c'était l'endroit


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pour le faire. Il me fait plaisir de l'entendre dire d'un homme qui a tant d'autorité, puisque j'étais un peu sceptique à la lecture des journaux et en entendant les nouvelles à la radio hier, lorsque je voyais son collègue, le député de Glengarry-Prescott-Russell, whip adjoint du gouvernement, mais sous l'autorité du leader du gouvernement, encourager à signer des pétitions pour que nous ne débattions pas les vrais problèmes qui concernent les deux pays qui existent au Canada.

Or, je suis effectivement rassuré et content d'apprendre du député de Windsor-Ouest, leader du gouvernement à la Chambre, qu'il n'entend pas du tout que nous mettions de côté, que nous éludions des questions importantes.

Cela dit, monsieur le Président, l'opposition officielle va faire son travail jusqu'au bout et les heures supplémentaires qui nous sont demandées, nous allons, pour remplir le mandat qui nous a été confié par nos électeurs et électrices, le remplir avec les conséquences que cela implique dans notre organisation d'horaires quotidiens.

Alors, en conséquence, nous voterons en faveur de la proposition du leader du gouvernement à la Chambre, si vote il devait y avoir.

(1045)

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, je voudrais parler de la motion d'aujourd'hui et remercier le leader du gouvernement à la Chambre des communes, ainsi que le député de Bellechasse de leurs bonnes paroles au sujet de la coopération à laquelle les leaders parlementaires sont parvenus au cours des premiers mois de cette 35e législature. Je tiens également à dire à quel point j'apprécie l'esprit de coopération et la bonne volonté qui nous animent.

Cependant, j'ai moi aussi certaines réserves. Je voudrais parler de la demande du gouvernement qui souhaite prolonger les heures de séance de la Chambre. Mon parti, le Parti réformiste, s'est engagé à aborder le rôle de l'opposition de façon différente, et l'honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes y a fait allusion. Nous ne sommes pas venus à Ottawa pour nous opposer d'office à toutes les mesures et motions proposées par le gouvernement. Au contraire, mon parti entend offrir des critiques constructives, voire appuyer les projets de loi et les motions venant du gouvernement que nous jugeons dans l'intérêt des Canadiens.

Ainsi, nous ne nous opposerons pas à la motion visant à prolonger les heures de séance. Nous espérons qu'on fera le meilleur usage possible de ces heures prolongées pour le bien des Canadiens. J'espère qu'il en sera ainsi et que nous n'aurons pas été trop idéalistes d'y croire.

Cependant, la demande du gouvernement m'amène à me poser quelques questions. À l'instar de nombreux Canadiens, j'en suis sûr, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi le gouvernement juge nécessaire de prolonger les heures. Il n'y a réellement qu'une raison qui explique que le gouvernement se trouve dans l'obligation de prolonger les journées que nous passons en cette enceinte, c'est que les libéraux ont trahi les Canadiens et nous ont fait perdre notre temps en présentant des projets de loi d'ordre administratif relativement anodins pendant presque toute cette session.

Permettez-moi de justifier ce que je viens de dire. Depuis les élections qui ont porté les libéraux au pouvoir, 226 jours se sont écoulés. Entre le jour des élections et la convocation de la Chambre, il s'est passé 83 jours. Depuis, la Chambre a siégé 83 jours au total, et pendant cette période, on nous a présenté 38 projets de loi, et on nous a donné préavis qu'il y en aurait 11 autres.

Qu'a fait le gouvernement libéral pendant ces 83 jours de séance? Contrairement aux autres partis, le Parti réformiste est prêt à féliciter le gouvernement lorsqu'il le mérite. Et je dois dire qu'il a apporté quelques changements qui sont tout à son honneur. Bien que n'étant pas toujours d'accord sur tous les détails des mesures législatives présentées par le gouvernement, le Parti réformiste félicite ce dernier pour les modifications qu'il se propose d'apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants et à la Loi sur les prêts aux étudiants, pour avoir habilité le comité à modifier le Règlement et entrepris l'examen de la politique en matière de programmes sociaux, d'affaires étrangères, de défense et de maintien de la paix, et pour avoir permis la tenue de débats spéciaux sur des sujets tels que l'agriculture et la situation en Bosnie.

En dépit du fait que notre rôle dans l'opposition est de faire opposition, le Parti réformiste ne rechigne pas à reconnaître que le gouvernement a tenu plusieurs de ses promesses électorales, comme l'annulation du contrat d'achat d'hélicoptères EH-101 et du contrat de privatisation de l'aéroport international Pearson.

Nous félicitons donc le gouvernement d'avoir au moins tenu parole dans ces deux dossiers. Le gouvernement libéral semble également avoir donné suite à sa promesse de réduire le budget du premier ministre et de ses ministres. Fidèle à sa promesse de créer des emplois pour les jeunes, le gouvernement est passé à l'action dans ce domaine, initiative dont nous craignons cependant qu'elle ne coûte très cher aux contribuables pour pas grand-chose.

Je dois cependant avouer que mes félicitations ne sont pas très enthousiastes. En effet, nous trouvons que le gouvernement traîne à mettre en oeuvre son plan. Combien de temps lui faut-il pour étudier les dossiers importants et prendre les mesures qui s'imposent? Quand reconnaîtra-t-il que ce n'est plus le moment de discuter, qu'il faut passer à l'action?

Mon étude des projets de loi présentés par ce gouvernement a révélé deux points troublants. Tout d'abord, sur les 14 projets de loi qui étaient inscrits au Feuilleton à la fin de la dernière session de la Chambre du temps des conservateurs, huit ont été recyclés et réutilisés presque tels quels. Les libéraux avaient promis d'être différents, mais ils ont prouvé qu'ils n'étaient qu'un parti traditionnel fidèle au vieux régime politique que les Canadiens en sont venus à mépriser. En fait, on ne peut pas voir en quoi le gouvernement actuel est différent de l'ancien gouvernement conservateur, si l'on souscrit à la thèse de Marshall McLuhan, qui dit que la politique est un moyen d'appliquer les solutions d'hier aux problèmes d'aujourd'hui.

(1050)

Le deuxième point troublant, c'est que 13 des 38 projets de loi présentés jusqu'à maintenant sont d'ordre administratif. Nous ne


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nions pas le fait qu'un bon nombre de ces détails administratifs devaient être réglés. Nous nous demandons cependant pourquoi le gouvernement a accaparé le temps de la Chambre avec des détails moins importants que ce que la majorité des Canadiens considère comme les vrais enjeux, c'est-à-dire les programmes promis par le Parti libéral pour la création d'emplois, la réduction du déficit et de la dette, la réforme du système de justice pénale et la réforme du régime de pensions des députés.

Les libéraux semblent vouloir se contenter de faire semblant d'agir. J'ai déjà dit que 38 projets de loi avaient été présentés. Seize d'entre eux ont été adoptés, trois sont à l'autre endroit, un projet de loi nous est revenu de l'autre endroit complètement démoli, comme une représentation de l'échec du gouvernement. Douze projets de loi sont soumis à l'étude de comités et cinq en sont à l'étape de la deuxième lecture.

Vu de l'extérieur, tout cela donne l'impression qu'il se passe beaucoup de choses. On dirait que les libéraux viennent d'hériter de la ferme familiale et qu'ils essaient de cacher aux voisins qu'ils ne savent pas comment s'en occuper. Plutôt que de semer, ils se promènent en tracteur en déplaçant beaucoup d'air ou font le ménage de la grange.

Les libéraux ne peuvent pas plaider le manque d'expérience. Au cours de la campagne électorale, ils ont présenté une liste de candidats vedettes et peuvent même s'appuyer sur quelques anciens de l'époque de Trudeau. Donc, cette façon de ne pas présenter de mesures législatives majeures tient peut-être au fait que le gouvernement libéral ne veut pas vraiment faire de changements. Il préfère vénérer la mémoire des inaptes gouvernements libéraux qui l'ont précédé.

Des voix: Oh, oh!

Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Je rappelle aux députés du gouvernement que personne n'a interrompu le leader du gouvernement à la Chambre, quand il a prononcé son discours.

M. Hermanson: Monsieur le Président, les libéraux ne peuvent vraiment pas accuser leurs voisins de leur refuser des conseils et de l'aide. En fait, nous savons bien que ce n'est qu'une affaire de temps avant que le gouvernement se rende compte qu'il a besoin d'aide pour se décider à agir. Il lui suffit de demander. En tant que voisin, le Parti réformiste lui montrera volontiers la voie à suivre.

Sur les 38 projets de loi dont le Parlement a été saisi, seulement 16 ont été adoptés. Sur les 16 mesures adoptées, 10 l'ont été grâce à l'appui du Parti réformiste. Il serait faux d'affirmer que les réformistes ont cherché à obstruer le processus législatif du gouvernement canadien. Au contraire, ils se sont efforcés de devenir, et ils sont devenus, une force constructive et d'excellents voisins à la Chambre des communes. Il est regrettable toutefois qu'ils n'aient pas eu la chance d'étudier beaucoup de projets de loi vraiment substantiels.

Le scrutin, qui a fait en sorte que nous sommes tous à Ottawa, a traduit clairement la volonté des Canadiens de changer de gouvernement. Ils ont envoyé plus de 200 tout nouveaux députés à la Chambre des communes. Le gouvernement libéral aurait pu profiter de ces dernières élections pour remplir les promesses qu'ils a faites dans ce qu'il est convenu d'appeler le livre rouge.

Même si le Parti réformiste s'oppose à la majeure partie des politiques exposées dans le livre rouge, il respecte la volonté des Canadiens qui ont chargé les libéraux de remplir leurs promesses. Or, au lieu d'effectuer les modifications que les Canadiens attendaient, le gouvernement a choisi de s'attarder à des questions d'ordre administratif et, selon toute vraisemblance, de renvoyer aux calendes grecques les vraies décisions, préférant plutôt rappeler comment faire de la politique avec des méthodes éculées. Le gouvernement a abandonné les Canadiens. Il leur donne exactement ce qu'ils ont rejeté en votant: le statu quo.

Le Parti libéral a centré sa campagne électorale sur la création d'emplois et les incitatifs économiques. Malheureusement, tout ce que les libéraux ont fait avec leurs promesses, c'est la campagne électorale. Ils ont montré qu'ils étaient des politiciens d'une époque révolue et, comme leurs prédécesseurs, ils promettent des changements mais ne font rien.

Le Parti réformiste est prêt à siéger de longues heures et à travailler pour les Canadiens. Il a d'ailleurs manifesté son esprit de collaboration en appuyant 10 des 16 projets de loi adoptés depuis le début de la session en cours. Il faut donc blâmer les libéraux si pratiquement aucune mesure substantielle n'a été présentée. Compte tenu de cela, nous ne pouvons que nous demander où est l'urgence, puisque le gouvernement n'a encore manifesté aucune hâte à mettre son programme en application.

Je représente la circonscription de Kindersley-Lloydminster, en Saskatchewan. Ma circonscription a été en grande partie dévastée par la grande dépression des années 1930. Les gens ont survécu grâce à un esprit d'équipe et un appui mutuel, et c'est dans cet esprit que j'offre de donner des suggestions aux députés libéraux d'en face. Les libéraux pourraient peut-être puiser quelques idées dans les suggestions sensées faites par le Parti réformiste. Il est à espérer que leur amour-propre ne les empêchera pas de faire preuve de bon sens.

(1055)

Tout d'abord, le Parti réformiste sent le besoin de rappeler aux libéraux la dette énorme avec laquelle doivent composer non seulement le pays, mais aussi les futures générations de contribuables canadiens. Les libéraux ne se soucient peut-être pas des prochaines générations, mais le Parti réformiste s'inquiète de leur sort.

Le gouvernement trahit les jeunes Canadiens. La politique du déficit systématique constitue une taxe discriminatoire envers les jeunes. À cause des dépenses effrénées des vingt dernières années, nos jeunes auront un très lourd fardeau à porter. Ce sont les jeunes qui devront payer des taxes toute leur vie pour couvrir les intérêts de la dette nationale qui atteint actuellement plus d'un demi-billion de dollars. La dette nationale, qui augmente d'un peu plus de 1 500 $ la seconde, totalise plus de 18 000 $ par habitant. La dette accumulée et les niveaux de taxation imposés


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par le gouvernement auront tôt fait de chasser le Canada des marchés internationaux. On ne peut plus continuer ainsi.

Où sont les projets de loi que chaque ministre devait présenter pour réduire les dépenses fédérales dans chaque ministère? Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas déposé de projets de loi nous garantissant un budget équilibré au lieu d'un budget où les dépenses publiques grimpent de 3,3 milliards de dollars?

La dette est le problème le plus grave auquel font face les Canadiens et qui touche à leurs programmes sociaux. Ce qu'il y a d'ironique dans tout cela, c'est que nous avons les moyens de maintenir nos programmes sociaux. C'est la dette que nous avons accumulée qui nous pose problème.

Selon les comptes publics pour l'année se terminant le 31 mars 1993, l'intérêt sur la dette nationale a atteint environ 38,793 milliards de dollars. En fait, le gouvernement afficherait un excédent d'exploitation, si ce n'était des versements d'intérêt sur la dette à long terme du Canada.

Sans cette dette et les versements d'intérêt qu'elle implique, notre programme de dépenses afficherait un excédent et les niveaux d'imposition pourraient être réduits sans que nos programmes sociaux n'en soient menacés, mais cela ne semble pas intéresser le gouvernement. Hier soir, il a même refusé de réduire un tant soit peu le budget des dépenses. Le gouvernement libéral, de même que les députés du Bloc et du NPD, ont tous voté contre une motion visant à réduire de seulement 20 000 $ le budget des dépenses. Quel message désolant ils ont alors envoyé aux Canadiens.

Pour l'exercice financier en cours, le gouvernement prévoit un déficit d'environ 40 milliards de dollars, mais il ne fait aucun effort pour freiner la détérioration de la situation financière au Canada. Voilà pourquoi, la semaine dernière, la société d'évaluation Moody's a décoté les titres canadiens en devises étrangères. Voilà aussi pourquoi nous, réformistes, estimons que la dette et le déficit sont les problèmes les plus importants avec lesquels les Canadiens sont aujourd'hui aux prises et pourquoi, contrairement aux libéraux, nous n'hésiterions pas à nous attaquer avec diligence et conviction aux actuels problèmes financiers du Canada.

Nous, réformistes, ne souhaitons pas hypothéquer l'avenir de nos enfants et des générations futures de Canadiens. Pourquoi la Chambre n'est-elle pas saisie de projets de loi visant à redonner confiance aux investisseurs, à encourager les petites entreprises et à alléger le fardeau fiscal des contribuables?

Pourquoi le gouvernement a-t-il rayé le passage ci-dessous de la motion réformiste sur l'unité nationale?

. . .de respecter le pacte fédéral en tant que pays unique, et prenne l'engagement de renforcer notre économie, d'équilibrer les budgets de nos gouvernements, d'appuyer nos services sociaux, de conserver notre milieu, de protéger notre patrimoine et notre diversité culturelle, de défendre nos vies et notre propriété, de démocratiser davantage nos institutions et nos processus décisionnels, d'affirmer l'égalité et le caractère unique de tous nos citoyens et de nos provinces, et de forger des relations pacifiques et productives avec d'autres pays du monde.
Une autre chose qui préoccupe les Canadiens et le Parti réformiste, c'est l'extravagance des pensions des députés. Nos homologues libéraux devraient adopter au nombre de leurs priorités la réforme des pensions des députés. Comme l'a signalé l'autre jour mon collègue, le député de Calgary-Centre, le régime de retraite des politiciens se trouve à créer un système à deux niveaux qui est sans rapport aucun avec ce qui se fait dans le secteur privé. Ce régime doit être réformé de telle sorte qu'il soit équivalent aux régimes du secteur privé.

Le gouvernement parle de changer les choses. Il attend le résultat d'études qui ne sont pas nécessaires, et il n'a encore fait aucune proposition véritable. Serait-ce que les libéraux veulent s'assurer de toucher eux-mêmes de grasses pensions? Après tout, n'en auront-ils pas besoin lorsque, désabusés, les Canadiens les chasseront du pouvoir aux prochaines élections? Je doute qu'ils soient dans le besoin. Peut-être sont-ils cupides.

Les Canadiens trouvent plutôt frustrant qu'il y ait davantage d'obstacles au commerce est-ouest qu'au commerce nord-sud. Pour bien des entreprises, il est plus facile de faire des affaires aux États-Unis que dans les autres provinces canadiennes. Ces obstacles à l'échange libre des biens et des services sur le territoire canadien nuisent à la croissance économique et à l'établissement de relations commerciales au Canada.

Le gouvernement avait promis de s'efforcer de supprimer les barrières commerciales entre les provinces avant une certaine date, en juin. Toutefois, ces barrières commerciales intérieures existent toujours et aucun progrès ne semble se faire dans ce domaine. Combien de temps encore le gouvernement attendra-t-il pour mettre les entreprises de toutes les provinces et de toutes les régions sur le même pied?

(1100)

Maintenant, quelques mots sur la justice. Il y a trois semaines, Barb Danelesko, une ménagère d'Edmonton, était assassinée dans sa propre demeure par des intrus qui étaient de jeunes contrevenants. Sa mort a révélé à toute la nation que les libéraux ont mis trop de temps à agir sur la question des jeunes contrevenants.

Le Parti réformiste croit que le système de justice devrait faire passer la punition des criminels et la protection des citoyens respectueux des lois devant tous les autres objectifs. Ce principe devrait s'appliquer à la Loi sur les jeunes contrevenants.

La façon actuelle de traiter les jeunes contrevenants s'inspire encore d'une idée dépassée du XIXe siècle selon laquelle les jeunes sont moralement incapables de commettre des actes criminels. Dans la pratique, cette idée a pour conséquence de priver les jeunes contrevenants, leurs victimes et l'ensemble des citoyens d'une véritable justice. Les députés réformistes ont illustré leur point de vue en présentant toute une série d'exemples circonstanciés de délits commis par des jeunes, mais n'ont pas réussi à convaincre le ministre de la Justice et le gouvernement de présenter un projet de loi responsable.


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Récemment, le ministre de la Justice a proposé quelques modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants. Malheureusement, ces modifications sont loin d'avoir la portée nécessaire pour protéger la société. Le plus regrettable, c'est que le projet de loi n'abaisse pas l'âge auquel les jeunes peuvent être tenus responsables de leurs actes. Il est malheureux que la Chambre consacre de nombreuses heures à l'étude de mesures législatives aussi mauvaises que le projet de loi C-37.

Une autre question préoccupe aussi les Canadiens. Il semble que les représentants qu'ils envoient au Parlement soient devenus les porte-parole du gouvernement auprès de la population et ne soient plus les ambassadeurs de leurs électeurs auprès du gouvernement à Ottawa. Il est temps que tous les députés commencent à véritablement représenter leurs électeurs.

Les réformistes veulent qu'il soit possible pour les députés d'exprimer les désirs de leurs électeurs. Nous croyons que le rejet d'une mesure gouvernementale par la Chambre des communes ne signifie pas automatiquement la défaite du gouvernement. Un tel rejet devrait être suivi d'une motion de censure officielle qui, si elle était adoptée, exigerait ou la démission du gouvernement ou la dissolution du Parlement et la tenue d'élections générales.

Cette pratique, adoptée au Royaume-Uni il y a plus de 20 ans, ne pose aucun problème et pourrait être adoptée ici. Cela ne nécessiterait aucune modification législative ou constitutionnelle, mais une simple déclaration de la part du premier ministre. Il refuse de faire une telle déclaration.

Un geste aussi courageux aurait pour effet de briser ce que certains observateurs éclairés appellent le carcan de la discipline de parti. Les députés pourraient commencer à voter pour ce que veulent leurs électeurs et non pour ce que veulent un petit groupe de ministres. Cela donnerait plus de crédibilité à cette institution qu'est le Parlement et rehausserait le respect des Canadiens envers les politiciens qui, de cette façon, pourraient servir vraiment les gens qui les ont élus.

Le seule réforme parlementaire importante que nous ayons vue, c'est la modification apportée au Règlement pour permettre que le renvoi d'un projet de loi à un comité et l'étude à l'étape du rapport se fassent avant la deuxième lecture. Cependant, aucune mesure législative n'a suivi ce cheminement jusqu'à maintenant. Pourquoi le gouvernement a-t-il apporté ces changements s'il n'avait pas l'intention d'utiliser cette nouvelle façon de procéder? À mon avis, cela est peut-être symptomatique d'un problème plus profond au sein du Parti libéral. J'espère que les libéraux mettront davantage en pratique les changements qu'ils feront à l'avenir.

Non seulement le Parti réformiste met en doute ce que le gouvernement a essayé de faire passer pour des affaires importantes durant la dernière session du Parlement, mais nous avons des mesures concrètes à proposer, des mesures qui, selon nous, seraient avantageuses pour tous les Canadiens. Si le gouvernement est prêt à admettre qu'il ne sait pas quoi faire d'autre que déterrer les vieux projets de loi des conservateurs, le Parti réformiste se fera un plaisir de lui faire des suggestions.

Ne perdons pas notre temps à étudier des mesures superficielles d'ordre administratif et attaquons-nous aux questions vraiment importantes et urgentes. Le déficit, la justice, les pensions des députés et les questions concernant la représentation touchent les Canadiens de beaucoup plus près que les oiseaux migrateurs et la Bibliothèque nationale.

En ce moment, je me sens comme la femme qui demandait où est le boeuf dans cette fameuse publicité. Si je ne m'abuse, le député de Bellechasse a également fait une remarque semblable. Le gouvernement promet des réformes, il en parle, il entreprend des études sur la question et en fait même un sujet de querelle, mais quand vient le temps de prendre des mesures concrètes, il ne semble pas être prêt à passer aux actes.

C'est vraiment sans enthousiasme que j'appuie cette motion. Je l'appuie parce que les Canadiens ont besoin de réformes sans plus tarder, mais je le fais sans enthousiasme parce que le gouvernement a proposé très peu de mesures législatives utiles jusqu'à maintenant.

En terminant, je voudrais citer ce qu'Allan Fotheringham écrivait dans le Sun d'Ottawa le 5 juin 1994. Dans son article, il s'adressait au premier ministre en ces termes: «Commencez à prendre vos responsabilités. Vous êtes premier ministre, alors agissez comme un premier ministre.»

(La motion est adoptée.)

* * *

(1105)

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Affaires parlementaires)): Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui à la question no 45.

[Texte]

Question no 45-M. Chatters:

En ce qui concerne les enquêtes policières relatives aux fraudes et au détournement de fonds par les bandes indiennes, les conseils tribaux et les organisations autochtones/métis, a) combien d'enquêtes ont été effectuées au cours des cinq dernières années, b) combien ont donné lieu à des accusations, c) combien sont présentement en cours?
L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): La Gendarmerie royale du Canada ne recueille pas de statistiques relatives à des groupes ethniques particuliers.

[Français]

M. Robichaud: Monsieur le Président, je suggère que les autres questions soient réservées.

Le vice-président: Est-ce que les autres questions sont réservées?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Je désire informer la Chambre qu'en raison de la déclaration ministérielle, les Ordres émanant du gouvernement seront prolongés de 20 minutes, conformément à l'article 33(2)b) du Règlement.

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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 3 juin, de la motion concernant les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-18, Loi suspendant l'application de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, je suis content d'avoir un verre d'eau. Je suis très occupé ce matin.

J'ai de nouveau aujourd'hui l'occasion de prendre la parole au sujet des modifications que l'autre endroit propose d'apporter au projet de loi C-18, et je suis très heureux que nous ayons la chance de parler de nouveau de cette question.

Tel qu'il était initialement conçu par le gouvernement, le projet de loi C-18 constituait une très grave violation du principe fondamental de la démocratie, c'est-à-dire empêcher les partis politiques d'intervenir dans la conception, la conduite et l'issue des élections au Canada.

Le processus électoral canadien est probablement le plus juste, le plus impartial et le plus professionnel au monde. Il n'est cependant pas parfait, et j'espère que nous aurons l'occasion d'examiner plus tard certaines améliorations à y apporter.

La portée initiale du projet de loi C-18 menaçait non seulement l'aspect impartial de notre processus démocratique, mais elle compromettait également la réputation dont jouit le Canada sur la scène internationale en tant que pays sur lequel on pouvait compter pour établir des critères élevés d'impartialité pour le processus électoral.

Qu'il me suffise de rappeler que le Canada est très souvent invité à superviser ou observer le déroulement d'élections un peu partout dans le monde, comme ce fut le cas tout récemment en Ukraine et en Afrique du Sud. Je ne saurais trop insister sur le tort que cela aurait causé à la réputation internationale du Canada si le projet de loi C-18 avait été promulgué sous sa forme initiale.

Il devrait être évident que les réformistes avaient raison dans leur analyse du projet de loi. Le gouvernement aurait dû accepter nos amendements.

Le projet de loi aurait dû être modifié pour plusieurs raisons, dont la plus importante tient certainement à la préservation d'un sens canadien du franc-jeu. Il est primordial que tous les aspects du système électoral soient déterminés de façon indépendante du gouvernement et de tous les partis politiques. Cela nous permettra de poursuivre l'idéal d'équité cher aux Canadiens.

Il est un peu paradoxal que l'organisme qui prend des dispositions pour protéger les principes démocratiques au Canada soit le Sénat, la formation de la Chambre haute représentant en effet l'exemple par excellence de l'antidémocratie. Le principe de nommer des législateurs dans le cadre du régime parlementaire britannique est non seulement antidémocratique, mais il est aussi dépassé et il ne s'inscrit pas dans la vague de démocratisation qui déferle sur une bonne partie du monde.

Le vieux vice du monarque qui choisissait la moitié du Parlement a maintenant évolué au point où le premier ministre recommande au gouverneur général les candidats au Sénat. La plupart des Canadiens jugent cela inacceptable. Les sénateurs se trouvent à n'être rien de plus que des valets politiques qui n'ont aucune légitimité aux yeux de la population.

Les sénateurs sont devenus la principale raison pour laquelle les Canadiens veulent démocratiser leur pays. Les sénateurs sont la pointe de l'iceberg du favoritisme, et de nombreux Canadiens, y compris les Canadiens loyaux de ce côté-ci de la Chambre, veulent supprimer ce boulet à la démocratie.

Bon nombre se demandent peut-être pourquoi le Sénat a pris des dispositions pour protéger la démocratie canadienne, s'il est une Chambre antidémocratique. Cela est presque un oxymoron, comme les expressions progressiste conservateur ou libéral dési-reux de remettre de l'ordre dans les finances publiques.

(1110)

Cette décision des sénateurs conservateurs signifie-t-elle qu'ils sont plus démocrates que leurs homologues libéraux? Pas du tout. Il est clair que les conservateurs essayaient ainsi de faire ce qu'il convenait de faire pour une fois et de défendre les Canadiens, puisqu'ils n'ont pas saisi l'occasion qu'ils avaient de le faire durant les neuf années où ils ont été au pouvoir.

L'effectif élu de ce parti a maintenant disparu. En désespoir de cause, ceux qui ont bénéficié des faveurs politiques d'un Parti conservateur discrédité essaient de rétablir la crédibilité de leur parti qui a perdu bien des plumes. Tout ce que je puis leur dire, c'est ceci: «Bonne chance, mais ne comptez pas trop réussir.»

Les questions de la réforme du Sénat, des principes démocratiques et de la réfection de la carte électorale sont inextricablement liées. Les réformistes et les Canadiens en général sont d'avis que nous devons réformer les deux composantes de notre Parlement bicaméral pour allier une représentation régionale satisfaisante et le principe démocratique selon lequel une personne équivaut à un vote. C'est impossible d'en arriver à cet équilibre sans procéder à une réforme du Sénat.

Avec le Sénat antidémocratique qui existe actuellement, il n'y a qu'une seule Chambre vraiment démocratique au Parlement, soit la Chambre des communes. Le gouvernement libéral, à l'instar de ses prédécesseurs, s'efforce d'allier l'égalité de chaque Canadien et une représentation régionale équilibrée au sein de la Chambre. Avec le temps, cette question commence à énerver de plus en plus de Canadiens de toutes les régions de notre pays.

En raison des limites constitutionnelles prévues pour certaines provinces, la véritable égalité des Canadiens est d'entrée de jeu impossible au regard de la délimitation des circonscriptions électorales. Ces limites peuvent, à maints égards, s'expliquer par la triste réalité d'un Sénat non élu.


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Il y a une règle constitutionnelle qui veut qu'aucune province ne peut avoir moins de députés élus à la Chambre des communes que de sénateurs non élus au Sénat. Par exemple, la Saskatchewan a droit à 6 sièges, la Nouvelle-Écosse, à 10, et l'Île-du-Prince-Édouard, à 4.

Selon une autre convention, le processus de révision ne peut avoir pour résultat qu'une province ait moins de sièges qu'en 1976. Il en résulte que le Manitoba et la Saskatchewan ont droit à 14 sièges chacun, que Terre-Neuve a droit à 7 sièges et l'Île-du-Prince-Édouard, à 4.

Ces conventions rendent presque impossible le plafonnement ou la réduction du nombre de sièges à la Chambre d'une manière équitable à long terme. Personne ne semble se préoccuper du fait que la plupart des provinces aient plus de députés que de sénateurs. Peut-être est-ce parce que les députés ont une légitimité que les sénateurs n'ont pas du fait qu'ils ne sont pas élus.

La question qu'il faut se poser est donc: comment faire pour donner de la légitimité aux sénateurs? Nous pouvons prévoir un équilibre régional parmi les provinces et protéger le principe voulant que chaque voix ait le même poids. La solution c'est évidemment le Sénat triple E, un Sénat élu, où les provinces seraient représentées par un nombre égal de sénateurs et qui protégerait efficacement les intérêts régionaux. C'est un Sénat ayant le même nombre de sénateurs pour chaque province afin d'assurer l'équilibre régional, élu par la population pour être légitime et, donc, plus efficace dans la sauvegarde des intérêts régionaux et provinciaux. Le principe de la représentation proportionnelle et de l'égalité des voix continuerait d'être appliqué à la Chambre des communes.

Le Sénat triple E permettrait également un meilleur équilibre régional au sein des grandes provinces. Par exemple, en Ontario, la population du sud-ouest serait aussi bien représentée que celle du nord. Dans les provinces comme la Saskatchewan, les régions rurales et urbaines seraient également plus équitablement représentées. Le Sénat triple E pourrait être la solution à un grand nombre de questions responsables de la désaffection des Canadiens dans bien des régions du pays.

Je crois fermement que les problèmes que soulève la révision des limites des circonscriptions sont le résultat direct du refus des partis traditionnels de réformer le Sénat. Le fait que la Constitution garantit que, dans un Sénat non élu, le nombre de sénateurs ne peut être inférieur à un nombre donné fait en sorte que certains Canadiens sont mieux représentés que d'autres à la Chambre.

Il s'ensuit que, si les sénateurs étaient élus et si les provinces étaient représentées par un nombre égal de sénateurs, cela permettrait une distribution plus équitable des sièges aux Communes en fonction du principe de l'égalité des voix et garantirait un processus de révision plus équitable reflétant mieux la répartition de la population.

L'une des conséquences d'un Sénat inefficace est le vide que cela a causé dans la mise en équilibre des intérêts régionaux. Cela est censé être le mandat du Sénat. Cependant, les conférences des premiers ministres ont acquis de l'importance et du pouvoir à cause de ce vide. Ces conférences se faisant plus fréquentes et ayant de plus en plus d'autorité, deux petits groupes se sont retrouvés avec un pouvoir bien trop grand pour qu'on puisse parler de démocratie et de responsabilité.

Les Canadiens en ont assez d'entendre dire que 11 hommes ou femmes retranchés derrière des portes closes ont concocté une nouvelle proposition. Quelle meilleure preuve que la réaction du public aux accords du lac Meech et de Charlottetown?

Il vaut aussi la peine de dire que la Chambre a confié au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre le mandat d'étudier la possibilité de plafonner ou de réduire le nombre de sièges aux Communes. Il suffit de quelques calculs pour constater que, si on garantit à certaines provinces un nombre minimum de sièges sans égard à leur population, il sera presque impossible de nous acquitter du mandat à long terme, à moins que nous ne soyons disposés à accepter un écart encore plus grand entre le nombre d'électeurs représentés par les députés de diverses provinces, différence qui peut déjà être de un à cinq.

(1115)

Ainsi, la circonscription de Cardigan, à l'Île-du-Prince-Édouard, compte 29 150 personnes, tandis que celle de Brampton, en Ontario, en a 162 610, soit plus de cinq fois plus. Cela veut dire qu'un citoyen de Cardigan a cinq fois plus de poids politique qu'un citoyen de Brampton. Un Sénat triple E permettrait de réduire ou de plafonner le nombre de députés sans amoindrir la représentation des régions peu populeuses.

Les Canadiens sont scandalisés de constater que le gouvernement continue d'appuyer un Sénat dépassé dont les membres sont nommés comme au siècle dernier. Nous étudions en ce moment les moyens de propulser les Communes vers le XXIe siècle en examinant la possibilité d'un vote électronique et en autorisant les ordinateurs portables à la Chambre. Pourquoi, dans ces conditions, le gouvernement refuse-t-il de moderniser cette Chambre haute d'un autre âge, ce qui est un problème beaucoup plus sérieux?

Il y a actuellement deux postes à combler au Sénat, un pour le Manitoba et l'autre pour le Québec. Ces deux provinces auront des élections sous peu. Pourquoi le premier ministre n'encourage-t-il pas les Manitobains et les Québécois à choisir leurs propres sénateurs à l'occasion des élections provinciales? Rien, dans la Constitution, ne l'interdit, comme l'a montré l'élection du regretté sénateur Stan Waters, le premier et le seul sénateur élu de notre histoire.

J'exhorte le gouvernement libéral, qui a publié ce fameux livre rouge et prétend rendre le Parlement plus ouvert et démocratique, à pratiquer ce qu'il prêche et à réformer le Sénat. Je l'invite à prendre une initiative qui lui garantira une place de choix dans notre histoire, et à mettre un terme aux nominations de sénateurs qui se font dans un esprit de favoritisme.

J'invite le gouvernement à prendre position, à dire qu'un Sénat non élu est inacceptable et qu'il permettra à des Canadiens élus de siéger à la Chambre haute. La chose honorable à faire est


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de mettre un terme aux nominations teintées de favoritisme. Les libéraux ont maintenant une occasion de faire la chose honorable. Les conservateurs ont raté cette occasion avant eux, et nous savons ce qui leur est arrivé.

Il y aura probablement huit ou neuf autres sénateurs qui atteindront l'âge de la retraite avant les prochaines élections fédérales. Cela signifie huit ou neuf autres occasions pour le gouvernement de montrer s'il prend la démocratie à coeur ou s'il est atteint du virus du favoritisme. Le député de Swift Current pense qu'il y aura peut-être d'autres postes vacants si certains sénateurs décédaient. Voyons voir si le gouvernement prend la démocratie à coeur ou s'il est atteint du virus du favoritisme.

Une fois que les sénateurs seront élus, la population considérera le Sénat d'un oeil plus favorable, et il sera plus facile de réaliser les changements constitutionnels nécessaires pour assurer l'égalité démocratique de tous les Canadiens.

Dans l'intérêt du Canada, de notre régime démocratique, de la volonté des Canadiens d'avoir un Sénat réformé, et pour éviter à l'avenir les problèmes et les désaccords sur les formules de remaniement électoral, j'espère que le gouvernement veillera à démocratiser la Chambre haute. Il n'a aucune raison, sauf des intérêts sectaires, de ne pas le faire.

Le gouvernement propose de reporter du 6 février au 22 juin la date de la reprise du processus de remaniement électoral, ce qui lui accordera 12 mois pour examiner la loi à cet égard. Au début, le gouvernement avait proposé 24 mois et l'autre endroit, six mois.

Lorsque ce projet de loi a été débattu la dernière fois à la Chambre, le Parti réformiste a proposé un amendement qui prévoyait-devinez quoi?-un délai de 12 mois. Les libéraux ont voté contre à l'unanimité. Maintenant, ils proposent exactement la même chose. Cela illustre deux choses: d'abord, ils refusent d'appuyer une idée pleine de bon sens si elle vient de ce côté-ci de la Chambre; ensuite, ils admettent se sentir un peu gênés du caractère ridicule de leur tentative.

Même les médias ont reconnu que les libéraux ont battu en retraite. Un article paru dans le Toronto Star du 3 juin dit ceci:

Le gouvernement libéral a décidé d'éviter un affrontement avec le Sénat, acceptant de modifier considérablement un projet de loi qui aurait empêché le remaniement électoral avant les prochaines élections. Le leader du gouvernement à la Chambre a proposé le compromis hier, se gagnant l'appui provisoire des sénateurs et des députés réformistes, qui s'étaient vivement opposés au projet de loi initial.
«Nous avons réfléchi plus longuement à la question. Nous avons écouté les commentaires de la population.» Voilà ce que le leader du gouvernement à la Chambre a déclaré aux journalistes. Il a ajouté: «Nous sommes un gouvernement prêt à écouter.» Toutefois, les amendements proposés aident aussi le gouvernement. La Colombie-Britannique, qui aurait gagné deux sièges à la Chambre des communes avant le projet de loi, s'y est opposée énergiquement. Les militants libéraux eux-mêmes se sont prononcés contre cette mesure pendant le congrès national du parti qui a eu lieu le mois dernier.
Les mesures prises pour faire adopter le projet de loi C-18 se sont révélées tellement indigestes que même les membres du Parti libéral n'ont pu les supporter. Si les libéraux avaient suivi notre avis au départ, la Chambre aurait gagné beaucoup de temps.

(1120)

Nous n'aurions peut-être pas été saisis de la motion qui a précédé celle-ci et qui prolonge les heures de séance de la Chambre jusqu'à 22 heures chaque soir d'ici les vacances d'été. En faisant preuve de bon sens, nous éviterions de déposer ces motions à la dernière minute pour accomplir les travaux nécessaires. Si les libéraux avaient suivi notre avis, au départ, nous aurions gagné beaucoup de temps et nous aurions pu examiner des projets de loi plus constructifs avant les vacances d'été.

D'autre part, le projet de loi amendé fait en sorte que les commissions de délimitation des circonscriptions pourront terminer leurs audiences et présenter leur rapport au directeur général des élections au plus tard le 16 septembre. Nous avions fait cette proposition, au départ, mais le gouvernement l'a rejetée. On dirait qu'il a rejeté les idées que nous avons présentées par pur esprit sectaire pour mieux les reprendre par la suite en son propre nom.

En terminant, il est clair que le gouvernement libéral a proposé un tas de mauvaises idées au sujet du projet de loi C-18, ce qui a forcé les membres du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre à réparer les pots cassés. Les libéraux ont la majorité au comité et à la Chambre. Vont-ils tenter d'imposer leurs idées toutes faites au comité ou plutôt prêter l'oreille à certaines excellentes propositions que peuvent faire de bonne foi les députés réformistes? Compte tenu des amendements qu'ils ont apportés au projet de loi, les libéraux admettent que nous avions raison au départ. Ils se sont peut-être rendu compte que nous avions quelque chose à offrir.

Notre pays est beaucoup trop précieux pour jouer à la politique à ses dépens. La démocratie n'est pas gratuite. Son prix est très élevé. Lundi dernier, nous avons rendu hommage à ceux qui ont donné leur vie sur les plages de Normandie, il y a 50 ans, pour défendre la démocratie. Nous leur sommes redevables au-delà de toute expression et nous commettrions une terrible erreur si nous rendions leur sacrifice vain en nous livrant à des tentatives mesquines de charcutage électoral pour défendre une cause sectaire.

Nous devrions être fiers de la démocratie canadienne et nous ne devrions pas la trafiquer pour répondre aux besoins du gouvernement.

J'appuie le projet de loi amendé parce qu'il correspond essentiellement à ce que nous avions proposé au départ. Je suis heureux d'avoir pu prendre la parole au sujet du projet de loi C-18.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse): Monsieur le Président, j'ai suivi avec attention le cheminement du projet de loi C-18 à toutes ses étapes et j'ai pris part au débat, également, à toutes ses étapes.


5070

Ma collègue de Rimouski-Témiscouata me faisait une remarque dont je n'ai pas saisi le sens et me fait perdre un peu ma concentration, alors je vais en profiter pour continuer.

Le projet de loi C-18, disais-je. . .

Des voix: Ah! Ah!

M. Langlois: . . .a été présenté par le leader du gouvernement à la Chambre et a été étudié à toutes les étapes auxquelles j'ai participé, et j'ai pu noter de façon particulière que le gouvernement voulait que le projet de loi C-18 soit adopté tel qu'il était, sans l'adoption d'amendements majeurs en cette Chambre.

D'ailleurs, le leader du gouvernement à la Chambre l'a mentionné à plusieurs reprises. Non seulement l'a-t-il mentionné de son siège, ici, comme il se doit, mais il l'a mentionné également lors de sa comparution à au moins deux reprises devant le Sénat, lorsqu'il a eu à défendre ses amendements. J'ai lu et relu la comparution de l'honorable leader du gouvernement à la Chambre, devant le Sénat, et ses réponses aux questions posées par les sénateurs Prud'homme, Lynch-Staunton et d'autres, démontrent clairement que l'honorable leader du gouvernement n'avait pas l'intention de faire adopter des modifications.

Qu'est-ce qui s'est passé entre l'adoption définitive, ici en Chambre, du projet de loi C-18 tel que nous l'avions voté et ce jour? Il s'est passé essentiellement deux choses qui ont fait réfléchir ou qui ont fait changer d'idée le leader du gouvernement.

Il y a eu le Congrès libéral, qui a voté une résolution demandant, effectivement, que la redistribution des sièges électoraux s'effectue et soit en vigeur pour les prochaines élections.

(1125)

La substance des résolutions qui ont été votées à ce sujet vise cet objet. Il y a eu la prise de position qui a aussi été faite par la majorité conservatrice au Sénat. La majorité conservatrice, qui me semble plutôt être devenue une majorité réformiste, puisqu'il me semble que nous avons maintenant un Sénat à majorité réformiste, parce que le discours tenu à la Chambre haute, par les honorables sénateurs qui ont défendu le point de vue majoritaire, a été le même que les arguments défendus par les députés réformistes en cette Chambre. Alors, il y a une drôle d'osmose entre les sénateurs conservateurs et les députés réformistes. Je pense que l'on commence à redécouvrir des sentiments d'appartenance. Le chaînon manquant est quelque part entre le Parti réformiste et le Parti conservateur. La famille est en train de se retrouver.

On dit que le phénix renaissait de ses cendres, on voit que le Parti réformiste a pu bénéficier de la transfusion électorale de certains appuis du Parti conservateur. C'est ce que nous allons voir.

Je trouve particulièrement dommage, monsieur le Président, que le gouvernement ait plié devant la volonté d'une Chambre non élue, une Chambre qui vient nous dicter sa conception de principes démocratiques relativement à l'établissement d'une carte électorale et de principes directeurs devant nous mener à la réforme d'une carte électorale, puisque, essentiellement, c'est ce que nous aurons à faire au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.

Les choses étant ce qu'elles sont et le gouvernement ayant décidé d'acquiescer, malgré tout ce qu'il avait dit lorsque les sénateurs conservateurs, nommés par l'ancien premier ministre Mulroney, avaient fait ce qu'ils ont fait au sujet de la TPS, malgré tout ça, aujourd'hui, on se rend compte que plus ça change, plus c'est pareil, que le gouvernement se plie, encore une fois, à la volonté de l'autre Chambre. C'est une fois de trop parce qu'en début de mandat, le gouvernement avait l'occasion, la chance unique d'envoyer un message très clair au Sénat et de montrer que cette Chambre, la Chambre basse, suivant les définitions classiques, était et est le lieu de la démocratie. Nous manquons l'occasion unique d'envoyer ce message et non seulement à l'autre Chambre, mais de l'envoyer à l'ensemble du Canada, savoir que les décisions, c'est à la Chambre des communes, chez les élus de la population qu'elles doivent se prendre.

L'autre Chambre, le Sénat, peut bien sûr de temps à autre corriger des virgules, indiquer par quelque qualificatif qu'un projet de loi peut être mal rédigé. Ça peut être un rôle parfois utile. Je pense qu'avec quelques conseillers législatifs supplémentaires, on pourrait arriver à la même solution. Mais lorsqu'on arrive à proposer des amendements aussi substantiels à un projet de loi, ce n'est plus en 1994 le rôle d'une Chambre non élue. C'est pourquoi mon collègue de Richmond-Wolfe proposait hier de couper les crédits à l'autre Chambre, ce qui à toutes fins utiles en venait à proposer l'abolition de l'autre Chambre.

Tout le monde ou presque dans ce pays ne veut plus d'une Chambre haute, d'un Sénat tel que nous le connaissons, d'un Sénat nommé. Comme il n'y a pas de possibilité de réforme à court ou à moyen terme de cette Chambre-là, la solution la plus simple, c'est de l'abolir.

Quand nous du Bloc québécois aurons réussi notre mission de réaliser avec les Québécois et les Québécoises la souveraineté du Québec, le débat pourra bien sûr reprendre pour voir si les Canadiens veulent une Chambre haute ou un Sénat élu ou un Sénat triple E, comme en parlait mon collègue de Kindersley-Lloydminster. Ce sera une autre paire de manches cependant de convaincre les Ontariens, qui, à ce moment-là, vont représenter probablement plus de la moitié des Canadiens, qu'ils ne doivent avoir qu'un neuvième des sénateurs. Je leur souhaite bonne chance. Ce sera leur problème. Ce sera un débat à faire au Canada, nous ferons les nôtres chez nous.

Pour toutes ces raisons, monsieur le Président, étant donné que le Bloc québécois a très bien défini sa position, a appuyé le projet de loi C-18, dans sa version originale, qu'il a entendu les arguments du Parti réformiste quant aux modifications qui devaient être apportées à ce projet de loi et qu'il a voté contre ces amendements, le Bloc québécois ne changera pas d'idée. Nous tenons à la version originale du projet de loi C-18.

(1130)

Comme le gouvernement a décidé, lui, de plier devant le Sénat, et bien qu'il plie, qu'il vive avec les conséquences de ce geste de faiblesse, et qu'il en soit ainsi. Pour ne pas retarder les travaux de la Chambre, nous consentirons à ce que le projet de loi soit adopté avec dissidence.


5071

[Traduction]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, et cette fois-ci il n'y a pas à en douter, les oui l'emportent.

Une voix: À la majorité des voix.

(La motion est adoptée.)

* * *

LOI SUR L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES PREMIÈRES NATIONS DU YUKON

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 1er juin, de la motion: Que le projet de loi C-34, Loi relative à l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, je n'ai pas de long texte préparé pour livrer mon discours ce matin.

La loi relative à l'autonomie gouvernementale des premières nations, cette longue mesure législative très étayée qu'a présentée le gouvernement, mérite que nous l'examinions de très près. Il s'agit, comme je viens de le dire, d'un projet de loi assez volumineux qui, pour le Canada, a principalement pour effet d'accorder l'autonomie gouvernementale à de grands territoires de notre pays en créant un ordre, un concept et une vision de gouvernement que dirigera une certaine catégorie de citoyens.

Cela diffère un peu de notre vision globale de toujours préconisant que les Canadiens sont tous les mêmes d'un océan à l'autre, puisque nous allons instituer une sorte d'autonomie gouvernementale pour une catégorie particulière de Canadiens.

Pour les réformistes, qui croient beaucoup dans l'égalité de tous les Canadiens d'un océan à l'autre, je crois que ce type de projet de loi doit faire l'objet d'un examen très méticuleux. Nous ne devons pas aller trop vite en affaires dans ce domaine. La Chambre doit profiter des occasions qui lui sont offertes pour examiner ce projet de loi dans les moindres détails.

J'ose espérer que le gouvernement, dans ses délibérations, et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, au cours des négociations qui se sont déroulées avec les autochtones en vue de l'élaboration de ce projet de loi, ont pris en considération les préoccupations et les voeux des autres Canadiens. Cette loi aura des répercussions sur les ressources naturelles de notre pays, sur notre capacité de gouverner, car la tâche pourrait se révéler impossible si nous avons un autre ordre de gouvernement qui décide d'imposer ses vues sur le développement de notre pays. Nous avons déjà trois ordres de gouvernement. Un quatrième risque de compliquer les choses encore davantage. J'espère donc que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien pourra nous donner l'assurance que ce projet de loi va contribuer à la réalisation des aspirations des Canadiens, et non pas semer des embûches et susciter des problèmes dans les années à venir.

(1135)

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, je voudrais parler du projet de loi C-34, qui vise à aider les communautés autochtones du Yukon à réaliser des aspirations économiques et sociales qui sont légitimes et que j'appuie.

Malheureusement, le projet de loi ne nous fera pas atteindre cet objectif, mais aura plutôt des effets très nuisibles, comme les autres politiques adoptées jusqu'à maintenant.

Quand je dis que les principes sous-jacents du projet de loi sont faussés, cela ne veut pas dire que j'ai la solution au problème complexe de l'aide à apporter aux peuples autochtones de notre pays. Quoi qu'il en soit, je suis conscient que quelque chose ne va pas et que la solution proposée n'atténuera pas les problèmes. Elle les aggravera.

Je m'explique. Nous rêvons tous, et c'est humain, d'avoir un oncle fortuné qui nous verserait un généreux revenu garanti pour que nous puissions aller vivre dans une île des mers du Sud et être heureux jusqu'à la fin de nos jours. C'est parfaitement humain d'avoir ce genre de rêve, mais l'expérience nous a appris qu'il est utopique. Même si nous avions un oncle riche qui nous assurait un revenu, même si nous pouvions aller vivre dans une île des mers du Sud, nous ne serions pas plus heureux et beaucoup d'entre nous seraient même forcés de quitter leur île.

Les études montrent que les gens qui ont les moyens de réaliser ce rêve reviennent déçus et reprennent leur ancien mode de vie.

C'est pourquoi les parents, même ceux qui ont de l'argent, disent habituellement à leurs enfants, une fois leurs études terminées, qu'ils ne peuvent plus compter sur la famille ou sur leurs parents et qu'ils doivent dorénavant se débrouiller seuls. Les familles riches constituent des fonds en fiducie pour que leurs enfants puissent en bénéficier vers 35 ou 40 ans.

Nous savons que nous devons trouver un emploi et travailler pour vivre. Nous refusons de tout donner à nos enfants, mais nous avons commis l'erreur, dans le passé, de satisfaire aux demandes des autochtones et de leur donner davantage pour qu'ils puissent vivre dans ce qui serait l'équivalent d'une île des mers du Sud. Voilà comment je vois la situation actuelle.


5072

J'ai lu une étude socio-économique des conditions de vie dans les réserves. J'aimerais vous parler brièvement de ce que l'on pourrait appeler ici l'ère de l'oisiveté. Autrefois, quand les familles vivaient de façon traditionnelle, le mari avait une tâche à accomplir. Il devait couper du bois et veiller au bien-être de sa famille. Il allait chasser et pêcher pour compléter les vivres. Son épouse était elle aussi très occupée. Elle était mère et faisait toutes les tâches que nous avons vu nos épouses faire et auxquelles nous avons participé pour aider notre famille.

(1140)

Bien sûr, on entend parler des maisons modernes où il n'est plus nécessaire d'aller couper du bois, où l'électricité et le gaz fournissent la chaleur, où l'on n'a pas à alimenter le poêle pour faire cuire les repas, où, au lieu d'avoir un potager, pendant l'été, on n'a qu'à aller acheter les fruits et les légumes au supermarché.

Je peux comprendre ça, tout comme, lorsque j'étais dans la vingtaine, je demandais à mes parents de me donner toujours plus, sous prétexte qu'ils en avaient les moyens. Ces gens sont donc arrivés au gouvernement du Canada et ont dit que c'était leur droit. Ils ont reçu l'appui de personnes comme celles-ci qui m'ont dit, en faisant du chahut, que nous devions effectivement accorder ce droit à ces pauvres gens. Eh bien, nous le leur accordons.

Cette étude est la conséquence de cette politique. Ils ne feraient pas ça à leurs enfants, mais ils le font aux autochtones. À l'ère de l'oisiveté, la mère a tant de temps à elle qu'elle ne sait plus quoi en faire. Le père, son existence même et la signification de son rôle ont disparu, tout comme les gens qui vont dans les îles des mers du Sud et qui ont le choix d'en revenir ou non ont perdu tout sens de la vie.

C'est, à mon avis, ce qui ne va pas avec les collectivités autochtones. Je n'ai pas à répéter ce qui ne va pas avec elles. Il y a plein de choses qui ne vont pas. Ma femme, médecin, traite les blessures, traite les brûlures de cigarette sur les bras des gens, des femmes maltraitées par les hommes pour qui la vie ne signifie plus rien, tout cela parce que nous avons agi comme cet oncle riche qui dit: «Mon pauvre neveu, il a besoin d'un revenu régulier.»

Je sais que je vais peut-être à l'encontre de la sagesse conventionnelle en disant que, à mon avis, comme de l'avis de beaucoup d'autres personnes, c'est de la part du gouvernement du Canada un manque de perspicacité que de placer nos enfants dans une situation qui va mener au genre de problèmes que je viens de décrire.

J'ignore la réponse aux problèmes des collectivités autochtones, mais si l'on fait un retour en arrière, les autochtones demandent chaque année, depuis 50 ou 100 ans, qu'on leur donne plus de ressources pour qu'ils puissent être heureux et régler leurs problèmes. Et nous leur donnons encore et encore et toujours davantage.

J'ai le budget devant moi. Nous sommes déjà en train de leur donner davantage, alors que nous réduisons toutes les autres dépenses de programmes, alors que nous réduisons les programmes en faveur des personnes âgées. L'avenir est déjà grevé par une dette croissante. Pourtant, nous accroissons de 300 millions par an les dépenses en faveur des autochtones. Cela fait un siècle que ça dure.

(1145)

J'entends des gens dire: «Vous ne savez pas ce dont vous parlez et vous voulez dépenser davantage.» Les choses ne se sont pas améliorées. Que je sache, elles ne font que s'aggraver. C'est pourquoi nous cherchons maintenant d'autres innovations institutionnelles. À présent, nous devons faire en sorte que cela soit absolument permanent de façon qu'ils n'aient plus jamais à faire certaines choses qui, à mon avis, sont l'essence même de la dignité humaine, d'une vie valant la peine d'être vécue.

Ce sont les autochtones qui ont qualifié notre époque d'ère de l'oisiveté. Nous avons vu ce qui arrivait si nous faisions cela.

Parfois, la meilleure chose que nous puissions faire pour nos enfants est de leur dire «non». Même si nous n'avons pas la réponse, il me semble que, en disant non, nous n'aurions plus à faire ce que nous avons fait jusqu'ici pour essayer de remédier au problème, ce qui, si l'on regarde ce qui s'est passé ces 100 dernières années, n'est pas, à mon avis, la bonne solution.

Le vice-président: Y a-t-il des questions ou des observations? Peut-être que certains députés qui chahutaient auront le courage de se lever et de poser une question ou de formuler une observation.

Des voix: Bravo!

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, j'ai entendu le député parler de la loi sur le Yukon et des quatre premières nations concernées. Son allusion à l'ère de l'oisiveté touche les autochtones membres de ces quatre premières nations. Il pourrait peut-être nous préciser sa pensée. Il dit, en fait, que ce sont des gens paresseux qui vivent comme dans une île des mers du Sud et que les hommes brûlent leurs épouses avec des cigarettes.

A-t-il l'intention de laisser ces affirmations au compte rendu?

M. Grubel: Monsieur le Président, je ne veux absolument pas laisser l'impression que les autochtones sont inférieurs en quoi que ce soit aux autres Canadiens ou à tout autre peuple du monde. Après avoir mûrement réfléchi à la question, avoir lu des livres d'histoire et divers documents sur l'organisation sociale et les problèmes de ces collectivités, je crois que l'État et des gens bien intentionnés comme le ministre qui vient d'intervenir ont créé des conditions et des institutions dans les meilleures intentions du monde, afin de répondre à court terme aux demandes de ces gens, demandes qui ressemblaient à celles que nous pouvions probablement formuler lorsque nous étions adolescents ou dans la vingtaine.

Selon les faits que j'ai pu constater, je pense que ces institutions n'ont pas donné ce que les adolescents ou les autochtones souhaitaient, mais ont abouti plutôt à une situation qui est à la source des problèmes que nous déplorons tous maintenant. Si j'en crois ce qu'on me dit, la vie est un cauchemar sur ces réserves.

Nous voulons tous apporter notre aide. Je ne suis pas ici pour dénigrer les autochtones ou insinuer de quelque façon que ce soit qu'ils sont inférieurs. Ils ont besoin de notre appui. Il s'agit de savoir si nous leur apportons bien l'aide qu'il leur faut.


5073

Je crois que nous devons réfléchir à la façon dont nous en sommes arrivés à la situation actuelle. Que s'est-il passé? En quoi la proposition visant à donner encore plus de ressources à ces gens diffère-t-elle de ce que nos prédécesseurs ont fait depuis 100 ans? Pour eux, lorsqu'il y avait un problème, il s'agissait de le régler à coup de dollars. Il faut nous assurer que c'est bien la solution et nous rendre responsables d'eux de façon encore plus permanente.

Je n'ai pas inventé l'expression «ère de l'oisiveté». Elle vient des autochtones eux-mêmes. Lorsqu'ils obtiennent ce qu'ils demandent, ce n'est pas toujours ce qu'ils attendaient.

(1150)

Vous vous rappelez de ce que c'était lorsque vous avez eu votre première bicyclette, votre première moto ou automobile. Lorsque vous faisiez tout pour l'obtenir, vous vous disiez que si seulement vous pouviez en avoir une, vous seriez heureux à jamais. Nous savons maintenant que parfois, lorsque nous obtenons enfin les choses que nous souhaitons, nous constatons qu'elles ne sont pas vraiment bonnes pour nous.

Permettez-moi de résumer. Je ne veux absolument pas insinuer que ces gens sont paresseux, ou inférieurs en quoi que ce soit. Je pense qu'il faut examiner tout problème que nous avons en tant que société de façon réaliste et nous demander comment nous en sommes arrivés là. Si nous décidons qu'il suffit de débloquer plus de crédits, j'exhorte les députés à revenir en arrière et à chercher à voir comment il se fait que même après avoir augmenté les ressources offertes aux intéressés dans le passé, nous n'avons pu remédier à la situation et même pire, si j'en crois ce que j'entends et je lis, nous n'aurions fait qu'aggraver le problème.

Mme Marlene Cowling (Dauphin-Swan River): Monsieur le Président, je dois dire qu'en tant que députée de cette Chambre, je suis horrifiée par le message du député d'en face qui ne cesse de demander comment nous en sommes arrivés là.

Ce gouvernement a pris l'initiative d'écouter les autochtones. Notre ministre des Affaires indiennes a sillonné le pays, s'arrêtant dans de nombreuses localités pour écouter les gens. Ils ont une vision de leur avenir, et ce dont nous parlons aujourd'hui en fait partie.

Il est question de croissance économique et d'emplois au sein des communautés des premières nations. J'aimerais demander au député d'en face, qui critique ce que nous faisons de ce côté-ci et s'y oppose si vigoureusement, en quoi consiste son programme pour les premières nations du Canada.

M. Grubel: Monsieur le Président, pourriez-vous me dire de combien de temps je dispose?

Le vice-président: Environ deux ou trois minutes.

M. Grubel: Monsieur le Président, il est évident que le problème est fort complexe.

Je ne prétends pas avoir la réponse, mais je peux dire à la députée que j'ai lu plusieurs études. L'une d'entre elles porte un titre merveilleux. En fait, j'ai eu longtemps son auteur comme collègue à l'Université nationale d'Australie. Elle s'intitule The Affluent Subsistence Economy.

Les îles des mers du Sud sont tellement éloignées de tout marché qu'elles ne pourront jamais être industrialisées et jouir du même niveau de vie que nous dans notre pays industrialisé. C'est une impossibilité physique. J'aimerais bien qu'il n'en soit pas ainsi. J'aimerais pouvoir voler aussi, mais ce n'est pas possible.

Pourquoi ai-je choisi les îles des mers du Sud comme exemple? Parce qu'il y a des points communs avec ce dont nous parlons. Personnellement, je viens d'un climat tempéré. Cela correspond à mon rêve depuis toujours.

Les régions du Nord ont beaucoup en commun avec les îles du Pacifique sud qui ont fait l'objet de plusieurs études. Dans bon nombre de cas, les étrangers n'ont pas exercé beaucoup d'influence sur les peuples de ces îles. Leur mode de vie est assez bon, ils sont en santé, ils possèdent leurs propres traditions. Selon toutes les descriptions des sociologues, ils sont heureux et forment des sociétés bien équilibrées.

Toutefois, maintenant, ils veulent tous avoir des radios, des téléviseurs et autres choses de ce genre. Une des tragédies de la vie, de la réalité de ce monde, c'est que s'ils restent sur ces îles, ils ne peuvent absolument pas se procurer toutes ces choses. Je n'ai pas inventé cette situation et les analystes non plus. Elle fait partie des réalités de la vie. Ils sont éloignés et ne peuvent donc se procurer tout cela.

Ils ont le choix. Ils continuent de mener une vie de subsistance dans une relative abondance, avec toutes les satisfactions, tous les rêves et les attributs romantiques habituellement rattachés à ce genre de vie, ou, oserais-je le dire, ils quittent leurs îles. Ils s'en vont vers la grande île, vers les grandes villes et acceptent tous les problèmes inhérents à ce genre de vie.

(1155)

Le temps me manque pour faire le parallèle entre cette analyse et ce qu'elle signifie pour les autochtones de notre pays. Je peux vous dire qu'il n'y aura jamais, au centre du Yukon, une industrie qui permettra aux gens de cette région d'atteindre, par leur propre travail, un niveau de vie semblable à celui de Toronto ou de Vancouver. Je crois aussi que c'est une contradiction, que nous ne leur rendons pas service en cédant à leurs demandes. Je ne dis pas que le ministre n'a pas écouté ce qu'ils avaient à dire.

Ils disent vouloir suffisamment de ressources au centre du Yukon pour pouvoir vivre aussi bien que les gens de Vancouver. Ce n'est pas possible. À mon avis, le plus tôt on parviendra à admettre cette réalité, le plus tôt on leur dira qu'ils ont le choix, mais qu'ils ne peuvent pas avoir tout à la fois, mieux cela vaudra pour eux et pour nous.

Voici un schéma de la solution que je propose. Je sais qu'elle n'est pas populaire, mais je ne suis pas ici, je n'ai pas été élu pour parler uniquement de propositions populaires. J'ai été élu pour dire ce que je pense, pour exprimer mon opinion qui résulte de 30 ans passés à lire, à écrire et à réfléchir sur ces questions.

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir parler du projet de loi C-34 à l'étude aujourd'hui. Cette mesure vise à mettre en oeuvre une entente intervenue entre le gouvernement du Canada, le gouvernement du territoire du Yukon et un certain nombre de


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premières nations habitant le territoire du Yukon. Je suis heureux, parce que je pense que c'est une importante mesure législative qui était attendue depuis longtemps et qui mérite l'appui de tous les députés y compris, je l'espère, le député de Capilano-Howe Sound qui vient de parler.

Je suis troublé par certaines des remarques que je viens d'entendre. Je voudrais simplement dire, à titre d'introduction, qu'il est grand temps que les députés cessent de penser que «nous donnons quelque chose» à quelqu'un. Nous devons comprendre qu'en tant que citoyens de cette nation, nous partageons une ressource et que ce faisant nous reconnaissons que certains ont autant droit à cette ressource que les autres. En tant que députés, nous n'avons pas le droit de donner à quelqu'un quelque chose qui lui appartenait déjà avant qu'on le lui enlève.

Les autochtones de ce pays peuvent revendiquer une partie non seulement de nos ressources mais aussi de notre économie qui leur est refusée depuis longtemps, ce qui a créé un grand nombre de problèmes qui ont été catalogués par le député de Capilano-Howe Sound. C'est seulement si l'on reconnaît cela que l'on pourra s'attaquer aux crises qui surgissent dans nos collectivités autochtones. C'est précisément ce que fait cette mesure législative et j'espère que le député de Capilano-Howe Sound le reconnaîtra et votera pour cette mesure.

Je veux aussi remercier la Chambre de me donner la parole quelques minutes. Je serai bref. Normalement, c'est notre chef, la députée du Yukon, qui aurait dû prendre la parole, mais elle a été appelée pour d'autres fonctions parlementaires et elle m'a demandé de dire quelques mots en son nom. Je remercie la Chambre, le député de Vancouver Quadra et vous-même, monsieur le Président, de m'avoir donné la parole.

(1200)

Je souhaite dire quelques mots aujourd'hui au nom de la députée du Yukon, qui a travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement du Yukon et les premières nations du Yukon durant les négociations qui ont abouti à la signature de l'entente de règlement des revendications. La députée connaît certainement très bien la nature de cette entente et elle est très disposée à aider la Chambre à approuver la mesure qui permettra sa mise en oeuvre.

Au nom de la députée du Yukon, comme au nom de tous les députés de notre caucus et en mon nom personnel, je demande au gouvernement de franchir le plus rapidement possible toutes les étapes de l'adoption de cette mesure. On en a discuté en long et en large, on y a bien réfléchi, on a négocié selon les règles et on est arrivé à des ententes. Je crois que ce serait honteux si tous les gouvernements qui ont consacré beaucoup d'énergie à cette entreprise pour arriver à leurs fins voyaient les choses rester en plan simplement parce que le gouvernement et le Parlement sont incapables de conclure une affaire avant de partir pour les vacances d'été.

Je l'ai déjà dit et je le répète simplement pour le bénéfice de la Chambre, cette mesure était attendue depuis longtemps. C'est le résultat de plus de 20 ans de négociations, qui ont été très frustrantes à certains moments. Les changements de gouvernement et la modification des priorités ont retardé les choses. Cependant, le fait demeure que cette mesure non seulement corrige les erreurs du passé mais ouvre les portes de l'avenir. Tous les députés en conviendront, les habitants du Yukon, autochtones et non autochtones, peuvent maintenant envisager fièrement leur avenir et y mettre tous leurs espoirs.

C'est une entente historique. L'entente globale elle-même touche directement quelque 8 000 Indiens du Yukon et porte sur environ 16 000 kilomètres carrés de terres. Certaines de ces terres sont accompagnées de droits de superficie et de droits d'exploitation souterraine. D'autres ne comportent que les droits de superficie, mais cela permet l'exploitation de ressources comme le sable et le gravier et stimule les possibilités de croissance économique au Yukon.

Les 14 premières nations touchées recevront une indemnisation d'un peu plus de 242 millions de dollars, qui leur sera payée sur 15 ans. Des dispositions prévoient que les premières nations du Yukon toucheront les droits de location des baux de surface et les redevances d'exploitation des ressources non renouvelables. Ces dispositions sont très importantes pour l'avenir des premières nations du Yukon.

L'accord-cadre que je recommande à tous les députés d'examiner comporte des articles sur la récolte et la gestion de la faune, des propositions sur l'utilisation des terres ainsi que des dispositions concernant la préservation et la promotion de la culture et du patrimoine des habitants du Yukon.

Cet accord illustre avec éloquence ce qui est possible, lorsque les gouvernements prennent le temps de discuter de ces questions dans un esprit respectueux de l'histoire, des traditions et des besoins de chaque partie.

L'accord-cadre définitif a été signé le 29 mai 1993. Un peu plus d'un an s'est écoulé et je crois qu'il est temps pour la Chambre d'en finir avec cet accord et de le mettre en oeuvre au Yukon, où il améliorera sûrement la situation.

J'ai hâte d'avoir du temps, pendant les brèves discussions qui auront lieu à l'étape du comité, pour examiner de plus près des articles particuliers et en faire bénéficier certains députés. En terminant, j'invite les ministériels et les députés à collaborer pour que le projet de loi franchisse la présente étape et toutes les étapes subséquentes dans les plus brefs délais.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Monsieur le Président, je suis un peu ébranlé par certaines observations formulées par le député et l'enthousiasme exubérant avec lequel il appuie le projet de loi. Il me semble que les deux projets de loi complémentaires, le C-33 et le C-34, consacrent, tant sur le plan législatif que constitutionnel, une forme d'apartheid au Canada. Le fait que les ségrégués auront peut-être plus de droits que les ségrégationnistes rend la situation quelque peu unique. La discorde régnera continuellement au Canada et, comme le signalait mon collègue, les personnes ségréguées seront pour quelque temps et peut-être à tout jamais condamnées à une vie vide de sens.


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(1205)

Permettez-moi d'expliquer où je veux en venir. Dans les années 1950 et au début des années 1960, j'ai vécu dans la forêt avec des autochtones. J'ai découvert des gens indépendants, vaillants et fiers, qui faisaient ce qu'ils pouvaient pour subvenir aux besoins de leur famille. Ils ne demandaient rien au gouvernement et, dans l'ensemble, ces gens étaient heureux et prospères. Ils construisaient leur propre cabane et faisaient la chasse pour se nourrir. Ils ne disaient pas: «Envoyez-nous de l'argent, donnez-nous le pouvoir d'exploiter plus de ressources, et nous serons heureux.» Ils ne se considéraient pas inférieurs à nous, parce qu'ils étaient nos égaux. Voilà qu'aujourd'hui nous voulons les isoler, en faire des être différents.

Le député croit-il, oui ou non, à l'égalité de tous les Canadiens?

M. Taylor: Monsieur le Président, je remercie le député de poser la question. Je ne partage pas la plupart des observations que mon ami et collègue du sud de la Saskatchewan a présentées aujourd'hui. Je ne crois pas que ce projet de loi soit cause de ségrégation. Loin de là.

Si le député de Swift Current-Maple Creek-Assiniboia examine de près les accords qui ont été conclus, il verra qu'ils sont de nature à permettre aux autochtones de participer pleinement à l'économie du Yukon. Il s'agit ici non seulement d'égalité des personnes, mais encore d'égalité des chances pour tout le monde.

Il faut trouver le moyen de faire que les autochtones, non seulement du Yukon, mais de tout le Canada, qui veulent être, comme le dit le député, indépendants, vaillants et fiers, puissent participer à une économie dont la politique des gouvernements fédéraux antérieurs les exclut depuis des années. Les traités qui ont été signés dans d'autres parties du pays ont en fait réduit la capacité des autochtones du Canada de participer à notre économie en tant que partenaires à part entière et d'être traités comme ils le méritent.

Ce qu'il faut, c'est trouver le moyen d'assurer l'égalité des chances et c'est ce que fait cet accord. Je crois que c'est encore plus important que la question du député.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, je reste perplexe devant les paroles du député. Quiconque jette un coup d'oeil rapide sur la Loi sur les Indiens se rend compte que pendant des années, cette loi a nié aux autochtones assujettis à un traité l'égalité avec les autres Canadiens.

Mais en étudiant la récente proposition, on en vient à se demander si l'on ne fait pas que remplacer une loi créant l'inégalité par une autre loi créant l'inégalité, mais cette fois, en sens inverse. Maintenant, les droits et les privilèges accordés aux peuples autochtones seront plus étendus que ceux des autres Canadiens.

Je voudrais que le député réfléchisse à deux choses: est-ce que ce n'était pas la façon dont les traités étaient appliqués ou administrés qui créait les inégalités plutôt que les traités eux-mêmes?

Ne risquons-nous pas d'adopter des lois qui accorderont des droits et des privilèges particuliers à certains Canadiens en fonction de leur race et de leur origine ethnique?

(1210)

M. Taylor: Monsieur le Président, encore une fois, je crois que le député a compris un peu de travers. Je lui conseille d'étudier les ententes que nous avons signées au Yukon et la mesure législative que nous voulons adopter aujourd'hui.

Tout d'abord, l'entente n'est pas un traité. Deuxièmement, certaines parties de l'entente éliminent des dispositions de la Loi sur les Indiens qui donnaient lieu à beaucoup des problèmes que nous avons connus jusqu'à maintenant.

Nous reconnaissons que, au fil des ans, des mesures prises par le gouvernement fédéral et par les gouvernements provinciaux et territoriaux ont retiré aux autochtones le droit à la terre et le droit aux avantages que l'on peut tirer de la terre. Ces droits ont été enfreints par des personnes qui ne les détenaient pas. L'entente reconnaît ces infractions et rétablit à juste titre les autochtones dans leurs droits.

Je n'accepte pas les prémisses du député. J'espère qu'il étudiera la question un peu plus à fond.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le Président, nous devrions peut-être revenir au débat sur le projet de loi C-34. Nous avons parcouru le monde entier. Nous sommes allés dans les mers du Sud en quête de quelque mystique lagon bleu. Nous sommes allés dans une Afrique du Sud prédémocratique qui était à la recherche d'un régime totalement étranger-du moins, je l'aurais cru-à tout ce que nous avons jamais vu dans le cadre de la disposition législative dont la Chambre est saisie.

Nous avons affaire ici à des Canadiens en chair et en os et non aux habitants d'une quelconque île mythique, à de vrais Canadiens, à des autochtones, à des membres de nos peuples fondateurs, peu importe comment on les appelle, qui se sont concertés pour innover sur le plan législatif. Une chose m'a émerveillé, lorsque j'ai pris connaissance du projet de loi-au point que j'ai demandé à rencontrer les fonctionnaires qui avaient participé à sa rédaction-et c'est qu'il n'est pas une tentative de légiférer dans l'abstrait.

Pour prendre une autre image, ils n'ont pas construit des châteaux en Espagne, et n'ont pas cherché à le faire non plus. Les rédacteurs n'ont pas essayé d'imiter le Sermon sur la Montagne, si rarement applicable dans la vie de tous les jours. Ils se sont simplement efforcés de trouver une solution concrète à un problème concret, de résoudre un problème qui touche des personnes bien précises. C'est ce qui fait le caractère distinctif du projet de loi. Toute comparaison entre cette mesure et un parti qui a


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imposé des mesures de police draconiennes et la ségrégation serait digne du théâtre de l'absurde.

Ce que nous tenons ici, c'est le résultat d'un libre consensus. Tous les intéressés se sont réunis, pas uniquement le gouvernement et les peuples autochtones. Vérifiez et vous constaterez que les collectivités locales et les chambres de commerce ont eu leur mot à dire. Les consultations ont été étonnamment étendues. Tous se sont réunis et ont décidé librement d'un nouveau régime de gouvernement.

On a évité de chercher les vérités constitutionnelles absolues, les principes abstraits qui sonnent bien, mais qui ne correspondent pas souvent à la réalité, comme le montrent si bien les constitutions de divers pays. On aurait pu passer des heures, des jours et des mois à discuter de la notion de droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, notion qui a donné tant de mal à l'ancienne ministre de la Justice et ancienne première ministre. Elle n'arrivait pas à comprendre.

Cette notion, formulée pour la première fois en 1980, à l'occasion de la ronde de négociations en vue du rapatriement de la Constitution par le gouvernement Trudeau, décrivait simplement une évidence: les hommes ont des droits non parce qu'un gouvernement les leur donne, mais parce que ces droits relèvent de leur nature d'êtres humains. C'est ce que Locke et Rousseau ont dit, et c'est le fondement de notre démarche constitutionnelle, de notre régime constitutionnel.

(1215)

Nous avons donc une participation constructive de peuples autochtones qui, de leur propre consentement, négocient avec le gouvernement fédéral et parviennent à une entente qui pourrait servir de modèle pour de futures ententes, mais qui n'a pas à être appliquée à l'avenir de façon rigide et aveugle à d'autres secteurs qui font problème.

Ce qui est rafraîchissant et merveilleux en l'occurrence, c'est que nous avons affaire à une loi en train de se faire, à une expression de création dynamique de nouvelles normes de loi. Le moyen d'y arriver, c'est de se limiter au problème particulier, et non de tenter de résoudre les problèmes d'après-demain, mais de mettre en place une structure et un processus d'autonomie gouvernementale.

L'autonomie gouvernementale ne constitue pas une norme abstraite, c'est une chose qui arrive à un peuple, comme Dewey le reconnaît dans sa théorie de la vérité. On fait arriver les événements. On travaille en collaboration. Je vois dans ce texte du pragmatisme et de l'empirisme, j'y vois la résolution de problèmes. Je félicite les participants; il ne s'agit pas uniquement du gouvernement fédéral, mais aussi du gouvernement territorial du Yukon, des dirigeants autochtones, de la population, de la population locale. Quant aux mesures qui sont prises, il faut reconnaître que l'autonomie gouvernementale sans base économique n'est rien de plus que du symbolisme vide.

Voilà pourquoi les projets de loi C-33 et C-34 vont de pair. Sans une base économique, l'autonomie gouvernementale est dépourvue de sens.

On passe ensuite à la question de l'autonomie gouvernementale et à la forme à lui donner. Comme tant de peuples l'ont fait entre les deux guerres mondiales, on peut commencer par créer une belle constitution. Les livres d'histoire sont remplis de ces belles constitutions qu'on a décrétées mais qu'on n'avait jamais conçues sérieusement, ou si parfois on les avaient conçues sérieusement, on ne s'était jamais soucié de les faire suivre de tout l'appareil nécessaire pour les mettre en oeuvre.

Quand on examine le texte à l'étude, on y voit le concept de constitution en société permettant aux autochtones de créer leurs propres entreprises, leurs propres organisations commerciales pour exploiter les ressources naturelles, pour créer de la richesse et la partager parmi les membres de la communauté. Voilà une chose qu'ont oubliée les rédacteurs européens de constitutions d'entre les deux guerres. Or, cela se trouve dans le projet de loi, et ça en est un élément essentiel.

La Loi sur les Indiens continuera cependant de s'appliquer à l'extérieur du Yukon. Il s'agit d'une expérience spéciale. Si elle réussit, d'autres l'imiteront. Si elle ne réussit pas complètement, on pourra la modifier. Le pouvoir d'imposition constitue un élément nécessaire de l'autonomie gouvernementale. Mais on ne se précipite pas pour l'exercer en se disant qu'on promulguera ce soir une loi abstraite qui entrera en vigueur dès demain. Ce pouvoir ne s'exercera pas avant trois ans. Cela laisse présager un processus permanent de consultation et des discussions avec des spécialistes et avec des fonctionnaires du gouvernement pour tâcher de trouver la bonne formule d'imposition avant de la mettre concrètement en application.

Les dispositions concernant l'administration de la justice m'ont particulièrement impressionné. J'ai vu trop de pays nouvellement indépendants ou libérés depuis peu de l'assujettissement à une forme de gouvernement, communiste ou autre, de nature pas vraiment constitutionnelle essayer d'établir des plans directeurs avant d'examiner comment les rendre fonctionnels.

Ce qui est impressionnant, en l'occurrence, c'est la démarche renversante qui prévoit, étape par étape, que l'administration complète de la justice sera pour l'an 2000. On a toutefois résisté à la tentation d'adopter précipitamment des mesures législatives qui seront en vigueur demain, mais qui ne s'appuieront pas sur des assises solides garantissant leur bon fonctionnement.

Il y a donc là quelque chose d'extrêmement impressionnant. On reconnaît que plusieurs chemins mènent à Rome lorsqu'il est question d'autonomie gouvernementale. Les chefs indiens autochtones ont élaboré, avec les représentants fédéraux et les groupes locaux, un modèle qu'ils vont tâcher de mettre en oeuvre. C'est extrêmement important.

Comme on dit, la tentation existait de se lancer dans la conception de projets abstraits. Ils ont évité de commettre cette erreur et, dans une démarche mature visant l'établissement d'une constitution, ils ont préféré adopter une méthode pratique, empirique,


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progressive et axée sur les problèmes, s'appuyant toujours sur les négociations qui se poursuivaient entre les parties.

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Il y a eu un acte de foi, un sentiment de confiance non pas entre des parents et des enfants, comme quelqu'un l'a dit dans une métaphore mal choisie, mais entre des citoyens libres. La confiance est très importante pour que la notion d'autonomie gouvernementale puisse continuer de progresser.

Quand j'examine ce projet de loi, je n'y vois rien qui change la structure et le système de gouvernement du Canada dans son ensemble. Ce qui est impressionnant, c'est que tout cela est accompli conformément à la Constitution canadienne, à ses paramètres et à la Charte canadienne des droits et libertés.

Ces mesures législatives ne prévoient aucun scénario imaginaire ou aucun scénario de la pire éventualité qui nous sortirait du régime constitutionnel canadien alors qu'aucune des parties ne le souhaite. Ces deux lois sont très bien rédigées, et je le dis sans être présomptueux, en raison des fonctions non politiques que j'ai exercées antérieurement. Elles sont bien rédigées et axées sur les problèmes et elles ne camouflent pas de pièges.

Il n'y a pas de raison de s'inquiéter de situations hypothétiques qui n'existent pas, d'une décision prise conformément à la Constitution et au fédéralisme canadien, de ce qu'on pourrait appeler une perspective spéciale à l'égard du fédéralisme, de la notion de fédéralisme pluraliste; dans le cadre du fédéralisme canadien, nous avons toujours reconnu que, pour assurer l'égalité, il n'est pas nécessaire d'appliquer des dispositions législatives d'une manière rigide et abstraite et de la même façon dans toutes les situations.

C'est le vaste concept de l'égalité que la Cour suprême des États-Unis a reconnu. Cette notion s'est répandue dans le monde entier. Elle permet d'accéder à un niveau où, concrètement, par leurs droits, leurs obligations et leurs devoirs, les gens forgent leur unité.

Cette loi mérite des éloges. À ceux qui chercheraient un lagon bleu quelque part, je dis de revenir sur terre, au Canada. Saluons avec fierté cette première étape si généreuse à bien des égards parce qu'elle ouvre de nouvelles perspectives en matière constitutionnelle. Ce qui est particulièrement bien, c'est qu'elle possède son propre processus dialectique, sa propre capacité de croissance, d'évolution, de modification avec l'aval de toutes les parties.

Cette initiative transcende le sectarisme politique. Le ministre, les fonctionnaires et les dirigeants autochtones méritent des félicitations. C'est une belle réalisation, et elle est rassurante à un moment où le fédéralisme est la cible d'attaques fondées sur des motifs différents. Elle permet d'envisager avec confiance l'avenir de notre régime fédéral, de croire en sa capacité d'évolution, en son évolution dynamique face à de nouveaux problèmes.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement le député d'en face.

Il importe de souligner que personne à la Chambre ne dit qu'on devrait priver les peuples autochtones du Canada de certains droits. Personne n'a dit cela aujourd'hui.

Ce sur quoi nous avons fait des observations, c'est la question de la concession de droits exclusifs aux peuples autochtones, aux termes du projet de loi C-34. Les autres citoyens ne jouissent pas de droits exclusifs en vertu de leur Constitution ou de toute autre loi.

Il n'est dit nulle part dans ce projet de loi que la Constitution du Canada primerait les dispositions de ce projet de loi. Il est faux de dire que certains députés voudraient priver les autochtones de leurs droits.

(1225)

M. McWhinney: Monsieur le Président, je voudrais rassurer le député. Il n'est pas nécessaire de répéter dans toutes les lois que la Constitution et les lois du pays priment. La Constitution du Canada s'applique à toutes les lois adoptées par le Parlement. La source, le fondement de cette nouvelle autonomie gouvernementale est une loi adoptée par le Parlement du Canada. Elle est assujettie à la Constitution canadienne, à la Charte des droits et libertés. Il n'y a aucun doute là-dessus. Que le député soit rassuré.

Il n'est pas question ici de droits exclusifs, de droits particuliers ayant priorité sur ceux des autres citoyens. Je crois plutôt que c'est une tentative visant à mettre tous les Canadiens sur un même pied. Mais si on en doute, je répète que c'est une loi adoptée par le Parlement du Canada et que, de ce fait, elle est assujettie à la Constitution canadienne et à toutes ses composantes.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, je me demande si le député qui vient tout juste de prendre la parole accepterait un amendement qui dissiperait tous les doutes quant au fait que la Charte des droits et libertés s'applique à cet accord.

En tant que parlementaires et législateurs, nous devons, je crois, explorer les coins et recoins pour nous assurer qu'il ne s'est pas glissé d'erreurs et que rien n'a été omis. De cette façon, quand on apposera finalement le grand sceau du Canada sur ce document, celui-ci produira les résultats escomptés.

Je me demande si le député souscrirait à un amendement où il serait dit sans ambages que le document est et sera assujetti à la Charte canadienne des droits et libertés.

Le député voudrait-il se prononcer sur un tel amendement et nous dire s'il serait prêt à l'appuyer?


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M. McWhinney: Monsieur le Président, je ne suis évidemment pas l'auteur de ce projet de loi et je ne suis donc pas autorisé à prendre quelque disposition que ce soit au nom du gouvernement.

Néanmoins, je mettrais en garde contre un trop grand souci, un souci maniaque, de la perfection. Ça me rappelle le cas de cette assemblée législative provinciale que je ne nommerai pas, qui a cru bon de préciser dans le préambule de chaque loi que celle-ci n'était pas assujettie à la Charte canadienne des droits et libertés.

Selon moi, ce n'est pas une bonne façon de légiférer que de rappeler que la loi a aussi une fin pédagogique. Dans le préambule, il est dit clairement que cette mesure législative est assujettie à la Constitution du Canada. Cela saute aux yeux. C'est on ne peut plus clair et il en est ainsi pour toute loi générale.

Soit dit en toute franchise, si des problèmes concrets surgissent, ils ne vont pas tarder à être portés à la connaissance des tribunaux et on devra s'incliner devant l'évidence. Non seulement cela va de soi, mais c'est écrit noir sur blanc!

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-34, une mesure législative qui porte sur l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones du Yukon.

De toute évidence, il y a beaucoup de confusion à la Chambre quant au sens de l'expression «autonomie gouvernementale».

Le 7 février dernier, j'ai posé une question à ce sujet au premier ministre. Je lui ai demandé, plus précisément, si son gouvernement définissait l'autonomie gouvernementale comme un palier de gouvernement qui relèverait ou pas de la compétence provinciale ou de la compétence fédérale dont relèvent tous les Canadiens.

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Il a préféré ne pas répondre directement à cette question. De plus, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre de la Justice ont fait des déclarations contradictoires concernant l'application du Code criminel et de la Charte des droits et libertés dans le cas de l'autonomie gouvernementale.

Il est clair que le gouvernement fédéral n'a absolument aucune idée de ce qu'est l'autonomie gouvernementale, pas plus qu'il ne sait où vont nous conduire ces ententes. Cependant, cela ne l'a pas empêché de présenter le projet de loi C-34, un projet de loi sans précédent pour ce qui est de la portée des pouvoirs et des privilèges qu'il confère aux institutions qui se gouverneraient librement, un projet de loi qui, à toutes fins utiles, fait en quelque sorte accéder au rang de nation les bandes en cause.

Si nous examinons en détail le contenu du projet de loi C-34, je crois que nous pouvons facilement envisager de créer quatre nouvelles nations au Yukon et d'en établir dix autres au Canada. Le projet de loi conférera aux quatre nouvelles nations, dont la population s'élève, au total, à seulement 2 600 habitants, les mêmes pouvoirs que ceux que possèdent le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Ces nouvelles nations pourront, en fait, ne pas relever des compétences fédérale et provinciale.

Je pense franchement que le gouvernement fait fausse route en signant des ententes qui créeront toute une série de nations autochtones souveraines au Canada.

Pour le plaisir de la Chambre, je vais maintenant présenter les raisons qui pourraient nous pousser à appuyer ce projet de loi.

À diverses occasions, le gouvernement a affirmé que les autochtones avaient un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Il estime manifestement qu'avec des ententes telles que celle que propose ce projet de loi, il est inutile de modifier la Constitution, étant donné que les droits inhérents des autochtones pourraient être considérés comme tombant sous le coup du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle.

Mais que signifie exactement ce terme «inhérent», qui est protégé par la Constitution? Un droit inhérent est une chose qui transcende un droit reconnu par la loi, ce dernier dépendant de l'existence d'un autre gouvernement. Un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale met les peuples autochtones hors d'atteinte des autorités fédérales et provinciales.

Si nous allons plus loin, nous pouvons voir qu'un droit inhérent peut conduire à des revendications de souveraineté internationale ou, plus probablement, à la possibilité que les autochtones décident, en vertu de cette loi, de s'affranchir des lois fédérales pour ne plus y être assujettis. C'est à cause du terme «inhérent» que le gouvernement a présenté le projet de loi C-34 et c'est ce terme qui va permettre aux gouvernements autochtones de défier l'autorité du Parlement fédéral et des assemblées législatives provinciales.

Le gouvernement fédéral a jugé bon d'insérer le paragraphe 15(2) dans le projet de loi C-34 pour veiller à ce que la Cour suprême du Canada garde la suprématie sur les futurs systèmes de justice autochtones. C'est très bien. Mais pourquoi ne pas avoir introduit un paragraphe similaire pour protéger la suprématie du Parlement canadien sur les futures institutions gouvernementales autochtones? Que gagne ce gouvernement à laisser le terme «inhérent» dans cette mesure législative?

Cette omission grossière n'est qu'un début. Les pouvoirs attribués aux gouvernements autochtones, outre leurs droits inhérents, ne peuvent que servir ce que j'avance, à savoir que les nouveaux gouvernements pourraient en fait être de nouvelles nations existant hors des compétences provinciales et fédérale. Selon le paragraphe 8(1) du projet de loi C-34, ces gouvernements autochtones auront leur propre constitution, qui définira la structure de leurs corps législatifs et leurs processus démocratiques. Elle établira un code de citoyenneté et déterminera les droits et libertés des citoyens.

Est-ce que cela ne vous rappelle rien, monsieur le Président? Ça le devrait. Ce sont exactement les mêmes pouvoirs exercés par le gouvernement fédéral au nom du Canada. Les pouvoirs accordés aux gouvernements autochtones sont un mélange des pouvoirs fédéraux et provinciaux établis aux articles 91, 92 et 93 de la Loi constitutionnelle.


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(1235)

On pourrait dire que ce petit nombre d'autochtones se sont vu accorder par ce projet de loi les pouvoirs combinés de notre gouvernement fédéral et de nos gouvernements provinciaux.

Le projet de loi C-34 donne aux autochtones le contrôle sur tout, du mariage à l'éducation en passant par la justice, la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Est-ce que ces mots vous disent quelque chose? Bref, ce projet de loi représente la possibilité d'un autre ordre de gouvernement au Canada, chose au sujet de laquelle nous avons interrogé le premier ministre à la Chambre, plus tôt cette année. Non seulement les intéressés ont obtenu des pouvoirs législatifs qui représentent les meilleurs pouvoirs accordés aux gouvernements provinciaux, mais ils se sont également fait offrir le droit de rédiger leur propre constitution et d'établir leur propre citoyenneté.

Si ce ne sont pas là les caractéristiques distinctives d'une nation à l'intérieur d'une nation, je ne sais pas ce que c'est alors.

Le projet de loi C-34, ainsi que l'interprétation que donne le gouvernement du paragraphe 35(1), qui confirme et protège la notion de droits inhérents, l'emporteront sûrement sur le paragraphe 91(24) de la Constitution, qui donne au Parlement le pouvoir relativement aux Indiens et aux terres réservées pour les Indiens. Il s'agit d'un pas de géant pour les conseils de bande qui, jusqu'à maintenant, ont simplement exercé des pouvoirs ressemblant à ceux des gouvernements municipaux.

Or, dorénavant, après la mise en oeuvre du projet de loi C-34, ils devront élaborer une constitution qui prévoira notamment la création d'une assemblée législative. En vertu de l'alinéa 8(1)b) du projet de loi C-34, la constitution en question établira notamment la composition et les attributions de ses corps dirigeants, ainsi que les règles de fonctionnement qui les régissent. Cela semble extrêmement dangereux étant donné le large éventail de pouvoirs accordés à ces nouveaux gouvernements possibles.

Quelques questions me viennent à l'esprit. Le nouveau gouvernement va-t-il être élu démocratiquement? Va-t-il organiser régulièrement des élections? Tous les citoyens auront-ils le droit de voter et de se présenter comme candidats? Il va sans dire qu'il faut répondre à des questions comme celles-là avant d'adopter ce projet de loi. Si on laisse toutes ces questions sans réponse, elles seront tranchées par la constitution adoptée par les intéressés.

Le paragraphe 9(2) est particulièrement inquiétant étant donné qu'il permet de déléguer le pouvoir d'édicter des textes législatifs à une personne, si cela est conforme à la constitution de la première nation en cause. Ainsi, tout, de la démocratie jusqu'à l'oligarchie, de la dictature jusqu'au népotisme pourrait être parfaitement acceptable si cela était conforme à la constitution des intéressés.

C'est peut-être pourquoi le gouvernement n'a pas parlé de la Charte canadienne des droits et libertés dans le projet de loi C-34. Se pourrait-il que ce soit la raison?

Toute déviation des principes démocratiques serait impossible aux termes des articles 3 et 4 de la Charte. Ces derniers portent sur les droits démocratiques et permettent de s'assurer tout d'abord que tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives et ensuite, qu'aucune assemblée législative n'a de mandat supérieur à cinq ans. Le gouvernement s'est plié totalement aux souhaits de ces nouvelles nations.

Nul doute que les autochtones ne veulent pas que les citoyens canadiens s'ingèrent dans leur gouvernement. Il se peut également qu'ils ne souhaitent pas d'élections au moins à tous les cinq ans. En fait, ils ont un contrôle absolu, au point où la Charte canadienne ne s'applique plus à eux et qu'ils peuvent rédiger leur propre charte.

Nous nous trouvons à créer deux nations. L'inclusion des principes dont je viens de parler pourrait aller à l'encontre de la forme de gouvernement envisagée par les autochtones et leurs nations respectives.

(1240)

J'espère que le gouvernement fédéral n'aura pas compromis l'existence de la démocratie et les libertés fondamentales de ces nouvelles nations en déterminant que la Charte des droits et libertés ne s'applique pas aux autochtones.

Il y a un autre facteur qui m'amène à conclure qu'un certain nombre de nouvelles nations seront créées au Yukon, le fait que le projet de loi C-34 parle de citoyens autochtones. L'alinéa 8(1)a) du projet de loi établit qu'une enquête visant à déterminer la citoyenneté sera prévue dans la constitution autochtone, qui n'est pas encore rédigée. Pour le moment, le seul niveau de gouvernement qui soit habilité à déterminer les critères de citoyenneté est évidemment le gouvernement fédéral du Canada. C'est la seule autorité compétente en matière de citoyenneté.

Une voix: C'est ainsi que cela doit être.

M. Harris: Avec la mise en oeuvre de cette mesure législative, les gouvernements autochtones détiendront des pouvoirs relativement au concept national de citoyenneté. En fait, ils auront le pouvoir absolu sur la définition des critères de citoyenneté.

Pourquoi voudrions-nous créer une nouvelle forme de citoyenneté au Canada, si ce n'est pas justement pour permettre la création de nouvelles nations? C'est clair que les nations seront habilitées à donner le statut de citoyen à leurs membres et à définir leurs propres critères de citoyenneté. C'est la raison d'être des nations.

L'exclusion de la Charte des droits et libertés de cette entente peut aussi être interprétée à la lumière de ce nouveau pouvoir conféré aux nations en matière de citoyenneté. Le droit à l'égalité est défini au paragraphe 15(1) de la Charte, qui prévoit que tous les citoyens du Canada ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, sans considérations de race. C'est dans notre Charte.

Un éventuel système de justice autochtone, qui serait mis sur pied conformément à l'article 14 du projet de loi C-34, ne respecterait pas notre Charte des droits et libertés, puisqu'il créerait un système judiciaire à l'intention de certains citoyens,


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distincts selon des critères de race. Ce n'est pas conforme à notre Constitution.

Le gouvernement fédéral sera-t-il heureux d'assister à la création d'assemblées législatives et de palais de justice réservés aux citoyens d'une race particulière? C'est absolument ce que prévoit le projet de loi C-34. Ce doit donc être ce que souhaite le gouvernement.

Même l'Accord de Charlottetown tellement décrié comportait une disposition prévoyant l'application immédiate de la Charte des droits et libertés aux gouvernements autochtones-même le triste Accord de Charlottetown.

Comme on peut le voir dans ce projet de loi, on a tout fait, ici, pour éviter l'application de la Charte. Autrement, ce gouvernement devrait ajouter une disposition comme celle qui existait dans l'Accord de Charlottetown ou alors il n'aurait pas inclus l'alinéa 8(1)d) qui donne aux autochtones le droit de rédiger leur propre charte.

Ce parti qui forme le gouvernement, celui-là même qui a rédigé la Charte et qui y croyait tant, est maintenant prêt à la rejeter afin d'établir de nouvelles nations, de nouveaux gouvernements, de nouvelles régions réservées en fonction de la race. Je doute que ce soit sage; songeons seulement aux nations du tiers monde qui ont dû combattre l'apartheid, la séparation.

Le pouvoir d'imposition accompagne nécessairement ces pouvoirs législatifs et judiciaires enrichis. Ces nouvelles nations pourront générer des recettes en imposant des taxes foncières et en prélevant des impôts sur les revenus. Toutefois, ce pouvoir ne se limite pas à ce qui est indiqué dans cet accord. Les gouvernements autochtones pourront négocier ultérieurement d'autres pouvoirs d'imposition ou d'autres exemptions. Le pouvoir d'imposition existe malgré la présence d'un accord sur les transferts financiers. Celui-ci assure un transfert de fonds du gouvernement fédéral qui maintiendra le niveau actuel de financement des bandes, augmentera progressivement le financement du fonctionnement des gouvernements autonomes et financera la réalisation des accords sur les revendications territoriales.

De plus, l'article 24 du projet de loi équivaut à la signature d'un chèque en blanc pour le financement des gouvernements autonomes. Tout ce financement s'ajoute à la somme de 242,6 millions de dollars qui sera versée sur une période de 15 ans à titre d'indemnité générale. L'assiette fiscale est très petite, alors ces nouveaux gouvernements demeureraient dépendants du financement accordé par le Parlement.

(1245)

C'est sans doute avec des mesures comme celle-ci que le gouvernement pense pouvoir exercer son contrôle sur ces nouvelles nations. Je doute cependant que le Parlement puisse menacer un jour de suspendre toute forme de financement puisque les largesses du MAINC sont légendaires. Et en outre, ce serait considéré comme une peine cruelle et inhabituelle.

Par conséquent, ces nouvelles nations à qui l'on accorde des pouvoirs législatifs énormes, le contrôle des ressources et le pouvoir d'imposition, continueront à dépendre du Trésor fédéral. Cet accord ne fait pas grand-chose pour briser le cercle vicieux de la dépendance financière dont sont prisonniers les autochtones.

Ce n'est pas en continuant à les subventionner qu'on leur permettra d'atteindre le même niveau économique que les autres Canadiens. Cet accord leur concède une profonde émancipation politique mais ne s'attaque pas au problème de la disparité économique.

Enfin, qui défend les intérêts des tierces parties dans tout ce processus? Qui représente les non-autochtones dans cet accord? Les parties que le règlement des revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale risquent de toucher ont été exclues des négociations. Les non-autochtones et les simples citoyens, pas plus que les députés, fédéraux ou provinciaux, n'ont eu leur mot à dire dans le processus qui a abouti à ce document sans précédent.

En outre, le gouvernement nous assure qu'à l'avenir, les projets de loi de ce genre ne seront même pas soumis à l'examen de la Chambre. Ils ne feront l'objet d'aucun débat. La Chambre ne les verra même pas.

Le paragraphe 5(2) du projet de loi précise que tout accord d'autonomie gouvernementale conclu entre le gouvernement fédéral et les dix autres bandes du Yukon entrera en vigueur par simple décret. Un gouvernement qui avait promis la transparence est maintenant résolu à établir de nouvelles nations au Yukon à la suite de travaux secrets du Cabinet. Est-ce que cela ne vous rappelle rien?

Si ces accords sont dans l'intérêt des Canadiens, pourquoi le gouvernement a-t-il prévu le paragraphe 5(2)? De quoi le gouvernement a-t-il peur pour ne pas permettre de débats à la Chambre pour tout accord ultérieur? Je pense que, comme on l'a vu par le passé, le gouvernement a peur de la question «comment?» Comment va fonctionner l'autonomie? Comment le gouvernement protégera-t-il les libertés démocratiques qu'avaient les autochtones auparavant? Comment le gouvernement empêchera-t-il que les droits et libertés de ces nouveaux citoyens autochtones ne soient pas abolis?

Le gouvernement ne veut pas et ne peut pas répondre à ces questions. Il permet aveuglément la création de nouvelles entités qui auront de nouvelles législatures, de nouveaux systèmes judiciaires, de nouveaux droits et de nouvelles libertés pour de nouveaux citoyens. Éventuellement, il y aura 14 nouvelles nations dans le seul territoire du Yukon, 14 nations au sein de la nation canadienne.

Le précédent que l'on établit ainsi est ahurissant. Après la mise en oeuvre du projet de loi C-34 et l'énorme quantité de pouvoirs que l'on donne à ces nouveaux gouvernements autochtones, quelle autre bande voudra conclure un accord qui ne lui donnera pas au moins l'équivalent du projet de loi C-34? Comme il y a quelque 600 bandes autochtones au Canada et que toutes demandent l'autonomie, on pourrait se retrouver avec 600 nouvelles nations.

De nouveau, je dois dire que je ne comprends pas la logique de la création de ces nouvelles constitutions, de ces nouvelles assemblées législatives et de ces nouvelles citoyennetés au sein d'une nation, la grande nation canadienne. Notre nation, notre Constitution, notre Parlement, notre citoyenneté ont-ils si peu


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d'importance que l'on peut les rejeter en faveur de nouvelles lois, de nouvelles assemblées, d'une nouvelle constitution et d'une nouvelle citoyenneté?

Nos lois ont-elles si peu d'importance? Est-ce le message que le gouvernement essaie de transmettre à la population canadienne, alors même qu'un parti séparatiste est l'opposition officielle? Est-ce cela le message?

Voici ce que William Lyon Mackenzie King disait dans cette Chambre. Il a rappelé qu'un Canada divisé ne pourrait guère aider d'autres pays et encore moins s'aider lui-même. Pensons-y un peu.

(1250)

Aux yeux des défenseurs de ce projet de loi C-34, il n'est peut-être pas politiquement correct de s'y opposer, mais en tant que représentant de la population canadienne, il est de mon devoir de mettre en doute la nécessité de ce projet de loi et la possibilité de former de nouvelles nations au sein de la nation canadienne.

En conséquence, nous nous opposerons, le Parti réformiste et moi-même, au projet de loi C-34.

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, j'ai entendu le député de Prince George-Bulkley Valley poser la question suivante: «Qui est le porte-parole des non-autochtones?» Si j'ai bien compris, les réformistes ont pour politique d'obéir à la volonté de la population. Si cette volonté entre en conflit avec le programme réformiste, c'est elle qui l'emporte.

Le projet de loi dont nous sommes saisis donne suite à 21 ans de négociations. Il reçoit l'appui du gouvernement du Yukon, dirigé par M. Ostashek, un non-autochtone. Le projet de loi bénéficie également de l'appui de la chambre de commerce du Yukon, des maires à qui j'ai parlé et de l'association minière. D'ailleurs, le Yukon a déjà adopté une mesure correspondante. Enfin, tous les libéraux à la Chambre, le Bloc québécois, le Parti conservateur et le Nouveau Parti démocratique appuient ce projet de loi.

Considérant tout cet appui face à l'opposition des 50 réformistes, qui occupent le coin en face et qui disent parler au nom des non-autochtones, je pose au député la question suivante: se peut-il que les non-autochtones n'aient pas assez collaboré à toutes ces négociations, qui ont été ouvertes et transparentes, et qui ont duré pendant 21 ans?

M. Harris: Monsieur le Président, mon vis-à-vis saura que j'habite en Colombie-Britannique, au centre-nord de la province où il y a une multitude de revendications territoriales et de négociations concernant l'autonomie gouvernementale.

En parcourant ma circonscription et en échangeant avec des non-autochtones, j'entends constamment la question suivante: «Qui nous consulte au sujet des revendications territoriales et des négociations concernant l'autonomie gouvernementale?» En fait, personne ne les consulte.

Notre parti a été saisi de ce projet de loi le matin même de sa présentation au Parlement; on nous a remis une pile de documents de neuf pouces de hauteur dont il fallait débattre le jour même. Nous faisons du bon travail de ce côté-ci de la Chambre, mais il y a un problème si le ministre et son gouvernement s'attendent à un débat éclairé, sous prétexte que nous avons eu quelques heures pour lire les documents d'accompagnement du projet de loi.

Nous entendons parler pour le reste du Canada, pour les non-autochtones du pays. Nous voulons défendre les intérêts des contribuables et des autochtones du Canada.

La situation sera terrible au Canada, si le projet de loi C-34 est adopté et si des nations sont créées pour fonctionner en dehors du cadre de compétences fédéral-provincial. C'est le pire qui puisse arriver à l'unité canadienne.

Si on pense avoir un problème du fait qu'un parti séparatiste siège à la Chambre à titre d'opposition officielle, ce n'est rien en comparaison du tort que cette mesure fera au Canada.

(1255)

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Je serai bref, monsieur le Président. J'ai trois petites questions à poser au député.

Le député parle des non-autochtones de sa circonscription. Je me demande s'il s'est entretenu avec les autochtones de sa circonscription et s'il peut dire à la Chambre ce que pensent ceux-ci.

Ensuite, il dit ne pas approuver le droit inhérent à l'autonomie prévu dans le projet de loi. Cela veut-il dire qu'il n'y croit pas du tout?

Enfin, il appuie aujourd'hui le plus gros de son argumentation sur la Constitution canadienne et je me demande s'il reconnaîtra que, lorsque la Constitution a été écrite, avant 1867, et qu'elle a été adoptée, les autochtones n'ont pas été consultés.

M. Harris: Monsieur le Président, je me suis certes entretenu avec les autochtones du pays, avec les autochtones de ma circonscription et ils souhaitent sans doute avoir l'occasion de devenir autonomes.

Ce n'est pas ainsi qu'ils vont devenir autonomes. L'autonomie d'un peuple doit venir de lui. Ce qu'il faut faire, c'est accorder aux autochtones tous les droits et toutes les libertés dont bénéficient tous les autres Canadiens, le droit à l'éducation, le droit à la justice, le droit à l'égalité, les droits mêmes que prévoit notre Constitution à l'heure actuelle.

Nous ne voulons pas isoler les autochtones en adoptant une série de dispositions disparates qui leur permettront de créer leur propre petit pays. Nous voulons qu'ils participent pleinement à la vie canadienne et qu'ils bénéficient des mêmes droits et des mêmes libertés que l'ensemble des Canadiens.

À la deuxième question du député, relative au droit inhérent à l'autonomie, je répondrai que ce droit suppose essentiellement qu'on ne rende des comptes à personne d'autre, comme cela a toujours été le cas.


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Si la Chambre adopte un projet de loi qui prévoit qu'on ne rende aucun compte au gouvernement du Canada, qui est l'autorité suprême, et qu'on fasse fi de la Constitution canadienne et de la Charte canadienne des droits et libertés, je me demande où notre pays s'en va.

Quant à la troisième question, il est bien évident que les autochtones n'ont pas participé à la mise au point de la Loi constitutionnelle. Cette loi visait à créer un Canada où les gens de toutes les races et de toutes les cultures puissent bénéficier des mêmes possibilités et des mêmes libertés. Voilà ce que prévoit notre Constitution. Les gens qui sont venus s'installer au Canada après que la Constitution eut été adoptée n'ont pas participé aux discussions non plus, mais ces néo-Canadiens et même les immigrants qui n'ont pas la citoyenneté canadienne bénéficient des avantages qui sont conférés à tous, y compris aux autochtones, par la Constitution.

La Constitution est probablement le document le plus précieux qui soit au Canada, car elle prévoit que tous les Canadiens sont égaux et libres.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, je vous remercie de bien vouloir m'accorder la parole.

Je voudrais d'abord souligner à mon collègue du Parti réformiste que, lorsqu'il veut provoquer les séparatistes, comme il les appelle dans ses discours, il pourrait prendre le soin de nous laisser un peu de temps pour répondre.

J'ai deux commentaires à cet égard. Le mot «séparatiste» n'existe pas en droit international. C'est pourquoi nous répétons toujours le terme «souveraineté»; nous ne nous en cachons pas, nous voulons devenir souverains. C'est le premier message que je voulais lui transmettre.

Le deuxième message est le suivant. La question qui est devant nous-et le ministre pourra le confirmer étant donné qu'il l'a dit tout à l'heure-était à l'étude depuis 21 ans, je crois.

(1300)

Alors, qu'on soit un bloquiste qui veut faire la souveraineté du Québec ou qu'on soit un libéral, pourtant ce sont deux antipodes, on est capables de regarder la chose et dire: «Il y a du sens dans les demandes qui ont été faites par les autochtones là-dedans, sur ce qui est sur la table». Je pense qu'après 21 ans de réflexion, il est temps de livrer la marchandise. Il ne faut pas s'encarcaner dans des voeux pieux. C'est le message que j'avais à livrer à mon collègue.

[Traduction]

M. Harris: Monsieur le Président, j'ai utilisé le terme «séparatiste» très clairement. À mon avis, toute personne ou tout groupe qui cherche à détruire la Confédération du Canada et à se séparer de ce pays est séparatiste. Je ne retirerai jamais ces paroles.

Selon le député, puisque l'étude a duré 21 ans, on devrait conclure qu'il s'agissait d'un bon document. Je rappelle à la Chambre et au député qu'il a fallu plus de 21 ans pour créer la bombe nucléaire. Faut-il s'en réjouir pour autant?

Une longue étude ne donne pas nécessairement de bons résultats. J'ai mentionné les incohérences que j'ai relevées dans le projet de loi. Si le député prend le temps d'examiner le projet de loi, article par article, il abondera dans le même sens que moi, j'en suis convaincu.

[Français]

M. Bernier (Gaspé): J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Excusez-moi d'interrompre le débat, mais j'aurais besoin de votre sagesse sur l'expression «séparatiste».

Je sais que dans cette Chambre, on peut utiliser un vocabulaire qui n'est peut-être pas reconnu au niveau du droit international, mais j'aimerais qu'on puisse nous répondre si l'expression «séparatiste» peut être utilisée à outrance? De surcroît, monsieur le Président, pour guider votre réflexion, comment pouvons-nous être traités de séparatistes, lorsque nous avons été ceux qui ont contribué à bâtir ce pays? Comment se fait-il qu'on ne nous reconnaît pas un droit de réflexion si on veut en sortir? C'était mon rappel au Règlement.

Le vice-président: Franchement, je pense que le rappel au Règlement est assez clair, mais comme le député l'a soulevé, je dois réfléchir sur ce point et ensuite, je donnerai une opinion précise, nette et j'espère claire dans un bref délai. Je cède donc la parole à l'honorable député d'Okanagan-Centre.

[Traduction]

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre): Monsieur le Président, c'est pour moi un grand honneur de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-34. La Chambre est saisie d'un projet de loi qui fera date et je félicite le ministre d'avoir présenté cette mesure législative qui aborde une question grave et très importante touchant tous les Canadiens.

Que vous jugiez que les Européens ont eu raison ou non de venir s'établir sur ce territoire que nous appelons désormais le Canada, il reste que depuis ce temps-là d'énormes changements sont survenus dans ce pays et ont bouleversé les rapports que nous entretenons entre nous.

Certains de ces changements étant de nature culturelle, le Canada est devenu un pays multiculturel. D'autres changements étant d'ordre économique, le Canada est devenu un pays industrialisé. Toutefois, ce qu'il est important de mentionner, c'est que ces changements sont irréversibles. Nous ne pouvons retourner en arrière. Cela est impossible, car nous devons penser aux 28 millions de personnes qui se considèrent comme des Canadiens, qu'elles soient autochtones ou non autochtones, françaises, anglaises, noires ou blanches.


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Les injustices qui ont pu être commises à l'époque où la force primait le droit ont changé à tout jamais le cours des choses et ont fait de ce pays réservé à quelques-uns une terre d'accueil pour bien des gens. En reconnaissant cela, on reconnaît aussi que, malgré notre histoire, le présent repose sur des compromis qui nous permettent de témoigner le plus grand des respects aux autochtones qui ont donné une âme à cette terre et aux visionnaires et aventuriers qui sont venus s'établir ici par la suite et qui ont créé le Canada d'aujourd'hui.

(1305)

Le projet de loi C-34, dont la Chambre est saisie cet après-midi, représente un compromis. Cette mesure législative, que j'appuie, vise à donner l'autonomie gouvernementale aux premières nations du Yukon.

Le gouvernement a raison de rechercher un tel compromis. Le projet de loi C-34 reconnaît le droit des Indiens du Yukon de déterminer comment ils vivront du point de vue culturel et spirituel, ce qui est bien.

Le projet de loi C-34 reconnaît également le droit des premières nations du Yukon de déterminer comment ils se gouverneront eux-mêmes et comment ils prépareront leur avenir économique, ce qui est bien aussi.

Toutefois, nous devons nous demander si le projet de loi C-34 sert le bien commun du Canada et s'il respecte l'égalité des droits et privilèges de tous les Canadiens. La question comporte deux volets: premièrement, ce projet de loi sert-il le bien commun du Canada? Comme dans toute situation qui nécessite un compromis, cela doit sembler être le cas. Le gouvernement et les autochtones sont en train de trouver une façon de régler un différend qui dure depuis de nombreuses années. Cependant, beaucoup de gens croient, et j'ai tendance à être d'accord avec eux, que cet accord et d'autres comme celui-là mettent en doute la valeur de l'esprit national, de la citoyenneté et de la démocratie.

L'esprit national est notre façon de nous définir. L'esprit national est important pour nous parce qu'il nous donne une identité et est fondé sur l'égalité de tous les citoyens qui forment cette nation.

Le projet de loi C-34 propose la création d'une nation à l'intérieur d'une nation. Pourquoi? Qu'advient-il de la nation qui existe déjà et de l'égalité des citoyens qui forment cette nation? La création d'une nation, d'une première nation, à l'intérieur d'une nation ne fait rien pour donner aux autochtones un statut égal par rapport aux autres Canadiens. En fait, l'établissement d'une première nation crée un préjugé fondé sur l'origine ethnique, ce que le Canada et beaucoup d'autres pays se sont efforcés de radier des pratiques politiques de l'humanité.

Que le préjugé soit en faveur d'un groupe ou d'un autre, cela reste un préjugé. Il fait ressortir les différences au lieu de permettre aux diverses identités ethniques de s'unir pour former la toile de fond colorée qui nous identifie en tant que Canadiens. Est-ce bon pour le Canada? Comment cela peut-il être bon pour le Canada?

Ce préjugé détruit le lien qui unit la nation, le lien de la citoyenneté, la relation entre un individu et son pays, le sentiment de liberté.

Dans le projet de loi C-34, on a créé une nouvelle langue. On a donné à des termes comme «nation» et «citoyen» un nouveau sens qui s'applique aux Canadiens autochtones. En redéfinissant ces termes, on met en doute la valeur de leur sens original. Dans cette nouvelle langue, on dit: «Ceci est ma terre, ceci est la tienne.» On dit: «C'est ma nation, la première nation, et c'est la tienne, la nation canadienne.» On dit: «J'appartiens à la première nation, tu appartiens à la nation canadienne.»

Cette nouvelle langue dresse des frontières et creuse des fossés autour des terres où vivent les premières nations. Ce sont autant de déchirures qui, comme les trous dans la grande voile d'un navire, risquent de s'élargir et de laisser passer les vents mauvais. Dès que l'on redéfinit l'appartenance à une nation et la citoyenneté, les piliers de la démocratie commencent à s'effondrer et ce n'est pas de bon augure pour le Canada.

Est-ce que le projet de loi C-34 respecte l'égalité des droits et des privilèges de tous les citoyens du Canada? J'ai en partie répondu à cette question tout à l'heure. Tout simplement en reconnaissant officiellement des différences fondées sur l'appartenance à une ethnie, le projet de loi C-34 élargit le fossé entre deux groupes. Aucun autre citoyen au Canada n'a de droits ou de privilèges liés à son origine ethnique, quoique ce soit exactement ce que tentent d'obtenir nos collègues du Bloc québécois.

En établissant un tel précédent dans le projet de loi C-34, je crains que nous apportions de l'eau au moulin de ceux qui veulent se séparer du Canada car ils pourront maintenant soutenir que, comme les premières nations, ils ont droit à un statut particulier fondé sur leur origine ethnique.

(1310)

Cela démontre encore qu'en accordant un statut particulier, on n'atteint pas l'objectif visé. Cela ne renforce pas le pays, cela l'affaiblit. Certains soutiennent que le projet de loi C-34 ne donne pas plus de droits et de privilèges aux autochtones qu'aux autres Canadiens. Pourquoi, en ce cas, est-il nécessaire de préciser des droits et des privilèges dans une loi?

Les membres des premières nations sont des citoyens canadiens et, en tant que tels, ils peuvent exercer les droits et les privilèges conférés à tous les autres Canadiens par la Charte canadienne des droits et libertés. Nous avons entendu cela tout à l'heure, mais un droit n'a pas été mentionné. En signant des ententes sur les revendications territoriales et, par la suite, sur l'autonomie gouvernementale, nous donnons aux premières nations un droit de propriété que les autres Canadiens n'ont pas.

Aucun autre Canadien n'est autorisé à le réaliser, car ce n'est pas consacré dans la Constitution. En donnant aux premières nations la possession de leurs terres, nous établissons maintenant un précédent qui permettra à d'autres peuples de revendiquer le droit de possession pour un certain nombre d'autres raisons, dont une nous vient facilement à l'esprit.


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Est-ce là la façon de veiller à ce que tous les Canadiens soient traités également et équitablement sous le régime de la Constitution? Non. Cela respecte-t-il l'égalité des droits et des privilèges de tous les citoyens de notre pays? Non. Est-ce là la façon dont la démocratie est censée fonctionner? Non.

La démocratie implique que nous avons tous une voix et que nulle voix ne devrait être plus forte qu'une autre. La démocratie est censée servir tout le monde, non quelques privilégiés. Le projet de loi C-34 est bien loin des ententes d'autrefois qui ont installé les premières nations dans des réserves avec peu de terres et des responsabilités et des moyens limités.

À notre avis, un tel projet de loi devrait parler avec plus de dignité et trouver une façon de rapprocher deux parties dans ce qui a été une longue dispute. Dans l'intérêt des deux parties, il est important de faire valoir les mêmes principes démocratiques qui constituent le fondement de toutes les lois du pays. Sinon, cette mesure législative est faible dès le départ et risque d'échouer.

Nous devons aux Canadiens, autochtones et non-autochtones, de rendre solides le projet de loi C-34 et toute loi d'autonomie gouvernementale ou tout accord sur les revendications territoriales, car si nous voulons faire des progrès, c'est exactement ce que nous devons faire. La bonne loi nous respectera tous et reconnaîtra cela même qui nous rend égaux.

Nous voulons tous un foyer où nous sommes libres d'explorer notre identité, notre spiritualité et notre culture personnelles, mais il n'a jamais été bien de poursuivre cet objectif au détriment des autres. Il y aura un prix à payer si, dans notre hâte à trouver un compromis, nous adoptons une loi susceptible de créer davantage de division.

Dans un contexte démocratique sûr et solide, les distinctions sont valables et positives, mais dans un contexte fragmenté, elles deviennent acérées et sont manipulées pour couper ici et là, pour trancher. Les différences existant au Canada risquent beaucoup de nous causer du tort si nous les soutenons continuellement au détriment de ce qui est vrai, c'est-à-dire que nous sommes tous d'abord et avant tout des citoyens du Canada.

Je crois que c'est une chose que nous pouvons reprocher au projet de loi C-34. En cherchant à corriger les différences dont souffraient autrefois les autochtones canadiens, les auteurs du projet de loi C-34 ont oublié qu'il touche tous les Canadiens. Cette mesure législative qui prévoit l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon doit aussi réaffirmer la citoyenneté de tout le monde, notre nationalité et notre confiance en la démocratie.

Le projet de loi C-34 doit mettre un terme aux croyances qui accordent une plus grande importance au fait d'avoir été ici les premiers, ou aux raisons qui nous ont amenés ici, plutôt qu'à notre situation actuelle. Tous les Canadiens cherchent un lieu d'appartenance sans frontières intellectuelles et matérielles. Tous les Canadiens cherchent une citoyenneté sous sa forme la plus vraie dans un lieu où l'on croit que tous sont créés égaux.

Ne mettons pas ce principe en péril en adoptant une mesure législative faible qui oublie notre nationalité, notre citoyenneté et la démocratie. Affirmons ces valeurs encore et toujours par-dessus tout le reste, car ce lieu existe, ce pays existe, et c'est le Canada.

(1315)

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Monsieur le Président, comme je ne veux pas retarder le débat, je poserai une question très brève.

En écoutant les observations du député, je n'ai pu m'empêcher de penser au traitement qui a été réservé aux autochtones au fil des ans, depuis l'arrivée des colons et des immigrants en Amérique du Nord. Le député tient beaucoup aux mots qu'il a choisis en l'occurrence, les mots égalité et citoyenneté, notions très importantes si on fait partie d'une minorité, mais très compliquées si on fait partie de la majorité.

Peut-il nous dire quand, dans l'histoire canadienne, ces mots prononcés par des non-autochtones ont acquis autant de poids? Je pense à l'époque où les traités étaient signés et où l'on demandait aux chefs des communautés de participer à l'édification d'une économie au Canada. À l'époque où l'on retirait leurs terres aux autochtones, les chefs et les dirigeants des communautés disaient aux gens avec lesquels ils négociaient: «Nous sommes prêts à travailler avec vous, les immigrants et les colons, à titre de partenaires égaux; nous sommes prêts à partager les ressources de cette terre; nous sommes prêts à partager ce que nous possédons depuis six à dix mille ans avec vous qui êtes nouveaux chez nous.»

Or, en très peu de temps, en une centaine d'années, le gros du partage dans lequel les autochtones s'étaient engagés au Canada a disparu, et maintenant les députés réformistes et d'autres disent: «Mais nous sommes tous égaux et nous vivons tous comme des citoyens d'un seul pays, un pays qui a été créé pour répondre aux besoins des immigrants et des colons.»

Le député peut-il m'expliquer à quel moment de notre histoire les mots qu'il vient de prononcer ont cessé d'être ceux prononcés par les chefs et les dirigeants des communautés pour devenir ceux prononcés par les représentants immigrants actuels?

M. Schmidt: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question.

Nous devons être très prudents dans notre façon de traiter un sujet d'une aussi grande portée, un sujet qui touche tous les Canadiens, quel que soit le mot qu'on utilise pour les désigner, Indiens, non-Indiens, autochtones et ainsi de suite.

Les notions de démocratie, de liberté, d'égalité et d'appartenance à une nation sont très fondamentales. Je ne veux d'aucune façon laisser croire au député ou à quiconque écoute ce débat cet après-midi que tout a toujours été parfait dans le passé, car ce n'était pas le cas. Il y a eu de nombreux moments dans l'histoire du Canada où nous ne nous sommes pas bien traités les uns les autres, où nous ne nous sommes pas traités de façon égale, où nous n'avons pas donné à certains groupes les droits que nous


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aurions dû leur donner en raison de leur origine ethnique ou d'autres motifs semblables.

Je ne suis pas fier de cela. Il n'en reste pas moins que nous en sommes arrivés aujourd'hui à un point où nous pouvons corriger certaines de ces erreurs du passé. Cependant, ne les corrigeons pas en créant de nouvelles inégalités. Adoptons une mesure législative qui soit solide. Je ne veux pas critiquer l'esprit du projet de loi dont nous sommes saisis. Ce n'est pas ce que je cherche à faire.

Tout ce que je veux, c'est que nous créions un Canada où les habitants de toutes les régions, qu'ils soient autochtones, qu'ils soient immigrants ou qu'ils soient nés ici, sont considérés comme des Canadiens et sont traités de façon égale, un Canada où personne ne jouit de droits spéciaux en raison de son origine ethnique, de sa langue ou de sa religion. C'est, à mon avis, ce qu'il y a de plus important. Si nous pouvons améliorer cette mesure législative dans ce sens, je l'appuierai sans réserve.

Il y a des questions qui restent sans réponse dans ce projet de loi qui ne donne pas le genre d'égalité et de liberté que je veux promouvoir.

(1320)

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, je voudrais ajouter quelque chose parce que je pense que le député qui vient de parler n'a pas répondu à la question du député néo-démocrate.

Le député parle d'égalité et de citoyenneté. Or, ces gens-là sont ici depuis 10 000 ans. Ils étaient des citoyens. Ils avaient leurs propres lois. Ils avaient leur religion et leurs propres coutumes, mais nous leur avons enlevé tout cela. Ils avaient un système politique.

Quand les non-autochtones sont arrivés, comme d'autres députés l'ont dit, ils ont fait preuve de cupidité. Ils voulaient des terres. Ils voulaient les mines. Ils voulaient le bois. Ils ont tout pris.

Tout cela a eu pour résultat que nous sommes riches et qu'ils sont pauvres. Telle est la situation. Nous avons devant nous aujourd'hui l'aboutissement de 21 ans de négociations ouvertes et transparentes grâce auxquelles les peuples autochtones ont regagné leur dignité et profiteront avec nous des ressources du pays, ce qui était le but initial du processus.

Maintenant, le député pourrait-il nous dire en quoi le projet de loi est insuffisant.

M. Schmidt: Monsieur le Président, le problème vient en partie du fait que les nouveaux termes utilisés donnent à penser qu'il y a deux genres de nations. Il y a deux genres de citoyens. Il est faux de penser que les relations vont changer du simple fait d'utiliser de nouveaux mots. Par ailleurs, utiliser le terme «nation», pour moi, a pour effet de créer une différence avec les autres nations. Je pense qu'il n'est pas possible d'avoir deux genres de nations dans le même pays.

Nous avons utilisé le terme «nation». Nous avons des citoyens. Je pense que c'est ça qui n'est pas clair. Si l'on clarifie les choses de manière qu'un membre d'une première nation ait les mêmes droits et devoirs qu'un habitant de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique, pourquoi utiliser des termes nouveaux? C'est ça qui entraîne la confusion. Il faut clarifier cette notion. Il faut préciser que ces gens-là ont les mêmes droits que le reste d'entre nous, qu'ils n'ont pas de privilèges particuliers.

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni): Monsieur le Président, lorsqu'il a déposé ce projet de loi, le ministre des Affaires Indiennes et du Nord canadien a prié la Chambre d'adopter rapidement ce qu'il a appelé une mesure législative historique. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi le gouvernement essaie de faire adopter à pleine vapeur ce projet de loi, comme les conservateurs avaient fait en 1993 dans le cas d'une mesure semblable visant le Nunavut, soit le projet de loi C-132.

Le ministre a mentionné qu'il a fallu 20 ans pour en arriver là et que les derniers mois ont été consacrés à la rédaction des ententes. Encore une fois, je ne comprends pas la logique de faire adopter en quelques jours à peine cette mesure législative, alors que le processus de négociation a duré des années. On ne peut s'empêcher de se demander si le gouvernement a des intentions cachées. Il a fallu 20 ans pour conclure cette entente et le gouvernement voudrait maintenant qu'on la ratifie à toute vapeur. Il faut se demander pourquoi.

Le projet de loi C-34 vise seulement quatre ententes sur une possibilité de 14. Les futures ententes seront négociées en secret si le projet de loi est adopté. On peut donc s'attendre à ce que d'autres mesures législatives visant le Yukon soient déposées à la Chambre.

Qu'en est-il du nouveau style de gouvernement promis par les libéraux dans leur livre rouge? À titre d'exemple, l'article 52 du projet de loi prévoit que les autres ententes territoriales seront ratifiées par le Cabinet plutôt que par le Parlement. Encore une fois, cela signifie que les discussions se dérouleront en secret, plutôt qu'ici à la Chambre. Cela signifie aussi que le Parlement n'aura plus son mot à dire. Cette disposition en dit long sur la soit-disant transparence promise par les libéraux. J'imagine qu'ils lisent leur livre rouge avec des lunettes roses, de façon que seules les promesses qu'ils peuvent tenir soient lisibles.

(1325)

Je veux dire un mot sur la reconnaissance constitutionnelle. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 renferme une disposition portant que les droits existants, ancestraux ou issus de traités, des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. Pourtant, aucune définition de ce que sont les droits des autochtones n'est fournie, si ce n'est qu'ils sont décrits comme des droits dont il est fait mention dans des accords, présents ou futurs, sur des revendications territoriales.

Le fait que ces droits extrêmement vagues soient censés être confirmés par la Constitution soulève la question de savoir dans quelle mesure ceux-ci peuvent être changés facilement et rapidement. Comment ces droits peuvent-ils être protégés par la Constitution alors qu'ils sont tellement vagues que n'importe quel nouveau gouvernement ou Cabinet pourrait les modifier


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facilement en fonction de ses caprices? Le moins qu'on puisse dire c'est que la notion d'intangibilité est très floue.

Je signale par ailleurs que la définition de citoyen dans le projet de loi soulève de nombreux problèmes. On y définit un citoyen de la première nation au sens de la constitution qui gouverne celle-ci. Par conséquent, cette entente fournit un niveau de citoyenneté tout à fait distinct de celui des autres Canadiens.

Le gouvernement semble établir un système comportant deux niveaux de citoyens et deux nations. Au moment même où les autres pays du monde s'efforcent d'assurer un traitement égal à leurs citoyens, comme on a pu le voir en Afrique du Sud, le gouvernement libéral essaie de créer un système comportant deux classes de citoyens, selon leur race.

Le premier ministre semble avoir oublié qu'il a déjà été ministre des Affaires indiennes. Son soi-disant rapport progressiste de 1969 proposait que les citoyens indiens deviennent des citoyens égaux des provinces et de notre pays. Son gouvernement propose maintenant de conférer aux autochtones un statut distinct de celui des autres Canadiens.

Lorsqu'il était ministre des Affaires indiennes, le premier ministre a rédigé un rapport dans lequel il disait que se prononcer contre le droit fondamental des Indiens à participer pleinement et à titre d'égaux à la vie culturelle, sociale, économique et politique du Canada, c'était se prononcer en faveur de la discrimination, de l'isolement et de la séparation. Le premier ministre ajoutait par ailleurs qu'aucun Canadien ne devrait être exclu de la participation à la vie de la collectivité et que nul ne devrait s'attendre à s'en retirer et à profiter des avantages provenant des participants. Cela était considéré comme progressiste en 1969. Je dois dire que, comparativement aux répercussions de cet accord, cela demeure progressiste, alors que le projet de loi actuellement à l'étude constitue un recul.

Cet accord ne garantit pas la pleine participation à titre d'égaux au Canada. Loin de là. Il établit un régime tout à fait distinct. Par la reconnaissance de l'égalité de tous les Canadiens, le premier ministre a voulu mettre un terme à la distinction qui, au regard de la loi, existait entre les autochtones et les autres Canadiens. Son parti préconise maintenant des distinctions ethniques et raciales. C'est un pas en arrière. Nos autochtones devraient être les égaux des Canadiens sur tous les plans. Les distinctions raciales ne sont plus justifiées ni tolérées dans la société actuelle, et c'est clairement une erreur que de s'engager dans cette voie.

Jusqu'à maintenant, nos autochtones n'ont pas bénéficié d'un traitement égal à bien des égards. Ils ont été victimes d'inégalités fondées sur la race. Il n'est pas très sensé de remédier à la situation en légiférant une égalité accrue.

Cet accord instaurerait et renforcerait des inégalités raciales en établissant un système à deux niveaux, en créant un autre niveau de citoyens distincts des autres Canadiens. Comment le gouvernement peut-il justifier le traitement inégal évident qui résultera de ce projet de loi? Nous ne pouvons tout simplement pas adopter ce projet de loi dans sa forme actuelle.

La lutte contre la discrimination se poursuit depuis des siècles. Au XVIIIe siècle, William Wilberforce, un député de la Chambre des communes britannique, a lutté pour la libération des esclaves. Nous avons par ailleurs vu nos voisins américains lutter pour le mouvement en faveur des droits civils. Nous avons tous été témoins de la chute du système à deux niveaux en Afrique du Sud.

(1330)

Les systèmes fondés sur les inégalités raciales sont une aberration et l'histoire montre qu'ils ne peuvent pas résister au passage du temps. Pourquoi le gouvernement essaie-t-il d'ériger les mêmes barrières dans le projet de loi C-34 en créant deux sortes de citoyens?

Cette entente crée deux sociétés distinctes et séparées au sein même du Canada. En outre, elle va causer un cauchemar administratif dans le territoire du Yukon. À l'heure actuelle, le Yukon a deux niveaux de gouvernement, le fédéral et le territorial.

Cette entente ouvre la voie à la création possible de quatre autres niveaux de gouvernement, suivie de dix autres lorsque des accords seront conclus avec les dix bandes indiennes. Il pourrait donc y avoir beaucoup d'organes législatifs au Yukon.

Curieusement, selon l'actuel ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, la Charte des droits et libertés s'appliquerait au gouvernement autochtone. Or, son collègue, le ministre de la Justice, a dit exactement le contraire. Qui faut-il croire? Rien dans ce projet de loi ne précise que les lois du nouveau gouvernement devront être conformes à la Charte des droits et libertés.

L'Accord de Charlottetown renfermait 20 dispositions destinées aux autochtones. On a proposé une modification à la Charte qui s'appliquerait aux lois adoptées au Canada. Cette modification disait que la Charte ne devrait pas porter atteinte aux droits ou aux libertés liés à la protection des langues, des cultures et des traditions des peuples autochtones.

L'Accord de Charlottetown comprenait une autre disposition qui précisait que l'égalité des autochtones, hommes et femmes, s'appliquerait à tous les aspects des droits des autochtones, y compris l'autonomie gouvernementale. Je doute que tous ces droits soient accordés aux femmes autochtones dans cette entente. Les droits des femmes autochtones, qui étaient protégés dans l'Accord de Charlottetown, à leur demande, seront-ils garantis dans cette entente? Il semble bien que non.

Le ministre des Affaires indiennes prétend que la Charte des droits et libertés s'appliquera aux autochtones. Si c'est le cas, pourquoi le gouvernement précédent a-t-il trouvé nécessaire d'inclure des dispositions précisant que la Charte s'appliquait? La réponse, c'est que si la Charte n'est pas mentionnée dans ce projet de loi, elle ne s'applique pas. Comme il n'en est pas fait mention, elle ne s'applique pas, à mon avis.


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Permettez-moi un rappel historique. En 1982, l'Assemblée des premières nations a déclaré au comité des affaires autochtones: «Comme peuple indien, nous ne pouvons nous permettre d'accepter que les droits individuels priment les droits collectifs. La Charte canadienne des droits et libertés va à l'encontre de nos principes et de notre culture.»

En 1992, ce même organisme a publié un rapport dans lequel il rejetait la Charte. Ce rapport recommandait ce qui suit: «Que la Charte canadienne des droits et libertés ne prime pas le droit des premières nations.» Cette position tient-elle toujours? Le projet de loi C-34 respecte-t-il ce point de vue? La Charte canadienne des droits et libertés s'appliquera-t-elle aux peuples autochtones? Sinon, cela m'inquiète, et de très nombreux Canadiens partageront mon inquiétude.

Les députés se rappelleront peut-être que bien des groupements féminins, notamment la Native Women's Association of Canada, ont insisté sur le fait que l'autonomie gouvernementale des autochtones dans la protection de la Charte serait dangereuse pour les femmes autochtones, car la violence contre elles est très répandue dans les réserves.

Dans son rapport de 1989, l'Ontario Native Women's Association dit que, tandis qu'une Canadienne sur dix a été victime d'une forme d'agression quelconque, huit femmes autochtones sur dix ont été agressées ou peuvent s'attendre de l'être.

L'article 28 de la Charte garantit la protection de l'égalité sexuelle. Pourtant, aucun des conseils autochtones n'aurait à assurer cette protection garantie par la Charte. Rien, dans l'accord, ne garantit la protection de l'égalité sexuelle. Cela m'inquiète, et je suis certain que beaucoup de femmes autochtones s'inquiètent également.

La Charte des droits et libertés n'est peut-être pas parfaite, mais c'est un moyen de protéger les droits individuels de tous les Canadiens. Refuser cette protection à des citoyens du Canada, notamment à des femmes autochtones, ce n'est pas seulement de la négligence. C'est une profonde injustice.

(1335)

La Charte canadienne des droits et libertés s'applique aux échelons fédéral et provincial de gouvernement, mais elle ne dit pas qu'elle s'applique aussi aux gouvernements autonomes autochtones. Les droits démocratiques garantis par cette Charte confèrent à tous les Canadiens le droit d'élire des représentants fédéraux ou provinciaux ou de se porter candidats. Aucune disposition du projet de loi ne protège les droits démocratiques des citoyens autochtones, car ce niveau de gouvernement n'est pas visé par la Charte.

Il n'existe dans la Charte des droits et libertés aucune garantie quant au droit des peuples autochtones de voter pour des gouvernements autochtones, de briguer un poste réservé aux autochtones et d'établir le mandat d'un gouvernement autochtone. Cette question n'a été soulevée qu'il y a deux ans.

Rien dans cet accord ne prend en compte cette préoccupation et, tant qu'il en sera ainsi, il n'y a pas lieu d'adopter le projet de loi C-34.

Bref, ce projet de loi est loin d'accorder aux autochtones le droit de gérer leurs affaires, comme le font actuellement les gouvernements municipaux. Cette mesure législative, avec tous les pouvoirs de légiférer qu'elle comporte, crée une nation à part au sein de la nation canadienne, une nation assujettie à des lois et à des pouvoirs, une nation non protégée par la Charte canadienne des droits et libertés.

Nous avons déjà les menaces séparatistes qui viennent de ce qu'on traite un groupe de Canadiens différemment des autres. Si le projet de loi C-34 est adopté dans sa version actuelle, nous allons susciter un plus grand mécontentement encore. Au Canada, il n'y a de la place que pour une seule nation, une nation où tous les Canadiens sont traités de la même façon et respectés de tous.

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je voudrais poser une question au député.

Il a employé des expressions telles que «ratifier à toute vapeur», «prêter l'oreille» et «nouveau style de gouvernement». Je suppose que cela veut dire consulter et écouter davantage. Eh bien, on m'a signalé que le Conseil des Indiens du Yukon, dirigé par Mme Judy Gingell, est arrivé ici une semaine et demie avant l'étape de la deuxième lecture dans l'espoir d'organiser des réunions avec les députés du Parti réformiste, mais qu'il n'avait pas eu de succès. Il n'y a pas eu de réunions avant l'étape de la deuxième lecture.

Au cours de ce vaste processus de consultation, où tout se déroule à toute vapeur et selon un programme secret, ce qu'a évoqué le député, est-ce qu'il s'est lui-même entretenu avec un représentant des premières nations du Yukon?

M. Gilmour: Monsieur le Président, le ministre apporte de l'eau à mon moulin! Nous n'en avons été informés que jeudi matin, soit la veille du débat sur le projet de loi. Nous n'avions plus de temps devant nous.

Je trouve passablement curieux que, bien que les bandes indiennes soient arrivées une semaine d'avance, le Parti réformiste n'ait pas eu vent du programme du gouvernement.

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix): Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre de faire un commentaire et de poser une question en conclusion au député qui vient de faire son discours.

Comme le disait le ministre des Affaires indiennes, après 21 ans de consultations, après 21 ans de pensées et de pourparlers entre le gouvernement et les paliers autochtones, et principalement, ceux du Yukon, il est temps d'agir.

Je me dois de féliciter quand même le gouvernement d'en être venu, en ce mandat-ci, à une conclusion afin d'avoir de bonnes ententes entre le gouvernement et les communautés autochtones. Je crois que les Premières nations, entre autres les autochtones du Yukon, veulent et réclament leur entière autonomie, afin de devenir de plus en plus responsables. On dit souvent dans la


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communauté canadienne, que malheureusement, les autochtones vivent au détriment des Blancs. Je pense que la communauté autochtone du Yukon a quand même très bien évolué, car aujourd'hui, elle est prête à devenir plus autonome, avec une certaine réclamation de ses responsabilités et de son autonomie.

Également, je pense qu'avec l'autonomie que les autochtones réclament, ils pourront développer adéquatement leurs ressources et leurs coutumes.

(1340)

Dans ma circonscription, la circonscription de Charlevoix au Québec, j'ai deux communautés autochtones, des communautées montagnaises, et en tant que député de Charlevoix, je me dois de défendre ces communautés comme je le fais pour l'ensemble des gens de ma circonscription. De plus, mon aîné, un garçon que nous avons adopté, est un autochtone montagnais. Il aura 12 ans le 10 juillet et je le considère autant que les deux autres que nous avons eus par la suite.

Je pense que la communauté autochtone du Yukon réclame, avec leurs communautés, avec le gouvernement, de plus en plus de dialogue, car elle veut partager ses idées. En terminant, je veux féliciter la communauté autochtone du Yukon d'avoir revendiqué ses droits, de s'être fait entendre du gouvernement. Je la félicite également de vouloir se prendre en main et développer son économie.

Le député du Parti réformiste qui m'a précédé croit-il que c'est possible que les autochtones du Yukon aient évolué plus rapidement que le Parti réformiste?

[Traduction]

M. Gilmour: Sur le thème de l'évolution, je pense que nous pourrions remonter loin. Cependant, comme je l'ai souligné dans mon discours, il est très clair, à mon avis, que l'égalité et l'évolution de l'égalité ne peuvent aller que dans une seule direction. Nous devons tous être égaux, que nous venions du Québec, du Yukon ou de n'importe quelle autre région du Canada.

C'était là l'essentiel de mon discours. Si cela fait partie de l'évolution, c'est exactement ce que je voudrais trouver dans ce projet de loi. Cependant, comme ce projet de loi ne traite pas de cette question, je pense qu'il ne faudrait pas l'adopter dans sa forme actuelle.

[Français]

Le vice-président: Tout à l'heure, à titre de Président, j'ai promis à l'honorable député de Gaspé de rendre une décision sur la question du mot «séparatiste». Dans la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, 6e édition, à la page 654, le mot «séparatiste» est là. Il est considéré comme parlementaire. Je le cite: «Depuis 1958, les expressions suivantes ont été tenues pour parlementaires. . .» et, comme je l'ai dit, le mot «séparatiste» est là.

Dans une citation, le Président McNaughton, il y a presque 30 ans, en 1964, a dit, et je cite: «Il n'est pas facile de répondre à ces questions. Je dirais que l'expression était brutale, mais à mon sens, elle n'est pas antiparlementaire.» Il parle du mot «séparatiste». Plus tard, Mme Sauvé, comme Président, le 9 décembre 1980, disait en parlant des mots «séparatiste» et «maccarthysme», et je cite brièvement: «Qu'on prise ou non leur connotation, les termes «maccarthysme» et «séparatiste» font maintenant partie du vocabulaire politique et leur utilisation est une question d'interprétation et peut se discuter. Quoi qu'il en soit, la Présidence n'a pas à se prononcer sur leur emploi».

Je sais très bien que les députés diront que les usages en droit international n'étaient pas les mêmes qu'au Parlement. Pour le moment, semble-t-il, telle est la loi dans nos Chambres.

M. Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, tout d'abord, j'aimerais spécifier que je ne remets pas en cause votre décision à ce sujet. Je pense qu'il a été profitable à l'ensemble de la Chambre que cette question soit soulevée. Je remarque que le débat existe peut-être depuis un peu plus longtemps qu'on ne le pense. Vous parlez de 1958. L'ancien Président, à l'époque, avait qualifié l'expression de «brutale».

(1345)

Le dernier message que j'aimerais transmettre aux gens qui nous écoutent et à mes collègues, c'est que le mot «séparatiste», s'il veut l'utiliser, aura une connotation émotive, et s'il veut l'utiliser comme expression éducative, en droit international, on parle de «souverainiste».

[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord remercier le ministre d'être des nôtres aujourd'hui, alors que nous examinons ce projet de loi. Il est bon que le parrain d'un projet de loi soit présent au moment du débat, surtout lorsqu'il fait l'objet d'un litige. Je voudrais donc le remercier de sa présence parmi nous.

Je suis heureux d'avoir la possibilité de participer au débat sur le projet de loi C-34 qui porte sur l'autonomie gouvernementale du Yukon. Comme bon nombre de mes collègues, j'ai, pour ce projet de loi, un intérêt particulier. Au cours de ma vie et de ma carrière, j'ai eu l'occasion de travailler directement avec des autochtones dans diverses régions.

Comme contremaître sur un chantier d'aménagement hydro-électrique dans les territoires, comme ombudsman pour le ministère des Affaires indiennes de l'Alberta, à l'époque de Harold Cardinal, et comme expert-conseil en administration des affaires, j'ai connu, personnellement, les problèmes de ces gens et je me suis entretenu avec eux. J'ai vécu certains des problèmes qu'ils vivent encore aujourd'hui. J'ai senti la discrimination qu'ils sentent, surtout la discrimination dont ils sont victimes en raison de l'interprétation et de l'adoption de la Loi sur les Indiens et des modifications qui ont été apportées à cette loi au fil des ans.

Je parle donc aujourd'hui en connaissance de cause et par empathie pour ces gens et la situation difficile qu'ils vivent. J'ai trouvé, chez les Indiens Dog Rib, dans les territoires, les travailleurs les plus compétents et les plus vaillants qu'il m'ait été donné de connaître. Ils étaient toujours prêts à travailler, même dans les pires conditions climatiques et dans l'isolement, quand il y avait de l'emploi. Cependant, il n'y avait pas toujours de


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perspectives d'emploi et, quand cela arrivait, ces gens compétents et vaillants se retrouvaient au chômage.

J'ai été nommé ombudsman de la province d'Alberta, sous la direction de M. Harold Cardinal qui a occupé pendant un certain temps le poste de directeur général régional au ministère des Affaires indiennes. M. Cardinal était un important leader au Canada et il a été pendant de nombreuses années président de l'association des autochtones de l'Alberta.

C'est sous sa direction qu'a été élaboré ce que les communautés indiennes appellent aujourd'hui le livre rouge, qui faisait directement suite au Livre blanc publié par le ministre des Affaires indiennes de l'époque et actuel premier ministre. Le document proposait l'intégration des peuples autochtones à la société canadienne et l'élimination des réserves.

Le grand chef Norman Yellowbird, un de mes amis et associés, a présenté le livre rouge, rédigé par l'association des autochtones de l'Alberta, au premier ministre de l'époque, M. Trudeau.

J'ai donc eu l'occasion d'examiner de près certains des problèmes et des défis des autochtones, qui m'ont directement fait part de leurs préoccupations et de leurs points de vue au sujet de ces problèmes.

En ma qualité de consultant, j'ai reçu de nombreuses plaintes de membres de bandes qui accusaient leurs dirigeants de corruption et de dépenses injustifiées. J'ai eu connaissance des mêmes plaintes depuis que je siège au Parlement. Le ministère des Affaires indiennes examine rarement, sinon jamais, ce genre de plaintes. Le ministère ne s'y est pas intéressé dans le passé et les renseignements que j'ai obtenus de mes associés autochtones me donnent à croire qu'il ne le fait pas davantage aujourd'hui.

Il semble que le ministère choisisse plutôt d'ignorer les préoccupations de la population autochtone et de négocier l'autonomie gouvernementale avec ces mêmes chefs de conseil qui ont été accusés de fraudes et de pratiques douteuses. Bien sûr, je ne suggère aucunement que les dirigeants qui ont participé à la négociation de cette entente soient impliqués.

Mon expérience auprès des autochtones m'a permis de prendre connaissance des épreuves et des tribulations que de nombreux autochtones ont éprouvées.

(1350)

Comme beaucoup de Canadiens, je veux que l'on donne aux peuples autochtones du Canada toutes les chances raisonnables de devenir économiquement et politiquement indépendants. Je veux que l'on restaure leur dignité en mettant fin au cycle de dépendance qui est devenu si coutumier au sein des collectivités autochtones.

Le fait que la population autochtone fait partie des groupes les plus défavorisés du Canada n'est pas un secret. L'espérance de vie des autochtones est de huit ans inférieure à la moyenne. La mort par suicide est environ deux fois et demie plus courante chez les autochtones qui connaissent un taux de chômage plusieurs fois supérieur à la moyenne.

Je ne pense pas que le projet de loi C-34 sur l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon soit la solution aux nombreux problèmes que connaissent les peuples autochtones, surtout si cela doit servir de modèle aux autres accords, revendications et demandes d'autonomie gouvernementale qui concernent un grand nombre d'autres bandes au Canada. Je ne suis pas sûr que les peuples autochtones ne seront pas assujettis par les dirigeants de leur conseil à une forme autocratique de gouvernement qui les privera de l'exercice des droits qui leur sont actuellement reconnus en vertu de la Charte des droits et libertés.

Je pense qu'il faut agir progressivement dans nos démarches en vue de diminuer la dépendance des autochtones et de leur donner la possibilité de comprendre pleinement les modalités et les implications de l'autonomie gouvernementale.

À l'époque de l'Accord de Charlottetown, j'ai demandé à de nombreux amis autochtones ce qu'ils en pensaient. Bien entendu, ils n'étaient pas d'accord et ont voté contre parce qu'ils s'estimaient exclus. Ils ne saisissaient pas bon nombre de ses dispositions. Le dialogue qui, à mon avis, s'impose dans des négociations de ce genre était absent. Il doit s'installer un dialogue convenable que les gens de la base puissent comprendre.

Je recommande et appuie un mouvement vers l'autonomie qui pourrait commencer par une autodétermination garantissant la possession et le contrôle de leurs terres. J'ai été d'accord avec cela, mais je n'appuie ni n'accepte le projet de loi C-34 visant à conférer l'autonomie gouvernementale aux premières nations du Yukon.

La notion d'autonomie gouvernementale est trop vague dans ce document et on n'y donne aucune définition précise de cette expression. Je ne pourrai appuyer l'autonomie gouvernementale des autochtones que lorsque cette expression aura été clairement et expressément définie, pour que les autochtones et les autres Canadiens la comprennent et pour qu'ils n'aient pas de fausses conceptions sur le genre d'entente que conclut le gouvernement fédéral.

À l'heure actuelle, il y a trop de questions sans réponses, trop de termes non définis et trop de détails non réglés.

Que signifie l'autonomie gouvernementale? Cette expression existait déjà avant d'être appliquée aux gouvernements autochtones du Canada. Les Britanniques l'utilisaient lorsqu'ils arrivaient à la conclusion qu'une de leurs colonies était prête à devenir autonome. L'autonomie gouvernementale des autochtones a été définie de toutes sortes de façons au Canada. Beaucoup de politiciens avaient la leur par le passé. Certains ont dit qu'elle représentait plus ou moins une administration municipale chargée de la gestion relativement autonome de programmes et de


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services trouvant leurs racines dans le pouvoir des gouvernements fédéral et provinciaux.

En revanche, beaucoup d'autochtones estiment que l'autonomie gouvernementale est issue du pouvoir autochtone, soit du pouvoir légitime de peuples autochtones distincts d'élaborer leurs lois, de créer leurs institutions et de se gouverner comme ils l'entendent.

Un auteur autochtone écrit: «Le droit à l'autonomie gouvernementale va beaucoup plus loin que le droit de pratiquer notre propre culture, nos coutumes traditionnelles, notre religion et nos langues, ou de faire valoir notre propre identité. Il comprend des pouvoirs protégés par la Constitution, sur nos vies, nos terres et nos ressources, de même que le droit de déterminer la nature de nos relations courantes avec les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada.»

Non seulement le gouvernement fédéral et les peuples autochtones ne s'entendent pas sur ce que signifie vraiment l'autonomie gouvernementale, mais les commentaires de Howard Adams, autochtone lui-même et professeur en études autochtones à l'université, me portent à croire que le sens de cette expression peut varier d'un chef autochtone à un autre et même au sein de ce qu'il appelle les autochtones de la base.

Ce n'est pas entièrement différent de ce qui se passe au Canada où les Canadiens définissent la démocratie d'une façon et le gouvernement, d'une autre. Je crois que nous savons tous et que nous avons tous vu ce qui se produit lorsque les gens au pouvoir accordent plus d'importance à leurs propres points de vue qu'à ceux de leurs électeurs.

(1355)

Dans un article publié dans la revue Native Studies Review en 1992, M. Adams déclare, en parlant du référendum de Charlottetown, que les négociations sur la Constitution n'étaient pas pertinentes et ne signifiaient rien pour les autochtones de la base. Ils n'étaient pas au courant et n'avaient pas entendu parler de cette question; seuls quelques chefs et leurs organisations ont participé aux négociations.

Comme l'un de mes collègues l'a mentionné déjà, bon nombre de groupes de femmes autochtones de tous les coins du pays ont formulé des inquiétudes quant à la protection assurée par la Charte canadienne des droits et libertés, qui aurait pu disparaître si l'accord constitutionnel avait été adopté.

M. Adams affirme qu'en visitant les collectivités métisses et indiennes éloignées pour y faire des allocutions, il a constaté que ces peuples éloignés n'avaient aucune connaissance de la Constitution et des négociations et que, par conséquent, ils ne s'y intéressaient pas du tout.

Je crains fort que ce ne soit encore le cas aujourd'hui, que les autochtones de la base ne connaissent pas et ne comprennent pas vraiment les accords que leurs chefs de bandes négocient en leur nom. Rien ne porte à croire que la situation serait différente pour cet accord en particulier.

On ne leur a expliqué en détail ni l'incidence qu'aurait pour eux l'autonomie gouvernementale ni les pouvoirs auxquels ils pourraient être soumis et, par conséquent, ils n'ont jamais eu la possibilité de décider s'ils voulaient vraiment l'autonomie gouvernementale. Je dis ceci toujours en fonction de ce qui s'est produit durant les discussions constitutionnelles.

M. Adams estime également que, durant les négociations constitutionnelles, les chefs concernés n'avaient pas vraiment compris ce qui se passait. Il a écrit qu'on nageait continuellement dans la confusion et qu'on restait dans le vague à cause du manque de clarté de la terminologie et des notions comme l'autonomie gouvernementale.

Je le répète, comment pouvons-nous être certains que les chefs des conseils savaient exactement ce qu'ils signaient et, plus particulièrement, qu'ils connaissaient les conséquences à long terme de ces documents?

Dans un article publié le 25 octobre 1991 dans le Sun de Vancouver, on dit que les peuples autochtones du Canada sont au centre du débat sur la Constitution. On ajoute que leurs demandes de reconnaissance dans la Constitution, d'autonomie gouvernementale et de règlement de leurs revendications territoriales ont joué un rôle de premier plan pour ce qui est d'empêcher l'adoption de modifications qui auraient permis au Québec d'adhérer à la Constitution.

M. Adams affirme que les négociations n'étaient rien d'autre qu'un événement médiatique organisé donnant l'occasion au gouvernement précédent de bien montrer qu'il se préoccupait des droits de la personne en ce qui a trait aux autochtones et lui permettant de détourner l'attention de la menace constituée par la séparation possible du Québec.

En outre, il dit que pour en arriver à une entente véritable, il aurait fallu qu'on prévoie une plus grande participation des masses lors des négociations sur l'autonomie gouvernementale, ce qui aurait donné la possibilité de mieux connaître le point de vue et les idées des autochtones.

Rien dans le projet de loi C-34 ne m'amène à croire que le gouvernement réalise des progrès dans la définition de l'autonomie gouvernementale, que l'entente reflète vraiment les souhaits des autochtones et que les motifs de l'entente sont strictement légitimes.

Selon un article paru le 29 mars 1994 dans le Globe and Mail, le gouvernement fédéral a consacré plus de 50 millions de dollars à des négociations sur l'autonomie gouvernementale avec des groupes autochtones au cours des sept dernières années. Pourtant, il n'est parvenu qu'à une seule entente. Toujours selon le même journal, une vérification fédérale aurait permis de découvrir qu'environ 400 collectivités autochtones avaient entrepris des négociations en vue de leur autonomie gouvernementale, mais que la plupart avaient abandonné en cours de route, car le processus était long, bureaucratique, limité et formaliste.

Cette vérification décrivait, semble-t-il, un éventail de points faibles dans la politique fédérale sur la conclusion d'ententes sur l'autonomie gouvernementale au niveau des collectivités et ses auteurs concluaient que le processus était long, lourd et coûteux.

Les paiements fédéraux aux groupes autochtones pour les négociations ont augmenté de 500 p. 100 depuis le début du processus durant l'exercice 1986-1987. Le ministère des Affaires indiennes a versé 30 millions de dollars à des groupes autochtones pour les pourparlers et il a dépensé 20 autres millions pour des coûts de fonctionnement internes. Il a donc dépensé 50 millions de dollars au total et créé une petite industrie artisanale autour de ces négociations, les avocats et les dirigeants politi-

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ques étant les seuls à en profiter, alors que les conditions de vie déplorables des autochtones n'ont pas changé malgré tout.

Le Président: Bien entendu, il reste du temps au député pour son discours. Après la période des questions, nous reviendrons à son discours, suivi d'une période de questions et observations.

Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe aux déclarations de députés prévues à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


5091

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE JOUR J

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est): Monsieur le Président, la présence du très honorable Jean Chrétien en Normandie pour les célébrations commémoratives du jour J a donné aux Canadiens l'occasion de se remémorer les bonnes actions accomplies par leurs concitoyens partout dans le monde.

Je n'étais qu'une enfant pendant la Seconde Guerre mondiale, habitant une grosse ville industrielle de l'Italie. J'y ai subi les bombardements et l'absence de mon père parti se battre.

Tous les Siciliens se souviennent avec grande affection du débarquement des troupes canadiennes en Sicile, en 1943; ceux d'entre eux qui ont immigré au Canada et se sont installés à Vancouver ont célébré cet événement avec moi et les forces armées, en 1983.

L'arrivée des Alliés en Italie a signalé la fin d'une guerre cruelle et insensée, ainsi que le retour de la démocratie et de la liberté sur tout un continent et dans le monde entier.

J'aimerais remercier notre premier ministre d'avoir représenté notre pays à un événement aussi important et de s'être souvenu avec nous de cette époque héroïque.

* * *

[Français]

LA FÉDÉRATION DE L'ÂGE D'OR DU QUÉBEC

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières): Monsieur le Président, la ville de Trois-Rivières est l'hôte depuis mardi de quelque 2 500 personnes venues de tous les coins du Québec dans le cadre du Congrès de la Fédération de l'âge d'or du Québec.

De plus, 1994 marque le 25e anniversaire de fondation du Conseil de l'âge d'or de la Mauricie.

Le thème de ce congrès «La nécessaire implication sociale des aînés» nous incite à reconnaître non seulement leur contribution passée mais leur rôle et leur dynamisme présents, notamment par leurs nombreuses actions bénévoles.

Ce n'est pas en coupant dans les services qui leur sont destinés, en fermant des bureaux de ministères dans nos régions, en remplaçant le personnel par des répondeurs automatiques que ce gouvernement saura répondre adéquatement aux besoins de ces citoyens et citoyennes.

Je suis fier de saluer tous les congressistes et de les assurer de l'appui du Bloc québécois dans leurs revendications, en ayant à l'esprit qu'avant toute chose, le gouvernement devrait faire preuve du plus grand respect à leur égard.

* * *

[Traduction]

LE DÉCÈS DE M. TOM GOODE

M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, aujourd'hui, j'aimerais rendre hommage à Tom Goode, qui fut maire de Delta pendant six ans et député libéral sous le gouvernement de Pierre Trudeau. Il est décédé le week-end dernier d'un cancer; il avait 60 ans.

Tom Goode était un bon ami, un homme de qualité, un libéral dont le cercle d'amis et d'admirateurs ne se limitait pas aux membres du parti.

Tom avait bon espoir de survivre à cette terrible maladie, comme en témoigne le fait qu'il avait accepté, il y a seulement quelques semaines, le poste de président du comité des politiques du Parti libéral de Delta North.

Tom, qui avait débuté sa carrière politique comme conseiller scolaire, avait été élu député libéral de Burnaby-Richmond-Delta, en 1968. En 1973, il devenait maire de Delta.

En politique, on respectait son honnêteté et son intégrité. C'était un homme charmant, de rapport fort agréable. Sa mort laisse un grand vide dans nos vies.

* * *

LE PLAN NORD-AMÉRICAIN DE GESTION DE LA SAUVAGINE

M. Ian Murray (Lanark-Carleton): Monsieur le Président, je voudrais informer tous les députés et tous les Canadiens qu'une mise à jour du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine a été signée ce matin.

Le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine a été signé en 1986. Il était conçu pour protéger 3,6 millions d'hectares de terres humides et de terres hautes au Canada. Avec la signature de cette mise à jour, le Canada prolonge son engagement jusqu'en 1999.

Sans cette forme de conservation, la sauvagine qui dépend de ces habitats continuerait de décliner. Depuis la mise en oeuvre de ce plan, les populations de plusieurs espèces de sauvagines, comme le canard chipeau et la sarcelle à ailes bleues, ont commencé à augmenter.


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[Français]

Dans l'esprit de la Semaine de l'environnement, souvenons-nous, donc que la préservation de l'environnement est un engagement continu, et la signature de ce plan renforce l'engagement du gouvernement à cet égard.

* * *

[Traduction]

LE MONUMENT DU CHAMP DE BATAILLE DE STONEY CREEK

M. Tony Valeri (Lincoln): Monsieur le Président, je prends la parole pour faire savoir à mes collègues que j'ai eu le plaisir, la fin de semaine dernière, de participer à la réouverture du monument du champ de bataille de Stoney Creek. Je voudrais féliciter très sincèrement le comité de préservation du monument et la collectivité de Stoney Creek d'avoir entrepris ce projet.

Le monument est situé à l'endroit même où s'est déroulée la bataille de Stoney Creek, le 6 juin 1813. Alors que l'on célèbre cette semaine le 50e anniversaire du débarquement, il est bon de se souvenir des sacrifices des soldats loyalistes pendant la guerre de 1812. Certains ont payé le prix ultime, mais ce faisant ils ont aidé le Canada à naître fort et libre.

Le monument du champ de bataille de Stoney Creek nous rappelle que ceux qui sont venus avant nous estimaient qu'il valait la peine de risquer sa vie pour défendre ce que nous appelons maintenant le Canada. C'est leur héritage.

Le monument de Stoney Creek témoigne de notre gratitude envers ces soldats, montre qu'ils ne sont pas morts en vain et garantit que l'on se souviendra de leur sacrifice.

* * *

(1405)

LA SEMAINE NATIONALE DES TRANSPORTS

M. Joe Fontana (London-Est): Monsieur le Président, comme d'autres députés l'ont fait avant moi cette semaine, je veux rendre hommage à tous ceux qui oeuvrent dans l'industrie des transports, au Canada.

L'industrie des transports est un élément majeur de l'économie de notre nation, et dans toutes les régions du Canada. Entre autres retombées directes de cette industrie, on note les emplois, les salaires et les exportations.

Le transport remplit une grande variété de fonctions. Il établit la souveraineté canadienne sur un immense territoire, assure les échanges entres les régions et les marchés et relie aux grands centres les petites localités éloignées.

En dernière analyse, les transports permettent de nos jours une circulation efficace et fiable des gens et des biens. Cette année, le ministre des Transports a annoncé que la Semaine nationale des transports se déroulait sous le thème «L'intermodal, la clé de l'avenir». Ce thème et les activités prévues pour cette semaine s'inscrivent dans le cadre des initiatives prises par le gouvernement et l'industrie à l'égard de la réglementation et des politiques, pour promouvoir des services de transport qui se complètent harmonieusement.

Le gouvernement croit que la réalisation de systèmes de transport combiné modernes et améliorés favorisera la croissance économique à long terme en permettant aux Canadiens de s'approvisionner et de livrer leurs produits sur les marchés, rapidement et à un prix concurrentiel.

* * *

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, mercredi dernier, le programme des Nations Unies pour le développement rendait public le rapport mondial sur le développement humain. Tandis que les libéraux se targuaient en cette Chambre du premier rang qu'occupe le Canada pour le développement humain, ils omettaient de parler des piètres performances du Canada dans certains domaines importants.

Il faut rappeler aux Canadiennes et aux Canadiens que le rapport fait état qu'en matière de disparité entre les sexes, le Canada se classe neuvième; que le Canada est un des champions en matière de chômage; qu'il traite mal sa population autochtone; que le Canada est un des pires gaspilleurs de ressources naturelles des pays de l'OCDE et qu'il est peu respectueux de l'environnement.

Les libéraux, au lieu de se faire du capital politique facile, auraient plutôt avantage à analyser le rapport et à tenter de rechercher des solutions viables aux grands problèmes canadiens.

* * *

[Traduction]

LE BUDGET DES DÉPENSES PRINCIPAL

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, je prends la parole pour commenter le débat d'aujourd'hui, à la Chambre, sur les propositions de dépenses présentées dans le Budget des dépenses principal pour 1994-1995.

Depuis 1969, l'examen annuel du Budget des dépenses principal effectué par le Parlement a donné lieu, en tout, à une misérable réduction d'un millionième pour cent des dépenses proposées par le gouvernement au Parlement, pour approbation.

J'espère que mes collègues vont repenser leur habitude d'approuver machinalement le Budget des dépenses principal du gouvernement. Hier, la Chambre a autorisé le gouvernement à dépenser 160,3 milliards de dollars, ajoutant 39,7 milliards à la dette nationale, sans même envisager de modestes réductions des dépenses.

On pourrait croire que le gouvernement d'un pays qui a une dette de plus de 500 milliards sauterait sur toutes les occasions de réduire ses dépenses et accueillerait favorablement toutes les suggestions en ce sens.

* * *

LA CONSTITUTION

M. John Harvard (Winnipeg St. James): Monsieur le Président, l'automne dernier, les Canadiens ont signifié sans la moindre ambiguïté qu'ils en avaient assez de l'incertitude engendrée


5093

par l'ancien gouvernement et ses discussions sur la Constitution canadienne. Ils ont élu un gouvernement qui leur promettait de miser sur des questions plus essentielles, soit la création d'emplois et la croissance économique.

Pourtant, mardi dernier, la Chambre a été de nouveau saisie de la question constitutionnelle, grâce à une initiative du chef du Parti réformiste. L'ironie, c'est que le parti qui avait promis que la réduction du déficit serait sa priorité absolue et juré de ne pas discuter de la Constitution est celui-là même qui a amorcé un débat soulevant tellement de division.

Cette contradiction apparente est peut-être une des raisons qui expliquent la baisse de popularité du Parti réformiste partout au Canada, surtout au Manitoba et en Saskatchewan.

Les députés de l'opposition ont tenté de faire dériver les affaires nationales en tendant un piège constitutionnel. Nous ne sommes pas dupes. Nous ne dérogeons pas à nos plans. Les Canadiens peuvent avoir l'assurance que nous gardons le cap.

* * *

[Français]

LE DROIT À L'AUTODÉTERMINATION

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le Président, après mon discours sur l'unité nationale le 7 juin, le député de Laurier-Sainte-Marie m'avait posé une question touchant à la souveraineté et au droit à l'autodétermination.

Le droit international contemporain ne reconnaît le droit à l'autodétermination que pour des peuples. Il n'y a rien dans ce droit qui exige que l'autodétermination soit effectuée par la rupture d'un État multinational déjà existant. Ce droit peut être exercé en restant au sein d'un État fédéral pluraliste comme le nôtre. Au sens politique et non juridique, les francophones québécois, comme nos autochtones, peuvent être qualifiés de nation.

* * *

[Traduction]

RESULTS CANADA

M. Mac Harb (Ottawa-Centre): Monsieur le Président, la malnutrition affecte un enfant sur trois dans les pays en développement. De nos jours, plus de 1,2 milliard d'êtres humains n'ont absolument pas d'eau propre à leur disposition et, dans de nombreux pays, l'accès à l'éducation et aux soins de santé primaires est considéré comme étant un luxe hors de portée.

(1410)

Results Canada est un organisme dont le but est de créer une volonté politique de mettre définitivement un terme à la faim et à la pauvreté. Partout dans le monde, il faut satisfaire à des besoins humains fondamentaux, que ce soit en matière d'alphabétisation, d'immunisation et d'accès à de l'eau propre.

Results Canada encourage l'autosuffisance économique. Par l'intermédiaire de la banque Grameen, au Bangladesh, de petits prêts ont été consentis aux populations rurales les plus démunies, de sorte que plus de la moitié de ceux qui ont bénéficié de prêts ont réussi à s'en sortir et à se débrouiller seuls.

Le succès de ce programme a suscité l'établissement de la fiducie Grameen, qui finance la mise sur pied d'autres programmes de prêts pour le développement dans les pays du tiers monde.

Je félicite tous les employés et les bénévoles de Results Canada pour l'excellent travail qu'ils ont accompli.

* * *

[Français]

LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe): Monsieur le Président, de sa propre initiative, le député de Glengarry-Prescott-Russell et whip adjoint du gouvernement libéral a fait circuler une pétition visant à museler l'opposition officielle. Cette pétition, qui cherchait ni plus ni moins à censurer les propos de cette Chambre, doit être dénoncée sévèrement parce qu'antidémocratique dans son fondement.

Doit-on rappeler que près de deux millions d'électeurs du Québec se sont exprimés démocratiquement en faveur de notre option que nous n'avons jamais cachée à la population, et que c'est non seulement notre droit mais surtout notre devoir de parler de la souveraineté du Québec?

Monsieur le Président, nous allons continuer de parler de la souveraineté, conformément au mandat démocratique qui nous a été confié le 25 octobre dernier par la population du Québec qui nous a donné plus des deux tiers de ses députés et confirmés en tant que opposition officielle. Maintenant, nous connaissons le vrai visage du député de Glengarry-Prescott-Russell et celui des libéraux, c'est-à-dire celui de l'intolérance et de la mesquinerie.

* * *

[Traduction]

LA FAMILLE

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam): Monsieur le Président, les Canadiens ont clairement fait savoir que la famille est l'une des institutions les plus importantes à leurs yeux et qu'il importe de renforcer cette pierre angulaire de la société. Il importe que quelqu'un se fasse le défenseur de cette cause.

Les députés réformistes ont décidé d'assumer ce mandat. Notre groupe de travail sur la famille s'efforcera de renforcer le statut et le bien-être de la famille en jouant un rôle de chef de file relativement à d'importantes initiatives et en contestant les politiques et mesures législatives qui portent préjudice ou qui nuisent au rôle de la famille.

Le groupe de travail a pour mission de protéger les familles canadiennes contre un contrôle et une ingérence inacceptables de la part du gouvernement. Le mandat du groupe réaffirme le fait que la famille est l'unité fondamentale de la société, de même que le fondement de notre structure socioéconomique. La famil-


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le est aussi le cadre idéal pour élever nos enfants et leur transmettre nos croyances, nos convictions et nos valeurs.

Le Parti réformiste veillera à ce qu'il continue d'en être ainsi même sous le régime libéral.

* * *

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je profite de ces quelques instants pour annoncer les dernières réalisations du gouvernement fédéral dans l'est du Québec.

Il y a quelques jours, les gouvernements du Canada et du Québec ont annoncé six projets totalisant 2,7 millions de dollars. De plus, ce matin, j'ai annoncé pour ma circonscription un projet de plus d'un demi million de dollars.

Le 2 juin dernier, la députée de Rimouski-Témiscouata disait en cette Chambre, en parlant du Bureau fédéral de développement régional, et je cite:

Lorsqu'on m'apprend qu'il ne reste que 2 millions pour le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, moi, j'appelle ça des caisses vides.
Depuis une semaine, c'est 3,2 millions de dollars qui furent investis dans l'est du Québec. La députée de Rimouski-Témiscouata aurait avantage à avoir plus d'objectivité dans ses propos. Il n'est donc pas surprenant que son parti, son chef et son option soient en perte de vitesse au Québec. Il est temps que cessent les calomnies de l'opposition.

* * *

[Traduction]

L'UNITÉ NATIONALE

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, la semaine dernière, de nombreux événements ont eu lieu afin de marquer le cinquantième anniversaire du jour J et de rendre hommage à ceux qui se sont sacrifiés afin que nous puissions jouir de la liberté qui est la nôtre aujourd'hui en tant que Canadiens.

Par ailleurs, un débat a eu lieu mardi dernier dans cette Chambre sur l'unité canadienne. De par sa nature même, ce débat remet en cause l'avenir de notre pays.

Dans un rapport englobant plus de 100 pays, les Nations Unies ont conclu que le Canada était le meilleur endroit où vivre.

Nous acceptons nos différences de couleur, de religion, de langue et de culture. En outre, nous partageons toujours l'idéal pour lequel de nombreux Canadiens ont combattu et payé de leur vie, à savoir un Canada fort et uni où les rêves deviennent des réalités.

Vive un Canada pour tous les Canadiens!

(1415)

LA LIGUE DE SOFTBALL CHALLENGER

Mme Jane Stewart (Brant): Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion de souligner la création de la ligue de softball Challenger, à Paris, en Ontario.

Il s'agit d'une ligue spéciale pour des enfants spéciaux, où des garçons et des filles aux prises avec des troubles physiques, mentaux ou émotifs se retrouvent sur le terrain pour jouer au base-ball, ce sport que nous connaissons et que nous aimons tous.

Je voudrais les féliciter pour l'enthousiasme qu'ils ont communiqué aux membres de cette localité qui ont organisé cette ligue et leur dire, au nom de leurs parents: «Continuez votre bon travail. Vous allez connaître une saison remarquable.»

* * *

L'ENVIRONNEMENT

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Monsieur le Président, il y a quelques semaines, le rapport du Comité permanent de l'environnement et du développement durable était déposé à la Chambre des communes. Dans son rapport, le comité recommandait la création d'un poste de commissaire à l'environnement et au développement durable et l'élargissement du mandat du vérificateur général afin que celui-ci tienne compte des questions environnementales.

Je suis très heureux d'appuyer le travail du Comité de l'environnement et d'avoir collaboré à la rédaction du rapport, pendant les délibérations du comité actuel et au cours de la dernière législature, lorsque je m'occupais des questions environnementales.

Je recommande le rapport à la ministre de l'Environnement et lui demande de l'examiner attentivement et de présenter à la Chambre des communes un projet de loi visant à mettre en oeuvre les recommandations du comité.

* * *

LES JEUX DU CANADA DE 1995

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, les Jeux du Canada de 1995 auront lieu à Grande Prairie, localité située dans la circonscription de Peace River, que je représente. Les Jeux du Canada constituent les plus importantes compétitions canadiennes auxquelles participent nos meilleurs athlètes amateurs.

Hier soir, le nom des tout premiers présidents honoraires des Jeux du Canada a été dévoilé. Il s'agit d'Alexandre Daigle et de Kerrin Lee-Gartner, deux athlètes canadiens remarquables et fort connus.

Alexandre Daigle, vedette des Sénateurs d'Ottawa, a participé aux derniers Jeux d'hiver du Canada, en 1991. À l'époque, il était membre de l'équipe québécoise de hockey.

La skieuse Kerrin Lee-Gartner, de l'Alberta, a procuré des sensations fortes aux Canadiens en remportant la médaille d'or en descente aux Jeux olympiques d'Albertville, en 1992.

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En tant que présidents honoraires, ces deux athlètes extraordinaires ont accepté de faire la promotion des Jeux du Canada un peu partout, notamment à la radio, à la télévision et dans les journaux.

J'espère que mes collègues à la Chambre sauront, comme eux, capter l'esprit des Jeux du Canada.

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QUESTIONS ORALES

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, lors de son passage à Paris, où il assistait à la Conférence de l'OCDE sur la main-d'oeuvre, le ministre du Développement des ressources humaines aurait déclaré que son plan d'action n'est toujours pas prêt et qu'il ne serait rendu public que dans six semaines, soit à la mi-juillet, alors que l'échéancier original du ministre prévoyait qu'il serait dévoilé à la fin d'avril.

Le ministre du Développement des ressources humaines confirme-t-il que son plan d'action n'est toujours pas prêt et qu'il ne sera dévoilé qu'à la mi-juillet, en pleine vacances, à l'abri de toute vigilance publique, pour ainsi dire à la cachette, et sans que le Parlement ne puisse en débattre avant l'ajournement des travaux?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, d'abord, je peux assurer l'honorable député que ma visite en Europe a été plus productive que celle du chef de l'opposition en ce qui touche les Canadiens.

[Traduction]

Je peux lui affirmer que la décision que nous avons prise d'examiner l'ensemble des programmes pouvant améliorer les possibilités d'emploi des Canadiens a été largement et fermement appuyée par tous les autres pays de l'OCDE. Cela veut dire que nous sommes sur la bonne voie et que le chef de l'opposition ne l'est pas.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, le ministre trouve qu'il a fait un voyage profitable, puisqu'il a réussi à faire adopter son plan d'action par les autres ministres du monde entier. Je lui suggérerais d'abord de le faire adopter par les ministres provinciaux du Canada.

Je demanderais au ministre s'il peut aussi nous confirmer qu'aucune date n'a encore été fixée pour la tenue de la conférence fédérale-provinciale des ministres de la Sécurité du revenu. Et faut-il comprendre qu'il a renoncé à tenir cette conférence fédérale-provinciale avant l'automne?

(1420)

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, la décision d'adopter ou non nos propositions n'est l'apanage d'aucun gouvernement, étranger ou canadien. C'est aux Canadiens qu'il revient de prendre cette décision. Et, pour cela, ils participeront au cours des prochains mois à des consultations et des discussions publiques, transparentes et approfondies.

Nous avons promis d'en discuter à fond avec les provinces, avec les Canadiens, avec les principaux intéressés, et nous allons tenir promesse.

Il est malheureux que le seul groupe qui conteste au Canada cette tentative de réforme soit le Bloc québécois, et nous savons pourquoi.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, le ministre est manifestement un grand démocrate. Il s'engage à tenir un débat public libre et vigoureux à la mi-juillet. Tel est le genre de démocratie que nous avons.

J'imagine que des Canadiens de tous les coins du pays vont débattre chaudement le plan du ministre dans leur chalet, au bord de l'eau.

[Français]

Au-delà de cet optimisme de circonstance que le ministre vient d'afficher, est-ce qu'il ne reconnaît pas que son entêtement à imposer ses vues à des gens qui ne veulent pas de son plan, à des gouvernements des provinces qui ne veulent pas de son plan d'action, est en train de faire dérailler la réforme qu'il avait en tête?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, le chef de l'opposition a peut-être l'intention de passer l'été à se reposer au chalet, au bord de l'eau, mais nous, nous allons travailler tout l'été à mettre au point un bon plan. Tel est notre engagement.

J'espère que, en signe de bonne volonté et par charité, le chef de l'opposition ne touchera pas son salaire pendant les deux ou trois mois d'été où il n'a manifestement pas l'intention de travailler, contrairement à nous et aux Canadiens en général.

Je pense que le chef de l'opposition ne comprend pas ce qui se passe. Il ne semble pas saisir ni appuyer des efforts visant à mettre au point une démarche claire et détaillée qu'envisage maintenant le Cabinet, qui sera rendue publique et qui aboutira à la tenue, à l'automne, d'importantes consultations publiques où tous les Canadiens intéressés pourront s'exprimer. Tel est notre plan et tel est notre engagement. Les seules personnes à nous


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mettre des bâtons dans les roues sont le chef de l'opposition et ses troupes.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. Dans son discours prononcé mardi, à Paris, devant l'OCDE, le ministre du Développement des ressources humaines s'engageait, et je cite: «. . .à bâtir un nouveau programme qui vise à remettre les Canadiens au travail-un nouveau programme-tout en garantissant une sécurité du revenu à ceux qui en ont besoin.»

Étant donné que sa déclaration constitue un désaveu cinglant de l'action du gouvernement en matière de création d'emploi, qui s'est limitée jusqu'ici aux jobs temporaires du programme des infrastructures, doit-on comprendre du discours du ministre que le gouvernement va enfin mettre en oeuvre une politique active de création d'emploi?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, après deux ans de travaux, l'OCDE a présenté un rapport qui a été appuyé par tous les pays touchés et où il est dit que beaucoup des programmes traditionnels de création d'emplois doivent maintenant s'accompagner de mesures énergiques de lutte contre le chômage structurel. Tous les pays sont dans la même situation.

Ce que nous disons, et ce que j'ai dit, c'est que les initiatives que nous prenons pour modifier en profondeur notre façon d'aider les gens à trouver des emplois, pour soutenir et renforcer nos programmes de formation et d'éducation, pour créer de nouvelles possibilités d'emploi et pour offrir des programmes d'emploi spécifiquement axés sur les jeunes ne sont qu'un début. Nous continuerons sur notre lancée en nous adaptant aux circonstances et aux orientations que prennent les négociations.

(1425)

L'intervention doit se faire sur deux fronts en même temps: nous devons stimuler l'économie, ce que nous faisons grâce au programme d'infrastructure, et nous devons entreprendre une importante restructuration de notre économie, ce que le ministre des Finances a annoncé dans son budget. Nous devons aussi apporter des modifications de fond à notre politique des ressources humaines. Tout cela s'inscrit dans le cadre d'une vaste stratégie que nous avons l'intention de mettre en oeuvre.

Il est malheureux que la députée ne puisse pas comprendre à quel point il est important que nous travaillions tous ensemble pour atteindre notre objectif.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, finalement doit-on comprendre que la politique de création d'emploi du gouvernement, fût-elle inspirée par l'OCDE, consiste essentiellement à réduire les bénéfices des programmes sociaux, comme ce fut le cas pour le Régime d'assurance-chômage afin de contraindre les chômeurs à trouver des emplois qui n'existent pas?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, d'après sa question, je conclus que la députée n'a pas lu le rapport de l'OCDE. Je m'attendrais à ce que les gens s'informent avant de poser des questions. Je sais que la députée ne veut pas s'empêtrer dans les faits, mais, en l'occurrence, il serait très important qu'elle lise le rapport avant de poser ses questions.

Ce n'est pas ce que l'OCDE a dit. L'organisme a déclaré que nous devrions apporter de profondes modifications à notre politique du marché du travail et à notre politique sociale pour mettre davantage l'accent sur la création d'emplois et sur les services aux travailleurs. C'est l'élément principal du rapport.

Je serai très heureux d'envoyer une copie de ce rapport à la députée pour qu'elle puisse mettre ses connaissances à jour.

* * *

LES SUBVENTIONS AU TRANSPORT

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

Une chose plutôt étrange s'est produite hier. En effet, le ministre des Transports aurait dit aux médias que, l'été prochain, le gouvernement cessera de verser des subventions aux chemins de fer pour le transport des céréales à Vancouver et à Thunder Bay. Pendant la campagne agricole de 1993-1994, ces subventions se sont chiffrées à près de 650 millions de dollars.

C'est là une mesure que les réformistes préconisent depuis des années, une mesure qui devrait faire partie d'une réforme agricole globale mûrement réfléchie. Pourtant, jusqu'à hier, les agriculteurs de l'Ouest n'avaient rien entendu à ce sujet de la part du ministre de l'Agriculture.

Quel rôle le ministère de l'Agriculture a-t-il joué dans cette décision et quelles politiques le ministre compte-t-il mettre en place pour préparer l'industrie céréalière à cet important changement?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Monsieur le Président, le ministre des Transports a dit clairement hier que le gouvernement a l'intention de repenser, dans un avenir plus ou moins rapproché, son rôle à l'égard des subventions directes au transport à la lumière des obligations commerciales du Canada sur la scène internationale et dans le but de doter notre pays de systèmes de transport compétitifs et efficaces.

J'ai répété maintes et maintes fois à la Chambre que nous avons entrepris de vastes consultations avec tous les groupes intéressés au sujet de la réforme possible du système de transport du grain de l'Ouest. Un de ces processus de consultation prend la forme d'une étude sur l'efficacité des systèmes de transport, qui est effectuée par l'Office du transport du grain. Nous avons déjà


5097

reçu le rapport de cette étude et sommes en train de l'examiner à l'interne. Il y a aussi une autre étude en cours, effectuée celle-là par le groupe de travail sur les paiements versés aux producteurs. Cette étude porte sur la méthode de paiement de la subvention du Nid-de-Corbeau en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

Je m'attends à recevoir un rapport final de ce groupe de travail à la fin de juin ou peut-être au début de juillet. Nous tiendrons compte de toutes ces données au moment de prendre des décisions à l'avenir. J'ai dit très clairement que, avant que le gouvernement ne prenne quelque décision que ce soit, ces rapports et ces études feront l'objet d'autres consultations avec les agriculteurs et les organisations agricoles de l'ouest du Canada en particulier et avec tous les groupes intéressés dans le reste du pays. Aucune décision finale n'a encore été prise.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, pour la plupart des Canadiens, il existe franchement une grande différence entre ce que le ministre peut entendre par «avenir plus ou moins rapproché» et les propos du ministre des Transports rapportés par les médias. Ce dernier parle de juillet 1995, ce qui est un très bref délai, presque aussi bref que le temps que le ministre a pris pour répondre à la question.

Comme le ministre le sait, les réformistes préconisent de consolider une douzaine de programmes de soutien du revenu agricole en trois programmes. Nous proposons donc de réaffecter à la réduction du déficit une partie des économies ainsi réalisées, et de réaffecter les subventions versées dans le cadre du Régime d'assurance du revenu brut et de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest à un programme d'adaptation à la suppression des programmes à effet de distorsion commerciale, à un compte élargi de stabilisation du revenu net agricole et à un régime renforcé d'assurance-récolte.

(1430)

Je voudrais que le ministre nous dise quelle proportion des 650 millions de dollars versés en subventions aux sociétés ferroviaires sera consacrée à un programme de sécurité du revenu, nouveau ou existant, et quelle proportion sera réaffectée à la réduction du déficit ou à quelque autre fin.

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Monsieur le Président, le député m'invite à anticiper sur le processus de consultation qui se déroule depuis quelques mois d'un bout à l'autre du pays. Je ne suis évidemment pas porté à le faire, car je veux connaître les recommandations qui résulteront de ces consultations avant de prendre des décisions.

Quant aux questions que le député a soulevées en matière de délai, le nouvel Accord du GATT doit entrer en vigueur quelque part en 1995. Nous pensons que ce sera le 1er juillet, mais des discussions se poursuivent encore entre les pays membres du GATT quant à la date précise de mise en application de l'accord.

Quand cet accord entrera en vigueur, il exigera l'imposition de certaines règles en matière de subventions, dont l'application se fera graduellement sur une période de cinq ou six ans. Le délai dont a parlé le député, c'est-à-dire d'ici 1995, correspond évidemment au délai avant l'entrée en vigueur de l'Accord du GATT. Une fois qu'il sera entré en vigueur, les changements seront appliqués graduellement sur une période d'au moins six ans.

Le Président: Je suis convaincu que tous les députés tiendront à poser des questions et à donner des réponses aussi précises que possible.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, nous sommes en juin 1994, et juillet 1995 arrivera très rapidement. D'ici à ce que le ministre ait terminé ses consultations, le ministre des Transports aura déjà procédé aux changements.

Si l'on avait apporté ces modifications à l'octroi de subventions pour le transport des céréales lorsque les agriculteurs réformistes de l'Ouest les ont demandées pour la première fois, au lieu d'attendre qu'un Accord du GATT nous oblige à les apporter, les agriculteurs canadiens auraient eu de bien meilleures chances de s'adapter. Cela fait partie du prix que les agriculteurs des Prairies doivent payer parce que le gouvernement libéral tire de l'arrière au lieu de prendre les devants.

En quoi consistent le plan et l'échéancier du gouvernement qui doivent permettre aux producteurs céréaliers de l'Ouest de s'adapter rapidement aux taux de fret établis en fonction du marché?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Monsieur le Président, le député ne l'a peut-être pas remarqué, mais c'était un autre gouvernement qui était au pouvoir au Canada entre le moment où la Loi sur le transport du grain de l'Ouest a été adoptée en 1984 et, sauf erreur, le 4 novembre l'an dernier. Si le député se préoccupe du retard survenu durant cette période, il devrait peut-être adresser ses questions à qui de droit.

Quant au processus actuellement en cours, j'ai dit, quelques jours après avoir commencé à assumer mes fonctions de ministre de l'Agriculture et très certainement durant le débat en réponse au discours du Trône de janvier dernier ainsi que dans d'autres discours que j'ai faits à la Chambre et dans des allocutions que j'ai prononcées devant des organisations agricoles de toutes les régions du Canada, que le gouvernement actuel a un programme très dynamique pour améliorer la compétitivité et la rentabilité de l'industrie agricole canadienne et pour assurer sa prospérité future.

Nous avons exposé notre programme très clairement, et le député constatera, dans les semaines et les mois à venir, que le gouvernement est fermement déterminé à trouver une solution aux problèmes urgents des agriculteurs canadiens.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, dans un document d'accompagnement du Budget, sur les modifications proposées au régime d'assurance-chômage, on peut lire, et je cite: «Le ministre du Développement des ressources humaines proposera un plan d'action en vue de la réforme en avril, et le


5098

Comité permanent du développement des ressources humaines tiendra bientôt des audiences publiques. Un rapport sera déposé au Parlement à l'automne, de nouvelles mesures législatives seront présentées avant la fin de 1994».

Compte tenu des retards à rendre public son plan d'action et compte tenu également de l'opposition farouche des provinces à sa réforme des programmes sociaux, le ministre du Développement des ressources humaines entend-t-il toujours déposer des modifications législatives avant la fin de 1994, comme il en avait pris l'engagement au moment du discours du Budget?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, j'avoue ne pas avoir les mêmes dons de clairvoyance que le député.

Le député parle d'une vive opposition de la part des provinces à un plan qui n'a pas encore été déposé. Comment peut-il le savoir? Elles n'ont pas pris connaissance du plan et lui non plus. Nous ne l'avons pas encore déposé.

Je puis dire au député que, à la rencontre de tous les ministres provinciaux en décembre dernier, ceux-ci ont réclamé des changements d'importance dans nos programmes. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec eux et nous avons eu des échanges en janvier et février ainsi qu'au printemps. Nous aurons encore d'autres entretiens avant le dépôt du rapport.

(1435)

Le fait que le député spécule sur la possibilité d'une forte opposition montre encore que le Bloc québécois ne cherche pas à avoir un débat sérieux, mais à enrayer le processus.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, comment le ministre peut-il prétendre être capable de respecter son échéancier initial, alors que le Québec sera, à ce moment-là, en pleine période électorale et que plusieurs provinces, je le rappelle, s'opposent vigoureusement à son projet de réforme des programmes sociaux?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, il est vrai que le député ne siège pas ici depuis très longtemps. Il doit comprendre que nous n'établissons pas notre plan de travail en fonction des élections provinciales. Notre souci premier est le bien des Canadiens, et nous cherchons à leur redonner du travail. C'est le mandat que nous avons obtenu en octobre dernier.

Un des éléments clés de notre stratégie est de veiller à appliquer des programmes d'emploi plus efficaces, des programmes de sécurité plus efficaces, et nous croyons que les Canadiens de toutes les régions seront disposés à collaborer avec nous pour atteindre cet objectif.

Je le répète encore, le seul groupe qui refuse obstinément toute réforme, tout changement, toute amélioration, c'est le Bloc québécois.

* * *

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Ces six derniers mois, la Chambre et les comités ont passé au peigne fin les budgets des dépenses et les nombreuses propositions qui ont été faites pour réduire encore davantage les dépenses prévues dans le budget du ministre. Or, aucune de ces propositions de réduction des dépenses n'a été appuyée par les députés ministériels. En fait, hier soir, même une modeste proposition de réduction de 20 000 $ a été rejetée.

Le ministre pourrait-il prendre la parole et dire à tous les députés, qu'ils soient à sa droite, à sa gauche, devant ou derrière lui, qu'il est permis de voter en faveur de réductions des dépenses qui dépassent celles prévues dans son budget, que nous ne sommes plus dans les années 1970, mais dans les années 1990, et qu'il fera bon accueil aux propositions de ses collègues de réduire davantage les dépenses que ne le prévoit le budget?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, notre gouvernement et les députés ministériels conviennent tous qu'il faut réduire le déficit, qu'il faut diminuer les dépenses et qu'il faut, comme nous l'avons dit à maintes reprises, remettre les Canadiens au travail parce que c'est le meilleur moyen de réduire le déficit.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, que les députés d'en face cessent de le dire et qu'ils passent à l'action en appuyant certaines des motions que nous proposons pour réduire davantage les dépenses.

Ma question supplémentaire s'adresse au ministre. Plus tôt cette année, le gouvernement a modifié le Règlement pour permettre aux comités de faire des recommandations sur les dépenses de l'an prochain, à condition qu'ils le fassent avant le 23 juin.

Le ministre peut-il nous donner l'assurance qu'il fera bon accueil à ces recommandations et qu'il est prêt à les appuyer, y compris les propositions de réduction des dépenses au-delà de ce que prévoient les ministères?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, j'ai déjà dit à maintes reprises dans cette Chambre, en réponse à des questions de nos vis-à-vis, que nous étions tout à fait ouverts aux suggestions légitimes de réduction des dépenses ou aux propositions visant à rendre le gouvernement plus efficace.


5099

J'espère que les députés d'en face appuieront le gouvernement dans l'examen très approfondi de chacun des programmes qu'a entrepris le ministre du Renouveau de la fonction publique.

* * *

(1440)

[Français]

LES JEUNES CONTREVENANTS

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, le projet de loi C-37 sur les jeunes contrevenants soulève un tollé chez les spécialistes québécois en matière de criminalité juvénile.

Hier, à l'Assemblée nationale, le ministre de la Justice du Québec a demandé à son homologue fédéral de retirer son projet de loi en soulignant que ce retrait, et je cite, «serait extrêmement satisfaisant pour le Québec, et c'est ce qu'on souhaite.»

Le ministre de la Justice entend-il donner suite à la requête du gouvernement du Québec de retirer son projet de loi?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, le gouvernement entend procéder avec le projet de loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants dans l'intérêt, à notre avis, des Canadiens et du système de justice en général.

Je suis sensible aux observations qu'a faites mon homologue du Québec. J'ai écouté attentivement les arguments soulevés par M. Lefebvre et mes homologues des autres provinces à la conférence qui a eu lieu en mars.

Les amendements que nous proposons dans le projet de loi C-37 constituent, à notre avis, d'importantes améliorations au système de justice pour les jeunes, tout en accordant à chaque province la souplesse nécessaire pour le gérer conformément à ses objectifs.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, devant les protestations unanimes de l'ensemble des intervenants du Québec, le ministre est-il au moins prêt à résister au discours répressif minoritaire de l'opinion publique du Canada anglais exprimé surtout dans l'Ouest?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, les amendements que nous avons présentés la semaine dernière ne visent pas les Canadiens de l'Ouest ou des Maritimes. Ils visent à améliorer le système de justice pour les jeunes au Canada.

Permettez-moi de souligner qu'une partie très importante de ces amendements ont pour but d'augmenter les peines fondées sur la réadaptation sociale et sur la justice réparatrice que le Québec applique fréquemment dans la gestion de la loi et de renforcer également au Québec le système de justice pour les jeunes.

L'IMMIGRATION

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Le ministre a déclaré à de nombreuses reprises qu'il entendait consulter le public avant d'établir un plan d'immigration décennal. Or, le ministre s'est également engagé à plusieurs reprises à réaliser la promesse du livre rouge, qui prévoit porter le taux d'immigration annuel à 1 p. 100 de la population.

Que prévoit faire le ministre: laisser le public décider du plan d'immigration ou s'en tenir aux objectifs d'immigration énoncés dans le livre rouge?

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, le ministre a énoncé très clairement ce qu'il entendait faire.

Le ministre a mis en place le plus important processus de consultation de toute l'histoire du Canada dans le domaine de l'immigration. Cet exercice aboutira à la tenue, en septembre, d'un forum national. C'est à ce moment-là que le plan sera dévoilé. Si la députée a la patience d'attendre, elle pourra en prendre connaissance le moment venu.

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam): Monsieur le Président, le président de Ekos Research, M. Frank Graves, a déclaré, à la réunion de Montebello, qu'une majorité de Canadiens estimaient que le niveau d'immigration était déjà trop élevé.

La hausse du niveau d'immigration à 1 p. 100 proposée par le ministre ne correspond pas, de toute évidence, au souhait des Canadiens. Il ne s'agit pas, selon moi, d'un plan de consultation, mais d'un plan de relations publiques.

Le ministre reconnaît-il que la véritable raison pour laquelle il dépense un million de dollars est qu'il veut changer l'opinion des Canadiens, et non les écouter?

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je remercie la députée. Je suppose que si nous pouvions faire changer les gens d'opinion avec un million de dollars, la vie serait plus facile pour tout le monde.

Il s'agit d'un exercice de consultation généralisé qui se déroule dans tous les grands centres au Canada. La députée a nommé une personne qui estime que le niveau d'immigration est trop élevé. Il y en a sans doute d'autres qui pensent la même chose, mais il y a aussi beaucoup de gens qui s'occupent de près de l'immigration et qui ont un point de vue différent.

Nous nous sommes engagés, dans le livre rouge, à maintenir le niveau d'immigration à 1 p. 100. Nous consultons la population canadienne et nous continuerons de le faire. Une fois cet exercice terminé, nous présenterons un plan décennal.


5100

(1445)

LE TRANSPORT DU GRAIN DE L'OUEST

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est): Monsieur le Président, hier, le ministre des Transports a dit clairement que le gouvernement fédéral abolirait, à compter de juillet prochain, toutes les subventions au transport du grain de l'Ouest, ce qui représente un montant de 600 millions de dollars.

Par ailleurs, le ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire, en entendant cette déclaration, s'est empressé de dire tout aussi clairement que le Cabinet n'avait pas encore tranché définitivement la question. C'est dire que la déclaration du ministre des Transports a pour le moins surpris et gêné le ministre de l'Agriculture.

Comment le ministre des Transports peut-il justifier son étonnante déclaration au sujet de l'abolition des subventions au transport du grain de l'Ouest, alors que son collègue, le ministre de l'Agriculture, n'en a visiblement pas été informé puisqu'il a catégoriquement déclaré hier soir, et encore aujourd'hui à la Chambre, que le Cabinet n'avait pas encore tranché définitivement la question?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, pour que le député comprenne bien les propos d'hier, j'ai dit, en ma qualité de ministre des Transports et conformément à la mesure annoncée dans le plan budgétaire, que nous songions à réduire les subventions que le ministère des Transports accorde pour diverses formes de transport.

J'ai déjà clairement signalé que le ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire et d'autres avaient pris part au processus de consultation dont le ministre a parlé aujourd'hui, et ce, afin de voir comment nous pouvions continuer d'aider le secteur agricole.

Bref, la prudence nous commande, dans le contexte de nos accords commerciaux internationaux, d'envoyer un message qui précise clairement que nous allons modifier nos modalités de paiement en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est): Monsieur le Président, le ministre des Transports a bien précisé que, à compter du 1er juillet, toutes les subventions seraient annulées en raison du GATT. Il sait, ou plutôt il ne sait pas, qu'il n'y a pas de lien direct entre les subventions dans l'Ouest et le GATT.

Le ministre des Transports ne trouve-t-il pas qu'il se montre très indifférent envers un programme qui a des conséquences importantes pour l'élevage des animaux et la production céréalière entre l'Est et l'Ouest, sachant que, dans le passé, ces discussions ont toujours déclenché un tollé chez les agriculteurs?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, je ne suis pas indifférent à la situation dans l'Ouest, en ce qui concerne le Nid-de-Corbeau, et je n'ai pas besoin de lire mes questions comme le député vient de le faire.

Une chose est claire. Quand nous nous sommes penchés sur ce qui allait arriver à partir du 1er juillet prochain, nous avons bien pris soin de dire que le ministère des Transports reconnaissait qu'il fallait changer la façon dont ces subventions étaient versées, en raison des accords internationaux.

Je connais très bien les antécédents du député. S'il ne sait pas trop quelles sont les répercussions des accords commerciaux internationaux sur la façon dont nous allons devoir administrer ce genre de programmes, je l'invite à faire ses devoirs et à se rattraper sur les questions agricoles dont il s'occupait il y a 15 ans, quand il pensait connaître quelque chose à l'agriculture.

* * *

[Français]

LA GLOBULINE ANTILYMPHOCYTAIRE

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé. Depuis mardi dernier, l'opposition prétend que la vie de deux enfants a été sérieusement mise en danger après qu'ils aient reçu le médicament ALG. Ayant moi-même deux jeunes enfants, cette situation m'inquiète beaucoup.

Quand cet incident a-t-il eu lieu et est-il vrai que la vie des deux enfants a été mise en danger en raison du médicament ALG?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, les allégations irréfléchies de l'opposition officielle sont graves. Tout d'abord, l'incident en question a eu lieu il y a cinq ans à l'hôpital Sainte-Justine de Montréal.

Selon l'hôpital, deux enfants parmi une cinquantaine ont eu une réaction allergique mineure. Ils ont été tous deux traités, le rein n'a pas été rejeté. Aujourd'hui, ces deux enfants vont bien. Laissez-moi vous dire, monsieur le Président, que Justine Lacoste-Beaubien, qui a fondé l'hôpital Sainte-Justine en 1907 va s'être retournée dans sa tombe à entendre parler le Bloc québécois ainsi de l'institution qu'elle a fondée pour sauver la vie des enfants au Québec.

(1450)

J'ai une responsabilité envers les Canadiens en matière de santé et l'opposition officielle en a une elle aussi. Elle devrait se servir des fonds de recherche pour vérifier ces faits avant d'alarmer la population canadienne inutilement. Si on veut m'attaquer politiquement, c'est très bien, mais qu'on ne se serve pas des enfants pour le faire.

* * *

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

En 1991, le gouvernement fédéral a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Depuis, un débat est en cours au Canada en ce qui concerne le droit des parents de donner une fessée à leurs enfants. L'article 43 du Code criminel


5101

protège les parents qui emploient une force physique raisonnable pour corriger leurs enfants.

Le ministre peut-il dire à la Chambre s'il envisage d'abroger l'article 43 du Code criminel?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je sais que, comme la plupart des questions qui ont trait au système de justice, l'article 43 est actuellement à l'étude au ministère de la Justice.

Je peux aussi dire au député que, à ma connaissance, il n'est pas prévu, pour le moment, de proposer de modifier cet article. En cas de changement, je le lui ferai savoir.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, le 22 mars 1994, le Star de Toronto rapportait que 70 p. 100 des parents croient parfois nécessaire d'employer la force physique pour corriger leurs enfants.

Nous croyons comprendre que le gouvernement fédéral étudie actuellement l'article 43 du Code criminel. Le ministre peut-il dire à la Chambre qui est chargé de l'étude, quel en sera le coût et quand les députés pourront avoir un exemplaire des conclusions de cette étude?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, cette étude se fait au ministère de la Justice.

Combien coûte-t-elle? J'ignore si le coût de cette étude a été établi à part, mais je sais qu'elle s'inscrit dans le cadre du travail ordinaire du personnel professionnel du ministère. Je peux le confirmer. Quant à savoir ce qui va advenir de cette étude, cela n'a pas encore été décidé. Aucune décision n'a encore été prise. Nous ne savons pas si des recommandations vont être formulées, si cette question va être débattue publiquement ou si un changement va être proposé.

Je peux seulement dire au député que, comme une grande partie du système de justice en général, cet article fait actuellement l'objet d'une étude. Aucune décision n'a encore été prise au sujet d'un éventuel changement.

* * *

[Français]

LES NAVIRES SOUS PAVILLON DE COMPLAISANCE

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

La pratique qui consiste, pour les armateurs canadiens, à placer des navires sous pavillons étrangers afin d'éviter la législation canadienne prive les marins canadiens d'emplois et le Trésor public de revenus. Le ministre des Finances sera sûrement d'accord. Il s'agit donc d'une pratique nuisible pour le Canada et pourtant, certains armateurs canadiens y ont recours.

Ma question est la suivante: Comment le ministre des Transports peut-il justifier que deux navires, le Bluenose et le Atlantic Freighter, appartenant à Marine Atlantic, propriété à 100 p. 100 du gouvernement du Canada, opèrent sous pavillon des Bahamas?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, je remercie mon honorable collègue de sa question. C'est certainement quelque chose que l'on doit examiner. Je veux assurer mon collègue que je vais vérifier aujourd'hui même à savoir exactement quand ces deux navires ont été transférés, parce qu'on sait qu'il y a un bon bout de temps que Marine Atlantic est en affaires et que cela fait surtout un bon bout de temps que le Bluenose fait le trajet dans la région de l'Atlantique.

(1455)

Je m'engage à retourner dans les plus brefs délais et d'aviser mon honorable collègue du moment où cela s'est passé. Évidemment, nous allons aussi regarder la politique à ce sujet.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, le ministre des Pêches qui prétend pourchasser des pirates partout sur les mers devrait peut-être commencer à pourchasser son collègue ministre des Transports qui est un pirate lui-même.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Chers collègues, j'espère qu'on va rester ici plutôt qu'au fond des mers. Je prierais mon collègue de bien vouloir retirer le mot «pirate».

M. Guimond: Monsieur le Président, je retire le mot «pirate», mais je voulais tout simplement mentionner que le ministre se comporte comme un pirate.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Je demande à l'honorable député de bien vouloir retirer ces propos.

M. Guimond: Monsieur le Président, je m'excuse auprès de vous et je retire ces propos.

Comment le ministre explique-t-il que le Lloyds Register of Ships de 1993-1994 précise que ces deux navires appartenant à Marine Atlantic sont détenteurs d'un enregistrement des Bahamas avec Nassau comme port d'attache?

[Traduction]

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, après avoir écouté le discours de mon collègue je comprends un peu mieux. De toute évidence, il a fait sa recherche aux Bahamas où le rhum est excellent.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Si cela continue, il va me falloir un remontant.

M. Young: Monsieur le Président, m'étant fait traiter de pirate, il fallait bien que je trouve une raison à cela.


5102

Bref, je tiens à répéter au député que je vais me renseigner au sujet de l'enregistrement de ces deux navires. J'essaierai de savoir en particulier quand a été fait l'enregistrement aux Bahamas, car il est clair que ces deux navires sont en service depuis longtemps. J'aimerais que le Bloc québécois, et en particulier le chef de l'opposition, soit cohérent en ce qui concerne les pavillons étrangers des navires au Canada.

* * *

AIR CANADA

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke): Monsieur le Président, plus tôt cette année, le ministre des Transports a conclu en catimini une entente pour accorder à Air Canada des droits d'atterrissage à Osaka, au Japon. À l'époque, il a nié l'existence d'un accord, mais deux jours plus tard, il a confirmé la nouvelle. Maintenant, Air Canada exerce des pressions pour obtenir d'autres droits d'atterrissage au Japon et en Chine.

Le ministre pourrait-il nous signaler s'il participe à la négociation, dans les coulisses, d'une autre entente unilatérale de cette nature avec Air Canada ou s'il envisage de le faire?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, la réponse est non.

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke): Monsieur le Président, le ministre est-il d'accord pour laisser Air Canada et les Lignes aériennes Canadien international négocier leurs propres ententes, à moins que l'intervention du gouvernement ne s'impose, et le cas échéant, va-t-il s'engager à ce qu'elle soit tout à fait visible et transparente?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, bien entendu, si les dirigeants d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien international souhaitent discuter de questions d'intérêt mutuel, ils ont tout à fait le droit de le faire. En ce qui concerne la transparence, là encore, ce sont eux qui devront décider en fonction de leurs intérêts commerciaux.

Je voudrais signaler au député que toute décision au sujet de l'attribution de routes aériennes est toujours examinée très minutieusement et nous espérons qu'on agira toujours dans l'intérêt de nos lignes aériennes nationales et de la population canadienne en général.

* * *

(1500)

[Français]

LE CRTC

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine canadien.

L'opposition vous a laissé tranquille aujourd'hui, alors j'en profiterai. Est-ce que le ministre a reçu des objections formelles des groupes francophones hors Québec au sujet du réseau d'information de la Société Radio-Canada et qu'entend-il faire pour s'assurer que les francophones du Canada reçoivent les services qui leur reviennent de droit?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, je peux confirmer avoir reçu une communication de la Fédération des communautés francophones et acadienne. Elle me demande d'intervenir pour faire modifier ou renverser la position prise par le CRTC au sujet du réseau qui vient d'être mentionné. Mon intention est de faire des recommandations au gouverneur en conseil pour qu'il puisse prendre une décision dans les délais prévus par la loi.

* * *

[Traduction]

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de M. Sein Win, représentant démocratique de la Birmanie.

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, vous avez deviné le sens de mon intervention. Je désire demander à mon honorable collègue de nous faire part du menu législatif pour les prochains jours.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je fais maintenant, à la demande du leader parlementaire de l'opposition, la déclaration hebdomadaire concernant l'ordre prévu des travaux.

Permettez-moi tout d'abord de remercier les leaders parlementaires des partis d'en face pour leur empressement à partager avec nous tous les renseignements utiles afin de faciliter les travaux de la Chambre pour le reste du mois.

Je décris ici l'ordre des travaux, mais je voudrais préciser qu'on pourrait le modifier un peu pour faciliter la tâche aux députés et ainsi accélérer les choses.

Je veux aussi souligner qu'une grande partie de l'ordre des travaux est fonction du retour des projets de loi étudiés en comités.

Aujourd'hui, la Chambre continuera d'étudier les projets de loi C-34 et C-33 qui concernent l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales au Yukon. Nous espérons pouvoir terminer la deuxième lecture de ces projets de loi aujourd'hui, mais si nous n'y arrivons pas, nous terminerons au début de la semaine prochaine.

Demain, nous étudierons la motion no 13 concernant l'examen, par un comité, de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

5103

Lundi, le premier article inscrit à l'ordre du jour sera le projet de loi C-35 qui traite de la réorganisation du ministère de la Citoyenneté.

Les discussions se poursuivent pour voir s'il est possible de faire passer toutes les étapes à ce projet de loi. Sinon, nous devrons nous arrêter à la deuxième lecture. Nous étudierons ensuite le projet de loi C-23, Loi mettant en oeuvre la convention pour la protection des oiseaux migrateurs, et le projet de loi C-24, qui concerne les espèces sauvages.

Je crois comprendre qu'il se pourrait qu'il y ait une entente pour aborder le projet de loi C-11 sur le tabac, dès lundi soir, si le temps le permet.

De toute façon, mardi, nous commencerons par ce projet de loi, qui sera suivi du projet de loi C-16 concernant le règlement de la revendication territoriale des Dénés du Sahtu et du projet de loi C-36 concernant l'accord de règlement avec la première nation crie de Split Lake, au Manitoba, relativement à la submersion de terres.

Nous entamerons ensuite l'étude à l'étape du rapport du projet de loi C-22 portant sur l'aéroport Pearson.

Pour accommoder le porte-parole de l'opposition officielle qui sera absent mercredi, nous discuterons de la possibilité d'appeler le projet de loi C-22 plus tôt si les choses n'évoluent pas aussi rapidement que prévu, de façon à commencer à l'étudier pendant que le porte-parole sera encore présent.

(1505)

Mercredi, nous débuterons avec le projet de loi C-12 modifiant la Loi sur les sociétés par actions, suivi du projet de loi C-28 sur les prêts aux étudiants, et du projet de loi C-31 qui porte sur Téléfilm Canada.

Si cela n'est pas possible, après consultations on pourrait reprendre l'étude du projet de loi C-37 sur les jeunes contrevenants dont je sais qu'il donnera lieu à de longs débats.

Jeudi, nous aborderons le projet de loi C-38 concernant la sûreté du transport maritime. Le gouvernement a l'intention d'appliquer le nouveau paragraphe 73(1) du Règlement et de renvoyer le projet de loi au comité avant la deuxième lecture.

Le reste de la journée sera consacré au projet de loi C-22 et à tout ce qui n'aura pas été terminé depuis le début de la semaine.

Nous pensons présenter notre mesure législative sur le lobbying à la fin de la semaine prochaine et consacrer vendredi à l'étude d'une motion, prévue au paragraphe 73(1) du Règlement, visant à renvoyer également ce projet de loi au comité avant la deuxième lecture.

Nous commençons à recourir à l'une des nouvelles dispositions du Règlement que nous avons adoptées il y a quelques mois, peu de temps après le discours du Trône.

Quoi qu'il en soit, il serait quelque peu présomptueux de vouloir prédire ce qui se passera la dernière semaine pendant laquelle la Chambre siégera, soit la semaine du 20 juin, mais je peux dès maintenant prévenir la Chambre que cette semaine-là, le gouvernement a l'intention de lui soumettre les projets de loi C-32, C-30, C-25 et C-7, ainsi qu'un projet de loi mettant en oeuvre plusieurs amendements qui ont déjà été étudiés par le Comité de la justice, et de lui demander de terminer tout ce qui ne l'aura pas été la semaine précédente.

S'il nous reste du temps, nous pourrons certainement faire beaucoup d'autres choses.

Le président suppléant (M. Kilger): Oserai-je demander si c'est tout?

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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES PREMIÈRES NATIONS DU YUKON

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-34, Loi relative à l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, avant l'interruption, j'étais en train de dire, au sujet du projet de loi C-34, que le ministère des Affaires indiennes avait dépensé 50 millions de dollars et ainsi créé une industrie artisanale dans le contexte de ces négociations sur les revendications territoriales et, bien sûr, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Évidemment, cette industrie n'a profité qu'aux avocats et aux dirigeants politiques. Les conditions de vie déplorables de l'autochtone moyen n'ont pas changé d'un iota par suite de ces dépenses.

Après 50 millions de dollars et la présentation du projet de loi C-34, de nombreuses questions restent toujours sans réponse. La plus importante est celle-ci: comment se passera l'autonomie gouvernementale? S'agira-t-il d'un transfert de pouvoirs ou seulement d'un transfert de responsabilités administratives? Cela veut-il dire que 30, 40, 50 ou 100 nations auront chacune leur propre gouvernement et le pouvoir d'adopter leur propre constitution, leurs propres lois et leurs propres règles de citoyenneté?

Cela ne fera qu'ajouter un autre niveau de gouvernement à ceux que nous avons déjà, et il en résultera de nouveaux dédoublements, de nouveaux impôts et de nouvelles dettes.

Les gouvernements fédéral et provinciaux seront-ils ensevelis sous les demandes de nombreux petits gouvernements inefficaces?

(1510)

Comment la Charte canadienne des droits et libertés s'appliquera-t-elle? Les premières nations auront-elles leur propre constitution et leurs propres systèmes de justice et d'éducation? Toutes ces questions font l'objet de promesses dans le document. Je m'arrête brièvement sur la question constitutionnelle.

On accorde aux premières nations le droit d'élaborer leur propre constitution. La définition même de l'expression «droit inhérent à l'autonomie gouvernementale» indique que les premières nations ne seront pas assujetties aux lois adoptées par le


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gouvernement fédéral ou les provinces. Pour l'amour du ciel, comment peut-on s'attendre qu'elles élaborent une constitution établissant leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, si cette constitution ne dépend pas de la Constitution canadienne dont fait partie la Charte des droits et libertés? Les auteurs du projet de loi n'ont pas répondu à cette question.

Les peuples non autochtones seront-ils assujettis aux pouvoirs de gouvernements sur lesquels ils n'auront aucune influence? Quel type de droit à l'autonomie gouvernementale les peuples autochtones ont-ils lorsqu'ils ne se trouvent pas sur des terres autochtones? Est-ce que j'aurai besoin d'un passeport pour aller sur ces nouvelles terres? Les questions surgissent indéfiniment.

Je ne crois pas pouvoir appuyer ce projet de loi, même si, comme un grand nombre de mes collègues, je suis favorable à son orientation. Cependant, les questions que nous avons soulevées jusqu'à maintenant dans le débat restent sans réponse et, pour être en mesure d'appuyer cette mesure, nous devons être certains que nous savons où elle nous conduit, quels sont les droits et les obligations qui en découlent, et quelles sont les responsabilités, non seulement des deux paliers de gouvernement, mais aussi de cette nouvelle forme de gouvernement qu'il fera naître.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole relativement au projet de loi C-34, qui porte sur quatre ententes d'autonomie gouvernementale avec des peuples autochtones du Yukon.

Il reste dix autres accords semblables à conclure. Toutefois, si cette mesure est adoptée, il s'ensuivra que les ententes futures seront approuvées uniquement par le Cabinet. Ces ententes ne seront donc pas soumises à un examen parlementaire et, par conséquent, échapperont au contrôle des Canadiens.

L'accord en question porte sur l'autonomie gouvernementale de peuples autochtones qui vivent dans une région du Canada qui est vaste mais peu peuplée. Il importe d'examiner certains points saillants de cette mesure législative et, notamment, de voir ce qui est accordé aux autochtones, par rapport au reste des Canadiens.

Le projet de loi C-34 confère des droits et des privilèges spéciaux à certains peuples autochtones du Yukon. À titre de représentant de tous les Canadiens, cette situation me préoccupe. Selon moi, ce projet de loi sèmera la discorde. On y définit les citoyens des premières nations comme un groupe distinct. Par conséquent, nous risquons de nous retrouver avec deux groupes de citoyens différents, chacun avec leurs règles et règlements particuliers.

Nous nous trouvons ainsi à créer des gouvernements distincts pour des nations distinctes, à l'intérieur des frontières de notre pays. En effet, nous nous retrouverons avec de nouveaux gouvernements qui jouiront d'importants pouvoirs législatifs différents de ceux qui s'appliquent au reste du pays.

Les autochtones se considèrent comme une nation distincte ne faisant pas partie du Canada. Je ne conteste pas ce point de vue. Il va de soi qu'il s'agit d'une question d'ordre philosophique. Le fait de se considérer comme une nation distincte d'une autre à l'intérieur d'un même pays peut sembler séduisant aux yeux de certains, mais je pense qu'une telle perception ne peut que semer la discorde.

Les peuples autochtones devraient se demander si ce statut va effectivement favoriser une amélioration de leurs conditions socioéconomiques, ou s'il ne va pas plutôt semer la discorde et aller à l'encontre du but recherché. Par ailleurs, les autres Canadiens doivent se demander s'ils sont prêts à accepter cette situation dans leur pays.

Je pense, comme la majorité des Canadiens, que le Yukon appartient à chacun d'entre nous. Jetons un coup d'oeil sur certains détails de la mesure législative. Le projet de loi C-34 fera passer de deux à seize le nombre de gouvernements au Yukon. Il s'ensuivra une bureaucratie, une fiscalité et une réglementation plus lourdes, et ce, pour seulement 7 300 résidents, soit 20 p. 100 de la population totale du Yukon. C'est de l'apartheid. Cela sent la vieille Afrique du Sud. Nous sommes en train de créer des États à l'intérieur des frontières de notre pays. C'est une toute nouvelle forme d'apartheid canadien.

(1515)

Pour ceux qui ne le savent pas, l'apartheid signifie la ségrégation et non l'unité, et l'apartheid risque de survenir à un moment où nous devrions tous conjuguer nos efforts pour assurer la survie de notre pays. Il serait sage de réfléchir à cela et à ce qui se produira au Yukon si ces projets de loi sont adoptés. La discorde règnera.

On ne s'est pas encore interrogé non plus sur la structure du corps législatif qui sera habilité à adopter des lois au Yukon. Cette question n'a pas encore été éclaircie. Il incombera au corps législatif autochtone de le faire. Toutefois, je voudrais faire valoir un point à ce sujet. Aux termes du projet de loi, le pouvoir législatif pourrait être confié à une seule personne, car la mesure législative ne renferme aucune disposition concernant les institutions démocratiques, ce qui me préoccupe grandement.

Il faut aussi se demander qui paiera les frais associés à cette autonomie gouvernementale. Ce seront les contribuables canadiens et les autochtones, certes, mais les contribuables canadiens paieront la plus grande part de la note. Dans un tel cas, ils devraient avoir leur mot à dire dans les résultats des négociations prévues dans le projet de loi. Le coût de l'autonomie gouvernementale dépassera de beaucoup les sommes que dépense actuellement le gouvernement fédéral pour offrir des services aux autochtones de cette région.

Il faut prendre du recul et étudier la question plus générale qui se pose, en fait, la question la plus importante qui soit, celle du bien-être des autochtones. Personne ne contestera, je crois, que chacun doit pouvoir exercer ses droits et libertés démocratiques. Personne ne veut empêcher quelque groupe que ce soit de se gouverner en municipalité comme cela se fait partout au Canada.

Toutefois, est-ce en prévoyant ces accords spéciaux vastes et élastiques concernant une partie du Canada qui appartient à tous les Canadiens que nous allons améliorer le sort des autochtones? Revenons à nos moutons ici et veillons à appeler un chat un chat. Beaucoup de nos collectivités autochtones sont cruellement aux


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prises avec des taux très élevés de suicide, d'alcoolisme, de toxicomanie, de chômage, de dépression et d'abus sexuels.

En tant que médecin, j'ai passé beaucoup de temps auprès des autochtones, dans le nord de la Colombie-Britannique. Cela me fend le coeur de voir le triste sort de ces gens-là. J'en ai vu se faire violer, se faire passer la tête à travers le mur, se faire battre, se faire blesser, se faire tuer, subir les ravages de l'alcoolisme. J'en ai vu subir cela pendant des années avant de mourir finalement sur une civière d'hôpital.

Il est intolérable que cela ait pu arriver et il est intolérable que cela continue. Certes, la responsabilité en revient en partie à la population non autochtone et notamment aux gouvernements du Canada qui continuent d'être paternalistes avec ces gens-là en satisfaisant nombre de leurs besoins fondamentaux sans essayer de les encourager à être autonomes.

Toute personne ou tout groupe dont on satisfait les besoins fondamentaux cessent de vouloir se battre pour les satisfaire eux-mêmes et perdent donc toute estime de soi, toute fierté et toute autonomie.

J'ai aussi pensé faire porter une bonne partie du blâme par les autochtones et leurs dirigeants qui, à mon avis, n'ont pas voulu prendre le taureau par les cornes et se demander ce qu'ils pourraient faire eux-mêmes pour sortir leurs collectivités des situations tragiques où elles se trouvent.

Est-ce que les dirigeants autochtones croient vraiment qu'en réglant leurs revendications territoriales et leurs demandes d'autonomie gouvernementale différemment de tous les autres-et il est important d'insister sur le mot différemment-ils pourraient plus facilement sortir leurs peuples des situations tragiques où ils se trouvent? Veulent-ils, en s'appuyant sur l'histoire, obtenir pour leurs peuples, une partie du territoire canadien où ils pourraient vivre comme ils vivaient il y a 150 ans? Croient-ils que ce soit ce que leurs peuples désirent ou ce dont ils ont besoin?

S'ils veulent revenir en arrière et vivre uniquement de ce que produit la terre, très bien, mais ils ne peuvent pas faire cela et espérer avoir un magnétoscope, une automobile, un lecteur de disques compacts et tous les autres avantages dont profitent les pays riches au XXe siècle. En d'autres mots, ils ne peuvent pas avoir le meilleur des deux mondes.

À toutes les époques de l'histoire, des groupes d'individus ont été déplacés d'une région à une autre, des groupes ont étendu leur territoire et se sont emparés de territoires où d'autres groupes vivaient. Cela s'est produit aussi bien au Canada qu'aux États-Unis, en Australie et en Angleterre. C'est un fait incontournable de l'histoire de l'humanité. Personne ici ne peut y faire quoi que ce soit. Nous devons nous tourner vers l'avenir et chercher des moyens d'améliorer la situation socio-économique de tous les groupes qui vivent au Canada. Cela est particulièrement important dans le cas des peuples autochtones parce que leur situation socio-économique est la pire.

(1520)

Cependant, il incombe à ces peuples de se demander ce qu'ils peuvent faire pour s'aider eux-mêmes. Dans mes discussions avec les peuples autochtones, j'ai constaté qu'ils ne cherchaient malheureusement pas les solutions avec toute l'application voulue. Ils parlent de retrouver leur fierté et leur autonomie. Je peux certifier que la seule façon de retrouver sa fierté et son autonomie c'est de les gagner par ses propres moyens. On ne peut y parvenir qu'à force de labeur et par la volonté de lutter pour se procurer ce qui est nécessaire à la vie.

La fierté et le respect de soi ne sont pas des choses qui se donnent, qui se paient ou qui s'achètent. Ce sont des choses qui viennent du coeur et de l'âme, qui viennent de la capacité d'une personne ou d'une collectivité de lutter pour sa vie. Je ne parle pas ici d'une lutte armée, mais bien d'une lutte au sens spirituel du terme.

Lorsqu'on travaille fort et qu'on lutte pour sa vie dans le monde d'aujourd'hui, qu'on sorte gagnant ou perdant, on acquiert un sens de la fierté, du respect de soi, de l'autonomie et de l'amour-propre que personne ne peut détruire. C'est ce que les collectivités autochtones doivent faire pour en arriver là.

Comme je l'ai déjà dit, ces valeurs doivent venir des collectivités elles-mêmes. Les gouvernements fédéraux et provinciaux ont trop fait pour se plier aux exigences des collectivités autochtones, et celles-ci ont perdu le désir de lutter pour améliorer leur sort.

L'intégrité culturelle, sociale et linguistique n'est pas nécessairement compromise mais, encore une fois, la responsabilité repose sur la population autochtone. La mosaïque culturelle que nous avons au Canada apporte beaucoup à tous les citoyens. S'il fallait que notre population autochtone perde son histoire et sa culture, ce serait désastreux non seulement pour elle, mais pour tous les Canadiens, autochtones et non-autochtones.

Au lieu de verser ces énormes montants aux autochtones en guise de règlement des revendications territoriales, il serait peut-être préférable de trouver des façons d'unir nos efforts pour aider les peuples autochtones à devenir autonomes. Évidemment, cela n'exclut pas la possibilité pour les autochtones d'avoir des gouvernements municipaux, mais ce sont là des droits dont jouissent tous les Canadiens, qu'ils soient autochtones ou non. Je répète encore une fois que les règles, les règlements, les lois, les responsabilités et les privilèges doivent être les mêmes tant pour tous les citoyens de notre pays, autochtones et non-autochtones.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe): Monsieur le Président, je suis un peu étonnée par les propos du député d'en face.

Il a dit qu'il avait travaillé comme médecin auprès des autochtones et qu'il avait parlé avec eux. Il me semble qu'il ne les a pas vraiment écoutés et qu'il n'a pas appris quoi que ce soit à leur sujet. Il a parlé d'autonomie gouvernementale, mais il l'a fait d'une façon plutôt brouillonne. S'il comprenait vraiment en quoi


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consiste l'autonomie gouvernementale, il changerait une bonne partie des propos qu'il vient de tenir.

J'ai eu l'honneur de participer à une réunion avec un groupe de chefs venus d'un peu partout au Canada. Un chef de l'Ouest qui savait très bien s'exprimer a parlé de l'autonomie gouvernementale. Il a parlé de ses relations avec le ministère des Affaires indiennes. Il a parlé aussi des problèmes qu'éprouvent les autochtones parce qu'ils n'ont pas les mêmes droits que beaucoup de Canadiens prennent pour acquis.

L'argent généré par les baux et par l'activité économique dans leurs localités va au ministère. Ils doivent faire la demande d'argent en soumettant des budgets, qui peuvent être rejetés. Il a fait une description très éloquente et très poignante de cette vie-là et a ajouté, en regardant de mon côté: «L'autonomie gouvernementale, c'est seulement une façon d'avoir les mêmes droits fondamentaux dont jouissent les autres Canadiens.»

Je suis vraiment très embarrassée pour poser une question au député d'en face. Je n'ai qu'une suggestion à faire, et c'est que vous ouvriez votre esprit et votre coeur. . .

(1525)

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Je sais que dans le feu du débat, certains ressentent une grande conviction car la question dont ils discutent leur tient beaucoup à coeur. Je tiens cependant à rappeler à tous les députés à la Chambre qu'il est dans le plus grand intérêt de tous d'exprimer leurs observations sur un ton moins personnel en s'adressant à la présidence.

J'inviterais tous les députés à ne pas l'oublier tout au long de la journée.

Mme Kraft Sloan: Monsieur le Président, j'inviterais le député à réfléchir à certaines de ses expériences; qu'il ouvre son esprit et son coeur et écoute vraiment ce que les gens lui disent; qu'il cherche vraiment à savoir quelle est la vie des habitants des localités autochtones et quel genre de relations ils ont à l'heure actuelle; et enfin qu'il examine vraiment en quoi consiste l'autonomie gouvernementale.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, j'apprécie beaucoup les observations de la députée d'en face. Qu'elle le croie ou non, ses propos viennent appuyer ce que j'ai dit. Je souscris à bon nombre de ses observations.

Le ministère des Affaires indiennes a une attitude paternaliste, il ne sert pas du tout les autochtones et il devrait être éliminé. Les autochtones et bien des gens à la Chambre partagent cette opinion. Il est insultant pour les autochtones qu'une organisation comme celle-là les gouverne de cette façon. Ils ne méritent pas cela.

Je vais répéter ce que j'ai dit au moins à deux reprises dans mon discours: notre parti préconise des droits égaux, un statut égal et des chances égales pour tous les Canadiens, autochtones et non-autochtones. Nous devrions nous employer tous ensemble, autochtones et non-autochtones, à conjuguer nos efforts collectivement pour déterminer comment chaque individu qui vit dans ce magnifique pays peut réaliser son plein potentiel.

Nous devons démanteler certains des obstacles auxquels se heurtent les autochtones. Je me demande toutefois si le règlement des revendications territoriales contribuera à cela. Il est impossible de créer une économie dans certaines régions éloignées visées par le règlement des revendications territoriales, et il ne faut pas s'attendre à ce que les gens de ces régions puissent améliorer leur situation socio-économique. Cela ne se produira pas. Nous devons aider les autochtones à réaliser leur plein potentiel. Je suis certain que nous pouvons faire cela.

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap): Monsieur le Président, le projet de loi C-34, Loi relative à l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon, est une mesure que j'aimerais beaucoup appuyer.

Je voudrais le faire, et je le dis sans malice aucune envers le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien parce que j'ai hâte que le ministère des Affaires indiennes disparaisse. Cela voudra dire que les personnes nées dans les réserves indiennes ou de parents appartenant aux premières nations auront assumé les pleins droits et les pleines responsabilités de citoyens adultes au lieu de vivre sous la tutelle pas toujours bienveillante d'une lointaine figure de père de race blanche, au gouvernement fédéral.

Je voudrais appuyer le projet de loi C-34 parce que je sais que des hommes et des femmes du monde entier considèrent les peuples autochtones comme un trésor mondial. Toute nation moderne qui saura intégrer au monde moderne, comme associés à part entière, ses peuples autochtones méritera les louanges et la gratitude du monde.

Je voudrais appuyer le projet de loi C-34 si je le pouvais parce qu'il est juste et bien que les Canadiens membres des premières nations se montrent prêts à prendre leurs propres affaires en main, et que ce droit leur soit remis de façon raisonnable et efficace.

Enfin, si cela m'était possible, je voudrais appuyer le projet de loi C-34 parce que la politique réformiste, soutenue par nos milliers de membres à des assemblées régulières, consiste à encourager les démarches menant à une conclusion rapide et mutuellement satisfaisante des négociations sur les revendications territoriales en souffrance et permettant aux individus, aux collectivités et aux organisations autochtones d'assumer la pleine responsabilité de leur bien-être en les faisant participer à l'élaboration, à l'application et à l'évaluation des politiques gouvernementales qui les visent.

Comme j'approuve personnellement ces quatre raisons d'appuyer la démarche vers l'autonomie gouvernementale, c'est avec déception et même avec irritation que je lis les raisons qui m'empêchent d'appuyer le projet de loi C-34.

(1530)

Les incroyables zigzags de ce projet de loi ont créé un piège administratif étrangement complexe dans lequel se feront pren-


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dre les représentants bien intentionnés des premières nations en cause et du gouvernement du territoire du Yukon.

Je ne veux pas dire du mal des motifs des rédacteurs du projet de loi C-34. Il ne fait pas de doute qu'ils avaient les meilleures intentions du monde. Il n'en reste pas moins qu'ils ont amorcé le processus de reconnaissance de l'autonomie gouvernementale des autochtones, qui se fait attendre depuis longtemps, en formulant deux hypothèses fondamentalement fausses.

Je déduis ces hypothèses des dispositions du projet de loi C-34. À l'annexe III, parties I, II, III et IV, le projet de loi C-34 accorde aux premières nations la compétence pour tout ce qui concerne le maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement, soit sur toutes les questions qui seraient confiées à une nation comme le Canada lui-même.

Par exemple, les premières nations auront compétence dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre, soit ce que le Québec demande en vain depuis des années. En outre, le projet de loi C-34 prévoit que les premières nations auront compétence dans le domaine du contrôle ou de l'interdiction de la possession d'armes à feu ainsi que d'autres armes et explosifs.

L'article 21 de la partie III accorde au gouvernement autochtone un pouvoir qui a été réservé au gouvernement fédéral et dont les gouvernements provinciaux ont été privés. Mais, par suite de l'adoption du projet de loi C-34, le pouvoir de légiférer en matière d'armes à feu sera accordé à ces quatre premières nations.

À titre de troisième exemple, l'article du projet de loi qui porte sur l'administration de la justice prévoit certes que des accords transitoires doivent être conclus, mais il reste qu'à l'expiration de ces accords les quatre premières nations auront le droit d'administrer la justice, y compris d'imposer des amendes maximales de 5 000 $ et des peines d'emprisonnement maximales de 6 mois.

Autrement dit, le projet de loi C-34 interprète très littéralement le terme nation quand il confère des pouvoirs législatifs aux quatre premières nations en cause. Est-ce raisonnable?

Je ne suis pas fort en géographie, mais je n'ai jamais entendu parler d'une nation qui aurait une population de moins de 10 000 âmes. Les villes, municipalités et districts régionaux au Canada comptent plus de 10 000 habitants et ces niveaux de gouvernements administratifs éprouvent souvent de la difficulté à financer le genre de dépenses que doivent engager les gouvernements municipaux, comme le salaire des inspecteurs d'immeubles chargés de vérifier si les nouvelles entreprises de construction respectent les normes concernant, le filage électrique, la solidité des fondations et la sécurité en cas d'incendie.

Dans l'optique du projet de loi C-34, chacune de ces quatre présumées premières nations est considérée comme ayant, à toutes fins utiles, tous les droits et responsabilités d'un pays moderne développé comme le Canada, qui compte 28 millions d'habitants.

Le projet de loi C-34 confère les droits spéciaux, privilèges et obligations d'une nation à ces groupes qui comptent en tout quelque 7 300 autochtones répartis en 14 bandes éparpillées sur l'un des territoires les moins densément peuplés de la planète.

Encore une fois, je demande aux députés si cette mesure est raisonnable? À mon avis, elle est non seulement déraisonnable, mais tragique. En effet, le projet de loi C-34 impose des exigences trop lourdes et condamne ainsi à l'échec une des premières expériences d'autonomie gouvernementale autochtone au Canada. Quelque 7 300 autochtones devront gérer 16 000 milles carrés de territoire, l'équivalent de 75 p. 100 du territoire de la Nouvelle-Écosse, dont ils deviendront propriétaires en fief simple en vertu des accords de revendications territoriales prévus dans le projet de loi C-33, une mesure complémentaire du présent projet de loi.

Au cas où certains députés en douteraient, voyons certaines des autres responsabilités qui incomberont à la population autochtone restreinte. Aux termes du paragraphe 1 de la partie III, ils seront responsables de «l'utilisation, la gestion, l'administration, le contrôle et la protection» de ce territoire dont la superficie équivaut aux trois quarts de celle de la Nouvelle-Écosse.

Ils seront responsables de l'attribution et de l'aliénation de droits sur ce territoire, de l'utilisation, de la gestion, de l'administration et de la protection des ressources naturelles, de la délivrance de permis aux entreprises, aux professionnels et aux personnes exerçant un métier, de la construction, de la salubrité, du zonage et de la mise en valeur du territoire, de la réglementation de la conduite et de l'utilisation des véhicules, des installations et des services locaux, de la prévention de la pollution et de la protection de l'environnement.

(1535)

Bref, personne n'a à s'en faire à propos du chômage dans cette région du Yukon parce que le nouveau gouvernement des premières nations sera en mesure d'assurer un emploi à presque tous les adultes.

À une époque où les Canadiens se plaignent d'être trop gouvernés, le projet de loi C-34 pousse l'omniprésence des gouvernements à des extrêmes que l'on n'aurait jamais pu imaginer.

Les gens qui ont rédigé le projet de loi C-34 se sont trompés lorsqu'ils ont dit que le terme «nation» devait s'appliquer littéralement à ces minuscules groupes isolés et n'ont réservé au gouvernement fédéral que des fonctions limitées comme le service postal, les accords internes, la défense militaire et la compétence de la Cour fédérale.

La deuxième erreur que les rédacteurs de cette mesure législative semblent avoir commise, c'est de dire que les groupes autochtones sont fin prêts à passer à cette étape très avancée qu'est celle de l'autonomie gouvernementale. Pour revenir à la politique du Parti réformiste à ce sujet, parce que ce parti est toujours logique, contrairement au projet de loi C-34, le Parti réformiste, donc, est en faveur de «l'établissement de nouvelles relations avec les peuples autochtones, en commençant par une convention constitutionnelle des représentants autochtones pour examiner leur position sur des questions telles que la nature des droits autochtones, les relations entre les peuples autochtones et les différents paliers de gouvernement et la façon de rendre les


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peuples autochtones moins dépendants du gouvernement fédéral et du ministère des Affaires indiennes sur le plan économique».

À ma connaissance, rien de tel n'a été fait. Je pense qu'il est particulièrement important pour les autochtones de conclure des ententes avec les administrations municipales voisines qui pourraient partager les coûts des services qu'ils seraient appelés à offrir, lorsqu'ils seraient autonomes.

Je voudrais attirer l'attention des députés sur le fait que l'on n'a pas abordé, dans le projet de loi C-34, une question des plus essentielles, sinon la plus essentielle, soit la rédaction d'une constitution pour les premières nations.

En ce qui concerne la création d'une constitution, bon nombre de gens, dans le monde entier, ont été impressionnés par le processus utilisé par l'Afrique du Sud qui s'est éloignée de l'ancien régime gouvernemental dominé par les Blancs et a adopté un nouveau système fondé sur le pays, du moins sur le principe démocratique fondamental qui veut que chaque personne puisse voter.

Une fois qu'il y a eu la volonté politique, l'Afrique du Sud a accompli cette transition assez rapidement en établissant d'abord une constitution provisoire pour déterminer la façon dont les élections devaient se dérouler, délimiter de façon floue les frontières des neuf futures provinces et établir en gros le cadre des réunions des neuf représentants fédéraux nouvellement élus et d'un nombre égal de représentants de chacune des neuf provinces en vue de rédiger la constitution à long terme de l'Afrique du Sud, laquelle sera ratifiée par le peuple.

Que je sache, et d'après mes recherches, rien de ce genre n'a été fait pour établir ces quatre premières nations du Yukon.

Ce que le projet de loi C-34 prévoit, c'est ce qui doit être inclus dans la constitution des premières nations, notamment: les critères d'appartenance à la première nation et la procédure pour les appliquer; la composition et les attributions des corps dirigeants des premières nations, ainsi que les règles qui les régissent; la mise en place d'un système d'information comptable qui oblige les corps dirigeants à rendre des comptes financiers aux citoyens; la reconnaissance et la protection des droits et libertés des citoyens; la procédure à suivre pour contester la validité des textes législatifs et annuler ceux déclarés non valides; une formule de modification de la constitution par les citoyens.

Malheureusement, un certain nombre de questions essentielles ne sont pas examinées. Par exemple, qui va rédiger la constitution pour chacune des quatre nations en cause? Quels sont les délais applicables? Les autochtones vont-ils eux-mêmes voter sur leur nouveau projet de constitution? Dans l'affirmative, comment? La Charte canadienne des droits et libertés sera-t-elle appliquée dans ces nouvelles nations?

Tous ces points essentiels sont passés sous silence dans le projet de loi C-34.

Par contre, la mesure législative contient un élément qui, à mon avis, n'a rien à faire dans un projet de loi qu'un gouvernement responsable demande aux députés d'appuyer. En demandant au Parlement d'adopter le seul projet de loi C-34, on lui demande d'approuver de façon générale, à l'aveuglette, des accords sur l'autonomie gouvernementale de 10 autres bandes du Yukon, comme l'indique le paragraphe 5(2), qui dit ceci: «Le gouverneur en conseil peut, par décret, donner effet à tout accord conclu après la date d'entrée en vigueur de la présente loi et ajouter, le cas échéant, le nom de la première nation à l'annexe II.»

(1540)

J'estime que ce paragraphe est le comble de l'irresponsabilité de la part du gouvernement actuel. Au train où vont les choses, un autre gouvernement sera peut-être au pouvoir avant que les 10 autres accords sur l'autonomie gouvernementale ne soient conclus.

Les députés de la présente législature risqueraient d'accorder cette autorisation générale à un cabinet qui n'est même pas encore élu. Je soutiens auprès de mes collègues que cette façon d'honorer nos obligations envers tous les Canadiens n'est vraiment pas consciencieuse. Au mieux, il s'agit d'une conduite négligente que des gens consciencieux n'adopteraient pas pour mener leurs affaires personnelles, et encore moins celles de ce grand pays.

En terminant, je voudrais proposer quelques solutions de rechange positives au projet de loi C-34, dont les lacunes sont à mon avis tellement graves que même de nombreux amendements ne sauraient y remédier.

Dans nos efforts souhaitables pour accompagner les autochtones sur la voie de l'autonomie gouvernementale, nous devons tout simplement commencer par le commencement, au lieu d'essayer imprudemment de sauter des étapes. Pour que les autochtones puissent accéder à l'autonomie gouvernementale, il faut d'abord tenir un congrès constitutionnel autochtone où les autochtones eux-mêmes peuvent exposer les conditions dans lesquelles ils veulent vivre et les responsabilités de gouvernement et de gestion qu'ils désirent assumer, qu'ils sont disposés à assumer et qu'ils sont financièrement en mesure d'assumer.

Par exemple, je doute que les Canadiens contesteraient ou nieraient le droit des autochtones de gérer les affaires des premières nations et de se charger du fonctionnement et de la gestion interne des premières nations, ainsi que de la gestion et de l'administration des droits et des avantages obtenus à la suite d'accords conclus entre eux et le Canada.

Je suis convaincu que les Canadiens seraient heureux et fiers de voir les autochtones assumer l'entière responsabilité de programmes et services respectueux de leurs croyances et coutumes et qui soient de nature à assurer la sauvegarde de leur langue et de leur culture. Toutefois, on ne s'est pas penché suffisamment sur les moyens qu'utiliseraient les autochtones pour mettre fin à leur dépendance financière envers le reste du Canada.

Il ne faut pas plaisanter avec la règle d'or, car c'est l'or qui mène le monde. Dans notre société, pour être considéré comme un adulte responsable, il faut être capable de s'assumer entièrement. D'après moi, ça ne veut pas dire négocier des avantages territoriaux, financiers et autres tels que, avec un minimum de connaissances sur l'art d'investir, on puisse se permettre de maintenir à jamais le mode de vie que l'on a choisi.


5109

Dans le reste du Canada, les gens souffrant de nombreux handicaps sont fiers de pouvoir travailler afin d'être le plus autonome et indépendant possible. Franchement, je pense que prétendre que, pour une raison ou pour une autre, les autochtones ne sont pas tout aussi capables d'être autonomes et indépendants, c'est du racisme de la pire espèce.

J'ai hâte de voir le jour où un gouvernement responsable proposera au Parlement un projet de loi accordant aux autochtones l'autonomie gouvernementale auquel tous les parlementaires seront heureux et fiers de souscrire. Malheureusement, le projet de loi C-34 ne correspond pas à cette définition.

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, je vous remercie de cette occasion de prendre la parole, cet après-midi, sur cet important sujet.

Il y a un mois, je suis intervenu dans le débat sur le projet de loi C-16, validant le règlement de la revendication territoriale des Indiens du Sahtu. J'avais alors exprimé mon opposition à ce projet de loi que je trouvais beaucoup trop généreux. Je m'étais également dit inquiet de ce qu'il créait un dangereux précédent. Je n'en pense pas moins des deux projets de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

J'appuie l'idée que l'autonomie et l'autosuffisance sont inhérentes au règlement des revendications territoriales. Je n'ai rien à redire là-dessus. Par ailleurs, j'encourage le gouvernement à démanteler le ministère des Affaires indiennes et à laisser les peuples concernés prendre leurs affaires en main.

Une telle perspective accroît le sens des responsabilités et remet le pouvoir de décision entre les mains des parties les plus directement concernées.

Le projet de loi C-33 déclare valides des accords sur les revendications territoriales conclus entre Sa Majesté, le gouvernement du territoire du Yukon et certaines premières nations du Yukon. Le projet de loi C-34 porte sur l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon. Ces deux projets de loi ne représentent que quatre des accords sur les revendications territoriales et quatre des accords sur l'autonomie gouvernementale. Il en reste encore 10 de chaque sorte pour le Yukon. J'ajouterais que 6 d'entre eux concernent directement ma circonscription de Peace River.

(1545)

Aux termes de ces 14 accords, 16 000 milles carrés de terres seront remis à 14 bandes. Comme l'ont fait remarquer mes collègues, une telle superficie représente les trois quarts de la Nouvelle-Écosse. En outre, le gouvernement canadien s'engage à verser 243 millions de dollars, en dollars de 1989, sur 15 ans. Ce n'est pas rien.

L'article 5 du projet de loi C-33 permettrait que les 10 autres accords soient ratifiés par le Cabinet et non par l'ensemble du Parlement. Un peu de la même façon, l'article 5 du projet de loi C-34 permet au Cabinet de donner effet à l'accord d'autonomie gouvernementale.

À l'heure actuelle, les pouvoirs législatifs du Yukon appartiennent à deux corps législatifs du Canada, le Parlement canadien et l'Assemblée législative du Yukon. Après l'adoption de ce projet de loi, le nombre de gouvernements qui auront le droit de promulguer des lois au Yukon, ou dans une région du Yukon, passera de deux à seize. Cela signifie plus de bureaucratie, plus de taxes, plus de lois et plus de règles et règlements. Comment une telle situation pourrait-elle être favorable au Canada? Nous venons d'entendre mon collègue d'Okanagan dire que certaines de ces collectivités sont très petites en nombre et qu'il leur sera certainement impossible d'atteindre l'efficience requise.

Il reste plusieurs questions sans réponse. Le nouveau gouvernement autonome devra-t-il fonctionner dans le cadre provincial, territorial ou fédéral? Voilà une question primordiale à laquelle il faudra répondre pour les Canadiens. Pourquoi n'est-il pas expliqué clairement que les gouvernements autonomes devront respecter l'autorité du Parlement du Canada?

La Charte canadienne s'applique-t-elle? Non, selon toute évidence. Pourquoi n'a-t-on pas dit clairement dans ce projet de loi que la Charte canadienne des droits et libertés devrait s'appliquer?

La population du Yukon est de 32 000 personnes environ. Pour satisfaire 20 p.100 de cette population, soit quelque 7 300 personnes, nous allons créer 14 nouveaux gouvernements. Ceci est totalement insensé à mon avis. Qui paiera pour tous ces gouvernements? Le pays emprunte déjà considérablement à l'étranger pour financer les dépenses excessives du gouvernement fédéral. Est-ce que nous voulons vraiment demander aux Japonais ou aux Américains de financer 14 autres gouvernements?

Permettez-moi de lire l'article 24 du projet de loi C-34; il concerne le financement: «Sous réserve d'une affectation du Parlement, le ministre peut, avec l'agrément du gouverneur en conseil, conclure, avec la première nation, un accord de financement pour la durée et selon les modalités qui y sont énoncées.» Pour moi, ça ressemble à un chèque en blanc, et je ne crois pas que les contribuables canadiens avalent cela facilement.

Franchement, je ne suis pas prêt à engager mes enfants et mes petits-enfants à payer Dieu sait combien de millions de dollars. Je ne suis pas prêt à établir ce genre de précédent pour les prochaines ententes d'autonomie gouvernementale avec les autochtones.

En tant que membre du Parti réformiste, je suis en faveur d'un règlement rapide des revendications territoriales en vue de l'autosuffisance des autochtones. Je dis bien l'autosuffisance. C'est une distinction très importante. Je suis également en faveur d'une forme restreinte d'autonomie gouvernementale au niveau municipal. Ce serait une première étape très importante avant qu'on en vienne à se demander si ces administrations devraient être de nature fédérale ou provinciale. Le projet de loi C-34 va beaucoup plus loin. Considérant où ces deux projets de loi nous mènent, je ne peux tout simplement pas les appuyer.


5110

Je m'oppose en outre à la façon insidieuse qu'on emploie pour faire progresser ces deux projets de loi à la Chambre. Le livre rouge des libéraux nous promettait un Parlement intègre. Pourtant, ces deux projets de loi n'ont été présentés que la semaine dernière. On pourrait certainement prendre plus de temps. La Chambre doit travailler efficacement. Une semaine, ce n'est certainement pas assez long. Ces projets de loi ont été présentés la semaine dernière et le débat en deuxième lecture se fait aujourd'hui. Comment les députés peuvent-ils préparer leur intervention en aussi peu de temps et être en mesure de discuter de mesures très complexes, qui sont le résultat d'environ 21 ans de travail?

Les ententes déjà conclues, que le Parlement doit maintenant ratifier, font neuf pouces d'épaisseur. Cela met en perspective l'ampleur de la question et la complexité des ententes. Ce ne sont que quatre des 14 ententes sur des revendications territoriales, et seulement quatre des 14 ententes d'autonomie gouvernementale.

(1550)

Si les projets de loi C-33 et C-34 sont adoptés, les dix autres ententes des deux catégories pourront être approuvées par le Cabinet. Il y a quelque chose qui cloche vraiment là-dedans. Je voterai contre ces projets de loi. J'exhorte mes collègues à la Chambre à faire de même.

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Monsieur le Président, les réformistes ont déclaré à plusieurs reprises cet après-midi qu'ils n'avaient pas eu suffisamment de temps pour se préparer pour ce débat. Le Parti réformiste ignorait-il que cette entente avait été signée il y a un an et que la loi de mise en oeuvre devait être présentée à la Chambre à un moment donné? Les députés réformistes ne se sont-ils donc pas préparés en conséquence, afin d'être prêts à discuter de ce projet de loi, sachant qu'ils allaient en être saisis?

M. Penson: Monsieur le Président, je suis heureux qu'on me pose la question. Nous avons essayé à de nombreuses reprises de nous faire préciser par le gouvernement, le ministre des Affaires indiennes ou le premier ministre lui-même, ce qu'on entendait par l'autonomie gouvernementale et nous avons été incapables d'obtenir une réponse directe. Nos vis-à-vis sont très évasifs.

La question la plus importante qu'on doit poser est la suivante: qu'entend-on au juste par autonomie gouvernementale des autochtones? S'agit-il d'un gouvernement municipal, provincial ou fédéral? Les paramètres de ce type doivent être établis clairement avant que nous nous lancions dans cette voie, étant donné que nous savons que le processus va être très long et que nous allons être saisis de beaucoup d'autres revendications territoriales.

Je pense toujours qu'il faut rejeter ce projet de loi et j'espère que le Sénat aura suffisamment de bon sens pour le renvoyer à la Chambre et forcer le gouvernement à définir plus clairement la notion d'autonomie gouvernementale.

M. Gordon Kirkby (Prince Albert-Churchill River): Monsieur le Président, je crois que la question du député de The Battlefords-Meadow Lake est restée sans réponse. Cette entente a été signée il y a déjà pas mal de temps. Le député a parlé d'une année environ. N'auriez-vous pas pu demander un exemplaire de cette entente, afin d'être prêts pour ce débat? Nous souhaiterions une réponse directe à cela.

M. Penson: Monsieur le Président, il est intéressant de constater que lorsque le gouvernement souhaite mettre en oeuvre une mesure donnée à laquelle il souscrit, il semble que cela peut être fait très rapidement, comme dans le cas de l'autonomie gouvernementale des autochtones. Par contre, c'est une autre histoire lorsqu'il faut annuler l'accord sur l'aéroport international Pearson. L'ancien gouvernement a eu tort dans cette affaire et nos vis-à-vis lui rejettent le blâme. Maintenant, ils semblent se cacher derrière l'ancien gouvernement en affirmant que ce sont les conservateurs qui ont négocié cette entente et qu'on doit maintenant la finaliser. Selon moi, cet argument est inadmissible.

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, je pense que nous devons replacer cette question dans une perspective un peu différente. Depuis trois mois, je participe à l'examen de notre politique étrangère. Nous avons vu le cas de différents pays et étudié les conflits ethniques ou les tensions raciales qui se font jour. Pourtant, je dirais que bien des choses que nous avons envisagées à propos de pays étrangers se retrouvent ici, dans la mesure législative que nous étudions. Ce que nous faisons, c'est peut-être simplement substituer un problème à un autre. Je pense que nous devrions revoir très sérieusement certaines de ces mesures mal conçues qui sont dans le projet de loi.

Je dirais tout d'abord que mon parti et moi-même sommes convaincus que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est un cauchemar bureaucratique, mal géré et qui fonctionne mal. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est plus que temps qu'on le réforme. Nous pouvons aussi accepter le principe de l'autonomie gouvernementale mais, avant de mettre une telle option en oeuvre, il faudrait la définir, avoir des critères et savoir ce qui va se passer. Comme on vient de le dire, on a demandé maintes et maintes fois au ministre ce qu'il entendait par autonomie, mais nous n'avons toujours pas de réponse.

(1555)

Pour moi, et ce n'est qu'une vue générale, l'autonomie c'est quelque chose d'équivalent à une municipalité, quelque chose qui ne comporte que des pouvoirs limités et exige une collaboration avec les autres niveaux de gouvernement, quelque chose qui est harmonisé à tous les niveaux et qui conduit à une meilleure forme de gouvernement pour les intéressés. Je pense que les mots les plus importants ici seraient démocratiquement choisis et représentant démocratiquement un groupe entier de personnes, les gens de la base. Cela ne doit pas signifier la représentation par une clique, par des éminences grises ou par un gouvernement genre mafieux, ce qui pourrait bien se produire s'il n'y a aucune restriction et si les gens ne sont pas prêts pour cette forme de gouvernement.

En examinant le projet de loi lui-même, nous voyons que l'on donne toute une série de pouvoirs, en fait une quantité illimitée de pouvoirs, sans aucune garantie de démocratie. Nous ne voyons que plus de bureaucrates, plus de lois, plus de règlements et plus de gaspillage. En fait, nous voyons quelque chose qui pourrait être pire que l'actuel ministère des Affaires indiennes.


5111

Pour en revenir à mon rapprochement avec les diverses situations dans le monde, si les gens ne sont pas prêts pour l'autonomie, s'ils ne sont pas prêts à travailler en fonction de certains critères qu'ils auraient contribué à définir, alors nous n'aurons rien d'autre que des perturbations et éventuellement le chaos peut-être.

De plus, contrairement à bien d'autres cas, il n'y a aucune mention dans ce projet de loi de la Charte des droits. Je doute que des Canadiens, y compris les peuples autochtones du Yukon, veuillent s'opposer à la mise en oeuvre de la Charte des droits par leur gouvernement, quel qu'il soit. Les pays qui ne peuvent garantir le respect de cette Charte des droits sont précisément ceux où les droits de la personne sont violés et où la population n'est vraiment pas à l'abri de cliques qui risquent éventuellement de diriger le gouvernement.

Nous devons donc nous arrêter pour demander à la population ainsi qu'aux spécialistes de préciser exactement ce qu'il faut entendre par autonomie gouvernementale.

Nous sommes en train d'établir un grave précédent pour l'avenir. Nous allons aboutir à des propositions qui seront utilisées ailleurs au Canada. Avons-nous la certitude d'avoir établi des règles que nous voulons observer? Puisqu'elles empêchent de futurs règlements et confèrent le pouvoir décisionnel au Cabinet, ces règles ne sauraient être beaucoup moins démocratiques. Nous avons donc littéralement exclu la population et remis la question strictement entre les mains des politiciens; je doute que cette décision soit conforme à ce que les Canadiens attendent de nous.

Cela dit, les Canadiens savent-ils vraiment ce que nous sommes en train de faire? Les autochtones du Yukon le savent-ils? Quelles seront les répercussions de cette mesure à longue échéance? Ce projet de loi ne sème-t-il pas le germe de pratiques de discrimination raciale? Le risque est réel. Nous ne connaissons pas assez les lignes directrices ou alors il n'existe pas de lignes directrices garantissant que la situation ne se concrétisera pas. Cette mesure donne une piètre définition de l'autonomie gouvernementale et risque d'avoir des répercussions partout au Canada. Comme il n'y a pas un coin du pays qui ne fasse l'objet d'une revendication territoriale, il risque d'y avoir des répercussions considérables.

Bien sûr, il y a la question des coûts, que personne n'a soulevée. Nous avons parlé du chèque en blanc que représente l'article 24, mais nous n'avons pas demandé qui va payer. Nous devons absolument nous interroger sur les réactions des contribuables lorsqu'ils verront la facture de l'accord qui a été signé.

Ce projet de loi reviendra nous hanter un jour ou l'autre. Encore une fois, nous devrions nous arrêter pour l'examiner avant d'aller de l'avant. Le gouvernement devrait se réjouir de pouvoir blâmer son prédécesseur d'avoir saboté l'accord en question. Les Canadiens ont déjà l'impression que l'ancien gouvernement a fait un beau gâchis. C'est une excellente occasion pour reprendre le travail afin de le faire correctement cette fois, comme les Canadiens nous l'ont dit en octobre dernier. Revoyons les critères et mettons ce projet de loi en attente jusqu'à ce que nous puissions en présenter un meilleur.

(1600)

M. Allan Kerpan (Moose Jaw-Lake Centre): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour donner le point de vue d'un résident de la Saskatchewan relativement au projet de loi sur l'autonomie gouvernementale de peuples autochtones au Yukon.

Ce qui se passe au Yukon est très important pour les habitants de la Saskatchewan. Je suis convaincu que nous sommes en train de créer un précédent sur le plan législatif. Nous avons intérêt à faire preuve d'une grande prudence dans notre démarche, d'une grande rigueur dans notre analyse, ainsi que d'une grande créativité en ce qui a trait aux suggestions et aux solutions proposées.

Ce dossier préoccupe énormément les habitants de ma province, qui compte un nombre important et croissant d'autochtones. Selon certains, les autochtones pourraient presque être majoritaires en Saskatchewan, au début du prochain siècle.

Je veux soulever quatre points de discussion relativement aux facteurs actuels et futurs qui sont liés à ce dossier. Le premier point ce sont les préoccupations des municipalités rurales de la province en ce qui a trait aux revendications territoriales. Ces municipalités craignent fort de perdre une partie de leur assiette fiscale par suite d'ententes à l'égard de revendications territoriales.

Le 28 avril dernier, le Comité permanent de l'agriculture et de l'agro-alimentaire, dont je fais partie, écoutait les représentants de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities faire part de leurs préoccupations à cet égard. Cette association, qui regroupe 297 municipalités rurales comptant plus de 235 000 habitants, est préoccupée par le fait qu'environ deux millions d'acres vont être achetés par la collectivité autochtone.

Cette situation aura des répercussions fiscales importantes pour les municipalités rurales. Ces terres ne vont pas être achetées en blocs importants. Un lopin sera cédé ici et là, et la transaction se fera entre un vendeur et un acheteur consentants. Ces terres seront ensuite considérées comme faisant partie des réserves.

Selon la loi fédérale, les municipalités ne paient pas de taxes. Dans le cas des revendications fondées sur des droits fonciers issus de traités, on a prévu un fonds d'indemnisation, mais pour ce qui est des revendications territoriales particulières ou du rétablissement des droits fonciers issus de traités, on n'a pas conclu d'accord.

Si des autochtones s'installent dans votre localité et refusent de payer les taxes municipales, cela créera beaucoup d'émoi dans le voisinage. Si une personne d'un côté de la rue n'a pas à payer de taxes et n'en paient pas, contrairement à son voisin d'en face, c'est injuste.

Les représentants de la SARM ont déclaré à notre comité qu'ils voulaient nous transmettre un message clair: en Saskatchewan, la situation pose un grave problème qu'il faut régler.

Cela prouve qu'on n'a pas appliqué aux décisions prises et aux accords conclus en Saskatchewan les grands critères d'une bonne décision. Je crains qu'on fasse de même avec les projets de loi à l'étude aujourd'hui. Premier critère: les décisions que nous prenons doivent être opportunes. Ces projets de loi s'attaquent-ils au vrai problème? Nous permettront-ils de transformer la


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situation actuelle de façon à atteindre les résultats escomptés? Deuxième critère: la faisabilité. Ces projets de loi peuvent-ils être adoptés et appliqués étant donné les ressources dont nous disposons? Troisième critère: l'efficacité. Ces projets de loi sont-ils pertinents, réalisables, compréhensibles et acceptables à tous? Quatrième critère: l'adaptabilité. Pouvons-nous apporter des modifications si la situation change et si de nouveaux renseignements nous sont communiqués?

Pour pouvoir prendre la meilleure décision possible, il nous faudra peut-être faire ce que les bons décideurs font, c'est-à-dire ralentir, revenir sur nos pas, obtenir d'autres avis, suggérer de nouvelles idées, formuler des voeux d'encouragement, proposer un compromis, reporter les mesures et consulter ceux qui n'ont pas encore participé au processus. À mon avis, c'est ce que nous devrions faire avec les projets de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Nous nous posons des questions sur l'efficacité de ces projets de loi et quelqu'un a dit que les questions éludées reviennent souvent nous hanter. Nous ne tenons pas à ce que cela arrive dans ce cas-ci. En fait, nous ne pouvons nous permettre que cela arrive au Canada.

La deuxième préoccupation concerne les pâturages communautaires relevant du programme ARAP. Cet autre problème connexe éprouvé en Saskatchewan a été soulevé à notre comité à la même époque, soit à la fin d'avril. Il sera aussi possible aux peuples des premières nations d'acheter quelques-uns des pâturages communautaires relevant de l'ARAP.

(1605)

Un assez bon processus de négociation a été mis en place à cet égard. La bande indienne devra avoir l'accord de 75 p. 100 des utilisateurs de tout pâturage avant de transférer le pâturage en question. C'est un processus ouvert et démocratique, comme il se doit.

La troisième préoccupation concerne le Conseil des premières nations de Moose Jaw. Autre question connexe, il est arrivé quelque chose, il y a un an et demi, dans Moose Jaw-Lake Centre, ma circonscription, quelque chose qui a vraiment surpris quelques-uns de mes électeurs. Un beau matin, ils ont lu à la une de leur quotidien: «Les premières nations élisent leur premier gouvernement. Les Indiens inscrits prennent leur destinée en main.»

Cela se passait au cours de la campagne référendaire. Le journal rapportait ce matin-là que des élections, qui avaient eu lieu le mardi à Moose Jaw, allaient ouvrir la voie de l'autonomie gouvernementale aux Indiens inscrits des villes de tout le Canada. Leur conseil élu allait négocier avec tous les ordres de gouvernement pour leur obtenir de meilleurs soins de santé, de bons programmes d'enseignement, davantage d'emplois et de meilleurs logements.

Ce qui était étonnant, c'était qu'un groupe de voisins et d'amis de notre ville se réunisse pour tenir des discussions et élire des dirigeants que nous devions considérer désormais comme un gouvernement dûment constitué et auquel nous devions obéir. Ils étaient 170 à prendre cette décision que les quelque 35 000 habitants de notre ville devaient désormais respecter. Je ne sais toujours pas quoi penser d'une telle initiative.

La quatrième préoccupation concerne un événement qui s'est produit l'an dernier dans ma circonscription. J'ai déjà soulevé la question à la Chambre. Je crois que cela illustre l'importance de ne prendre des décisions et de ne poser des gestes qu'après mûre réflexion.

Dans ma circonscription, nous cherchons en ce moment une solution à un problème susceptible de conduire à des dissensions. L'an dernier, du 22 au 25 juillet, un groupe d'autochtones a tenu une fête à Moose Jaw. Peu après, en octobre, j'ai été élu député et des gens d'affaires et des organismes locaux sont venus me dire que leurs services n'avaient pas été payés. Le problème est grave parce que les notes impayées totalisent 200 000 $. J'ai informé le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Saskatchewan de la situation et cette affaire a fait les manchettes locales.

Je crains beaucoup que l'on ne trouve pas de solution au problème. Je suis cependant encouragé par la patience des gens d'affaires touchés et par l'ouverture et le sens des responsabilités dont font preuve les nouveaux dirigeants autochtones qui ont été élus à Moose Jaw. J'espère que nous pourrons régler cette affaire à la satisfaction de tout le monde et j'ai dit que je tiendrais la Chambre des communes au courant de l'évolution du dossier. C'est un problème difficile à régler et je crois qu'il aurait été beaucoup plus facile de l'éviter par une planification attentive.

Un sage a déjà dit que l'on doit soigneusement prévoir les coûts avant de se lancer dans une entreprise. J'ai bien peur que le projet de loi, qui aura certainement de sérieuses répercussions, finisse par illustrer ce contre quoi voulait nous prémunir ce sage.

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River): Je veux remercier le député pour les remarques qu'il a faites au sujet de cette mesure législative.

C'est souvent facile de poser des tas de questions sur ce genre de projet de loi. On a demandé au gouvernement de définir ce qu'il entend par autonomie gouvernementale. Un accord comme celui visé par cette mesure législative n'aide-t-il pas les députés du Parti réformiste à voir ce que le gouvernement entend par autonomie gouvernementale?

Deuxièmement, si le député croit que ce projet de loi pose des problèmes, quelles mesures précises propose-t-il pour régler la question des revendications foncières globales?

(1610)

M. Kerpan: Monsieur le Président, je remercie le député pour ses observations et ses questions.

Selon moi, l'élément clé qui manque dans cet accord est probablement la Charte des droits et libertés. Après un examen assez détaillé de cette mesure législative, je dirais que c'est probablement la principale lacune.


5113

Quant à l'autre question concernant la façon dont nous nous prendrions pour régler ce genre de situation, je ne crois pas que quiconque de ce côté-ci de la Chambre, ou du moins au sein de notre parti, soit contre une forme quelconque d'autonomie gouvernementale pour les autochtones. Le problème tel que je le perçois, c'est que le processus n'a pas été très ouvert. À mon avis, on est allé trop vite compte tenu de l'importance de la question. Je crois que tous les Canadiens devraient avoir leur mot à dire sur cette question, quelle que soit leur origine ethnique et quelle que soit la région où ils habitent.

La solution au problème réside probablement dans la participation de tous les Canadiens à ce genre de processus décisionnel. Sinon, toute idée qui pourrait être bonne au départ risque d'être rejetée.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Kilger): Convoquez les députés.

Pendant l'appel du timbre:

(1615)

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'alinéa 45(5)a) du Règlement, le whip en chef du gouvernement m'a demandé de différer le vote.

En conséquence, conformément au paragraphe 45(6) du Règlement, le vote sur la question dont la Chambre est saisie est reporté à lundi, à l'heure ordinaire d'ajournement. Le timbre ne sonnera pas plus de 15 minutes.

M. Boudria: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Conformément à notre Règlement, le vote doit maintenant avoir lieu lundi. À notre avis, pendant que sonnait le timbre, nous ne pouvions pas faire d'autre proposition. Toutefois, maintenant que la séance a repris officiellement, la présidence pourrait-elle chercher à savoir s'il y aurait consentement unanime pour que le vote ait lieu mardi, à l'heure ordinaire d'ajournement?

Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

* * *

LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS TERRITORIALES DES PREMIÈRES NATIONS DU YUKON

L'hon. Michel Dupuy (au nom du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) propose: Que le projet de loi C-33, Loi approuvant, mettant en vigueur et déclarant valides les accords sur les revendications territoriales conclus entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le gouvernement du territoire du Yukon et certaines premières nations du Yukon, permettant d'approuver, de mettre en vigueur et de déclarer valides les accords ainsi conclus après l'entrée en vigueur de la présente loi et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Affaires parlementaires)): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre à propos du projet de loi C-33, Loi sur le règlement des revendications territoriales des premières nations du Yukon.

[Français]

Le livre rouge du gouvernement exprimait clairement l'engagement de celui-ci à régler les revendications territoriales en suspens et c'est une promesse que nous entendons tenir chaque fois que nous en aurons l'occasion.

En s'attaquant aux revendications territoriales de façon équitable et responsable, le gouvernement résoudra les différends anciens qui nous opposaient aux Premières nations et fera en sorte que les vieilles blessures des populations autochtones et non autochtones puissent peu à peu se cicatriser.

[Traduction]

La nécessité d'agir est nulle part plus évidente qu'au Yukon. Le gouvernement du Canada a accepté en 1973 le mémoire de revendication territoriale du Conseil des Indiens du Yukon, intitulé «Ensemble aujourd'hui pour nos enfants demain». Elle est une des premières revendications territoriales acceptées par le gouvernement, et son règlement se faisait attendre depuis longtemps.

Nous sommes déjà venus tout près d'y réussir. On était parvenu à un accord de principe en 1984, mais il n'avait pas été ratifié par un nombre suffisant de premières nations du Yukon pour faire avancer le processus et entamer les négociations devant aboutir à un accord définitif.

Sur la base de l'accord de principe de 1988, le Conseil des Indiens du Yukon et les gouvernements du Canada et du Yukon ont réussi à négocier l'accord-cadre concernant les Indiens du Yukon. Cet accord a été signé par les trois parties en mai 1993 et sert de base au projet de loi C-33.


5114

(1620)

[Français]

Les députés de la Chambre doivent savoir que l'approche qui a permis de résoudre les revendications territoriales au Yukon diffère notablement de tout ce qui a été fait ailleurs au Canada. Cela s'explique par le simple fait que le Yukon est différent de toutes les autres régions du Canada.

Le Yukon se distingue de bien des façons. D'abord, la plupart des autochtones ne vivent pas dans des réserves. En conséquence, les programmes et services leur sont dispensés par le gouvernement territorial avec lequel ils entretiennent des relations étroites.

[Traduction]

En raison de la situation unique du Yukon, la négociation de l'accord-cadre final n'était que la première partie du processus de règlement. Il restait à conclure les accords sur les revendications territoriales avec chacune des 14 premières nations du Yukon; quatre d'entre eux ont été conclus et entreront en vigueur grâce au projet de loi C-33.

Dans le cadre du processus de règlement, certaines premières nations du Yukon négocieront aussi des accords transfrontaliers afin de régler les revendications qui chevauchent celles de groupes autochtones des Territoires du Nord-Ouest et de la Colombie-Britannique.

Tout au long des négociations qui se sont déroulées durant les deux dernières décennies, les groupes d'intérêts visés et la population ont été abondamment consultés. Le résultat final, c'est que tout le territoire appuie les accords sur le règlement des revendications.

[Français]

On a tenu de nombreuses audiences publiques sur le contenu de l'entente-cadre finale. En outre, l'Assemblée législative du Yukon a constitué un comité spécial sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale. Se fondant sur la réaction favorable qu'il a reçue au cours de sa visite dans les collectivités du Yukon, le comité a fortement recommandé l'approbation des quatre ententes négociées jusqu'à maintenant.

[Traduction]

Les groupes d'intérêts avaient aussi participé directement au processus de règlement. Leur participation durant la sélection des terres conférées par l'entente aux quatre premières nations qui ont conclu un accord final en est un excellent exemple.

Dans le cadre de ce processus, la Yukon Outfitters Association, dont les membres seront touchés par la désignation des terres conférées par l'entente, a été abondamment consultée et a pu négocier une indemnisation pour les pertes démontrables que ses membres subiront à cause de l'accord-cadre final.

Les premières nations continuent de travailler avec cette association pour minimiser les difficultés commerciales qui pourraient s'ensuivre si les accords entraient en vigueur durant la saison d'activité des pourvoiries.

[Français]

On a également recherché le point de vue et le soutien des groupes qui représentaient les industries de l'énergie et des mines. On a consulté toutes les administations municipales, les églises, les Chambres de commerce, les associations de loisir, et d'autres groupes ont fait des commentaires très valables.

Si vous me le permettez, monsieur le Président, j'aimerais citer quelques lettres des organismes du Yukon et qui d'ailleurs les ont fait parvenir au gouvernement. Dans chacune de ces lettres, le signataire exprime un ferme soutien aux ententes de règlement et invite le Parlement à passer rapidement aux actes pour adopter la Loi de règlement.

[Traduction]

L'évêque anglican du Yukon, le très révérend R.C. Ferris, a écrit au gouvernement au nom de son diocèse. Il a demandé que le projet de loi concernant l'accord soit présenté sans délai; il a parlé de la détresse de la communauté et des nombreuses années pendant lesquelles toutes les parties ont lutté pour en arriver à un accord acceptable et il a déploré que le projet de loi concernant le règlement ne soit pas encore en vigueur.

M. Dan McDiarmid, président du Conseil des ressources renouvelables du district de Mayo, a écrit au ministre, en avril dernier, afin de lui souligner l'importance que revêtent, pour toute la population du Yukon, les accords sur les revendications territoriales et pour demander au gouvernement de présenter et d'adopter les mesures législatives à cet égard le plus tôt possible.

(1625)

[Français]

La Yukon Chamber of Mines a souligné que le règlement des revendications territoriales jouit non seulement de l'appui des autochtones du Yukon mais aussi de bien d'autres groupes dans le territoire, l'industrie minière, entre autres.

M. Steven Powell, président de la United Keno Hill Mines Limited nous a fait parvenir ce message: «Cette entente permet au Canada de mettre un terme à une période de relations difficiles avec les autochtones. Je vous prie donc d'insister auprès de vos collègues des Communes pour qu'ils tiennent un débat pondéré et favorable à ces ententes.»

Toute l'Assemblée législative du Yukon a pressé le gouvernement d'agir. Le 27 avril, l'Assemblée adoptait une résolution priant le ministre de proposer au Parlement la loi sur le règlement. La résolution invitait en outre les députés, et je cite: «. . .à adopter de façon expéditive la Loi sur le règlement des revendications territoriales des autochtones du Yukon, qui protégera les droits et les intérêts des Premières nations du Yukon et qui permettra au Yukon de s'acheminer vers le XXIe siècle.»

[Traduction]

La lettre que le chef Robert Bruce fils a écrite au nom du conseil tribal des Gwich'in de Buntut-dont l'accord final sera mis en vigueur grâce au projet de loi C-33-est l'une des plus directes et convaincantes que le gouvernement a reçues.


5115

Dans sa lettre au premier ministre, le chef Bruce a écrit: «La population du Yukon et le gouvernement du Canada ont travaillé très fort pour arriver à des compromis et adopter les concepts novateurs qui sont prévus dans ces accords. Il est donc très important que ces efforts se traduisent maintenant concrètement, alors que l'enthousiasme et les attentes sont élevés.»

[Français]

Dans la perspective de tous ces commentaires, il serait inconcevable que la Chambre puisse rejeter le projet de loi C-33. On décèle nettement dans tous les secteurs de la société du Yukon une vague d'appui extraordinaire à la loi liée au règlement.

[Traduction]

Cet appui s'explique d'ailleurs parfaitement. Les quatre accords finals qui ont été conclus avec les premières nations et que le projet de loi C-33 mettra en vigueur sont excellents. Ils procureront de nombreux avantages sociaux, économiques et politiques aux premières nations visées. Ils procureront aussi beaucoup d'avantages indirects importants aux personnes non autochtones vivant dans le territoire.

Les Yukonnais demandent maintenant au Parlement de faire son travail et d'adopter rapidement ce projet de loi de manière qu'ils puissent commencer à se bâtir un avenir plus sûr et prospère. Je ne vois pas d'autre ligne de conduite raisonnable ou responsable à suivre.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre! Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir: l'honorable député de Vancouver Quadra -le Rwanda; l'honorable député de Verchères-le commerce international; l'honorable député de Peace River-la défense nationale.

Nous reprenons le débat avec l'honorable député de Saint-Jean.

M. Bachand: Monsieur le Président, j'ai une requête à vous faire. Il y a mon honorable collègue de Prince George-Bulkley Valley qui doit prendre un avion et j'ai convenu avec lui, si vous n'y voyez pas d'objection, de lui céder la parole immédiatement, et j'aimerais revenir pour la réplique au discours qui a été présenté par le suppléant du ministre. J'aimerais beaucoup que vous me précisiez si je puis maintenir les 40 minutes maixmum de réplique qui me sont allouées.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): C'est un plaisir d'accepter cette entente. Je remercie tous les députés de l'esprit de collaboration qu'ils manifestent à la Chambre. Je donne la parole au député de Prince George-Buckley Valley.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley): Monsieur le Président, je remercie sincèrement mes collègues du Bloc québécois. Je leur suis vraiment reconnaissant.

(1630)

Nous sommes en train d'étudier le projet de loi C-33, et il convient de comparer cette mesure au projet de loi C-16. Il me semble que c'est le meilleur angle d'approche.

La très grande majorité des autochtones du Yukon qui ont participé aux négociations sur le projet de loi C-33 appuient cette mesure. Cela ne fait aucun doute. Ils semblent extrêmement satisfaits de ce règlement. Néanmoins, en tant que parlementaires, nous serions plus que négligents-comme d'autres partis l'ont été par le passé-si nous ne relevions pas certains des problèmes que pose le projet de loi C-33.

Mes collègues réformistes et moi sommes certes disposés à envisager les principes de l'autosuffisance et de l'autodétermination des autochtones, mais seulement à condition que les circonstances et l'orientation retenue permettent aux autochtones, ceux du Yukon en l'occurrence, de parvenir à l'autosuffi-sance à l'intérieur de la société canadienne.

Malheureusement, ce n'est pas l'orientation que traduit le projet de loi C-33. Celui-ci, tout comme le projet de loi C-16, alourdit la bureaucratie, prévoit de gros déboursés en guise de règlement, maintient la participation du ministère des Affaires indiennes aux programmes, à l'aide financière et à la négociation future de l'autonomie gouvernementale. Ce projet de loi impose un dispositif bureaucratique très lourd.

C'est une chose que les réformistes redoutent. Nous craignons que, dans le règlement des revendications territoriales et les accords d'autonomie gouvernementale, la bureaucratie ne soit si coûteuse et si complexe qu'elle empêchera d'atteindre l'autosuffisance. Il importe de s'en préoccuper.

Examinons donc le projet de loi C-33 et la teneur de l'entente elle-même pour quelques instants. Il y a 8 000 Indiens au Yukon sur une population totale de 32 000 personnes. Ces Indiens auront la propriété collective d'un territoire de quelque 16 000 milles carrés, soit 41 400 kilomètres carrés. Pour 10 000 milles carrés, les droits au sous-sol sont compris dans leur totalité, et pour le reste, ils ne sont que partiellement compris.

En outre, le gouvernement fédéral versera quelque 242,6 millions de dollars comptant et les premières nations du Yukon toucheront les revenus de concessions de surface, des redevances et de l'exploitation des ressources non renouvelables. Les premières nations du Yukon recevront une part préférentielle de la récolte faunique, des droits exclusifs sur la récolte dans la plus grande partie des terres touchées par l'entente, et 70 p. 100 de leurs parcours de piégeage seraient évidemment situés dans les territoires traditionnels plus grands.

De plus, aux termes de ce projet de loi, tous les programmes du gouvernement destinés aux autochtones et aux non-autochtones continueront de s'appliquer. Comment peut-on en arriver à une


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véritable entente sur les revendications territoriales si, en plus du règlement, on promet de maintenir les programmes fédéraux?

Si l'on règle la question des revendications territoriales, c'est pour que les peuples autochtones ne dépendent plus du gouvernement fédéral. Nous voulons leur donner l'occasion de se suffire à eux-mêmes. Comme mon collègue l'a dit ce matin, nous ne pourrons pas briser le cercle vicieux de la dépendance si nous continuons de financer des gens comme les autochtones du Yukon. Ce cercle vicieux doit être brisé. L'objectif doit être l'auto-suffisance. Le fait que ce projet de loi prévoit le maintien du financement fédéral au niveau actuel n'est pas de nature à inciter les autochtones à devenir autosuffisants.

(1635)

L'autre problème, c'est que si le projet de loi C-33 est débattu à la Chambre, et nous, du Parti réformiste, sommes certainement favorables à la tenue de pareil débat, les autres ententes sur les revendications territoriales dont il est question dans le projet de loi et qui n'ont pas encore été conclues n'auront qu'à être approuvées par décret. Autrement dit, nous n'aurons pas l'occasion d'en débattre à la Chambre. Il s'agit d'un territoire s'étendant sur des milliers de milles carrés et dont le financement est évalué à plusieurs centaines de millions de dollars. Les gens qui paient la note, les contribuables canadiens, ont sûrement le droit d'être représentés à la Chambre des communes par des députés qui signaleront, dans le cadre d'un débat, les points forts et les points faibles de ce projet de loi.

Selon la mesure législative, les prochaines revendications territoriales présentées aux termes du projet de loi C-33 seront négociées par des moyens qui nous sont inaccessibles. Les contribuables canadiens méritent mieux que cela, car ils nous ont élus à cette Chambre pour que nous défendions leurs intérêts. Cette question préoccupe grandement les Canadiens.

Je veux aborder une autre question, celle de la protection de la Constitution. Selon l'article 6 de ce projet de loi, les droits contenus dans les accords sur des revendications territoriales sont reconnus et consacrés aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Nous ne sommes pas certains de ce que cela signifie, mais nous sommes assez certains que le gouvernement est, lui aussi, incertain de ce que tout cela veut dire. Cela signifie peut-être qu'on ne peut modifier ces droits à moins d'adopter une modification constitutionnelle ou, tout au moins, d'avoir l'accord de la première nation concernée.

Autrement dit, ces droits ne pourraient pas être modifiés par une simple résolution du Parlement, ce qui donne à ces droits un caractère encore plus définitif qui ne nous laisse aucune souplesse pour réagir aux changements. La situation évolue constamment. Nous avons, dans notre Constitution, des mécanismes qui nous permettent d'y apporter des modifications pour la mettre à jour. À notre avis, le projet de loi C-33 ne renferme aucune disposition nous permettant de faire face aux changements qui pourraient survenir. En toute franchise, nous croyons que le gouvernement fait preuve de beaucoup d'arrogance en voulant entériner à jamais sa politique actuelle. La protection qu'offre la Constitution nous inquiète énormément.

J'ai comparé les projets de loi C-33 et C-16 et j'ai parlé des divers conseils, offices et commissions. Le projet de loi C-33 se trouve à constituer officiellement cinq nouvelles commissions gouvernementales et deux conseils gouvernementaux dont il est question dans les divers accords relatifs aux revendications territoriales. Je suppose que la plupart sinon la totalité des fonctions de ces nouveaux organismes sont assumées à l'heure actuelle par les services gouvernementaux du Canada et du Yukon. Il convient donc de se demander si nous n'avons pas déjà assez d'organismes de réglementation, de personnel de soutien, de bureaucratie.

Le paragraphe 9(4) vise même à constituer encore d'autres commissions et conseils dont il sera peut-être question dans de futurs accords relatifs aux revendications territoriales. Donc, je le répète, la bureaucratie qui nous inquiétait dans le projet de loi C-16 est partout présente dans le projet de loi C-33. Ce n'est pas ainsi que nous en aurons pour notre argent.

Le gouvernement parle de réduire l'appareil gouvernemental, de réduire les ministères, de réduire certains secteurs de l'administration publique et de rendre celle-ci plus efficace. Le gouvernement, le Parti réformiste et l'opposition officielle disent qu'il faut réduire le coût de l'administration publique et rendre celle-ci plus efficace.

(1640)

Le projet de loi C-33 prévoit tout le contraire de cela. Il suppose une bureaucratie accrue, un appareil gouvernemental élargi, des coûts plus élevés, une moins grande rentabilité. Si le gouvernement voulait vraiment réduire l'appareil gouvernemental, il effectue là un revirement complet. Il change complètement son fusil d'épaule.

Je tiens à dire quelques mots au sujet du transfert des droits de propriété. Ces droits vont ici beaucoup plus loin que les titres autochtones reconnus par n'importe quel tribunal canadien. À ma connaissance, aucun tribunal au Canada n'a déclaré que les droits des autochtones sur les terres allaient jusqu'à la propriété en fief simple ou à la pleine propriété. Cependant, nos tribunaux ont déclaré que les droits des autochtones incluaient les activités traditionnelles auxquelles ils s'adonnaient avant l'arrivée des puissances coloniales. Cela inclut la chasse, la pêche, et le reste.

Les tribunaux ont précisé que ces droits n'étaient pas, au sens strict, des droits sur les terres, mais des droits particuliers aux peuples autochtones, qui se superposaient aux droits de l'État sur les terres. Les tribunaux ont ajouté que ces droits pouvaient être abolis au nom de la souveraineté de l'État par des lois en ce sens.

Une cause concernant les revendications territoriales des autochtones a été portée en appel et est toujours devant les tribunaux en Colombie-Britannique. Il s'agit de la contestation d'une décision du juge en chef MacEachern qui a déclaré que la revendication territoriale dont il était question n'avait aucun fondement juridique. Nous sommes très inquiets de voir le gouverne-


5117

ment proposer, par le projet de loi C-33, de contourner la décision d'un tribunal d'appel qui n'a pas encore été rendue.

J'ai dit que les revendications territoriales devaient être axées sur la possibilité, pour les peuples autochtones, d'accéder à l'autonomie gouvernementale. Personne ne peut nier que tous les Canadiens veulent que cela se fasse. Mais cela ne se fera pas avant que l'on ait donné aux peuples autochtones la possibilité de rompre le cycle de dépendance dans lequel ils sont enfermés.

En d'autres mots, nous ne nous opposons pas du tout aux revendications territoriales des autochtones. Par contre, nous nous opposons à ce que le gouvernement s'engage, dans les règlements de ces revendications, à continuer de verser des fonds comme avant aux autochtones. Cela nous inquiète et j'exhorte le gouvernement à faire ce qu'il doit faire, c'est-à-dire aider les peuples autochtones à devenir autonomes.

Le gouvernement peut briser le cycle de la dépendance et il devrait le faire. J'établirais un parallèle avec mes enfants à qui j'ai tenté d'inculquer la valeur de l'indépendance et de la responsabilité personnelle. Si j'avais continué de donner à mes fils tout ce qu'ils voulaient sans leur demander de prendre leurs responsabilités, ils n'auraient jamais compris qu'il faut faire des efforts, travailler et s'éduquer pour devenir plus indépendants. Si je n'avais pas fait cela, mes fils dépendraient toujours de moi et, franchement, à l'âge qu'ils ont, j'attends impatiemment le moment où ils deviendront complètement indépendants, et c'est ce à quoi je les prépare depuis longtemps. C'est ce que le gouvernement doit faire relativement à ces revendications foncières. Il doit briser le cycle de la dépendance.

(1645)

Je prie instamment les députés de la Chambre de réfléchir à cela. Ne nous laissons pas emporter par les émotions que suscite toute la question des autochtones. Laissons-nous guider par ce qui devrait ressortir de tout ce processus, soit l'autosuffisance des peuples autochtones. Brisons le cycle de la dépendance. Ne concluons pas d'accords ou de contrats qui envenimeront les relations entre la société canadienne et les peuples autochtones. Essayons d'aplanir les obstacles qui existent, et cela ne veut pas dire qu'il faut continuer à financer éternellement les programmes destinés aux autochtones.

Le président suppléant (M. Kilger): Je tiens à rappeler aux députés, puisque j'en vois qui demandent la parole, que les trois premiers orateurs disposent de 40 minutes pour faire leurs remarques sur ce projet de loi, sans période réservée aux questions et aux observations.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, fidèle à mon habitude, je vais tout de suite d'entrée de jeu donner les couleurs du Bloc québécois. Pour en avoir discuté avec les instances appropriées, le Bloc québécois va être favorable au projet de loi C-33.

Je profite du moment où les feux de la caméra sont sur moi pour saluer les gens du Yukon chez eux et ceux qui se trouvent dans la galerie. Ils ont eu énormément de persévérance et aujourd'hui se retrouvent, après une vingtaine d'années de discussions, avec une entente et une mise en application qui sera faite par le projet de loi C-33.

Je dis persévérance parce que je l'ai dit aussi lorsque j'ai parlé du projet de loi C-34, un des traits de caractère de la culture amérindienne c'est souvent la persévérance. On pense souvent en termes de générations futures et on se doit de souligner la persévérance de ces gens-là qui, d'année en année, de décennie en décennie, ont toujours persévéré dans une démarche pacifique vers une possibilité d'entente et elle se concrétise devant nous aujourd'hui. Il me fait plaisir de les saluer et de les féliciter.

Il y a des choses que j'ai entendues ici ce matin et cet après-midi. Même si j'ai cédé mon droit de parole à mon collègue de Prince George-Bulkley Valley, cela ne veut pas dire que je partage l'ensemble des discussions et des propos qu'il a tenus. C'est facilement concevable.

J'ai entendu des choses comme: j'ai donné une bicyclette à mon fils lorsqu'il était plus jeune, il voulait avoir une motocyclette après. . . On a l'impression, à écouter les gens de l'autre extrémité de la Chambre qu'on a affaire à de grands enfants gâtés lorsqu'on parle des nations autochtones, qu'on parle des Indiens et des Premières nations. Il faut qu'il soit bien clair que je ne partage pas du tout cet avis.

Je pense qu'il faut se rappeler le contrat social qui a été signé avec nous, les gens de race blanche, avec nos lois, notre façon de procéder, notre démocratie parlementaire, et il faut se rappeler aussi qu'on a occupé leurs terres. Il ne faut pas oublier que ces gens-là occupent ce territoire du Yukon depuis 10 000 ans. Ils étaient là bien avant nous. Pourtant nous avons bénéficié de ces terres-là. Pour moi, quand on parle de compensations monétaires telles qu'elles apparaissent dans l'entente d'aujourd'hui, ce n'est pas tout de dire qu'on leur donne tout et qu'ils vont venir nous voler ou presque parce qu'on leur donne 240 millions de dollars. C'est plutôt reconnaître le fait que depuis des générations, des décennies, depuis que les Européens sont arrivés, nous avons profité de ces terres et aujourd'hui on donne des compensations nécessaires.

Selon moi, ce ne sont pas de grands enfants gâtés, ce sont des gens tout à fait aptes à négocier, de très bons négociateurs d'ailleurs, parce que je les ai rencontrés à de multiples reprises, et pour avoir fait de la négociation moi-même pendant 20 ans, je dois vous avouer que tout en étant pacifistes ce sont de redoutables négociateurs.

(1650)

Lorsque nous en arrivons à une entente comme celle d'aujourd'hui et qu'on a une loi d'application devant nous, il faut comprendre que c'est une entente et que les deux partis n'ont pas atteint leur plein objectif. Au moins, on s'est entendu sur un dénominateur commun qui est devant nous aujourd'hui, et selon moi, c'est le fruit de discussions entre gens, de grandes personnes, qui s'étaient dotées de tous les instruments nécessaires du côté des firmes d'avocats ou des firmes de consultants.

Loin de moi l'idée de penser que ce sont de grands enfants, où finalement on va leur dire «Bien là, prends ta bicyclette et va-t-en, je te fais confiance pour pédaler tout seul». On peut peut-être le dire de façon caricaturale, mais sur le fond, je pense que c'est une bonne entente pour les gens du Yukon et je pense également qu'elle est bonne pour le Parlement canadien. Alors, ce sont des prémisses bien importantes.


5118

Briser la tutelle, on entend souvent cela. Je pense que c'est peut-être la façon de briser cette tutelle-là qui doit être discutable. Les gens pourront dire que l'entente et la loi qui sont devant nous ne réussissent pas à briser cette tutelle et, naturellement, je ne partage pas cela. Je pense que l'entente qui est devant nous permet aux gens du Yukon de se prendre en main, tout comme le projet de loi qu'on a adopté en deuxième lecture, le projet de loi C-34, qui parlait d'autonomie gouvernementale. On donne certains pouvoirs à ces nations et aujourd'hui, en toute logique, le projet de loi C-33 nous amène des assises territoriales qui leur permet d'exercer justement ces droits.

Alors, je pense que la façon de briser la tutelle, on en a un exemple devant nous et tout le monde sait, surtout ceux qui ont participé à des négociations du côté autochtone, qu'il n'y a pas de modèle défini sur l'autonomie gouvernementale ou sur les assises territoriales.

D'ailleurs, il est évident que dans l'entente qui est devant nous, je considère l'assise territoriale comme étant éclatée. On n'a pas pris un morceau du Territoire du Nord-Ouest ou un morceau du Yukon pour dire «Voici, c'est à vous autres», comme cela s'est déjà fait dans d'autres ententes et comme cela s'est fait avec le Sahtu Travel Council. Cela s'est fait de cette façon. On a pris un morceau de terrain homogène et on leur a dit: «Là-dessus, vous allez exercer certains pouvoirs, on est d'accord avec ça. Il y a eu des ententes là-dessus».

Comme je vous le dis, le modèle n'est pas généralisé, il n'est pas uniforme. Ce qui est devant nous aujourd'hui, c'est une entente éclatée avec quatre Premières nations du Yukon qui disent qu'elles ont réussi à faire des ententes définitives avec le gouvernement et qui se sont entendues sur des morceaux de terrain, et il y en a dix autres qui vont suivre.

Lorsqu'on nous dit que pour les dix autres, ça va se faire derrière des portes closes, je ne partage pas cela non plus, parce que si on prend la peine de lire les quatre ententes qui sont devant nous aujourd'hui sur les revendications territoriales, on va se rendre compte que c'est presque du mot à mot d'une entente à l'autre.

Alors, naturellement, les ententes qui vont suivre vont tout simplement être des copies carbones des quatre ententes qui sont devant nous aujourd'hui. Je pense qu'il faut peut-être faire un tour d'horizon de ce que contient cette entente, parce que la loi finalement met en application l'entente. Alors, il faut voir ce qu'on met en application aujourd'hui.

On parle d'une superficie totale de 41 439 kilomètres carrés et c'est réparti, comme je le disais tout à l'heure, de façon éclatée. Pour une certaine nation qui a fait la démonstration auprès des négociateurs fédéraux que leur assise territoriale traditionnelle était dans une superficie X et qu'ils ont convenu de ça, ce sera dans l'entente définitive avec cette nation.

Ce dont je vous fais part aujourd'hui, c'est l'entente-cadre définitive, c'est-à-dire l'entente globale qui est appelée en anglais umbrella agreement, qui est une entente parapluie, qui englobe l'ensemble des revendications. Et ce que je vous dis, avec 41 439 kilomètres carrés, c'est la totalité des kilomètres carrés dégagés par les négociateurs fédéraux pour mettre à la disposition des quatorze nations, et il y a déjà quatre nations qui se sont prévalues de ce droit et qui ont déjà négocié dans une entente définitive avec le gouvernement fédéral cette assise territoriale, en terme de superficie.

Sur maintenant ce que j'appelle la proposition économique mise de l'avant par le gouvernement, j'en ai fait mention aussi plus tôt, pour moi ce n'est pas de leur faire la charité. Ce n'est pas de leur dire qu'on les garde dans une tutelle, que de constater que depuis des décennies, même depuis des centenaires, depuis que les Européens sont arrivés finalement, nous avons profité de ces territoires-là.

(1655)

Aujourd'hui, on leur rétrocède un certain nombre de territoires avec des compensations qui sont de l'ordre de 242 millions de dollars répartis sur une quinzaine d'années. Je ne pense pas que cela les garde nécessairement sous tutelle, non plus, parce que, on le verra plus loin, ces gens-là auront des capacités. Ils auront à leur disposition des structures financières qui administreront ces fonds et qui vont justement les dégager de cette tutelle dans laquelle nous les maintenons depuis trop longtemps.

On peut se rendre compte également que, du côté de la superficie rétrocédée, il y aura des terres de catégorie À et des terres de catégorie B. Il est peut-être important de nuancer la signification de A et de B.

Dans les terres de catégorie A, les gens auront des droits de superficie, naturellement, mais ils auront droit également à tout ce qui s'appelle sous-sol, mine, minerai, pétrole, etc. Cela n'est pas négligeable non plus. Non seulement on leur permet de se dégager de leur tutelle en disant: «On vous compense pour ce qu'on vous a déjà pris, mais maintenant, sur un certain territoire donné, ce qui est en surface, vous allez pouvoir l'administrer, et ce qui est dans le sous-sol, vous allez pouvoir l'administrer également». C'est un pas supplémentaire dans l'objectif du désengagement de cette tutelle.

Ce sont des choses intéressantes qu'on retrouve dans l'entente, et je me dois de les souligner au passage.

Dans la continuité de l'entente-cadre définitive, j'ai fait une nuance tantôt et je l'ai abordée très rapidement. J'aimerais maintenant y revenir. L'entente-cadre définitive, il y en a quatre devant nous aujourd'hui, se rapporte aux quatre nations du Yukon qui ont négocié et qui ont conclu une entente avec le gouvernement. L'ensemble des ententes qui vont venir subséquemment vont devoir continuellement se référer à l'entente-cadre générale, qu'on appelle «Umbrella Agreement», une entente-parapluie, finalement, sous laquelle vont entrer l'ensemble des 14 ententes définitives avec chacune des nations. Il est peut-être important de le dire.

Les ententes portant règlement-c'est important-seront assurées par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Donc, contrairement au projet de loi C-34, où cet article 35 ne s'appliquait pas aux traités modernes, ces ententes-ci sur les assises territoriales seront protégées par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Il y a aussi des options intéressantes dans l'entente; je m'en voudrais de les passer sous silence. Entre autres, les gens vont avoir la capacité, pour un certain temps, de décider s'il veulent rester sous le régime de la Loi sur les Indiens ou s'en dégager, particulièrement en ce qui a trait aux réserves indiennes. Autre-


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ment dit, il y a deux options. Les gens vont pouvoir décider si, pour un certain temps, ils veulent conserver la notion de réserve indienne. L'autre option sera celle des terres visées, c'est-à-dire qu'en ce qui a trait aux réserves, on se dégage de la Loi sur les Indiens et on veut exercer notre pleine autonomie en étant sur des terres visées, ce qui est différent des réserves indiennes.

Toute cette entente, naturellement, a exigé beaucoup de travail, ce que j'appellerais de la cartographie et beaucoup d'arpentage. Aujourd'hui, je voudrais en profiter pour tuer un mythe, ou mettre fin à une fausse rumeur qui circulait au Yukon. D'ailleurs, j'en parle en ce moment, étant donné que des gens du Yukon sont présentement à l'écoute. Jamais le Bloc québécois n'a songé, ne fut-ce qu'une seule seconde, à bloquer le dépôt en première lecture d'un projet de loi sous prétexte que des cartes n'avaient pas été traduites. Nous avons consulté le parti, cependant, on l'avoue, mais jamais dans notre esprit il a été question de bloquer une entente qui a pris des décennies à conclure, sous prétexte que les cartes n'étaient pas traduites.

Le document qui a été déposé devant nous a été traduit en français et en anglais. À notre connaissance, ce qu'on a demandé au ministre, c'est s'il pouvait faire traduire ces cartes-là le plus rapidement possible, ce serait apprécié. En attendant, on n'ira pas dire à des gens qui ont attendu depuis si longtemps: «Nous, on refuse même d'accepter la première lecture du projet de loi.» Il n'en était pas question.

Je m'en serais voulu de passer sous silence aujourd'hui le fait que le Bloc québécois a donné son aval à ce dépôt de projet de loi en première lecture. Il y a aussi beaucoup de choses intéressantes dans l'entente: les zones spécialisées de gestion, entre autres.

(1700)

Vous savez que nous, les hommes blancs, et les autochtones, on s'entend sur certains territoires. Il y a des bornes, il y a des frontières dans ces territoires. Cela s'applique très bien dans une ville, dans une municipalité, mais quand on arrive dans des grands espaces comme le Yukon, la difficulté d'application est évidente, entre autres, pour tout ce qui concerne les animaux sauvages, flore, faune et milieux naturels.

Je donne l'exemple de la harde de caribous de la Porcupine. Il est très difficile de demander à la harde de caribous qui sont dans les Territoires du Nord-Ouest au printemps de ne pas être dans les territoires du Yukon en automne, de ne pas aller en Alaska parce qu'il y a une frontière américaine là. On comprend qu'il y aura des zones spécialisées de gestion et ce qui est intéressant, c'est que cela met en évidence, encore une fois, le côté traditionnel des nations autochtones. Dans certaines zones, on conviendra de spécialiser la région pour porter une attention spéciale à la flore et à la faune de cette région.

Ce qui est intéressant aussi, c'est que l'accent sera beaucoup mis sur l'aménagement du territoire. Il y a un processus par lequel-je vous expliquais tout à l'heure que c'est une entente éclatée, il y a 14 nations qui éventuellement auront des territoires qui ne se juxtaposeront pas nécessairement-il y aura des zones dans lesquelles l'autonomie gouvernementale et les assises territoriales des nations du Yukon ne s'appliqueront pas.

Par contre, on a prévu à l'entente un processus pour faire en sorte qu'il y ait une certaine compatibilité dans les prises de décisions afin d'éviter que des zones grises soient complètement laissées à elles-mêmes et où des autorités pourraient inscrire des projets de loi ou de réglementation qui viendraient heurter les voisins. Pour cela, il y a un processus de mis en place et il est intéressant d'en parler.

Ce processus tiendra compte très sérieusement des valeurs culturelles des Indiens du Yukon et, pour une fois, on s'attardera à un concept qui me tient particulièrement à coeur, le développement durable. Depuis trop longtemps déjà, dans notre société de consommation, on oublie le concept de développement durable. On construit des choses, on développe rapidement, souvent aux dépens de l'environnement et par la suite, on se retrouve avec un environnement détruit, une structure économique qui a profité d'une pointe économique et qui se retire après que le sous-sol et la surface soient complètement drainés. Alors, le développement durable est une des pierres angulaires de l'aménagement du territoire. On constate qu'il y aura une très grande importance accordée au développement durable. On ne peut qu'applaudir le fait de retrouver cette notion de développement durable dans cette entente.

Il y aura également une commission des activités de développement. C'est un peu ce que j'ai toujours appelé l'heureux mariage entre le traditionnel et le développement économique moderne. Toutes les activités économiques que les promoteurs voudront mettre de l'avant, dans les territoires visés ou sur les réserves qui seront maintenus, devront passer par une commission d'évaluation des activités de développement. Naturellement, on peut constater que le développement durable sera une pierre angulaire, je l'ai dit tout à l'heure, mais les méthodes traditionnelles et la culture de ces peuples seront prises en compte. C'est prévu dans l'entente, que les promoteurs devront apporter, s'il le faut, des mesures d'atténuation à leurs projets pour faire en sorte que cet heureux mariage entre le traditionnel et le développement économique moderne se concrétise et s'exécute au jour le jour.

Il y a aussi une commission très importante pour eux, je pense, la commission de la gestion du poisson et de la faune. Le gouvernement fédéral a convenu, dans l'entente, de créer un fonds mixte pour remettre en valeur et reconstruire tout ce qui touche la faune, le poisson et la flore. On sait qu'il y a eu des développements malheureux dans certaines régions qui ont drainé, soit en superficie ou en sous-sol, les ressources qui existaient. La commission sur la gestion du poisson et de la faune fera en sorte de déterminer comment ramener et réinstaurer les richesses qui ont caractérisé le Yukon au cours des siècles.

(1705)

Il y aura aussi beaucoup d'attention à apporter au patrimoine. C'est une chose dont on ne parle pas souvent et ça me fait plaisir d'en parler, d'aborder le sujet, je l'ai dit, aussi, dans le projet de loi C-34. Tout ce qui touche à la question de la langue sera extrêmement important dans ces territoires-là.

D'ailleurs, je dois, encore une fois, ici, soulever l'analogie qui existe entre le peuple du Québec, qui est un peuple de langue française, qui est une minorité dans le grand Canada, et les minorités linguistiques que représentent les nations autochtones. Alors, je suis heureux pour eux qu'on ait accordé de l'attention à leurs langues, à leurs traditions et on se rend compte aussi que souvent, la richesse de leurs traditions vient complémenter


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un peu, en tout cas, en ce qui me concerne personnellement, ma propre culture.

Je constate entre autres, chez eux, tout ce qui touche aux légendes est extrêmement important et quoi de plus beau qu'une légende véhiculée dans une langue traditionnelle, une langue ancestrale. Ces gens-là y ont porté attention, dans l'entente. Je suis sûr que ce ne sont pas les négociateurs fédéraux qui ont tenu à inclure ces dispositions dans l'entente comme telle. Je pense que ces gens-là ont fait en sorte de privilégier leur culture et de faire en sorte qu'elle soit protégée, un peu comme les Québécois, nous, on tient à notre culture. Je pense qu'on se doit de les féliciter d'être dans la même lignée que nous là-dessus.

Ce sont des gens, aussi, qui ne sont pas hégémoniques et ça c'est un trait de culture. Ce sont des gens qui, à l'arrivée des Européens, nous ont dit: «Écoutez, nous, on a un immense territoire, on n'a pas d'objection à le partager avec vous.» Et on peut le voir dans l'entente, ça se réflète aussi, il y aura un accès tout à fait raisonnable pour l'ensemble des gens qui veulent aller au Yukon. C'est bien évident, cependant, qu'on n'a pas à demander un visa ou on n'a pas à demander un passeport pour aller faire un tour au Yukon.

D'ailleurs, je vous dis en passant que j'ai été invité à aller pêcher des truites de 25 livres au Yukon. . .

Une voix: Invite-nous!

M. Bachand: . . .et ça me fera plaisir d'accepter l'invitation et je n'aurai pas besoin de passeport ni de visa pour y aller. Je vais même aller voir personnellement si, effectivement, ce n'est pas une histoire-parce que nous, souvent, on a souvent tendance à raconter des histoires de pêcheurs, quand on n'a pas de photo, on dit souvent qu'on a pris un poisson ça de long, alors là, eux m'ont dit qu'ils en avaient de 25 livres, je vais aller le voir personnellement et je promets de faire un retour à la Chambre là-dessus pour vous dire si effectivement, il y avait un fond de vérité à tout ça.

Les traditions orales, du côté du patrimoine, sont extrêmement importantes aussi. Nous, on a souvent tendance à dire: «J'achète une maison, qu'est-ce qu'était le contrat avant, avec la personne qui habitait la maison, est-ce que je peux le voir?» De leur côté, il y a une tradition orale qui s'exerce. Ça s'est excercé dans notre société aussi, il y a très longtemps, mais maintenant, avec tout l'esprit juridique qui nous habite, on constate que c'est une tendance qu'on a oubliée. Et pourtant, chez eux, la tradition orale est très importante.

Il y a des ententes de gré à gré souvent, par entente entre eux, sans qu'il y ait de contrat comme tel. Alors, du côté du patrimoine, ce sont des choses qu'eux se réservent le droit de mettre en valeur et je pense qu'on doit les en féliciter. Il y aura un office de gestion des eaux, parce qu'on sait que les eaux du Yukon sont des eaux particulières. La pollution est très peu avancée au Yukon et il y a des gens qui regardent cela avec des yeux envieux. On peut penser, entre autres, à nos amis Américains, qui, quelquefois, pourraient avoir tendance à dire qu'ils aimeraient exporter de l'eau. Et ça, on l'entend de plus en plus dans certaines régions américaines, où ils ont de moins en moins d'eau dans leur nappe phréatique. Il est souvent question de dire: «Est-ce qu'on ne pourrait pas détourner certains cours d'eau pour essayer de nous approvisionner en eau?»

Là-dessus, il est clair dans l'entente que pour ce qui est de tous les besoins domestiques, il n'y a aucun problème. Par contre, pour ce qui est des besoins spécifiques, les gens du Yukon ont bien pris la peine de mettre sur pied un office de gestion des eaux. Pour moi, ce n'est pas une bureaucratie, parce que le tiers de cet office va pouvoir procéder à des nominations autochtones, et ça aussi c'est une des façons pour que les peuples autochtones se prennent en main.

Il s'agit, pour nous, d'arrêter de faire en sorte que tous les programmes soient décidés à partir d'Ottawa, retransmis dans les directions régionales et appliqués aux indiens ou aux autochtones ou aux Premières nations. Maintenant, on leur dit qu'on va créer des offices. Vous voulez des offices pour contrôler vos eaux, contrôler votre environnement, on va faire en sorte qu'effectivement, les administrateurs qui seront là pourront être en large partie des gens qui sont dans le milieu même et qui connaissent ce milieu-là.

(1710)

Je pense qu'on va assister non pas à une nouvelle bureaucratie, mais on va assister à une plus grande efficacité d'intervention, parce que ce sont des gens qui sont dans leur milieu et qui connaissent leur milieu et cela va faire en sorte qu'on va pouvoir démanteler le plus rapidement possible, on l'espère, le ministère des Affaires indiennes et la Loi sur les Indiens. Et ce que les gens du Yukon nous ont proposé c'est un pas dans cette direction.

Il y a aussi des dispositions sur les ressources halieutiques et fauniques, j'en ai parlé un peu tantôt. Sur les terres de catégorie A dont je parlais tout à l'heure, il y aura les exclusivités de récolte, c'est-à-dire qu'uniquement eux pourront récolter de ces terres-là. L'entente maintient 70 p. 100 environ du réseau de piégeage et c'est quelque chose d'extrêmement important pour eux, parce que c'est une activité de type traditionnel, et ils y tenaient beaucoup.

Du côté forestier, il y a des choses intéressantes aussi et là je me dois de faire une espèce d'allégorie et une analogie sur les ressources forestières. Souvent on entend dire les autochtones que dans leur société, entre nations et avec les Blanc, ils voient cela comme une grande forêt. Et dans une forêt, il n'y a pas qu'un seul type d'essence, il y a plusieurs essences: il y a des pins, des érables, et eux disent souvent que la vision qu'ils se font de la forêt est un peu la vision qu'ils se font de la société. Je me devais de faire cette analogie au passage parce que les ressources forestières, pour eux, sont des ressources importantes et du fait de l'avoir inclus dans l'entente fait en sorte que ces gens vont pouvoir avoir un meilleur contrôle de leurs ressources forestières.

J'ai parlé du développement économique, mon collègue du gouvernement a aussi soulevé la question des accords transfrontaliers. Ces gens-là vont pouvoir participer à des accords transfrontaliers. L'exemple que je dois donner, et je reviens à la harde de caribous du Porcupine, ces hardes de caribous ne respectent pas nécessairement les frontières délimitées. Donc, pour eux, le caribou est un animal qui est relié directement à leurs traditions, d'où l'importance pour eux de participer à des discussions sur des accords transfrontaliers et sur la harde de caribous du Porcupine. C'est important de mentionner au passage qu'on a des ententes à passer avec les Américains là-dessus, parce que les hardes de caribous qui passent à travers le territoire du Yukon vont faire une certaine gestation dans les territoires de l'Alaska, et les Américains songent de plus en plus à exploiter le territoire de l'Alaska du côté pétrolier et du côté des richesses du sous-sol, parce qu'il y en a des richesses dans le sous-sol. Donc, c'est


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important que les Premières nations du Yukon puissent participer à des accords transfrontaliers. L'exemple typique qui me vient immédiatement à l'esprit, c'est celui des hardes de caribous.

Je vais conclure en disant qu'encore une fois, je félicite les Premières nations du Yukon pour la signature de l'accord. Je dis aux gens du Yukon que le Bloc québécois soutient le projet de loi C-33. Je soutiens aussi, comme je l'ai dit au début, que les gens ont été persévérants, laborieux, tenaces, durs probablement à l'égard des négociateurs fédéraux qui ont sûrement retourné la politesse aussi. Et ce qu'on se doit de dénoter, cependant, c'est que tout s'est fait dans une atmosphère très pacifique. Et cela, je l'ai dit lors de l'étude du projet de loi C-34 et je le répète à l'égard du projet de loi C-33: il y a des nations autochtones qui auraient tout intérêt, actuellement, à imiter les gestes des gens du Yukon et des Premières nations du Yukon, c'est-à-dire de persévérer dans les revendications territoriales, persévérer dans leur recherche d'autonomie gouvernementale, tout le temps dans une atmosphère pacifique, ce qui peut être très dur du côté des négociations.

Le recours aux armes dans une société moderne, autant du côté des autochtones que du côté des Blancs, est difficilement sinon complètement inacceptable, et ces gens-là ont fait une démonstration qui vient encore une fois marquer un trait d'histoire. C'est-à-dire que par leur persévérance et par leur capacité de négocier, ils en sont venus à une entente qui est favorable à tout le monde et elle a été saluée, d'ailleurs, au passage, par beaucoup de personnes au Yukon, y compris le gouvernement régional du Yukon et par les compagnies minières qui participent au Yukon à des explorations minières.

(1715)

Ces gens-là ont fait en sorte encore une fois de démontrer qu'il y a une certaine concertation dans le Yukon. Ils l'ont démontré et je pense qu'on se doit de saluer le projet de loi C-33.

Il me fait plaisir, pour conclure, de dire aux gens du Yukon qu'ils auront l'appui du Bloc québécois sur le projet de loi C-33.

[Traduction]

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni): Monsieur le Président, je tiens à dire dès le départ que le Parti réformiste croit en l'autonomie des autochtones du Yukon, mais nous trouvons à redire au projet de loi à cause de la générosité de ses dispositions.

Pour commencer, je m'inquiète de l'orientation générale que prend le projet de loi, car il établit un précédent et, à l'instar d'autres projets de loi comme celui qui portait sur l'accord sur le Nunavut, qui nous a été présenté par les conservateurs, et le projet de loi C-16, concernant les autochtones du Sahtu, il offre un règlement exagérément généreux à un petit nombre de gens.

Quand on examine la carte du Canada, on commence à voir le puzzle qui se forme, composé de nombreuses parcelles individuelles. Quand on réunit le tout, cependant, il devient très clair que le territoire canadien situé au nord du 60e parallèle est très rapidement cédé en revendications territoriales. On tient très peu compte des implications que ce fait peut avoir pour les non-autochtones, car ces accords ont des implications aussi bien pour les autochtones que pour les non-autochtones du Canada. Il faut examiner la mesure à l'étude sous cet angle-là.

On dirait que le gouvernement se dirige en somnambule droit vers un désastre avec cet accord de règlement de revendication territoriale excessivement généreux. La générosité de cet accord est plutôt ridicule car elle n'est justifiée ni en fait ni en droit.

Nous ne disons pas qu'il ne devrait pas y avoir de règlement. Là n'est pas la question. Nous disons cependant que ce règlement est clairement trop généreux. Nous pourrions dire en fait que ce règlement est beaucoup trop libéral. C'est le genre d'accord qui ne manquera pas de brouiller les autochtones et les non-autochtones entre eux.

Je vais citer certains chiffres. Cet accord donne 17 275 kilomètres carrés, ou 6 670 milles carrés, à quatre bandes indiennes du Yukon. De cette superficie, 12 000 kilomètres carrés, ou près de 5 000 milles carrés, s'accompagnent de droits miniers. Ainsi, 6 670 milles carrés seront cédés à 2 457 personnes, soit environ trois milles carrés de territoire par personne.

Le règlement ne vise que quatre des 14 bandes et il reste encore dix règlements à venir. Si ces groupes signent des ententes comparables, le gouvernement peut-il nous dire où il prendra le territoire, car, à ce rythme, l'ensemble des ententes couvrira la totalité du territoire du Yukon et peut-être même plus.

Pour revenir à mon puzzle, dont les pièces commencent à se mettre en place, on constate que toute l'extrémité nord du Canada est en train d'être occupée.

Et que dire des droits territoriaux des Canadiens non autochtones? Quand le gouvernement va-t-il tenir compte de ce qui se passe ailleurs dans le monde? La politique dont il est ici question est fondée sur la race, alors que le reste du monde vit à l'heure de l'égalité. Les choses se passent ainsi partout dans le monde. Je me demande pourquoi ce projet de loi et le projet de loi sur l'autonomie gouvernementale vont dans le sens contraire, alors que, partout ailleurs, on mise sur la règle de l'égalité pour tous les citoyens.

Et que dire des Canadiens non autochtones qui ont passé toute leur vie au Yukon? Quelle est leur place, car cela n'est pas clair? Que leur arrivera-t-il s'ils vivent dans une région visée par les règlements territoriaux? S'ils sont déplacés, seront-ils indemnisés? Ont-ils été consultés?

Le gouvernement affirme qu'il a consulté la population. Il s'agit d'une consultation passablement générale comportant des questions confuses comme: êtes-vous en faveur de l'autonomie gouvernementale? Oui. Êtes-vous en faveur d'un règlement des revendications territoriales? Oui.

(1720)

Les détails des règlements n'ont pas été rendus publics, que je sache. Qu'adviendra-t-il des occupants actuels des terres? Prenons le cas d'une personne qui possède une maison, une ferme, un territoire de piégeage ou quoi que ce soit situé sur un territoire visé par une revendication territoriale. De quelle loi cette personne relève-t-elle? La loi canadienne? La loi autochtone? Une combinaison des deux? Je prévois que cette situation créera un cauchemar bureaucratique.

De plus, il y a de nombreuses autres revendications territoriales à régler, outre les revendications autochtones. Le projet de loi dont nous sommes saisis crée un précédent extrêmement dangereux dans la mesure où chaque bande estimera qu'il y a entente et revendiquera au moins autant, sinon plus, qu'une autre. La voie


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sur laquelle nous nous sommes engagés aboutira à d'énormes malentendus.

Certains accords dont j'ai déjà parlé, comme l'accord de Nunavut qui couvre l'Arctique de l'Est, l'accord d'Inuvialuit, qui couvre l'Arctique de l'Ouest, l'accord de Gwich'in dans le delta du fleuve Mackenzie, sont autant d'éléments du puzzle qui se mettent en place. Il semble bien que le gouvernement veuille couvrir le Nord canadien de ces accords de règlement.

Remontons dans le temps puisque le Canada est une nation d'immigrants. Nous sommes tous des immigrants, que nous soyons arrivés ici les premiers, les deuxièmes, les troisièmes ou tout récemment. Nous venons tous d'ailleurs, y compris les autochtones. Certains sont venus pour des raisons économiques, d'autres pour rejoindre leurs proches, tandis qu'il y en a qui ont eu la chance de naître ici.

De nombreux immigrants sont venus s'établir ici parce qu'ils fuyaient les persécutions, et le Canada leur a ouvert ses portes. Qu'avons-nous à offrir? Nous offrons l'égalité à tous. C'est ce que nous devrions faire aujourd'hui avec ces accords. Le premier peuple du pays ne devrait pas avoir plus de droits ou moins de droits que les autres Canadiens.

De plus, je ne pense pas que le gouvernement soit vraiment conscient de la portée de cet accord, car, en vertu de l'accord-cadre, des indemnités de 242,6 millions de dollars seront divisées entre les quatorze groupes autochtones et seront versées sur une période de 15 ans. Cela équivaut à environ 30 000 $ par personne. Trente mille dollars, c'est une somme d'argent intéressante quand une personne a fini de payer sa maison et que le gouvernement continue de payer les autres factures.

Comment cet argent va-t-il être divisé? Quand j'ai parlé, tout à l'heure, du projet de loi sur l'autonomie gouvernementale, il m'est apparu très clairement que la Charte ne s'appliquait pas. D'énormes sommes d'argent et de très vastes étendues de terrain vont revenir à un petit nombre de personnes.

L'un des principaux points qui tracassaient les gens à propos de l'ancienne Loi sur les Indiens, c'est que les autochtones des réserves ne possédaient pas de terrain. Aucun autochtone ne pouvait aller à la banque et dire qu'il possédait un terrain. Si je comprends bien, la même chose va se produire avec ces accords.

Pourquoi un autochtone ne pourrait-il pas posséder le terrain sur lequel il vit? Cela serait bon pour son ego. Si le terrain appartient à la bande, s'il appartient à un groupe-cadre, il va encore y avoir des problèmes, parce que cela n'est pas couvert par la Charte.

Le gouvernement connaît-il les possibilités que présentent les droits miniers qui sont cédés dans cet accord? J'ai passé quelques coups de fil à certaines personnes qui travaillent dans le secteur minier pour savoir ce qu'il en était. Elles ne sont pas au courant des possibilités des concessions minières du Yukon. En raison de l'incertitude, un grand nombre de concessions n'ont pas été explorées.

Le gouvernement ne connaît pas la valeur de ce qu'il est en train de céder. Ces quatre accords comportent l'option d'acquérir jusqu'à 25 p. 100 des redevances que le gouvernement du Yukon, ses agences ou ses sociétés perçoivent dans le cadre de projets de développement des ressources non renouvelables et de production hydro-électrique mis sur pied dans les territoires traditionnels.

Or, le gouvernement peut-il dire aux Canadiens quelle est la valeur de ces redevances? J'en doute fort. Nous parlons d'argent ici, mais nous ne savons pas sous quelle forme. Un des accords, l'accord Champagne, prévoit des ententes de développement économique avec le gouvernement fédéral en vue d'assurer une aide technique et financière à cet égard.

À combien se montent les mesures d'aide dont il est question? S'agit-il de prêts illimités? Quelles sont les lignes directrices? Où est l'égalité ici? Les droits et les privilèges devraient être les mêmes pour les autochtones et les non-autochtones de la région.

(1725)

Je me demande si l'actuel gouvernement avait la moindre idée de l'énormité des transferts de paiement en jeu. Je n'arrive pas à comprendre comment l'actuel gouvernement peut justifier la question relative aux redevances devant la Chambre et la population canadienne. Or, nous savons qu'il devra le faire.

En outre, le gouvernement fédéral continuera de financer tous les programmes, actuels et à venir. Et comment réalise-t-on l'autosuffisance? On donne les terres, on verse l'argent et on maintient les programmes. Cela n'est pas de bon augure pour l'autosuffisance des autochtones.

Le ministre affirme que ces accords donnent aux bénéficiaires autochtones les moyens de devenir indépendants, d'être à nouveau responsables de leur destin. Mes collègues et moi sommes tout à fait d'accord avec cela. Le besoin de devenir indépendant et d'être à nouveau responsable de son destin, nous le reconnaissons à tous les Canadiens.

Nous serions en faveur d'un accord qui réaliserait un tel but dans les intérêts des autochtones comme des non-autochtones. Or, cet accord fait tout le contraire. L'octroi de tout cet argent, de toutes ces terres, ainsi que le maintien des programmes et des avantages, loin d'être des mesures favorables à l'indépendance, vont renforcer la dépendance. En donnant ces énormes quantités d'argent et de terres, cet accord semble plutôt supprimer tout incitatif.

L'accord supprime la motivation qui amènerait ces gens à conquérir leur dignité et leur estime de soi. Cet accord ne permet pas aux autochtones de se débrouiller et de réussir. C'est encore la bonne vieille Loi sur les Indiens.

Rien n'indique dans cet accord que le gouvernement compte supprimer graduellement son aide financière et ses programmes autochtones si les conditions de l'accord se révèlent fructueuses.

Malgré tous les fonds qui sont prévus dans cet accord, on n'explique aucunement la raison pour laquelle ils sont accordés. Quelle est cette raison? Je suis préoccupé parce que cet accord crée un précédent très dangereux sur le plan de la responsabilité financière du gouvernement dans la négociation future de nom-


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breux autres accords et ententes de revendication territoriale avec les autochtones.

Il existe de nombreuses préoccupations au sujet de la gestion à la fois des fonds et des assises territoriales. Les autochtones eux-mêmes soulèvent ces préoccupations car, comme je l'ai dit plus tôt, les fonds de règlement des revendications et les titres de bien-fonds ne sont pas accordés aux individus, mais aux organisations.

Cet énorme transfert est beaucoup trop généreux; il faudrait réexaminer tout l'accord afin de le rendre plus conforme à la réalité. Je souligne encore une fois que c'est l'ampleur de cet accord qui nous inquiète.

Quels sont les droits des non-autochtones dans cet accord? Il faudrait les énoncer. Certains des accords prévoient des droits exclusifs de prédation dans les parcs et dans les territoires. Quels sont les droits des non-autochtones dans tout cela?

Le gouvernement garantit aux autochtones une participation à la pêche commerciale du saumon d'eau douce et à la pêche sportive, aux activités comme les voyages d'aventure, la sylviculture, les pourvoiries et le camping dans les territoires traditionnels. Cela signifie-t-il qu'ils ont des droits exclusifs à cet égard? On ne le sait pas au juste. Encore une fois, on accorde des droits en fonction de la race. À une époque où le monde se dirige vers l'égalité de tous ses citoyens, le gouvernement semble s'éloigner de ce principe et vouloir créer deux nations au sein du Canada.

Je crains surtout la réaction que cela produira chez les non-autochtones. Le gouvernement va, avec cet accord, semer la discorde entre les autochtones et les non-autochtones. La stratégie des pêches applicable aux autochtones, un programme censé venir en aide aux autochtones en Colombie-Britannique, en est un bon exemple. Vingt-cinq pour cent des pêcheurs sont autochtones, les autres sont des non-autochtones. Ils ont travaillé ensemble pendant des générations et tout allait bien jusqu'à la mise en place de cette stratégie qui a semé la discorde entre ces deux groupes qui s'étaient toujours bien entendus pendant des années. L'idée de cet accord est la même.

Je serais très surpris que ce gouvernement puisse fournir toutes les réponses ici. Espérons que, quand cette question sera examinée en comité, un certain nombre de points seront soulevés et étudiés.

(1730)

La préoccupation est grande parmi les Canadiens qui ne sont pas opposés à cet accord en principe, mais qui n'aiment pas les ententes généreuses. Cet accord doit être réexaminé en comité. Il doit être réexaminé ici même à la Chambre. Tout le processus de réflexion doit être réexaminé.

M. Allan Kerpan (Moose Jaw-Lake Centre): Monsieur le Président, j'ai remarqué dans le cadre du débat d'aujourd'hui qu'on utilise dans tout le projet de loi l'expression «premières nations». On décrit ces 14 bandes comme des premières nations. De même, tous les membres de ces premières nations deviennent des citoyens de ces premières nations.

Même si l'expression «premières nations» a été utilisée très largement dans la pratique courante, à ma connaissance, c'est la première fois qu'on en parle officiellement dans une loi fédérale. Cela m'amène à me poser un certain nombre de questions et je voudrais connaître l'opinion du député sur certaines d'entre elles.

Je tiens tout d'abord à savoir si les autochtones du Yukon vont dorénavant avoir deux types de citoyenneté aux termes de ce que nous percevons comme la loi canadienne? Dans l'affirmative, n'y aura-t-il pas conflit entre leurs deux allégeances? C'est une question qui m'a tracassé tout au cours du débat d'aujourd'hui que j'ai suivi très attentivement.

J'invite mon collègue à me livrer le fond de sa pensée, s'il le veut bien, car je voudrais savoir ce qu'il pense de ces types d'allégeance et du conflit qui pourrait surgir dans ce cas-là.

M. Gilmour: Je remercie le député de sa question. Il a mis en évidence les liens qui existent entre ces deux mesures, l'autonomie gouvernementale d'une part et l'entente territoriale d'autre part.

Le député a tout à fait raison. Il semble que nous établissons deux nations distinctes à l'intérieur d'une même nation en adoptant ces deux mesures qui sont reliées. Je crois fermement, comme je l'ai dit à un certain nombre de reprises, que nous allons dans la mauvaise direction. Nous ne sommes qu'une nation. Nous ne pouvons être les gens du Québec, du Yukon, ou d'autres régions du pays; nous sommes tous des Canadiens.

Ce projet de loi s'éloigne de la notion d'égalité en parlant d'une autonomie gouvernementale qu'on ne peut définir. Nous avons demandé plusieurs fois au gouvernement de bien vouloir nous dire ce qu'on entendait par là. Est-ce une municipalité? Est-ce une administration provinciale? Est-ce une administration fédérale? Qu'entend-on par accord-cadre? Nous n'avons pu obtenir ces réponses.

Tant que ce ne sera pas chose faite, tant que les Canadiens ne pourront savoir au juste de quoi il s'agit et ce sur quoi nous nous prononçons, la notion restera si vague qu'elle pourrait être manipulée par pratiquement toutes les parties à l'entente.

Il est essentiel que nous puissions parvenir à l'égalité de tous, à une entente équitable nous traitant tous sur le même pied.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe): Monsieur le Président, toutes ces questions au sujet de l'expression «premières nations» m'intriguent. Nous parlons bien des premières nations, des premiers peuples arrivés sur notre continent. Il ne s'agit pas d'une seule nation, mais de beaucoup de nations différentes. Je pense qu'il est tout à fait juste que ces gens puissent se donner un nom.

J'ai visité le nord de la Suède. Vous connaissez probablement le mot «lapon». Les Lapons ne se désignent pas eux-mêmes comme étant des Lapons, mais plutôt des Samis, qui veut dire «le peuple».


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Il y a une certaine confusion entourant cette question. Le choix de ce nom n'est pas qu'une mode et les autochtones ne font pas cela pour se faire remarquer. C'est le nom que les peuples autochtones d'Amérique du Nord ont choisi pour se désigner eux-mêmes en tant que premières nations, et nous l'utilisons en signe de respect.

(1735)

Quand on parle de traiter les gens sur un pied d'égalité, c'est justement de cela qu'il s'agit. Il faut comprendre les origines historiques, les barrières et les aspects systémiques de la discrimination. Nous ne parlons pas de peuples conquis. Ces peuples avaient déjà à l'époque des traités, des ententes avec notre gouvernement, et ils ne cherchent qu'à reprendre ce qui leur revient de droit.

M. Gilmour: Je remercie la députée de sa question. Nous n'avons pas le même point de vue. Cela arrive souvent à la Chambre.

Je refuse d'utiliser l'expression «premières nations» parce que, pour moi, cela implique qu'il y en a une deuxième et une troisième. Or, il n'y a qu'une seule nation au Canada. Pour moi, c'est cela l'égalité. C'est nous tous réunis. Ce n'est pas un affront fait à nos peuples autochtones. L'idée, c'est que s'il y a une première nation, laquelle est la deuxième, laquelle est la troisième, et quels sont leurs différents droits? Il n'y a aucune différence dans nos droits. Nous sommes tous égaux.

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, on entend souvent dire que les gens du Yukon connaissent très bien ce qu'est l'autonomie gouvernementale, ce qu'elle signifie et quelles en sont les incidences, et que les Canadiens sont au fait de tout ce dossier.

Je me demande si le député pourrait nous dire à quel point cette opinion est aussi généralisée qu'on le suppose et à quel point les gens sont réellement informés au sujet de ces accords sur les revendications territoriales dont nous discutons aujourd'hui.

M. Gilmour: Monsieur le Président, j'ai effleuré ce sujet durant mon discours; en général on connaît peu cet accord.

La notion d'autonomie gouvernementale, la notion de règlement d'une revendication territoriale sont plus connues. Les gens sont au courant de cela. Toutefois, le contenu du projet de loi et la générosité de ses dispositions sont peu connus.

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, il y a un mois environ, je suis intervenu à la Chambre à propos du projet de loi C-16 sur la revendication territoriale du Sahtu.

J'ai alors déclaré à la Chambre que nous établissions un précédent très dangereux. C'est encore ce que nous faisons aujourd'hui. Le projet de loi C-33 dont nous sommes saisis cède à chaque individu deux milles carrés des terres visées par la revendication. Pour bien comprendre la situation, prenons l'exemple de ma famille qui exploite une ferme sur une terre de deux milles carrés, dans le nord-ouest de l'Alberta. Cette exploitation fait vivre une famille de six membres. Si nous faisons le calcul, deux milles carrés par personne équivalent à douze sections de terrain par personne.

Mettons un peu les choses en perspective. Quand ma famille est arrivée d'Angleterre, en 1867, elle a reçu 205 acres. Ce projet de loi parle d'environ 12 000 acres de terrain, ce qui est considérable. Il établit un précédent très dangereux.

Dans la circonscription de Peace River, il y a six revendications territoriales à régler et nous voulons faire avancer le dossier. Chaque règlement semble servir de point de départ au suivant et, pendant ce temps, le Canada est confronté à une dette et à un déficit énormes.

Je me demande si le gouvernement a songé aux implications que ce projet de loi pourrait avoir sur toutes les autres revendications territoriales. Si l'on reprend l'exemple d'une famille de six membres, le montant approximatif de 35 000 $ dont il est question dans le règlement que nous étudions représente 200 000 $ plus 12 milles carrés de terres.

Je dois poser la question suivante: que se passera-t-il ensuite? De nombreuses revendications territoriales doivent être réglées en Colombie-Britannique. Est-ce que cela veut dire qu'il nous faudra emprunter davantage au Japon et aux États-Unis, par exemple? Nous devons donc réfléchir au coût de ce projet de loi et au précédent qu'il crée.

(1740)

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, ces revendications territoriales entraînent des coûts énormes pour les contribuables canadiens. Ces quatre revendications nous coûtent plus de 260 millions de dollars. Il me semble qu'il manque un élément à l'équation. Personne ne s'est levé à la Chambre pour parler au nom des Canadiens non autochtones.

Qui donc le fera? Qui va parler de leurs responsabilités et de leur droit de propriété sur d'autres parties du pays?

Le Canada, d'un océan à l'autre, n'appartient-il pas à tous les Canadiens, tant autochtones que non autochtones? Étant donné qu'à la Chambre, nous nous intéressons tous au bien-être des peuples autochtones, je voudrais bien savoir ce que signifie cette revendication territoriale. Qu'est-ce que les revendications territoriales vont faire pour améliorer le sort des autochtones? N'y aurait-il pas un meilleur moyen de le faire? Quelle responsabilité incombe-t-il aux non-autochtones aux termes de ces revendications territoriales, étant donné qu'elles auront une incidence considérable sur les contribuables canadiens?

M. Penson: Monsieur le Président, je remercie le député pour ces questions, qui me semblent très importantes.

Les habitants de ma circonscription vivent une situation très difficile, car le secteur agricole a été durement touché par la guerre commerciale qui dure depuis plus de 10 ans. Un grand nombre de mes électeurs ont perdu leur ferme et leurs terres. Ils seraient portés, eux aussi, à poser cette question. Voilà pourquoi il est important d'y répondre. Ces gens connaissent de grandes difficultés.


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C'est un peu à cause de la dette très élevée du Canada que ces gens perdent leurs terres. Ils croulent sous les impôts pendant que le gouvernement concède des terres aux autochtones et règle de grandes revendications territoriales. Nous ne pouvons approuver cet état de choses et les Canadiens ne l'approuveront pas non plus.

Nous devons régler ces revendications territoriales, mais tout en mettant l'accent sur l'autonomie et l'autosuffisance. Je ne crois pas qu'on le fasse dans ces deux projets de loi. Il s'agit plutôt d'un accord ouvert et nous ne savons pas très bien combien tout cela va nous coûter. Nous donnons carte blanche. S'il s'agissait d'un règlement définitif, je m'en réjouirais, mais ce n'est pas le cas avec les deux projets de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Voilà des questions très importantes. Il faudrait les aborder dans ces mesures législatives et j'encourage le gouvernement à approuver certaines des modifications qui ont été proposées afin de rendre les projets de loi plus efficaces et de pouvoir les faire accepter par les Canadiens.

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, le député peut-il imaginer l'étendue du territoire dont disposaient les autochtones du Canada et plus particulièrement, pour ce qui concerne le projet de loi qui nous occupe, les autochtones du Yukon à l'époque de l'arrivée des premiers colons?

On a dit que le projet de loi accordait trop de milles carrés ou d'acres, par personne et par famille. Je dirai au député qu'il faut certes tenir compte des vastes étendues qui étaient les leurs lorsque les premiers colons sont arrivés au Canada, ou, dans ce cas-ci, lorsqu'ils se sont installés dans le Nord. Certains étaient les bienvenus, d'autres pas, mais ils ont fini par s'approprier ces territoires et par les développer.

Il faut que le gouvernement, que les députés de tous les partis représentés à la Chambre assument leurs responsabilités en tant que Canadiens pour leurs propres gestes et pour ceux de leurs prédécesseurs, de leurs ancêtres, de leurs familles.

En fin de compte, ce projet de loi nous fait assumer très sérieusement nos responsabilités envers ce qu'on appelle aujourd'hui les premières nations. Le gouvernement mérite des félicitations pour avoir finalement pris cette initiative après tant d'années.

(1745)

M. Penson: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. C'est une question très importante qu'il faut soigneusement peser. Lorsque les Blancs ont débarqué, les Indiens possédaient tout le territoire. Certes, le député ne propose pas que nous rétablissions cette situation, car ce serait tout simplement impossible.

Je crois savoir que des bandes indiennes de la Colombie-Britannique voudraient reprendre le territoire de la ville de Vancouver. C'est tout simplement impossible. On me dit que, dans cette province, on revendique 130 p. 100 du territoire parce qu'on ne s'entend pas sur la propriété de certaines terres.

Par conséquent, le député a parfaitement raison. Il faut en arriver à un règlement juste et équitable. Encore faut-il savoir ce qui est juste dans ce cas-ci.

J'ai élevé six enfants sur une parcelle de terre considérablement plus petite et cela, sans jamais bénéficier d'aucun règlement financier. Tout ce que j'en dis, c'est que ce règlement est beaucoup trop généreux.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, pouvez-vous me dire combien il me reste de temps?

Le président suppléant (M. Kilger): Je suis heureux de faire savoir à la Chambre qu'à 17 h 50 nous passerons aux initiatives parlementaires.

M. Ramsay: Merci beaucoup, monsieur le Président.

J'ai écouté le député du Bloc québécois qui parlait tout à l'heure avec tant d'éloquence, de chaleur et de générosité. Je l'ai écouté attentivement. Pendant qu'il parlait, je n'ai pu m'empêcher de comparer ce qui se passait au Yukon, avec cette entente, à ce qui se passerait si le même type d'entente était négocié avec un groupe autochtone au Québec.

Je me demande ce que dirait le député bloquiste si une entente donnait aux Cris de la baie James, aux Mohawks et aux peuples autochtones du nord du Québec de larges portions du territoire québécois, les pouvoirs exclusifs sur ces territoires, le droit d'adopter leur propre constitution, de créer leur propre assemblée législative, de déterminer les règles d'accession à la citoyenneté, le pouvoir de définir les droits des citoyens, d'imposer des règles aux non-autochtones, et, bien sûr, le droit de créer leur propre système de justice et d'administrer les affaires de larges portions de ce qui est maintenant la province de Québec.

Le député dirait-il que ce n'est que justice pour les autochtones si cette entente concernait le Québec plutôt que le Yukon?

Au cours du débat préliminaire sur le projet de loi C-34, j'ai exprimé mon inquiétude devant le fait que tous les droits dont il est question dans le document sont fondés sur la race.

La Loi sur les Indiens était fondée sur la race et les autochtones ont subi une discrimination en raison de leur race, tant dans la loi que dans ses interprétations, mais le document dont nous parlons aujourd'hui est aussi basé sur la race. Je me pose des questions. Je me demande s'il est bien sage de l'adopter.

Les autochtones auront des droits sur les territoires qui leur sont accordés. Seront-ils des Canadiens? J'espère qu'ils demeureront canadiens, mais ils auront plus de droits que les autres Canadiens.

Ils auront tous les droits spéciaux qui leur sont accordés sur leurs territoires. S'ils quittent ces territoires, ils auront tous les droits dont nous jouissons en tant que Canadiens.

5126

Mais quels seront les droits des non-autochtones qui iront sur ces territoires, que ce soit pour pêcher, comme le disait le député du Bloc, ou pour y établir une entreprise ou encore simplement pour s'y bâtir une maison?

Cette mesure législative créera un système de lois à deux niveaux dans notre pays, système qui favorisera un groupe en raison de sa race, soit les autochtones, au détriment des autres groupes qui forment la société canadienne.

J'éprouve de profonds sentiments à l'égard de nos peuples autochtones. Cette mesure sera adoptée. Cela ne fait aucun doute. Lorsque les traités ont été signés il y a tant d'années, rien n'a vraiment été consigné par écrit en ce qui concerne l'esprit et le but de ces traités. Tout ce que nous avons, c'est, d'une part, ce que l'homme blanc a écrit dans les traités eux-mêmes et, d'autre part, ce dont les autochtones se souviennent à ce sujet.

Nous nous querellons depuis environ 100 ans. Cette fois-ci, comme la question a été soumise à la Chambre, nous n'aurons qu'à consulter le compte rendu pour voir ce qui aura été dit au sujet des aspects que nous aurons eu le temps d'examiner. Nous pourrons ensuite juger si c'était un bon accord ou non et si l'on a tenu compte des sages conseils des Canadiens. Nous serons en mesure de juger du succès de cet accord.

Ainsi, si cet accord est un succès, nous l'appuierons tous. Par contre, si c'est un échec, nous pourrons aller voir dans le compte rendu les préoccupations exprimées par les représentants élus à la Chambre.

En résumé, je souhaite bonne chance aux autochtones qui bénéficieront de cet accord. S'ils obtiennent cette partie du pays, ils ne peuvent certainement pas faire pire que les gouvernements que nous avons eus dans ce pays jusqu'à maintenant. Il suffit de regarder notre dette, notre système de justice et d'autres questions pour voir à quel point les gens que nous avons élus à la Chambre sont en train de conduire notre pays à la ruine.

Je souhaite bonne chance aux autochtones. J'ai des réserves à l'égard de ce projet de loi, mais je leur souhaite quand même bonne chance.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est vraiment tout près de 17 h 50, d'après l'horloge, je ne puis prolonger la période réservée aux questions et observations. Je demanderai cependant aux députés s'ils sont prêts à se prononcer.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 50, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


5126

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LOI SUR LA FAILLITE

M. Pierre de Savoye (Portneuf) propose: Que le projet de loi C-237, Loi modifiant la Loi sur la faillite (priorité des créances), soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, ce projet de loi a pour but de modifier la priorité des créances lors de la faillite d'un employeur, de sorte que les gages, les salaires et le fonds de pension d'un employé, jusqu'à concurrence de 9 000 $, soient payés par préférence à toute autre catégorie de créanciers.

(1755)

La Loi sur la faillite et l'insolvabilité, adoptée en 1992, maintient le statut de créancier privilégié en ce qui concerne les créances pour salaires et frais de représentation en cas de faillite de l'employeur. En ce qui a trait aux salaires, la limite est passée de 500 $ à 2 000 $ et pour les frais de représentation de 300 $ à 1 000 $.

Lorsqu'un employeur insolvable propose de réorganiser son entreprise, les salaires impayés, jusqu'à concurrence de 1 000 $, doivent être payés dès que le tribunal approuve le plan de réorganisation. La question des créances salariales, à l'occasion de la faillite ou de l'insolvabilité d'un employeur, a été amplement débattue au Canada dans le contexte de la réforme législative en matière de faillite.

Dans le projet de loi le plus récent tendant à modifier la Loi sur la faillite, déposé en 1991, le gouvernement proposait de créer un fonds d'indemnisation des salariés n'ayant pas touché leur salaire. Toutefois, en raison de l'opposition à la taxe alors prévue pour financer le programme, la mesure a été retirée en faveur d'une simple modification de la priorité, laquelle est consentie depuis nombre d'années aux créances salariales dans les textes législatifs canadiens concernant la faillite.

Quand la mesure tendant à modifier la Loi sur la faillite, depuis appelée Loi sur la faillite et l'insolvabilité, a obtenu la sanction royale le 23 juin 1992, le ministre de la Consommation et des Affaires commerciales a fait connaître son intention de créer un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat afin d'étudier la question de la protection salariale en cas d'insolvabilité. Ce comité, qui aurait dû remettre son rapport avant juin 1993, n'a jamais vu le jour.

Maintenant, monsieur le Président, permettez-moi ici un historique afin de bien situer la problématique relative au présent projet de loi. Tout débute en 1919 avec la Loi de la faillite qui accordait aux créances salariales la priorité sur les dettes non garanties pour une période antérieure à la faillite ne dépassant pas trois mois. Les créances salariales venaient alors au troisième rang, après les honoraires et les frais des syndics et les frais des créanciers saisissant.

La Loi de 1949 sur la faillite maintenait la priorité des créances salariales pour une période de trois mois avant la faillite, mais elle imposait aussi une limite de 500 $ par créance. Les voyageurs de commerce pouvaient réclamer 300 $ de plus au titre de leurs dépenses impayées. Les créances salariales occupaient le quatrième rang maintenant dans l'ordre des priorités des créanciers privilégiés.


5127

Vers la fin des années 1960, avec la nomination d'un comité chargé d'étudier la Loi sur la faillite au Canada et d'en faire rapport, le comité qui portait le nom de Comité Tassé, a permis au gouvernement d'amorcer une réforme législative en matière de faillite. Dans son rapport publié en 1970, le comité recommandait donc que la période visée soit restreinte à trois mois, mais que le montant privilégié soit porté à 1 000 $.

Cinq ans après la publication du rapport Tassé, le projet de loi C-60 était déposé à la Chambre des communes en première lecture, le 5 mai 1975, par le ministre de la Consommation et des Corporations, dont le titulaire est devenu aujourd'hui ministre des Affaires extérieures.

Ce projet de loi prévoyait d'accorder aux créances salariales jusqu'à concurrence de 2 000 $ par employé la priorité absolue sur tous les autres créanciers garantis ou non garantis. Âprement contestée, cette idée de superpriorité a été rejetée par le Comité sénatorial des banques et du commerce dans son rapport sur le projet de loi. Le comité a notamment fait valoir que la priorité absolue n'assurerait pas l'indemnisation des salariés, et qu'elle pourrait nuire à un emprunteur qui veut obtenir du crédit, surtout dans les secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre. Comme solution de rechange, le comité a recommandé la création d'un fonds d'indemnisation des salariés, administré par le gouvernement, auquel cotiseraient les employeurs et les employés, et donc, en cas de faillite de l'employeur, l'employé pourrait tirer le paiement d'une créance salariale jusqu'à concurrence de 2 000 $. Cependant, aucun des trois projets de loi déposés au Sénat en 1978 et en 1979 en matière de faillite ne prévoyait de fonds d'indemnisation des salariés ou de superpriorité. Les salariés conservaient plutôt le statut de créancier privilégié. Le montant des créances salariales y était toutefois porté à 2 000 $, plus 600 $ au titre de dépenses des voyageurs de commerce et jusqu'à concurrence de 500 $ pour les cotisations à des régimes de retraite et d'avantages sociaux.

(1800)

En 1980, une autre mesure concernant la faillite, le projet de loi C-12, était déposée à la Chambre des communes par le même ministre. Elle renfermait, en ce qui concerne la protection salariale, les mêmes dispositions que les mesures sénatoriales précédentes. Après en avoir fait l'étude, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a recommandé à nouveau la création d'un fonds pour la protection des salariés. Le Comité était d'avis que le fonds qui verserait des indemnités salariales jusqu'à concurrence de 2 500 $ serait financé grâce aux cotisations des employeurs et administré par le surintendant des faillites. Le fonds serait subrogé à tous les droits des employés à l'encontre d'un employeur en faillite.

C'est dans ce contexte que la ministre de la Consommation et des Corporations a confié à un groupe de travail, en 1980, le soin d'examiner la question de la protection des salariés. Bien qu'il ait pu constater l'existence d'un problème lié aux salaires impayés, le Comité Landry s'est dit, dans son rapport de 1981, incapable d'en déterminer l'ampleur. Il a estimé impossible de trouver une solution permanente au problème tant que son importance n'aurait pas été établie et sans que les politiques fédérales-provinciales ne soient coordonnées. Le Comité penchait en faveur de créer un fonds de protection des salaires et recommandait une solution provisoire d'une durée de trois ans pendant lesquels les salaires dus jusqu'à concurrence de 1 000 $, y compris les avantages sociaux, seraient payés par le Trésor.

Bien que déposé en 1980, le projet de loi C-12 n'a été renvoyé à un comité parlementaire qu'en octobre 1983. La ministre de la Consommation et des Corporations a alors proposé de modifier la mesure de manière à créer une superpriorité à l'égard des salaires impayés-à l'exclusion des indemnités de départ et de cessation d'emploi-jusqu'à concurrence de 4 000 $ en cas de faillite de l'employeur. Les amendementes auraient permis à un syndic d'emprunter de l'argent pour régler les créances salariales et de garantir le montant de l'emprunt. Les recommandations du Comité Landry ont été rejetées en raison des contraintes budgétaires, du manque de données sûres touchant les salaires perdus à l'occasion d'une faillite et des problèmes de constitutionnalité auxquels pourrait donner lieu la création d'un fonds de protection des salaires. La ministre craignait également que l'existence de ce fonds n'encourage plus les employeurs à verser à temps le salaire de leurs employés.

Le projet de loi C-12, resté au Feuilleton, a été présenté à nouveau le 31 janvier 1984 par Mme Judy Erola, alors ministre de la Consommation et des Corporations, sous forme du projet de loi C-17, mais sans les modifications touchant la superpriorité. Toutefois, la même année, la ministre de la Consommation et des Corporations a proposé de nouveaux amendements tendant à instaurer une superpriorité pour les créances salariales jusqu'à concurrence de 4 000 $, y compris les frais de représentation jusqu'à concurrence de 600 $.

Vers la fin de 1986, le ministre de la Consommation et des Corporations a publié un document de travail sur les modifications à apporter à la Loi sur la faillite. Les propositions contenues dans ce document étaient fondées sur le rapport du Comité consultatif et sur les consultations que le ministère avait menées auprès des groupes intéressés et des provinces.

Le document de travail prévoyait l'établissement d'un fonds d'indemnisation des salariés en cas de faillite ou de mise sous séquestre. Le fonds aurait payé jusqu'à concurrence de 2 000 $ pour les salaires impayés, y compris les avantages sociaux réglementaires et jusqu'à concurrence de 1 000 $ les arrérages des dépenses engagées pour le compte de l'employeur.

Le fonds aurait été financé par les cotisations des employeurs et des employés et administré par le surintendant des faillites. Il était aussi prévu que le fonds fédéral aurait priorité sur les lois provinciales et qu'il serait subrogé aux droits des employés et constituerait un créancier privilégié.

Le ministère évaluait entre 30 et 50 millions de dollars annuellement les créances à satisfaire par le fonds.

(1805)

En 1989, un autre rapport a recommandé que soit créée une caisse nationale de protection des salariés. Le Conseil consultatif sur l'adaptation, chargé d'étudier les questions d'adaption découlant du Traité de libre-échange entre le Canada et les


5128

États-Unis, appuyait la création d'une caisse nationale de protection des salariés qui permettrait de verser, jusqu'à concurrence de 4 000 $ aux travailleurs, et auquel l'employeur donnerait des sommes.

En juin 1991, une nouvelle mesure en matière de faillite, le projet de loi C-22, était déposée à la Chambre des communes. La réforme prévoyait un programme d'indemnisation des salariés, semblable à celui que renfermaient les propositions ministérielles de 1988. Le programme était contenu dans une nouvelle loi, la Loi sur le recouvrement des créances salariales.

Le projet de loi a été renvoyé au Comité parlementaire permanent des consommateurs et des sociétés et de l'administration gouvernementale pour étude préalable. Les témoins entendus au comité étaient majoritairement en faveur d'un programme de protection salariale, mais bon nombre d'entre eux s'opposaient à ce que celui-ci soit financé par l'imposition d'une taxe sur le salaire.

Dans son rapport d'étude préalable sur le projet de loi, le comité a rejeté l'idée que le fonds de protection des salaires constituait la seule méthode de recouvrement et proposait plutôt une combinaison qui allie la superpriorité et le fonds de protection. Le comité a aussi fait remarquer que le fonds que proposait le projet de loi C-22 ne protégerait pas les employés n'ayant pas été payés parce qu'un employeur a tout simplement abandonné l'entreprise. Il a recommandé que le gouvernement étudie les moyens de rembourser, en l'occurrence, les arriérés de salaire.

Le gouvernement a rejeté les recommandations du comité. Des difficultés de procédure au sein du comité permanent ont obligé le gouvernement, cependant, à revenir sur sa position concernant la protection des salaires et, en mai 1992, le ministre de la Consommation et des Affaires commerciales annonçait le retrait de cette partie du projet de loi.

Ainsi, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, adoptée en 1992, maintient le statut de créancier privilégié en ce qui concerne les créances pour salaires et frais de représentation en cas de faillite de l'employeur, mais la créance passe de 500 $ à 2 000 $ pour les salaires et de 300 $ à 1 000 $ pour les frais de représentation.

La Loi sur la faillite et l'insolvabilité prévoit l'examen des dispositions de la loi par un comité parlementaire trois ans après son entrée en vigueur.

Parlons maintenant plus particulièrement du projet de loi C-237. Celui-ci modifierait la Loi sur la faillite et l'insolvabilité en vue de donner aux créances relatives aux salaires et aux cotisations aux régimes de pensions impayés la priorité sur toutes les autres créances à l'endroit d'un employeur en faillite, y compris les créances garanties, jusqu'à concurrence de 9 000 $. Ce projet de loi reprend les dispositions d'un projet de loi antérieur qui visait à accorder aux salariés une superpriorité sur les autres créanciers.

Or, l'octroi d'une superpriorité à l'égard des salaires impayés soulève, nous l'avons vu, un certain nombre de difficultés. Premièrement, la superpriorité ne garantit pas que les salaires dus par un employeur en faillite seront effectivement payés. L'actif disponible du failli n'est pas nécessairement suffisant pour couvrir les montants réclamés.

Deuxièmement, la superpriorité des créances salariales pourrait réduire le crédit offert aux entreprises à forte intensité de main-d'oeuvre.

Troisièmement, il pourrait être difficile de répartir entre les créanciers le fardeau d'une superpriorité.

Quatrièmement, certains prêteurs pourraient être tentés de circonvenir la superpriorité en exigeant que le prêt soit consenti à une société associée qui détiendrait tous les avoirs de l'entreprise emprunteuse.

Enfin, étant donné que les créances salariales n'auraient priorité qu'une fois dans la faillite, les créanciers garantis pourraient être tentés de réaliser leur sûreté en dehors du processus de faillite pour conserver leur priorité.

Vous conviendrez avec moi qu'il est généralement accepté que les salariés méritent un traitement particulier lorsque leur employeur devient insolvable. Pour beaucoup de salariés, l'emploi qu'ils occupent est leur principale, sinon unique source de revenu. L'une des façons les plus courantes de veiller à ce que les salariés récupèrent le salaire impayé qu'on leur doit en cas de faillite consiste à accorder un statut privilégié à leurs créances.

Un créancier privilégié est un créancier non garanti qui a le droit d'être payé avant les créanciers ordinaires. Cela veut dire que les salaires sont payés ou pourraient être payés à même les actifs du failli, mais avant le paiement des créanciers garantis.

Aux termes de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité actuelle, les créances salariales et les dépenses des vendeurs sont des créances privilégiées en cas de faillite jusqu'à concurrence de 2 000 $, comme nous le disions. Ces montants sont minimes, compte tenu de l'inflation, et ne représentent plus vraiment une protection pour les salariés.

Plusieurs arguments militent en faveur de la superpriorité des créances. Premièrement, le système actuel qui consiste à accorder le statut de créance privilégiée aux créances salariales est tout à fait insuffisant, tout comme les réclamations des créanciers garantis et des créanciers privilégié de plus haut rang qui doivent être honorés en premier lieu.

(1810)

Deuxièmement, avec la superpriorité, les salariés auraient plus de chance d'être payés rapidement. Dans beaucoup de cas, ils n'auraient pas besoin d'attendre la liquidation intégrale de l'actif de l'employeur pour être réglés.

Troisièmement, la superpriorité permet de rembourser les salariés sans qu'il n'en coûte rien au gouvernement, ni aux contribuables. Certains ont récemment proposé la création d'un fonds administré par le gouvernement. Ces propositions ont été rejetées, rappelons-le. Avec la superpriorité, c'est à l'employeur qu'il incombe d'honorer les créances salariales et celles-ci sont acquittées à même l'actif de l'employeur.


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Quatrièmement, on exagère sans doute le risque que la superpriorité implique en fonction de la capacité d'emprunt d'une entreprise. Certains affirment que si les créances salariales ont une superpriorité, les entreprises auront plus de mal à obtenir du crédit parce que les salaires auraient la priorité sur les sûretés, comme des hypothèques et des obligations.

Le projet de loi contient des dispositions en vue de limiter les répercussions des créances salariales sur les autres créanciers. Les créances des salariés ne seraient pas toutes honorées intégralement. La priorité serait limitée aux salaires et aux cotisations de fonds de pension pour les six mois précédant la faillite et les montants seraient plafonnés à 9000 $.

De plus, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité confère actuellement aux fournisseurs non payés le droit de récupérer leurs biens auprès des acheteurs en faillite, ce qui donne de fait, à ces fournisseurs, la priorité sur les créanciers garantis.

Je crois avoir fait la démonstration de l'importance du projet de loi C-237. En effet, l'historique que j'ai communiqué à cette Chambre démontre sans l'ombre d'un doute la préoccupation réelle et justifiée que la question de la protection salariale en cas de faillite a soulevée auprès de cette Chambre et ce, depuis 1919, et plus particulièrement, dans les dernières années.

Ensuite, j'ai expliqué clairement en quoi le projet de loi C-237 s'inscrivait dans la foulée de projets de loi qui l'ont précédé et comment le projet de loi C-237 évitait tant les problèmes reliés à un fonds d'indemnisation que ceux imputés à la superpriorité.

Je demande à cette Chambre de poser, aujourd'hui, un autre jalon significatif dans la saga de la protection salariale en cas de faillite ou d'insolvabilité et lorsque le moment sera venu, de voter favorablement pour le projet de loi C-237, afin que celui-ci aille au Comité des opérations gouvernementales et y fasse l'objet d'une étude approfondie, dont l'aboutissement permettra aux travailleuses et aux travailleurs du pays d'être mieux protégés, eu égard au salaire qu'elles et ils ont honnêtement gagné.

[Traduction]

M. Barry Campbell (St. Paul's): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi présenté par le député de Portneuf.

Le projet de loi C-237 vise à modifier l'ordre de priorité de paiement des créances établi dans la Loi sur la faillite, de manière à donner aux employés d'une entreprise la priorité sur le produit d'une faillite, jusqu'à concurrence de 9 000 $ par personne.

Je rappelle à la Chambre qu'en 1992, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité a été révisée pour la première fois en 40 ans. On avait déjà essayé de réformer la loi à six reprises, mais ces tentatives avaient toutes échoué.

Les députés qui faisaient partie de la dernière législature se rappelleront sans doute que l'un des éléments les plus controversés du projet de loi initial consistait en un projet de loi de remboursement des créances salariales visant à permettre aux employés de toucher leurs salaires et leurs frais après qu'une entreprise eut fait faillite.

[Français]

Le débat a été axé sur la recherche du meilleur moyen pour financer le paiement de ce genre de créances. Plusieurs méthodes ont alors été recommandées. À l'origine, le projet de loi prévoyait la création d'un programme de remboursement des créances salariales qui devait être financé au moyen d'une taxe payée par l'employeur et perçu avec les cotisations au régime d'assurance-chômage

[Traduction]

Plusieurs membres du Comité permanent de la consommation et des affaires commerciales et de l'administration gouvernementale se sont opposés à cette méthode de financement du plan de remboursement des créances salariales. Ils soutenaient qu'il n'était pas juste d'imposer un fardeau fiscal additionnel aux entreprises sous prétexte d'aider les employés des entreprises en faillite. Cette loi ne pouvait contribuer à leurs yeux qu'à acculer davantage d'entreprises à la faillite, et les Canadiens n'avaient vraiment pas besoin d'une mesure législative susceptible de faire disparaître des emplois. Le gouvernement de l'époque abandonna donc les dispositions concernant la protection des salariés afin de pouvoir faire adopter le reste de son projet de loi.

[Français]

Il faut examiner très attentivement l'incidence éventuelle des diverses propositions, de même que les résultats des modifications apportées en 1992. Les conséquences des priorités établies dans la nouvelle Loi sur la faillite et l'insolvabilité nous aideront à mieux comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne va pas.

(1815)

[Traduction]

Je vais donner un exemple. La loi de 1992 donne aux fournisseurs impayés le droit de reprendre possession des marchandises qu'ils ont vendues et livrées à un débiteur si ce dernier est en faillite ou est placé sous administration judiciaire au moment où le fournisseur exige le retour des marchandises. Ce droit prend effet quand les conditions suivantes sont réunies.

Le fournisseur doit exiger la reprise de possession par écrit dans les trente jours suivant la livraison des marchandises. L'acheteur doit être en faillite ou être placé sous administration judiciaire. Les marchandises doivent encore être en la possession de l'acheteur, du syndic ou du séquestre, pouvoir être identifiées comme celles qui ont été livrées par le fournisseur et être dans le même état qu'au moment de leur livraison, et n'avoir été ni revendues ni avoir fait l'objet d'une promesse de vente.

Le droit d'un fournisseur de récupérer les marchandises qu'il a fournies a priorité sur toute autre créance visant ces biens, à l'exception de celle d'un acheteur qui les a acquises de bonne foi, en en payant la valeur, sans savoir que le fournisseur avait demandé à les reprendre.

La nouvelle loi sur la faillite comporte d'autres dispositions dans le cas des agriculteurs, des pêcheurs et des aquiculteurs. Habituellement, leurs produits sont périssables et la période normale de 30 jours ne permet pas de les protéger. Leurs produits


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ont normalement déjà été transformés ou revendus. La loi leur donne donc une priorité absolue sur tous les autres créanciers à l'égard des produits non payés, pour ce qui est des stocks fournis dans la quinzaine. Il n'est pas nécessaire d'établir l'existence des produits fournis pour la bonne raison qu'ils sont périssables et sont sans doute utilisés ou vendus sans tarder après la livraison.

[Français]

Nous devons nous demander si la solution que le député propose aidera les travailleurs ou si elle présentera des difficultés supplémentaires pour eux.

[Traduction]

Si l'on demande à un travailleur s'il préfère une priorité absolue en cas de faillite ou la chance que l'entreprise survive et maintienne son emploi, la réponse ne tardera pas. Les travailleurs ne demanderaient pas mieux que de figurer en bonne place dans les priorités en cas de faillite, mais pas aux dépens de leur emploi.

Les établissements de crédit disent qu'ils augmenteraient leurs taux d'intérêt si la priorité absolue était accordée aux salariés. Ils seraient portés à demander des taux plus élevés aux entreprises à forte concentration de main-d'oeuvre. Ils seraient moins bien disposés à prêter à des entreprises en difficulté et ils interviendraient plus vite, hélas, pour saisir les biens donnés en garantie.

Les banques réclameraient peut-être le remboursement de leur prêt avant même que l'entreprise ne dépose son bilan, ce qui aurait pour effet de précipiter la faillite.

[Français]

Voilà ce qu'ont défendu les établissements de crédit auprès des divers comités qui se sont penchés sur cette question dans le passé. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec eux sur ce point. Il y a peut-être des façons de faire réviser la protection des salariés et en même temps de garantir la disponibilité du capital. Nous avons toutefois besoin de plus de renseignements que ceux dont nous disposons à l'heure actuelle pour comprendre l'incidence qu'aura la superpriorité.

[Traduction]

Il y a pourtant d'autres questions à considérer dans l'évaluation de l'ordre de priorité des créances. Le député a-t-il songé à la protection des dépôts des consommateurs, par exemple?

Un consommateur qui fait un paiement partiel à un détaillant pour acheter un bien ou un service peut se retrouver comme créancier ordinaire si le détaillant déclare faillite ou si l'entreprise est mise sous séquestre avant la livraison. La loi actuelle relègue à l'état de simple créancier le consommateur qui ne peut établir qu'il est propriétaire d'un bien. Les consommateurs qui paient des marchandises non encore identifiées ou produites sont des créanciers ordinaires comme ceux qui ont acheté des services qui n'ont pas été rendus.

Est-ce juste? Les consommateurs n'entendent pas donner de crédit et ne se perçoivent pas comme des créanciers lorsqu'ils déposent un paiement partiel de biens de consommation ou de services.

[Français]

Les consommateurs sont vulnérables. Ils ne peuvent pas obtenir facilement de l'information sur la situation financière du vendeur. Ils ne sont pas en mesure de multiplier les risques lorsqu'ils achètent. De plus, ils ne peuvent espérer, de façon réaliste, que leurs dépôts soient garantis.

[Traduction]

On peut donc dire que les consommateurs ont autant besoin de protection que les fournisseurs et les travailleurs. Si nous accordons la priorité absolue aux fournisseurs et aux travailleurs, qu'allons-nous faire pour les consommateurs?

Encore une fois, nous nous butons à la même difficulté. Tout gain des consommateurs provenant d'un privilège serait compensé par une perte correspondante pour d'autres créanciers. Si l'on accordait un traitement spécial aux consommateurs, on s'écarterait du principe du traitement égal des créanciers. Cette protection pourrait avoir un effet néfaste sur la disponibilité du crédit.

Voici un autre exemple des problèmes complexes que cela entraînerait. En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, la Couronne a la priorité absolue sur les retenues à la source non versées du failli aux fins de l'impôt sur le revenu, du Régime de pensions du Canada et de l'assurance-chômage. Le projet de loi C-237 place la priorité absolue du travailleur devant celle de la Couronne. L'employé pourrait obtenir une compensation pour sa rémunération perdue dans une faillite, mais la Couronne aurait de la difficulté à trouver de l'argent pour verser les cotisations à l'assurance-chômage. Les cotisations pourraient devoir être relevées. Les coûts d'exploitation des entreprises augmenteraient, ce qui entraînerait d'autres faillites.

(1820)

Cela aurait un effet de vague. Je pense que ce projet de loi ne porte pas assez attention aux effets qu'il aurait sur la rentabilité et sur la capacité de création d'emplois des entreprises. Nous devons examiner la question plus attentivement. Nous avons besoin d'autres renseignements.

Les députés savent peut-être que la Loi sur la faillite prévoit qu'après trois ans un comité parlementaire examinera à la fois les nouvelles dispositions et l'application de la loi. Cette disposition a été créée parce qu'il ne faut pas attendre encore 40 ans avant de modifier la Loi sur la faillite. Nous voulons que la loi soit toujours adaptée à la situation.

[Français]

Selon la loi, le réexamen prévu après trois ans révolus devra avoir lieu en 1995. Il nous faudra donc bientôt étudier ces questions en détail. Mais pour le moment, ce que nous devons prendre en considération, c'est la vue d'ensemble.

[Traduction]

Pour se préparer à l'examen, le gouvernement a créé un comité consultatif sur la faillite et l'insolvabilité. Ce comité représente des gens que les dispositions sur l'insolvabilité intéressent directement. On cherche ainsi à réunir des représentants des différents secteurs touchés par ces lois. Ces groupes ont souvent des intérêts concurrents. Nous essayons donc d'en arriver à un consensus sur ce qui est juste et raisonnable avant que le gouvernement


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n'introduise de modifications dans le cadre de l'examen qu'il effectue tous les trois ans.

Depuis sa création, le comité a formé huit groupes de travail. Ceux-ci lui ont présenté des recommandations préliminaires qu'il examinera ce mois-ci et leur renverra ensuite pour qu'ils y mettent la dernière main. J'espère que le rapport sera terminé d'ici la fin de l'année et que le ministre pourra se servir des recommandations qu'il renfermera pour rédiger un nouveau projet de loi.

[Français]

Comme vous voyez, monsieur le Président, les nombreuses questions auxquelles il faudra répondre à mesure que nous réformerons la législation canadienne sur la faillite s'ajoutent à celles de la protection du salarié. Le fait que le gouvernement précédent n'ait pas réussi à trouver un meilleur moyen d'assurer la protection du salarié n'a fait que des mécontents. Une approche fragmentaire du problème n'est certainement pas la solution.

[Traduction]

Je pense que la Chambre devrait rejeter le projet de loi C-237 et se préparer plutôt à examiner la protection des salariés dans le cadre de la question plus vaste de la réforme de la Loi sur la faillite dont nous traiterons dans les prochains mois.

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, je prends la parole ce soir à propos du projet de loi C-237, Loi modifiant la Loi sur la faillite.

Je suis sensible à la leçon d'histoire de mon collègue du Bloc qui est passé par toutes les tribulations pour nous expliquer comment nous avons réussi à nous placer dans la situation où nous sommes aujourd'hui. J'ai également apprécié les observations de mon collègue libéral qui a expliqué la Loi sur la faillite et insisté sur le fait qu'on a consacré beaucoup de temps de réflexion à la Loi sur la faillite dans sa version actuelle.

Il est assez paradoxal que j'aie à me prononcer ici sur des modifications à la Loi sur la faillite, vu que j'étais un intervenant en 1991, il y a trois ans, quand cette mesure a fait l'objet d'une révision. Je suppose que la boucle est bouclée puisque j'interviens maintenant à la Chambre pour me prononcer sur d'éventuelles modifications à la loi, alors que, il y a trois ans, je travaillais comme comptable pour un organisme qui tenait à se faire le porte-parole de ses membres en ce qui concerne la Loi sur la faillite.

À propos des amendements, je dois avouer que je trouve le projet de loi bien mal rédigé. Nous ne saurions souscrire aux mesures proposées. Nous estimons que le projet de loi n'a pas suffisamment mûri. Pour comble de malheur, je le trouve biaisé du point de vue idéologique, car il accorde la priorité absolue aux travailleurs, sans se soucier le moindrement des autres parties qui ont aussi leur mot à dire en cas de faillite.

Il s'agit d'une position socialiste, et pas simplement d'une position chère aux bloquistes séparatistes. Il semble bien s'agir d'une position socialiste et c'est peut-être celle des successeurs du parti qui n'a plus qu'un député ou deux à l'arrière-ban.

La première ligne du projet de loi dit ceci:

Par dérogation à toute autre loi fédérale, à toute loi provinciale [. . .]
Le projet de loi a donc la même importance que la Charte des droits, ou peut-être même plus. Il s'agit d'un document constitutionnel, car il l'emporte sur toutes les lois provinciales en même temps.

Si tous les projets de loi que nous débattons à la Chambre des communes commençaient par l'expression: «Par dérogation à toute autre disposition ou toute autre loi», comment pourrions-nous déterminer le document qui l'emporterait sur les autres? Ce serait impossible. C'est la raison pour laquelle je dis que même le libellé du projet de loi est mal rédigé et que nous ne pouvons pas appuyer la façon dont il est présenté.

(1825)

À l'alinéa a), la protection accordée aux employées s'élève à 9 000 $. Il y a trois ans, la loi prévoyait un montant de 2 000 $. L'inflation n'a pas été telle que nous devrions multiplier ce dernier montant par quatre fois et demie pour obtenir celui de 9 000 $.

L'auteur de ce projet de loi dit également que, dans le cas d'une faillite où un montant allant jusqu'à concurrence de 9 000 $ est dû à un employé, cet argent peut être versé dans son régime de retraite ou lui être remis directement en espèces, en soustrayant les retenues ordinaires.

On ne donne pas de précision; on dit simplement que l'argent peut être versé dans le régime de retraite de l'employé, ainsi que les gages, salaires, commissions, etc. L'expression «ainsi que» ne nous dit pas lequel aurait la priorité. Si un syndic de faillite plaçait l'argent dans le régime de pensions de l'employé, alors que celui-ci se trouve dans la misère, et qu'on lui refuse l'accès à l'argent qui est à son nom, en quoi cela aiderait-il l'employé?

Le libellé du projet de loi C-237 dit que le syndic a un choix. Il peut verser l'argent dans le régime de pensions de l'employé ou le verser à l'employé en espèces, moins les frais. Il n'a même pas à tenir compte de l'employé ou de ce qui est dans son intérêt. La loi est malheureusement mal rédigée.

En effet, la loi renverse complètement l'ordre des choses. Dans sa forme actuelle, elle accorde la priorité aux créances garanties. Le député libéral a parlé de superpriorité, etc. Dans la loi actuelle, il y a d'abord les créanciers garantis, suivis, dans le cas d'un failli décédé, des frais funéraires et autres que le syndic doit payer pour régler les détails moins intéressants. Viennent ensuite les dépenses mêmes du syndic, suivies des gages et des salaires.

Les gages arrivent seulement au quatrième rang, car les trois premières choses sont importantes. Nous ne voudrions surtout pas ne pas payer l'entrepreneur de pompes funèbres et payer à la place le créancier non garanti. Comment amener les syndics à accepter de régler une faillite si leurs honoraires ne passent pas avant l'argent versé au salarié qui est un créancier non garanti? Qui accepterait de le faire? Qui les paierait? C'est pourquoi la Loi sur la faillite, dans sa forme actuelle, fait passer ces choses avant le paiement du salaire aux employés.


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Comme le député l'a demandé: «Et les banques? Quelle est leur attitude dans une telle situation?» Prenez le cas d'une grande compagnie, une compagnie employant, disons, 110 personnes qui n'a pas payé ses employés et qui a une dette de un million de dollars. Cette dette a préséance sur toute autre dette, quelle que soit la loi provinciale ou autre. Les banques vont-elles prêter de l'argent à cette compagnie? Bien sûr que non. Une banque ne prêtera jamais à une entreprise s'il y a un risque que celle-ci ait un dette de l'ordre de un million de dollars, ce qui aurait préséance sur ce qui est dû au gouvernement et à la banque.

L'entreprise se trouvera donc, de ce fait, dans l'impossibilité de trouver des fonds. Elle finira par disparaître et le chômage augmentera. Cette modification de la loi va contribuer à accroître le nombre de faillites, même si ce n'était pas là l'intention du député qui a présenté le projet de loi.

Je ne crois pas que le motionnaire ait eu l'intention de créer du chômage en voulant protéger les droits des salariés. Je ne m'oppose certainement pas à ces droits, mais la proposition du député aura pour effet de créer plus de chômage et d'accroître le nombre de faillites commerciales. La modification proposée empêchera les entreprises d'emprunter. Nous contribuerons donc ainsi à aggraver la situation au lieu de l'améliorer.

Le député parlait du régime d'indemnisation proposé plus tôt, mais qui en aurait supporté le coût. Là encore, l'idée était, au départ, de faire payer les coûts par l'employeur.

(1830)

Pourquoi l'employeur? Il prend tous les risques et reçoit uniquement ce qui reste dans la caisse à la fin de la journée, une fois payées toutes ses obligations, y compris les salaires de ses employés; s'il reste très peu dans la caisse, c'est tout ce qu'il obtient pour ses efforts.

Avant d'entrer en politique, j'étais un petit homme d'affaires, dirigeant d'une firme de comptabilité; j'avais l'occasion de rencontrer de nombreux propriétaires de petites entreprises. Malheureusement, dans bien des cas, ces propriétaires travaillaient deux fois plus fort et gagnaient moitié moins que leurs employés. Ils reconnaissaient ce fait, mais disaient aussi aimer la liberté que leur procurait le fait d'avoir leur propre entreprise et en accepter les risques. J'ai vu aussi des cas plus dramatiques où les petites entreprises n'arrivaient pas à survivre, même si les propriétaires travaillaient de leur mieux pour leur propre bénéfice et pour celui des employés.

Voilà quel est le rôle des petites entreprises au sein de notre économie; nous ne devrions pas leur couper tous leurs moyens en présumant que toutes les petites entreprises veulent escroquer leurs employés et les exploiter au maximum. Je peux affirmer au député que, selon mon expérience dans ce milieu, tous les dirigeants font des efforts considérables pour assurer la viabilité de leurs petites entreprises et prendre soin de leurs employés de leur mieux.

Je terminerai donc en disant qu'en ma qualité de réformiste, j'ai examiné le projet de loi d'un point de vue pratique. Je reconnais que le député veut protéger les salariés, mais s'il analyse vraiment les effets de ce projet de loi, il constatera que ce n'est pas ce qui se produirait. J'espère qu'il constatera aussi, comme nous, les réformistes, que ce projet de loi n'est malheureusement pas acceptable. Le Parti réformiste n'appuie donc pas ce projet de loi.

[Français]

M. Gaston Péloquin (Brome-Missisquoi): Monsieur le Président, quand on analyse de près les dispositions contenues dans le projet de loi C-237, déposé par mon collègue, le député de Portneuf, on ne peut s'empêcher de songer à cette expression maintes fois utilisée dans cette Chambre, mais rarement aussi pertinente qu'en ce jour: la justice sociale. Car c'est bien de cela qu'il s'agit.

Les modifications proposées aujourd'hui à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité apportent beaucoup plus que de simples changements techniques à cette loi fédérale, elles lui donnent le caractère humain et compatissant dont elle avait bien besoin. En effet, le projet de loi C-237 tente d'accorder aux créances salariales le statut de superpriorité face aux autres créances.

La situation qui prévaut actuellement au Canada en matière de faillite commerciale est tout simplement injuste envers ceux et celles qui constituent pourtant le moteur de toute l'activité économique du pays. Les travailleurs et les travailleuses devraient être les premiers à être payés lors de la liquidation des actifs d'une entreprise en faillite. Bien sûr, les dispositions actuelles de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ne les confinent pas au dernier rang des créances prioritaires et, en ce sens, on constate que le législateur fédéral reconnaît déjà l'importance de prioriser les créances issues de salaires non payés, de comptes de dépenses de voyageurs de commerce, de cotisations à des régimes de retraite et d'avantages sociaux.

Ainsi, selon l'actuelle Loi sur la faillite et l'insolvabilité, les salaires, commissions et avantages sociaux sont des créances dites privilégiées. Cela signifie qu'elles passent avant les créances ordinaires, mais après les créances garanties. Certains diront qu'il s'agit là d'une place de choix, mais la réalité fait souvent en sorte qu'une fois que les créanciers garantis ont été payés, il ne reste presque jamais de fonds pour payer les salaires et commissions dus aux travailleurs. Le terme privilégié n'est donc qu'illusoire et induit en erreur. Il faut aller au-delà de la signification sémantique du mot et prendre conscience de la dure réalité à laquelle les salariés doivent faire face quand leur employeur fait faillite.

(1835)

Le statut de créancier privilégié ne vaut donc pas mieux que si on offrait à quelqu'un le fauteuil le plus confortable dans une salle de spectacle. Ce fauteuil serait non seulement moelleux et douillet, il serait également orné des plus riches apparats. Qui pourrait donc s'en plaindre? Le problème, c'est que le fauteuil privilégié serait placé directement derrière une grosse colonne qui lui cacherait toute la scène. Il aurait donc beau offrir confort


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et charme, il ne répondrait pas à sa vocation première qui consiste à offrir une bonne vue sur le spectacle en cours.

Le gouvernement fédéral aime bien jeter de la poudre aux yeux. Ça empêche de voir venir la grosse colonne et ça donne l'impression que tout le monde est bien assis. Voilà à peu près comment se présente l'actuelle Loi sur la faillite et l'insolvabilité. On donne au salaire le statut de créance privilégiée, mais ce beau fauteuil ne garantit nullement le paiement de celle-ci. La grosse colonne, dans ce cas-ci, est constituée de créanciers garantis et de créanciers privilégiés qui occupent un rang plus élevé que les salaires.

Bien des gens ne peuvent voir le spectacle puisque que le gouvernement n'a pas encore réussi à modifier pertinemment la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour faire en sorte que les salaires aient l'ultime priorité quand vient le temps de liquider les actifs d'une compagnie en faillite. Il n'est certainement pas normal que les taxes municipales passent avant le pain et le beurre des gens. Et pourtant, depuis 1919, il y a eu plusieurs tentatives pour donner aux créances salariales la place qui leur revient dans la liste des créances prioritaires.

Plusieurs comités d'études se sont penchés sur la question et recommandaient toutes sortes de formules visant à favoriser les travailleurs. Les rapports de ces comités pourrissent encore aujourd'hui sur les tablettes des Archives nationales. Également, plusieurs projets de loi ont été avancés pour remédier à la situation, mais ont été abandonnés par manque de temps, mais surtout par manque de courage et de volonté politique des gouvernements qui se sont succédé. Les améliorations ont donc été timides et sans véritables conséquences.

Les personnes mises à pied à la suite de la faillite de leur employeur souffrent déjà suffisamment de la perte de leur gagne-pain, il ne faudrait quand même pas qu'elles perdent également le salaire qui leur est dû.

Lorsqu'une banque accepte d'investir dans une compagnie, elle connaît habituellement le risque qu'elle court. D'ailleurs, les taux d'intérêt qu'elle applique tiennent compte de ces risques de pertes financières.

Le salarié, pour sa part, n'investit peut-être pas d'argent, mais il se dévoue corps et âme pour son employeur en échange d'une rémunération souvent trop maigre, mais qui lui permet quand même de rencontrer la plupart de ses obligations financières.

Le projet de loi C-237 vise donc à réparer l'injustice qui prévaut actuellement lors de la liquidation des actifs d'une compagnie en faillite. Cette modification va d'ailleurs plus loin que toutes les tentatives ultérieures envers les droits des salariés.

Mon collègue, le député de Portneuf, ne s'est pas contenté de faire recapitonner le confortable fauteuil derrière la colonne, il déplace le dit fauteuil et rend aux travailleurs et aux travailleuses la place qui leur revient de plein droit.

Voilà le genre de mesures que la population canadienne et québécoise attend de la part du gouvernement, des initiatives qui tiennent compte des besoins et aspirations légitimes de la classe ouvrière canadienne. Bien sûr, les gros créanciers garantis n'apprécieront sûrement pas cet amendement législatif, puisqu'ils verront leurs créances descendre dans la liste des priorités de paiements en cas de faillite.

Ils seront cependant beaucoup moins affectés par des pertes financières que ce qu'un salarié risque de subir s'il ne peut recevoir son salaire, habituellement la seule source de revenu pour le Canadien moyen.

(1840)

Comme je le mentionnais plus tôt, il s'agit d'une question de justice sociale et le gouvernement devrait peut-être s'efforcer d'en tenir compte plus souvent quand vient le temps de déposer des projets de loi qui risquent d'affecter la vie des personnes.

[Traduction]

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest): Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre de me joindre au débat sur le projet de loi C-237 que présente le député de Portneuf afin de garantir la priorité absolue aux employés sur le produit de la faillite de leur employeur.

Ce sujet passionnant, cause célèbre de mon collègue d'en face, a fait l'objet de maintes études, tant au Parlement que dans les provinces. Ici même, il nous a valu sept projets de loi et autant de rapports. Non seulement on a constamment rejeté la priorité absolue, mais en outre on a refusé de constituer un fonds spécial à partir des recettes publiques et d'imposer un nouvel impôt à cette fin.

En 1992, le gouvernement avait été obligé de laisser tomber les dispositions relatives à l'établissement d'un programme de paiement des salaires afin de faire accepter les autres dispositions de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité auxquelles a fait référence mon collègue tout à l'heure. Il avait cependant accordé aux employés le statut de créanciers privilégiés de sorte que leurs salaires des six derniers mois avant la faillite, leur soient payés jusqu'à concurrence de 2 000 $ par personne. Par contre, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui donne la priorité absolue aux employés et prévoit qu'ils pourraient toucher chacun jusqu'à 9 000 $ du produit de la faillite.

Par ailleurs, la loi de 1992 prévoyait le réexamen de la question de la faillite et de l'insolvabilité trois ans après l'adoption de la loi, ce qui est pertinent dans le débat d'aujourd'hui. Il est donc très important de ne pas précipiter les choses, de peur de nuire aux efforts concertés du gouvernement et des autres parties concernées.

L'adoption de la loi en 1992 fut suivie de la constitution d'un Comité consultatif en matière de faillite et d'insolvabilité. On devrait donner au gouvernement le temps de procéder à cette étude après trois ans. Ce comité consultatif en matière de faillite et d'insolvabilité coordonne les consultations auprès des intéressés en matière d'insolvabilité de façon multilatérale. Il nous permet de faire participer les intéressés au processus d'élaboration de la politique dès le départ et de conserver leur collaboration jusqu'à la fin, de façon systématique, afin d'examiner les questions et de recommander ensuite des solutions.

Entre-temps, le ministère de l'Industrie recueille des données sur les répercussions économiques des modifications apportées en 1992. Nous devons connaître toute la portée du problème et


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savoir ce qui doit être fait pour le résoudre. Dans combien de cas d'insolvabilité les employés ont-ils perdu leur salaire? Combien ont-ils perdu au total? Reçoivent-ils une partie de la rémunération qui leur est due de la part du syndic de faillite? Combien de temps ce processus prend-il? Dans le passé, combien restait-il d'argent dans la succession pour payer les créanciers?

Les questions connexes, dont beaucoup sont fondamentales, sont très nombreuses. Voici un exemple d'une question importante à laquelle est confronté le comité consultatif. Les comités Colter et Tassé ont recommandé de modifier la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, afin de s'attaquer au problème croissant des cas d'insolvabilité à l'échelle internationale. Dans un marché mondial, les problèmes d'insolvabilité transnationaux ne sont pas rares. Cette possibilité prend beaucoup d'importance à la lumière de l'Accord de libre-échange et de l'ALENA.

Je vous demande encore un peu de patience, monsieur le Président, alors que j'en arrive à un autre point, à savoir les questions qui découlent indéniablement du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, dont l'une que vous connaissez bien et dont mon collègue a parlé tout à l'heure, à savoir la priorité accordée à la Couronne qui est, en fait, une superpriorité. Le député de St. Paul's nous a donné un aperçu très intéressant du problème à ce chapitre. Je voudrais revenir sur ses observations plus en détail encore.

Il faut comprendre que, aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, la Couronne a la priorité absolue en ce qui concerne les déductions impayées par une entreprise au titre de l'impôt sur le revenu, du Régime de pensions du Canada et de l'assurance-chômage. Le projet de loi C-237 ferait passer les salariés avant la Couronne.

(1845)

Quelles seraient les conséquences de cette mesure? Les employés pourraient très bien être indemnisés pour le salaire perdu en raison de la faillite, mais il pourrait arriver que l'État constate qu'il n'a pas suffisamment de fonds pour payer l'assurance-chômage. Il faudrait donc augmenter les cotisations. Il en coûterait nécessairement plus cher de faire des affaires. Les entreprises, qui ont déjà des échéances de remboursement de prêts plus serrées à respecter, étant donné les responsabilités supplémentaires que représentent pour elles la priorité absolue des salariés, seraient plus nombreuses à risquer la faillite.

Cela voulait tout dire, quand le député de St. Paul's a parlé de vaste effet de vague. Je ne crois pas que ce projet de loi accorde assez d'attention à la conséquence ultime de cet effet de vague, quant à la viabilité des entreprises et à la création d'emplois.

Qu'est-ce qu'une priorité? C'est quelque chose de subtil et de changeant, qui semble défier toute logique. En voici un exemple, un dernier, dans un domaine auquel s'est intéressé le Comité du patrimoine canadien, que j'ai l'honneur de présider.

La priorité est en train de devenir un concept beaucoup plus vague, sur le marché de l'information. Pour rester au niveau le plus simple, disons qu'un groupe de représentants de ce marché a communiqué avec le gouvernement. Il s'agit plus précisément d'auteurs, qui détiennent souvent leurs propres droits d'auteur.

Qu'arrive-t-il, pour celui qui détient ses droits d'auteur, quand la maison d'édition fait faillite? Un auteur-et je peux prétendre au titre d'auteur modeste-met des années à écrire son livre, parfois toute sa vie. Il s'y dévoue corps et âme. Pourtant, il ne reçoit pour ainsi dire rien si la maison d'édition disparaît en laissant ses droits d'auteur impayés. L'auteur qui n'a pas été payé doit se contenter d'attendre pendant que les fournisseurs ont de bonnes chances de récupérer l'argent du papier et de l'encre qui ont servi à imprimer son propre livre.

Il y a un système en place qui pourrait éclairer les divers problèmes interdépendants qu'il faut envisager si l'on veut espérer parvenir à une solution. Il est dans l'intérêt de ce pays et de sa population active que ce projet de loi désire aider, que nous donnions une chance à notre système d'examen que j'ai mentionné plus tôt. Nous devrions laisser le temps au gouvernement et aux intéressés de concerter leurs efforts afin qu'ils puissent proposer une solution.

Il est également dans l'intérêt national d'avoir une optique globale qui laisse nos entreprises se réorganiser, prendre leur deuxième souffle et faire une autre tentative. Nous ne voulons pas procéder par petits morceaux, car cela ne peut avoir que des conséquences désastreuses.

Le gouvernement souhaite un effort concerté qui prenne en considération les intérêts des travailleurs, des créanciers, des consommateurs et de l'État lui-même. C'est pour cette raison que je n'appuie pas le projet de loi C-237 à ce moment.

[Français]

M. Paul Mercier (Blainville-Deux-Montagnes): Monsieur le Président, la loi actuelle qui régit les faillites et l'insolvabilité cadre mal avec la philosophie sociale de notre époque. On peut dire qu'elle est en retard par rapport à cette philosophie.

Elle prévoit qu'en cas de faillite, les créanciers hypothécaires auront privilège de remboursement sur les salariés, ou en termes crus, elle prévoit que l'argent aura priorité sur la personne humaine. Je ne crois pas qu'il faille être socialiste, comme le disait mon collègue du Parti réformiste, pour s'indigner d'une pareille situation. Il n'est pas admissible qu'en 1994, on continue à donner priorité à l'argent sur la personne humaine, et je le répète, ce serait faire trop d'honneur aux socialistes, et je suis loin d'en être un, que de leur laisser le privilège de l'indignation au sujet d'une pareille situation.

D'ailleurs, notre société, disons capitaliste, se préoccupe du problème, depuis 1919. Mon collègue de Portneuf a rappelé diverses échéances de cette recherche qui a donc commencé il y a 75 ans, d'une solution à ce problème où se rencontrent, sans avoir réussi jusqu'à présent à s'harmoniser, des intérêts divergents. Des étapes de cette recherche, je voudrais n'en relever que trois particulièrement significatives.

(1850)

Tout d'abord, en 1975, il y eut le projet de loi libéral C-60 qui, pour la première fois, je crois, évoquait la possibilité d'une superpriorité pour les salariés.

Ce projet généreux, reconnaissons-le, et équitable, s'est heurté à un avis du Comité sénatorial des banques et du commerce qui, lui, aurait préféré qu'on crée un fonds d'indemnisation dont l'administration aurait été confiée à l'État. On comprend les préoccupations de ces banquiers et de ces commerçants qui, de

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cette manière, refilaient aux contribuables les frais d'administration de ce fonds.

Bref, il n'y a rien qui s'est fait, et plus tard-c'est la deuxième intervention que je voudrais relever-il y a eu ce comité dit le Comité Landry qui, lui, a découvert, sans doute avec raison, un autre défaut à ce fonds d'indemnisation. C'est que, d'une certaine manière, il aurait pu encourager des employeurs peu scrupuleux à ne pas faire tout ce qu'ils peuvent, tout ce qu'ils pourraient faire en cas de faillite pour payer leurs employés, puisqu'un fonds s'en chargerait.

La troisième étape que je relève, et c'est la plus récente, c'est en 1992, alors que les conservateurs créaient un comité mixte pour examiner la chose qui, comme le précédent, malheureusement, a avorté.

Il faut donc reconnaître à mon collègue de Portneuf le mérite de remettre sur le métier un problème qui ne date pas d'hier et auquel on a en vain jusqu'à présent cherché à trouver une solution. La solution qu'il propose est réaliste et humaine et, en deux mots, elle se résume comme ceci: elle donne une priorité absolue au paiement des salaires dus, des gages dus et, d'autre part, elle relève le plafond en dessous duquel ces paiements sont faits.

Il est certain que cette loi n'est pas parfaite, comme tout projet de loi qui a à harmoniser des intérêts divergents et qui peuvent être opposés. Il est évident qu'il n'existe pas de solution qui satisfasse tout le monde, et on doit convenir que les créanciers, les prêteurs pourraient trouver que leur position s'en trouve affaiblie, mais ce serait au profit des employés, et il faut bien admettre tous que ce sont quand même les personnes les plus proches de l'entreprise et les plus touchées par sa fermeture. Par conséquent, il ne fait pas de doute que, sur le plan moral comme sur le plan social, c'est à eux que doit aller la priorité.

Un dernier mot. Je trouve que ce projet de loi vient à son heure parce qu'il s'harmonise bien à une école nouvelle, une tendance nouvelle qui est apparue, très heureusement, dans les relations entre les syndicats et les employeurs. Bien sûr, les intérêts étant contradictoires, il arrive encore qu'il y ait des tensions, mais il faut quand même reconnaître qu'on recherche plus qu'il n'était encore le cas il y a 20 ans, de la part des syndicats, des possibilités de collaboration avec l'entreprise. Et cette collaboration, dans ce contexte actuel de récession, a souvent pris la forme de concessions très importantes faites par les employés dans le renouvellement des conventions collectives.

Dans un pareil climat de rapprochement des employés et des employeurs, de recherche commune de solution quand il y a des problèmes-et nous savons qu'ils sont nombreux, actuellement, dans la survie des sociétés-il est tout à fait légitime, il est tout à fait dans l'esprit de l'époque que, en compensation de cet esprit de compréhension, de collaboration que les employés et les syndicats manifestent de plus en plus ces temps-ci, il ne faudrait pas que ce soit à sens unique. Il faudrait que le législateur permette, en compensation, que l'employé ait toute garantie pour obtenir son dû.

(1855)

Le président suppléant (M. Kilger): La période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée. Conformément à l'article 96(3) du Règlement, l'ordre est reporté au bas de l'ordre de priorité au Feuilleton.

_____________________________________________


5135

MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LE RWANDA

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le Président, le 9 mai dernier, j'ai interrogé le ministre des Affaires étrangères sur le rôle des Nations Unies à l'égard de la tragédie qui persiste au Rwanda.

Ma question a porté sur le chapitre 6 de la Charte des Nations Unies, qui regroupe les méthodes de l'ONU visant le règlement pacifique de différends internationaux.

La première application classique et notoire du chapitre 6 qui traite du maintien de la paix a eu lieu pendant la crise de Suez en 1956. Elle a été suggérée par Lester Pearson qui, pour ce rôle, a par la suite reçu le prix Nobel de la paix.

Ce chapitre prévoit l'interposition d'une force de paix internationale non armée entre les parties à un différend armé, afin de les séparer et de permettre la période de retour au calme qui est nécessaire pour élaborer un accord de paix formel ou officialiser une trêve.

Il faut faire une distinction entre le maintien de la paix prévu au chapitre 6 de la Charte et celui dont traite le chapitre 7, qui prévoit l'intervention directe de contingents militaires de l'ONU placés sous le commandement de l'ONU et spécifiquement autorisés à employer la force armée pour régler des différends.

Il faut noter toutefois la réticence croissante des pays membres de l'ONU à recourir aux méthodes prévues au chapitre 7, notamment à cause de récentes expériences regrettables dans des régions troublées comme la Bosnie-Herzégovine et la Somalie, où la distinction entre le maintien de la paix et le rétablissement de la paix est devenue de plus en plus mince et obscure.

Cette réticence peut cependant résulter davantage du manque de précisions ou d'instructions préalables concernant les rôles et les missions de l'ONU dans ces cas particuliers que de faiblesses inhérentes aux méthodes prévues aux chapitres 6 et 7.

Dans le cas du Rwanda, ma suggestion est liée au fait qu'une fois que le conflit ethnique interne eut débordé les frontières nationales avec les vagues de réfugiés s'enfuyant dans les États voisins, grevant ainsi lourdement l'économie ainsi que les ressources et le personnel de ces États dans les secteurs de la santé et de l'assistance sociale, ce conflit a définitivement pris une di-


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mension internationale ayant des répercussions importantes sur le nouveau droit international humanitaire.

Le personnel canadien affecté aux secours d'urgence, tant les civils que les militaires, a déjà apporté une aide humanitaire considérable au Rwanda même, afin de soulager la souffrance des victimes de ce conflit ethnique. Néanmoins, je veux demander au secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères quelles mesures supplémentaires concertées, en vertu du chapitre 6 de la Charte et sous l'égide des Nations Unies, le gouvernement canadien pourrait recommander à cet organisme? Ou encore, quelle initiative personnelle notre pays pourrait-il prendre pour sauver des vies et soulager la souffrance au Rwanda?

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, aucune décision officielle n'a été prise en ce qui concerne la participation du Canada à la mission élargie d'assistance des Nations Unies au Rwanda.

L'ONU nous a officieusement demandé d'envoyer des spécialistes en communication. Si nous décidons de participer à cette mission élargie, nous envisageons d'envoyer environ 300 spécialistes en ce domaine.

Les pays ont commencé à répondre de façon positive à la demande des Nations Unies qui requièrent du personnel et de l'équipement. À la clôture d'un récent sommet régional, le président du Zimbabwe a déclaré que 14 États africains étaient disposés à répondre à l'appel des Nations Unies et à fournir du matériel et des troupes.

Depuis l'éclatement du conflit en avril dernier, l'ACDI a versé 4 millions de dollars et s'est engagée à fournir 7,6 millions de dollars en secours d'urgence aux ONG canadiennes, au Haut- Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés et à la Croix-Rouge.

Un avion militaire canadien, opérant à partir de Nairobi, est le seul lien entre Kigali et le monde extérieur. À la suite de la récente attaque menée contre l'aéroport le 5 juin dernier, les vols à caractère humanitaire ont été suspendus jusqu'à ce qu'une nouvelle trêve soit négociée.

Le général Dallaire, avec l'appui de dix autres Canadiens, continue de jouer un rôle clé, en dirigeant la mission des Nations Unies, en servant d'intermédiaire entre les parties et en prenant part aux opérations humanitaires.

Le général canadien fait l'impossible pour négocier un cessez-le-feu, mais le Front patriotique du Rwanda semble plus que jamais déterminé à prendre le pouvoir par la force avant le déploiement des troupes des Nations Unies. Il a pris l'aéroport de Kigali le 22 mai dernier et continue d'avancer. Le 28 mai, de nombreux membres du gouvernement ont quitté Gitamara pour se rendre à Kibaye, près du Zaïre.

(1900)

Le ministère des Affaires étrangères a sommé l'ambassadeur du Rwanda d'encourager son gouvernement à négocier de bonne foi et à mettre fin aux massacres. Le ministère a envoyé un message similaire au Front patriotique du Rwanda.

Je voudrais remercier le député de Vancouver Quadra qui multiplie les efforts pour nous aider à trouver une solution pacifique à ce conflit et nous recommande d'intervenir en vertu du chapitre 6 de la Charte des Nations Unies.

[Français]

LE COMMERCE INTERNATIONAL

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, au début du mois de mars dernier, l'administration américaine réactivait une mesure commerciale extraordinaire, le Super 301 qui lui permet de frapper de représailles tout pays reconnu coupable de pratiques commerciales jugées déloyales par les États-Unis. La réintroduction du Super 301 vise principalement le Japon avec lequel les États-Unis affichent un important déficit commercial. Insatisfaits de la progression des discussions sur l'ouverture des marchés japonais aux produits américains, les États-Unis emploient maintenant la méthode forte pour faire plier le Japon récalcitrant.

Les États-Unis et plusieurs pays se plaignent depuis plusieurs années des barrières protectionnistes non tarifaires érigées par le Japon à l'égard des biens et services étrangers. Impatients face à la lenteur des réalisations suite aux promesses d'ouverture faites par le Japon, les États-Unis ont récemment exigé des objectifs quantifiables et mesurables d'ouverture du marché japonais dans certains secteurs économiques bien précis. Le Japon a refusé. La réintroduction du Super 301 a été décriée comme une pratique commerciale incompatible avec l'esprit et les règles du commerce international par le secrétaire général du GATT, par plusieurs politiciens occidentaux, ainsi que par le ministre canadien du Commerce international. Cependant, les exigences américaines d'objectifs quantifiables qui ressemblent à du managed trade ou organisation ordonnée des marchés sont elles aussi difficilement réconciliables avec les principes de libre marché.

Par le passé, le Super 301 a déjà été utilisé par les États-Unis contre certains de leurs partenaires commerciaux qu'ils jugeaient coupables de pratiques déloyales dont le Japon, le Brésil et l'Inde, à la fin des années 1980. En 1990, le Canada a également goûté au 301, une mesure commerciale américaine plus ciblée sur les exportations canadiennes de bière.

En vertu du Super 301, les États-Unis ont jusqu'au 30 septembre 1994 pour dresser la liste des pays qu'ils accusent d'ériger des barrières commerciales excessives contre les produits américains. Cette liste noire, si je puis dire, est tirée d'un rapport annuel du Secrétariat américain au Commerce, le National Trade Estimates déposé le 31 mars de cette année. Des procédures seront prises par la suite envers tous les pays identifiés dans la liste noire.

La dernière édition du National Trade Estimates y va de 12 pages de plaintes envers certaines pratiques commerciales canadiennes, principalement dans les domaines de la bière, de l'agriculture et des politiques d'achat chez nous. En dépit du fait que le Japon est le pays directement visé par le Super 301 américain, il n'en demeure pas moins que la procédure elle-même vise tout


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pays qui se rendrait coupable de pratiques commerciales jugées déloyales par les États-Unis.

Cependant, il est à craindre que pour apaiser le courroux des États-Unis, le Japon puisse en arriver à favoriser ouvertement l'entrée de produits et services américains sur son marché, et ce, au détriment de ses autres partenaires commerciaux, dont le Canada.

Mais la surenchère verbale entre les Américains et les Japonais s'est sensiblement apaisée depuis quelques mois, le Japon ayant manifesté son intention de s'engager sur la voie de la déréglementation, ce qui devrait faciliter l'accès au marché japonais pour les produits étrangers.

La guerre des mots entre Canadiens et Américains, de son côté, a pris de l'ampleur, avec quelques sorties bien senties des ministres canadiens du Commerce international et de l'Agricultre à l'endroit des tactiques d'intimidation américaines. Le désaccord est manifeste dans le cas des litiges agricoles sur le blé dur, la volaille et les oeufs par exemple qui minent les relations commerciales entre les deux pays. Le conflit canado-américain sur la bière vient, quant à lui, de faire l'objet d'un accord fragile et incomplet.

Il demeure donc que le Canada fait partie de la liste des pays dont les États-Unis se plaignent abondamment. Par conséquent, rien n'empêcherait ces derniers d'appliquer ou de menacer d'appliquer leur Super 301 à des secteurs bien précis de notre économie.

En définitive, la question que j'ai posée à l'intention du ministre du Commerce international le 25 mars dernier conserve donc toute sa pertinence et son actualité, puisque le Canada figure sur la liste des pays jugés coupables de pratiques commerciales déloyales dans le dernier National Trade Estimates américain. Les États-Unis, qui ont jusqu'au 30 septembre 1994 pour dresser leur liste noire, pourraient toujours être tentés d'y inclure ou de menacer d'y inclure le Canada, de manière à augmenter la pression sur lui et ainsi forcer le règlement de certains litiges commerciaux.

(1905)

Le Canada ne doit pas céder au chantage et à l'intimidation. Il doit continuer à défendre ses intérêts économiques. C'est pourquoi le Bloc québécois encourage le ministre du Commerce international ainsi que le ministre de l'Agriculture à faire preuve de fermeté à l'égard de certaines revendications américaines que l'on juge illégitimes.

Le Bloc québécois avertit également le gouvernement qu'il serait inacceptable pour les Québécois et les Canadiens de tomber dans le piège américain et de marchander les intérêts d'une région avec ceux d'une autre région dans l'espoir de régler le conflit dans son ensemble.

[Traduction]

M. Mac Harb (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international): Monsieur le Président, lorsque le député a soulevé la question la première fois, je croyais que nous avions très bien répondu.

Dans ses remarques, le député mettait en doute l'engagement du gouvernement à l'égard de la protection des intérêts des Canadiens. Je tiens à lui signaler que le ministre du Commerce international a probablement fait quatre fois le tour de la planète pour défendre les intérêts des entreprises canadiennes et promouvoir le commerce international.

Le ministre et le gouvernement n'ont pas peur de protéger les intérêts de l'industrie. Je veux signaler au député quelques manchettes de journaux. Celle du Globe and Mail disait: «MacLaren critique les Américains au sujet du commerce». Celle du Devoir disait: «MacLaren lance un avertissement aux Américains». Celle du Financial Post disait: «MacLaren condamne les Américains au sujet du commerce». Celle du Star de Toronto disait: «MacLaren dénonce les Américains au sujet du commerce». Celle de la Gazette disait: «Les Américains risquent de recevoir un obus commercial, avertit MacLaren». Et j'en passe.

Le gouvernement ne se laisse pas faire. Au contraire. Nous avons une façon de voir dynamique. Nous comprenons qu'il y a des problèmes. Le député doit comprendre aussi que, lorsque les échanges commerciaux entre le Canada et son plus grand partenaire commercial, les États-Unis, dépassent les 270 millions de dollars, il est tout à fait normal que certains aspects de ces échanges posent des problèmes.

Si le député pense que nous devrions déclarer la guerre aux États-Unis, je lui dis que cette époque est révolue. La clé de tous ces problèmes réside dans l'Organisation mondiale du commerce, qui verra le jour en 1995, dans le GATT, qui fonctionne déjà, et dans l'ALENA, qui est maintenant en vigueur.

Ce n'est que par le dialogue que nous arriverons à régler certains de ces différends qui, j'ajouterai, ne touchent pas plus de 3 p. 100 du total de nos échanges commerciaux.

[Français]

En ce qui concerne le 301, je veux dire au député que les États-Unis n'ont jamais nommé le Canada en vertu du Super 301. Ils ont déjà pris des mesures contre le Canada en vertu de la section 301 du Trade Act de 1974. Les différends actuels avec les États-Unis sont assujettis au mécanisme du règlement des différends de l'ALENA et de l'Accord général. Le Canada se prévaudra au maximum de ces accords afin de protéger ses intérêts.

Je veux simplement mentionner au député que lorsque le ministre MacLaren a comparu devant le Comité de la Chambre des communes sur les affaires étrangères et le commerce international, il a affirmé que le recours, par les Américains, à des instruments bilatéraux dont on pourrait se servir pour affecter indirectement d'autres pays, n'est pas la bonne façon de procéder. On continue à défendre l'intérêt des Canadiens et des industries canadiennes.

[Traduction]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, j'ai demandé à prendre la parole ce soir parce qu'il y a au ministère de la Défense nationale un gros problème à régler.

J'ai posé plusieurs questions au ministre, ces trois derniers mois, mais il n'y a pas vraiment répondu. Le gouvernement fédéral déménage annuellement jusqu'à 20 000 ménages, dont les trois quarts sont des militaires. Cela coûte jusqu'à 100 millions de dollars. Si l'on compte les frais d'entreposage, les droits immobiliers, les honoraires des notaires, les dépenses hypothé-

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caires et autres frais, la facture dépasse nettement les 200 millions de dollars. On croirait qu'un client aussi important que le gouvernement fédéral, qui compte peut-être pour 35 p. 100 des déménagements au Canada, paierait des tarifs quelque peu inférieurs à la moyenne. Au contraire, le gouvernement paie 23 p. 100 plus cher que la Société Radio-Canada, les Chemins de fer nationaux, Northern Telecom et la Société canadienne des postes. Comment est-ce possible?

(1910)

Les déménagements sont traités par un comité de quatre membres représentant la Défense nationale, la GRC et les Approvisionnements et Services. Ce comité a sa propre bureaucratie qui se compose de plus de 105 fonctionnaires, dont beaucoup logent au quartier général de la Défense.

Pour commencer, pourquoi des militaires s'occupent-ils de déménagements alors que, compte tenu de leur formation, ils devraient faire partie de missions de maintien de la paix et organiser des convois d'aide alimentaire?

Les contrats de déménagement du gouvernement fédéral sont attribués par appels d'offres, mais ils sont tous accordés à quatre grandes entreprises de transport. En 1983, celles-ci ont été reconnues coupables de collusion dans la fixation de leurs tarifs et condamnées à 250 000 $ d'amendes. Elles font encore aujourd'hui l'objet d'enquêtes pour différentes irrégularités. Les sociétés de déménagement obtiennent les contrats du gouvernement puis les répartissent entre leurs agents transporteurs. On imagine que le gouvernement pourrait obtenir de meilleurs tarifs s'il élargissait ses appels d'offres à plus de quatre entreprises, mais ses propres règles le lui interdisent.

Ces règles exigent que les sociétés soumissionnaires aient des transporteurs exclusifs dans au moins sept provinces et qu'elles soient capables de s'occuper de 55 p. 100 du volume des déménagements du gouvernement.

De telles restrictions n'existent pas aux États-Unis. Chez nos voisins, les entreprises locales de déménagement peuvent représenter jusqu'à trois sociétés de transport différentes. Au Canada, les restrictions ridicules garantissent à quatre sociétés de transport, dont trois appartiennent à 100 p. 100 à des Américains, l'obtention de tous les contrats de déménagement du gouvernement.

Certaines sociétés de gestion de déménagements affirment qu'elles pourraient permettre au gouvernement de réaliser des économies de 10 à 25 millions de dollars sur ses déménagements si elles avaient la chance de soumissionner. D'ailleurs, le gouvernement précédent avait aboli le comité des déménagements et avait ordonné, dans le cadre d'un projet pilote, que les deux sociétés privées aient la possibilité d'administrer les déménagements du gouvernement. Mais dès que les libéraux sont arrivés au pouvoir, ils ont annulé ce projet pilote, ce qui paraît pour le moins bizarre étant donné qu'ils s'étaient engagés à mettre fin au gaspillage et à réduire les coûts.

Une société de gestion de déménagements qui aurait pu participer au projet pilote s'occupe de déménagements pour la Chambre des communes. Elle affirme qu'elle a permis de réaliser des économies de 35 p. 100 sur les tarifs. De plus, cette société ne se fait pas payer par le gouvernement, mais par le déménageur. Le comité chargé des déménagements, celui qui devait être aboli, a dit qu'il n'en coûtait que 100 $ par déménagement. Si je comprends bien, les vérificateurs du ministère de la Défense eux-mêmes ont établi que les frais administratifs étaient considérablement supérieurs à 100 $.

Je me demande pourquoi on met tant de temps à rendre publique cette vérification qui s'est terminée en février. J'ai soulevé plusieurs points que je voudrais rappeler ici: les militaires ne devraient pas s'occuper des déménagements des employés; les entreprises de déménagement du secteur privé devraient avoir la chance de prouver qu'elles peuvent faire économiser au gouvernement des millions de dollars tout en assurant le même niveau de service.

Les entreprises de camionnage qui ont été convaincues de collusion pour fixer les prix par le passé et qui font l'objet d'enquêtes aujourd'hui ne devraient pas avoir le monopole des déménagements du gouvernement.

Je suis sûr que le ministère de la Défense nationale a un budget limité et a subi des compressions, et il saurait faire bon usage des économies de 25 millions de dollars qu'il pourrait réaliser, selon les estimations, dans les déménagements. Il pourrait mieux équiper nos forces de maintien de la paix, par exemple.

Je demande donc au ministre et au secrétaire parlementaire d'étudier cette affaire.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, je veux aborder trois questions: les économies, le processus d'appel d'offres dont le député a parlé et l'examen public du processus.

Le député a raison: le MDN est à l'origine de 75 p. 100 de tous les déménagements et, depuis quatre ans, le tarif dont le gouvernement bénéficie a baissé de 25 p. 100, ce qui représente des économies d'environ 45 millions de dollars pour lui.

Le gouvernement bénéficie d'une clause spéciale que les entreprises de camionnage ont acceptée et qui lui garantit le tarif le plus bas. Aussi, même s'il peut exister des exemples isolés de déménagements à meilleur coût, le fait est que le gouvernement s'est fait garantir les tarifs les plus bas par l'industrie du transport.

Le coût d'un déménagement peut dépendre de différents facteurs, comme la distance parcourue, le volume et le poids des meubles, la période de l'année, la destination, etc. Il est donc très difficile d'établir des comparaisons.

Pour ce qui est du processus d'appel d'offres, aucun transporteur au Canada n'est exclu. Les 900 entreprises de transport d'un océan à l'autre sont affiliées aux entreprises de camionnage qui soumissionnent pour obtenir des contrats du gouvernement et elles sont représentées par ces dernières. Toutes auront donc la possibilité de se partager les contrats du gouvernement cette année.

La procédure gouvernementale à suivre actuellement pour faire affaire avec des entreprises de camionnage a été examinée à fond et approuvée par des fonctionnaires du ministère de l'Industrie et elle ne contrevient pas à l'ordonnance d'interdiction prise en 1983 contre certains membres de l'industrie du transport. Le député a raison. Les soumissionnaires doivent satisfaire à certains critères, lesquels ont été quelque peu assouplis pour susci-

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ter la compétition parce que, selon les exigences pour l'exercice 1994-1995, il devait y avoir une représentation locale d'au moins sept provinces représentant 55 p. 100 des affaires réalisées par le comité interministériel pour satisfaire aux exigences ministérielles. Les exigences précédentes étaient de 85 p. 100 dans toutes les provinces.

L'appel d'offres pour l'exercice 1994-1995 a été clos le 11 février 1994, et les résultats ont été déterminés. Le gouvernement va économiser des millions de dollars grâce à la réduction de plus de 7 p. 100 par rapport au tarif de l'an dernier. Les employés du ministère vont continuer de tenter de faire des économies dans ce domaine et nous donnerons des détails sur la soumission gagnante à quiconque en fera la demande, sous réserve des considérations de protection de la vie privée et de la confidentialité commerciale.

J'espère que cela répond à la question du député.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 19 h 15, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 h 15.)