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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 18 avril 1996

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-27. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 1625

LA LOI SUR LA CONCURRENCE

    Projet de loi C-266. Adoption des motions de présentationet de première lecture 1625

LA LOI SUR LA CONCURRENCE

    Projet de loi C-267. Adoption des motions de présentationet de première lecture 1625

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES BANQUES

    Projet de loi C-15. Reprise de l'étude de la motion entroisième lecture 1626
    Report du vote sur la motion 1626

LA LOI SUR LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DESRESSOURCES HUMAINES

    Projet de loi C-11. Motion de troisième lecture 1626
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 1634
    Mme Gagnon (Québec) 1644
    Mme Gagnon (Québec) 1652

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

CANUSA FOODS LIMITED

LES LANGUES OFFICIELLES

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

CUBA

LE PROGRAMME PORTAGE

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 1655

SPEAK OUT CANADA

    Mme Brown (Oakville-Milton) 1655

LA CONSTITUTION

    M. Leroux (Shefford) 1656

LES FRANCOPHONES DE L'ALBERTA

LES PÊCHES

L'AGRICULTURE

LE FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

L'AGRICULTURE

    M. Breitkreuz (Yellowhead) 1657

LE PARTI RÉFORMISTE DU CANADA

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LE MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

LE JOUR DE LA TERRE

QUESTIONS ORALES

LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1659
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1659

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

LE CENTRE DE FUSION MAGNÉTIQUE DE VARENNES

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1661
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1661

LE LIBAN

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 1661
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 1661

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1662
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1662

LA GARDE CÔTIÈRE

    M. Bernier (Gaspé) 1662

L'ENVIRONNEMENT

LES PÊCHES

M. TRAN TRIEU QUAN

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 1664
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 1664

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1664
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1664

LE LIBAN

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 1665

LES FROMAGES DE LAIT CRU

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

    M. Speaker (Lethbridge) 1665
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1665
    M. Speaker (Lethbridge) 1666
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1666

PARCS CANADA

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DESRESSOURCES HUMAINES

    Projet de loi C-11. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture, ainsi que de l'amendement 1666
    M. Leroux (Shefford) 1672
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 1677
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 1680
    M. Leblanc (Longueuil) 1681
    M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) 1683

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 1689

1625


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 18 avril 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à sept pétitions.

* * *

[Français]

LE CODE CRIMINEL

L'hon. Marcel Massé (au nom du ministre de la Justice et procureur général du Canada): demande à présenter le projet de loi C-27, Loi modifiant le Code criminel (prostitution chez les enfants, tourisme sexuel impliquant des enfants, harcèlement criminel et mutilation d'organes génitaux féminins).

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

[Traduction]

LA LOI SUR LA CONCURRENCE

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-266, Loi modifiant la Loi sur la concurrence (protection des dénonciateurs).

-Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui pour présenter un projet de loi intitulé «Loi modifiant la Loi sur la concurrence (protection des dénonciateurs)». Cette mesure législative a trait à la protection des consommateurs, au droit et à la protection des employés qui refusent de prendre part à des activités anti-concurrentielles illégales auxquelles se livrent leurs employeurs et qui font du tort aux consommateurs. Elle vise à faciliter les enquêtes et les poursuites à l'égard des sociétés qui manipulent des prix dans le but d'exploiter les consommateurs.

Les consommateurs sont constamment victimes des fluctuations du prix de l'essence que l'on enregistre sur le marché. Les deux ordres de gouvernement disent qu'ils compatissent avec les consommateurs, mais ajoutent qu'ils ne sont pas en mesure de prouver qu'il y a eu manipulation des prix. Or, les consommateurs savent qu'il y a bel et bien manipulation des prix et exigent que les gouvernements interviennent pour protéger leurs intérêts. Ce projet de loi nous donne les moyens nécessaires de réunir les éléments de preuve permettant de voir comment le prix de l'essence est fixé et de mettre un terme à l'exploitation des consommateurs d'essence.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

LA LOI SUR LA CONCURRENCE

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-267, Loi modifiant la Loi sur la concurrence (prix de l'essence).

-Madame la Présidente, je me réjouis de constater que mon collègue a présenté une motion semblable à la mienne avant même que je n'aie eu l'occasion d'introduire ce projet de loi.

Cette mesure modifierait la Loi sur la concurrence de manière à obliger les sociétés pétrolières à donner un préavis de 30 jours pour toute augmentation du prix de l'essence vendue aux détaillants, si cette hausse est supérieure à 1 p. 100.

Ce préavis doit être donné au ministre responsable de l'application de la loi et préciser la date d'entrée en vigueur du nouveau prix et des motifs de cette hausse.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

(1010)

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

> 1626


1626

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LA LOI SUR LES BANQUES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 17 avril, de la motion: Que le projet de loi C-15, Loi modifiant la législation sur les institutions financières et édictant une loi nouvelle, soit maintenant lu une troisième fois et adopté.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Convoquez les députés.

Et la sonnerie s'étant arrêtée:

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Conformément aux dispositions de l'article 76(8) du Règlement, le vote inscrit sur la motion est différé à lundi.

* * *

[Traduction]

LA LOI SUR LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

L'hon. Marcel Massé (pour le ministre du Développement des ressources humaines, Lib.) propose: Que le projet de loi C-11, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines et modifiant ou abrogeant certaines lois, soit lu pour la troisième fois et adopté.

L'hon. Roger Simmons (Burin-Saint-Georges, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir cette occasion de parler brièvement du projet de loi C-11, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines.

Le projet de loi a pour objet de demander au Parlement d'officialiser l'existence du nouveau ministère, qui a déjà prouvé qu'il était un organisme pragmatique, efficient et efficace. Il n'y a pas de programme caché dans ce cas-ci, ce qui va décevoir certains de mes collègues réformistes. C'est simplement le cours normal des choses.

M. Stinson: On peut duper des gens à certains moments, mais on ne peut pas berner tout le monde tout le temps.

M. Simmons: Le député en est la preuve.

Le projet de loi confirme la responsabilité du ministre de développer les ressources humaines qui relèvent du gouvernement du Canada. Il ne fait rien pour étendre ou réduire les pouvoirs du ministre et il n'apporte pas non plus de modifications importantes à la politique ou aux programmes du gouvernement.

Comme les députés le savent, le gouvernement entend fonctionner avec efficience et efficacité.

(1015)

Lorsqu'on a procédé à une restructuration, on s'est rendu compte qu'on pourrait mieux servir les besoins des Canadiens en regroupant toutes les ressources humaines dans un même ministère. C'est pourquoi Travail Canada fait maintenant partie du ministère du Développement des ressources humaines. Le projet de loi prévoit la nomination d'un ministre du Travail. Cependant, pour dissiper toute confusion, je tiens à préciser que la nomination d'un ministre du Travail n'entraîne en rien une autre réorganisation du ministère.

Dans le cadre de la restructuration actuelle de l'économie canadienne, le gouvernement accorde une très grande priorité aux questions comme les relations de travail, la santé et la sécurité au travail et les normes en milieu de travail, ainsi qu'à d'autres questions qui ont des répercussions profondes sur le marché du travail au Canada.

Cela va dans le sens de la responsabilité du gouvernement du Canada à l'égard des relations de travail dans plusieurs domaines clés qui sont de compétence fédérale, y compris les transports, les banques et les communications. De plus, le gouvernement est signataire d'un certain nombre d'accords internationaux sur le travail. De là l'importance du rôle de ce ministère.

Il incombe au ministre du Travail de s'assurer que ces questions reçoivent l'attention qu'elles méritent. En ayant cela à l'esprit, la modernisation du Code canadien du travail est l'un des projets du ministère du Travail.

Avant la réorganisation du gouvernement, les services d'emploi et d'immigration étaient réunis sous un même toit. Ce n'est plus le cas avec ce nouveau projet de loi et ce nouveau ministère.

L'ancienne Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada deviendra la Commission de l'emploi et de l'assurance du Canada, qui poursuivra son mandat concernant les politiques d'emploi et les conditions du marché de la main-d'oeuvre et qui revitalisera le programme d'assurance-chômage.

J'en arrive ainsi à une question que je tenais particulièrement à traiter en rapport avec ce projet de loi. Cette mesure ne porte pas tellement sur l'assurance-emploi que sur le ministère chargé du


1627

suivi des propositions qui font actuellement l'objet d'une étude. D'ici quelques jours, le Comité permanent du développement des ressources humaines présentera à la Chambre ses recommandations concernant les propositions que le ministre, qui est devenu entre-temps ministre des Affaires étrangères, a déposées le 1er décembre dernier.

Comme je l'ai souvent déclaré publiquement, je crois que ces propositions représentent une amélioration générale de ce que nous avons connu comme assurance-emploi. Toutefois, mes électeurs, les Canadiens de la région atlantique en général et moi-même avons exprimé certaines inquiétudes à cet égard.

Nous sommes toujours préoccupés par la règle de l'intensité, qui punit ceux qui, sans avoir commis la moindre faute, doivent compter plus fréquemment que d'autres sur les prestations d'assurance-chômage. C'est un fait. Une caractéristique du Canada, c'est qu'il y a des industries qui, par définition, sont saisonnières et l'extraction des ressources en est certainement un bon exemple.

Même si leur situation n'est pas exclusive, les provinces atlantiques sont souvent associées à ces industries; pensons à l'extraction minière au Labrador, dans certaines parties de l'île de Terre-Neuve et ailleurs au Canada atlantique, de même qu'à l'exploitation des forêts et des pêches. Ces trois industries supposent toutes des activités saisonnières.

Que serait le Canada aujourd'hui sans l'accès aux abondantes ressources du Canada atlantique? D'après moi, le secteur de la fabrication du Canada central serait moins vigoureux sans les ressources des autres régions.

C'est notamment pour ces raisons que nous n'avons jamais présenté des excuses concernant la nature saisonnière de nos activités. Malgré cela, nous voudrions bien qu'il en soit autrement pour les individus qui sont touchés. Je sais que je traduis fidèlement l'opinion qui circule au Canada atlantique quand je dis que, si les gens de ma circonscription avaient à choisir entre des prestations d'assurance-chômage et du travail à plein temps, 12 mois par année, ils travailleraient.

(1020)

Il vaut la peine de le répéter, car ceux qui n'ont pas vécu cette expérience de travail dans le Canada atlantique ont tendance à généraliser. Certains pensent encore que les Terre-Neuviens et les autres Canadiens de la région atlantique sont une bande de paresseux qui travaillent dix semaines pour pouvoir toucher l'assurance-chômage et rester à la maison pour boire tranquillement leur bière pendant les 42 autres semaines.

Une voix: Éliminez la TPS et créez des emplois.

M. Simmons: Ne déplacez pas le problème. Je veux m'en tenir à mon sujet.

Cette idée reçue m'est lancée de temps en temps. En réalité, il y a plus de Terre-Neuviens de naissance qui vivent à l'extérieur de Terre-Neuve qu'il n'y en a dans la province même. Il y a aujourd'hui 579 000 habitants à Terre-Neuve, et plus de 700 000 Terre-Neuviens vivent à l'extérieur de leur province d'origine.

Presque tous ont quitté Terre-Neuve pour aller chercher du travail. Ce sont de bons travailleurs. Ils ont une saine éthique du travail. Ils sont nombreux à travailler sur les voies du CP en Saskatchewan ou à l'exploitation des sables bitumineux de Fort McMurray.

Des milliers d'entre eux travaillent dans les Grands Lacs. Dans ma seule circonscription, plus 8 000 Terre-Neuviens vont naviguer sur les Grands Lacs de six à huit mois par année. Ils rentrent à la maison une semaine ou un mois pour passer du temps avec leur famille, puis ils repartent au travail. D'autres travaillent dans l'exploitation des forêts de Nouvelle-Écosse. Les Terre-Neuviens représentent dans les Forces canadiennes un pourcentage supérieur à leur proportion dans la population canadienne. Les Terre-Neuviens sont allés ailleurs parce que c'est là que se trouvait le travail. Je me suis permis une digression pour faire valoir ce point de vue.

J'ai parlé des inquiétudes que me cause le projet de loi sur l'assurance-emploi. Il y a d'abord la règle de l'intensité. Il y a ensuite la méthode d'établissement des prestations, celle dite de la moyenne. J'ai fait connaître mon point de vue aux personnes compétentes, y compris les membres du comité.

Les règles d'admissibilité pour les nouveaux venus sur le marché du travail constituent un autre sujet de préoccupation.

Un autre a trait au remboursement des prestations après 39 000 $. J'ai dit au ministre et aux membres du comité qu'en appliquant ce principe du remboursement, nous devons faire attention de ne pas introduire sans le vouloir une mesure qui n'incite pas au travail. Si le temps me le permettait, je donnerais quelques exemples à la Chambre. Cependant, si les députés examinent attentivement la proposition, ils verront que le remboursement, aussi louable qu'il puisse paraître pour l'instant, comporte un aspect qui n'incite pas au travail. Il y a des cas où, d'un strict point de vue financier, il est préférable pour quelqu'un de rester chez lui plutôt que de gagner trop d'argent, car cela aurait plus tard pour effet de réduire le montant de ses prestations.

J'avais un autre sujet de préoccupation à propos des audiences qui se terminent aujourd'hui. En ce qui concerne Terre-neuve, nous devons nous rappeler que c'est la province qui connaît le taux de chômage le plus élevé de tout le Canada. Or, quand le comité formé de députés de tous les partis a décidé de convoquer des témoins, il n'en a convoqué que trois de Terre-Neuve, et, qui plus est, ces trois témoins étaient des gens d'affaires, représentant la chambre de commerce de St. John's et ce genre d'organismes. Ils ont leur point de vue, mais c'est celui de l'employeur. Si nous voulons avoir un régime d'assurance-emploi équitable au terme de tous ce processus, nous devrions tenir compte du point de vue non seulement de l'employeur, mais aussi de l'employé.

Dans le cas de Terre-Neuve, le comité allait donc entendre trois témoins du côté des employeurs, mais pas un seul du côté des travailleurs. On a réussi à changer un peu cela à la dernière minute, mais pas tout à fait à ma satisfaction. Nous avons du moins réussi à faire inscrire la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador


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sur la liste à la dernière minute. Il a été décidé qu'on entendrait ce groupe cette semaine. Il y aurait dû y en avoir d'autres pour assurer un meilleur équilibre.

Pour être juste à l'égard de mes collègues du comité, quel que soit le parti qu'ils représentent, je dois dire que, dans l'ensemble, les témoins qui ont comparu devant le comité représentaient aussi bien les travailleurs que les employeurs. Cet équilibre n'a pas été atteint dans le cas de Terre-Neuve. Je tiens à le signaler officiellement.

Je dévie un peu du sujet, mais je voulais présenter des observations générales sur la question de ce projet de loi et sur l'un des dossiers actifs du nouveau ministère, à savoir le projet d'assurance-emploi.

(1025)

Je croyais donner à mon collègue l'occasion de prendre la parole.

M. Stinson: Non, je vous écoute très attentivement.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Je pourrai peut-être accorder la parole un peu plus tard au député.

M. Simmons: Monsieur le Président, je tiens à assurer à mon collègue, le député d'Okanagan-Shuswap, et à tous les autres députés que l'harmonie est totale entre les priorités générales du gouvernement et celles du nouveau ministère du Développement des ressources humaines.

Comme c'était on ne peut plus clair dans le récent discours du Trône, la politique du gouvernement vise à favoriser un climat économique sain et nous commençons à en voir les effets. Considérez les indicateurs, les taux d'intérêt, le taux de change, la balance commerciale, etc. Nous sommes sur la bonne voie, mais rien n'est encore gagné.

M. Stinson: Les faillites.

M. Simmons: Le député veut parler de faillites. Personne ne se réjouit du nombre dangereusement élevé de particuliers et d'entreprises qui font faillite au Canada. Le député devrait examiner la corrélation entre le nombre de faillites des particuliers et l'application de politiques de droite. Les deux vont de pair. On ne peut, d'un côté, dénoncer le nombre de faillites et, de l'autre, continuer de dire: «Allez-y, serrez la vis!» Il y a un lien entre les deux.

Lorsque j'étais en septième année, il y avait un charmant poème dans le vieux livre bleu qui devait nous initier à la littérature. Ce poème s'appelait «The Big Rock Candy Mountains». Ce qui ressortait surtout du poème, c'était que tout était gratuit. Selon un des vers, les murs des prisons étaient de papier et les cigarettes poussaient dans les arbres. Je pense que, pour l'auteur, les cigarettes étaient censées être quelque chose de recherché. D'après le poème, tout était gratuit, on n'avait rien à payer.

Le député d'Okanagan-Shuswap dit qu'il faut supprimer la taxe. En théorie, un gouvernement pourrait abolir tous les impôts. Cependant, il y a certaines conséquences. Nous ne pourrions payer le salaire du député.

M. Stinson: Je n'ai rien contre. Vous n'auriez pas votre pension. Si nous n'avions pas besoin de gouvernement, ce serait merveilleux.

M. Simmons: Le député est maintenant contrarié. Il écoute maintenant avec ses lèvres. Il réalise tout à coup que si nous supprimions tous les impôts, il en subirait les conséquences.

M. Stinson: Je pourrais faire quelque chose d'utile.

M. Simmons: Aucun parti à la Chambre, quels que soient son allégeance et les décibels qu'il produit, n'a promis d'abolir tous les impôts s'il était élu.

Une voix: Certains ont dit qu'ils démissionneraient si la TPS n'était pas supprimée.

(1030)

M. Simmons: On peut parler des propos soulevés par certains, y compris le chef du Parti réformiste, qui ont dit une chose pendant la campagne électorale et ont fait trois ou quatre déclarations différentes depuis sur la TPS, si c'est de cela qu'ils veulent parler.

J'ai mon autre discours ici. Je voulais le prononcer le jour où l'opposition a saisi la Chambre de sa motion sur la TPS, mais nous avons manqué de temps. J'ai mon discours sur la TPS, que je prononcerai au moment opportun. Je dirai alors dans quelle mesure le chef du Parti réformiste a été conséquent à propos de la TPS. Son discours serait essentiellement le suivant: Supprimez-la, gardez-la, supprimez-la, gardez-la, supprimez-la, gardez-la. C'est essentiellement ce que le chef du Parti réformiste a dit sur cette question.

S'ils veulent parler de la TPS, je pense que M. Johnny Cochrane a quelque chose à dire à cet égard.

M. Stinson: C'est la petite danse des libéraux. Nous en avons tous l'habitude.

M. Hart: Qu'est-ce que John Nunziata a dit?

[Français]

M. Bellehumeur: Parlez au Président, pas aux réformistes. Il n'a rien à dire.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Chers collègues, sauf le respect que j'ai pour chacun d'entre vous, je vous demande de faire vos interventions en vous adressant à la présidence. Évidemment, en vertu du Règlement, la présidence ne peut donner la parole qu'à un député à la fois.

En l'occurrence, conformément à l'article 74 du Règlement, les trois premiers orateurs ont quarante minutes sans période de questions ou d'observations. Par consentement unanime, vous pouvez choisir de poser des questions au député qui a la parole. Entre temps,


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si des échanges se poursuivent pendant que ce dernier parle, il est évident que nous devrons tous nous poser des questions quant à l'ordre qui doit régner à la Chambre.

M. Simmons: Monsieur le Président, quelque chose m'a peut-être échappé. Je croyais que je pouvais faire allusion à d'autres députés. Toutes les fois que je l'ai fait, j'ai parlé du député à la troisième personne du singulier en précisant le nom de sa circonscription. Si le député de Berthier-Montcalm, notre Johnny Cochrane, a des problèmes avec cela, qu'il invoque le Règlement.

Si les députés du Parti réformiste veulent intervenir, et je ne m'y oppose pas, cela est tout à fait conforme à la fonction de la Chambre. Si j'ai besoin de la présidence pour me protéger contre le député de Berthier-Moncalm, je devrais être le premier à le demander, mais je ne pense pas que j'ai enfreint le Règlement. Si je ne me suis pas adressé à la présidence quand j'aurais dû le faire, je m'en excuse. Néanmoins, je pense que, dans tous les cas, je me suis adressé à la présidence à la troisième personne.

Si la présidence se fait arrêter au passage par Johnny Cochrane, c'est le problème de la présidence, pas le mien. Quoi qu'il en soit, je vais essayer de faire autrement.

Le président suppléant (M. Kilger): Il ne m'appartient pas de m'engager dans un débat et je n'en ai d'ailleurs pas l'intention. Je n'hésiterai cependant pas à défendre les intérêts de la présidence, au nom de tous les députés, si cela était nécessaire. Je ne vise aucun député en particulier. Je fais simplement appel à la coopération de tous les députés et leur demandant de s'adresser à la présidence plutôt qu'à un autre député lorsqu'ils prennent la parole.

M. Simmons: Mon intervention ne visait pas la présidence non plus. Je voulais simplement dire, monsieur le Président, que c'est précisément ce que je croyais faire et je demandais à la présidence de me prévenir, au cas où j'aurais enfreint le Règlement.

Je voulais signifier à tous les députés, aussi bien ceux qui sont nerveux que les autres, que le gouvernement et le nouveau ministère sont en parfaite harmonie ou, comme le disait John Crosbie, «joue contre joue» en ce qui concerne le mandat du gouvernement dans son ensemble, ses priorités générales et celles du nouveau ministère. Le discours du Trône l'a clairement montré. Je faisais alors une digression pour expliquer que l'économie se porte légèrement mieux qu'avant et qu'elle continue de progresser. Tout n'est pas encore pour le mieux, mais la situation s'améliore.

Lorsque j'ai commencé à dire que la situation s'améliorait, les députés réformistes ont manifesté de la nervosité et ont alors décidé de faire une diversion et de parler de la TPS et autres choses du genre. J'ai alors fait remarquer au député que si nous abolissions toutes ces taxes, nous ne pourrions plus lui payer de salaire. C'est à ce moment que mon collègue a piqué une colère. Nous en étions là lorsque le débat a été interrompu pour des raisons de procédure. Nous pouvons maintenant poursuivre.

J'ai un discours à prononcer. J'étais à la page 8. Je n'ai pas encore lu les sept premières pages, mais je passe tout de suite à la page 8.

(1035)

Je veux dire au député réformiste que la page 8 commence ainsi: «Cela aussi, c'est un élément prioritaire pour DRHC.» Nous devons revenir à la page 7 pour savoir que le mot «aussi» se rapporte à l'objectif de «favoriser un climat sain», dont je parlais il y a un instant. C'est nettement la grande priorité de DRHC. Laissons-le en discuter. À cette priorité s'ajoute le maintien d'un bon régime de sécurité sociale pour tous les Canadiens. Voici les deux grands objectifs de ce nouveau ministère: créer une saine situation économique qui se traduira par des emplois, des emplois et encore des emplois, et préserver un bon régime de sécurité sociale pour les Canadiens.

Pour atteindre ces deux objectifs, le nouveau ministère conçoit sans cesse de nouveaux programmes et politiques destinés à réduire la pauvreté et à aider les chômeurs à retourner sur le marché du travail aussi vite que possible.

En confiant toutes les questions de ressources humaines à un seul ministère, on facilite la conception d'une perspective intégrée et coordonnée pour aider les Canadiens à réaliser leur plein potentiel. On donne aussi une structure au gouvernement du Canada pour faciliter la collaboration avec ses partenaires, soit les provinces, les territoires, le patronat, les syndicats, les établissements d'enseignement et la collectivité.

DRHC réunit les grands éléments de nos programmes sociaux pour garantir qu'ils répondent aux besoins de chaque Canadien et de l'ensemble du pays. La politique sociale est un investissement dans les gens. Elle vise à les aider à développer leurs talents, à vivre une vie enrichissante et à devenir des éléments utiles dans leurs milieux respectifs. Cette politique prend toute son importance quand DRHC l'applique aux jeunes.

Nous nous rappelons tous que l'un des objectifs clés mentionnés dans le discours du Trône était de stimuler l'espoir et de multiplier les possibilités pour les jeunes hommes et femmes du Canada. Le taux de chômage chez les jeunes Canadiens de moins de 25 ans est d'environ 16 p. 100. C'est un peu plus d'une fois et demie la moyenne nationale.

Je suis sûr que tous les députés seront d'accord pour dire que les jeunes Canadiens sont notre ressource la plus précieuse. Ils ont besoin de notre aide pour terminer leurs études et obtenir ce premier emploi d'importance capitale. Cette considération justifie à elle seule la création du ministère du Développement des ressources humaines.

DRHC est chargé d'administrer le programme Service jeunesse Canada, le programme des jeunes stagiaires, le programme d'emplois d'été pour étudiants et le programme canadien de prêts aux étudiants. Je suis sûr que les députés voient clairement quels rôles essentiels le ministère est appelé à jouer dans la vie des jeunes de partout au Canada.

En réunissant de façon logique tous les programmes ayant trait aux ressources humaines dans un seul mandat, le gouvernement clarifie l'identité et les responsabilités du nouveau ministère. C'est extrêmement important pour le moral des employés du ministère et


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surtout pour la confiance de l'ensemble de sa clientèle à travers le Canada.

Le regroupement des programmes sociaux et de ceux relatifs au marché du travail permettra à DRHC de mieux mettre en oeuvre la priorité qu'accorde le gouvernement fédéral au développement des ressources humaines. Le fait que le ministère soit chargé de la réforme du programme d'assurance-chômage en témoigne déjà en partie. Cette réforme a pour but d'adapter l'assurance-chômage aux réalités des années 90 par le biais de mesures de soutien du revenu et d'emploi effectif.

Comme je l'ai dit plus tôt, il y a longtemps que cette réforme du programme d'assurance-chômage se faisait attendre et je suis tout à fait en faveur. J'ai dit plus tôt dans mon intervention que j'ai certaines réserves à propos de certains points: la récupération des prestations, la règle de l'intensité, la méthode de calcul et les normes d'admissibilité. Ces questions ont cependant été examinées de façon assez approfondie par le nouveau ministre du Développement des ressources humaines, mon collègue du Nouveau-Brunswick, et par les membres du comité permanent qui présentera son rapport très prochainement. Nous pourrons alors voir quels amendements sont proposés.

(1040)

D'après les conversations que j'ai eues avec le ministre et les membres du comité permanent, je suis sûr que les préoccupations que d'autres députés et moi avons soulevées ont été entendues et prises en considération dans le rapport du Comité permanent du développement des ressources humaines. Nous pouvons donc compter sur un programme d'assurance-emploi considérablement amélioré par rapport à celui qui avait été présenté en décembre par l'ancien ministre.

Les Canadiens ont besoin et méritent que leur gouvernement leur assure les meilleurs services possibles et c'est là le point capital du projet de loi C-11. Les Canadiens se verront assurer ces services au moyen de plusieurs mesures mises en place par DRHC, notamment par le nouveau réseau de distribution des services du ministère. Ce nouveau réseau sera constitué d'environ 300 centres de ressources humaines du Canada, que l'on appelle aujourd'hui les centres d'emploi du Canada, répartis de façon stratégique d'un bout à l'autre du pays. Ces centres fourniront un vaste éventail de services aux clients.

La constitution du ministère du Développement des ressources humaines s'impose si le gouvernement veut remplir son mandat, c'est-à-dire assurer la croissance économique, créer des emplois et protéger la sécurité des programmes sociaux.

Je ne peux que répéter ce que j'ai dit au début, soit que le projet de loi C-11 est essentiellement de nature administrative. Il ne renferme rien de phénoménal. Aucun mandat n'est demandé, attribué ou retiré. Le projet de loi ne porte pas sur des questions fondamentales ou des réformes, mais simplement sur des questions consécutives à la fusion efficace des divers ministères et programmes. C'est pourquoi j'encourage les députés à appuyer l'adoption de cette mesure législative, qui permettrait à DRHC et au gouvernement d'accomplir leur tâche, soit de mieux servir les Canadiens.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ce projet de loi, malgré toutes les dénégations du gouvernement, malgré le refrain répétitif qu'il fait, à savoir que ce n'est qu'un projet de loi technique, dit ministériel, constitue en réalité un élargissement législatif des pouvoirs que la Constitution reconnaît au gouvernement fédéral.

En effet, ce projet de loi élargit, par voie législative, des pouvoirs que le gouvernement fédéral s'était arrogés en vertu de son pouvoir de dépenser. Pour la première fois, ce à quoi s'était livré, dans les faits, le gouvernement, est inscrit dans le texte de la loi, dans chacune de ses lignes et interlignes.

En fait, en créant ce nouveau ministère du Développement des ressources humaines, le gouvernement confirme, de façon éloquente, qu'il transfère globalement à Ottawa la responsabilité et les pouvoirs qui, à l'origine de la Constitution canadienne, constituaient le coeur de la responsabilité des provinces. Ce coeur de la responsabilité des provinces n'avait souffert que des exceptions qui avaient dû être constitutionnalisées, que ce soient les pensions, que ce soit l'assurance-chômage.

(1045)

Or, une fois le pied dans la porte, le gouvernement l'a ouverte toute grande et, profitant de son pouvoir de dépenser qui n'a cessé de croître, il a investi la place. C'est ça, le projet de loi C-11.

Mais le projet de loi exprime aussi clairement la volonté de centralisation du gouvernement fédéral qui se trouve à s'autoproclamer stratège en chef pour le développement des ressources humaines au Canada. Il s'arroge la gestion au sens large de cette expression, large elle-même, de développement des ressources humaines.

Dans un Canada qui s'est transformé, nous pouvons comprendre que les autres provinces acceptent un arrangement constitutionnel différent. Mais le problème c'est que, pour le Québec, cet arrangement est absolument inacceptable et qu'on ne peut, d'aucune espère de façon, consentir au libellé du projet de loi C-11 sans renier tous les débats constitutionnels qui ont empêché de dormir tant de générations au Québec.

Nous respectons que les autres provinces et le gouvernement central s'arrangent autrement. Pour le Québec, il est absolument, mais absolument inacceptable que le gouvernement fédéral devienne ainsi l'organisateur, le planificateur, le contrôleur de ce développement des ressources humaines. Car, largement parlant, le développement des ressources humaines touche à toute la vie sociale, y compris la formation, les jeunes, comme vient de le dire le collègue d'en face, les personnes âgées, les enfants, les femmes, les chômeurs et les travailleurs. Même s'il a été très clair, par jugement du Conseil privé, par exemple, que les relations de travail dépendaient des provinces, le gouvernement ne s'est pas gêné pour s'immiscer largement au-delà de ses pouvoirs dans ce qui constitue le coeur des relations de travail, comme les heures de travail et la diminution de la semaine de travail, dans une étude qu'il a fait faire récemment.


1631

Encore une fois, nous n'avons rien contre le fait que les autres provinces veuillent s'organiser autrement, mais le Québec, à l'unanimité, par ses organismes représentatifs et ses institutions, a rejeté ce projet de loi.

Si l'ancienne première ministre du Canada, qui le fut brièvement, Kim Campbell, n'avait pas réuni sous un même chapeau plusieurs ministères à vocation sociale, le gouvernement fédéral ne serait pas dans la situation dans laquelle il se trouve maintenant. L'ancienne première ministre, sans doute voulant se préparer à faire cette réforme que le gouvernement libéral est en train de faire, avait suivi les indications de ses hauts fonctionnaires; j'en déduis que ce sont eux qui font les politiques, puisque les gouvernements ont changé, mais que les politiques sont les mêmes.

L'ancienne première ministre, regroupant plusieurs ministères dans un même ministère, le nouveau gouvernement libéral, au lieu de remettre les choses en place, a continué là où les conservateurs avaient abandonné le travail, le temps que ces derniers avaient eu après ce regroupement ayant été bref. Alors, il est important de souligner cette filiation.

(1050)

C'est en regroupant divers ministères-dont aucun dans sa loi constitutive n'avait les pouvoirs définis dans cette loi qui ne fait prétendument que les réunir en une même entité-que le gouvernement se donnait le moyen de faire la réforme des programmes sociaux, avortée sans doute, mais dont les éléments en place en ce moment laissent à penser quelle direction il prend et dans quel sens il continuera à agir.

C'est bon de citer les articles les plus importants qui ont fait se soulever toutes les organisations et les institutions au Québec. On dit ceci à l'article 6:

6. Les attributions du ministre s'étendent d'une façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement liés au développement des ressources humaines au Canada ne ressortissant pas de droit à d'autres ministres, ministères ou organismes fédéraux et sont exercés en vue d'améliorer le marché de l'emploi et de promouvoir l'égalité et la sécurité sociale.
On peut comprendre qu'un pays puisse difficilement supporter que les provinces décrivent qu'elles ont ces pouvoirs et que le gouvernement central décrive aussi qu'il a les mêmes pouvoirs. C'est un gâchis qui explique largement l'inefficacité canadienne à ces chapitres, quand on compare le Canada à d'autres pays.

Une autre disposition en dit long:

En vue de faciliter la formulation, la coordination et l'application des politiques et programmes relatifs aux attributions énoncées à l'article 6, le ministre peut conclure un accord avec une province [. . .]
Est-ce qu'on s'arrête là? Non. C'était prévu dans les anciens projets de loi. Oui, le ministre pouvait conclure un accord avec une province. Cela va de soi.

Mais on continue: «[ . . . ] un groupe de provinces»; ça peut aller de soi, mais encore là, il faut voir la possibilité pour une province qui, elle, ne serait pas incluse de rapatrier l'argent qui autrement lui échappe. Vous voyez, on nage en pleine discussion constitutionnelle, mais je continue la citation: «[. . .] un organisme public provincial, une institution financière ou toute personne ou organisme de son choix.»

La portée de cet article est énorme. Elle recèle en elle-même la volonté et les pouvoirs de planifier, d'organiser et de contrôler-ce qu'est la définition de la gestion-le développement des ressources humaines au Canada.

Je cite un autre article qui complète et je reviendrai ensuite aux effets.

La Commission exerce les attributions qui lui sont conférées:
a) par le ministre ou en application d'une loi fédérale, en ce qui concerne l'assurance-chômage, les services de placement, la création, la mise en oeuvre et l'optimisation des moyens humains au Canada;
Outre le français qui se trouve torturé-parce que l'optimisation des moyens humains au Canada, est-ce que ça s'oppose aux moyens inhumains-, mais outre la torture du français, la torture constitutionnelle est importante.

b) en toute autre matière, aux termes d'un décret ou en application d'une loi fédérale.
Bref, la Commission de l'assurance-chômage peut se faire attribuer tout autre pouvoir que ceux qui sont dans sa loi constitutive originelle, parce qu'on la transforme.

Avec ce projet de loi, le gouvernement central se dote des moyens de poursuivre une politique centralisatrice, malgré les propos lénifiants tenus, y compris par le plus jeune et dernier ténor ministériel récemment acquis lors des dernières élections, le député de Saint-Laurent-Cartierville.

(1055)

La description des principaux éléments de ce projet de loi explique qu'au Québec, les institutions, les organismes, les organisations se soient élevées, avec la dernière énergie, contre ce projet de loi. On s'y attendait.

Dans le cas des syndicats, par exemple, je peux lire un extrait d'un communiqué d'Henri Massé, secrétaire général de la FTQ: «On ne veut plus qu'Ottawa mette ses gros sabots dans ce dossier et passe par-dessus notre tête pour mettre en place des structures parallèles. Le Québec s'est donné une structure privilégiée de partenariat dans ce domaine avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Il existe un large consensus pour que Québec devienne le seul responsable des politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre et de formation professionnelle sur son territoire et pour qu'il rapatrie en conséquence les budgets que le fédéral


1632

alloue à ces programmes. Même le Conseil du patronat est d'accord avec les syndicats», ajoute M. Massé.

L'Institut canadien d'éducation des adultes, dans un communiqué, disait ceci: «Avec ce projet de loi, le gouvernement fédéral affiche un manque de respect flagrant à l'égard des aspirations des provinces, et plus particulièrement de celles du Québec en matière d'éducation, de formation et de développement de la main-d'oeuvre. En effet, les articles 6 et 20 du projet de loi-ceux que j'ai cités-ne laissent planer aucun doute quant aux intentions centralisatrices du gouvernement fédéral en ces matières.»

La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui regroupe tous les partenaires qui comptent au Québec, a dénoncé à son tour, avec la dernière des énergies, ce projet de loi.

Ce n'était pas la première fois qu'au gouvernement central, on cherchait ainsi à mettre en place un réseau parallèle, dans ce domaine, à celui dont s'est doté le Québec. En effet, le gouvernement fédéraliste libéral de M. Robert Bourassa, en la personne du ministre de la Main-d'oeuvre, M. Bourbeau, avait eu un échange de correspondance avec M. Valcourt qui, à l'époque, voulait ainsi étendre un réseau auprès de groupes, d'organismes avec lesquels il aurait, à contrats, profitant de la manne fédéral, envahi le champ du Québec.

Or, M. Bourbeau, je le répète, un fédéraliste, a exprimé avec force qu'il n'en était pas question. Il disait, en 1991: «Le Québec reconnaît en effet la nécessité criante de définir lui-même ses politiques de main-d'oeuvre, d'établir en concertation étroite avec les partenaires du marché du travail ses priorités en matière de développement de la main-d'oeuvre, puis d'élaborer, de gérer des programmes qui répondent adéquatement à ses besoins prioritaires dans une organisation qui fait appel à ses partenaires.»

Je poursuis la citation de M. Bourbeau: «Déjà, Mme McDougall-le prédécesseur de M. Valcourt-aurait souhaité que le gouvernement du Québec négocie un accord avec le gouvernement fédéral dans la foulée de la stratégie canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre. J'ai réclamé, pour ma part, une négociation bilatérale qui aurait pu conduire à un arrangement administratif, en vertu duquel le gouvernement fédéral aurait transféré au Québec les budgets qu'il affecte normalement au programme de main-d'oeuvre, y compris les budgets puisés à même la Caisse de l'assurance-chômage, c'est-à-dire alimentés par les cotisations des employeurs et des salariés.» Il fait référence ici à des échanges qui ont eu lieu avant 1991. Qu'a répondu Mme McDougall? Mme Barbara McDougall m'a fait savoir que le gouvernement fédéral associait les demandes du Québec à quoi? Au processus de révision constitutionnelle.

(1100)

Cet échange de correspondance est la matière même du projet de loi C-11. L'actuel gouvernement fédéral, au lieu de respecter la volonté du Québec, procède unilatéralement, comme n'avait osé le faire aucun des gouvernements précédents.

Alors oui, il a pris la suite des conservateurs, mais en pire, comme dans bien des domaines, comme dans le domaine de la réforme des programmes sociaux.

Plus loin, que dit M. Bourbeau des groupes, organismes ou personnes avec lesquels le gouvernement central voulait pouvoir faire des ententes? Il dit ceci: «Je crois maintenant comprendre que la Commission de l'emploi et de l'immigration a décidé de ne pas donner suite aux arrangements que j'ai conclus avec le précédent titulaire de l'Emploi et de l'Immigration. Votre Commission offre en effet à ce qu'elle appelle des groupes de coordination, des subventions pour toutes sortes de projets liés directement ou indirectement à la formation de la main-d'oeuvre. Ces groupes de coordination sont des associations d'employeurs, des groupes communautaires, des chambres de commerce, des organismes de développement économique, des institutions d'enseignement.»

Il continue: «Ces projets sont discutables. Ces initiatives contribuent, contrairement aux engagements pris, à créer des groupes nouveaux ou à élargir le mandat des groupes existants.» Et il conclut ainsi: «On fait ainsi indirectement ce qu'on s'était engagé à ne pas faire directement.»

Il ajoute plus loin: «Tous les observateurs objectifs constatent que le Canada et le Québec sont en train de prendre des retards inquiétants par rapport à nos principaux concurrents.» C'était en 1991; nous sommes en 1996, et le gouvernement fédéral libéral, au lieu de s'attaquer au problème, au lieu de le régler, continue à tergiverser, et ce, après ce référendum où, par 52 000 voix seulement, le Québec ne s'est pas donné les moyens de la souveraineté.

La levée de bouclier au Québec, loin d'être surprenante, est le résultat d'un mouvement historique qui ne s'arrêtera pas. Mais quel sort a fait le Comité du développement des ressources humaines à ces pressions venant du Québec? Je vous donne un exemple. J'ai demandé que soient entendus les principales institutions, les principaux porte-parole du Québec sur cette question. Le comité a refusé. Et qui étaient ces groupes? La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui regroupe le patronat, les syndicats, les groupes populaires, les institutions municipales, le gouvernement. L'Institut canadien d'éducation des adultes avait aussi été proposé. La ministre du Développement de l'emploi avait demandé à se faire entendre, tout comme les centrales syndicales, l'Association des manufacturiers du Québec, la Fédération des professeurs d'université, le Mouvement Desjardins et le reste. Le comité a dit non.

En deuxième lecture, j'ai présenté un amendement qui a été soumis à cette Chambre et qui stipulait ceci: «Que tous les mots suivant le mot «que» soient retranchés et remplacés par ce qui suit: Cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-96, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines et modifiant ou abrogeant certaines lois, parce que le principe du projet de loi ne prévoit pas obliger le ministre, dans le cadre de ses attributions, à accorder une compensation financière pleine et entière à une province désirant exercer pleinement et seule les compétences en matière de développement des ressources humaines.»


1633

(1105)

Si, après le référendum, le gouvernement avait voulu donner un signe, il lui était facile de le faire. Il aurait pu donner un signe seulement, par ce projet de loi, en reconnaissant la possibilité de retrait, parce que j'ai bien établi que c'est une matière constitutionnelle.

Le nouveau discours du Trône, celui du 27 février 1996, ne nous laisse cependant aucun doute quant aux intentions du gouvernement. Que dit le premier ministre: «Le gouvernement n'utilisera pas son pouvoir de dépenser pour créer de nouveaux programmes à frais partagés dans des domaines de compétence provinciale exclusive, sans le consentement de la majorité des provinces. Tout nouveau programme sera conçu de telle sorte que les provinces qui s'en dissocieront seront indemnisées à condition qu'elles adoptent un programme équivalent ou comparable en matière de compétence provinciale exclusive.» Est-ce cela, le soi-disant esprit décentralisateur de ce gouvernement central?

Ce projet de loi, en lui-même, tel qu'il est rédigé et conçu est en fait impossible à amender parce que, étant en pleine matière constitutionnelle, il ne pouvait l'être de façon efficace que par l'amendement que nous avons proposé en deuxième lecture et qui a été rejeté par un vote majoritaire.

Nous sommes en matière de juridiction provinciale exclusive et le gouvernement ne reconnaît pas cette exclusivité, d'aucune espèce de façon. Il transforme son pouvoir de dépenser en pouvoir juridique, législatif, d'intervenir sans égard aux droits des provinces. Nulle part, dans les lois constituant les anciens ministères qui ont été regroupés, ne trouve-t-on cette reconnaissance du droit du gouvernement central de faire des ententes avec d'autres qu'une province, dans la Loi sur la formation professionnelle, mais on s'oblige à la consultation des provinces, c'est tout.

C'est de bien mauvais augure. Le projet de loi sur la réforme de l'assurance-chômage, malgré la volonté exprimée par le gouvernement à l'effet qu'il veut reconnaître le droit des provinces, en fait, se laisse toute la marge de manoeuvre, sauf dans un champ, celui étroit de la formation professionnelle qui, déjà, est gérée par le Québec.

(1110)

Nous avons eu à répétition des échanges extrêmement inquiétants dans cette Chambre où le premier ministre lui-même, après avoir semblé faire une ouverture, a plutôt, relativement à la formation et à l'adaptation de la main-d'oeuvre, procédé à une fermeture. Il a dit clairement et à répétition qu'il n'était pas question pour le Canada d'abandonner les mesures dites actives, les mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre.

Ce n'est que dans un «scrum», après plusieurs jours d'échange verbaux forts en cette Chambre, que le ministre du Développement des ressources humaines a demandé de recommencer les négociations en disant qu'il reconnaissait le consensus québécois. Mais ce qu'il avait dit avant ne nous laissait pas beaucoup d'espoir.

J'ajouterai ceci: le projet de loi, dans l'état dans lequel il est, donne le pouvoir au gouvernement de faire ce qu'il veut dans le champ des provinces, avec l'argent des travailleurs et des entreprises et, dans certains cas, avec l'argent de tout le monde. C'est lui qui pourra décider s'il y a entente, ce que nous souhaitons tous vivement. Mais c'est lui qui peut décider que cette entente vaudra pour tant de temps, et c'est dans un champ précis.

Tout le reste des champs qui sont couverts par cette appellation de ministère du Développement des ressources humaines et, on l'a vu, le fait de rédiger les articles comme ils le sont laisse la capacité au gouvernement central d'intervenir dans les champs qui sont là en se servant toujours de son pouvoir de dépenser.

On ne l'a pas dit souvent en cette Chambre, mais le pouvoir de dépenser n'est pas constitutionnalisé. Je suis encore obligée d'utiliser ce mot. Au lieu de s'attacher à faire en sorte que le monde qui a besoin de l'efficacité du programme, une efficacité qui, au Québec, ne peut être assurée que par la coordination et la gestion, le contrôle, la planification, par les institutions que nous nous sommes données, au lieu de s'acharner à faire en sorte que l'argent rare serve au monde au maximum, cet argent rare flotte et n'a pas la destination la plus efficace, parce que le gouvernement central s'entête, dans le cas du Québec en tout cas, à être celui qui planifie, organise, dirige et contrôle.

En effet, le gouvernement peut dire: «Ah! mais nous allons signer des contrats avec tel groupe, tel organisme, telle personne.» C'est lui qui pose les conditions du contrat. C'est une façon bien plus efficace et bien plus rigoureuse d'imposer des normes nationales. C'est lui qui décide à quelle condition tel groupe qui en a bien besoin aura de l'argent. Il passe outre à la stratégie, aux priorités, aux conditions que le Québec se donne. Cela n'a pas de sens.

Vous avez entendu tout à l'heure la lettre de 1991 que j'ai lue, qui faisait aussi état des pourparlers avec Mme McDougall qui dataient d'avant cela. Vous remarquez qu'au lieu d'avancer le Québec recule, parce que, en 1991, M. Valcourt, lui, n'avait pas osé passer outre au refus du Québec. Il n'avait pas osé dépasser l'entente qui existait.

(1115)

Nous sommes tristement devant le constat que le fédéralisme canadien, depuis son début, s'est développé toujours dans le même sens, celui de la centralisation. Je le répète, il est fort possible, compréhensible, et nous n'avons rien contre, que les autres provinces et le gouvernement central s'organisent autrement. Nous pouvons comprendre que les autres provinces se fichent de ce qu'il y a dans la Constitution, du moment que les arrangements leur conviennent.

Les autres provinces ne se sentent pas menacées par le gouvernement central, je l'ai constaté souvent. Elles ne se sont pas senti menacées par exemple quand le gouvernement a procédé au projet de loi C-28 en 1994. Or, ce projet de loi, j'en suis certaine, est absolument attaquable sur le plan constitutionnel parce que le gouvernement central se donne le pouvoir, là-dedans, de désigner les personnes qui vont poser des conditions pour que les étudiants puissent obtenir des bourses. Et cela a des conséquences extrême-


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ment importantes sur les institutions collégiales et universitaires qui pourront avoir accès à des étudiants qui ont les moyens d'étudier. C'est très important pour les provinces. Or, les provinces n'ont pas protesté.

Il y avait un droit de retrait qui a été beaucoup durci, auquel on a ajouté des conditions et contre lesquelles le Bloc québécois s'est battu, mais les autres provinces n'ont pas protesté. Que ce soit le gouvernement central qui désigne une personne, quelle qu'elle soit, même une institution financière qui déterminerait à quelle condition les étudiants vont avoir des bourses, je respecte cela. Mais au Québec, cela ne peut pas marcher comme ça.

Dans ce projet de loi, je le dis, il y a eu, c'était historique, la reconnaissance d'un certain droit de retrait avec compensation pour le Québec. Nulle part il n'est question de cela, nulle part. Dans ce projet de loi, le gouvernement s'autorise à décider lui-même de l'utilisation de l'argent pour les fins du ministère du Développement des ressources humaines avec les groupes. Il n'y a pas de condition, il n'y a pas de consultation. Il décide.

Nous sommes bien en loin en fait même de ce qui se passait au début des années 1960. Je l'ai déjà fait, mais je me permets de le faire encore, je vais lire les conclusions d'un document que René Lévesque avait déposé à la Conférence fédérale-provinciale sur la pauvreté de janvier 1966. Je vous le cite rapidement et je conclurai ainsi.

Voici le texte: «L'établissement d'une véritable politique de développement économique et social est devenu impérieux. Cette politique doit être intégrée, flexible dans ses moyens et comprendre un régime de sécurité sociale axé sur la famille et fondé sur le droit à une assistance correspondant aux besoins. Pour des raisons d'efficacité et des motifs d'ordre constitutionnel, le gouvernement du Québec est le seul qui puisse et qui doive, sur son territoire, concevoir une telle politique et la mettre en oeuvre. Corollairement, le Québec ne peut accepter que le gouvernement du Canada assume cette responsabilité. Le Québec n'exclut pas cependant la coopération interprovinciale et la consultation réciproque.»

(1120)

Je cite toujours M. Lévesque: «La politique de développement économique et social dont nous achevons l'élaboration fera entrer en ligne de compte, de façon à intégrer une politique sociale, une politique de développement régional, une politique de la main-d'oeuvre, une politique de santé, une politique d'habitation, une politique de formation professionnelle.» On pourrait dire une politique de développement des ressources humaines. Je poursuis: «Toutes ces politiques n'ont pas été décrites dans le présent document, mais il nous apparaît important d'indiquer dans ces conclusions qu'elles sont autant d'instruments que nous comptons utiliser pour atteindre nos objectifs.»

Je continue: «Sans obligatoirement la contredire, cette politique globale ne correspondra pas nécessairement, dans son esprit et ses modalités d'application, à celle vers laquelle peut tendre le gouvernement du Canada. Les avantages qu'en retirera la population du Québec seront cependant au moins équivalents sinon supérieurs à ceux dont pourront éventuellement bénéficier les autres citoyens canadiens pour des raisons d'efficacité et des motifs d'ordre constitutionnel.»

Nous avons terriblement reculé par rapport à cette affirmation de principe et à cette description du plan d'un gouvernement provincial fédéraliste. Nous n'avons cessé de reculer et le projet de loi C-11 est hautement inacceptable, non modifiable, et c'est pourquoi, outre que de souhaiter vivement un nouveau référendum sur la souveraineté du Québec, je dépose cette motion ce matin, amendement à l'ordre en troisième lecture, pour que ce projet de loi soit retiré et que l'objet en soit renvoyé à un comité permanent.

Je propose:

Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «Que» et en les remplaçant par ce qui suit:
«le projet de loi C-11, Loi constituant le ministère du Développement des ressource humaines et modifiant ou abrogeant certaines lois, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais que l'ordre soit révoqué, le projet de loi retiré et l'objet déféré au Comité permanent du développement des ressources humaines.»
Le président suppléant (M. Kilger): Peut-être que l'honorable députée de Mercier pourrait clarifier.

Mme Lalonde: Oui, je m'excuse, monsieur le Président. Nous avions convenu, l'honorable députée de Laval-Centre et moi-même, mais je n'ai pas vérifié si elle était toujours là, que c'était elle qui appuierait mon amendement, avec l'accord du député de Lotbinière.

[Traduction]

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole au sujet de la motion amendée actuellement à l'étude à la Chambre. J'attendais cette occasion depuis quelque temps parce que ce que nous avons là la dernière mesure législative d'autorisation soumise à la Chambre.

(1125)

Deux ans et quelques mois après le début de la législature, cela ne saurait venir plus à point. Ce qui est intéressant également, c'est que c'est la dernière mesure législative à mettre en mesure quelque chose dont l'origine remonte au cabinet de Kim Campbell.

Je suis contre ce projet de loi pour un certain nombre de raisons que je vais énumérer. La mesure donne au gouvernement fédéral le pouvoir de passer outre aux provinces lorsqu'il crée des programmes ou des initiatives dans le domaine du développement des ressources humaines.

Je m'oppose aux raisons partisanes qui sont à l'origine de la création du ministère du Travail et je m'oppose à la façon dont le gouvernement essaie de camoufler l'information aux Canadiens en éliminant la disposition prévoyant un rapport annuel pour le ministère.

Je voudrais passer quelque temps sur les points particuliers qui me préoccupent. Comme je l'ai mentionné, mes collègues et moi avons des inquiétudes très valables au sujet de cette mesure législative. En particulier, il y a un article qui donne au gouvernement fédéral de nouveaux pouvoirs lui permettant de conclure des ententes de coopération avec des organismes, des groupes ou des agents sans consultation préalable avec les gouvernements provinciaux.

Nous avons tous entendu le ministre du Développement des ressources humaines nous dire que ce n'était pas un problème. Nous pensons que ce projet de loi donne au gouvernement la possibilité de contourner les provinces dans la prestation des programmes


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sociaux ou autres services relevant du ministère du Développement des ressources humaines.

Ce genre d'accaparement de pouvoirs par le gouvernement fédéral est contraire à la tendance contemporaine, laquelle est à la décentralisation. Nous avons déjà passé de nombreuses heures à la Chambre à débattre de cette question. Souvenons-nous que le gouvernement libéral avait promis, pendant la campagne référendaire au Québec, que parmi les choses qu'il proposerait il y aurait une décentralisation plus grande. Les progrès sur ce front ont été nuls.

Ce projet de loi est un merveilleux exemple de tentative fédérale pour «nationaliser» des pouvoirs qui n'existaient pas auparavant. Pour le gouvernement c'est une approche très ancienne. C'est l'approche Trudeau. C'est l'approche qui a commencé juste après la Deuxième Guerre mondiale. Une approche qui ne répond pas aux besoins actuels de la population du Canada.

Une chose qu'apprennent les étudiants en politique canadienne dès leur première année, c'est que le Canada a une constitution rigide. Elle est rigide en ce sens qu'il n'est pas facile d'y apporter des modifications. C'est un fait bien connu, on a eu beaucoup de mal à modifier l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. De toute évidence, la modification de la Constitution n'a pas été rendue plus facile par la la Loi constitutionnelle du Canada, comme l'ont clairement montré les événements survenus depuis 1982.

Les procédures de modification n'ont pas été définies dans l'AANB. C'est ce qui explique que l'on n'y a apporté que de très rares modifications entre 1867 et 1982. Il faut se rappeler également que l'AANB visait à créer une union fortement centralisée, mais que celle-ci s'est décentralisée avec les années, en raison des diverses interprétations données par les tribunaux. Par ailleurs, en confiant aux provinces les domaines de l'éducation, de la santé et du bien-être, les Pères de la Confédération avaient l'impression de concéder des compétences d'importance moindre et de portée locale. C'est aussi ce qui explique que le pouvoir d'Ottawa de prélever les impôts dépasse de loin ses responsabilités constitutionnelles.

Les Pères de la Confédération ont accordé au gouvernement fédéral le pouvoir de prélever des deniers par, et je cite: «tous modes ou systèmes de taxation». Il faut se rappeler que le rôle du gouvernement était très limité en 1867.

Au dire de la Commission Rowell-Sirois: «Les fonctions principales de l'État s'inspiraient des prescriptions d'Adam Smith. Le gouvernement croyait avoir jouer son rôle quand il s'était doté de bons moyens de défense, avait fait respecter le droit général en vue de l'administration de la justice et avait assuré quelques services publics essentiels.»

De plus, en 1867, la société canadienne était essentiellement rurale. Par conséquent, on avait une vision individualiste des choses et on considérait la famille comme une source d'entraide.

La grande crise des années 30 est venue bouleverser tout ça. La nouvelle donne de Franklin D. Roosevelt a incité les gouvernements des pays industrialisés de l'Occident à intervenir pour atténuer les effets de la crise économique. Lord Keynes, un éminent économiste de Cambridge, a fourni rapidement les fondements intellectuels d'une intervention du gouvernement dans l'économie pour atténuer les baisses dans les cycles économiques.

(1130)

En bref, la logique de Keynes a posé les jalons de l'établissement anticyclique des budgets. Elle a également été à la base de mesures et de programmes gouvernementaux destinés à stabiliser l'économie, à promouvoir le développement économique et le plein emploi. On a laissé entendre que, du fait de la demande latente et de l'absence de limites sur les facteurs de production, le gouvernement pouvait vraiment créer les sociétés rationnelles et prospères que l'on recherche depuis si longtemps.

La théorie économique de Keynes légitimait également les déficits gouvernementaux. Avec le temps, les gouvernements pourraient dépenser davantage, imposer davantage et emprunter beaucoup plus. Cela ne ressemble-t-il pas énormément à la politique financière du gouvernement libéral actuel?

C'est ce modèle keynésien poussé à l'extrême qui incite le ministre du Développement des ressources humaines et ses bureaucrates à proposer dans ce projet de loi des dispositions comme celles-là qui, au lieu de donner aux provinces la possibilité d'administrer leurs propres affaires, permettent au gouvernement fédéral de s'arroger davantage de pouvoirs.

À l'instar de ceux d'autres pays occidentaux, le ministère des Finances du Canada a épousé la révolution keynésienne. Les Canadiens sont sortis de la Seconde Guerre mondiale bien décidés à ne jamais tolérer une autre crise comme celle des années 30.

De plus, à la fin de la guerre, les Canadiens croyaient fortement dans la capacité du gouvernement d'intervenir et d'administrer l'économie. Les Canadiens ont appris, durant la guerre, que les gouvernements pouvaient, en temps de crise, lorsqu'ils étaient poussés par un objectif primordial, amener le pays à de forts niveaux d'activité économique et d'emploi.

Non seulement les alliés ont-ils gagné la guerre, mais les gouvernements avaient aussi bien administré l'économie de guerre. Le chômage était tombé à zéro, mais les prix étaient demeurés bas. Ainsi, personne n'a été surpris lorsque, vers la fin de la guerre, le gouvernement du Canada a présenté au Parlement un important document d'orientation d'inspiration keynésienne. On y disait: «Lorsque le chômage menacera, le gouvernement sera disposé à accumuler des déficits et à accroître la dette nationale à la suite de l'application de sa politique en matière d'emploi et de revenus. Lorsque la conjoncture sera bonne sur le plan de l'emploi et des revenus, les plans budgétaires prévoiront des surplus.»

Cependant, le grave fléchissement de l'activité économique qu'on avait prévu après la guerre ne s'est pas matérialisé et les mesures que le gouvernement fédéral avait prévues se sont révélées inutiles. Pourtant, le gouvernement fédéral est devenu persuadé qu'il possédait un nouvel arsenal de programmes économiques pour stimuler l'emploi et, de façon plus générale, pour administrer l'économie nationale.


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Au risque d'exprimer une évidence, le modèle économique keynésien cherche à parvenir à un équilibre des cycles économiques dans l'établissement de la politique et considère que le gouvernement national est le principal facteur économique. Ce qui importe, c'est qu'il s'appuie sur une forte propension à la centralisation. Il considère qu'une politique financière nationale, des stratégies industrielles nationales et des programmes nationaux vont favoriser le développement de l'économie nationale. En bref, les modèles économiques keynésien et Roosevelt donne aux gouvernements nationaux la haute main sur l'économie nationale.

On était persuadé d'avoir trouvé le Saint-Graal de la politique économique et il suffisait de voir ce que d'autres pays plus industrialisés faisaient pour s'en convaincre. Le gouvernement fédéral était, cependant, conscient du fait qu'il n'avait pas les pouvoirs voulus pour administrer l'économie nationale et pour promouvoir un État interventionniste. C'est ce que lui a dit la Commission royale Rowell-Sirois lorsqu'elle a commencé à déposer ses conclusions en 1940.

Le gouvernement d'Ottawa savait aussi très bien que, étant donné la rigidité de la Constitution écrite, il ne pouvait pas compter sur des modifications constitutionnelles pour parvenir à l'État providence. En outre, dans les rares cas où il a été en mesure d'obtenir une modification constitutionnelle, cela n'a servi qu'à aboutir à un partage des compétences.

Par exemple, la modification apportée en 1951 à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui donnait au gouvernement fédéral le pouvoir d'établir le programme de sécurité de la vieillesse, a fait des pensions une question de compétence partagée. Je ne commencerai pas à parler de la sécurité de la vieillesse, car nous savons tous que les libéraux l'ont, selon toute apparence, supprimée, malgré ce qu'ils avaient promis durant la campagne électorale.

(1135)

Ce projet de loi permet au gouvernement de s'arroger plus de pouvoirs, conformément aux principes keynésiens que j'ai déjà expliqués dans un contexte historique.

La rigidité de la Constitution a amené le gouvernement fédéral à chercher des moyens d'en contourner les dispositions et à trouver de nouveaux mécanismes pour instaurer un nouvel ordre économique. Le gouvernement fédéral s'est attribué un rôle dans de nombreuses sphères de compétence provinciale en utilisant considérablement son pouvoir de dépenser. Avec le temps, toute une série de programmes fédéraux-provinciaux dans des secteurs de compétence provinciale ont été mis en place, bien que ces programmes ne soient toujours pas mentionnés dans notre Constitution écrite.

Les articles de ce projet de loi qui nous préoccupent offriront au gouvernement fédéral la possibilité de créer des programmes conjointement avec les municipalités. Il a contourné cette violation de la Constitution. Paradoxalement, les municipalités ne sont même pas des entités reconnues par la Constitution. Il faut se poser de grandes questions et y répondre.

En fin de compte, la Constitution écrite importe peu, du moins elle semble importer peu aux yeux des responsables de l'élaboration des politiques fédérales. Au lendemain de la guerre, Ottawa a attiré quelques-uns des éléments les meilleurs et les plus brillants, qui étaient déterminés à bâtir un État moderne et positif. Alimenté par des recettes fiscales provenant d'une économie d'après-guerre qui croissait rapidement, et convaincu que seul le gouvernement fédéral pouvait mettre en pratique les enseignements tirés de l'économie keynésienne, Ottawa a préconisé une nouvelle doctrine constitutionnelle qui faisait abstraction de la Constitution écrite.

Donald Smiley, un des experts constitutionnels les plus en vue au Canada, a expliqué: «Selon la doctrine constitutionnelle qui s'est imposée, le gouvernement central pourrait légalement dépenser les recettes comme il l'entend, même sur des questions relevant de la compétence des provinces, et pourrait, à sa discrétion, décider des situations où un bénéficiaire éventuel pourrait profiter des largesses du fédéral.»

Le projet de loi C-11 permet désormais au gouvernement fédéral de conclure des ententes avec des organismes et des municipalités. C'est pour qu'il puisse continuer de distribuer ces largesses et s'en attribuer le mérite. C'est simple à comprendre. Le gouvernement fédéral réduit les transferts aux provinces et, partant, perd son influence, sa capacité de dicter la façon dont l'argent est dépensé. Par conséquent, il perd sa capacité d'acheter des votes en proclamant qu'il accorde ces fonds aux provinces.

Toutefois, les libéraux ont besoin d'acheter des votes avec des paroles creuses, et les promesses en l'air sont toujours de mise. Pour acheter ces votes, le gouvernement fédéral doit maintenant traiter directement avec les organismes et les municipalités.

Après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement fédéral n'a pas attendu longtemps avant de légiférer dans les domaines des soins de santé et de la politique sociale. En 20 ans, il a adopté tout un train de mesures fédérales-provinciales allant du versement de pensions de vieillesse à l'établissement d'un programme de soins de santé pancanadien. Avec le temps, le gouvernement a mis en oeuvre ses propres programmes et s'est réservé une présence et un rôle importants dans pratiquement tous les secteurs de l'économie.

Quand il a opté pour les subventions conditionnelles, il s'est ingéré dans des domaines de compétence provinciale sans faire la moindre concession. Au bout du compte, il a pu se tailler un rôle dans des domaines tels que l'aide sociale, l'aide aux chômeurs, l'enseignement postsecondaire, l'assurance-maladie, l'énergie, l'expansion industrielle et le développement économique.

La volonté et la capacité du gouvernement fédéral d'intervenir dans des domaines de compétence provinciale n'ont pas faibli dans les années 70. C'est à cette époque que le ministère de l'Expansion industrielle régionale a adopté une nouvelle approche en matière de développement économique. En effet, Ottawa a signé une série d'ententes-cadres de développement, ou ECD, avec les provinces.

Les ECD étaient des documents d'autorisation laissant la voie libre au gouvernement fédéral pour appuyer toutes les mesures jugées appropriées aux circonstances locales, provinciales et régionales. Il n'est pas exagéré d'affirmer que les ECD ont pratiquement


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supplanté notre Constitution écrite pour permettre au gouvernement d'appuyer toute mesure qu'il jugeait nécessaire à la promotion du développement économique.

Un simple coup d'oeil sur les activités subventionnées dans le cadre des ECD et les accords de remplacement révèle un incroyable éventail de mesures et d'initiatives. Aucun secteur économique n'était hors de portée.

(1140)

Cette dilution des directives constitutionnelles a eu pour conséquence directe de créer de la confusion, non seulement au niveau gouvernemental, mais, plus important encore, au sein de la population qui ne savait plus quel palier de gouvernement était responsable de quel service. Ce projet de loi, qui accorde des pouvoirs nouveaux et plus grands aux provinces, ne fait rien pour redéfinir les dispositions constitutionnelles sur les domaines de compétence. En fait, il les rend encore plus floues, puisqu'un autre palier de gouvernement vient ajouter à la confusion.

De même, il donne lieu à des chevauchements et au double emploi dans les programmes gouvernementaux, ainsi qu'à des frais généraux élevés pour le gouvernement. Essayez de compter, dans l'administration fédérale, le nombre de sections dont l'appellation comporte les termes «liaison», «coordination», «relations fédérales-provinciales» et «relations intergouvernementales» pour décrire ce qu'elles font. Il nous faudra maintenant ajouter encore une autre couche à cette bureaucratie démente.

On tient d'innombrables réunions chaque mois pour administrer les ententes fédérales-provinciales et les programmes qui en découlent. Il ne faut pas oublier qu'Ottawa dépense plus de 20 milliards de dollars par année pour payer les fonctionnaires et leur fournir des locaux et autres aménagements administratifs. Je ne puis qu'imaginer combien d'argent de plus ce projet de loi finira par coûter aux contribuables canadiens, puisqu'il ajoute une autre couche à une bureaucratie déjà surchargée.

Ma collègue, la députée de Mission-Coquitlam, a proposé un amendement afin de remédier aux dispositions choquantes dont j'ai parlé. Elle a proposé que le gouvernement fédéral commence par consulter le lieutenant-gouverneur en conseil de la province concernée et en obtenir l'agrément avant de conclure des accords directement avec des organismes provinciaux ou des municipalités.

C'était un amendement raisonnable. Il aurait quand même permis au gouvernement fédéral de conclure de pareils accords, même si nous nous y opposons évidemment, mais il aurait exigé que le gouvernement fédéral informe les provinces des initiatives qu'il s'apprêtait à prendre. Or, les libéraux avaient tellement besoin de mettre en oeuvre leur disposition susceptible de leur gagner le vote des Canadiens qu'ils ont refusé d'accueillir favorablement cet amendement raisonnable.

Je croyais que nous étions ici à la Chambre pour travailler ensemble. Cependant, des décisions partisanes cyniques comme celle-là m'amènent à être plus circonspecte. Elles me portent à croire que les libéraux n'ont pas vraiment pour raison d'être ici de rendre le pays meilleur. Tout ce qui les intéresse en fait, c'est de maintenir le statu quo, de s'accrocher au pouvoir à tout prix, même si cela veut dire prendre volontairement et sciemment de mauvaises décisions et mettre en oeuvre des politiques comme celle dont s'inspire le projet de loi se gagner le vote des Canadiens.

Je crains fort que le projet de loi C-11 ne contribue encore davantage à donner des pouvoirs accrus au gouvernement fédéral, malgré ce qu'il dit. Il va non seulement créer des chevauchements et faire double emploi, mais aussi nous coûter probablement des milliards de dollars, tout cela pour permettre aux libéraux de se gagner des votes.

Parlant des libéraux qui cherchent à se gagner des votes, cela m'amène à mon second sujet de préoccupation à propos du projet de loi, à savoir la création du ministère du Travail. Le projet de loi pourvoit finalement à la constitution du dernier des ministères de Kim Campbell.

En 1993, lorsque le premier ministre a formé son cabinet, il n'a pas nommé de ministre du Travail. Pas un seul libéral n'a alors soutenu qu'un tel ministère était nécessaire. Pourquoi cela? Parce que ces fonctions peuvent être exercées au sein du ministère du Développement des ressources humaines. Nous n'avons pas besoin d'un portefeuille coûteux pour s'occuper d'un dossier dont d'autres ministres peuvent se charger. Durant presque deux ans, les libéraux étaient d'accord avec nous sur ce point. Pourquoi ont-ils changé d'avis? Qu'est-ce qui explique ce revirement?

Lorsque les libéraux ont pris le pouvoir, en 1993, ils ne voyaient pas la nécessité de nommer quelqu'un à la tête de ce ministère. Personne n'a protesté. Mais le premier ministre s'est ravisé en février 1995. Pour inciter celle que l'on considérait comme une candidate vedette à se présenter à une élection partielle au Québec, le premier ministre lui a promis un siège au Cabinet. Elle a accepté, et le ministère du Travail a été créé pour elle.

Regardons la vérité en face. Les libéraux n'ont créé le poste que pour servir leurs propres intérêts. Ce ne sont pas les travailleurs qui les préoccupaient. C'était une façon de créer un poste pour une candidate vedette.

Lorsque le projet de loi C-11 a franchi l'étape du rapport, les libéraux ont fait beaucoup de prêchi-prêcha. Ils se sont présentés comme les amis des travailleurs. Mais nous savons ce qu'il en est, n'est-ce pas?

En relations de travail et lorsqu'il s'agit de traiter les personnes avec humanité, le Parti réformiste n'a pas de leçon à recevoir du Parti libéral fédéral. Nos politiques disent clairement que nous reconnaissons le droit des travailleurs de former des syndicats, de faire la grève pacifiquement et de négocier collectivement.

(1145)

Les libéraux ont dénoncé la directive sur le réaménagement des effectifs dans la fonction publique. Je me demande combien de libéraux ont fait campagne en promettant de renvoyer 45 000 fonctionnaires. Combien d'entre eux ont été assez honnêtes pour dire à leurs électeurs que, dans le cadre de leur programme de création d'emplois, ils chasseraient 45 000 fonctionnaires? Combien de libéraux ont promis dans leur campagne d'autoriser la négociation collective sauf, bien entendu, lorsqu'il y a grève dans le


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réseau portuaire? Ils ont tous été bien prompts, alors, à forcer les grévistes à reprendre le travail, n'est-ce pas?

Je me demande combien de membres du mouvement syndical savent que la ministre libérale du Développement des ressources humaines refuse de rencontrer le chef du Congrès du travail du Canada. Au comité, on a déploré à maintes reprises ce refus de la ministre. Voilà ce que les libéraux veulent dire lorsqu'ils se prétendent ouverts aux préoccupations des Canadiens. Ils refusent même de rencontrer les dirigeants syndicaux.

Combien de députés d'en face ont fait campagne pour une loi sur l'équité en matière d'emploi fondée sur un régime de contingents, comme celle qui a été imposée à la Chambre? La feuille de route des libéraux est éloquente. Au plan des questions de travail, le gouvernement devrait rougir de honte.

Le Parti réformiste a énoncé clairement et honnêtement sa position sur le poste de ministre du Travail. Il préconise un gouvernement de taille réduite et moins coûteux, qui assure efficacement les services que les Canadiens ne peuvent se donner eux-mêmes. C'est pourquoi nous croyons que le domaine du travail doit relever du ministère du Développement des ressources humaines. Comme les libéraux l'ont d'abord cru en 1993, cette position n'est pas nécessaire. La différence, c'est que les réformistes sont conséquents dans les questions de travail. Nos collègues libéraux ne semblent pas l'être. Ils changent constamment de position à cet égard.

Enfin, avec le projet de loi C-11, le gouvernement essaie de cacher aux Canadiens son bilan et ses projets d'avenir et cela, en supprimant la nécessité de produire un rapport annuel. Quand on y songe, c'est vraiment inquiétant. Les députés d'en face diront que c'est seulement pour épargner des sous, mais c'est une question de responsabilité financière et certes ce que toute entreprise attendrait manifestement de son conseil d'administration.

Nous avons proposé un amendement exigeant que le ministre du Développement des ressources humaines dépose un rapport annuel à la Chambre. Naturellement, les libéraux ont rejeté cette proposition. Ils semblent être contre tout ce qui peut favoriser un gouvernement ouvert et honnête.

Conformément au projet de loi C-11, le ministère n'est pas tenu de présenter un rapport annuel. Je crains que ce ne soit là qu'une autre façon pour le gouvernement de cacher des renseignements à la Chambre des communes et au peuple canadien. J'estime que tous les ministères fédéraux devraient être obligés de publier des rapports annuels qui, pour des raisons de responsabilité, devraient être déposés au Parlement.

Dans le cadre du nouvel examen des programmes, le gouvernement fédéral apporte des modifications à la production du budget principal. Il laisse entendre que, d'ici quelques années, celui-ci sera plus convivial, pour ce que cela veut dire, et contiendra davantage de renseignements utiles et pratiques. Il semble croire que les rapports annuels sont tellement généraux qu'ils ne servent à peu près à rien.

Tous les projets de loi visant à créer un nouveau ministère ont supprimé la présentation de rapports annuels. Le gouvernement a fait disparaître la nécessité pour les ministères de présenter un rapport annuel. Notre amendement visait à exiger du gouvernement qu'il continue à produire un rapport annuel pour chacun de ces ministères.

La démarche visant à améliorer le budget principal nous laisse sceptiques. On devrait continuer à présenter des rapports au moins tant que ces améliorations n'auront pas été apportées. Autrement, la population canadienne sera moins bien informée de ce qui se passe au gouvernement. En fait, les libéraux essaient, semble-t-il, de cacher aux Canadiens des renseignements sur les rouages de leur gouvernement.

Nous connaissons tous les promesses du livre rouge au sujet d'un gouvernement plus transparent. C'est cela la transparence? Cela passe par la suppression des rapports annuels? Je ne le crois pas.

L'objectif du Parti réformiste est d'améliorer le gouvernement. Les libéraux ont eu la chance de montrer aux Canadiens qu'ils sont disposés à rendre le gouvernement plus transparent et à leur laisser davantage accès à toutes les informations concernant son fonctionnement. Cela ne devrait pas demeurer secret. Qu'est-ce que le gouvernement essaie de cacher? Il a eu la chance de permettre un examen public plus approfondi, mais il a préféré le camouflage.

(1150)

Ce sont les deniers publics que les libéraux dépensent, monsieur le Président; c'est votre argent et mon argent. Les Canadiens devraient savoir comment et où est dépensé leur argent.

En rejetant notre amendement, le gouvernement a prouvé aux Canadiens qu'il ne se soucie guère de l'obligation de rendre compte ou de la transparence. Je pose de nouveau la question: Qu'est-ce qu'il essaie de cacher? Pour les libéraux, s'agit-il d'une autre façon de faire oublier leur lamentable échec dans la guerre au déficit? Ils ne rendront pas public et ne produiront même pas un rapport annuel visant ce ministère, un de ceux dont les dépenses sont les plus élevées.

Ce ministère est énorme. À cause des libéraux, les Canadiens ne pourront suivre l'évolution de ses activités. Le gouvernement dit qu'il améliorera ses prévisions budgétaires, mais il a aussi promis d'abolir la TPS, et nous savons ce qu'il en est de ce dossier actuellement. Qui faut-il croire? Est-ce une façon de dire que ce que nous ne savons pas ne nous fait pas mal? C'est peut-être pour cette raison que le gouvernement n'a pas fait mention de la dette dans le discours du budget. Il s'est peut-être dit que s'il passait cela sous silence, tout le monde en ferait autant.

Les libéraux devraient en parler. Ils devraient reconnaître qu'ils sont responsables de l'augmentation de la dette depuis 1968 et s'attaquer honnêtement au problème. Nous ne les voyons rien faire.


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J'insiste sur la nécessité d'un rapport annuel concernant ce ministère. À mon avis, le projet de loi C-11 serait une bien meilleure mesure s'il comprenait les amendements proposés par le Parti réformiste. Ceux-ci obligeraient le ministère à se livrer à un exercice de réflexion prospective plus intensif lorsqu'il aborde les problèmes et, bien entendu, à rendre davantage de comptes.

Si les amendements proposés par le Parti réformiste avaient été approuvés et adoptés à la Chambre, nous aurions pu appuyer cette mesure législative. Nous avons essayé d'améliorer le projet de loi, mais, encore une fois, le gouvernement a résisté.

Puisque le gouvernement s'est clairement approprié un nouveau pouvoir important et qu'il a même refusé d'écouter le compromis raisonnable proposé par les réformistes, nous ne pouvons l'appuyer.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Ceci conclut la première étape du débat.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer à l'étape suivante du débat où les députés disposeront de 20 minutes pour leurs discours, après quoi il y aura une période de 10 minutes pour les questions et observations.

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion d'intervenir sur le projet de loi C-11, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines.

Ce projet de loi fait partie des efforts globaux que déploie le gouvernement libéral pour simplifier l'appareil gouvernemental, réduire les chevauchements de programmes et maîtriser les coûts.

Le gouvernement peut être fier de ne pas oublier l'élément humain dans toutes ses entreprises. Ce n'est pas pour rien que le nom du nouveau ministère comprend l'adjectif «humain». Les habitants de la circonscription de Guelph-Wellington sont des gens qui se préoccupent les uns des autres. Nous sommes forts à cause des bénévoles et autres pourvoyeurs de soins qui font l'effort d'aider ceux qui en ont besoin, les gens vulnérables, les personnes âgées et les nombreuses personnes qui ont besoin d'aide pour passer au travers d'une période difficile.

Nous avons la chance d'avoir des organismes comme l'Association parents secours, Change Now, Seniors Peer Advisory, Stepping Stone et Wyndham House pour offrir de l'aide, de l'information, un programme d'apprentissage de connaissances de base et, par-dessus tout, un sourire à toutes les personnes en crise.

Le personnel et les bénévoles dévoués de ces organismes ainsi que d'autres organisations dans ma région veulent que le gouvernement les aide à aider les autres. Ils veulent que nous accroissions l'efficience. Ce projet de loi regroupe des éléments de quelques autres ministères afin de mettre l'accent sur les programmes de ressources humaines.

Nous avons récupéré des éléments d'Emploi et Immigration, de Santé et Bien-être, du Secrétariat d'État et du ministère du Travail afin de centrer nos efforts sur les questions liées à l'emploi et à la sécurité du revenu. En agissant de la sorte, nous pouvons offrir une approche cohérente aux questions fondamentales touchant les Canadiens qui sont dans le besoin. C'est ça que doivent faire les gouvernements.

La circonscription de Guelph-Wellington utilise ses ressources pour faire de sa région le meilleur endroit où vivre au Canada. C'est pourquoi je me réjouis que le nom du nouveau ministère comprenne aussi le mot «ressources». Nous parlons souvent des ressources naturelles, du bois, du charbon, de l'eau et des minéraux, quand nous décrivons notre pays.

(1155)

Le gouvernement sait que notre plus grande richesse, ce sont nos gens. La question centrale que le gouvernement se pose, c'est comment utiliser nos ressources pour mieux servir les Canadiens. Dans tous les coins du pays, les particuliers comme les industries ont dû se réorganiser afin de fournir les services d'une manière différente. Nous devons inviter les Canadiens à penser différemment à ce que devrait faire le gouvernement. Cela ne veut pas dire qu'il faut fournir des services inadéquats ou des services de piètre qualité aux contribuables.

Les personnes qui dépendent du gouvernement pour les pensions, les programmes de soutien du revenu, l'assurance-chômage et l'obtention de renseignements au sujet du marché du travail et de l'emploi méritent les meilleurs services possibles. La crise financière actuelle nous oblige toutefois à nous y prendre différemment pour le faire.

Le réseau de prestation de services constitue un des nouveaux moyens à notre disposition. Ce réseau englobe des bureaux traditionnels, des comptoirs de renseignements électronique, des services en ligne et des partenariats communautaires. Ce nouveau réseau d'information concernant les services offrira également une communication à deux sens avec les clients partout au Canada. La mise en place du réseau vise à réduire les coûts, ce dont le Parti réformiste se réjouira, et à améliorer l'accès et étendre l'accès des clients, ce qui devrait également réjouir tous les partis politiques. À l'instar du ministère du Développement des ressources humaines, le nouveau réseau de prestation de services utilise ses ressources pour mieux servir l'ensemble des Canadiens.

Le mot le plus intéressant dans le nom du ministère est sans doute le mot «développement». Il est ici question de nombreux programmes sociaux créés par les gouvernements libéraux.

Les libéraux ont une longue et importante tradition qui est de créer des programmes pour aider les Canadiens. Je citerai comme exemples le premier ministère du Travail créé en 1900, la première Loi des pensions des membres des forces militaires adoptée en 1919, la Loi de 1927 sur les pensions de vieillesse, la Loi de 1940 sur l'assurance-chômage, la Loi de 1944 sur la allocations familiales, le Régime de pensions du Canada, régime universel créé en 1952, le Régime public d'assurance-maladie créé en 1966, ou encore la Loi canadienne sur la santé adoptée en 1984.

Il n'y a là rien de neuf. Voilà en quoi consiste le libéralisme, celui que les libéraux défendent aujourd'hui à la Chambre. Les libéraux ont toujours dû affronter les esprits négatifs, comme ceux du Parti réformiste aujourd'hui, qui rejettent les efforts pour créer l'entraide


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en ces temps difficiles ou pour aider les familles, les personnes âgées ou les malades.

Je rappelle, en particulier aux députés qui tentent de supprimer ces programmes, que les programmes sociaux créés par les libéraux ont fait du Canada le pays où il fait le mieux vivre au monde. Les partis d'opposition ne doivent jamais oublier que c'est grâce à des programmes comme l'assurance-chômage et le régime de pensions universel que le Canada est un pays respecté dans le monde entier.

Les libéraux savent qu'il faut continuer à mettre en valeur nos ressources et à améliorer la qualité des services offerts aux Canadiens. Comme de nombreux organismes de services dans Guelph-Wellington, nous apprenons jour après jour à nous tirer d'affaire avec moins de ressources.

Malheureusement, cela peut parfois signifier une tonalité d'occupation ou des périodes d'attente plus longues. Je suis heureux que le Centre d'emploi du Canada de Guelph offre de bons services aux habitants de ma communauté. Étant situé au centre-ville, il est facilement accessible aux personnes qui veulent faire appel aux services du gouvernement fédéral. Je suis fière du fait que l'élément le plus important qui soit fourni par le gouvernement, en matière de ressources humaines, c'est le service. Dans ce projet de loi, nous créons un ministère qui réduit les dépenses administratives tout en améliorant les services.

Mes électeurs m'en voudraient si je n'appuyais pas ce projet de loi. J'ai hâte de voir si, comme tant d'autres fois, les réformistes, qui se sont érigés en gardiens de l'argent des contribuables, oseront s'opposer à cette mesure.

(1200)

Les libéraux ne peuvent pas écouter ceux qui disent que ce n'est pas faisable. On l'a déjà entendu en 1900, quand le ministère du Travail a été créé. On l'a entendu de nouveau en 1940, quand l'assurance-chômage a été créée. On nous a encore dit, en 1984, quand nous avons adopté la Loi canadienne sur la santé, que c'était une entreprise infaisable. Les fantômes des détracteurs systématiques sont bien vivants à la Chambre aujourd'hui. Ils sont bien à l'aise sur les banquettes réformistes.

Il est temps de les exorciser. Il est temps que ces députés se rangent du côté des libéraux pour que nous puissions mettre sur pied un ministère qui ne néglige pas l'élément humain, qui utilise ses ressources de la façon la plus fructueuse possible et qui bâtit sur les grands programmes du passé. Il faut bâtir l'avenir sur le passé.

Je rappelle à la Chambre l'importance des enjeux dont nous sommes saisis. Les habitants de Guelph-Wellington attendent de nous que nous créions de l'emploi et que nous stimulions la croissance économique. Ils veulent que nous collaborions avec les autres niveaux de gouvernement et avec le secteur privé pour mettre au point des solutions pratiques qui soient à leur avantage et à l'avantage de tous les enfants.

Les habitants de Guelph-Wellington veulent que le gouvernement fédéral s'occupe de cela. Ils m'ont dit d'aller de l'avant avec le développement du pays, de créer des emplois, de construire des routes et d'investir dans les Canadiens.

Le ministère du Développement des ressources humaines ainsi réorganisé assure aux Canadiens des programmes et des services innovateurs et rentables. Encore une fois, nous allons voter sur ce projet de loi. On va nous demander de voter pour une mesure qui mise sur les succès du passé pour mener à de nouveaux succès, une mesure qui nous aide à aller de l'avant.

Je lance un défi aux partis d'opposition: qu'ils renoncent au statu quo. Qu'ils ne prennent pas la défense de politiques passées qui n'ont pas fonctionné. Je leur demande de renoncer à la perspective politique étroite qu'ils ont du Canada, et de cesser de s'accrocher à la vieille manière de faire les choses.

Ce projet de loi mérite aujourd'hui l'appui de tous les députés de la Chambre des communes.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux et, en même temps, un peu peiné de prendre la parole sur ce projet de loi, parce qu'on a répété, je dirais ad nauseam, le mépris que le projet de loi démontre envers le Québec et envers les provinces en général. La décision du gouvernement fédéral d'officialiser la création du ministère du Développement des ressources humaines est, en fait, une pièce de casse-tête de plus. Avec la réforme de l'assurance-chômage et le Transfert social canadien, tout ceci permet au gouvernement fédéral de continuer à intervenir et à accroître son intervention dans le secteur de la formation et de l'éducation.

En fait, le ministère du Développement des ressources humaines devient un peu comme l'embryon d'un ministère de l'Éducation du Canada. C'est comme si le gouvernement n'avait rien appris des leçons des années passées. On a répété que le gouvernement n'avait plus les moyens d'intervenir dans des champs d'action qui ne sont pas les siens, qu'il devrait apprendre à se limiter à ses champs de juridiction, mais la leçon n'a pas porté fruit, parce que la création du ministère du Développement des ressources est, une fois de plus, une intervention dans un secteur où le gouvernement fédéral n'a jamais été très efficace.

(1205)

En fait, il faut aussi dire que la création du ministère par une loi vient légaliser des comportements qui ont été mis en place sous l'ancien gouvernement conservateur et que les libéraux ont continués, mais là on les officialise, on les légalise, on en fait un texte de loi. On dit tout simplement: «Le gouvernement fédéral peut décider qu'il va, en matière de formation, signer des ententes avec des provinces, avec des groupes, avec des particuliers», sans nécessairement avoir à tenir compte des priorités qui ont été définies dans une province.

Quand on fait ce genre d'analyse, les gens peuvent penser qu'il s'agit encore du discours des souverainistes qui seront toujours contre les fédéralistes. Mais j'aimerais qu'on voit concrètement ce que cela veut dire et quels en seront les impacts.

Prenons l'exemple suivant. Le gouvernement du Québec est actuellement en train de mettre sur pied une politique active de l'emploi, une politique régionalisée de l'emploi. La ministre responsable au Québec a demandé à chacune des régions du Québec d'examiner les programmes existants à l'échelle provinciale pour aider les gens à se trouver de l'emploi, pour aider à augmenter leur employabilité, pour identifier les publics cibles pour lesquels il faut


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travailler de façon particulière. Et cette consultation se fait dans chacune des régions.

En même temps, le gouvernement fédéral, par la création du ministère du Développement des ressources humaines, se donne le pouvoir d'aller signer des ententes, dans une région donnée du Québec ou ailleurs dans le Canada, qui pourraient facilement aller à l'encontre des conclusions qui résulteront de la consultation actuelle pour la création d'une politique régionale de l'emploi.

Ce sont des exemples qu'on a vus dans le passé de façon régulière. On a vu souvent l'octroi de contrats par le gouvernement fédéral pour des projets de formation dans des domaines où il y avait déjà des gens de formés dans des programmes réguliers de formation, par exemple. Ces gens suivaient une formation dont l'attestation n'est pas reconnue par le ministère de l'Éducation du Québec, dans un domaine comme les techniques de bureautique ou d'informatique, une formation qui ne suit pas nécessairement les mêmes curriculums que ceux qui sont définis par le gouvernement du Québec.

En bout de ligne, au lieu d'avoir 15 personnes formées disponibles pour ce type d'emploi, on se retrouve avec 25, 30 ou 35, et là, on obtient l'effet contraire de celui qu'on escomptait, c'est-à-dire que plutôt que de pouvoir placer les gens afin qu'ils obtiennent des emplois, il y a une concurrence indue et les personnes sont obligées de s'expatrier. Donc, le résultat de la formation qui visait à permettre aux gens de s'installer dans leur région ne peut pas être atteint.

Dans le passé, ce genre d'action a souvent été amenuisé par des relations de qualité qui se sont développées entre les fonctionnaires fédéraux et les fonctionnaires provinciaux dans chacun des milieux. Mais cela n'empêche pas qu'il a été identifié que 250 millions de dollars, juste pour le Québec, sont gaspillés dans la double juridiction. Et le fait d'adopter une loi qui crée le ministère du Développement des ressources humaines vient officialiser ce genre de dédoublement. C'est accepter qu'à l'avenir, à moins que le Québec ne se retire de son champ de juridiction, qu'il décide tout simplement de laisser la place au fédéral. Sinon, on perpétue les dépenses inutiles du passé, les dédoublements qui ont toujours existé. C'est assez inacceptable et on n'a plus les moyens de se payer cela dans notre pays.

Il y a des besoins. L'OCDE l'a dit, au Canada, on dépense beaucoup d'argent dans le domaine de la formation. Le problème, c'est qu'on le dépense mal. On en dépense beaucoup dans des bureaucraties qui vivent l'une à côté de l'autre, et on n'a plus nécessairement les moyens de se payer ces doubles bureaucraties, mais on n'a pas non plus les moyens d'être inefficaces comme on l'est présentement.

L'action du gouvernement fédéral est similaire au fait de continuer à rouler comme un rouleau compresseur, comme s'il n'y avait pas eu de référendum. Effectivement, le référendum a été perdu pour les souverainistes à tout juste au-delà de 50 p. 100, mais il y avait là un message très clair, et le dossier dans lequel le message est le plus clair, c'est celui de la main-d'oeuvre. Il a été répété lors du Sommet socio-économique à Québec, il a été véhiculé par le Conseil du patronat du Québec, qui l'a même réitéré au Comité permanent du développement des ressources humaines cette semaine, qu'il serait temps que les centres d'emploi du Canada relèvent du Québec, que la juridiction soit unique et de telle façon que les actions soient concertées et qu'on puisse mettre en place des politiques régionales actives de l'emploi qui auront des effets réels et qui ne renverront pas les assistés sociaux au chômage et les chômeurs à l'aide sociale.

(1210)

Pourquoi le gouvernement fédéral s'acharne-t-il à vouloir intervenir dans ce secteur-là? On peut comprendre que pour le reste du Canada, à l'extérieur du Québec, il y ait une possibilité d'identité à un ministère qui serait responsable de la formation. Je me suis fait servir cet argument-là déjà, notamment lors de la tournée du Comité du développement des ressources humaines par une chancelière d'université qui disait: «Pour que le système canadien de formation devienne efficace, il faut absolument qu'il y ait des normes nationales, il faut absolument que cela soit très opérationnel et qu'on sache exactement où on s'en va, qu'on se donne des objectifs de formation.»

Au Québec, nous n'avons jamais dit qu'il ne pouvait pas y avoir ce type d'action dans le reste du Canada, si les provinces et le gouvernement fédéral sont d'accord pour aller dans ce sens. Mais au Québec, on a besoin d'avoir l'autonomie nécessaire pour agir en fonction de notre main-d'oeuvre. On a des caractéristiques qui sont très différentes.

Au Comité du développement des ressources humaines, par exemple dans le cas de la réforme de l'assurance-chômage, on entend souvent les gens nous parler de la mobilité de la main-d'oeuvre. Les gens disent: «Si on avait un régime uniforme d'assurance-chômage qui exigeait le même nombre de semaines partout au Canada, cela occasionnerait des déplacements naturels de personnes, cela amènerait les gens à aller où est l'emploi et ainsi, on rétablirait un équilibre plus naturel que celui qui résulte de la loi actuelle.»

Évidemment, c'est faire abstraction du fait que les gens ont pris le goût, l'habitude, la volonté de travailler dans des régions et d'y avoir leur famille parce qu'ils aiment le coin où ils vivent. En plus, c'est un argument qui, lorsqu'on le retrouve au Québec, devient catastrophique. Si on appliquait cela de façon uniforme, et c'est ce que le rouleau compresseur du fédéral, la création du ministère du Développement des ressources humaines, va encore encourager, en disant: En terme de mobilité de la main-d'oeuvre, on va demander aux gens de se déplacer, de cette façon on encouragera la dilution du fait français concentré au Québec et on aura un effet négatif sur le tissu social même du Québec, sur le fait que les Québécois forment un peuple qui veut assurer son développement.

Il faut voir que, derrière la création d'un ministère comme celui-là, c'est un peu la décision du gouvernement fédéral de dire que l'outil qu'on se donnera pour le développement sera un outil uniforme, un outil très neutre, un outil qui pourrait servir dans tout le Canada, le genre d'outil qui n'a pas fonctionné du tout pendant les 20 ou 25 dernières années, qui n'a pas donné de produit, qui n'a pas donné les résultats attendus, mais qu'on s'acharne à vouloir mettre en place.

Comment se fait-il que les députés du gouvernement actuel qui n'ont quand même pas été élus il y a 15 ans, la dernière fois c'est en même temps que nous tous, il y a deux ans et demi, sont arrivés ici-j'espère avec la perception qu'ils étaient là pour maîtriser


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l'appareil bureaucratique et non pas pour en être dépendants-comment se fait-il qu'ils nous fassent retourner dans les vieilles ornières? On a décidé que, oui, on va écouter ce que les sous-ministres disent, ce que dit la haute fonction publique fédérale, et on va tenter encore de trouver des solutions du haut vers le bas, plutôt que de permettre aux gens, localement, de prendre leurs décisions, décider de leurs orientations, de faire les choix qu'ils ont à faire.

La création du ministère du Développement des ressources humaines s'inscrit exactement dans cette ligne. Finalement, le projet fédéral passe par-dessus la tête des provinces. Je vais vous donner un exemple.

L'article 7 du projet de loi stipule: «. . .le ministère peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, conclure avec une province ou un groupe de provinces un accord visant à faciliter la formulation, la coordination, l'application des politiques et des programmes d'assurance-chômage, d'emploi et d'immigration.»

Mais l'autre article permet aussi de faire cela directement avec des groupes, des organismes et on se retrouve devant les difficultés que j'ai expliquées tout à l'heure et que l'on vit dans chacune de nos circonscriptions. De l'argent a été consacré directement par le fédéral à une formation donnée, mais cela ne correspond pas nécessairement aux priorités que s'est donnée la Société québécoise de la main-d'oeuvre de cette région.

(1215)

À l'occasion, il y a des concertations locales qui permettent d'éviter des problèmes, mais à d'autres occasions, on est devant des situations où la formation donnée entre en conflit direct avec ce qui peut être offert par le Québec.

Donc, six mois après le référendum, dans ce domaine comme dans les autres secteurs, après que le premier ministre ait décidé d'oublier la question de la société distincte, on continue le travail ici en Chambre comme d'habitude. Le rouleau compresseur fonctionne. On veut absolument créer ce ministère du Développement des ressources humaines qui donnera une assise légale à l'intervention du gouvernement fédéral dans des secteurs qui n'ont jamais relevé de sa juridiction.

Le fait que ce ne sont pas seulement les souverainistes du Québec qui s'élèvent contre une décision comme celle-là devrait amener le gouvernement fédéral à y réfléchir. Il y a eu des résolutions unanimes de la Société québécoise de la main-d'oeuvre pour dénoncer ce projet de loi. Il y a eu des prises de position pour réitérer le consensus québécois sur la nécessité que l'ensemble de la question soit de juridiction québécoise.

Il y a des fédéralistes convaincus du Québec qui font partie de ce consensus, par exemple le directeur général du Conseil du patronat du Québec, qu'on ne peut pas accuser d'être un souverainiste, un indépendantiste. Il a lui-même demandé au gouvernement fédéral, au ministre du Développement des ressources humaines, d'examiner ses dossiers et de voir que la meilleure chose que le fédéral pourrait faire dans ce domaine serait de se retirer du dossier.

Aujourd'hui, on en est à la dernière étape de l'adoption du projet de loi. C'est un projet de loi qui, il faut se le rappeler, avait été déposé lors de l'ancienne session, qui devait mourir au Feuilleton, mais qu'on a décidé de ressusciter à la nouvelle session.

Alors qu'on avait un nouveau discours du Trône, alors qu'on avait maintenant le résultat référendaire, alors que maintenant on sait ce que les Québécois veulent en termes de changement, alors que de façon claire et nette dans la question de la main-d'oeuvre, il y a unanimité au Québec sur ce qui doit être fait, le gouvernement fédéral fait la sourde oreille ou fait comme si ça n'existait pas.

Il décide tout simplement de ramener le projet de loi et de le mener à terme pour lui permettre d'intervenir dans plusieurs secteurs qui ne sont pas de sa juridiction. Je prévois que dans quelques années, on se rendra compte que le gouvernement fédéral sera jugé, soit par le vérificateur général, soit par la population, sur l'inefficacité des sommes qui auront été consacrées à la formation par ce ministère.

On a des exemples de cela. Regardons les interventions que le le gouvernement fédéral a décider de faire, que ce soit dans la stratégie pour combattre le chômage dans le secteur de la pêche dans les Maritimes ou que ce soit pour régler les problèmes d'inadéquation entre les travailleurs disponibles pour le marché du travail et les emplois disponibles. Comment se fait-il que depuis x années, on n'ait jamais réussi à régler ce problème, à faire en sorte qu'on puisse former nos gens en chômage afin qu'ils occupent les emplois disponibles? Tout cela est le produit du système actuel, le système qu'on veut officialiser par la création du ministère du Développement des ressources humaines.

Il y a là un manque d'originalité, d'initiative et aussi d'écoute de ce que les milieux ont dit à propos de ce qu'ils veulent avoir comme système, à propos du fait qu'ils veulent s'assurer que les décisions pourront être prises localement et qu'elles pourront être prises dans le contexte des choix qui sont faits par le gouvernement.

Dans le système canadien, un gouvernement provincial fait un choix et dit: «L'emploi sera ma priorité. Je vais mettre tout en oeuvre pour utiliser le plus possible le potentiel humain de mes gens.» De l'autre côté, le gouvernement fédéral, pouvant être de tendance contraire, je ne donne pas l'exemple pour juger quelle est la meilleure des deux, mais le gouvernement fédéral, lui, peut avoir une approche tout à fait différente, comme on retrouve présentement dans la Loi sur l'assurance-chômage, où on dit que les gens qui utilisent l'assurance-chômage de façon régulière le font de façon volontaire et profitent du système. On leur attache un peu l'image de fraudeur.

On a ce gouvernement fédéral, qui a cette approche par rapport à des questions de chômage, par rapport à des questions de mobilité de main-d'oeuvre, et le gouvernement provincial, qui a une approche complètement différente. Tant que deux gouvernements peuvent intervenir dans un même champ d'action, on se retrouve avec l'inefficacité, où les mesures de l'un annulent les mesures de l'autre.


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(1220)

Ça, c'est mauvais et c'est toujours le même contribuable qui paie en bout de ligne. Ce n'est pas parce que l'argent de la Caisse de l'assurance-chômage provient des employeurs et des employés que le gouvernement n'a pas la responsabilité de s'assurer que ces sommes-là sont utilisées adéquatement, qu'elles servent à ce à quoi elles doivent servir. Il n'y a pas d'excuse pour ne pas trouver la façon de faire, que toute la question des mesures actives de l'emploi puisse être déléguée au Québec, que le Québec puisse en avoir pleine juridiction pour l'harmoniser avec le reste de ses actions économiques.

On ne peut pas fonctionner en vase clos. On ne peut pas avoir un type d'action économique avec une approche de l'emploi différente. C'est inconcevable. C'est un peu le résultat, le gâchis qu'on a aujourd'hui sur l'utilisation du potentiel humain au Canada. On s'est lancé dans une course à la productivité sans jamais mettre l'énergie nécessaire pour permettre à ceux qui sont bousculés par cette course, qui sont sortis du marché du travail par cette course, d'avoir des chances de retrouver d'autres emplois.

Malheureusement, le projet à l'étude portant sur la création du ministère du Développement des ressources humaines n'aura jamais l'efficacité, la rapidité de réaction nécessaire pour être capable de répondre rapidement aux exigences du marché de l'emploi. Pour faire cela, il faut des actions décentralisées, correspondant à des priorités très locales et s'inscrivant aussi dans une ligne gouvernementale unique.

On ne retrouve pas cela actuellement au Canada et ceux qui en font les frais sont les jeunes qui arrivent sur le marché du travail, ce sont les gens plus âgés, d'une cinquantaine d'années, qui perdent leur emploi et pour qui on n'a pas trouvé d'alternative.

Pour toutes ces raisons, je trouve important que le gouvernement, avant d'adopter le projet de loi, y réfléchisse encore une fois et que les citoyens voient bien que dans ce projet de loi, dans la création du ministère du Développement des ressources humaines, le gouvernement sert beaucoup plus la haute bureaucratie fédérale qu'il ne sert les gens qui sont leurs clients, qui sont les citoyens et qui ont besoin d'un service efficace, rentable, et à un coût raisonnable.

M. Richard Bélisle (La Prairie, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter le député pour son discours dont, effectivement, le gouvernement libéral devrait s'inspirer dans l'élaboration de ses politiques d'emploi et ses politiques de main-d'oeuvre.

Le député nous a dit qu'on n'a plus les moyens d'être inefficaces. Il nous l'a dit avec pertinence. Mais face à un déficit qui est, encore cette année, à près de 33 milliards et une dette qui approche les 600 milliards, j'aimerais demander au député s'il est d'accord qu'il est temps que le gouvernement se réveille et ne croit-il pas que la lutte au chômage et la lutte au déficit ne sont pas incompatibles?

J'aimerais également que le député nous fasse des commentaires à savoir si le ministère du Développement des ressources humaines pourrait faire preuve de plus d'imagination dans ses politiques d'emploi et s'en remette aux provinces qui, elles, ont vraiment l'expertise dans le domaine de l'emploi et de la main-d'oeuvre.

M. Crête: Monsieur le Président, effectivement, je pense que c'est une mauvaise approche que d'opposer chômage et déficit comme si on ne pouvait pas en même temps combattre les deux. Un bel exemple de cela: si le gouvernement fédéral avait vraiment décidé d'aller au fond de l'étude des dépenses qu'il fait dans différents secteurs, eh bien, il aurait pu diminuer le déficit et en même temps ne pas s'obliger à créer un surplus de la Caisse de l'assurance-chômage qui est un peu artificiel et qui sert d'apparat pour le gouvernement fédéral. Cela lui permet de dire qu'il a diminué son déficit, mais ce n'est pas de l'argent productif, c'est de l'argent qu'on ramasse dans cette caisse.

On peut avoir une certaine réserve, mais la quantité d'argent, et présentement on parle de cinq milliards pour l'année, il serait nécessaire que cet argent soit plutôt remis dans le marché. Une des façons de le faire serait de baisser suffisamment les cotisations pour que les employeurs et les employés aient de l'argent dans leurs poches, ce qui leur permet de consommer, donc de faire rouler l'économie. Les employeurs aussi, en diminuant leurs coûts, auraient l'avantage de pouvoir développer leurs entreprises et cela créerait plus d'emplois.

Aujourd'hui, on vit aussi une situation très particulière où même quand il y a croissance économique, il n'y a pas nécessairement croissance de l'emploi.

(1225)

À ce sujet, il faudrait peut-être commencer là où le déficit a abouti, en se donnant des objectifs clairs. Si on disait que le pourcentage de population active qu'on veut obtenir au 1er janvier 1998 devait être de tant et qu'on voulait aligner l'action des ministères sur cela, il ne s'agit pas de créer des emplois artificiels, il s'agit de s'assurer que les gens auront tous la préoccupation, dans tous les ministères, d'utiliser à son maximum le potentiel humain.

Si, dans deux ou trois ans, lorsque le gouvernement ira en élection, il est évalué sur la façon dont il aura permis aux gens de travailler, de développer leur potentiel, à ce moment-là, on aura un critère clair et objectif. Mais on peut reprocher à ce gouvernement, sur la question de l'emploi, de n'avoir jamais pris des engagements clairs et de s'être laissé bercer par une croissance économique qui ne s'est pas traduite par de l'emploi additionnels.

Il faudrait mettre certaines mesures de l'avant quand on parle de la réduction du temps supplémentaire ou du temps partagé. Il y a des effets pervers même dans la réforme de l'assurance-chômage à cet égard. Quand on a décidé qu'on diminuait le maximum salarial sur lequel on paie des cotisations, c'est un encouragement pour les grandes entreprises qui ont des haut salariés d'augmenter leur salaire, à faire faire un peu plus de temps supplémentaire, ce qui a pour effet, au net, d'utiliser moins de personnel.

Il y a donc une grosse réflexion à faire de ce côté, mais il faudrait prendre rapidement action. Ce n'est pas ce qu'on retrouve et ce qu'on retrouvera avec la création d'un ministère comme celui du Développement des ressources humaines.


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Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de bien représenter les préoccupations des gens de mon comté.

J'aimerais demander à mon collègue en quoi cette supposée réforme pénalisera vraiment les femmes et les jeunes qui sont présentement en recherche d'emploi ou en attente d'aide de l'assurance-chômage. En quoi cette réforme viendra-t-elle les pénaliser doublement? Dans mon comté, il y a beaucoup de femmes monoparentales qui occupent des emplois précaires. Je remarque que mon collègue député représente bien, d'après ses interventions, les préoccupations des gens de mon comté.

Dans ma région, il y a un taux de chômage d'au-delà de 11 p. 100. On a aussi un taux élevé de bénéficiaires d'aide sociale. En quoi cette réforme viendra-t-elle, c'est ce qu'on me dit dans mon comté, gonfler les rangs des assistés sociaux?

J'aimerais que mon collègue explique aux électeurs et électrices de mon comté en quoi cette réforme viendra changer le cours des choses.

M. Crête: Monsieur le Président, je remercie ma collègue de sa question.

Il est important de voir que la réforme de l'assurance-chômage a effectivement été mise de l'avant, concoctée par le ministère du Développement des ressources humaines, celui qui sera créé par le projet de loi à l'étude.

Quand on me demande de quelle façon il pénalisera les femmes et les jeunes, la première réponse c'est que, dans la réforme de l'assurance-chômage, en exigeant que les gens aient travaillé 910 heures pour être admissibles à l'assurance-chômage, soit l'équivalent de 26 semaines de 35 heures, cela signifie qu'on condamne de façon systématique plusieurs jeunes à cotiser à l'assurance-chômage sans qu'ils puissent en retirer les bénéfices, ce qui aura pour effet de les encouragera à travailler au noir. C'est assez incompréhensible.

L'autre élément qui touche les femmes a trait aux mesures actuelles de resserrement. Dans la loi, même la Fédération des femmes du Québec a trouvé que le projet de loi actuel fermait la porte même aux congés de maternité. À ce sujet, on attend toujours l'amendement du gouvernement qui viendra corriger cette situation.

Les femmes étant plus sur le marché des emplois précaires, elles sont les premières victimes de tous les resserrements actuels. Exiger un plus grand nombre d'heures de travail aura nécessairement pour effet de les retourner au chômage ou à l'aide sociale plus rapidement puisqu'elles n'auront pu accumuler suffisamment d'heures.

Donc, avant de resserrer les normes à l'assurance-chômage, comme on le fait présentement, il aurait fallu mettre en place des programmes qui permettent aux gens de vraiment avoir une chance de décrocher un emploi. Les jeunes, les femmes et tous les autres ont le goût de travailler et de se réaliser, et ce n'est pas avec la réforme actuelle qu'on encourage cela, c'est plutôt un incitatif contraire.

(1230)

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, certaines règles en Chambre m'empêchent de parler de certains faits observables, mais disons que c'est plus le contraire, c'est l'inobservable. Ce qu'on peut observer, c'est une attitude assez incroyable du gouvernement pendant le débat qui officialise, crée, donne de nouveaux pouvoirs au ministre du Développement des ressources humaines, et le Bloc québécois, l'opposition officielle, semble être le seul parti en Chambre à s'en préoccuper.

Chose assez surprenante, il y a déjà plus de deux ans et demi qu'on fonctionne sans cette loi officialisant le regroupement de différents services qui étaient dans d'autres ministères et le gouvernement, dans son approche, essaie de démontrer que c'est un changement mineur, que ça ne changera pas grand-chose.

Donc, les gens qui suivent la chose politique pourraient être portés de penser que, effectivement, il s'agit de quelque chose de mineur. Mais la députée de Mercier et mon collègue de Kamouraska-Rivière-du-Loup, qui m'ont précédé en cette Chambre, sont tous les deux membres du Comité du développement des ressources humaines et ils ont insisté avec vigueur pour dire que ce n'est pas un changement mineur. C'est un changement majeur que veut faire le gouvernement.

Il veut renforcer les pouvoirs du ministre du Développement des ressources humaines, et ce, seulement quelques mois après une promesse faite au Québec qu'il y aurait un changement vers une plus grande décentralisation, vers une plus grande souplesse, qu'on éviterait à l'avenir qu'il y ait des dédoublements entre les gouvernements fédéral et provincial.

Si le projet de loi en question allait en ce sens, je serais le premier à le reconnaître. Mais par une lecture approfondie de ce projet de loi, une simple lecture, on se rend compte très rapidement que ça va dans le sens contraire, dans le sens d'une plus grande centralisation, d'un plus grand contrôle, d'une plus grande mainmise de l'État fédéral dans des champs de juridiction qui ne lui appartiennent pas.

Cela permet au gouvernement fédéral, au ministre en particulier, de s'occuper encore plus de formation de main-d'oeuvre. Il utilise le mot décentralisation, et on voit, dans le projet de loi, que cette décentralisation peut se faire. On donne les pouvoirs au ministre pour passer par-dessus la tête des gouvernements provinciaux au niveau de la formation de main-d'oeuvre, alors que le consensus québécois va à l'inverse. Ce consensus est de confier au gouvernement du Québec tous les outils nécessaires, ce qu'on appelle les mesures actives pour l'emploi, à un seul gouvernement pour avoir plus de cohérence, pour éviter les dédoublements, pour éviter les gaspillages.

Mais non, on parle de décentralisation, mais une décentralisation pouvant aller de l'État fédéral, par l'intermédiaire de ses centres d'emploi, directement avec les groupes communautaires, avec les entreprises, peut-être même les municipalités. Tous les pouvoirs lui sont accordés. C'est la façon dont le gouvernement voit la décentralisation.

C'est tout à fait le contraire qu'on a laissé entendre aux citoyens et aux citoyennes du Québec lorsque le gouvernement a dit, à l'approche du référendum, qu'il allait respecter leur voeu de changement, les espoirs de changement de la population.


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Voilà un exemple de plus de double langage, un langage qui finalement, dans les faits, se révèle être faux, ce qu'on appelle la langue de bois. Pourquoi? Parce que c'est exactement le contraire.

(1235)

Il y a autre chose qui me fait sursauter. Il faut rappeler qu'on est rendu au projet de loi C-11. Ce projet de loi C-11 est en fait le même projet de loi, il est identique au projet de loi C-96 déposé en cette Chambre au mois de juin 1995 et que le gouvernement a laissé traîner dans le décor pendant toute la période préréférendaire pour ne pas exciter les esprits.

Le gouvernement poursuit maintenant avec un nouveau discours du Trône. Habituellement, un discours du Trône, à la suite de la prorogation d'une session, arrive normalement avec des idées nouvelles. Or, à part la loi visant l'adoption du budget, toutes les autres lois sont d'anciennes lois laissées en suspens. Où est la nouveauté? On n'en voit pas. Il n'y a rien de nouveau. C'est encore de la poudre aux yeux.

On fait un discours du Trône, on énonce de beaux principes, on prononce de belles paroles mais, dans les faits, on continue le train train, on continue avec la même attitude. On ne change rien. Petit train va loin.

Aujourd'hui, le parti d'en face a même décidé de ne pas présenter d'orateur pour parler de la loi qui officialisera le plus important ministère fédéral. Par plus important, je veux dire en ce qui a trait aux finances. Si on élimine le service de la dette du budget, on se rend compte que presque 50 p. 100, entre 40 et 50 p. 100 des fonds du gouvernement servant à gérer des programmes, vont au ministère du Développement des ressources humaines. Ce n'est pas rien.

Que voit-on? Aucun député d'arrière-ban, depuis un certain moment, ne parle en Chambre, comme s'il ne se passait rien. Je peux peut-être comprendre les députés d'autres régions, mais moins ceux du Québec qui demeurent silencieux alors que, par une loi, on vient officialiser une plus grande centralisation de l'État fédéral dans des champs de compétence provinciale.

Au Québec les députés québécois lisent les journaux ou rencontrent du monde. Ils savent qu'il y a un consensus là-dessus. Ils savent que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre est ce qu'on pourrait qualifier de regroupement d'organismes ou de consortium visant à créer des mesures qui augmenteront l'emploi. Rappelons qui fait partie de cette Société québécoise du développement de la main-d'oeuvre. Il y a les fédérations syndicales, les centrales syndicales, il y a aussi le Conseil du patronat, l'Institut canadien des adultes, le Mouvement Action-Chômage, beaucoup d'organismes communautaires. L'ensemble des organismes préoccupés par l'emploi sont représentés et ont donné leur appui. Ils font, soit partie de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre à titre de représentant, ou encore, ils l'ont appuyée en faisant parvenir des mémoires. Je suis sûr que les députés libéraux du Québec les ont tous reçus.

Malheureusement, on est obligé de constater que cela ne semble pas les émouvoir. La contradiction entre le discours officiel et la pratique réelle est évidente. Malgré cela, il y a un silence, une non-participation, comme si ce n'était rien.

On parle du projet de loi C-11, la loi constituant officiellement ce ministère. Mais que fait-on pendant ce temps? On utilise la même approche dans le domaine du Développement des ressources humaines. On a tenté la même approche avec la réforme de l'assurance-chômage. On a tenté d'éviter, dans le cadre de ce projet de loi, d'être en contact direct avec la population.

(1240)

Le comité siège présentement et les délibérations se font à l'aide de vidéo; des organismes triés sur le volet, mais un à la fois. Et grâce à sa majorité, le gouvernement invite pratiquement qui il veut. On essaie également de passer ça en douce. Ah! la réforme de l'assurance-chômage ne vient pas changer grand-chose, ça se fait bien tranquillement.

Pourtant, des centaines d'organismes ont demandé à se faire entendre: «Non, ce n'est pas possible. Ça presse, il faut mettre cela en vigueur. Le 1er juillet s'en vient.» Mais encore là, c'est la façon de le faire. En même temps, je vois depuis un certain temps, notamment à la période de questions, qu'il est difficile pour l'opposition d'attaquer ce gouvernement quand le premier ministre est souvent parti en voyage ou qu'un ministre est parti en tournée. On dirait qu'on attaque, je ne dirais pas des fantômes, mais des gens qui sont de moins en moins visibles au Parlement.

Or, nous, de l'opposition officielle, déplorons que le troisième parti semble lui aussi trouver cela insignifiant, puisque ses députés ne se préoccupent pas de ce projet de loi, une loi qui créera un ministère qui gérera beaucoup d'argent. La moitié, entre 40 et 50 p. 100 du budget est attribué à ce ministère. Cela ne semble pas intéresser non plus le troisième parti, non plus certains députés indépendants, non plus le chef du Parti conservateur. Le chef, lui qui voudrait un jour aspirer à la fonction de premier ministre, ne se préoccupe pas d'un ministère dont le budget représente presque la moitié de celui du gouvernement. C'est incroyable.

Que faut-il faire pour les réveiller, pour changer cette loi du silence? Le projet de loi C-11 est une loi du silence. Il vient officialiser le silence. J'ai presque envie de m'arrêter et de garder une minute de silence, tellement cela représenterait, de façon symbolique, de façon correcte, ce qui se passe actuellement. J'ai presque envie de faire cela.

Je l'ai fait pendant cinq secondes, mais mes convictions, mes croyances m'empêchent d'être silencieux parce que c'est important. Et je voudrais au moins que les gens qui nous écoutent dans leur foyer réalisent ce qui est en train de se passer en matière de programmes sociaux. On tente de couper en douceur, mais avec vigueur s'il vous plaît. Cela atteindra les gens qui nous écoutent.


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Je ne fais pas de démagogie, je dis ceci: Citoyens et citoyennes, soyez attentifs, soyez encore plus vigilants parce que ce gouvernement tente de nous faire adopter des changements d'une nouvelle façon, par la médecine douce du gouvernement, c'est-à-dire en n'accordant pas d'importance à des sujets qui en ont pourtant beaucoup.

Je fais partie du Comité du Développement des ressources humaines depuis deux ans et demi. Lorsqu'on prend la peine de consulter la population, lors de tournées, on se rend compte, lorsqu'on se rend directement sur les lieux pour rencontrer des organismes, lorsque les députés se donnent la peine de rencontrer les citoyens et citoyennes de leur comté, peu importe dans quelle région du pays, il y a une réalité qui nous frappe, c'est celle qui dépasse les statistiques.

Officiellement, le taux de chômage a diminué quelque peu, mais lorsqu'on regarde de plus près les données de Statistique Canada, on se rend compte qu'il diminue, non pas parce que plus de gens travaillent, mais parce qu'il y en a plus qui se découragent de chercher de l'emploi. De plus, ces statistiques ne tiennent pas compte des prestataires d'aide sociale aptes au travail mais qui n'en ont pas. On ne peut pas passer cela sous silence.

Je suis sûr que les députés reçoivent des citoyens chaque jour dans leur bureau de comté. Et on constate, en les écoutant, que la situation ne s'améliore pas: il n'y a pas plus d'emplois.

(1245)

Ce qu'on observe par rapport au marché du travail actuellement, en raison de la mondialisation, en raison des coupures gouvernementales, en raison d'une déréglementation, c'est qu'on voit une augmentation des emplois à temps partiel, mais une diminution des emplois à temps plein. On voit des compagnies qui essaient de faire rouvrir les conventions collectives en évoquant la concurrence, car elles doivent réduire les conditions de travail, dans plusieurs cas. Il y a une pression à la baisse sur les salaires actuellement.

J'arrive d'une séance du Comité du développement des ressources humaines. Des gens parlaient d'une transformation. Ils répétaient qu'actuellement, plus du tiers des emplois sont à temps partiel. Et qui les occupe principalement? Ce sont les femmes. Les femmes occupent 70 p. 100 des emplois à temps partiel, à statut précaire, mal rémunérés, mal protégés, sans syndicalisation dans la plupart des cas. Mais c'est également le cas des jeunes.

Que fait ce gouvernement avec sa réforme de l'assurance-chômage actuellement? Il tente de rendre plus sévère l'admissibilité à l'assurance chômage. Il tente de rendre plus difficile l'accès à l'assurance-chômage, et encore plus pour les jeunes ou les femmes qui, après avoir élevé leur enfants, veulent retourner sur le marché du travail. Ce sont les deux principaux groupes de la population qui seront affectés.

On change la méthode de calcul à la semaine pour une méthode de calcul à l'heure. Avec ce système d'heures, oui, on pourra combiner deux emplois à temps partiel, mais cela créera une concurrence accrue, une course, un marathon, un sprint pour savoir qui ira chercher la dernière jobine disponible. Même les travailleurs qui occupent des emplois à plein temps mais saisonniers, sur une courte période, seront tentés, pendant la saison touristique, par exemple, de se trouver une jobine ou un emploi à temps partiel, ce qui aura pour effet de concurrencer. Et ce sera le cas des jeunes particulièrement.

Les gens ne réalisent pas qu'on ne peut plus se fier aux statistiques sur le chômage. J'ai même entendu un député du Parti réformiste dire hier que la cause du chômage était l'assurance-chômage, que si on abolissait l'assurance-chômage, il n'y aurait plus de chômeurs. Je comprends que la plupart des gens, avant de crever de faim, accepteraient la plus petit jobine possible à gauche ou à droite, mais une telle approche est une approche déconnectée de la réalité.

Ce qu'il faut, ce ne sont pas seulement des emplois, mais des emplois de qualité, des emplois bien rémunérés, des emplois stables, des emplois valorisants. On n'est plus à l'époque industrielle où on faisait travailler les enfants, où on travaillait six jours et parfois sept jours par semaine. Non, on est à une époque où on devrait, d'après ce que les sociologues ont prédit, être dans une civilisation où il y a une qualité de vie.

Le gouvernement canadien se réjouissait, semble-t-il, d'être parmi les pays qui jouissaient de la meilleure qualité de vie, mais j'ai de la difficulté à accepter cela.

Les représentants de Campagne 2000 nous ont dit et répété plusieurs fois que 20 p. 100 des enfants sont pauvres. Quand on parle de 20 p. 100 des enfants, ces enfants ne sont pas pauvres parce qu'ils sont pauvres en soi, ce sont leurs parents qui sont pauvres. Parfois, ce sont des familles monoparentales. Encore très souvent, ce sont les femmes qui sont chefs de familles monoparentales.

On ne réalise pas que des changements sociaux s'effectuent aujourd'hui. Personne ne peut rien y faire, mais on constate de plus en plus que des familles très pauvres, des familles monoparentales à faible revenu existent.

(1250)

Et on veut faire croire que tout va bien, qu'on peut se réjouir, qu'on peut se permettre de couper l'aide aux plus démunis, encore plus pour sauver le déficit et être trois fois plus sévères en ce qui a trait à l'accessibilité pour les nouveaux prestataires d'assurance-chômage. C'est comme si, d'avance, on faisait le postulat que les prochains prestataires d'assurance-chômage sont des gens qui, après y avoir goûté une première fois, ce sera comme une drogue et ils en voudront d'autre, encore plus et de plus en plus. Quelle conception de la société!

J'ai entendu le ministre du Développement des ressources humaines l'autre jour dire qu'il y avait 125 000 fraudeurs de l'assurance-chômage. Lorsque j'ai vérifié récemment auprès d'organismes qui s'occupent de ce domaine, tel Action-Chômage Québec, on m'a dit que 75 p. 100 des personnes qui contestaient, qui demandaient une révision de leur dossier d'assurance-chômage avaient gain de cause. Est-ce que, quand on a gain de cause, on est des fraudeurs? Je dis que non.

Vous m'indiquez que mon temps de parole est expiré. J'espère qu'on me posera des questions pour avoir la chance de continuer.

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, je voudrais remercier mon collègue de Lévis de l'analyse qu'il vient de faire de la situation. Je suis drôlement d'accord avec lui que nous sommes dans une situation vraiment malheureuse. C'est vrai. Je ne peux pas comprendre que, dans une situation si grave, le Parti libéral ne participe pas plus pour tenter de nous donner des explications.


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Je suis d'accord avec lui qu'une société où on compte autant de chômeurs, une société sans travail, est une société malade. Or, qu'avons-nous à nous offrir? C'est la confusion dans tout ce qu'on présente.

Samedi passé, j'écoutais un discours du premier ministre qui nous expliquait que les avantages de l'assurance-chômage sont de prendre de l'argent qui provient des provinces riches pour le distribuer aux provinces pauvres. Or, ce n'est pas ce qu'on fait. On prend peut-être de l'argent qui provient des provinces riches, mais il sert à rembourser la dette, à diminuer le déficit. Au lieu de prendre cet argent pour vraiment créer de l'emploi, on la prend tout simplement pour diminuer le déficit en vue d'établir d'autres commissions dans des champs provinciaux, intervenir dans d'autres champs provinciaux afin de dépenser à nouveau pour créer du dédoublement et du gaspillage.

C'est très confus dans le projet de loi dont on discute présentement, mais ce n'est pas juste là que c'est confus. On l'a vu cette semaine au chapitre de la Constitution. Samedi passé encore, on avait trouvé la solution du siècle avec l'idée du foyer des francophones. Dans l'espace de trois ou quatre jours, le tout est tombé entre deux chaises et on reviendra peut-être à la société distincte. C'est identique dans plusieurs domaines.

Au sein de mon comté, je vis un problème au sujet duquel mon confrère pourrait peut-être nous dire quelques mots. Il s'agit de l'ATI, soit l'Aide aux travailleurs indépendants. C'est épouvantable. On nous fait accroire que c'est pour créer de l'emploi, mais, à l'heure actuelle, dans de nombreux cas, cette aide a servi tout simplement à couper de l'assurance-chômage à des chômeurs pour les retourner sur l'assistance sociale. On leur faire accroire que s'ils ont une idée, on leur permettra de la mettre en pratique en créant leur propre emploi. Or, on leur demande de présenter un plan et, après cela, on leur dit: «Étant donné que tu as travaillé sur ton plan, tu n'étais pas disponible, tu n'as pas cherché d'emploi, alors on coupe tes prestations d'assurance-chômage.»

(1255)

Il y a plusieurs cas comme cela. C'est toujours du dédoublement, du gaspillage. Lorsqu'on parle de l'assurance-chômage et qu'on dit qu'on veut changer cela pour l'assurance-emploi, le problème n'est pas là. C'est tout simplement pour diminuer le nombre de personnes à l'assurance-chômage dans le but d'avoir plus d'argent pour faire autre chose. Au lieu d'utiliser cet argent pour créer de l'emploi, ce sont nos chômeurs qui paient pour des dépenses faites par le passé.

J'aimerais que mon confrère puisse nous donner plus d'explication sur l'ATI. Est-ce qu'il a été possible d'en parler en comité? Est-ce que vous pourriez suggérer que lorsqu'il est question d'accorder à un chômeur la possibilité de créer son propre emploi, qu'il le crée et qu'on le laisse tranquille?

M. Dubé: Monsieur le Président, je constate une fois de plus que mon collègue de Châteauguay est bien branché à la réalité québécoise, à la réalité de son comté.

Le programme ATI, il faut le dire, est une mesure active d'emploi qui existe déjà et que le gouvernement fédéral a l'intention de continuer. Nous, dans le consensus québécois, on souhaiterait que l'argent actuellement investi dans ce programme soit rapatrié au Québec pour une gestion plus cohérente des différentes activités reliées au développement de l'emploi.

Il a tout à fait raison, dans le contexte actuel. Il y a un aspect qu'il me donne l'occasion de souligner, c'est un programme qui a actuellement un problème. Il n'est pas possible d'aller en appel. Les fonctionnaires qui forment le comité rendent une décision à la suite de l'examen d'un plan d'affaires et, dans le cas qu'il mentionne, s'il y avait possibilité d'aller en appel, à ce moment-là, l'individu en question pourrait peut-être avoir gain de cause en autant que ce ne sont pas les mêmes personnes qui étudient la cause en appel.

Je vais vous répéter ce que me disaient les gens d'Action-Chômage: «Lorsqu'il y a possibilité d'appel, dans 75 p. 100 des cas, les gens obtiennent gain de cause.» Je ne dis pas que la loi actuelle est parfaite et qu'il ne faut pas l'améliorer, parce que c'est un cas bien précis, mais il faudrait que la loi soit amendée, soit bonifiée pour permettre un mécanisme d'appel. Je pense que ce serait la solution pour regarder comme il faut cet aspect.

Il faut se rendre compte, et là-dessus le député de Châteauguay a également raison, c'est qu'il ne faut pas non plus que ce programme soit vu comme un moyen de résoudre tous les problèmes. Comprenons-nous bien, ceux qui ont accès à ce programme sont les bénéficiaires de l'assurance-chômage, donc par définition, ce sont des gens qui ont perdu leur emploi. Ces personnes ne sont souvent pas en mesure financièrement de créer une entreprise. Il y a un risque de piège. Je ne dis pas que ce soit nécessairement l'intention des fonctionnaires parce que ces derniers appliquent les programmes décidés par le gouvernement.

Il y a un piège dans cela. Effectivement, si l'entreprise fonctionne, ça va, mais si par manque de capacités financières, elle ne fonctionne pas à l'expiration des prestations d'assurance-chômage, comme il a une entreprise, il n'aura plus le droit, parce qu'il était un travailleur indépendant, qu'il dirigeait une entreprise, de toucher l'assurance-chômage.

Si son entreprise avait réussi à obtenir de l'actif de différentes personnes, d'amis, de banques ou autres, il se peut qu'il n'ait pas droit à l'aide sociale. Vous savez que pour avoir droit à l'aide sociale, il faut avoir un minimum d'actif. Sans être riche, quelqu'un peut avoir une maison ou encore certains biens. Il y a un piège là-dedans.

En plus, il faut bien dire que ce n'est pas tout le monde qui est né pour être entrepreneur. Les gens s'imaginent qu'il s'agit de créer une entreprise, mais il faut une formation, il faut un encadrement, des ressources. Il faut que cela se fasse en intégration avec la communauté.

Je vais permettre à d'autres députés de me poser des questions.

(1300)

Le vice-président: Il ne reste que 60 secondes à partager.

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le président, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi C-11, un projet de loi tellement important et de suivre mes deux illustres


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collègues de Lévis et de Châteauguay. Le projet de loi C-11, comme vous le savez, est un projet de loi plutôt administratif, en ce sens qu'on veut établir le nouveau ministère du Développement des ressources humaines, un ministère qui a une importance assez imposante au sein du gouvernement fédéral.

Bien sûr, ce projet de loi va être adopté. On en parle et on en discute beaucoup, parce que beaucoup d'éléments très négatifs sont rattachés à ce ministère, qu'on veut dénoncer. On sait cependant que le projet de loi sera adopté, parce que le gouvernement fédéral est majoritaire. Mais si je pouvais faire en sorte que ce ministère ne soit pas créé, je le ferais évidemment parce qu'à ce jour, l'exemple des pires abus du gouvernement fédéral sont plus ou moins représentés par ce ministère.

Le ministère du Développement des ressources humaines a peut-être fait plus de dommages sur le plan social au Canada que tous les autres ministères réunis. C'est le ministère qui a fait en sorte que bien des gens viennent à mon bureau, dans une situation déplorable, qu'ils s'inquiètent concernant leur avenir, leur emploi, leur assurance-chômage. D'ailleurs, ce ministère n'a pas fini d'ébranler les citoyens canadiens. C'est par l'entremise de ce ministère qu'on veut, grosso modo, régler un problème très grave au Canada.

Comme vous le savez, le Canada a une dette monstrueuse, qui a été dénoncée par le Fonds monétaire international à plusieurs reprises, qui met le Canada parmi les pays les plus endettés du monde. D'ailleurs, comparativement aux autres pays membres du G-7, le Canada est le pire, sauf l'Italie. Il y a une crise au Canada au point de vue du financement et de la dette qui fait même que le Canada est techniquement en faillite. C'est un gros problème; 550 milliards de dette au Canada. C'est un très gros problème, un problème qui a été développé par l'incompétence de certains députés de cette Chambre, avant notre arrivée, bien sûr.

Les gouvernements antérieurs ont été vraiment irresponsables dans leurs dépenses, de l'arrivée de M. Pierre Elliott Trudeau, notamment, et de M. Brian Mulroney par la suite. QuandM. Trudeau est arrivé au pouvoir, la dette du Canada était mince. C'était, disons, une dette qu'on pouvait gérer raisonnablement, qui n'inquiétait pas les investissements étrangers et le développement économique du Canada. Mais depuis, cette dette est montée à 250 milliards, et par la suite, sous M. Mulroney, elle a doublé. Le gouvernement libéral actuel tente évidemment de réduire cette dette, mais il n'a pas réussi sensiblement.

On dit avoir réussi, mais on sait très bien que les 5 milliards qui ont été réduits du déficit du Canada l'ont été sur le dos des employés et des employeurs du Canada, sur le dos des chômeurs. On sait très bien que c'est dans ce ministère du Développement des ressources humaines qu'on mijote ce genre de détournement d'argent, que j'appelle une sorte de fraude, une sorte de mensonge qu'on perpétue au Canada.

L'argent de la Caisse de l'assurance-chômage vient des employés et employeurs du Canada. Le gouvernement fédéral n'y contribue plus un sou depuis 1990. Cette caisse est renflouée uniquement par une taxe perçue chez les employés et les employeurs. Donc, c'est de l'argent provenant uniquement des employés et employeurs que contient la Caisse de de l'assurance-chômage, et le gouvernement fédéral vient chercher 5 milliards dans cette caisse pour réduire son déficit.

(1305)

En somme, c'est ce qui s'est passé au sein du ministère du Développement des ressources humaines et de toutes les autres politiques du gouvernement fédéral. C'est en fait la seule grosse mesure que ce gouvernement a réussi à mettre sur pied et elle sera adoptée. Je suis sûr que cette législation sera adoptée, parce que les membres du gouvernement représentent la majorité. Essentiellement, c'est la mesure capitale qu'a avancée ce gouvernement par l'entremise du ministère du Développement des ressources humaines.

Évidemment, on peut parler aussi de la réduction des transferts aux provinces, dans le sens où le gouvernement versera peut-être sept milliards de dollars de moins d'ici à l'an 2000 dans les programmes de santé et d'éducation. Ce sont des réductions qui mettent une pression sur les provinces. Évidemment, à cause de ces réductions dans leurs transferts, les provinces doivent se rajuster et c'est ce qu'on fait au Québec, d'ailleurs.

C'est même obligatoire dans le domaine de la santé, on le sait bien. Mais dans le domaine de l'éducation, je me pose des questions. Je me demande si, effectivement, ce gouvernement a des visées socialement élevées à vouloir réduire sa contribution dans le domaine de l'éducation. Ça remet en question l'avenir des jeunes, qui ont besoin d'éducation pour pouvoir trouver un emploi et survivre aujourd'hui.

Ce gouvernement fédéral, par l'entremise du ministère du Développement des ressources humaines, imaginez-vous, a créé des mesures comme celles-là. Il a réduit dans le secteur de la santé et de l'éducation en coupant dans les transferts aux provinces. On relègue un peu les coupures aux provinces pour ne pas qu'il ne paraisse pas que c'est le gouvernement fédéral qui effectue ces coupures, puis on détourne des fonds de la Caisse de l'assurance-chômage. En fait en trois ans, on réussira à détourner quelque chose comme 15 milliards de dollars.

Cela permettra au ministre des Finances de dire: «J'ai réussi à réduire la dette du Canada.» Par «réduit», j'entends qu'il aura au moins réduit le déficit et fait face à ses obligations envers les citoyens canadiens.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est encore une fois un détournement de fonds, pour ainsi dire, une sorte de fraude parce que normalement, quand on contribue dans un programme d'assurance, on s'attend que cet argent soit utilisé dans ce but et non à autre chose. Normalement, les employés et les employeurs qui ont contribué à la Caisse de l'assurance-chômage s'attendent que cet argent soit utilisé pour faire en sorte qu'une personne qui perd son emploi reçoive de l'argent de la Caisse de l'assurance-chômage ou qu'il puisse suivre des cours de formation de main-d'oeuvre afin de pouvoir réintégrer le milieu du travail.

Mais ce n'est pas ce qu'on fait. Le gouvernement non seulement utilise ces fonds pour réduire sa dette, mais resserre les vis d'admissibilité des chômeurs et fait en sorte que, effectivement, il y aura moins de gens admissibles à recevoir des prestations d'assurance-chômage. Imaginez-vous! Pensez-vous que c'est juste? Les employeurs qui paient pour de l'assurance-chômage, quand ils arrivent à la porte pour avoir accès à leur assurance-chômage, se font refuser de plus en plus.

Dans ce gouvernement, depuis les débuts, on a eu trois réformes. Au début, on a fait en sorte qu'à peu près 60, 57, 55 p. 100 des chômeurs soient éligibles à l'assurance-chômage. Ensuite, la


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deuxième réforme a fait en sorte que ce pourcentage a diminué pour en arriver à environ 47, 45 p. 100. Donc 47, 45 p. 100 des chômeurs qui perdent leur emploi sont éligibles à l'assurance-chômage.

(1310)

Maintenant, avec la dernière réforme, la plus draconienne, la plus insensible, la plus injuste qu'on puisse imaginer au Canada, seulement le tiers des gens qui perdent leur emploi auront accès à l'assurance-chômage. C'est de la fraude, du détournement de fonds. Au moins, si on pouvait dire que le nombre de personnes qui perdent leur emploi est maintenu, au moins si les critères d'admissibilité permettaient à plus de monde de recevoir des prestations d'assurance-chômage, mais ce n'est pas le cas. Il y en a de moins en moins qui sont admissibles à l'assurance-chômage.

Non seulement il y aura moins de personnes admissibles, mais elles recevront des prestations moindres, moins longtemps. C'est merveilleux, c'est magique, parce que dans le fond, dans les statistiques, évidemment, il y aura de moins en moins de chômeurs au Canada. Une fois qu'une personne n'est plus admissible à l'assurance-chômage, une fois qu'une personne n'a pas de recours, n'a pas d'emploi, n'a pas d'assurance-chômage, que fait-elle? Elle tombe sur le bien-être social. Le bien-être social est un autre régime, un régime provincial. Si la personne n'est pas admissible au bien-être social, elle disparaît de la carte, elle devient invisible.

Mais du point de vue fédéral, c'est merveilleux, parce que c'est comme si le taux de chômage diminuait au Canada. C'est merveilleux. Par le jeu de trucs, de statistiques et de fonds, on a fait en sorte que le problème créé initialement par le gouvernement fédéral par ses abus de dépenses catastrophiques depuis dix ans soit pelleté dans les provinces. Les provinces vont maintenant être obligées de supporter plus de gens sur le bien-être social.

Les gens auront moins accès à la Caisse de l'assurance-chômage et, en plus, les provinces auront à subir des coupes dans les domaines les plus importants, les plus vulnérables, comme le domaine de la santé, de l'éducation. Et là, le ministère du Développement des ressources humaines s'apprête à faire des changements dans les pensions. On va s'attaquer un petit peu aux personnes âgées, parce qu'elles n'ont pas payé la note encore. On vise surtout les femmes dans cette réforme des pensions de vieillesse. On va faire en sorte que le calcul des pensions soit basé sur le revenu familial.

Ce qui fait en sorte que la femme qui est restée au foyer pendant toute sa vie pour élever sa famille, qui n'a pas eu d'emploi reconnu dans la société étant donné qu'elle a été une femme à la maison, n'aura peut-être pas et fort probablement pas le droit à une pension de vieillesse. Elle sera encore dépendante de son mari et de cette façon, le gouvernement fédéral épargnera des milliards et des milliards de dollars aux dépens des personnes les plus vulnérables de la société: les jeunes, les malades, les personnes âgées et les chômeurs.

Voyez-vous, c'est ce qu'on fait au Canada avec ce gouvernement libéral. On attaque les plus vulnérables. On attaque ceux qui sont pour ainsi dire mal organisés, inquiets, qui sont obligés de concentrer tous leurs efforts pour survivre d'une semaine à l'autre.

J'ai rencontré des gens dans mon bureau, des femmes chefs de familles monoparentales avec deux, trois enfants qui n'avaient pas d'emploi et qui trouvaient cela pas mal dur de vivre sur le bien-être social. Elle voulaient travailler.

Si vous faites en sorte que le gouvernement fédéral utilise les fonds de l'assurance-chômage pour réduire sa dette plutôt que d'investir ces fonds soit dans la création d'emplois ou dans la formation de la main-d'oeuvre, c'est ce que ça crée. Cela crée de plus en plus de gens dans la misère et qui souffrent. C'est ce que fait ce gouvernement fédéral. C'est un gouvernement pourri.

(1315)

Je ne m'adresse pas à vous directement, monsieur le Président, mais le gouvernement, dans sa politique sociale, c'est pourri de A à Z, de l'injustice et de la fraude, du détournement. Mais c'est pourri! Quand on parle de politique sociale, on ne peut pas imaginer un pire programme, parce que quand on remonte à l'origine du problème, c'est-à-dire la dette, l'immense dette dénoncée par le Fonds monétaire international, de 550 milliards qui, bientôt, en l'an 2000, va dépasser les 600 milliards.

Quand on pense aux problèmes à l'origine des mesures mises sur pied par le ministère du Développement des ressources humaines, la chose qui m'étonne, c'est qu'il y avait d'autres solutions, plus faciles encore, plus raisonnables et plus justes pour régler le problème. Mais on a choisi délibérément d'attaquer les jeunes, les malades, les vieux et les chômeurs.

Qui a-t-on épargné? Qui a-t-on protégé avec toutes les mesures possibles? Les riches, les bien nantis, les grosses corporations. On leur a fait des cadeaux. Ce n'est pas compliqué ça.

Je veux juste vous donner quelques exemples. Prenez les fiducies familiales: c'est l'exemple capital. Les fiducies familiales, pour ceux qui ne savent pas comment elles fonctionnent, il faut d'abord être millionnaire; ce n'est pas n'importe qui, c'est un club très, très spécial. Il faut être très riche, il faut être comme le ministre des Finances qui a plusieurs millions, comme les Reitman, comme les Bronfman, comme toutes les autres familles riches. Il faut d'abord être riche pour faire partie du club des fiducies familiales.

Ça coûte cher de mettre sur pied le programme qui permet à ces familles, par l'entremise d'une fiducie familiale de faire en sorte qu'elles ne paient pas d'impôt. Elles ne paient jamais d'impôt. C'est merveilleux. Ces gens font des millions de profits par année et ne paient pas d'impôt. C'est merveilleux ça!

On estime que dans les fiducies familiales au Canada, tout compte fait, il y a à peu près 100 milliards de dollars qui n'ont pas été taxés. Cent milliards de dollars de profits de familles riches au Canada. Eh bien moi, si j'étais le premier ministre, je dirais: «Je vais aller chercher au moins la moitié de ça.» Quand on est riche, qu'on ne sait plus quoi faire de son argent, quand on vaut 50 millions de dollars et qu'il y a des milliers de gens qui crèvent de faim parce qu'ils n'ont pas de jobs et pas assez pour nourrir leurs enfants, on va chercher les plus riches et on dit: «Écoutez, en plus du fait que vous n'ayez pas payé de taxes sur vos profits depuis x années, vous êtes dans les fiducies familiales pour 100 milliards; alors, on va aller chercher la moitié, 50 milliards.»

Imaginez-vous, seulement avec cette mesure juste, raisonnable, défendable, le gouvernement aurait pu aller chercher 50 milliards. Le gouvernement n'a pas choisi d'aller chercher 50 milliards dans


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les fiducies familiales. Il a choisi d'aller chercher cinq milliards dans les poches des chômeurs.

Le gouvernement a donc épargné les familles les plus riches. Il les a même averties de changer de mode de financement parce que dans cinq ou six ans, il va peut-être changer les modalités des fiducies familiales.

Le gouvernement aurait pu aller chercher de l'argent dans les évasions fiscales corporatives. Apparemment, il y a trois ou quatre milliards de dollars qui sont versées dans les banques des Bahamas et des Antilles. Quatre milliards par année apparemment; c'est ce qu'on dit.

On aurait pu aller chercher les échappatoires fiscales des corporations. On aurait pu taxer les banques. Imaginez-vous que l'année passée, elles ont fait des profits nets de 5,2 milliards de dollars qu'elles ont mis dans leurs poches! Les actionnaires ont pris ça et s'en sont allés chez eux. Ce sont des profits qui ont doublé ou presque depuis l'année précédente. Ils n'ont pas taxé les banques pour des pinottes. Ils ont demandé aux banques à peu près cent millions sur deux ans. C'est à peu près un peu moins de 1 p. 100. Ce n'est pas beaucoup pour les banques.

(1320)

Tout cela pour vous dire que ce gouvernement est pourri à l'os. On n'a pas de politique sociale, on a une politique basée sur les intérêts des plus forts et des plus riches et on crache sur les plus vulnérables, les plus faibles, les jeunes, les vieux, les malades. J'espère qu'aux prochaines élections, les gens vont reconnaître que ce gouvernement doit changer.

M. Réjean Lefebvre (Champlain, BQ): Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour son magnifique discours. J'aimerais qu'il aille plus à fond. On sait que le budget Martin a touché trois générations: les 18 à 30 ans, les 30 à 60 ans et les 60 ans et plus.

J'aimerais que mon collègue appronfondisse au sujet des emplois à temps partiel. Dans le comté de Champlain, on a beaucoup d'emplois à temps partiel et je voudrais qu'il nous en explique le teneur. On sait que le couperet est tombé sur l'assurance-chômage et que cela fera très mal à cette classe de travailleurs et de travailleuses.

M. Marchand: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Champlain qui est d'ailleurs payé pour faire ça. Parler des emplois à temps partiel, ce n'est pas drôle du tout. Le barème que le gouvernement utilisait auparavant pour accorder l'assurance-chômage était basé sur les semaines de travail, alors qu'aujourd'hui, on change ce barème, et on se base sur les heures travaillées. Mais le nombre d'heures qui rendent une personne admissible à l'assurance-chômage a augmenté et dans certains cas, on pourrait considérer qu'il a triplé. Il faut travailler trois fois plus, du moins deux fois plus pour être éligible à l'assurance-chômage.

Cela fait en sorte que des personnes qui ont des emplois à temps partiel, des pêcheurs, notamment, des travailleurs saisonniers, des jeunes qui travaillent, par exemple, chez McDonald's et qui ont des emplois d'été et de nombreuses autres personnes seront dans une situation où elles devront contribuer à la Caisse de l'assurance-chômage, mais elles n'y auront pas droit. C'est ce qui arrive. C'est un autre exemple de cette injustice flagrante que le gouvernement instaure avec ce projet de loi.

Nous pouvons espérer que le gouvernement fera des modifications, mais je ne sais pas si on peut modifier à la surface quand le fond est pourri. C'est comme un cancer. Une personne qui est déjà atteinte de cancer, si on lui enlève un bras ou on lui ajoute un doigt, on lui donne un appui quelconque, c'est quand même difficile de rétablir la santé. Dans le fond, ce projet de loi, parrainé par le ministre du Développement des ressources humaines, devrait être mis à la poubelle. On devrait reprendre entièrement l'approche de ce projet de loi.

D'ailleurs, ce n'est pas juste ce projet de loi, mais il reflète toute la mentalité du gouvernement libéral en place, toute sa politique sociale, sa politique économique. Là-dessus, il faut dire que sauf une petite initiative de quelques millions au début de son mandat en 1993 dans le programme d'infrastructures qui, comme mon collègue de Champlain le sait, a créé des emplois, ça a été une bonne initiative, on n'a rien vu de la part du gouvernement pour la création d'emplois. Ça été un gros zéro.

(1325)

Ils n'ont rien fait sauf souffrir de ce que mon autre collègue à ma droite a mentionné tantôt comme étant du «verbal diarrhoea».

[Traduction]

Le gouvernement souffre d'une grave diarrhée verbale. Les ministériels sont là dans cette assemblée illustre à nous servir toutes sortes de théories et d'explications pour essayer de nous démontrer leur efficacité.

[Français]

Monsieur le Président, comme mon temps achève, je remercie encore mon collègue de Champlain de m'avoir donné l'occasion de parler pendant une autre période de cinq minutes.

Je voulais quand même souligner une chose que je trouve importante. Au Canada et au Québec, les gens doivent vraiment prendre conscience de tout cela, parce que ce n'est pas un petit jeu. On ne parle pas d'une chose sans importance. Quand on parle de l'assurance-chômage et de l'emploi, de la formation de la jeunesse, de la santé et des pensions dans une société où, quand on parle d'un gouvernement qui n'a pas de mesures pour favoriser la création d'emplois, ce ne sont pas des bagatelles. Des millions de personnes sont affectées, aujourd'hui même. Le dur morceau va arriver dans quelques mois. C'est pour ça que les gens ne connaissent pas vraiment l'étendue de ce projet de loi. Ils ne sont pas conscients des effets maximaux de ce projet de loi qui seront mis en vigueur dans les prochains mois.

On est dans une période d'attente, mais ce sont des choses extrêmement sérieuses qui affectent bien des gens. De plus, encore une fois, cela reflète une attitude de la part du gouvernement qui est injuste. La plus grande injustice qu'on puisse imaginer, qu'on a dénoncée depuis le début de l'histoire humaine, est justement ce genre d'injustice qui favorise les riches, qui met sur pied des programmes ou des projets qui font en sorte que les mieux-nantis sont bien installés, qu'ils emplissent leurs poches, alors que les pauvres et les démunis sont ignorés, dénigrés et volés. Effectivement, dans ce cas-ci, il s'agit d'une forme de fraude, une forme de détournement. Les travailleurs qui contribuent à la Caisse de l'assurance-chômage, dans plusieurs cas, n'auront même pas droit aux prestations d'assurance-chômage. C'est une sorte de vol.


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Et les jeunes qui commencent sont peut-être les plus vulnérables, parce que vous savez, aujourd'hui, commencer à se trouver un emploi, bâtir une profession, ce n'est pas comme dans mon temps. J'ai présentement 52 ans. Lorsque j'étais aux études, dans la vingtaine, il n'y avait presque pas de problèmes à trouver des emplois. Je fais partie de. . .

[Traduction]

Une voix: Est-ce la réponse en bref?

M. Marchand: Le gouvernement a besoin de tout un tas d'explications détaillées. C'est ce que je suis en train d'essayer de les lui donner.

[Français]

Mais la jeunesse fait face aujourd'hui à un problème de plus en plus difficile parce qu'aller à l'université coûte très cher pour obtenir un programme de formation qui ouvre des portes à l'emploi. C'est déjà assez difficile d'obtenir une attestation de formation. Sachant déjà que les jobs ne sont pas là, disons que cela démobilise les jeunes, ce qui contribue à l'augmentation du décrochage scolaire.

Donc, les jeunes et les vieux sont affectés, ainsi que les malades, les plus faibles, les femmes. Tous sont touchés par les mesures prises par ce gouvernement, parce que, comme je l'ai dit plus tôt, il n'y a pas de politique sociale. Il n'a aucune espèce de politique sociale. C'est incroyable! Nous parlons d'un gouvernement qui est supposé gérer, mais qui s'assoit sur son pouvoir et se laisse mener par les riches, les corporations et les banques, même si autrefois ce Parti libéral, quand il était dans l'opposition, critiquait beaucoup les banques en les accusant de ruiner l'économie.

(1330)

Si on remonte quelques années en arrière, c'est incroyable, le premier ministre, alors chef de l'opposition, disait: «Quand je vais devenir premier ministre, vous autres, vous allez payer.» C'est plus ou moins ce qu'il disait aux banques. Il avait raison en fait.

Aujourd'hui, imaginez-vous, les banques exigent. . .

Une voix: Cinq milliards.

M. Marchand: Eh bien, je viens de le dire, effectivement, l'année dernière elles ont fait des profits de 5,2 milliards. Ce n'est pas parce qu'elles sont pauvres. Elles exigent de l'intérêt sur les cartes de crédit de presque 20 p. 100. Il faut le faire. C'est incroyable! Les banques sont riches et elles s'organisent pour s'enrichir.

Le gouvernement libéral, tout récemment, a empêché les banques d'aller dans le secteur de l'assurance. Il a donné un petit avertissement aux banques, je l'avoue. Mais peut-être qu'ils vont leur accorder leur prochaine demande, aux banques. Le crédit-bail pour les automobiles, par exemple, qui est extrêmement rentable, le gouvernement libéral va peut-être décider de faire un autre petit cadeau aux banques.

C'est bien sûr que ce gouvernement a une préoccupation particulièrement élevée pour faire en sorte que les six banques à charte fassent beaucoup de profit. On le sait, elles en font des profits. Ça va bien et ils vont faire en sorte que les banques puissent aller chercher d'autres pouvoirs.

Le vice-président: Votre temps de parole est expiré. Est-ce qu'il y a consentement unanime pour que le député puisse continuer?

Donc, nous reprenons le débat.

M. Boudria: J'aurais une question, monsieur le Président.

Le vice-président: Le temps est expiré pour les questions et commentaires. Est-ce qu'on peut avoir le consentement unanime de la Chambre pour prolonger de quelques minutes?

Des voix: D'accord.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, j'aurais une brève question à la suite des propos que vient de tenir le député d'en face.

Je veux comprendre sa position sur le dossier des crédits-bail. Est-il en train de nous dire qu'il favorise Ford Motors Credit plutôt que la Banque nationale du Canada?

M. Marchand: Monsieur le Président, je peux lui répondre. Je le remercie tout d'abord de sa question.

Le problème que je soulevais tout à l'heure concernait les banques, de faire en sorte que les banques ne puissent pas avoir plus de pouvoir. Quand on parle de General Motors Acceptance Corporation, de Ford Motors Credit, on commence à parler d'agences américaines d'investissement. Ce sont des compagnies américaines qui sont exactement comme les banques. La Ford Motors est, aux États-Unis, la sixième plus grosse institution financière.

Que le député fasse une petite distinction verbale concernant la Ford Motors ou la GM, pour moi, c'est du pareil au même, d'autant plus qu'elles sont américaines.

Il me semble que quand on parle des banques au Canada, on devrait commencer à penser à serrer la vis un tout petit peu et ne pas mettre d'autres personnes qui ont du travail et qui fonctionnent très bien, comme les concessionnaires automobiles, qui font des profits. Pourquoi faire en sorte, en changeant la loi, de favoriser encore une fois un peu plus les banques au détriment de ceux qui, dans le domaine de l'automobile, ont du mal à arriver. Ce n'est pas toujours facile. On ne peut pas dire que les concessionnaires automobiles font 5,2 milliards de profits dans leurs poches tous les ans, comme les banques. On ne peut pas le dire.

J'espère que j'ai répondu à sa question. D'ailleurs, j'ajouterai que cette conception sociale. . . Si j'avais plus de temps, je pourrais élaborer là-dessus. Il y a une différence, parce que la question qui m'est venue-effectivement le député est francophone-et j'allais dire que la conception sociale qui est absente au gouvernement fédéral aujourd'hui reflète peut-être une différence dans l'optique canadienne-anglaise vis-à-vis des francophones.


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(1335)

Au Québec, quand on parle de société distincte, la société distincte fait qu'au Québec, nous avons une politique sociale. Nous avons une politique sociale et je défie n'importe qui dans cette Chambre de vouloir me dire qu'au Québec, nous favoriserons les banques. Jamais de la vie. Jamais nous ne favoriserons les banques au Québec. Nous les traiterons avec justice, mais on leur demandera de contribuer au redressement fiscal et économique de la province.

Au fédéral, on ne le fait pas. C'est une grosse différence d'optique, grosse différence dans la politique sociale. Au Québec, ça ne se passera pas comme ça. Cela ne se passe pas comme ça. D'ailleurs, on a inventé, comme vous le savez, les caisses Desjardins qui, elles, fonctionnent très bien au Québec. Elles fournissent des services très élevés, de bonne qualité, et elles ne font pas des profits exorbitants comme les banques.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, je suis très contente de prendre la parole ce matin sur le projet de loi C-11. On dit que c'était un projet de loi administratif. Je n'en crois rien. Je le qualifierais plutôt de projet pernicieux. Pourquoi? Parce qu'il accentuera la présence fédérale dans les champs de compétence des provinces.

Loin d'annoncer le retrait du gouvernement fédéral du domaine du développement de la main-d'oeuvre, il va plutôt au contraire accentuer sa présence. On assistera encore aux dédoublements et chevauchements, bien que le Bloc québécois ait été élu pour dénoncer les dédoublements et les chevauchements en matière de formation professionnelle, entre autres.

Donc, ce projet de loi est pernicieux et le gouvernement n'a pas d'autre choix que de retirer ce projet de loi, parce que la population du Québec n'en veut pas. Elle n'en veut tout simplement pas, parce qu'il ne respecte pas la démocratie du Québec et de la population, qui demande que le Québec soit le seul maître d'oeuvre de la formation professionnelle et de l'emploi.

La population ne veut pas de ce projet de loi et je ne parle pas ici que des personnes. Plusieurs de mes collègues ont cité ce matin plusieurs organismes qui ont fait consensus autour de la question de la formation professionnelle et de la création d'emplois. Il y a un consensus au Québec et je ne pense pas que le gouvernement comprenne les intentions et les préoccupations du Québec.

Je parle aussi non seulement des personnes, mais aussi des éditorialistes, des intellectuels, des syndicalistes, des travailleurs et travailleuses. Quand on fait l'inventaire des positions des Lise Bissonnette et Jean-Robert Sansfaçon, de la FTQ, de la CSN, de la CEQ, de l'évêque de Bathurst, du Congrès du travail du Canada, des maires et des villages acadiens, du Conseil du travail, c'est plus que le Québec. D'ailleurs, d'autres provinces le réclament.

Mais nous, au Québec, sommes les défenseurs du rapatriement de toutes les sommes afférentes à la formation professionnelle. Ce projet de loi est pernicieux. Quand on l'étudie article par article, on peut voir comment le gouvernement fédéral abusera de son pouvoir. Pourquoi? Je vais vous expliquer quelques articles de ce projet de loi.

Comment le ministre du Développement des ressources humaines va-t-il attribuer la gestion des programmes qu'il entend mettre en place? Si on donne des sommes d'argent à des individus, à des organismes, qui gérera, qui aura la responsabilité de cette gestion des programmes?

Donc, c'est pourquoi on dit que le ministre, ce ministère, augmentera ses pouvoirs de dépenser et d'empiéter dans les champs de juridiction qui appartiennent aux provinces. On s'entend là-dessus.

(1340)

Plusieurs personnes s'entendent là-dessus et je ne comprends pas que le gouvernement ne comprenne pas ce que le Québec réclame. Le Québec réclame l'argent et la volonté politique de pouvoir faire, pour une fois, une politique sociale intégrée. Cela veut dire que quand on parle d'emploi, on parle de chômage, de gens sur l'aide sociale, des gens qui n'ont pas d'emploi. L'assurance-chômage n'est plus de l'assurance-chômage.

D'ailleurs, on le dit, on va former une commission qui s'appellera assurance. Donc, cela va permettre au gouvernement d'empiéter encore. Au nom du mot «assurance», on va pouvoir déterminer le type de programme, d'institution locale, de réseau communautaire. C'est ce que j'appelle une gestion à la pièce de l'assurance-chômage. Soit dit en passant, plusieurs de mes collègues l'ont mentionné, le gouvernement fédéral ne met plus un sou dans la Caisse de l'assurance-chômage et pourtant, ce gouvernement s'impose-j'appelle ça s'imposer-dans les programmes de l'aide à l'assurance-chômage, de l'aide à l'emploi.

Vous savez que les cinq milliards que le gouvernement fédéral retient pour pouvoir peut-être payer une partie de son déficit, peut-être pour jouer au père Noël auprès de certaines institutions locales, les institutions communautaires, les organismes communautaires de mon comté eux aussi voudraient bien avoir un peu d'argent pour pourvoir aider les plus démunis de la société.

Ce projet de loi n'est pas un projet qui respecte les volontés exprimées au Québec. On parle de l'assurance-chômage et par une loi, on va l'appeler assurance-emploi. Pourquoi est-ce que je dis que c'est un projet de loi pernicieux? Parce que, contrairement à d'autres, le ministre n'aura pas à déposer un rapport annuel des activités du ministère. Comment allons-nous pouvoir suivre ce gouvernement et les sommes d'argent qui lui sont données par les contribuables si ce ministère n'a pas de compte à rendre? Aucun rapport annuel ne sera fait. C'est un projet de loi qui renforce les pouvoirs de ce ministre et de ce ministère.

Je m'inquiète de la gestion de politiques et de programmes quand on aura donné des sommes d'argent. Je m'inquiète de la confidentialité de certains dossiers quand ce sera des organismes qui auront à gérer ces programmes de politiques. Je demande au gouvernement d'accéder aux revendication faites par le milieu, ce ne sont pas


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seulement des souverainistes, on l'a dit à plusieurs reprises, en comité, ici en cette Chambre, ce sont des gens qui ont fait un consensus social sur la question de la formation de la main-d'oeuvre. J'ai beaucoup de misère à gober que le gouvernement fédéral se garde cinq milliards de la Caisse de l'assurance-chômage payés par les contribuables, les employés et les employeurs du Québec, quand ces cinq milliards sont nécessaires pour créer une vraie politique d'emplois intégrée aux réalités sociales.

Pendant ce temps, on se vante que le gouvernement fédéral mettra bientôt pour la population du Québec un petit programme sur fascicule démontrant que seul le gouvernement du Canada, le gouvernement fédéral peut garantir un filet de sécurité sociale. Cela vient de la bouche même du président du Conseil du Trésor.

(1345)

De façon pernicieuse, on attendait que le budget du gouvernement du Québec sorte. On s'est dit que ce sera un budget qui ne sera pas très populaire. Parce que qui porte l'odieux des coupures? Présentement, par exemple, on vient de couper dans le Transfert social canadien; 4 milliards en trois ans. Donc, cela veut dire que les provinces devront couper dans les soins de santé. On est pourtant en train de créer un fonds de recherche en matière de soins de santé. Encore un autre chevauchement, encore un autre dédoublement.

Où est l'efficacité? Je n'en vois aucune. Au sujet de ce projet de loi, je vais vous citer sept bonnes raisons pour lesquelles il devrait être retiré. Et je me demande pourquoi le gouvernement fédéral a attendu après la tenue du référendum pour présenter ce projet de loi en Chambre, par lequel il s'approprie l'orientation, la mise en oeuvre et le contrôle des politiques sociales et économiques. Pourquoi?

Ce projet de loi permet de passer par-dessus la tête des provinces. Il lie les compétences provinciales en se gardant le droit d'intervenir, et je l'ai dit tout à l'heure, sans intermédiaire auprès des organismes, des municipalités et des individus.

C'est créer de la bisbille, un climat sans cohésion sociale. Je me le fais dire dans mon comté. Je suis députée du comté de Québec et souvent, on me demande: «Qui était l'ancien député fédéral avant? C'est tellement loin, le fédéral.» Quand le fédéral, par exemple, a géré le port de Québec, on sait ce que cela a donné au chapitre de la gestion du port de Québec. On sait ce que cela a donné au chapitre de l'animation du Vieux port de Québec, quand le fédéral l'a fait construire, en 1984. Il a érigé des blocs de béton, des structures qu'il a fallu démolir parce qu'ils n'étaient pas intégrés à la réalité culturelle, à l'environnement historique du Vieux port de Québec. Donc, on sait ce que ça donne quand le fédéral décide pour les provinces, lui qui est si éloigné de sa population.

Le projet de loi empêche le Québec d'implanter une vraie politique sociale intégrée. Le ministre voit ses pouvoirs d'intervention augmentés dangereusement en matière de sécurité du revenu en ce qui a trait aux enfants, aux aînés, de soutien aux provinces, en enseignement secondaire et en aide sociale, à l'adaptation du marché du travail et des prêts aux étudiants.

Voilà pourquoi le Bloc est contre ce projet de loi. C'est également une porte ouverte à la privatisation, à la sous-traitance de certains programmes, dont, entre autres, l'assurance-chômage et le Régime de pensions du Canada.

Le gouvernement se donne les assises juridiques afin d'empiéter allégrement dans les champs de compétence. Je le redis. Ça fait plusieurs fois, les collègues l'ont fait ce matin, mais c'est ça la réalité et il faut le dire: empiéter dans les champs de compétence des provinces, notamment dans les services de garde et dans le domaine de la main-d'oeuvre. Ça, c'est un gaspillage.

Le Bloc québécois a été élu pour ces raisons. En toute naïveté, je pensais que nous, du Blocs québécois, les 52 députés qui ont été élus en cette Chambre, pourrions faire comprendre au gouvernement fédéral de stopper, d'arrêter les empiétements et les chevauchements.

Au contraire, depuis trois ans, qu'avons-nous vu? Le discours du Trône ne parle que d'empiétements et de chevauchements. De nouveaux empiétements. Oh! On a l'air de nous faire gober qu'on fait de la décentralisation. Quand on fait de la décentralisation, on donne les pouvoirs et l'argent; on ne donne pas des pouvoirs sans argent. On sait très bien ce qu'on fait quand on n'a pas d'argent: on ne fait pas grand-chose. Avec une piastre, on peut peut-être faire un peu, avec deux piastres, on fait un peu plus, mais avec trois dollars, on fera beaucoup plus.

Donc, dans le domaine de la santé, dans le domaine de l'éducation postsecondaire, dans le domaine de l'aide sociale, l'aide aux provinces a été coupée. On sait ce qui se passe, c'est la population qui crie et hurle.

Encore en fin de semaine, je recevais des électeurs et électrices dans mon comté. On me demandais d'intervenir ici, en cette Chambre, et demander à ce gouvernement de ne pas procéder à un projet de réforme tel qu'on nous le propose.

(1350)

Le Bloc québécois a fait un très bon travail là-dessus. On a pu expliquer aux gens de nos comtés, aux organismes, comment le fédéral faisait mal aux provinces en coupant l'aide financière. Les gens de mon comté ont compris et je suis certaine que c'est la même chose pour tous les députés qui ont oeuvré dans leurs comtés et ont pu le faire comprendre à la population. La population n'est pas dupe. Elle n'est plus dupe, au contraire. Elle s'instruit, écoute, lit et voit les mêmes nouvelles que nous.

Les nouvelles nous disent: Ce n'est pas ce qu'on veut, nous. Nous, nous parlons pour le Québec, mais je suis certaine que dans d'autres provinces, plusieurs ministres et premiers ministres pourraient aussi déplorer, et déplorent présentement, ce qui est en train de se passer.

Dans ce projet de loi, le gouvernement fédéral légitimise et légalise les nombreuses interventions qu'il a faites et qu'il fait au

1654

nom de son pouvoir de dépenser dans des champs de compétence provinciale. Je pense que c'est clair.

Nous, du Bloc québécois, allons défendre. On va le redire, même si ce projet de loi devait être adopté, on sait très bien que nous allons continuer à instruire la population pour leur parler des coupures et de l'ingérence du fédéral dans les champs de juridiction des provinces.

Quand on voit qu'on a le consensus dans une province, c'est l'unité sociale. On parle d'unité sociale ici, mais l'unité sociale d'une province, on doit aussi ici en cette Chambre la respecter et non pas la bafouer. Ce projet de loi est un exemple, c'est un exemple justement de la façon dont on peut bafouer les volontés de toute une population, fédéralistes, souverainistes, toutes idées confondues. C'est ce qu'on demande au gouvernement fédéral. Ce gouvernement fait la sourde oreille.

Je termine ici mon intervention en espérant que mes propos auront pu, ce matin, peut-être pas faire changer d'idée, parce que je ne crois pas qu'on va changer d'idée de l'autre côté de la Chambre, mais faire réfléchir ce gouvernement sur la réalité de ce qui se passe au Québec dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre, quand on a 11 p. 100 et plus, comme dans mon comté, de chômage. Quand on a plus de 11 p. 100 de gens qui vivent de l'aide sociale, qu'est-ce que ça veut dire?

Cela veut dire que ce sont les provinces qui vont avoir à assumer ces personnes en recherche d'emploi. Souvent ce ne sont pas des mesures de création d'emplois, parce que de vraies mesures de création d'emplois, il faut qu'elles soient cohérentes et qu'elles soient mises en place par les différents intervenants locaux, sociaux, économiques.

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, je voudrais remercier ma collègue du comté de Québec. Moi aussi, j'ai du regret de voir l'absence d'intervention du gouvernement libéral sur un projet de loi aussi important qui traite du chômage.

Moi non plus, je ne comprends pas comment il se fait qu'après un tel consensus de toutes les instances au Québec ce gouvernement refuse encore de décentraliser ses pouvoirs vers les provinces. Pourtant, il n'y a pas que la province de Québec qui la réclame, toutes les provinces réclament la décentralisation. Nous savons qu'on traîne cet endettement qui, vers 1997-1998, va atteindre les 600 milliards, dont 50 milliards d'intérêt.

Imaginez-vous, si on avait 50 milliards chaque année à investir pour de la création d'emplois, on ne serait pas ici aujourd'hui à débattre un tel projet de loi. On sait que l'endettement est tout simplement le résultat du gaspillage, du dédoublement et des symboles canadiens qu'on a tenté de bâtir depuis plusieurs années.

(1355)

Mon collègue disait tout à l'heure, au sujet de la façon de gérer de ce gouvernement, que c'était une gestion à la pièce. Je dirais plutôt que tous ces programmes sont beaucoup plus des vitrines du fédéral. L'important pour le fédéral est d'avoir une vitrine dans une province pour montrer qu'il est là. Mais quel résultat cela donne-t-il? Cela ne donne pratiquement rien, au contraire.

J'aimerais que ma collègue puisse m'éclairer sur le fait que s'il fallait qu'on n'ait un seul guichet de l'emploi avec tous les pouvoirs, avec les coûts, avec l'argent, et s'il fallait qu'on ne soit pas constamment bloqués par ces directives nationales, j'aimerais qu'elle me dise quel avantage cela donnerait, non seulement à la province de Québec, mais à toutes les provinces.

Mme Gagnon (Québec): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de ses commentaires et sa question. Je pourrais tout simplement dire que la décentralisation et la déréglementation sont des mots que ce gouvernement ne comprend pas. Quand on veut passer par-dessus la tête des provinces et aller directement faire des ententes avec des organismes et des institutions locales, c'est parce que le gouvernement veut effectivement avoir une vitrine fédérale. Il veut absolument être assis à côté du gouvernement du Québec ou d'une autre province et montrer que lui, avec ses maigres petites subventions, il pourra avoir une maigre reconnaissance.

Au sujet de ce qu'apporterait tout cela, je répondrais à mon collègue député un mot encore qui, probablement, est un mot auquel ce gouvernement est allergique: l'efficacité. C'est ce que cela donnerait, de l'efficacité. Je pense que si nous avions l'argent, les programmes, c'est la politique que l'on voudrait mettre en place au Québec, une politique qui fait consensus au Québec, non seulement auprès des souverainistes, mais des fédéralistes. J'espère que ce gouvernement pourra enfin comprendre que le discours que l'on tient ici en cette Chambre n'est pas un discours souverainiste, mais un discours de la population du Québec et des intervenants socio-économiques de tout le Québec.

[Traduction]

Le vice-président: Chers collègues, me permettez-vous de déclarer qu'il est 14 heures?

Des voix: D'accord.

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1654

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

CANUSA FOODS LIMITED

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le président de la société Mountain View Packers, M. Byron McGrath, et les membres du conseil d'administration de cette société pour avoir accepté de s'unir à la société Tri-Winner Irving Acres Inc., de Presque Isle, dans le Maine. Ces deux sociétés ont annoncé vendredi dernier la création d'une nouvelle société, CANUSA Foods Limited, à Centreville, au Nouveau-Brunswick.

Cette fusion marque le départ de la construction, au printemps, d'une usine de transformation à valeur ajoutée et la création de25 nouveaux emplois pour la région.

L'annonce faite vendredi prouve encore une fois que la confiance et une gestion dynamique, conjuguées à un soutien stratégique de l'État, contribuent à créer des emplois pour les Canadiens, en l'occurrence dans la circonscription de Carleton-Charlotte.


1655

[Français]

LES LANGUES OFFICIELLES

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, dans une édition d'Entre parenthèses, le mouvement Impératif français nous rappelle qu'au gouvernement fédéral, l'anglais est la vraie langue de travail.

En effet, on peut y lire que les francophones occupent 22,8 p. 100 des postes de gestion au gouvernement fédéral contre 32,8 p. 100 des postes de soutien. Autrement dit, plus les postes deviennent payants, moins il y a de place pour les francophones.

Impératif français rappelle également que le gouvernement fédéral est plus bilingue au Québec. Ainsi, alors que la minorité anglophone du Québec ne représente que 10 p. 100 de la population, 52,7 p. 100 des postes de la fonction publique fédérale sont bilingues.

De plus, selon les dernières données du Conseil du Trésor, en 1994-1995, 88 p. 100 de la traduction au gouvernement fédéral s'est faite de l'anglais au français, soit à peu près la même proportion qu'il y a dix ans. Impératif français a donc raison: au Canada, 25 ans après l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles, l'anglais est une langue plus officielle que le français.

* * *

[Traduction]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, au nom du Parti réformiste et de tous les Canadiens, je voudrais exprimer ma tristesse et mon émotion face au bombardement d'une base de l'ONU abritant des réfugiés, par les forces israéliennes, aujourd'hui, lequel s'est traduit par de nombreux morts et blessés.

Cet événement tragique doit être condamné par tout le monde. Bien que les Israéliens prétendent que c'était un accident, cela ne rend pas la chose acceptable. Non seulement les combattants ne doivent pas viser les civils qui sont sous la protection de l'ONU, mais ils doivent les éviter en toutes circonstances.

Cette tragédie fait ressortir le caractère futile et destructeur des violences récentes. J'invite Israël, le Liban et la Syrie à commencer immédiatement des négociations pour résoudre ce conflit. L'humanité exige que ces pays agissent maintenant pour résoudre leurs différends et s'assurer que des événements aussi tragiques ne se reproduisent plus jamais.

* * *

CUBA

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, les éditeurs canadiens ont été plus que généreux envers les étudiants universitaires de Cuba.

Récemment, j'ai envoyé à quelque 600 éditeurs canadiens une demande de dons de Canadiana. Ces livres sont destinés à la bibliothèque du département d'études canadiennes récemment créé à l'Université de La Havane.

La réponse a été extraordinaire. Je reçois quotidiennement huit à dix caisses de livres. Ces dons démontrent clairement la sympathie des Canadiens face aux difficultés que rencontrent la population et les étudiants de Cuba. Nous continuerons certainement à faire tout ce que nous pouvons pour aider cette nation à surmonter les difficultés qui lui sont imposées par un embargo injuste.

Je félicite l'industrie canadienne de l'édition de son aide bienveillante. La population de Cuba les remercie de tout coeur. Une fois de plus, nous leur rappelons la générosité et l'humanité pour laquelle le Canada est reconnu dans le monde entier.

* * *

LE PROGRAMME PORTAGE

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais signaler à la Chambre l'existence du programme Portage au lac Écho, au nord de Montréal. Il s'agit d'un programme communautaire de thérapie destiné aux jeunes de 14 à 19 ans qui sont aux prises avec des problèmes liés à l'abus des drogues et à des difficultés majeures d'épanouissement personnel.

La communauté appuie les efforts que l'individu accomplit pour faire face à ses obligations personnelles et elle encourage les progrès. Réunis en petits groupes, les jeunes doivent atteindre certains objectifs, après quoi de nouveaux défis les attendent.

Le programme Portage est considéré par d'aucuns comme un des programmes les moins coûteux et les plus efficaces en matière de réadaptation des toxicomanes. Ses responsables estiment que 85 p. 100 des participants ne retouchent plus aux drogues.

Les provinces de l'Atlantique ont besoin d'un programme thérapeutique de ce genre, car jusqu'ici bon nombre de ceux qui ont subi une cure de désintoxication ont dû se rendre aux États-Unis.

J'espère de tout coeur que les responsables du programme Portage feront bientôt profiter Fredericton de leur savoir-faire et j'exhorte le gouvernement du Canada à les seconder dans cet effort.

* * *

SPEAK OUT CANADA

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais rendre hommage à Gloria et Harold Williams qui habitent la circonscription d'Oakville-Milton que je représente.

Motivés par les événements entourant le référendum d'octobre au Québec, les Williams, ainsi que 24 de leurs amis, ont fondé Speak Out Canada, un groupe communautaire sans but lucratif, politiquement indépendant, qui vise à garder le Canada uni.


1656

Fondé en décembre 1995, le groupe s'est développé considérablement puisqu'il compte maintenant plus de 200 membres qui sont tous des volontaires. Il encourage et appuie la création dans tout le Canada de groupes de promotion de l'unité.

Ces gens ont élaboré un vaste programme qui comporte des objectifs à court et à long terme, dont la préparation de manifestations en faveur de l'unité et la tenue de discussions publiques. Leur but ultime est de nouer des relations avec leurs concitoyens par le truchement d'organismes populaires afin de promouvoir le patriotisme des Canadiens et de les sensibiliser davantage au besoin de garder le pays uni et fort.

Je félicite les Williams pour leurs efforts et leur souhaite d'obtenir encore beaucoup de succès.

* * *

(1405)

[Français]

LA CONSTITUTION

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, malgré l'engagement et les promesses du premier ministre du Canada de renouveler la Constitution canadienne pour mieux inclure les revendications traditionnelles et légitimes du Québec, le ministre des Affaires intergouvernementales propose différentes pirouettes constitutionnelles pour réparer les torts causés par l'actuel premier ministre, en 1982.

Les promesses du premier ministre qui représentent, somme toute, bien peu de choses sont déjà trop au goût de certains premiers ministres provinciaux. Ballons d'essai, recul, parades spectaculaires, voilà l'ordre du jour proposé par le ministre des Affaires intergouvernementales pour plaire au Canada anglais. Le ministre croit-il vraiment que le peuple québécois est à ce point aveugle et ne voit pas son jeu véritable?

Les Québécoises et les Québécois ne sont pas dupes des tromperies du ministre et n'avaleront pas la couleuvre qu'il nous tend.

* * *

LES FRANCOPHONES DE L'ALBERTA

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, en 1861, la mission de St-Albert fut établie par le père Albert Lacombe et une vingtaine de familles métisses. Ensemble, ils ont construit la première école, le premier pont et le premier hôpital de l'Alberta.

Encore aujourd'hui, les francophones de l'Alberta enrichissent nos communautés. En 1994, le journal franco-albertain, Le Franco, a reçu plusieurs prix de l'Association de la presse francophone. Et partout en Alberta, l'enseignement du français par les programmes d'immersion connaît un succès remarquable.

Je suis fier de compter parmi les commettants de St-Albert une population francophone active qui, suivant la tradition du père Lacombe, participe pleinement au développement de notre communauté.

Le président suppléant (M. Kilger): Félicitations!

* * *

[Traduction]

LES PÊCHES

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, aujourd'hui, des représentants de 500 000 habitants des régions côtières de la Colombie-Britannique sont venus sur la colline du Parlement, car ils ont le sentiment que leurs députés libéraux de la Colombie-Britannique les laissent tomber et les trahissent.

Le plan Mifflin va détruire les collectivités côtières et supprimer des emplois dont profitent des milliers de foyers de la Colombie-Britannique. Il ne fera rien pour assurer la conservation des stocks ni pour favoriser la pêche au saumon et d'autres poissons sur la côte ouest. Or, le ministre est décidé à poursuivre un programme qui va détruire des collectivités et la vie de Canadiens.

Mes collègues libéraux de la Colombie-Britannique ne croient-ils pas que le moment est venu de défendre les intérêts de leur province plutôt que ceux du gouvernement central, à Ottawa?

* * *

L'AGRICULTURE

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Monsieur le Président, je veux aujourd'hui reconnaître les mérites d'un dirigeant agricole de l'Île-du-Prince-Édouard qui a consacré une bonne partie de sa vie au mouvement agricole.

Urban Laughlin, de Sherbrooke, dans l'Île-du-Prince-Édouard, a obtenu la semaine dernière, pour la vingtième fois, un autre mandat d'un an à titre de directeur du district I, de la région I du Syndicat national des cultivateurs.

Le dévouement d'Urban et celui de son épouse, Mary, face aux préoccupations des producteurs primaires et des exploitations agricoles familiales est, selon moi, sans égal.

M. Laughlin s'en est toujours tenu à des principes bien établis sur les questions agricoles au sein de son organisation et dans les cercles de politique agricole. Il ne cesse d'y répéter la devise selon laquelle les agriculteurs sont importants. Par la validité de ses arguments contre la commercialisation libre et des solutions de rechange qu'il propose, il force les décideurs à tenir compte des agriculteurs lorsqu'ils prennent des décisions.

Je le félicite et lui souhaite encore beaucoup de succès à titre de dirigeant syndical.

* * *

[Français]

LE FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, le Fonds monétaire international prévoit que le taux de croissance de l'économie canadienne devrait continuer de s'améliorer au cours des deux prochaines années, jusqu'à atteindre un taux annuel de 2,9 p. 100 en 1997.


1657

Ce rendement ne serait dépassé au sein des pays membres du G-7 que par le Japon. C'est donc dire que la situation économique du Canada s'est grandement améliorée depuis l'élection de notre gouvernement.

Le FMI souligne de plus, et je le cite: «À la suite du référendum d'octobre au Québec, le niveau de confiance s'est amélioré et les taux d'intérêt ont baissé de façon significative.»

Ce que nous apprend le FMI, la population du Québec et du Canada le pressentait depuis longtemps. La séparation du Québec a des impacts excessivement négatifs sur l'économie. Il est plus que temps que le PQ mette cette option de côté s'il veut vraiment contribuer à la relance économique.

* * *

(1410)

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, la compagnie Normex Télécom, qui a été créée il y a maintenant près de 25 ans par son président, M. Jacques Coutellier, vient d'être acquise par la compagnie albertaine In-Flight Phone Canada Inc. Cette acquisition permettra à la compagnie de devenir le chef de file dans le secteur de l'installation de câbles de télécommunication au pays.

Les revenus de Normex, qui étaient de sept millions de dollars en 1995, devraient dépasser les 60 millions de dollars d'ici trois ans grâce à cette transaction et permettre la création de plus de 300 nouveaux emplois dans le secteur de la haute technologie à Montréal même.

Nous nous réjouissons de cette transaction qui réaffirme le leadership de Montréal sur la scène des télécommunications nord-américaines. Nous souhaitons que les Canadiens de tout le pays prennent exemple sur cette transaction et continuent de collaborer entre eux afin de développer une économie plus prospère et plus dynamique pour tous les Canadiens et Canadiennes.

* * *

[Traduction]

L'AGRICULTURE

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Monsieur le Président, le 10 avril, à 5 h 30, des hommes armés ont entouré et envahi l'exploitation agricole des Desrocher, au Manitoba.

On peut se poser la question: La famille abritait-elle des criminels étrangers, se livrait-elle à la contrebande ou était-elle au Canada illégalement? Non. Norman Desrocher avait osé faire l'impensable. Il a vendu son orge aux Américains sans obtenir la permission de l'omnipotente Commission canadienne du blé. Il a fallu 14 agents de l'État, dont un tiers étaient armés jusqu'aux dents, pour saisir un camion de grains qui lui appartient légalement.

Comparez cela à ce qui se passe à la frontière au sud d'Ottawa où des contrebandiers opèrent 24 heures par jour. Est-ce là l'égalité devant la loi? À la frontière avec le Dakota, des agents de l'État terrorisent une famille. À la frontière avec l'État de New York, le gouvernement ne fait rien. Quand ce gouvernement lâche va-t-il commencer à appliquer la loi de la même façon à tous?

* * *

LE PARTI RÉFORMISTE DU CANADA

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, j'ai de mauvaises nouvelles pour les députés aujourd'hui. Selon un récent sondage, commandé par le député d'Edmonton-Sud-Ouest, même les Canadiens de l'Alberta trouvent la philosophie du Parti réformiste extrémiste. Comment expliquer cela?

Est-il possible que les Canadiens considèrent l'étude sur la trique comme étant excessive? Se pourrait-il que le démantèlement du réseau des soins de santé envisagé par le Parti réformiste soit trop dur? Il est intéressant de noter que 64 p. 100 des personnes interrogées ont été impressionnées par notre premier ministre. Par contre, on s'étonne que le sondage reste silencieux sur le chef du Parti réformiste. J'aurais apprécié que les réformistes demandent des explications.

J'ai des mauvaises nouvelles pour les réformistes. Les sondages ne sont pas très doux à leur égard. Le sourire leur viendra peut-être quand ils cesseront de suivre les sondages.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, le Conseil des municipalités régionales de comté de Rivière-du-Loup, Témiscouata, Kamouraska, Des Basques, Rimouski-Neigette, Matane, Pabos, Côte-de-Gaspé et Bonaventure ont acheminé au gouvernement fédéral une demande de retrait pur et simple du projet de loi sur la réforme de l'assurance-chômage.

Les MRC invoquent les impacts négatifs de la réforme proposée par le ministre du Développement des ressources humaines. Les conseils réfèrent alors aux mesures qui affectent les travailleurs saisonniers. Selon les MRC, les règles qui restreignent l'admissibilité ou encore l'exigence de 910 heures pour devenir admissible une première fois à l'assurance-chômage favorisent le travail au noir.

Il ne s'agit donc pas d'agitateurs professionnels, comme l'a laissé entendre le ministre, mais bien de maires de différentes municipalités régionales de comté, représentatifs de la population qui les a élus.

Je crois que le ministre devra comprendre que les régions touchées par la réforme n'accepteront aucun amendement de parure. Le gouvernement devra refaire complètement ses devoirs.

* * *

[Traduction]

LE MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, ceux qui sont fiers de servir dans les forces armées sont dégoûtés de voir le ministre de la Défense nationale faire si peu de cas des principes d'intégrité, de devoir, de respect et de décence. Je rappelle au ministre et à ses collègues libéraux que ce sont justement ces principes qui caractérisent tout homme et toute femme qui

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porte l'uniforme, et non l'irresponsabilité, le mépris et le camouflage qui marquent l'enquête sur la mission en Somalie, dont le ministre refuse d'assumer la responsabilité.

En tant que militaire à la retraite, je peux dire que j'ai vu bien des actes de lâcheté dans les nombreux endroits où j'ai servi, mais ces actes étaient habituellement commis par des ennemis du Canada et non par des Canadiens. Je ne peux approuver les remarques méprisantes du ministre de la Défense nationale qui met en doute la loyauté des députés réformistes envers nos militaires, simplement afin de détourner la critique de sa propre incompétence.

Tant que le ministre ne portera pas l'uniforme, il n'a absolument pas le droit de faire la leçon, à moi ou à un autre député, sur la droiture, l'intégrité ou même le patriotisme.

* * *

(1415)

LE JOUR DE LA TERRE

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, le 22 avril est le Jour de la terre. Des millions de Canadiens participeront à des célébrations et à des événements populaires de St. John's aux Îles du Golfe et à Cambridge Bay.

Le Jour de la terre est un événement d'envergure internationale. Il constitue la plus vaste célébration de la conscience et de l'action écologiques dans le monde. Le Jour de la terre est un jour d'espoir, d'action, de responsabilité et de célébration.

On ne peut trouver de meilleur exemple de célébration et d'espoir que dans l'Ekokids Club. Cette année, l'organisation canadienne du Jour de la terre espère que le nombre des Ekokids Clubs franchira le seuil des 1 000 clubs d'un bout à l'autre du pays. Des milliers d'enfants canadiens ont donné l'exemple en matière d'action écologique. En tant que parents, nous devons soutenir nos enfants. Un environnement propre aujourd'hui assurera la santé des générations à venir.

J'exhorte tous les Canadiens à participer aux célébrations locales du Jour de la terre et à renouveler leur engagement à préserver la planète.

______________________________________________


1658

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le Québec, historiquement, a toujours été pénalisé relativement aux dépenses en recherche et développement du gouvernement fédéral. La preuve en est qu'au cours de la période 1979-1991, le Québec ne recevait que 18,6 p. 100 des dépenses fédérales à ce titre, alors que l'Ontario, pendant ce temps-là, recevait 50 p. 100. Or, ces dépenses sont très créatrices d'emploi et extrêmement stimulantes pour l'économie.

Voilà un domaine dans lequel le Québec souhaiterait obtenir sa juste part. C'est certainement plus structurant au plan économique que nos impôts nous reviennent en recherche et développement qu'en assurance-chômage.

Ma question s'adresse à la ministre des Ressources naturelles. Comment, dans un tel contexte, peut-elle justifier que le choix des priorités de son ministère l'amène à couper le projet tokamak de Varennes, alors que ce faisant, elle accroît l'iniquité dont le Québec fait les frais depuis déjà trop longtemps dans le domaine de la recherche et développement?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit à la Chambre, le gouvernement a dû, à cause d'une grave crise financière, se résoudre à des choix extrêmement difficiles. Il a dû établir des priorités.

Comme notre pays est riche en ressources énergétiques, ce que le député reconnaîtra sûrement, il est malheureusement difficile de considérer la recherche sur la fusion nucléaire comme une priorité. Lorsqu'on m'a demandé de réduire le budget de mon ministère d'environ 60 p. 100 en trois ans et demi, j'ai dû choisir les priorités. Malheureusement, la fusion n'y figure pas.

[Français]

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, comment la ministre peut-elle justifier qu'elle ait décidé de mettre fin à ces investissements dans le projet tokamak sans même avoir consulté ses partenaires, dont le gouvernement du Québec, qui mettent pourtant 50 p. 100 de l'argent dans ce projet-là?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je répète que nous devons faire des choix et établir les priorités. Nous l'avons fait dans le domaine des recherches sur l'énergie.

Je ne dis pas que la recherche sur la fusion n'a pas sa place. Je suis persuadée que ceux qui sont actifs dans ce domaine font de l'excellent travail. Malheureusement, la fusion n'est pas une priorité dans notre pays, étant donné les autres sources d'énergie que nous possédons.

[Français]

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je suis obligé de dire à la ministre qu'au Québec, tout le monde est contre sa décision, et j'en prends pour preuve la résolution unanime de l'Assemblée nationale qui condamne la décision de la ministre. Ce n'est que la deuxième fois cette semaine que le gouvernement fédéral réussit à faire l'unanimité contre lui au Québec.

Comment la ministre peut-elle persister dans sa décision de couper sa participation de 7,5 millions de dollars dans le projet de recherche fondamentale de Varennes où elle a des partenaires, alors qu'en juin dernier, elle ajoutait 15 millions dans le projet TRIUMF en Colombie-Britannique, un projet de recherche fondamentale lui aussi, et où le fédéral est le seul à investir? Pourquoi couper au


1659

Québec où il y a déjà un déficit en recherche et développement et augmenter les investissements ailleurs?

(1420)

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à donner au député l'assurance que mon ministère n'a pas contribué au projet TRIUMPH.

Mais revenons à l'essentiel. Gouverner, surtout en cette période d'austérité, c'est faire des choix et établir des priorités. Nous devons tous le faire, et le gouvernement a établi les siennes.

Mon ministère devait réduire ses dépenses de 60 p. 100. Il a donc dû faire des choix et établir des priorités. Au Canada, la fusion, comme source possible d'énergie, n'est pas une priorité dans les travaux de recherche.

* * *

[Français]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, on apprenait hier soir aux informations que le gouvernement était sur le point d'annoncer une entente avec les provinces Maritimes concernant la taxe sur les produits et services. Cette entente comporterait une compensation de un milliard de dollars versés à ces provinces par le gouvernement fédéral.

Le ministre confirme-t-il l'existence de cette entente et, surtout, le versement d'une compensation de un milliard de dollars aux provinces Maritimes?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes en négociations avec plusieurs provinces. Cela étant dit, il n'y a pas d'entente finale. Lorsque nous allons aboutir à des négociations, je me ferai un plaisir d'en faire l'annonce ici.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, s'il y a effectivement l'existence d'une compensation versée aux provinces Maritimes, le ministre réalise-t-il qu'il demandera aux Canadiens des autres provinces de payer à même leur argent? Il puisera dans leurs poches pour compenser une taxe que les gens des Maritimes, eux, ne paieront plus. C'est tout un cadeau!

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, si jamais il y avait compensation, ce serait une compensation pour des pertes encourues. D'ailleurs, lorsqu'on regarde les programmes d'ajustement du gouvernement fédéral, comme dans le cas du Nid-de-Corbeau, même si c'était des ajustements dans les subventions pour les frais de transport dans les provinces atlantiques et au Québec, on a fait des ajustements.

Ce qu'est un pays, c'est le gouvernement fédéral et les Canadiennes et les Canadiens ensemble qui aident une partie ou une région du pays lorsqu'elle en a besoin. D'ailleurs, est-ce que le député est en train de dire que, lorsqu'il y a eu des compensations au Québec spécifiquement, on aurait dû les refuser? Je crois que c'est une notion assez absurde et certainement pas acceptable pour les Québécois et les Québécoises.

* * *

[Traduction]

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Le chef d'état-major de la défense, M. Boyle, a beau être impliqué jusqu'au cou dans le camouflage du scandale de la Somalie, le ministre de la Défense continue de lui permettre d'agir comme suspect, témoin-vedette, juge et juré dans l'affaire de la Somalie.

Au nom de l'équité et de la justice, le ministre de la Défense demandera-t-il à M. Boyle, qui, de toute façon, n'aurait jamais dû être nommé chef d'état-major de la défense, de quitter son poste jusqu'à ce que l'enquête sur la Somalie soit allée au fond des choses?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, au nom de l'équité et de la justice, le député devrait laisser la commission faire son travail.

Il est assez alarmant de voir un député venir jour après jour à la Chambre et s'en prendre à un fonctionnaire consciencieux qui ne peut pas se présenter à la Chambre pour se défendre.

Le chef d'état-major de la défense pourra donner son point de vue sur toutes les questions qui concernent la Somalie quand la commission commencera ses audiences. C'est ainsi que les Canadiens conçoivent l'administration de la justice, et ce n'est pas le fait de répondre jour après jour aux questions diffamantes du député.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, je ne blâme pas le chef d'état-major de la défense. C'est plutôt le ministre de la Défense nationale que je blâme de ce gâchis.

(1425)

Les Canadiens ne seront pas surpris si le ministre de la Défense nationale ne prend aucune mesure contre son ami Jean Boyle. Le ministre de la Défense nationale et le premier ministre n'auraient pu nommer Boyle chef d'état-major de la défense avec la recommandation du Bureau du Conseil privé.

Le ministre admettra-t-il que le Bureau du Conseil privé avait de sérieuses réserves au sujet de la nomination de Boyle au poste de chef d'état-major de la défense? Peut-il dire à la Chambre quelles étaient ces réserves et pourquoi il n'en a pas tenu compte?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Prési-


1660

dent, la question du député est tout à fait absurde. Je lui demanderais de faire preuve de retenue et de cesser ses horribles attaques personnelles contre un homme qui sert le Canada avec distinction.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, compte tenu de la tentative de camouflage des données intéressant l'enquête sur la Somalie, la commission a dû interrompue ses travaux cette semaine. Les commissaires continuent de s'inquiéter de l'intégrité des documents qu'ils ont reçus du ministère de la Défense et ils s'inquiètent maintenant de la valeur du travail que la commission pourra accomplir.

Quand le ministre reconnaîtra-t-il sa responsabilité pour tout ce scandale et ce camouflage et quand démissionnera-t-il?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, la plupart des Canadiens comprennent que lorsqu'on dit «non», cela veut dire «non». De toute évidence, le Parti réformiste n'arrive pas à comprendre ce mot de trois lettres fort simple: non.

En ce qui concerne la documentation, le ministère s'est conformé au délai imparti par la commission. Celle-ci est en train d'évaluer la réponse du ministère. Je suppose que les commissaires auront des choses à dire à cet égard demain.

La commission devra décider si elle a encore besoin de documents qui sont essentiels à son travail et qui ne lui ont pas encore été communiqués. Ensuite, sa tâche consistera-et je cite son mandat-«à enquêter sur toutes les questions, y compris les accusations de camouflage et de destruction de preuves». Il incombe à la commission de faire enquête et de déterminer ce qui est arrivé à ces documents.

* * *

[Français]

LE CENTRE DE FUSION MAGNÉTIQUE DE VARENNES

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre des Ressources naturelles.

Depuis quelques semaines déjà, le Québec tente de faire entendre raison à la ministre des Ressources naturelles. Dans une lettre datée du 2 avril dernier, trois ministres du gouvernement du Québec rappellent que le Centre canadien de fusion magnétique représente, et je cite: «l'un des plus grands projets scientifiques jamais réalisés au Québec» et ils demandent à la ministre des Ressources naturelles de revenir sur sa décision.

La ministre réalise-t-elle qu'en coupant la participation fédérale de 7,5 millions de dollars au projet tokamak de Varennes, sa décision entraîne la disparition d'une centaine d'emplois en haute technologie au Québec, dont une quarantaine de chercheurs de calibre international dans la région métropolitaine, en plus de compromettre l'avenir d'un centre québécois d'excellence reconnu mondialement?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit à la Chambre, gouverner, c'est aussi établir des priorités et faire des choix difficiles. Malheureusement, les travaux sur la fusion ne constituent pas pour le moment une priorité pour le gouvernement.

Le député parle d'emplois dans le secteur de la technologie de pointe et de retombées pour la province de Québec. Comme je le lui ai déjà signalé un certain nombre de fois, les recherches de l'ÉACL sur le Candu et la vente d'un réacteur Candu sur le marché de l'exportation peuvent représenter des retombées économiques de 100 millions de dollars et de 4 000 heures-personnes pour la province de Québec.

Je le répète, gouverner, c'est faire des choix. Nous avons choisi, notamment, de développer le marché de l'exportation du réacteur Candu. Cela se traduira pour le Québec en d'importantes possibilités économiques et en emplois très spécialisés dans le secteur de la technologie de pointe.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, la ministre nous parle des retombées du Candu au Québec. Elle devrait savoir que ce sont des retombées de 12 p. 100 seulement et c'est bien en deçà de ce que le Québec devrait recevoir en termes de retombées.

(1430)

La ministre ne cesse de parler de priorités. Le Québec en a marre de faire les frais des priorités de ce gouvernement. Le Québec en a marre de voir ce gouvernement faire des économies de bout de chandelle sur son dos.

Compte tenu de l'unanimité manifestée par l'Assemblée nationale du Québec dans une motion adoptée hier, considérant aussi le tort incalculable que la décision de la ministre fait à l'économie du Québec et à son statut international en matière de recherche fondamentale, la ministre acceptera-t-elle de réviser sa décision et de rétablir la subvention fédérale de 7,5 millions de dollars qui sauverait le projet tokamak à Varennes?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, le député parle de notions de juste part et de priorités. Mon ministère dépense 25 p. 100 de son budget de recherche et de développement dans la province de Québec, soit une proportion équivalente à la population de cette province. Nous investissons notamment dans des secteurs énergétiques prioritaires pour notre pays, à savoir, par exemple, l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et l'autonomie énergétique des localités éloignées.

Mon ministère fait plus que sa juste part dans la province de Québec, investissant dans les priorités du gouvernement.

* * *

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, le problème de la TPS a atteint un point critique.


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En faisant du porte-à-porte durant la campagne électorale, les libéraux ont promis que s'ils étaient élus, ils aboliraient la TPS. C'est ce qu'ils disaient alors. La situation est maintenant différente.

Je demande au ministre des Finances de clarifier certaines choses pour les Canadiens et la Chambre. Selon lui, lorsque les libéraux ont fait du porte-à-porte partout au Canada durant la campagne électorale, ont-ils dit aux Canadiens que s'ils étaient élus, ils dépenseraient un milliard de dollars pour installer de manière permanente la taxe la plus décriée de l'histoire canadienne en l'intégrant aux taxes de vente des provinces de l'Atlantique? Est-ce cela qu'il veut faire croire aux Canadiens?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la position que nous avons défendue durant la campagne électorale est énoncée très clairement à la page 20 du livre rouge. J'invite le député à en prendre connaissance. On y parle de faciliter l'administration de la taxe, de simplifier celle-ci, de l'harmoniser avec les provinces, de mieux adapter le régime fiscal aux besoins des consommateurs et des petites entreprises, et c'est bien ce que le gouvernement entend faire.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je ne sais pas si c'est ce que le ministre des Finances veut faire croire aux Canadiens, alors que même les membres de son caucus n'y croient pas et votent contre lui.

Le ministre des Finances sait qu'un grand nombre de libéraux au sein du gouvernement ne seraient pas ici aujourd'hui s'ils n'avaient pas formellement promis qu'un gouvernement libéral supprimerait la TPS.

Pourquoi le ministre des Finances ne demande-t-il pas pardon à la population et pourquoi ne reconnaît-il pas que les libéraux ont fait une promesse qu'ils savaient ne pouvoir tenir?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, selon le député, combien de députés réformistes auraient été élus si la population avait su qu'ils allaient proposer l'an dernier un budget qui charcute l'assurance-maladie?

Combien de députés du Parti réformiste auraient été élus si la population avait su qu'ils voulaient quasiment supprimer les pensions de vieillesse? Combien de députés du Parti réformiste auraient été élus si la population avait su que, en réalité, ce parti est en faveur de pensions de vieillesse pour les riches, mais pas pour les pauvres, et si elle avait su qu'il allait réduire les transferts?

Combien de députés du Parti réformiste auraient été élus si ce parti s'était montré sous son vrai jour et si les divergences qui sont devenues manifestes avaient été claires au moment des élections?

* * *

[Français]

LE LIBAN

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Le conflit s'envenime au Liban. L'armée israélienne a attaqué aujourd'hui un camp de réfugiés qui se trouvait sous la protection de l'ONU. Soixante-huit personnes auraient été tuées, en majorité des civils, dont des enfants et aussi des Casques bleus. Israël a admis par contre avoir commis une erreur. Il n'en demeure pas moins que de telles erreurs sont impardonnables et risquent de se reproduire tant que le conflit perdurera.

(1435)

Le ministre des Affaires étrangères compte-t-il intervenir auprès du gouvernement d'Israël, et ce, dans les plus brefs délais, afin d'exiger un cessez-le-feu immédiat?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, au nom du gouvernement du Canada et du peuple canadien, je veux transmettre notre sympathie et notre profond regret aux familles des victimes et au peuple du Liban. Pour le Canada, les attaques de ce matin qui ont causé la mort de civils, dont des enfants et des membres de la mission de paix de l'ONU, sont inacceptables.

Nous avons convoqué une réunion avec le chargé d'affaires d'Israël pour transmettre ce message. Nous avons demandé un cessez-le-feu, la cessation du conflit et le renforcement du processus de paix au Liban.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, est-ce que le ministre peut s'engager à intervenir auprès de l'ONU afin que le Conseil de sécurité propose un plan de paix durable à Israël et au Liban?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je remercie la députée de sa suggestion. Le Conseil de sécurité examinera cet après-midi une résolution de l'Égypte à ce sujet.

Le Canada n'est pas membre du Conseil de sécurité à l'heure actuelle. Toutefois, je vais certainement demander à notre ambassadeur là-bas de faire connaître la position du gouvernement du Canada telle que je l'ai énoncée.

Lundi, se tiendra au Luxembourg une réunion de tous les ministres des affaires étrangères des gouvernements qui ont participé à la réunion de Sharm el Sheikh il y a un mois. Un certain nombre de pays arabes, Israël, les Palestiniens et nous-mêmes seront présents à cette réunion.

Nous profiterons de l'occasion pour exprimer notre vive inquiétude concernant ces attaques, pour prendre des mesures visant à contrer le terrorisme, pour promouvoir la paix et pour proposer d'offrir aux autorités palestiniennes et à Israël le genre d'aide que mon collègue, le ministre de la Coopération internationale, est en train de mettre au point afin de favoriser le processus de paix en Cisjordanie.

* * *

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, lorsqu'il était candidat à la direction du Parti libéral, le ministre des Finances a dit qu'il éliminerait la TPS. Il a ajouté le 6 mars 1990 que


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ce serait difficile à faire si la taxe fédérale était intégrée aux taxes provinciales.

Si l'harmonisation n'était pas une bonne chose à ce moment-là, pourquoi l'est-elle maintenant?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, l'harmonisation crée manifestement une meilleure taxe pour les consommateurs et les petites entreprises.

Avec une taxe harmonisée, on a encore toute la flexibilité nécessaire pour administrer le régime fiscal, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial.

Je ne peux pas croire que le député veuille vraiment que nous nous abstenions de rationaliser le système, de réduire les coûts, de nous doter d'un régime fiscal infiniment plus efficace qui nous permettra certainement de mieux soutenir la concurrence étrangère et non intérieure.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je suppose que la version abrégée de cette réponse est que le ministre voit maintenant plus clair.

Les provinces de l'Atlantique n'ont pas toutes accepté d'emblée l'harmonisation. Les députés de l'assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard réclament une étude plus approfondie de la question parce que, et je cite: «Une taxe harmonisée élargirait l'assiette fiscale puisqu'elle s'appliquerait à certains produits et services qui sont actuellement exonérés de la taxe de vente provinciale, comme l'électricité, le mazout, les médicaments, certains types de vêtements et de chaussures, le matériel pour les personnes handicapées et les manuels scolaires.»

Est-ce là ce que le ministre des Finances veut faire, taxer les personnes handicapées?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il suffit d'examiner la TPS pour voir que les personnes handicapées et les personnes à faible revenu ont droit à certains remboursements. C'est un des avantages de la TPS par rapport aux taxes de vente provinciales.

Monsieur le Président. . .

(1440)

M. Silye: Ne vous étouffez pas.

M. Martin (LaSalle-Émard): Le voyage en Thaïlande a été difficile.

Une voix: Oh, oh!

Mme Grey: Que s'est-il passé en Chine?

M. Martin (LaSalle-Émard): Je suis désolé, Jim, mais les choses sont en train de se gâter autant pour vous que pour moi.

Le président suppléant (M. Kilger): Restez à l'écoute. Nous aurons peut-être la suite un jour.

[Français]

LA GARDE CÔTIÈRE

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Les intervenants continuent de s'opposer à la nouvelle politique de tarification de la Garde côtière. Un des points majeurs soulevés par la majorité des intervenants est la baisse de la compétitivité de notre industrie maritime par rapport aux États-Unis, si le ministre va de l'avant sans mesurer les impacts de sa nouvelle tarification.

La vice-première ministre reconnaît-elle que la politique de tarification des services de la Garde côtière ne s'appliquera pas aux navires qui passeront par le fleuve Saint-Laurent et sa voie maritime pour aller décharger leur cargaison dans les ports américains des Grands Lacs?

[Traduction]

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le ministère agit sur la base de consultations très poussées auprès de l'industrie et en vertu du principe que l'utilisateur-payeur est celui qui décide.

Je rappelle cependant à la Chambre et au député que cette question fait l'objet d'une enquête de la part d'un comité parlementaire qui siège présentement. Il doit terminer cet après-midi de longues auditions de témoins provenant de toutes les régions du pays et entamer la rédaction de son rapport ce soir.

Le ministre s'est engagé à attendre d'avoir le rapport en main avant de prendre des décisions. Le gouvernement ne respecterait pas les règles de courtoisie envers la Chambre et ses comités parlementaires s'il devançait le rapport. Nous devrions donc attendre que le ministre ait lu le rapport avant de faire d'autres déclarations.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, vous me permettrez quand même d'adresser une seconde question à la vice-première ministre, puisque le haut commissaire, lui, continue à distribuer son grain de sel sur le dossier.

Puisque les navires qui iront aux États-Unis n'auront aucun tarif à payer alors que ceux qui iront dans les ports canadiens se feront imposer des frais, la vice-première reconnaît-elle que sa nouvelle tarification risque de détourner le trafic maritime en direction des ports américains?

[Traduction]

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je répéterai de façon plus succincte ce que je viens de dire. La question est irrecevable. Un comité parlementaire est actuellement saisi du sujet. Son rapport va être présenté et le ministre doit entretemps attendre selon les règles.

Les témoignages recueillis par le comité ne semblent toutefois pas corroborer les faits présentés par le député.

* * *

L'ENVIRONNEMENT

L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.


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L'Institut des eaux douces de Winnipeg et le Centre canadien des eaux intérieures de Burlington devront composer avec d'importantes compressions budgétaires, ce qui menace une des plus précieuses ressources du Canada, nos réserves d'eau douce.

Le ministre peut-il s'engager à maintenir au niveau de 1993-1994 le financement de ces deux institutions de renommée internationale qui sont spécialisées dans l'étude de l'eau douce?

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Davenport de sa question.

Tout le monde à la Chambre reconnaît le niveau de distinction que confèrent au député ses longs états de service.

Des voix: Bravo!

M. McWhinney: Personne n'a su mieux que lui défendre avec éloquence à la Chambre et dans les tribunes internationales les principes de la protection de l'environnement et de la conservation des ressources naturelles limitées.

Le député doit comprendre que l'objectif prioritaire du gouvernement est de réduire le déficit et d'équilibrer le budget. Notre trésorier a présenté un magnifique budget qui a suscité l'approbation générale. Ce budget exige toutefois qu'on pratique des coupes dans tous les secteurs de tous les ministères.

(1445)

Dans cet ordre d'idées. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Malgré tout le respect que je dois au député, je donne maintenant la parole au député de Skeena.

* * *

LES PÊCHES

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse également au ministre des Pêches et des Océans.

Le gouvernement du Canada a consenti, au cours de la dernière décennie, des centaines de millions de dollars pour les pêches de la côte est dans le cadre de toute une gamme de programmes.

Récemment, le ministre a annoncé un programme de rachat de licences de 80 millions de dollars pour la Colombie-Britannique. Il sait que pratiquement tout cet argent a été versé par les pêcheurs de la côte ouest, depuis 25 ans, pour payer les augmentations de droits de licences.

Est-ce que le ministre des Pêches pourrait expliquer la disparité de traitement entre l'industrie des pêches de la côte est et celle de la côte ouest, compte tenu du fait qu'on a consenti des milliards de dollars à la côte est et seulement 80 millions de dollars à la côte ouest, ce dernier montant représentant simplement un remboursement des sommes payées par les pêcheurs?

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, la situation de la côte ouest n'est la même que celle de la côte est. Sur la côte est, l'industrie menace de disparaître et quelque 40 000 emplois risquent d'être perdus. La côte ouest, elle, vit une crise en 1996, mais on espère que l'industrie reprendra en 1997 et 1998.

Les mesures que le gouvernement a prises font suite aux conseils formulés à l'occasion d'une table ronde réunissant quelque 70 personnes qui représentaient tous les secteurs de l'industrie. Nous avons estimé que c'était suffisant pour traverser cette période difficile.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, je me demande si le ministre a essayé de déterminer combien d'emplois seront perdus sur la côte ouest à cause de ce plan.

Il y a ici une délégation de personnes de la Colombie-Britannique qui représente un demi-million d'habitants inquiets de leur avenir et de l'avenir de leurs collectivités, à cause du plan du ministre. Ces gens participaient à la table ronde et ont dit sans équivoque que l'on n'avait tenu aucun compte de leurs recommandations.

Est-ce que le ministre pourrait expliquer comment il se fait que, alors qu'il prétend que de vastes consultations ont été menées auprès de toutes les personnes intéressées, il y a ici une délégation représentant un demi-million d'habitants de la Colombie-Britannique qui demandent qu'il retire ce plan? Va-t-il les écouter et s'exécuter?

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir dire au député que j'ai rencontré cette délégation aujourd'hui, au nom du ministre. Je pense que, après un certain nombre d'années d'expérience à l'extérieur du Parlement, je suis capable d'écouter ce que les gens ont à dire.

Le gouvernement s'inquiète du sort de l'industrie sur la côte ouest. Des mesures sont prises d'urgence pour mater la situation en 1996. Le plan que nous avons mis en oeuvre et au sujet duquel nous continuons à recevoir des conseils et même à les rechercher, améliorera la situation pour 1997 et 1998.

* * *

[Français]

M. TRAN TRIEU QUAN

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Le citoyen canadien Tran Trieu Quan croupit toujours en prison au Vietnam. Nous apprenions, ce matin, que le bureau du premier ministre savait où se trouvait Paul Morgan. De plus, la compagnie Excel Cotton appartenant à M. Morgan avait déposé ses états financiers en janvier dernier au ministère de l'Industrie du Canada.

Alors que l'actuel ministre des Affaires étrangères et son prédécesseur ont affirmé, depuis plus d'un an, qu'ils s'occupaient de cette


1664

affaire, pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il caché à la famille Quan et aux autorités vietnamiennes qu'ils savaient où se trouvait M. Morgan?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement ne cache absolument rien. Nous partageons toutes les informations dont nous disposons avec les avocats de la famille, la famille elle-même et les autorités respectives.

C'est une affaire très grave. J'ai écouté avec désarroi les déclarations du député qui cherche à déformer les faits, au lieu d'essayer de trouver une solution.

(1450)

Si nous voulons trouver une solution à ce problème, nous devons unir nos efforts et pas chercher, comme le fait le député, à provoquer une réaction fondée sur des faits erronés.

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Affaires étrangères s'apprête, semble-t-il, à annoncer la nomination d'un conseiller spécial pour s'occuper des cas tel celui de M. Quan. Son collègue, le président du Conseil du Trésor, affirmait hier, quant à lui, que le gouvernement fédéral ne pouvait rien faire de plus dans ce dossier.

Quelle crédibilité pouvons-nous accorder aux supposées initiatives du ministre, quand son collègue le contredit et quand le gouvernement continue toujours à développer le commerce avec le Vietnam sans exiger que les droits de la personne y soient respectés, comme c'est le cas pour M. Quan?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, chaque année, quelque quatre ou cinq millions de Canadiens se rendent à l'étranger pour toutes sortes de raisons. Quand ils ont besoin d'aide, nos services consulaires sont, dans la plupart des cas, à même de leur fournir. Il arrive cependant qu'il y ait des cas très difficiles où les lois et règlements du pays entrent en jeu.

C'est pourquoi j'annonce aujourd'hui la nomination d'un conseiller spécial en affaires consulaires qui aura la responsabilité de s'occuper activement, pour le compte du gouvernement, de dossiers comme l'affaire Quan ou l'affaire Spencer-Lamont. Cette initiative montre, comme tout le reste, que nous sommes réellement résolus à veiller à ce que les droits des Canadiens qui se rendent à l'étranger soient pleinement protégés.

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, mardi, la vice-première ministre a déclaré que la politique du gouvernement du Canada visait à protéger le Régime de pensions du Canada pour les aînés et à assurer sa viabilité à long terme. Hier, le ministre du Développement des ressources humaines a réaffirmé cette politique.

Toutefois, à la page 1.18 des Comptes publics, on peut lire: «Les pouvoirs du gouvernement pour verser les pensions et les prestations se limitent au solde du compte.»

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Le gouvernement est-il prêt à faire ce qu'il dit et à respecter son engagement envers le Régime de pensions du Canada en faisant état, dans les Comptes publics du Canada, du passif non capitalisé de 500 milliards de dollars?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement du Canada établit ses comptes selon une méthode conforme à la tradition, bien entendu, et conforme aussi aux principes de comptabilité généralement reconnus qui sont établis par le vérificateur général. Nous continuerons de présenter nos comptes de cette façon.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Quelle réponse éloquente, monsieur le Président.

Ce que je veux dire, c'est que, verbalement, le gouvernement prend toutes sortes d'engagements, mais que, lorsqu'on examine les Comptes publics de près, on constate qu'il y a plein d'échappatoires lui permettant de ne pas tenir ses engagements et de ne pas respecter ses obligations envers la population.

Le ministre des Finances peut-il sauvegarder le Régime de pensions du Canada pour les aînés et préserver leur confiance à l'égard de ce régime, en indiquant le montant du passif non capitalisé dans les Comptes publics du Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de ses commentaires concernant mon éloquence. J'avais bien besoin d'un compliment après ma réponse au député de Calgary.

Le gouvernement appuie entièrement le Régime de pensions du Canada. Le passif non capitalisé, dont parle le député, est le résultat naturel d'un régime financé au fur et à mesure. Évidemment, parmi toutes les options à l'étude, la commission examine la possibilité d'augmenter considérablement le financement et nous en discuterons avec les provinces.

Le point fondamental, c'est que le gouvernement procède à des consultations parce qu'il appuie le Régime de pensions du Canada. Il croit que ce régime est important pour tous les Canadiens, et pas seulement pour les riches. Il appuie le régime parce qu'il ne souscrit pas à la position du Parti réformiste, qui veut réserver les pensions aux riches et laisser les pauvres dans la pauvreté.


1665

[Français]

LE LIBAN

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Des milliers de citoyens canadiens d'origine libanaise vivent dans la tristesse et avec un sentiment de désespoir, aujourd'hui, à cause des événements au Moyen-Orient. Leurs leaders locaux m'ont approché.

(1455)

Je demande au ministre s'il a l'intention de communiquer avec ses homologues d'Israël et du Liban pour dénoncer ce carnage, d'insister pour un cessez-le-feu, et surtout et finalement, pour l'application de la résolution 425 qui date de 1978.

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, comme l'honorable député le sait, j'ai eu une réunion avec les porte-parole du Liban et, à ce moment-là, je leur ai exprimé le grand souci du gouvernement canadien relativement aux événements qui se produisent au sud du Liban.

Nous essayons de prendre toutes les mesures nécessaires. Aujourd'hui, j'ai écrit au ministère des Affaires étrangères d'Israël pour exprimer la position du Canada contre les attaques sur les civils au sud du Liban.

En même temps, je voudrais souligner l'appui du Canada à la résolution 425 du Conseil de sécurité de l'ONU.

* * *

LES FROMAGES DE LAIT CRU

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé.

Le ministre de la Santé et les gens présents hier à la dégustation de fromages faits à base de lait cru, organisée par le Bloc québécois et des représentants de cette industrie, ont pu constater l'excellence des différents produits actuellement sur le marché. À cet égard, je remarque avec plaisir que le ministre de la Santé se porte bien.

Des voix: Bravo!

Mme Picard: Est-ce que le ministre se rend compte que la consommation du fromage de lait cru, selon les données de son propre gouvernement, n'a causé aucun cas d'intoxication au Canada, alors que plusieurs aliments en ont causé, dont les choux en Nouvelle-Écosse? Est-ce que le ministre va aussi interdire la vente de choux provenant de la Nouvelle-Écosse?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, hier j'ai accepté l'invitation de ma collègue. Effectivement, j'ai pris part à une très bonne réception organisée par les fromagers du Québec. De plus, j'ai bu un bon vin de la Nouvelle-Écosse en compagnie de ma collègue.

Les effets secondaires, on les percevra peut-être dans la réponse que je suis en train de fournir. Les données que nous avons obtenues auprès de nos spécialistes ont maintenant été remis aux milieux scientifiques et aux experts. Ils vont les examiner. Après quoi, nous serons en mesure de prendre une décision à ce sujet.

Je tiens à remercier la députée d'avoir porté ce dossier à notre attention. Je suggérerais néanmoins à ma collègue et aux autres députés de faire preuve de modération dans leurs propos pour que nous puissions prendre la décision qui soit la plus judicieuse pour l'ensemble des Canadiens.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, est-ce que le ministre va se rendre compte qu'il n'y a pas de problème avec le fromage de lait cru, que les normes actuelles sont fort adéquates et que le véritable problème, c'est les bibites de ses fonctionnaires qui n'ont rien de mieux à faire que d'embêter les gens pour justifier leur emploi?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, la députée revient à la charge. En tant que ministre de la Santé, il est de mon devoir, lorsque des données et des preuves scientifiques me parviennent, de les communiquer à la population canadienne et de prendre, sur la base de ces données, les mesures qui s'imposent.

À mon avis, aucun ministre de la Santé, aussi bien à l'échelon fédéral qu'à l'échelon provincial, ne saurait jeter de telles données scientifiques à la poubelle. Il faut absolument les étudier. Nous nous pencherons donc sur ces données en compagnie de toute une brochette d'experts, après quoi nous prendrons, sur la base de ces données scientifiques, la décision qui s'impose.

* * *

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances a déclaré une fois dans sa carrière qu'il voudrait éliminer la TPS. Lorsqu'on lit les petits caractères du livre rouge, on s'aperçoit qu'il n'en est pas question.

Le ministre des Finances a déclaré aujourd'hui à la Chambre que le gouvernement voulait garantir le Régime de pensions du Canada. Or, il suffit de lire les Comptes publics pour s'apercevoir que ce n'est pas tout à fait le cas.

(1500)

Que va faire le ministre des Finances pour assurer aux pensionnés de tout le Canada que leur pension du Canada va être garantie par le gouvernement et le ministre, et ce, vraisemblablement par écrit?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de voir que le député s'intéresse au maintien du Régime de pensions du Canada. C'est pour cette raison

1666

que nous avons établi, de concert avec les provinces, le processus de consultation qui est maintenant en cours.

Comme le député le sait, on examine un certain nombre de solutions dans le cadre de ce processus de consultation et l'une d'elles consiste, c'est évident, à accroître sensiblement les fonds pour qu'on passe d'une réserve de deux ans à peine à une réserve beaucoup plus importante, ce qui pourrait fort bien être la solution que retiendront les provinces et le gouvernement fédéral. C'est prématuré, mais c'est l'une des choses dont on discute.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances peut-il nous préciser que, dans les Comptes publics qui suivront, on consignera ce passif non capitalisé et que le gouvernement est prêt à l'accepter à long terme, contrairement à la situation actuelle où il n'y a aucun engagement à ce sujet, ni dans les Comptes publics, comme on l'a fait remarquer, ni de la part du ministre des Finances du Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il est très clair que nous attachons beaucoup d'importance au Régime de pensions du Canada. Le gouvernement a déclaré sans équivoque que les jeunes d'aujourd'hui pourraient compter sur le Régime de pensions du Canada dans leurs vieux jours. C'est l'objet de la consultation.

Je crois que la question du député va beaucoup plus loin, qu'il parle de la façon dont on présente les comptes du gouvernement ou de tout autre gouvernement. C'est un débat valable de déterminer les dettes en souffrance de n'importe quel gouvernement national ou provincial du Canada ou d'ailleurs. C'est certes un débat dans lequel nous sommes prêts à nous engager. C'est précisément pour traiter ce genre de problèmes que le gouvernement s'attaque non seulement aux problèmes que connaît le Canada à l'heure actuelle, mais qu'il prévoit également ceux qui se poseront dans les décennies à venir.

* * *

PARCS CANADA

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, la ministre du Patrimoine, qui est chargée des parcs nationaux et des sites historiques du Canada, s'apprête à mettre en oeuvre un nouveau programme de prise en charge par les employés, programme qui ne fera qu'occasionner une hausse des coûts, une réduction du service, une baisse des salaires et des pertes d'emplois pour des centaines d'employés dévoués de Parcs Canada ayant de longs antécédents de service.

Comme la ministre sait que ces employés n'appuient pas ce programme et que, s'il échoue, l'existence même de certains de nos parcs et de nos sites historiques sera menacée, est-elle disposée à remettre à plus tard ces projets imprudents, du moins jusqu'à ce qu'elle ait obtenu la preuve manifeste qu'on appuie sa proposition?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, lors d'une réunion que j'ai tenue hier avec mon sous-ministre adjoint en réponse aux préoccupations qu'ont exprimées des employés au sujet de leur avenir, j'ai émis une directive pour que nous envisagions un certain nombre d'options.

La première option serait de tenter de réaliser d'autres économies, comme on le demandait dans l'examen des programmes, économies qui pourraient provenir de l'interne. La deuxième option consisterait à étudier un certain nombre de propositions présentées par des employés désireux de se porter acquéreurs. La troisième possibilité serait d'examiner l'éventualité d'une commercialisation complète des services, ce qui garantirait aux employés non seulement leurs emplois à long terme, mais également leur statut syndical actuel. Le gouvernement examine ces trois options.

Le Canada a été le premier pays à se doter d'un réseau de parcs nationaux, et je n'ai certes pas l'intention d'être celle qui y touchera.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Ceci conclut la période de questions orales pour aujourd'hui. C'est maintenant la question du jeudi.

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, comme c'est la coutume, je demande quel est le menu législatif pour la semaine qui vient. Je le demande habituellement au leader du gouvernement à la Chambre ou à son adjoint, mais aujourd'hui, je laisse la chance à tout le monde de répondre.

[Traduction]

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si c'est nécessaire, demain et lundi, la Chambre poursuivra l'étude, à l'étape de la troisième lecture, du projet de loi C-11 constituant le ministère du DRH.

Quand cette étude sera terminée, nous passerons à l'étude, à l'étape de la troisième lecture, du projet de loi C-18 concernant la réorganisation du ministère de la Santé, ainsi que du projet de loi C-19 sur le commerce intérieur.

Si nous terminons ces travaux, nous entreprendrons le débat, à l'étape de la deuxième lecture, des mesures dont nous avons discuté avec les gens d'en face, mais nous devrons d'abord nous entendre sur l'ordre précis de ces travaux.

(1505)

Mardi sera une journée d'opposition. Également mardi, le gouvernement entend présenter le projet de loi sur la mise en oeuvre du budget, dont nous voudrions entamer le débat à l'étape de la deuxième lecture mercredi.

______________________________________________


1666

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-11, Loi constituant le ministère du Développement des ressources


1667

humaines et modifiant ou abrogeant certaines lois, soit lu pour la troisième fois et adopté, ainsi que de l'amendement.

M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je suis fier de pouvoir intervenir au sujet du projet de loi C-11.

Comme les députés le savent, cette mesure législative traite essentiellement de questions administratives concernant la formation de Développement des ressources humaines Canada, ou DRHC.

Le gouvernement s'étonne que le Bloc Québécois décide tout à coup de s'en prendre à cette mesure. Elle n'a pourtant rien de menaçant. Elle ne prévoit aucun nouveau pouvoir et réitère simplement le mandat existant de DRHC.

Si je comprends bien, les gens d'en face s'inquiètent surtout des articles 6, 20 et 21 du projet de loi. Commençons par l'article 6.

Cette disposition porte strictement sur le mandat du ministère. Il semble y avoir une méprise voulant que l'article 6 permette au gouvernement du Canada d'empiéter dans des domaines de compétence provinciale. Ce n'est vraiment pas le cas.

Les députés qui forment la loyale opposition de Sa Majesté voient dans ce projet de loi des choses qui n'y sont pas. S'ils lisaient attentivement la mesure, ils verraient que la disposition limite les pouvoirs du ministre de la façon suivante, et je cite: «[. . .] à tous les domaines de compétence du Parlement. . .» Cela me semble clair. La disposition n'accorde pas au ministre des pouvoirs qui s'étendent à des domaines de compétence provinciale; elle fait tout le contraire.

Rien, dans l'article 6, ne concerne les programmes existants. Il regroupe simplement les mandats des quatre anciens ministères qui constituent maintenant DRHC. Il n'y a là aucun subterfuge pour saper les lois provinciales.

Le gouvernement ne juge pas nécessaire de faire perdre au Parlement son temps précieux en précisant dans le projet de loi tous les détails de tous les programmes qui relèvent du ministère. Même si nous l'avions fait, quelque chose me dit que les députés d'en face n'auraient tout de même pas été satisfaits.

L'article 6 du projet de loi énumère les objectifs fondamentaux du ministère: améliorer le marché de l'emploi et promouvoir l'égalité et la sécurité sociale. Ces objectifs relèvent clairement des compétences du gouvernement du Canada.

Les députés ont aussi des réserves au sujet de l'article 20. Celui-ci permet au ministre de conclure des accords avec les provinces, des institutions financières ou d'autres organismes. L'article 20 est une disposition qui a été adaptée à partir de l'article 7 de la Loi sur le ministère et sur la Commission de l'emploi et de l'immigration, de l'article 6 de la Loi sur le patrimoine et l'article 5 de la Loi sur le ministère du Travail. L'article 20 du projet à l'étude ne permettra au ministre de conclure que des accords semblables à ceux conclus par le passé.

Ainsi, en 1991, le ministre de l'Emploi a signé un accord avec le gouvernement du Québec reconnaissant la Société québécoise du développement de la main-d'oeuvre et le rôle vital qu'elle joue dans la formation de la main-d'oeuvre au Québec.

Les députés d'en face n'en pensent pas moins, semble-t-il, que l'article 20 accorde des pouvoirs discrétionnaires trop vastes au ministre. Selon eux, ce sont des pouvoirs excessifs permettant de conclure des accords qui empiéteront sur tous les champs de compétence provinciale. Ce n'est assurément pas le cas.

Examinons de plus près le libellé de l'article 20, qui dit clairement que ces accords visent à faciliter l'élaboration de programmes «relatifs aux attributions énoncées à l'article 6». Cet article énonce le mandat du ministre. Il ne comporte rien de neuf et ne crée aucun nouveau pouvoir.

(1510)

Les députés de la loyale opposition de Sa Majesté peuvent sûrement comprendre que les pouvoirs discrétionnaires du ministre sont limités par la mission du ministère.

Le projet de loi stipule clairement que les attributions du ministre se limitent aux domaines de compétence du Parlement. Par conséquent, l'article 20 n'autorise absolument pas le ministre à empiéter sur les domaines de compétence provinciale.

L'article 20 autorise DRHC à signer des contrats avec d'autres organismes. Le ministère ne pourrait pas fonctionner sans ce pouvoir. Le ministère a signé des milliers de contrats et d'accords avec de nombreux organismes, dont l'exemple que j'ai déjà évoqué, et avec des organismes du Québec. Le ministère a même conclu des accords avec le gouvernement du Québec pour aider les chômeurs québécois à réintégrer le marché du travail.

Au cours de l'exercice 1994-1995, nous avons signé plus de 50 000 contrats concernant le marché du travail dans la province de Québec. En vertu de ces contrats, nous avons investi un total de 695 millions de dollars au titre du financement des programmes et du soutien du revenu. Cela s'est fait dans le cadre de la loi existante. Le projet de loi C-11 ne fait prolonger ces arrangements.

Comme je l'ai souligné, l'article 20 ne servira pas à passer outre à l'autorité des gouvernements provinciaux ou à empiéter sur leurs domaines de compétence.

Le troisième article qui empêche apparemment les députés d'en face de dormir la nuit est l'article 21. Je ne sais pas pourquoi, car cet article stipule simplement que le ministre peut déléguer ses attributions, notamment au ministre du Travail. Cet article autorise également le ministre à déléguer ses attributions afin de faciliter la prestation de services à guichet unique, un élément clé du réseau de prestation des services du ministère du développement des ressources humaines.

Il s'agit en fin de compte de fournir aux Canadiens un accès plus simple et plus rapide aux programmes et aux services de DRHC. La prestation des services à guichet unique est un moyen plus flexible et plus efficace d'atteindre cet objectif.


1668

Au moment où je parle, à Alma, la ville natale du premier ministre du Québec, DRHC, la SQDM, les municipalités locales et les clubs locaux travaillent en partenariat dans le cadre d'un système de prestation des services à guichet unique. C'est un projet parmi plusieurs autres de même nature que nous avons mis en oeuvre avec le gouvernement du Québec. Si le gouvernement du Québec est disposé à travailler avec nous, ce dont nous nous réjouissons, je ne comprends pas pourquoi les députés de la loyale opposition de Sa Majesté trouvent ces arrangements si choquants.

Autre sujet de préoccupation, la Partie II du projet de loi concernant la Commission de l'emploi et de l'assurance du Canada. Elle prévoit des mesures énergiques pour aider les chômeurs canadiens se trouvent rapidement du travail. Cela fait partie de notre programme global de lutte contre les causes profondes du chômage.

C'est ainsi que le ministre discute actuellement de nouvelles dispositions avec les provinces. Toutefois, ces ententes n'empiéteront pas sur les secteurs de compétence provinciale. Au contraire, le ministre a bien précisé que le gouvernement fédéral se retirera complètement du domaine de la formation de la main-d'oeuvre compte tenu de la responsabilité provinciale dans ce domaine. Cela se fera sur au plus trois ans, les détails devant être mis au point de concert avec chacune des provinces.

Le gouvernement fédéral contribuera au financement des programmes de perfectionnement, sous réserve de l'accord des provinces. En outre, le gouvernement fédéral mettra en place, en collaboration avec chacun des gouvernements provinciaux, de nouvelles ententes taillées sur mesure en fonction des besoins et de la situation du marché du travail dans chaque province.

Le gouvernement du Canada va évidemment assumer ses responsabilités constitutionnelles. Nous allons continuer à avoir compétence en ce qui concerne le régime national d'assurance-emploi et la dimension nationale de nos marchés du travail.

Si cela ne suffit pas à rassurer le parti d'en face, je rappellerai que, au cours du débat sur le discours du Trône, le premier ministre a déclaré que le gouvernement fédéral était en outre disposé à se retirer de secteurs comme la formation de la main-d'oeuvre, l'exploitation forestière, les mines et les loisirs qui, au XXIe siècle, devront plutôt relever des provinces, des municipalités ou du secteur privé.

(1515)

Bref, je dirai aux députés d'en face que le projet de loi C-11 ne prévoit nullement la centralisation des programmes nationaux par le gouvernement fédéral, mais traite strictement de leur administration. J'exhorte la Chambre à adopter ce projet de loi afin que nous puissions passer à des questions plus urgentes, comme le souhaitent, j'en suis sûr, tous les Canadiens, y compris ceux du Québec.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, pourrais-je avoir l'appui gentil du député de Kingston et les Îles? Parce que cela va me motiver dans mon discours. J'aurais souhaité intervenir sur un projet de loi qui se serait davantage préoccupé de lutter contre la pauvreté.

Je me disais, en quittant mon bureau et en venant ici à la Chambre, que le ministre du Développement des ressources humaines, en lieu et place de nous proposer un projet de loi qui reprend un projet de loi qui avait été pour l'essentiel dénoncé par à peu près toutes les forces vives du Québec, l'ancien projet de loi C-96, combien ce ministre aurait été plus attachant, combien il aurait eu notre amitié, s'il avait déposé un projet de loi qui aurait eu deux objectifs.

Le premier objectif aurait été de prendre des mesures pour lutter contre la pauvreté et le deuxième aurait été de rétrocéder les quelque 25 programmes qui se posent en duplication avec les mesures qui existent déjà au Québec en matière de formation de la main-d'oeuvre et qui font en sorte que quelque 250 millions de dollars sont gaspillés et non utilisés à des fins optimales et efficientes.

Pourquoi parler de la pauvreté en 1996? Pourquoi parler de la pauvreté nous, parlementaires, à un moment où le ministre s'apprête à proposer un projet de loi centralisateur? Je voudrais vous rappeler qu'il y a quelques jours, un rapport est, à toutes fins pratiques, passé assez inaperçu du côté des ministériels. Il s'agit d'un rapport statutaire, annuel, déposé par le Conseil national du bien-être social et dans lequel, je crois que c'est important de le rappeler, on disait que, globalement, on n'est pas dans une société où il y a de moins en moins de pauvres.

On peut, du côté de la majorité, faire comme si la question ne se posait pas, mais dans la réalité des faits, pour tous ceux qui ont une conscience sociale, et Dieu sait que l'opposition n'en n'est pas dépourvu, il y a une réalité qui se pose, c'est qu'on est dans une société où même si les gens vivent de plus en plus longtemps, il reste qu'il y a de plus en plus de gens qui sont pauvres.

À l'instant où on se parle, quand on parle de la pauvreté-c'est-à-dire les gens qui doivent utiliser 56 p. 100 de leur revenu pour les besoins de base, tels l'alimentation, le vêtement et le loyer-dans la société canadienne, selon Statistique Canada, on est considéré comme pauvre lorsqu'on est un Canadien qui habite dans une grande ville et où on doit consacrer 56 p. 100 de son revenu à l'habillement, à l'alimentation et au logement.

Lorsqu'on regarde les taux de pauvreté, on constate par exemple que si dans les années 1980, il y avait 15 p. 100 de gens pauvres dans la société canadienne, il reste qu'on se retrouve, 14 ans après, avec 16,6 p. 100 de gens qui continuent à vivre avec des problèmes extrêmement importants et qui continuent à être assimilés à des normes de pauvreté.

Comment se fait-il que le ministre, que ce gouvernement ne soit pas préoccupé par cette question? Laissez-moi vous rappeler comment le Conseil national de bien-être social commençait son exposé en disant, et je sais que cela peut rejoindre la sensibilité de certains parlementaires, mais n'oublions pas comment commençait la conférence de presse et, par voie de conséquence, le communiqué du Conseil national de bien-être social, qui disait: «Les gouvernements devraient ajouter la lutte contre la pauvreté à leur liste de priorités économiques immédiates.»

C'était quand, la dernière fois que vous avez entendu, l'un ou l'autre des membres de ce Conseil des ministres suggérer, s'élever


1669

en faux contre le fait que l'on soit dans une société où malgré l'abondance des ressources, malgré les nouvelles technologies de production, malgré un produit national brut à hauteur de 750 milliards de dollars, comment se fait-il que l'on tolère cela, comment se fait-il que ce gouvernement libéral tolère cela? Cela veut dire quelque chose, en philosophie, d'être libéral. Qu'ont-ils fait, ces libéraux, lorsqu'ils nous appelaient, dans les années 1960, à vivre dans une société de plus en plus juste? Qu'est-ce que ça veut dire pour les gens qui forment ce gouvernement, en 1996, de vivre dans une société de plus en plus juste, si on tolère des taux de pauvreté à hauteur de 16 p. 100?

(1520)

Le Conseil national du bien-être social, que le gouvernement s'apprête à museler par le projet de loi C-11, comme on y fera allusion plus tard, nous rappelle que c'est 4,8 millions de gens qui vivent au seuil de la pauvreté. Ces statistiques doivent nous faire comprendre que la pauvreté, comme d'autres phénomènes dans la société, n'est pas également répartie.

Les gens qui sont le plus durement frappés par la pauvreté sont les chefs de famille monoparentale qui, dans trois cas sur quatre, sont des femmes qui ont la responsabilité de diriger seules, souventes fois dans des conditions difficiles, des familles. Lorsqu'on regarde la réalité, dans 67 p. 100 des cas, ce sont ces femmes qui sont durement frappées qui vivent les stigmates et les sévices de la pauvreté.

Monsieur le Président, vous allez me dire: Oui, mais quel est le lien avec le projet de loi C-11? Vous savez qu'en aucun moment, depuis que j'ai les pieds dans cette Chambre, je me serais permis d'être hors d'ordre. Eh bien, le lien est le suivant. Le lien, c'est que si le ministre avait fait une lecture un peu avisée de la réalité, il aurait compris qu'on ne peut pas se permettre d'avoir deux niveaux de gouvernement qui investissent pour des programmes qui, à bien des égards, sont similaires.

Je donnerai juste l'exemple du Québec. La ministre de l'Emploi du Québec, Mme Louise Harel, députée d'Hochelaga-Maisonneuve, en fait ma vis-à-vis, nous rappelait, lors de la dernière campagne référendaire, que le seul exemple du Québec, la seule province de Québec investit 10 milliards pour ses politiques de marché du travail. Alors 10 milliards, c'est supérieur à ce que l'ensemble des pays de l'OCDE investissent, toute comparaison gardée, lorsrqu'on prend, évidemment, le territoire du Québec comme comparaison.

On peut donc comprendre que ce n'est pas nécessairement une question de manque de ressources. On ne peut pas dire qu'il ne s'investit pas des ressources et qu'il ne s'investit pas des ressources considérables sur les questions de politique de marché du travail. Ce qui fait problème, c'est la duplication des ressources.

Comment ne pas se rappeler que le ministre nous invite à adopter un projet de loi qui, à toutes fins utiles, intervient ou suggère des interventions dans des domaines pour lesquels il n'a aucun mandat. Essayez un seul instant d'imaginer l'un ou l'autre des 33 pères de la Confédération qui revient ici, qui franchit la porte et qui cherche à comprendre où, dans le texte de loi constitutionnel, ce gouvernement tire une légitimité pour intervenir dans le domaine du marché du travail ou dans le domaine des politiques de main-d'oeuvre.

Pourtant, si on adoptait ce projet de loi, la direction des ressources humaines interviendrait, comme elle le fait malheureusement trop souvent, dans les programmes de la sécurité du revenu, dans les programmes de l'enseignement postsecondaire, dans la question du bien-être social, dans la question des prêts aux étudiants.

Dans le train, en début de semaine, j'ai lu-peut-être en avez-vous entendu parler parce que je sais que vous êtes un esprit alerte et que rien ne vous échappe en matière sociale-le rapport Fortin qui a été demandé par la ministre de la Sécurité du revenu à Québec. L'économiste Pierre Fortin n'est pas un agent de recherche du Bloc. Il n'est même pas quelqu'un qui, par le passé, s'est engagé en faveur de la souveraineté. Vous serez surpris, mais davantage déçu, de voir l'analyse qu'on fait dans le rapport Fortin. Je vais me permettre de le citer, avec l'accord des collègues.

On y dit: «Le gouvernement fédéral a déjà réagi de plusieurs manières à la crise de ses propres finances. Évidemment, on sait bien que le gouvernement fédéral est dans une situation de dette un peu astronomique et dans une situation de déficit incontrôlé.» On dit: «Trois mesures fédérales touchent directement la sécurité du revenu québécoise. La première: on a restreint l'accès des chômeurs aux prestations d'assurance-chômage en 1990, en 1993 et en 1994.» En fait, M. Fortin aurait dû ou aurait pu même remonter à 1988, parce que les premiers assauts contre le programme d'assurance-chômage remontent à 1988 avec les désormais célèbres conservateurs.

(1525)

On y lit aussi ceci: «On a annoncé, pour 1996-1997, une réduction cumulative de 15 p. 100 des sommes consenties aux provinces pour le nouveau Transfert social canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Troisièmement, on a annoncé pour 1996, l'abolition du Régime d'assistance publique du Canada», vous vous en rappellerez, en vertu duquel Ottawa partageait moitié-moitié avec les provinces les coûts de l'aide sociale. Ce qui est le plus intéressant de ce rapport, c'est qu'on évalue que le désengagement du gouvernement fédéral. Autrement dit, les politiques qui sont adoptées ici en matière d'assurance-chômage ont créé un fardeau tel pour la province de Québec, que c'est 70 000 ménages qui vont se retrouver à la sécurité du revenu, s'il n'y a pas d'amendements au projet de loi. Cela signifie, en frais directs et indirects, pas un déficit, mais des dépenses non anticipées pour la province de un milliard de dollars, parce que le gouvernement fédéral fait du délestage. C'est ça, le caractère pervers du régime dans lequel on est.

Cela devient extrêmement difficile, même pour le meilleur gouvernement du Québec, et je pense qu'on est, à Québec, en présence d'un excellent gouvernement. Cela devient extrêmement difficile pour les provinces dans un régime comme le nôtre d'avoir une planification efficace et de respecter leurs décisions budgétaires, puisqu'on est dans une situation où le gouvernement fédéral, sans préavis, sans crier gare et sans négociation peut-et ce n'est pas la première fois que ça se fait-déstabiliser les finances publiques du Québec. Cela s'est fait évidemment lors des trois dernières récessions.

Le projet de loi que nous invite à adopter la majorité ministérielle, on l'a dit à plusieurs reprises, la députée de Mercier l'a dit avec beaucoup d'éloquence, a fait à peu près, et continue de faire l'unanimité contre lui. On ne peut pas imaginer un projet de loi qui aura réuni dans un même concert d'indignation, à la fois le patronat, le mouvement syndical, le milieu associatif et le milieu coopératif.


1670

C'est tellement vrai ce que je vous dis, que lors de la première version de C-96, peut-être que le député de Kingston et les Îles, avocat de profession-ce n'est pas sa plus belle qualité, mais enfin, c'est son choix-peut-être que le député de Kingston et les Îles pourrait invoquer le Règlement, à la fin de mon discours, pour m'inviter à déposer le document. En pareil cas, il me ferait extrêmement plaisir de déposer une résolution qui a été adoptée par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre dont le député de Kingston et les Îles suit peut-être les travaux.

Cette résolution invite à l'unanimité un conseil d'administration qui est tripartite. Le conseil d'administration de la Société québécoise de la main-d'oeuvre a en son sein des représentants du milieu syndical, des représentants des employeurs, des représentants du gouvernement du Québec, et, à l'unanimité, on invite le gouvernement fédéral à faire un geste qui le rendrait tellement digne dans nos esprits, celui de rétrocéder- et c'est ça le consensus québécois-les quelque 25 programmes qu'il administre, les rétrocéder à la province.

Ce n'est quand même pas rien qu'un organisme non politique, un organisme qui est la voix la plus autorisée, la voix mandatée par le gouvernement du Québec pour se préoccuper des politiques du marché du travail, ce n'est quand même pas quelque chose d'anodin que dans une résolution de son conseil d'administration, où le Bloc n'est évidemment pas représenté, on adopte à l'unanimité une résolution pour inviter le gouvernement fédéral à rétrocéder les champs de juridiction liés à la main-d'oeuvre.

En lieu et place, à quoi assiste-t-on? Comment peut-on être aussi insensible, aussi mal avisé, aussi confus que l'est le ministre du Développement des ressources humaines pour ne pas se rendre compte que si nous adoptions, si nous prêtions notre concours au projet de loi C-11, nous violerions de plain pied, non seulement les intérêts du Québec, mais quelque chose de sacré en démocratie qui s'appelle un consensus.

Si tout ça n'était qu'académique, on n'aurait pas raison de s'en soucier, parce qu'on dirait que ce sont des débats d'intellectuels, des débats rhétoriques, des débats qui n'ont rien à voir avec la résonnance, avec le vécu quotidien de nos concitoyens.

(1530)

Je vais vous donner un certain nombre de conséquences de ce qu'implique la duplication des ressources en matière de gestion des programmes de formation de la main-d'oeuvre. La première duplication, on le sait, c'est maintenant connu, c'est qu'il y a 25 programmes liés à la formation de la main-d'oeuvre à Ottawa et qu'il y en a 25 à Québec.

L'ancien ministre Bourbeau, qui était membre d'un gouvernement libéral, a évalué, au moment où son parti formait le gouvernement à Québec, que c'est 275 millions que nous perdons en ressources optimales qui pourraient être utilisées à des fins beaucoup plus productives qu'elles ne le sont, par les chevauchements des ressources humaines.

Ce qui est plus dramatique, c'est que cette espèce d'incohérence dans le système fait en sorte qu'à l'instant où on se parle, il y a des gens qui ont besoin d'aide, il y a des gens qui ont besoin de secours, de formation concrète. Vous savez bien que les prochains emplois qui vont être créés à l'aube de l'an 2000 vont être des emplois qui vont demander 13, 14, ou 15 ans de scolarité. C'est cela la réalité.

La réalité entre moi et mon père, c'est que mon père, qui a près de 60 ans, a passé toute sa vie au sein de la même entreprise. Il a bien gagné sa vie, il a élevé sa famille, il a fait des enfants heureux, mais toute sa vie professionnelle s'est effectuée dans une seule et même entreprise.

Moi, j'ai 33 ans, enfin j'aurai 33 ans le 13 mai, mais j'ai près de 33 ans et j'ai déjà trois carrières à mon actif. On dit que l'homme ou la femme de l'an 2000 aura cinq carrières. C'est pour cela que le concept de formation continue prend toute son importance. Ce n'est pas vrai qu'une fois qu'on a un diplôme universitaire ou un diplôme de niveau technique ou professionnel, on va avoir un emploi, qu'on va occuper cet emploi toute sa vie active et que notre carrière va se dérouler comme cela, de façon linéaire, sans qu'on ait à vivre des processus d'adaptation. Au contraire. Personne, parmi la génération montante, ne peut penser avoir un seul et même employeur dans la vie.

C'est un péché, c'est quelque chose de criminel que de ne pas se donner un système de formation de la main-d'oeuvre qui soit plus rationnel, qui soit plus cohérent et qui, finalement, est un guichet unique.

C'est tellement vrai ce que je vous dis, qu'à l'instant où on se parle, il y a des listes d'attente d'environ 25 000 personnes au Québec. Il y a 25 000 personnes au Québec qui ont besoin, à un niveau ou à un autre, de bonifier leur formation, qui ont besoin d'expérience, qui ont besoin d'être orientées, qui ont besoin de suivre des cours et qui sont privées de cette ressource, qui sont privées de l'aide à laquelle elles auraient droit, parce que le régime est inefficace.

Vous allez me dire: «Oui, mais est-ce que le ministre a compris la leçon?» Non, on est en présence d'un ministre têtu. On est en présence d'un homme qui regarde devant lui sans se préoccuper de ce qui se passe dans son environnement. Tous les libéraux ne sont pas comme ça, mais je dois dire qu'une majorité nous semble être de cette mouture-là.

Ce que l'on peut souhaiter très simplement, il me semble qu'il n'y a rien là qui ne puisse pas susciter l'adhésion d'un esprit averti, c'est que le ministre se rende compte que la meilleure chose qui puisse arriver pour le Québec, c'est qu'il fasse marche arrière, qu'il n'autorise pas, comme le prévoit le projet de loi C-11, différents corps intermédiaires qui ne sont pas le gouvernement du Québec, à obtenir directement des mandats du ministère du Développement des ressources humaines, qu'il respecte la juridiction du Québec et qu'il contribue.

Cela ferait de lui un ministre célèbre, s'il acceptait de mettre fin à la duplication et de travailler à l'établissement d'un guichet unique, comme le lui demande la ministre de l'Emploi et de la Concertation à Québec, Louise Harel. Cela ferait en sorte que les ressources qui sont disponibles dans le système, parce que c'est faux d'expliquer la réalité par un déficit de ressources, les ressources qui sont disponibles dans le système doivent être utilisées à des fins plus productives et c'est là tout le défi auquel doit s'employer un ministre qui n'a été que trop têtu jusqu'à maintenant.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve qui, une fois de plus, a démontré ses préoccupations sociales, et pas seulement pour les gens de son comté qui est très large.


1671

(1535)

J'appuie évidemment tous ses commentaires au sujet de l'attitude de ce gouvernement qui, malgré le message qui a été exprimé lors du référendum, une promesse de changement, une promesse d'écoute plus attentive, une sensibilité plus grande à l'égard du Québec, a fait un discours de langue de bois.

Malheureusement, on est obligés de constater que c'était un discours de langue de bois, que dans les faits, l'attitude centralisatrice du gouvernement se continue. Je sais qu'il a encore beaucoup d'exemples à nous donner pour qualifier cette attitude centralisatrice, cette volonté du gouvernement fédéral de continuer à s'ingérer encore plus dans les juridictions des provinces. Le projet de loi C-11, c'est la création du ministère du Développement des ressources humaines. À titre d'exemple, il y a là la formation, l'éducation. Malheureusement, on voit que ce n'est pas encore réglé.

J'aimerais poser la question suivante, parce qu'il faut faire un commentaire ou poser une question. Je sais que je ne l'embêterai pas du tout, mais j'aimerais qu'il me donne quand même son point de vue sur comment il peut qualifier la prétendue décentralisation du gouvernement, lorsqu'on voit dans le projet de loi en question que le ministre du Développement des ressources humaines s'attribue le pouvoir de passer directement par-dessus la tête des provinces et conclure des ententes précises avec des organismes, même avec des entreprises, en matière de formation ou autres domaines. J'aimerais connaître son point de vue là-dessus.

M. Ménard: Monsieur le Président, vous comprendrez que la question, pour être prévisible et répétée, n'en demeure pas moins pertinente. D'ailleurs, vous me permettrez de souligner l'excellence avec laquelle le député a travaillé au Comité du développement des ressources humaines, parce qu'il a vraiment été une voix extrêmement présente pour le Bloc québécois dans un dossier comme celui-là.

J'apprécie d'autant plus sa question qu'il y a des comparaisons à faire entre Lévis et Hochelaga-Maisonneuve. Nous avons tous les deux, dans nos comtés, des gens qui ont vécu un processus de déqualification professionnelle. C'est pour beaucoup l'histoire de mon comté. C'est l'histoire d'un comté prospère qui était une ville, autrefois. On n'imagine pas qu'Hochelaga-Maisonneuve, de 1883 à 1918, a été une ville dont on disait qu'elle était le Pittsburg du Canada, tant le secteur industriel qui la composait était dynamique. Je sais que dans son comté, et je pense entre autres aux travailleurs des chantiers maritimes, il y a eu également ce processus de déqualification.

Ce que nous invite à réaliser le député de Lévis, c'est que périodiquement, dans l'histoire du fédéralisme, périodiquement dans l'histoire du Parti libéral, il y a eu cette manoeuvre profondément détestable, pour ne pas dire indigne, et je pense inacceptable au total, où un gouvernement a refusé d'accepter la position d'un gouvernement légitimement élu, formé de ses homologues à Québec, et a voulu passer par des corps intermédiaires.

Cela s'est fait dans les années 1960 sur la question linguistique et cela avait donné lieu à une mobilisation telle que le gouvernement avait dû reculer. Je crois que ce qui est inacceptable dans le projet de loi à l'étude, c'est à la fois bien sûr, la volonté de centralisation, mais c'est à la fois la volonté de ne pas respecter les mandataires autorisés.

En matière de politiques de la main-d'oeuvre, il y a un mandataire autorisé, qui est le gouvernement du Québec, et de quel droit, en vertu de quelle rationalité un gouvernement, dusse-t-il être celui des libéraux, devrait-il penser qu'il peut passer par une CDEC, par une municipalité ou par n'importe quel organisme ou corps constitué pour ne pas respecter la volonté du Québec?

Tout cela ne doit jamais nous empêcher de constater, et je vais essayer d'être bref, parce que je serais très honoré si le député de Kingston et les Îles poussait le sens de l'aventure jusqu'à me poser une question, je serai bref en lui disant que pour l'essentiel, tant que la duplication des ressources perdurera, on se retrouvera dans une situation où il y a des gens qui seront privés de formation. Monsieur le Président, regardez en direction du député de Kingston et les Îles, je pense qu'il veut échanger avec moi.

(1540)

[Traduction]

Mme Georgette Sheridan (Saskatoon-Humboldt, Lib.): Monsieur le Président, j'espère que le député de Hochelaga-Maisonneuve ne sera pas déçu, mais je vais essayer de remplacer de mon mieux mon collègue, le député de Kingston et les Îles.

Je dois tout d'abord dire que, en tant que femme, je me suis souvent fait demander: «Que veulent les femmes?» Je pourrais à mon tour demander: «Que veut le Bloc québécois?»

J'ai écouté le député d'en face demander au ministre de mettre un terme aux chevauchements et au double emploi et de tenir compte du Québec. Je pourrais lui répondre que c'est exactement ce que propose le projet de loi.

[Français]

Monsieur le Président, lorsque le projet de loi qui est devant nous a été déposé en cette Chambre, le 7 juin de l'année dernière, et fut déposé, le 7 mars 1996, plusieurs d'entre nous avons été étonnés que le Bloc québécois s'oppose aussi ardemment à cette mesure législative. Beaucoup d'entre nous ont été étonnés de l'acharnement et des efforts qu'ils ont mis à retarder l'adoption d'un projet de loi qui n'a que pour seul effet de régulariser la restructuration administrative du gouvernement entreprise deux ans auparavant. Étonnés certes, mais pas du tout surpris.

On était en effet, à ce moment, à la veille de la campagne référendaire, et l'opposition ne perdait aucune occasion pour tenter de convaincre les Québécois et les Québécoises des sombres visées du gouvernement fédéral. Les députés de l'oppsition ne perdaient aucune occasion non plus pour entraver la bonne marche des affaires du gouvernement, pour monter en épingle les moindres gestes ou déclarations des membres du gouvernement pour créer des diversions. On peut bien comprendre l'intérêt immédiat qui les animait alors. Puis le référendum est arrivé, et le Canada est resté le Canada.

Lorsque ce projet de loi est revenu sur la table, l'opposition a repris son refrain et a continué de brandir les mêmes entraves, mais pour une raison différente. C'était là, en effet, une sorte d'exercice de conditionnement pour se préparer à remettre en cause le projet de loi sur l'assurance-emploi que le ministre allait bientôt déposer. Encore ici, on peut comprendre les motifs qui les font agir sur la scène fédérale dans le sens de l'immobilisme et à l'encontre de tout changement qui est proposé.


1672

[Traduction]

Récemment, soit le 12 mars, nous avons eu une preuve flagrante des motifs qui animent ce parti lorsque celui-ci a proposé le retrait pur et simple du projet de loi sur l'assurance-emploi, en dépit du fait que tout le monde s'entend pour dire qu'il faut réformer le régime d'assurance-chômage actuel.

Un changement important est toutefois survenu depuis la dernière fois où nous avons discuté du projet de loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines.

[Français]

Entretemps, en effet, la ministre de l'Emploi du Québec, à la suite d'une rencontre tenue avec le ministre fédéral, acceptait d'entreprendre des discussions concernant notre proposition sur l'assurance-emploi. Et ces discussions avec le Québec se poursuivent, comme d'ailleurs avec toutes les autres provinces. Le Québec s'intéresse à cette proposition parce que la formule permettra de moderniser la gestion de l'adaptation des travailleurs. Le Québec s'intéresse à cette proposition parce qu'elle concorde avec ses propres objectifs en matière de décentralisation vers les régions. Et elle fait aussi l'affaire du Québec parce que le gouvernement fédéral a clairement indiqué son intention de se retirer complètement du champ de la formation professionnelle.

L'assurance-emploi renferme un vaste volet de décentralisation et de partenariat avec les provinces. Si l'article 20 autorise le ministre à conclure des accords au palier provincial ou avec des institutions financières ou d'autres organismes similaires, c'est simplement parce qu'on tient compte, en les adaptant, de l'article 7 de la Loi sur le ministère et sur la Commission de l'emploi, de l'article 6 de la Loi sur le Patrimoine, et de l'article 5 de l'actuelle Loi sur le ministère du Travail.

[Traduction]

Le projet de loi sur le ministère du Développement des ressources humaines ne confère pas au ministre des pouvoirs autres que ceux qu'il exerce déjà. Il ne confère aucun pouvoir qui n'était auparavant exercé par les ministres responsables. Ce dont il traite essentiellement, c'est de gestion interne. En d'autres termes, à supposer que le projet de loi ne soit jamais adopté, le ministre continuerait quand même de faire tout ce qu'il fait actuellement. Lorsque le projet de loi sera adopté, il ne fera rien de plus ni de moins que ce qu'il fait en ce moment.

(1545)

[Français]

Nous savons tous qu'il faut investir dans nos ressources humaines si nous voulons rester en tête du peloton pour la qualité de vie parmi les nations du monde.

Le projet de loi reconfirme la mission essentielle que le gouvernement du Canada a donnée à ce ministère en ramenant sous un même toit et en intégrant l'ensemble des initiatives et des programmes visant à aider les Canadiens et les Canadiennes à toutes les étapes de leur vie: apprentissage, travail, retraite. Et en effet, comme l'énonce le projet de loi, le mandat du ministre doit être exercé en vue de «stimuler l'emploi, encourager l'égalité et promouvoir la sécurité sociale.»

La loi créant le ministère du Développement des ressources humaines a notamment pour but de permettre à ce ministère de continuer d'aider les Canadiens et les Canadiennes à retourner au travail.

Pour ce faire, nous avons besoin d'une loi qui procure un mécanisme simple et intégré afin de préciser le rôle du ministère, ainsi que les responsabilités du ministre à l'égard de la population canadienne.

[Traduction]

Les députés ont eu amplement l'occasion d'examiner à fond le projet de loi qui mettra un terme à cette période de transition visant non seulement le ministère, mais toute la réorganisation gouvernementale, et ils ont eu amplement l'occasion d'en discuter.

[Français]

Aussi, je considère qu'il est temps d'y mettre un terme maintenant pour passer à l'étude de questions autrement plus vitales pour les Canadiens et les Canadiennes, et pour l'avenir du pays.

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'intervention de ma collègue d'en face. J'aimerais commenter quelque peu et lui poser peut-être une question en terminant.

Comme vous le savez, je suis le député de Shefford. La ville principale de mon comté, c'est Granby. Granby est une ville industrielle qui compte quelque 45 000 habitants. Dans la région, on a une population d'environ 90 000 personnes.

Or, depuis que les deux ministres se sont succédé au ministère du Développement des ressources humaines, il y a eu des coupures. Cela me fait penser au démantèlement des chemins de fer au Canada.

Vous êtes un fédéraliste, monsieur le Président, et je pense que partout au Canada-et je n'en doute pas, monsieur le Président, que vous êtes fédéraliste-partout au Canada, les centres d'emploi sont un symbole du Canada. Actuellement, ce qu'on fait, on est en train de les fermer, on est en train de les couper, on est en train de les diminuer, à tel point que dans ma région, la ville de Granby reçoit présentement en compensation de taxes 36 000 $ du gouvernement fédéral. C'est à peu près comme s'il n'y avait pas de gouvernement fédéral chez nous.

Lorsqu'on a établi ce grand pays, le but du gouvernement fédéral, c'était de distribuer la richesse un peu partout sur le territoire de façon équitable. Or, ma région est durement coupée par ce gouvernement. D'un centre d'emploi qui pouvait avoir 50 ou 55 employés, on parle d'en faire un de 12 employés, peut-être 18, mais rien n'est déterminé au moment où on se parle.

C'est triste pour ma région. Elle écope beaucoup parce que le centre d'emploi, tel qu'il était organisé, développait, participait au développement de la région. C'est un réseau qu'on est actuellement en train de défaire. Ce réseau est important pour les régions. C'est un réseau qui est important pour le Québec, pour le développement. Habituellement, dans les chambres de commerce, on a des gens de toutes les formations politiques et majoritairement des fédéralistes.

(1550)

La Chambre de commerce de Granby a fait signer une pétition de 6 000 noms et plus pour dénoncer l'attitude du gouvernement et lui demander de considérer les régions. Comme je le disais tout à


1673

l'heure, les centres d'emploi sont un symbole du gouvernement du Canada. Ils sont un symbole qu'on est actuellement en train de détruire par la politique du ministère et du ministre.

Donc, ma question serait la suivante: Quand le gouvernement prend des décisions comme celle de la réforme, pourquoi ne tient-il pas compte des autres gouvernements et pourquoi le fait-il en passant par-dessus les gouvernements? J'aimerais que la députée commente là-dessus.

[Traduction]

Mme Sheridan: Monsieur le Président, ma réponse initiale à la question du député serait identique à l'introduction de mon discours: «Que veut le Bloc québécois?» D'une part, il nous dit de nous mêler de nos affaires et, d'autre part, il nous demande d'accorder plus d'avantages au Québec et de ne pas nous préoccuper des intérêts des autres Canadiens.

La tâche de gouverner le pays dans son ensemble exige que l'on tienne compte des intérêts de tous les Canadiens. Le ministre adopte une mesure positive en faisant cela. Il le fait au Québec de la même manière qu'il le fait dans toute autre région du pays. En tant que membres de la même famille, nous avons tous droit à la même part.

Tôt ou tard, mon vis-à-vis devra choisir.

[Français]

M. Leroux (Shefford): Monsieur le Président, que veut-on? Ça, c'est une belle question. Comme je le disais tout à l'heure, ce que l'on veut, c'est que le gouvernement fédéral agisse équitablement. La députée nous dit que ça se fait partout au pays. Ce n'est pas parce que ça se fait partout au pays que c'est une bonne chose.

On n'en a pas là-dessus. On sait que des structures ont été organisées, qu'il y a une collaboration entre nos centres d'emploi canadiens et les responsables de l'emploi du Québec. Il y a une tradition au Québec de collaboration localement. Mais ce qui se passe actuellement, c'est qu'on est en train de démanteler le réseau, ce qui va énormément nuire à la création d'emplois. C'est comme si le gouvernement fédéral se retirait, tout en voulant continuer à contrôler les programmes. Il veut les contrôler, mais il ne veut plus investir dans ce domaine, ce qui est inacceptable.

Je pense que le gouvernement a une responsabilité à cet égard et, sincèrement, vous admettrez avec moi que le gouvernement fédéral devrait donner toute la part de la formation au gouvernement le plus apte et le plus proche de la population des régions pour prendre des décisions.

Donc, ce que je demande, et j'aimerais que la députée commente là-dessus, c'est que le gouvernement fédéral, une fois pour toutes, cesse de s'ingérer inutilement et qu'il redonne aux régions ce qui leur revient.

[Traduction]

Mme Sheridan: Monsieur le Président, encore une fois, je crois que le député se perd dans ses arguments et comprend mal les faits.

Comme je l'ai dit dans mon discours, c'est le député et tous ses collègues d'en face qui voulaient que le gouvernement du Canada ne se mêle pas de leurs affaires durant la période qui a précédé le référendum au Québec.

En réponse aux préoccupations exprimées par la population au Québec et dans tout le pays, le premier ministre a pris un engagement à la fin de l'année dernière. Il a déclaré que le gouvernement du Canada se retirerait de la formation professionnelle, des programmes d'apprentissage, des programmes d'enseignement coopératif et ainsi de suite. Il me semble que c'est exactement ce que le député d'en face disait, soit que nous devrions laisser au gouvernement qui est le mieux placé pour comprendre les besoins locaux le soin de concevoir ces programmes. Nous avons tenu cet engagement.

Je sais que le député est très ennuyé cet après-midi, mais ce n'est certainement pas parce que notre gouvernement a manqué aux promesses qu'il a faites à cet égard.

(1555)

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, depuis deux ans et demi, le ministère du Développement des ressources humaines agit sans mandat et certains diraient sans orientation ni programme.

En janvier 1994, parmi toutes les belles mesures annoncées dans le discours du Trône, le gouvernement avait promis la réforme des programmes sociaux. On se serait attendu à ce que le gouvernement confie rapidement son mandat au ministère pour qu'il commence aussitôt à mettre nos programmes sociaux démodés à l'heure du XXIe siècle.

Le fait qu'il ait fallu deux ans et deux ministres au gouvernement pour se rendre où il en est aujourd'hui constitue une preuve de plus qu'il n'y aura pas de réforme avant les prochaines élections. La réforme des programmes sociaux va certainement figurer dans la version de 1997 du livre rouge des promesses électorales non tenues.

Un des éléments les plus déconcertants du projet de loi concerne la nomination du ministre du Travail et de son sous-ministre. Lorsque l'ancien ministère du Travail a été réuni au ministère du Développement des ressources humaines, tout cet exercice reposait sur l'idée d'incorporation. Nous croyions que le rôle de l'ancien ministère serait enfin transféré aux provinces et au secteur privé. Cela représentait un progrès important pour les relations de travail au Canada. Puis il y a eu le référendum québécois, et il a subitement fallu avoir un ministre du Travail. Afin de satisfaire la députée de Saint-Henri-Westmount à la dernière minute, le gouvernement a intégré cette étrange structure hiérarchique dans ce qui était alors le projet de loi C-96.

Aux termes du projet de loi C-11, le ministre du Travail peut être nommé. Si aucun ministre n'est nommé, les attributions de ce dernier sont exercées par le ministre du Développement des ressources humaines. Avons-nous besoin d'un ministre du Travail à temps plein, d'un secrétaire d'État au travail ou simplement d'un secrétaire parlementaire? Peut-être le ministre a-t-il été placé pour éviter d'avoir à nommer un sous-ministre?

S'il faut un ministre du Travail à plein temps, ce poste ne devrait-il pas être prévu dans la loi au lieu d'être facultatif? Si le portefeuille du Travail exige un ministre en titre et non un ministre


1674

de second plan, ne va-t-il pas ultimement se séparer du ministère du Développement des ressources humaines pour devenir un ministère distinct? À mon avis, ce projet de loi soulève plus de questions qu'il n'en résout. Certains points n'ont pas été examinés en détail et mériteraient d'être revus par son auteur.

En plaçant le ministère du Travail sous la coupe du ministère du Développement des ressources humaines et de son superministre, le gouvernement espérait gagner la sympathie des syndicats et peut-être profiter de la baisse de popularité des Néo-démocrates.

Si le gouvernement se souciait vraiment des relations de travail, il n'aurait pas permis à la situation de se détériorer au point d'avoir dû en l'espace de deux ans voter à trois reprises une loi de retour au travail pour les manutentionnaires du grain et les travailleurs du rail. À trois reprises en deux ans, le système n'a pas fonctionné. Si le gouvernement se souciait vraiment des relations de travail patronales-syndicales au Canada, il aurait modifié le Code canadien du travail, ou aurait au moins examiné la possibilité de le modifier, afin d'inclure l'arbitrage des offres finales dans la procédure de règlement des conflits de travail.

Le gouvernement aurait proposé un plus grand nombre de mesures législatives comme le projet de loi C-3. Aux termes du projet de loi C-3, tous les travailleurs des installations nucléaires relève désormais de la compétence des provinces et c'est sans aucun doute un pas dans la bonne direction. Le portefeuille du Travail au ministère du Développement des ressources humaines cesserait d'exister et n'exigerait pas les services d'un ministre ou d'un sous-ministre.

Si le gouvernement avait permis que la motion no 2 présentée par ma collègue de Mission-Coquitlam soit adoptée, il n'y aurait pas eu le problème du recours aux tribunaux pour décider qui a compétence en matière de relations de travail dans les secteurs qui se chevauchent, comme dans le cas qui a conduit à la rédaction du projet de loi C-3.

(1600)

Il est temps que le fédéral cède la compétence en matière de travail aux provinces. De ce côté-ci de la Chambre, il n'y a pas de doute que cette idée rallie beaucoup de monde. J'encourage les députés d'en face à se rallier également à cette idée.

La partie I du Code canadien du travail est actuellement soumise à un examen. Ce pourrait être un point de départ pour le ministre, qui cherche désespérément à éliminer les recoupements dans les services.

Je veux rappeler aux députés que le Canada a une dette de 580 milliards de dollars. Le ministre ainsi que le ministre des Finances, sans aucun doute, en sont pleinement conscients et cherchent des moyens de la réduire.

Le ministre du Travail pourrait également contribuer à réduire la dette s'il trouve le moyen de couper dans une bureaucratie trop lourde et d'éliminer les recoupements en confiant aux provinces la compétence sur les questions de normes du travail, de relations de travail et d'hygiène et de sécurité au travail. Selon moi, il constaterait que le patronat aussi bien que les syndicats appuieraient cette mesure, parce que les deux parties veulent à juste titre obtenir des règles du jeu équitables pour tous.

Le patronat et les syndicats veulent ensemble un milieu de travail qui soit productif. En tant que législateurs, nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour leur permettre de progresser vers cet objectif. Nous pouvons leur faciliter la tâche en renonçant à notre pouvoir de réglementation bureaucratique qui nuit à l'harmonie des relations de travail.

Revenant au projet de loi C-3, je répète que c'est un pas dans la bonne direction. Il vaudrait la peine d'appuyer le projet de loi C-11 s'il suivait la même logique.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Madame la Présidente, je voudrais poser une question à mon collègue après avoir fait quelques remarques.

Le gouvernement du Québec et le Québec tout entier, de même que les centrales syndicales, seraient très certainement d'accord avec la récupération complète de tout le champ du travail. Cependant, on ne peut parler de cette question sans parler encore de Constitution, puisqu'en 1925, un jugement du Conseil privé a établi après, je crois, sept ans d'attente, c'était le Conseil privé de Londres, que la juridiction en matière de relations de travail appartenait aux provinces, avec la distinction que toutes les entreprises qui, d'une manière ou de l'autre, relevaient de plus d'une province, dépendraient de la juridiction fédérale. C'est ce qui a entraîné cette duplication qui cause beaucoup de problèmes aux travailleurs.

Je voudrais lui faire remarquer qu'au Québec, par exemple, il y a un régime dans le cadre de la Loi sur la santé et sécurité du travail qui prévoit que les travailleuses enceintes, quand elles découvrent qu'elles sont enceintes et que leur travail peut être nuisible pour elle ou l'enfant, ont le droit de demander à être changée de poste. Et si l'entreprise ne peut lui donner un changement de poste, la travailleuse a droit, avec 90 p. 100 de son salaire, de rester chez-elle. La même chose s'applique quand la mère allaite l'enfant.

Vous comprenez que lorsque des femmes dépendent d'entreprises qui sont sous juridiction fédérale et qu'elles ne peuvent pas avoir le même droit, elles crient à l'injustice et tout le mouvement syndical, depuis de nombreuses années, crie à l'injustice. C'est une preuve de ce que notre collègue avance, sauf qu'on ne peut pas traiter de cette matière sans passer par la Constitution.

Dans mon exposé de ce matin, j'ai démontré comment ce projet de loi C-11 est un projet de loi qui appelle un débat constitutionnel.

(1605)

La seule façon pour les provinces qui sont en désaccord avec les décisions prises par le gouvernement central, le ministère du Développement des ressources humaines en vertu de ce projet de loi, la seule façon d'avoir justice serait de pouvoir se sortir de cette décision et de pouvoir gérer elles-mêmes l'argent.


1675

Or, cela appelle un amendement du type d'un amendement constitutionnel. Ou alors, que le gouvernement accepte de reconnaître la pleine juridiction des provinces, ce qu'il ne fait pas, y compris même dans le discours du Trône.

Alors ma question s'adresse à mon collègue. Je lui demande si lui et son parti n'auraient pas dû endosser une critique plus large de ce projet de loi que sur le domaine des relations de travail?

[Traduction]

M. Johnston: Madame la Présidente, je remercie ma collègue de sa question.

Ma collègue du Parti réformiste a parlé du projet de loi ce matin. Même si elle a abordé certaines questions concernant la main-d'oeuvre, elle avait certes des critiques d'une plus grande portée à faire au sujet du projet de loi.

Je voudrais revenir sur un point que ma collègue a soulevé, soit les chevauchements des compétences fédérales et provinciales. Notre parti est d'avis que la compétence devrait être attribuée au palier de gouvernement le plus rapproché de la population. Selon nous, plus le gouvernement se fait petit, plus il est efficace. On rendrait service à tous les Canadiens en réduisant la bureaucratie. Elle serait alors plus près des gens qu'elle doit servir.

Il n'existerait plus d'entité sans visage et sans nom, comme c'est parfois le cas du gouvernement fédéral à l'heure actuelle. Le Canada est un immense pays et la capitale ne peut être partout à la fois. Pour la grande majorité des Canadiens, la capitale est bien éloignée de chez eux.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Madame la Présidente, mon collègue prétend qu'un ministère du Travail n'est pas nécessaire, qu'un ministre du Travail n'est pas nécessaire. Je suis en total désaccord avec lui. Vous savez qu'il y a plusieurs domaines qui sont encore sous la compétence du gouvernement fédéral où il y a des conflits de travail, où il faut qu'il y ait un ministre pour tenter de solutionner ces conflits.

Il y a un Code du travail qu'il faut réformer. Par exemple, nous avons besoin d'une législation antibriseurs de grève. Le mouvement syndical a besoin d'un vrai ministre du Travail à plein temps, et c'est pour cela que je lui demande pourquoi il est contre un ministre du Travail, qui a toujours existé au Canada.

[Traduction]

M. Johnston: Madame la Présidente, mon collègue du Bloc prétend qu'il faut un ministre du Travail parce qu'il rend des décisions ou solutionne les conflits qui surviennent entre le patronat et les syndicats. Je lui répondrai que je n'ai jamais vu un ministre provincial ou fédéral du Travail solutionner un conflit de travail.

J'aimerais évoquer à son intention les trois cas qui se sont produits au cours des deux années et demie que je siège dans cette enceinte, alors que la Chambre a voté des lois forçant le retour au travail d'employés en lock-out ou en grève, pour assurer le transport des grains. Il ne s'agit pas d'une intervention ministérielle. C'est toute la Chambre des communes qui intervient. Le ministre ne règle pas ce genre de problème. S'il voulait vraiment résoudre pareils conflits, il verrait à mettre en oeuvre un processus d'arbitrage des offres finales de façon que les parties, c'est-à-dire le patronat et les syndicats, disposent des outils leur permettant de régler leurs différends sans qu'il soit nécessaire que le ministre ou la Chambre des communes interviennent.

(1610)

Soit dit sans vouloir l'offenser, je ferai observer à mon collègue que le fait que nous ayons un ministre du Travail depuis toujours ne constitue pas pour nous une raison suffisante pour maintenir ce poste.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir dans le débat en troisième lecture du projet de loi C-11, l'ancien projet de loi C-96, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines et modifiant ou abrogeant certaines lois. J'ai déjà eu l'occasion de participer, en novembre dernier, aux discussions en deuxième lecture du projet de loi C-96.

En comité, ce projet de loi n'a subi que quelques amendements mineurs, élargissant encore davantage les ministères et organismes qui pourront consulter les dossiers des prestataires. Cette atteinte à la confidentialité des dossiers constitue un élément supplémentaire pour que je vote contre.

J'appuie par contre la motion à l'effet que ce ministère, ainsi que celui du Travail, dépose à chaque année un rapport d'activités. Cette obligation existait avant. C'est très important pour le public et pour les parlementaires d'être informés des actions et décisions prises par le ministère, par la Commission de l'assurance-chômage et par le Conseil national du bien-être social.

Ce projet de loi prévoit fondamentalement la réorganisation administrative du ministère et réunit des sections et des services des anciens ministères d'Emploi et Immigration, de la Santé et du Bien-être social, du Travail ainsi que du Secrétariat d'État. En même temps, le texte accorde le pouvoir au premier ministre de nommer un ministre du Travail et un sous-ministre. Je suis totalement d'accord pour qu'il y ait un ministre du Travail. C'est nécessaire, particulièrement pour qu'il dépose dans les plus brefs délais une réforme intégrale du Code canadien du travail, et notamment une législation antibriseurs de grève.

Ce projet de loi accentue la présence fédérale et accorde au ministre de nouveaux pouvoirs l'autorisant, entre autres, à négocier directement avec des instances et organismes locaux en passant par-dessus la tête des provinces, particulièrement du Québec. L'article 20 permet au ministre de signer des contrats avec des agences et organisations autres que les provinces.

Selon l'article 6, les attributions du ministre s'étendent à tous les domaines liés au développement des ressources humaines au Canada. En particulier, il doit voir à l'amélioration du marché de l'emploi et à la promotion de l'égalité et de la sécurité sociale. Ce n'est pas du tout ce qui se passe depuis deux ans et demi au Canada.


1676

Malgré ces nobles objectifs, actuellement, au Canada, nous assistons à une détérioration de la situation dans ces domaines. Selon les renseignements de Statistique Canada, le taux de chômage a atteint, en mars 1996, 9,3 p. 100 au Canada, soit 1 407 000 chômeurs, et 10,9 p. 100 de chômeurs au Québec, soit 400 000 chômeurs.

Nous avons constaté, la semaine dernière, qu'une compagnie à Sainte-Thérèse, Kenworth, va fermer son usine de fabrication de camions lourds et ce gouvernement fédéral n'a rien fait pour sauver 900 emplois à Sainte-Thérèse. Je fais appel encore une fois au gouvernement fédéral pour qu'il fasse les efforts nécessaires pour que cette usine demeure ouverte et que ses employés puissent continuer à travailler.

(1615)

Il faut que le nouveau ministère du Développement des ressources humaines augmente l'efficacité et la productivité. Souvent, des gens viennent me voir et me disent que la durée du traitement des demandes est trop longue. Il faudra donc raccourcir les délais pour traiter les demandes de prestations d'assurance-chômage, les appels de décisions d'assurance-chômage pour les prestataires de la sécurité de la vieillesse, etc.

Une fois de plus, je m'oppose très vigoureusement à la fermeture du Centre d'emploi du Canada situé sur la rue Papineau à Montréal, qui dessert la population de mon comté de Bourassa, déjà durement touchée par le chômage. Cette fermeture sera complétée d'ici à 1997. Les gens de Montréal-Nord ont besoin d'aide, de services, de ressources et non pas que le gouvernement continue à couper à un moment où ils traversent des situations difficiles. Le taux de pauvreté dans mon comté est déjà très élevé.

Dans ce contexte, le gouvernement fédéral devrait également accorder plus de ressources au Programme d'aide aux travailleurs âgés, PATA.

D'autres centres d'emploi ont déjà été fermés ou seront fermés sur l'île de Montréal. Je dénonce, mais avec beaucoup de vigueur, cette fermeture parce que je pense qu'il s'agit d'une fermeture partisane et pour des motifs politiques.

J'ai profité de la période de relâche de la Chambre pour inviter les représentants des organismes communautaires de mon comté à discuter particulièrement des changements à l'assurance-chômage. Je tiens à remercier encore une fois de leur participation tous les organismes qui sont venus à cette rencontre, notamment le CLSC de Montréal-Nord, la CDEC de mon comté qui commence, heureusement, à obtenir les ressources nécessaires pour remplir sa mission très nécessaire dans mon comté. Étaient également présents la maison des jeunes l'Ouverture, Impulsion travail, Rond-point Jeunesse au travail,le centre multiculturel Claire, la Maison Saint-Laurent, la fondation de la Visite, le Centre d'activité pour le maintien de l'équilibre émotionnel de Montréal-Nord, l'Association des travailleurs haïtiens au Canada, Entre-Parents, le centre Louis-Fréchette, etc.

Presque toutes ces organisations ont, d'une part, des clientèles qui reçoivent des prestations d'assurance-chômage, et, d'autre part, ils ont souvent recours aux divers programmes offerts par le Centre d'emploi Papineau.

Les participants ont été choqués de constater qu'encore une fois les coupures se font au détriment des personnes touchées par le chômage. Ces nouvelles mesures viendront accentuer et aggraver le phénomène d'exclusion.

En mars dernier, j'ai dénoncé le refus du gouvernement fédéral d'inclure des clauses sociales dans l'Accord commercial bilatéral entre le Canada et le Chili. Et ce sont les fonctionnaires de ce ministère du Développement des ressources humaines qui négocient au nom du Canada dans le secteur du travail. Grâce à nos pressions et grâce à l'intervention très efficace du mouvement syndical canadien et chilien, le gouvernement s'est résigné à accepter cette demande très légitime. Il faut féliciter le gouvernement chilien qui a toujours reconnu la dimension sociale de l'ALENA et de cet accord commercial.

Cependant le gouvernement canadien ne veut pas aller plus loin que l'accord parallèle qui fait déjà partie de l'ALENA, qui est faible et insuffisant. Cet accord devrait prévoir des mécanismes plus efficaces de défense des droits des travailleurs et des meilleures normes de travail.

J'ai été bouleversé lorsque des travailleurs et des militants syndicaux du Chili, lors de mon voyage dans ce pays en janvier dernier, m'on dit que certaines entreprises canadiennes, notamment des compagnies minières, ne respectaient pas toujours des normes élémentaires de santé et de sécurité au travail. Ils m'ont mentionné, entre autres choses, l'utilisation de substances toxiques interdites au Canada.

Je suis heureux que les investissements canadiens et québécois au Chili atteignent les 7 milliards de dollars.

(1620)

Je profite de cette occasion et de cette tribune pour lancer un appel à la responsabilité sociale des entreprises canadiennes qui investissent en Amérique latine et dans d'autres continents.

Pour terminer, je voudrais aborder brièvement la question des pensions qui relèvent également de ce ministère du Développement des ressources humaines. J'ai été choqué qu'il y ait des gens qui envisagent la privatisation du Régime de pensions au Canada. Je reconnais que d'autres pays qui ont privatisé leur régime de pensions, mais les résultats sont désastreux.

Je m'oppose à toute réduction des prestations et l'accessibilité au régime doit être pleine et entière. L'universalité doit être préservée. Je serais par contre d'accord, par exemple, pour lever le plafond de 35 000 $ de revenu assurable pour trouver plus d'argent. Je m'oppose avec vigueur à l'idée de repousser l'âge de la retraite à 67 ans. Il faut laisser plus de place aux jeunes. Le Régime de pensions du Canada actuel devrait être amélioré et non diminué.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la Présidente, le député de Bourassa a fait la démonstration, une fois de plus, de ses connaissances des problèmes des gens de son comté, les gens qu'il représente. Il a aussi démontré qu'il connaissait bien le ministère du Développement des ressources humaines et l'ampleur de ce ministère.

Il faut rappeler qu'une fois qu'on a enlevé du budget fédéral la partie concernant le remboursement de la dette et des intérêts, le ministère du Développement des ressources humaines est celui qui reçoit et occupe la plus grande part du budget fédéral, plus de 40 p.


1677

100. Il touche énormément de programmes et de services. Le député de Bourassa a rappelé à juste titre l'opération de fermeture de certains centres d'emploi, dont celui de Papineau, comme il a mentionné. Cela s'est fait ailleurs aussi.

Mais voici l'objet de ma question: aujourd'hui, on parle de la loi qui constituera, officialisera le ministère du Développement des ressources humaines. Il s'agit du projet de loi C-11, l'ancien projet de loi C-96, qui reprend sans aucun changement l'ancien projet de loi et on constate qu'on pourrait qualifier cette loi de loi du silence.

Je voudrais demander à mon collègue ce qu'il pense de cela. Cette loi renforcera les pouvoirs du ministre du Développement des ressources humaines. C'est une loi qui permettra d'aller encore s'ingérer davantage, passer par-dessus les juridictions des provinces, notamment en formation. Elle permettra au ministre de passer par-dessus la tête du gouvernement provincial et de rejoindre directement les organismes, les entreprises en matière de formation ou autre sujet, donc quelque chose de majeur, quelque chose qui touche l'aspect constitutionnel. Ce n'est pas le Bloc québécois qui le fait avec plaisir, c'est le gouvernement qui se donne encore plus de pouvoir en matière constitutionnelle pour aller jouer dans les champs de compétence des provinces.

Actuellement, je pose des questions à mon collègue, alors que les réponses devraient venir d'en face. On s'étonne que les gens d'en face, les gens du Québec en particulier, ne prononcent pas de discours, n'interviennent pas sur la loi qui officialisera le plus gros ministère du gouvernement fédéral, que le troisième parti, qui s'occupe habituellement des dépenses de façon très minutieuse, ne s'intéresse pas non plus à ce sujet. Où sommes-nous? J'aimerais que le député de Bourassa commente cette loi du silence qui s'exerce actuellement sur quelque chose, qui est une opération qui vise à mettre encore le Québec à sa place.

M. Nunez: Madame la Présidente, je remercie mon collègue de Lévis qui accomplit un travail extraordinaire en tant que député et en tant que membre du Comité du développement des ressources humaines.

(1625)

Naturellement, je suis d'accord avec lui et avec mon parti à l'effet que le projet de loi C-11 renforce les pouvoirs fédéraux vis-à-vis des provinces. Le ministre, comme je l'ai dit dans mon exposé, va pouvoir négocier directement avec des organisations en passant par-dessus les provinces, et ça, c'est inacceptable.

Dans mon comté, il y a beaucoup d'organismes communautaires. Ils seraient plus prêts à négocier avec le gouvernement du Québec, qui connaît mieux la réalité, qui connaît mieux le problème de Montréal et de Montréal-Nord en particulier, qu'avec Ottawa qui est très lointain. C'est pour ça que je suis totalement d'accord avec ce qu'il dit. Je tiens, encore une fois, à dire que ce projet de loi est de l'ingérence du gouvernement dans les affaires qui relèvent des provinces, particulièrement en matière de formation professionnelle.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Madame la Présidente, je suis très heureux d'intervenir dans ce débat concernant le projet de loi C-11. Comme mon collègue de Lévis l'a fait remarquer, il y a quelques minutes à peine, il est fort étonnant de constater à quel point le parti ministériel et même le troisième parti en Chambre, le parti réformiste, sont muets à ce sujet.

Il convient de le souligner, il convient que ce soit consigné puisque, comme le député de Lévis l'a mentionné, il s'agit du ministère le plus important sur le plan budgétaire et même sur le plan, je dirais, des conséquences sur la vie de nos concitoyens et concitoyennes; 40 p. 100 du budget fédéral consacré aux dépenses gouvernementales sont administrés ou passent par ce ministère.

Il faut donc se poser la question à savoir pourquoi les députés ministériels sont muets à ce sujet. Comment se fait-il que seule l'opposition officielle, le Bloc québécois, veut intervenir afin d'informer et d'alerter la population concernant les dangers de l'adoption de cette loi et surtout, danger encore plus grand, les conséquences de mettre entre les mains du ministre du Travail autant de pouvoirs. Dans les quelques minutes qui sont mises à ma disposition, je tenterai, au meilleur de ma connaissance, de faire ressortir quels sont ces pouvoirs que le ministre s'accorde par ce projet de loi.

Je veux, pour le faire, me référer au texte même de la loi. Les articles 6 et 7 du projet de loi C-11 nous parlent des attributions du ministre.

L'article 6 stipule:

6. Les attributions du ministre s'étendent d'une façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement liés au développement des ressources humaines au Canada ne ressortissant pas de droit à d'autres ministres, ministères ou organismes fédéraux et sont exercés en vue d'améliorer le marché de l'emploi et de promouvoir l'égalité et la sécurité sociale.
Que voilà de bons voeux, des voeux qui devraient recueillir l'assentiment de tout le monde puisqu'on lit, à l'article 6, que ce que le gouvernement fédéral veut faire par la création du ministère, c'est d'assurer l'amélioration du marché de l'emploi et de promouvoir l'égalité et la sécurité sociale. C'est vraiment de la tarte aux pommes; tout le monde est d'accord bien sûr, pour atteindre un objectif semblable.

Qui plus est, quand on lit cet article, on dit que le gouvernement fédéral, le ministre reconnaît qu'il devra le faire dans les champs de juridiction qui sont les siens. Il prend la peine de spécifier que les pouvoirs de son ministère ne devront pas se superposer aux pouvoirs d'autres ministères ou organismes du gouvernement fédéral. Donc, on pourrait dire: «Enfin, le gouvernement fédéral a l'intention de s'occuper de ses propres affaires, de jouer dans sa propre cour, de respecter, conséquemment, les pouvoirs des provinces.»

(1630)

Alors pour comprendre si telle est l'intention du gouvernement, il faut également lire l'article 7 et, par la suite, l'article 20 qui constituent un tout.

À l'article 7, on y dit:


1678

7. Dans le cadre des attributions que lui confère la présente loi ou toute autre loi, le ministre peut:
Il s'agit du ministre du Développement des ressources humaines.

a) sous réserve de la Loi sur la statistique, collecter, analyser [. . .]
Et caetera; ce sont toutes des formalités. À l'alinéa b), on dit:

b) le ministre peut collaborer avec les autorités provinciales en vue de coordonner les efforts visant à maintenir ou à améliorer le développement des ressources humaines.
C'est bien dit, et si les mots ont un sens, même dans cette enceinte, je dois lire: «le ministre peut collaborer»; il ne doit pas collaborer, il n'est pas obligé, il n'est pas tenu, il «peut» collaborer avec les autorités provinciales. Cela veut donc dire que le ministre a toute la marge de manoeuvre qu'il veut, qu'il peut souhaiter pour accepter ou refuser de collaborer avec le gouvernement provincial.

À l'article 6, on dit que le ministre ne doit pas jouer dans les juridictions des autres ministères ou organismes fédéraux, mais à l'article 7, à l'alinéa b), on dit qu'il «peut» collaborer avec les provinces. On connaît l'expérience du gouvernement fédéral depuis qu'il existe qui consiste à vouloir investir par tous les moyens acceptables ou inacceptables les champs de juridiction provinciale.

On l'a vu dans le passé, on l'a vu à maintes reprises, que l'on parle des pensions de vieillesse, que l'on parle des allocations familiales, que l'on parle de l'assurance-chômage, toutes ces matières étaient de juridiction provinciale. Et au cours des années, pour toutes sortes de raisons, tantôt c'était à cause de la crise économique des années 1920, plus tard, ce fut à cause de la guerre, le gouvernement fédéral s'est arrogé des pouvoirs, soit dit en passant de façon temporaire, qui, par la suite, sont devenus permanents. Ils ont même été constitutionnalisés avec le temps, comme c'est le cas avec l'assurance-chômage.

Donc, il n'y a pas lieu d'être rassuré quand on lit l'article 6 en lien avec l'article 7.

Si vous le permettez, faisons un petit saut et prenons maintenant connaissance de l'article 20. Que dit-on à l'article 20 du projet de loi C-11? On est toujours à l'étude du même projet de loi, il est donc pertinent de faire ce lien. À l'article 20, on y dit:

20. En vue de faciliter la formulation, la coordination et l'application des politiques et programmes relatifs aux attributions énoncées à l'article 6, le ministre peut conclure un accord avec une province,
-peut conclure un accord avec une province, on répète ce qu'on trouve à l'article 7-

un organisme public provincial, une institution financière ou toute personne ou organisme de son choix.
Alors là, la boucle est bouclée, comme on dit chez nous, puisqu'on vient de comprendre que le ministre peut décider de collaborer avec une province. C'est à l'alinéa 7b). Donc si, par hasard, le ministre ne veut pas collaborer avec une province, il peut s'en dispenser. Mais que va-t-il faire à ce moment-là, en vertu de l'article 20? Il va passer par-dessus la tête des provinces et aller directement négocier ou faire des ententes avec des organismes dans chacune des provinces.

(1635)

Ce n'est pas dit dans l'article 20, parce que le gouvernement fédéral veut tromper ou veut cacher la vérité. Ce n'est pas dit, à l'article 20, que le gouvernement fédéral ou un de ses organismes pourra faire affaire directement avec une municipalité, mais il faut comprendre qu'un organisme public provincial, c'est une municipalité. Une municipalité est un organisme, une créature du gouvernement des provinces. C'est donc dire, si je comprends bien la portée de cet article, que le gouvernement fédéral se donne, par l'adoption de ce projet de loi, toute la marge de manoeuvre, je le répète, toute latitude pour passer par-dessus la tête des gouvernements provinciaux et aller transiger directement avec les municipalités ou avec des organismes qui évoluent au palier provincial.

C'est ça l'intention du gouvernement, c'est ça l'intention du ministre, et on sait, surtout avec le ministre actuel, qu'il ne se gênera pas pour mettre de côté les provinces et surtout le Québec, bien sûr, et pour essayer de faire des ententes qui iront à l'encontre de la volonté, des objectifs, et des politiques poursuivis par le gouvernement du Québec.

Et, dans les minutes qui me restent, je voudrais parler justement de la volonté qui existe au Québec, la volonté commune et consensuelle, concernant les politiques de formation de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas le seul domaine où le Québec sera unique, où nous sommes un foyer distinctif, et le ministre des Affaires intergouvernementales voudra peut-être adopter un autre terme puisque la «société distincte» comme le «foyer principal» ont disparu. Peut-être que le terme «foyer distinctif» pourrait faire l'affaire pour une couple de semaines, mais toujours est-il qu'il existe au Québec, depuis des années, je dis bien des années, un consensus entre tous les intervenants, toutes les parties. Cela veut dire le gouvernement du Québec, les centrales syndicales et également le patronat. Pour la première fois dans l'histoire politique du Québec, je dirais, un consensus s'est dégagé pour demander au gouvernement fédéral de se retirer du champ de la formation de la main-d'oeuvre, pour demander au gouvernement fédéral d'enlever ses gros sabots de cette juridiction provinciale et d'éviter la duplication et la multiplication des interventions dans un domaine névralgique, non seulement sur le plan économique mais dans la vie quotidienne de nos concitoyens et concitoyennes. On parle du monde, du vrai monde ordinaire, qui, au travail, ou à cause de la fermeture de leur entreprise, ont besoin de se recycler ou d'une formation supplémentaire.

Comme mes collègues l'ont fait ici et dans d'autres forums, combien de fois a-t-on répété qu'il fallait faire le ménage dans la formation de la main-d'oeuvre? Au Québec, tous les organismes patronaux, syndicaux ainsi que le gouvernement ont dit la même chose, non pas simplement le gouvernement séparatiste qui est au pouvoir actuellement, mais le gouvernement fédéraliste qui a précédé le gouvernement de M. Bouchard, c'est à dire le gouvernement de M. Johnson, le gouvernement de M. Bourassa, et M. Bourassa ne peut pas être accusé d'avoir quelque tendance séparatiste que ce soit.


1679

(1640)

S'il y a quelqu'un qui était prêt à faire tous les compromis, je dirais toutes les compromissions, pour faire en sorte que le Québec demeure au sein de la fédération canadienne, c'est bien l'ex-premier ministre du Québec, M. Bourassa. Eh bien, même son gouvernement et lui-même ont adhéré à ce consensus québécois pour faire en sorte que la formation de la main-d'oeuvre soit reconnue comme étant de compétence exclusive provinciale, ce qui est déjà le cas dans la Constitution, mais pour demander au gouvernement fédéral de s'en retirer complètement.

Or, on constate, à la lecture du projet de loi qu'on a devant nous, en lisant les articles 6, 7b) et 20, que non seulement le gouvernement fédéral n'a pas l'intention de respecter ce consensus, mais qu'il a plutôt l'intention de continuer à faire ce qu'il a toujours fait depuis nombre d'années, c'est-à-dire d'intervenir à peu près n'importe comment, n'importe quand, et auprès de n'importe qui.

Période de questions après période de questions, le premier ministre s'est levé en cette Chambre, la vice-première ministre, l'ex-ministre responsable du Développement des ressources humaines et l'actuel détenteur de ce portefeuille se sont levés, l'un après l'autre en Chambre, pour dire à quel point ils ont l'intention, la volonté de décentraliser, de permettre d'évacuer ce champ de compétence des provinces pour faire en sorte de respecter la Constitution.

Ils tiennent ce discours jour après jour, période de questions après période de questions, campagne électorale après campagne électorale, mais dans les faits, quand vient le temps de prendre une décision, la première chose qu'ils font, c'est d'écrire noir sur blanc qu'ils ont l'intention d'agir dans le sens contraire.

Après, on se surprendra du cynisme, pour ne pas dire davantage, qui existe au sein de la population face à la politique et aux politiciens. Cela s'appelle parler des deux côtés de la bouche en même temps. On ne peut pas dire une chose et son contraire et soutenir qu'il n'y a pas incohérence.

Le gouvernement fédéral répète qu'il est prêt et qu'il veut se retirer du champ de la main-d'oeuvre. Pourquoi ne pas avoir écrit dans son projet de loi qu'il abandonnait ce secteur aux provinces et que, pour ce qui concerne le Québec, il reconnaissait une fois pour toutes le consensus qui a place au Québec. Cela aurait été simple, cela aurait été facile. Je suis convaincu que pour une fois, on aurait eu l'unanimité en cette Chambre autour d'un projet de loi puisque c'est ce que réclament tous les intervenants du Québec.

Je pense que le ministre a encore quelques possibilités d'intervenir avant que le projet de loi ne soit adopté. Il faut donc que le ministre responsable du Développement des ressources humaines et son premier ministre se parlent dans les meilleurs délais, conviennent qu'il y a une lacune, c'est le moins qu'on puisse dire, dans ce projet de loi, et que vraiment, il ne rencontre pas les intentions du gouvernement fédéral qui parle d'abandonner le champ de la main-d'oeuvre. Alors, il pourrait procéder aux modifications nécessaires.

Il n'y a rien qui constituerait plus une preuve éloquente de la bonne volonté du gouvernement que s'il profitait de ce débat pour annoncer une fois pour toutes son intention de se retirer complètement du champ de la main-d'oeuvre. En cela, il recevrait l'appui total des intervenants du Québec, de l'opposition officielle et je pense que ce serait la meilleure façon de clore ce débat.

(1645)

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Madame la Présidente, je voudrais remercier mon collègue de son excellent exposé, qui a montré encore une fois l'importance de ce dossier de la main-d'oeuvre.

Je voudrais dire, avant de lui poser une question, combien ce projet de loi cependant a une portée plus large, parce que le développement des ressources humaines peut être plus que de la formation et de l'adaptation de la main-d'oeuvre. Ça peut toucher la formation directement, ça peut toucher les politiques familiales. Au fond, ça peut toucher tout ce qui a trait au développement humain.

Il a raison de souligner avec force que, en particulier, il est outrageant de voir que ce dossier de la formation de la main-d'oeuvre n'est pas encore réglé, alors que le consensus au Québec est si fort et depuis si longtemps. Je citais ce matin une lettre de 1991 du ministre Bourbeau, alors ministre de la Main-d'oeuvre, au ministre fédéral Valcourt. Il y rappelait exactement les mêmes demandes, c'est-à-dire qu'il s'opposait à toute intervention du fédéral qui passe par-dessus la province dans le champ de la main-d'oeuvre.

Il faisait état de cette correspondance qui avait lieu entre lui etM. Valcourt, mais il rappelait aussi qu'il avait discuté de cela avant avec Mme McDougall et convenu avec elle qu'elle ne passerait pas par-dessus la tête de la province. Il dit cependant ceci qui est intéressant sur le rapport avec les débats constitutionnels. Il dit: «Mme McDougall m'a fait savoir que le gouvernement fédéral associait les demandes du Québec au processus de révision constitutionnel. J'ai déploré cette orientation parce que même si la plus grande harmonie constitutionnelle régnait au pays-ce qui n'est pas le cas on le sait, surtout depuis le 30 octobre-le Québec formulerait les mêmes demandes dans le domaine de la main-d'oeuvre, tant est urgente pour le développement économique du Québec la nécessité de rendre les programmes de main-d'oeuvre efficaces et dessinés à partir des priorités du marché du travail propre au Québec.» C'est M. Bourbeau, ministre libéral fédéraliste.

Alors, inutile de dire que, cinq ans plus tard, quand on voit que le ministre reprend à son compte le projet de loi C-96, qui est devenu C-11, et qu'il prétend, dans tous les champs du développement de la main-d'oeuvre, pouvoir passer outre à la province, conclure des ententes avec n'importe qui sans pouvoir pour la province de se retirer d'une entente et de gérer elle-même les fonds afférents, on ne peut pas faire autrement qu'être scandalisés. Pourquoi? Parce que cette question n'en est pas une de chicane entre les deux paliers de gouvernement. C'est l'urgence absolue de faire en sorte que l'argent rare soit mis au service du monde et que c'est le gouvernement du Québec qui est le responsable du développement économique et social du Québec. C'est lui qui est proche des citoyens. C'est lui qui a le devoir et la responsabilité d'avoir les instruments nécessaires pour aider les citoyens.


1680

Ce n'est pas pour rien qu'il y a eu la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre avec le patronat, les syndicats et tout le monde. C'est parce qu'il y a un constat terriblement urgent.

J'aimerais demander à mon collègue comment, justement, chez lui, concrètement, dans son comté, le besoin de mettre toutes les ressources au service des citoyens se fait sentir.

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Madame la Présidente, je remercie ma collègue de Mercier qui, comme tout le monde le sait, est une spécialiste en cette matière et qui nous ramène toujours également sur le plancher des vaches.

(1650)

Je ne veux pas parler d'agriculture, même si cela ferait plaisir au député de Beauséjour. On adopte divers projets de loi, et il arrive qu'on adopte des projets de loi en Chambre qui sont un peu «flyés», si vous me permettez l'expression, ou qui touche de loin les gens dans leur vie quotidienne. Mais ce projet de loi, à sa première lecture ou du moins en référant au titre du projet de loi, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines, nous incite à nous demander quelles conséquences ou quels liens il aura sur la vie de nos concitoyens et concitoyennes.

La députée de Mercier vient de rappeler que c'est au quotidien qu'on peut constater les effets pervers d'un tel projet de loi et, encore plus, bien sûr, des décisions qui sont prises par le ministre du Développement des ressources humaines. Effectivement, dans mon comté, comme dans tous les comtés du Québec, combien de fois avons-nous entendu des chômeurs, des chômeuses, des propriétaires de petites entreprises, de petits commerces, des propriétaire de moyennes entreprises, de grandes entreprises venir se plaindre du fait qu'ils devaient consacrer du temps-et en affaires, le temps, c'est de l'argent-pour s'occuper des fonctionnaires, pour répondre aux demandes des fonctionnaires de toutes sortes, de tous les ministères. En plus, il y a d'autres fonctionnaires qui viennent poser les mêmes questions dans le même domaine; un qui relève du gouvernement du Québec et un autre qui relève du gouvernement fédéral.

C'est pourquoi dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre, comme ma collègue l'a dit, le ministère du Développement des ressources humaines touche à une infinité de secteurs, et on pourrait faire le même constat dans d'autres secteurs qui relèvent de ce ministère. Cela a créé, avec le temps, une espèce de Tour de Babel où une chatte ne peut pas retrouver ses petits. On le sait, ça a été dit, ça a été démontré à je ne sais combien de reprises, et c'est pour cela, ce n'est pas par grandeur d'âme ou parce que les différentes organisations ont oublié leur mission ou leur clientèle, je pense au Conseil du patronat qui s'entend avec la CSN ou la FTQ, ce n'est pas par plaisir, ce n'est pas parce qu'ils ont l'intention de soutirer des avantages à la CSN, c'est parce qu'ils voient leur intérêt à tous dans le fait d'arriver à ce consensus.

C'est la même chose pour les syndicats. Je ne pense pas que Gérald Larose soit très friand de se retrouver à la même table que Ghislain Dufour du Conseil du patronat. Mais quand il s'agit de la formation de la main-d'oeuvre, quand il s'agit d'assurer aux Québécois et aux Québécoises une formation qui les rend compétitifs sur le marché du travail, qui les rend non seulement compétitifs mais meilleurs dans leur emploi, qui fait qu'on fait des produits de meilleure qualité, tout le monde y trouve son compte. C'est ça, le consensus au Québec.

Ce n'est pas compliqué. On est obligé d'en arriver à des résultats concrets. On doit s'entendre patronat, syndicats, gouvernement pour que nos travailleurs et travailleuses soient bien formés, pour que nos usines fonctionnent selon les attentes des consommateurs, et pour que tout le monde y trouve son compte. Il faut faire le ménage dans les différents programmes, éviter la duplication, arriver avec des programmes qui correspondent à la réalité, qui font que si on a besoin d'avoir des cuisiniers, que ce soient des cuisiniers ou des cuisinières qu'on forme et non pas des ingénieurs.

Comme ma collègue de Mercier l'a mentionné, ça touche les gens dans leur quotidien. Or, il est important, et je terminerai là-dessus, il est important que le gouvernement libéral, certains de ses représentants suivent ce débat actuellement, parlent à leur collègue, tentent de convaincre le ministre, si c'est possible, je leur souhaite bonne chance, on a de la difficulté quant à nous, tentent de convaincre leur collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, d'améliorer son projet de loi et de tout de suite annoncer qu'il respectera les champs de juridiction provinciale.

(1655)

[Traduction]

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Madame la Présidente, je m'élève contre les propos du député. Dans son introduction, il s'est dit étonné et déçu de ce que le gouvernement et le tiers parti n'ont rien dit au sujet de ce projet de loi. Je m'inscris en faux contre cette observation.

Nous n'avons pas garder le silence sur cette mesure législative. J'aimerais qu'il reconnaisse ce fait. Nos deux critiques sont intervenus à la Chambre aujourd'hui pour exprimer le point de vue de notre parti. Ils l'ont exprimé on ne peut plus clairement et avec beaucoup d'éloquence. J'aimerais que le député le reconnaisse.

Ce n'est pas parce que son parti souhaite prolonger le débat en multipliant le nombre des intervenants que le député peut se permettre de s'en prendre aux députés du tiers parti, alors qu'ils se sont bel et bien prononcés sur ce projet de loi. Daignerait-il le reconnaître?

[Français]

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Madame la Présidente, je répondrai très brièvement.

Si j'ai pu, par ces remarques, stimuler nos amis du Parti réformiste à prendre conscience de l'importance de ce débat et à vouloir intervenir, c'était là effectivement mon intention et je ne dis pas qu'il n'y trouve aucun intérêt, mais il y trouve un intérêt pour le moins mitigé, puisqu'on a entendu très peu de porte-parole.

Quant à nous, notre intention n'est pas de prolonger indûment ce débat. L'intention du Bloc québécois est de faire comprendre l'importance et surtout les conséquences épouvantables de l'adoption de ce projet de loi.


1681

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Madame la Présidente, oui, je suis du comté de Longueuil, le plus beau comté du Québec d'ailleurs, près du fleuve Saint-Laurent, un comté assez historique, un comté où on reconnaît l'histoire des Canadiens français, l'histoire du Québec. Il y a d'anciennes maisons. Je suis même propriétaire d'une maison qui fut construite en 1854. Cette maison a été achetée par les Oblats quand ils sont arrivés au Canada. Ils se sont installés sur la rue Saint-Charles à Longueuil. Les Oblats, comme vous le savez, étaient des missionnaires, des découvreurs, des gens qui ont favorisé le développement du Québec et nous en sommes très fiers.

Pour revenir au projet de loi C-11, encore une fois, le gouvernement libéral se sert. Il crée un nouveau ministère, il change le nom du ministère pour permettre, en tant que gouvernement, de se donner plus de pouvoir, tellement de pouvoir que mes collègues du Bloc québécois qui m'ont précédé ont très bien expliqué, pour faire en sorte que le ministre ait des pouvoirs extraordinaires de s'ingérer à gauche et à droite, de s'ingérer dans l'entreprise privée, avec les provinces ou certaines provinces dans le but de créer une façon de fonctionner qui ira au détriment du ministère de l'Emploi du Québec.

Au Québec, nous avons créé, il y a quelques années, une société de développement de la main-d'oeuvre. Cette société représente une volonté unanime de tous les Québécois, qu'ils soient du milieu des affaires, du milieu syndical ou des deux principaux partis, c'est-à-dire le Parti québécois et le Parti libéral du Québec. Il y a une concertation bien établie. Il y a une volonté de tous les Québécois de tous les milieux pour se donner une façon de gérer nos chômeurs ou nos assistés sociaux, ceux qui ont eu le malheur de perdre leur emploi. Il y en a qui ont eu le malheur de perdre leur emploi à cause de la gestion fédérale.

(1700)

On sait que le fédéral, par ses politiques de vouloir prendre tous les pouvoirs ici à Ottawa, veut démontrer aux Québécois qu'il est le grand maître, le grand dirigeant de ce pays. Il veut démontrer que sans lui, on ne pourrait pas survivre au Québec. Toutes les mesures qu'il a prises ont fait en sorte de créer l'inflation dans certains cas, et après qu'il ait eu créé l'inflation, il a augmenté les taux d'intérêt, il a créé des récessions entre 1970 et 1980.

Entre 1984 et 1986, on a vécu le même problème, c'est-à-dire qu'on a créé les récessions, on a créé l'inflation. Alors, la vraie cause des problèmes sociaux que nous vivons au Québec est particulièrement liée aux mauvaises opérations du gouvernement fédéral. Aujourd'hui, le ministre veut se donner des pouvoirs pour pouvoir mieux gérer l'assurance-chômage. Il en est la cause, de l'assurance-chômage.

Je tiens à vous faire remarquer qu'on ne peut pas avoir beaucoup confiance en ce gouvernement libéral. Pas plus tard qu'il y a trois semaines, je questionnais le secrétaire d'État aux Finances qui nous disait qu'il voulait créer un fonds d'assurance-chômage et, en même temps, il disait qu'il voulait prendre ce fonds, cette somme d'argent recueillie à partir des cotisations des employés et des employeurs, une somme d'environ cinq milliards de dollars par année, afin de pouvoir percevoir plus pour la remettre ensuite par ses nouvelles façons de gérer l'assurance-chômage.

Il disait que ce fonds servirait à diminuer la dette canadienne et en même temps, il disait qu'il voulait créer un fonds pour permettre d'accumuler l'argent nécessaire pour faire face aux années maigres. Je devrais peut-être lui que nous sommes dans les années maigres.

S'il dit qu'il veut créer un fonds pendant les années maigres, comment le gouvernement fédéral va-t-il cueillir des sommes dans les années grasses? On dit qu'il cueillera cinq milliards de dollars en fonds pendant une année maigre comme on en vit à l'heure actuelle, ça veut dire que dans les années grasses, il cueillera combien? Dix milliards? Quinze milliards? Où ira cet argent? Dans le Fonds consolidé, c'est-à-dire pour servir à diminuer la dette canadienne.

On se sert des pauvres, c'est-à-dire principalement de nos petites et moyennes entreprises. On sait qu'on a diminué le niveau de salaire, et plus le niveau de salaire sera élevé, moins on va payer. Comme on le sait, chez nous au Québec, il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises. Nos salaires sont plus bas, donc ce sont nos petites et moyennes entreprises qui paieront davantage. Cela veut dire que les employés et les employeurs, encore une fois, vont, d'une certaine façon, être victimes d'une nouvelle taxe pour diminuer le déficit fédéral.

Comme on dit, c'est une façon assez particulière de régler les problèmes financiers en se servant des employés et des petites et moyennes entreprises du Québec pour diminuer le déficit fédéral. Vous voyez que nous avons très peu confiance en cette façon de faire. Le fait qu'on donne plus de pouvoir, dans ce projet de loi, au ministre, vous comprendrez encore une fois qu'on a peur et que nous sommes très inquiets pour l'avenir.

En ce qui concerne cette volonté pour le Québec de vouloir obtenir la formation de la main-d'oeuvre, mes collègues en ont parlé avant et je le répète encore, on le répète depuis des années, il y a des raisons pour cela. Le Québec est une société distincte. Qu'on le veuille ou non, nous sommes une société distincte. C'est un fait.

(1705)

C'est une réalité. Il faut une fois pour toutes que le Canada anglais comprenne que le Québec est une société distincte.

Nous sommes une société distincte, pas nécessairement par rapport à la langue française. En ce qui concerne la langue française, il est sûr que c'est une évidence même. Le fait est que les Québécois et les Québécoises parlent français et qu'un très bon pourcentage de Québécois francophones ne parlent pas anglais. Par exemple, le ministre pourrait, si un Québécois perd son emploi, est au chômage, lui demander d'aller travailler à Toronto ou à Vancouver. On appelle cela la mobilité du personnel.

On dit qu'une personne qui perd son emploi devra aller travailler à Vancouver, par exemple, ou à Toronto. Un Québécois francophone qui ne parle pas anglais pourrait refuser d'aller travailler à Toronto ou à Vancouver, et cela ferait en sorte qu'il perdrait son assurance-chômage, parce qu'on obligerait un francophone québécois d'aller travailler dans une région où il ne peut pas, en principe, aller


1682

travailler. Il n'est pas intéressé non plus à aller y travailler. C'est un changement trop important qu'on exige de cette personne-là.

Quand on parle de la société distincte du Québec, on ne peut pas faire des règlements de la même façon pour les Québécois que pour les autres Canadiens. C'est une des raisons pour lesquelles nous croyons que le Québec devrait prendre charge de l'assurance-chômage, prendre charge de la formation de la main-d'oeuvre. C'est une volonté unanime du Québec.

Le Québec n'est pas une société distincte strictement par rapport à sa langue. Le Québec n'est pas une société distincte strictement par rapport à son folklore. Ce n'est pas simplement la danse qui fait la différence. Nous dansons les sets carrés et les sets carrés viennent particulièrement de l'Écosse et des Irlandais. Ce n'est pas simplement à cause de la danse, à cause du folklore que nous sommes une société distincte. Nous avons une culture distincte.

Nous avons une société distincte particulièrement en ce qui concerne nos institutions financières. On en parle encore une fois en ce qui concerne les amendements qui touchent les institutions financières, mais au Québec nous avons des institutions financières distinctes. Cela a une très grande importance.

Juste le Mouvement Desjardins, par exemple, représente plus de 80 milliards de dollars d'actif. C'est très important. Pourquoi les Québécois ont-ils été obligés de mettre en place des institutions financières? C'est parce que le Canada anglais ne permettait pas de prêter de l'argent à nos bons Québécois francophones qui en avaient besoin. On ne leur en prêtait pas. On prêtait simplement aux anglophones, aux entreprises anglophones du Québec.

Alors on a été obligés de créer nos institutions financières avec des chartes québécoises, des règles québécoises. Et cela, c'est seulement Desjardins.

Nous avons des mutuelles d'assurance à charte québécoise qui ont été créées de toutes pièces pour les besoins du Québec. Nous avons aussi la Caisse de dépôt qui compte environ plus de 50 milliards de dollars que nous gérons. Cet argent sert à développer notre économie, à faire des prêts à nos entreprises, à s'associer à certaines entreprises. C'est cela une société distincte. Cela veut dire que nous avons créé des institutions financières. Nous avons créé des entreprises. Nous avons créé tout cela.

Aujourd'hui, vous comprendrez que nous n'avons pas l'intention de perdre tous ces acquis que nous avons gagnés à la sueur de notre front, et durement. Comment voulez-vous qu'aujourd'hui on accepte que ce soit le fédéral qui décide de quelle façon on devrait être formés, quelles règles le fédéral devrait établir lui-même sans notre consentement?

Par exemple, que l'on regarde ce qu'on vient de faire avec notre projet de fusion à Varennes. On a décidé unilatéralement que la priorité du fédéral n'était pas la fusion nucléaire.

(1710)

On retient unilatéralement. On ne parle pas au Québec. On ne parle pas aux autres investisseurs, il y a l'Hydro-Québec qui fait partie de cela. On décide unilatéralement de se retirer au niveau de la recherche.

Le grand maître fédéral décide par lui-même, tout à coup, de se retirer ou de changer les règles du jeu sans tenir compte des efforts que nous avons faits au Québec pour nous développer. Nous avons créé une foule de choses. Avec tous les efforts qu'on a faits, si on réussit à n'avoir pas plus de 10 ou 12 p. 100 de chômage, on est des vedettes, nous sommes des gens extraordinaires. Jamais le fédéral ne nous a tellement aidés au plan du développement économique. On a été obligés de le faire nous-mêmes en travaillant très fort.

Vous pensez qu'on peut avoir confiance au fédéral pour se développer? Quand on pense, par exemple, qu'en recherche et développement, j'ai eu l'occasion de faire une étude à ce sujet en 1989, les contrats que le fédéral octroie au Québec, à partir de nos impôts, en recherche et développement-ça fait un peu partie de la formation, ça fait partie des besoins d'une entreprise, une entreprise a besoin de se développer comme on a besoin de former des personnes, tout ça se tient-les contrats en recherche et développement que le gouvernement fédéral remet pour aider les entreprises ou autres institutions d'enseignement et autres représentaient 1,2 milliard de moins que ce qu'on donnait à l'Ontario.

Je ne me souviens pas exactement du montant, il y a un bout de temps que j'ai fait ça, mais je me souviens très bien du montant qui était 1,2 milliard de dollars de moins par année que le Québec recevait en recherche et développement des contrats venant du gouvernement fédéral. Quand on se demande pourquoi il y a plus de chômage au Québec qu'en Ontario, la réponse est là.

Ce matin, au Comité de l'industrie, j'ai demandé aux gens de Statistique Canada, qui étaient là comme témoins, comment sont répartis les employés de Statistique Canada? On m'a répondu qu'ils étaient bien répartis, relativement représentés par rapport à la population. J'ai aussi demandé qu'on me donne des détails. On m'a dit qu'ils avaient environ 4 600 employés à Statistique Canada, dont environ 3 500 à Ottawa. À ce que je sache, Ottawa est en Ontario, 346 millions de dollars dépensés pas Statistique Canada, mais si vous faites la relation entre 4 600 employés et 3 600 en Ontario, vous allez voir que les retombées pour l'Ontario sont nettement supérieures et cela fait la différence entre tout ça.

Tout ça pour vous dire qu'on ne peut pas faire confiance au gouvernement fédéral pour nous développer. Nous n'avons vraiment pas confiance. Quand on dit que le passé est garant de l'avenir, je peux vous dire que nous n'avons nettement pas confiance au gouvernement fédéral pour s'occuper de la formation de la main-d'oeuvre, pour s'occuper de nos gens en chômage.

On dit que le chômage est seulement de 10 p. 100, 11 p. 100 au Québec, il faut remarquer que le chômage est encore beaucoup trop élevé au Québec comparativement aux États-Unis où il est d'environ 5 p. 100, mais le pire c'est qu'il s'il y a un peu moins de chômage qu'il devrait y en avoir c'est parce que les chômeurs maintenant qu'ils ne reçoivent plus de chômage sont rendus sur le bien-être social.

Au Québec, le bien-être social est très élevé. Pourquoi? C'est parce que les gens perçoivent moins longtemps de chômage parce qu'ils travaillent moins. Pourquoi a-t-on plus de chômage au Québec? C'est pour les raisons que j'ai mentionnées tantôt. C'est parce que le gouvernement fédéral n'a jamais pris le Québec au sérieux et qu'on a été obligé de travailler toujours beaucoup plus fort, plus intensément pour arriver à faire en sorte que l'on puisse s'épanouir économiquement.


1683

(1715)

La société distincte, c'est ça. Jamais le Québec ne va accepter, à moins qu'il n'y ait des changements majeurs, de faire confiance au gouvernement fédéral pour gérer ses affaires.

Je conclus là-dessus, et je vous remercie beaucoup, madame la Présidente.

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Madame la Présidente, pour mon premier discours à la Chambre, j'aimerais tout d'abord remercier les gens de mon comté qui ont su me faire confiance. Comme vous le savez, et comme vous pouvez le constater, je suis le plus jeune député de la Chambre des Communes. Il n'était pas évident, au début, lorsque je me suis présenté, que ma jeunesse serait un atout. Et d'ailleurs, je félicite également le Bloc québécois, qui est un parti ouvert, tourné vers l'avenir et qui est prêt à aller vers un futur avec les jeunes de toutes les palettes de la société. J'en suis très fier.

Je suis également heureux et c'est un grand honneur pour moi de représenter le comté de Lac-Saint-Jean. Un Tremblay qui représente le comté de Lac-Saint-Jean, un comté qui a su innover, un comté qui, en fin de compte, est un peu le coeur battant du Québec. Je ne veux pas offenser mes collègues ici, près de moi, mais le comté de Lac-Saint-Jean est le premier qui a dit oui au projet souverainiste, avec la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je parle du référendum de 1980, bien sûr. Il a amené le reste du Québec avec lui, comme on l'a vu lors du dernier référendum. C'est un comté qui a donné naissance, ou pratiquement naissance, au Bloc québécois avec notre prédécesseur, M. Lucien Bouchard, qui est maintenant le premier ministre du Québec.

Quand je dis que c'est le coeur battant du Québec, ce n'est pas seulement en politique. On peut aussi parler de Michel Gauthier qui vient de Roberval, le comté voisin du mien, qui fait aussi partie de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'est un comté qui en est vraiment le coeur battant. C'est aussi, pour moi, un comté regroupant des gens chaleureux, un comté accueillant, un comté où les gens sont de bons vivants, où les gens sont «d'adon». On a même inventé cette expression, madame la Présidente, elle est bien locale, et je ne crois pas que l'interprète puisse la traduire.

Malheureusement, c'est un comté qui fait face à certains problèmes et c'est une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de me lancer en politique. Comme bien des régions du Québec, et même du reste du Canada et du monde, des régions éloignées, c'est une région qui vit un grave problème, c'est-à-dire l'exode de ses jeunes et de bien d'autres personnes. Cela est dû au problème de l'emploi.

Une autre raison, c'est que mon comté est victime du passage de l'ère de l'industrialisation à l'ère de la PME. On aura probalement besoin, et je l'espère, de l'aide du gouvernement fédéral pour le soutien à l'entreprise.

C'est également un comté qui, pour moi, est bourré de potentiels, de ressources naturelles et de gens pleins de ressources. C'est un comté, et même une région, qui a su innover, au Québec. D'ailleurs, dernièrement, en septembre dernier, il s'est donné une planification stratégique régionale. Quand il s'est aperçu que cela allait mal, il a réuni tous ses intervenants pour se donner une ligne directrice. Et le principal élément qui en est ressorti, c'est la décentralisation.

Cela m'amène maintenant à parler de ce projet de loi qui, contrairement à ce que notre région et tout le Québec pensent, va à l'encontre de la philosophie de tous les Québécois, c'est-à-dire la décentralisation. En fin de compte, nous voulons être maîtres chez nous, nous voulons gérer nos affaires, et plus les choses seront près de la population, mieux ce sera.

(1720)

Lors du dernier référendum qu'on a perdu-dire qu'on l'a perdu, ce sont des bien grands mots. . .

M. Leroux (Shefford): On l'a presque gagné.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): On l'a presque gagné, oui. J'avais un soupçon d'espoir. Je me disais: En fin de compte, le gouvernement de Jean Chrétien nous avait promis de décentraliser, il nous avait promis un nouveau pays. Mais malheureusement, avec ce projet de loi, on voit encore qu'on s'est fait avoir carrément. On peut voir encore qu'on ne peut pas croire en ce gouvernement et qu'on ne peut pas croire au système fédéraliste.

Ce projet de loi accentue la présence du fédéral dans beaucoup de domaines. En fin de compte, on doit se rappeler du domaine de l'assurance-chômage. On le sait très bien, une région comme la mienne a besoin de l'assurance-chômage, et le nouveau projet de loi aura des répercussions néfastes sur ma région.

Il y a également les programmes de sécurité du revenu pour les enfants et pour les aînés. Ce projet de loi touche aussi le soutien aux provinces dans le secteur de l'enseignement postsecondaire et du bien-être social, de l'adaptation au marché du travail, du développement social ainsi que des prêts aux étudiants. En fin de compte, c'est un projet de loi qui centralise beaucoup trop.

Vous savez, quand on se promène partout au Canada et qu'on se fait demander: «What does Québec want?» Je vais vous le dire, moi: on veut de la décentralisation, on veut être maîtres chez nous. Le fait de dire qu'on veut gêner nos affaires, qu'on veut décentraliser amène un large consensus. On n'a qu'à parler du développement de la main-d'oeuvre qui est un simple exemple. Ce large consensus, tout le monde le fait pratiquement: l'actuel gouvernement du Québec et l'ancien gouvernement. On n'a qu'à parler de M. Bourassa qui était dans la même voie, du Conseil du patronat; on n'a qu'à parler des centrales syndicales, des réseaux d'éducation, des forums emploi, on veut gérer nos affaires, c'est très simple.

Je conclurai mon premier discours en disant que j'espère que le ministre aura encore le courage d'apporter des amendements et d'écouter sa population qui, elle, la veut cette décentralisation. Je ne pourrai terminer sans remercier encore une fois le citoyens du comté de Lac-Saint-Jean qui ont su faire confiance en leur jeunesse. Je peux vous dire que je serai toujours là pour représenter mon comté qui est pour moi un des plus beaux comtés du Québec.

Une voix: Vive le Lac-Saint-Jean!

Des voix: Bravo!

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la Présidente, je tenais à faire un commentaire parce que l'arrivée du nouveau député du comté de Lac-Saint-Jean constitue pour moi le transfert d'une responsabilité, celle de critique de formation et jeunesse. J'étais moi-même d'accord pour ce que ce dossier lui soit confié puisqu'il est le plus jeune député du Bloc québécois, le plus jeune député de la


1684

Chambre des communes. J'ai déjà été jeune bien sûr, la jeunesse accompagne l'âge, mais je pense qu'il nous a démontré dans son premier discours, discours qu'il a fait avec éloquence, qu'il peut parler avec son coeur. Quand il parlait du «coeur battant», je sentais qu'il était un député qui nous démontrait déjà qu'il a beaucoup de coeur.

Il a étalé ses préoccupations et je pense que dans ses discours antérieurs je l'ai entendu parler de ses préoccupations pour la jeunesse.

Il a beaucoup parlé de son comté, mais il a aussi parlé de la jeunesse. J'aimerais lui poser la question suivante. . .

M. Silye: Question, question.

M. Discepola: Donnez-lui une chance de répondre à la question au moins.

M. Dubé: C'est intéressant, madame la Présidente. Mais je signale une chose: après un silence incroyable, un silence interminable cet après-midi lors de ce débat parce que c'est un important ministère, l'arrivée d'un nouveau député, un jeune qui a démontré de l'enthousiasme, enfin a réveillé cette Chambre et je suis très heureux de ce fait.

(1725)

Je voudrais lui demander quelles sont ses préoccupations concernant l'exode des jeunes. J'aimerais qu'il me dise s'il pense qu'il est important que ce soit confié au gouvernement du Québec dans un souci de cohérence et si on peut enfin mettre fin à un système où il y a un dédoublement de programmes. Est-il d'accord avec cela, que le Québec reprenne en main tous ses outils? Il l'a dit, mais j'aimerais l'entendre, pendant les quelques minutes qui lui restent, parler de ses préoccupations concernant les jeunes.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Madame la Présidente, avant de répondre, j'aimerais ajouter quelque chose. Effectivement, je suis jeune, oui, mais j'ai été élu par les gens de mon comté. Il y a une chose importante, c'est que bien souvent, en politique, on parle de la jeunesse pour se faire du capital politique. On s'entoure de jeunes. On connaît certains partis qui, voulant montrer qu'ils sont ouverts à toutes les parties de la population, s'entourent de jeunes pour montrer qu'ils sont tournés vers l'avenir, alors que le Bloc québécois et le comté de Lac-Saint-Jean, eux, ne vont pas avec des symboles.

Ils vont vraiment avec des exemples concrets en prenant peut-être, oui, le risque d'élire un jeune, mais j'ai pour mon dire que, quand on ne prend pas de risques dans la vie, on n'avance pas. Qui n'avance pas recule. C'était seulement pour ajouter un petit commentaire là-dessus.

Je répondrai à mon collègue qu'effectivement, quand on veut avoir son mot à dire, la jeunesse est un peu le symbole de la décentralisation, en fin de compte. Plus l'instance décisionnelle est près de la population et plus les gens de ce pays se sentent concernés. Oui, je crois à la décentralisation, et plus il y en aura, plus les gens se sentiront concernés ainsi que les jeunes qui, bien trop souvent d'ailleurs, se sentent complètement perdus dans le débat politique parce qu'ils ne se sentent pas concernés. Donc, il suffit de se rapprocher de la population pour que les gens se sentent concernés dans ce pays.

[Traduction]

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Madame la Présidente, je tiens à féliciter le député du Lac-Saint-Jean à l'occasion de sa première intervention et de son premier discours à la Chambre des communes.

J'aimerais formuler deux observations. Tout d'abord, j'espère que le nouveau député ne se sent pas trop coupable de ravir la couronne du plus jeune député de la Chambre des communes à son collègue du Témiscamingue, car c'est sur sa tête qu'elle reposait avant son arrivée. J'ai collaboré avec celui qui était jusqu'ici le jeune député de la Chambre au Comité permanent des finances. Je peux dire qu'il s'est efforcé de rendre le gouvernement responsable, comme c'était son devoir d'aillers, et qu'il a fait un excellent travail.

Cela étant dit, j'espère que le député prendra le temps de réagir à ma deuxième observation. Pendant son discours, j'ai décelé quelques ressemblances avec l'ancien chef du Bloc québécois. Le style du député s'y apparente beaucoup. J'espère seulement qu'il saura davantage joindre la parole à l'acte.

L'ancien chef est le Messie, aux yeux des Québécois. Tout lui est possible au Québec. Il peut marcher sur les eaux. Il peut sauvegarder les programmes sociaux, tout en sabrant à grands coups dedans. Il peut promouvoir la création d'emplois pour les jeunes. Il peut tout faire, mais l'argent n'est pas au rendez-vous.

Qu'est-ce que le député pourrait ajouter pour donner un peu de consistance à ses propos?

[Français]

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Madame la Présidente, en réponse à cette question, je vous dirai que la première chose que j'ai déjà réalisée, c'est de m'être présenté à cette élection. C'est sans prétention, mais je peux vous dire que ça m'a pris beaucoup de courage, parce qu'une des choses que je voulais faire concrètement, pas juste en parole, c'était de montrer qu'il y avait encore des jeunes vivants, qui voulaient prendre part à ce pays.

Puis quand j'ai décidé de me lancer, je me suis dit: «Est-ce que les gens seront prêts à faire place à des jeunes de 22 ans?» Ce n'est pas tout de suite évident.

Je pense que la première action concrète, et je dis bien concrète, c'est que j'ai reçu beaucoup de témoignages d'étudiants, de jeunes qui m'ont dit que je leur avais donné un bon exemple et que cela leur avait donné le goût de foncer. Donc concrètement, au-delà des paroles, je pense que j'ai déjà fait quelque chose. Sans prétention et en toute modestie, je dis que le temps nous montrera ce que je pourrai faire dans le futur, mais au moins j'ai foncé, j'ai sauté par-dessus la barrière, et pour la suite, on verra. J'avais deux choix: on baisse les bras ou on se relève les manches. Eh bien, moi, je me relève les manches et je suis prêt à travailler pour construire le Québec de demain.


1685

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Comme il est 17 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait envisager de modifier l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, selon la formule de modification énoncée à l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982, pour qu'il se lise ainsi: «Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales, sauf: a) s'il est enfermé dans un pénitencier, une prison ou un établissement psychiatrique ou b) s'il est en liberté, avec ou sans excuse légitime, après avoir été enfermé dans un des endroits mentionnés à l'alinéa a).»
-Madame la Présidente, il y a moins de 100 ans, une femme de Victoria, en Colombie-Britannique, a choqué les citoyens locaux en allant voter. En tant que veuve, elle avait hérité des biens de son mari et, en tant que nouvelle propriétaire foncière, elle avait donc le droit de voter selon la façon dont le droit de vote était limité durant cette période de notre histoire.

Les temps ont bien changé. Les citoyens adultes respectueux des lois ont vraiment voix au chapitre dans la façon dont les affaires du pays sont conduites et c'est maintenant considéré comme un symbole de la démocratie. À notre époque, des milliers de jeunes Canadiens ont combattu et sont morts en sol étranger pour défendre ce principe fondamental.

Plus récemment, une grande partie du monde a été choquée lorsque la Chine continentale a procédé à des manoeuvres militaires en utilisant des munitions pour décourager les citoyens de Taiwan de voter pour leur nouveau président. C'était la première fois que les gens pouvaient voter pour leur président dans les 5 000 ans d'histoire du pays le plus peuplé de notre planète. C'est avec un grand courage que plus de 76 p. 100 des électeurs admissibles ont voté et montré à quel point ces Chinois libres attachaient de l'importance à leur nouvelle démocratie.

Au sein de notre commonwealth des nations, la république d'Afrique du Sud a fondé le droit de vote sur des considérations raciales, ce qui donnait la possibilité à une minorité blanche de contrôler la majorité noire beaucoup plus importante, de se livrer à toute une série, apparemment sans limite, de violations des droits de la personne, jusqu'à ce qu'on mette récemment fin à l'apartheid.

Je donne ces exemples pour signaler à quel point c'est un privilège précieux que d'être en mesure de voter et de briguer les suffrages, plutôt que de voir nos vies contrôlées par des dictateurs totalitaires ou par des partis communistes ou fascistes, ou encore par des membres d'une race en particulier.

Les Canadiens attachent la plus grande importance à ce droit. Ainsi, de nombreux Canadiens ont été choqués d'apprendre que notre Charte canadienne des droits et libertés avait donné le droit de vote à des criminels. L'article 51 de la Loi électorale du Canada interdit à bien des citoyens de voter, et je cite:

Les individus suivants sont inhabiles à voter à une élection et ne peuvent voter à une élection:
e) toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire et y purgeant une peine pour avoir commis quelque infraction;
f) toute personne restreinte dans sa liberté de mouvement ou privée de la gestion de ses biens pour cause de maladie mentale.
(1735)

Ces dispositions de la Loi électorale traduisaient ce que veulent les Canadiens.

Il est aussi intéressant de souligner que, en vertu du 14e amendement de la Constitution des États-Unis d'Amérique, cette grande démocratie qui est aussi notre voisine, les prisonniers n'ont pas le droit de vote. La Constitution américaine date des années 1700, alors que la Charte canadienne des droits et libertés ne date que des années 1980. Il n'est donc pas étonnant que les Américains aient adopté de nombreux amendements constitutionnels.

Actuellement, l'article 748 du Code criminel du Canada prévoit qu'une personne déclarée coupable d'un acte criminel et condamnée en conséquence à un emprisonnement de plus de cinq ans ne peut avoir un emploi public ni exercer une fonction relevant de la Couronne. Elle ne peut non plus être élue, ni siéger, ni voter comme membre du Parlement ou d'une assemblée législative et ne peut exercer un droit de suffrage.

Des personnes trouvées coupables de meurtre ont toutefois contesté l'alinéa 51e) de la Loi électorale du Canada en s'appuyant sur l'article 3 de la Charte des droits et libertés ainsi libellé:

Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
Différents tribunaux ont été saisis de la question à un certain nombre d'occasions. Ainsi, en 1992, le gouvernement fédéral a perdu un procès intenté par Richard Sauvé, qui purgeait une peine d'emprisonnement à perpétuité au pénitencier de Kingston et qui voulait ravoir son droit de vote.

La jurisprudence est divisée et les plus hautes juridictions ont été saisis d'appels relatifs aux élections provinciales et fédérales. Les tribunaux ont statué que la Loi électorale du Canada ne peut pas déroger à la Charte des droits et libertés.

J'ai parlé avec des Canadiens et je sais que la décision des tribunaux de supprimer les restrictions au droit de vote a choqué la


1686

majorité des Canadiens qui sont trop occupés à gagner leur vie pour pouvoir témoigner devant des commissions royales.

Voilà un exemple typique où les bonnes âmes sensibles se préoccupent davantage de défendre les droits des détenus que de démontrer que le crime est sévèrement puni.

Une des principales plaintes de beaucoup de mes électeurs, c'est que les délinquants ne reçoivent pratiquement qu'une réprimande, quel que soit leur crime. Les agents de police en activité me disent également que souvent ça ne vaut pas la peine de remplir toute la paperasse nécessaire pour faire condamner un délinquant et de l'envoyer en prison.

Ce n'est pas comme si nous envoyions les gens en prison pour un rien, même si le Canada a l'un des taux d'incarcération les plus élevés au monde, juste derrière les États-Unis. Ce n'est pas parce que la loi canadienne est si stricte que nous avons tant de personnes en prison. La vraie raison, c'est que les crimes de violence ont augmenté de 782 p. 100 de 1971 à 1994. Les crimes contre la propriété ont augmenté de 1 031 p. 100, bien que notre population n'ait augmenté que de 27 p. 100.

En 1994, presque trois millions de crimes ont été commis alors qu'en 1971, il n'y en avait à peine un quart de million. C'est plutôt renversant. Il est temps que le gouvernement se réveille. Les coeurs sensibles, dont le ministre de la Justice, ne se reportent qu'aux deux ou trois dernières années pour montrer que certaines catégories de crimes ont légèrement diminué.

Les Canadiens respectueux de la loi ne se sentent pas en sécurité et ils veulent voir les délinquants punis. Une de ces punitions devrait être le retrait du droit de vote à ceux qui sont condamnés à la prison. Un délinquant qui a payé sa dette pourrait recouvrer son droit de vote, mais seulement après que la dette a été payée.

Cette position a été clairement exposée par des témoins qui sont venus devant la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis qui a présenté son rapport en novembre 1991. Un témoin a déclaré à la Commission à Edmonton: «ils ont perdu ce privilège en étant exclus par leur faute de la société. Tant qu'ils n'accepteront pas de respecter nos lois après avoir réintégré la société, ils seront privés de certains privilèges, dont celui de prendre part à une élection.»

(1740)

À Thompson, Manitoba, un témoin a déclaré: «J'estime que le droit de vote est un privilège unique en ce pays. C'est pour dissuader les citoyens d'enfreindre la loique les détenus sont privés du droit de vote tant qu'ils sont incarcérés. À ce que je sache, la Charte n'autorise personne à enfreindre la loi.»

Les membres de la commission ont signalé que la plupart des témoins étaient en faveur du droit de vote pour les détenus, mais personne n'a appuyé l'idée que des détenus puissent être éligibles.

Le rapport mentionne également un mémoire présenté par la Société John Howard, qui signalait que les détenus ont le droit de vote en Italie, en Suède, en Norvège et au Danemark, mais non au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis.

Le nombre de détenus et les coûts de détention constituent deux autres arguments contre le droit de vote des détenus. Dans son témoignage devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, le 21 avril 1994, le directeur des opérations du Bureau du directeur général des élections, M. Jean-Claude Léger, a déclaré que 6 800 détenus étaient assujettis à des règles électorales spéciales.

Le directeur général des élections, M. Jean-Pierre Kingsley, a déclaré devant le même comité qu'on dénombrait 7 502 électeurs incarcérés. Le coût par électeur inscrit était de 23,81 $ pour ceux qui était incarcérés, comparativement à 9,38 $ pour les autres.

Vu le nombre de prisonniers qui votent dans les prisons, il est possible des prisonniers qui souhaitent voir des lois pénales moins sévères pourraient exercer une influence déterminante sur les résultats de nombreuses élections. Les bulletins de vote des détenus sont envoyés dans leurs circonscriptions d'origine pour y être comptés et de nombreuses élections sont gagnées ou perdues par de faibles marges.

L'actuelle ministre des Ressources naturelles a remporté l'élection dans Edmonton-Sud-Ouest par une majorité de 12 voix seulement contre le candidat réformiste. Je me demande combien de bulletins de vote provenaient des prisons.

Dans la circonscription d'Edmonton-Est, l'actuel député libéral a battu le candidat réformiste par seulement 115 voix. ll est donc évident que le vote des prisonniers pourrait facilement faire basculer le résultat d'une élection.

Est-ce juste pour les citoyens honnêtes qui doivent subvenir à grands frais aux besoins des détenus? Je ne trouve pas cela juste du tout. Certains députés de l'autre côté pensent probablement le contraire.

Je propose également dans ma motion, relativement à un autre article de la Loi électorale du Canada, que les personnes internées dans des établissements psychiatriques n'aient pas le droit de vote. Ce n'est peut-être pas la meilleure façon d'exprimer ma préoccupation, mais c'est une motion qui a pour but de pousser le gouvernement dans cette voie, et non une mesure législative définitive.

Il y a des centaines d'avocats au ministère de la Justice. Les simples députés ont accès à seulement trois avocats. Pour ce qui est des détenus placés dans un établissement psychiatrique qui ont voté en octobre 1988, le Conseil canadien des droits des personnes handicapées a contesté la formulation actuelle de l'alinéa 51f) de la Loi électorale. Dans sa décision, la cour a dit essentiellement que tout malade mental, âgé de 18 ans et plus, qui peut décliner son nom, son âge et son adresse, peut voir son nom figurer sur la liste des électeurs.

Beaucoup de Canadiens sont choqués qu'une telle norme soit appliquée pour déterminer qui a le droit de voter. N'oublions pas que toute personne qui peut voter peut aussi être éligible. Je suis tout à fait certain que les Canadiens ne veulent pas que des pensionnaires d'établissements psychiatriques se présentent à des élections provinciales ou fédérales.


1687

Depuis que je suis ici, j'ai entendu dire que la Chambre semble être dirigée depuis des années par des malades mentaux. Parfois, on se demande.

Les témoins qui ont comparu devant la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis étaient partagés sur la questions d'accorder le droit de vote aux malades ou déficients mentaux.

Un membre d'un comité de bénévoles d'un hôpital a déclaré: «Nous sommes rigoureusement opposés au vote par procuration dans le cas des malades mentaux. Nous estimons que le droit de vote est essentiellement personnel et ne peut être exercé que par son titulaire et non par un tiers. Les malades mentaux sont très vulnérables en ce sens que les risques d'abus sont plus élevés que dans le cas des personnes, entre guillemets, normales.»

(1745)

Beaucoup de gens ont fait remarquer qu'il serait difficile de mettre au point un test de compétence à moins que le même test ne soit appliqué à la population des électeurs en général. Une solution logique est tout simplement d'exiger que les électeurs soient capables de se rendre au bureau de scrutin de leur localité et de remplir correctement un bulletin de vote.

Le gouvernement conservateur a publié en 1986 un livre blanc sur la réforme de la Loi électorale dans lequel il était recommandé que les personnes souffrant d'un handicap mental aient le droit d'être recensées et de voter. Il était également recommandé qu'aucun bureau de scrutin ne soit placé dans les hôpitaux psychiatriques et que les personnes résidant dans de tels établissements n'aient pas le droit de voter par procuration. Cependant, le projet de loi est mort au Feuilleton.

Il y a une catégorie particulière de pensionnaires d'institutions psychiatriques que les Canadiens ne veulent pas voir obtenir le droit de vote, soit ceux qui sont internés parce qu'ils ne sont pas criminellement responsables en raison de leur aliénation mentale. On les appelle des NCR ou non criminellement responsables. Ce sont des aliénés mentaux qui ont été internés de force dans des institutions psychiatriques pour avoir commis des actes criminels.

Bien que les règlements et les détails puissent changer d'une province à l'autre, ces patients sont, dans l'ensemble, détenus en vertu de la loi fédérale, qui est administrée par les provinces. Une telle étiquette signifie qu'on juge qu'ils étaient malades au moment où ils ont commis l'infraction criminelle et qu'ils n'ont donc jamais été condamnés pour cette infraction. Certains des crimes les plus crapuleux de notre histoire ont été commis par des aliénés mentaux.

Actuellement, en Colombie-Britannique, on compte 130 NCR internés dans des institutions psychiatriques qui sont équipées pour recevoir, en tout, 174 de ces patients.

En Alberta, 36 NCR sont internés dans deux institutions psychiatriques. Dans l'ensemble de l'Alberta, ont compte 1 000 lits d'hôpital réservés aux malades mentaux, et environ 10 p. 100 d'entre eux sont réservés pour la médecine légale.

Les chiffres sont assez bas en Saskatchewan et au Manitoba. Seize NCR sont devant le conseil de révision en Saskatchewan, et 12 sont gardés au Saskatchewan Hospital. Le Manitoba fait état de 35 NRC internés, ce qui représente à peu près la moitié des places en soins psychiatriques dans cette province.

À Terre-Neuve, on rapporte de 6 à 8 NRC internés à l'unité de médecine légale de l'hôpital psychiatrique provincial. On en compte sept ou huit au Nouveau-Brunswick, et quatre ou cinq à l'Île-du-Prince-Édouard. En Nouvelle-Écosse, on semblait avoir d'énormes difficultés à m'obtenir cette information, parce que le système est en voie de restructuration.

Aucun des deux territoires n'a d'installations de médecine légale. Au Yukon, on envoie ces cas en Colombie-Britannique, et dans les Territoires du Nord-Ouest, on les envoie en Alberta.

Le Québec et l'Ontario sont les provinces les plus populeuses du Canada et on y trouve aussi le plus grand nombre de NCR. L'Ontario compte environ 550 NCR qui représentent quelque 20 p. 100 du nombre total de malades mentaux, soit de 2 400 à 2 600 lits.

Au Québec, il y a 750 NCR, mais d'autres cas ont été soumis au conseil de révision. En 1994-1995, le conseil a examiné 988 cas et six personnes ont été jugées inaptes à comparaître devant le conseil; c'est donc 994 patients qui ont reçu des soins psychiatriques pour des raisons criminelles.

J'espère que les députés savent déjà que de nombreux Canadiens souffrent de troubles mentaux de toutes sortes. Par exemple, une amie à moi est entrée de son propre chef au service psychiatrique de notre hôpital local lorsque son alcoolisme l'a amenée à faire une tentative de suicide. Elle a été internée brièvement à sa demande. Elle ne s'intéressait absolument pas à la politique à cette époque de sa vie.

L'alinéa 51 f) de la Loi électorale du Canada enlève le droit de vote à «toute personne restreinte dans sa liberté de mouvement ou privée de la gestion de ses biens pour cause de maladie mentale».

Les normes canadiennes évoluent et les déficients mentaux habitent maintenant dans des foyers collectifs, ils fréquentent des ateliers protégés et divers centres semblables où ils peuvent apporter une véritable contribution à leur famille immédiate et à leur collectivité.

Les déficients mentaux sont donc aimés et on reconnaît leur valeur, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'on doit leur accorder le droit de vote. Ils deviennent trop souvent des pions aux mains de leurs soignants. Ces déficients mentaux ne sont pas autonomes. Il est très facile de contrôler même leurs sources d'information. Par conséquent, pour leur propre protection et pour protéger le processus électoral, je pense qu'il tombe sous le sens qu'on ne devrait pas laisser la gestion du Canada entre les mains de personnes qui sont mentalement incapables de s'occuper de leurs propres affaires ou d'être traduites en justice pour des crimes qu'elles ont commis.

(1750)

Je rappellerais encore une fois que les gens qui ont le droit de vote ont également le droit de se présenter comme candidats. Ce rôle ne convient pas à une personne handicapée mentale.


1688

Pour terminer, j'aimerais soulever une dernière question concernant la recommandation visant à modifier l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. On peut déroger à l'article 2 et aux articles 7 à 15 par déclaration expresse du Parlement conformément à la disposition dérogatoire stipulée à l'article 33. Aux termes de l'article 33 de la Charte, le Parlement ou la législature d'une province peut adopter une loi où il est déclaré que cette dernière déroge à certaines dispositions de la Charte.

En outre, toute loi fédérale ou provinciale renfermant une telle disposition dérogatoire doit faire l'objet d'un examen au moins tous les cinq ans et une nouvelle déclaration doit être adoptée, faute de quoi la loi sera caduque.

En guise de conclusion, j'aimerais citer M. Chuck Cadman, président d'un organisme appelé CRY, pour «crime», «responsabilité» et «youth» (jeunes). Il a dit ceci:

J'appuie la motion de Darrel. Quiconque est reconnu coupable d'un crime contre la société canadienne perd automatiquement son droit de vote. À sa sortie de prison, c'est une autre affaire, mais tant qu'il purge sa peine, il ne devrait avoir son mot à dire ni sur les dirigeants ni sur les lois du pays.
Par ailleurs, M. Dave Langlois, de la Courtwatch Society de Vernon, a dit:

Les membres de la Citizens' Courtwatch Society appuient entièrement la motion d'initiative parlementaire no 143 visant à modifier la Charte des droits et libertés pour empêcher les criminels reconnus de voter.
Notre gouvernement, la Cour suprême et les citoyens doivent se rendre compte que la Charte reconnaît que tous les droits ne sont pas absolus et qu'ils doivent être exercés dans le respect des lois. Je puis vous assurer que la vaste majorité de nos concitoyens démocratiques souscrivent entièrement à cette motion.
J'aimerais donc demander le consentement unanime de la Chambre pour que cette motion fasse l'objet d'un vote.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

[Français]

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, j'aimerais participer au débat pour donner la réponse du gouvernement au député réformiste de Okanagan-Shuswap sur ce projet de loi émanant des députés.

[Traduction]

Cette motion soulève la question de savoir s'il faudrait restreindre l'exercice des droits démocratiques des personnes confinées dans des établissements pénitentiaires ou psychiatriques. On nous exhorte à examiner également l'opportunité de modifier l'article 3 de la Charte qui consacre le droit de tous les citoyens canadiens, sans exception, de voter aux élections législatives fédérales ou provinciales et d'y être éligibles.

Nous, de ce côté-ci de la Chambre, estimons qu'une modification constitutionnelle limitant l'application de cette garantie n'est pas souhaitable, et ce, pour plusieurs raisons importantes, qui concernent à la fois la nature des droits protégés par la Charte et les antécédents législatifs à cet égard.

La Charte reconnaît la nécessité d'établir un équilibre entre les droits de la personne et les intérêts de la société et prévoit un mécanisme permettant d'atteindre cet équilibre d'une manière fort équitable.

L'article 1 de la Charte stipule que les droits et les libertés qu'elle garantit ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. L'existence de cette disposition spéciale offre aux législateurs un niveau de souplesse considérable. Bien que des lois puissent aller à l'encontre d'articles de la Charte, comme l'article 3, le gouvernement peut démontrer que ces lois sont justifiées, je le répète, dans une société libre et démocratique.

La Charte a donc instauré un dialogue important entre les tribunaux et le gouvernement, car les lois sont examinées par le pouvoir judiciaire pour en vérifier la conformité avec les dispositions constitutionnelles. La Cour suprême du Canada a déclaré que les restrictions imposées par l'État sur les droits des citoyens sont justifiées aux termes de l'article 1 de la Charte, lorsqu'elles visent à atteindre un objectif pressant et important et que les moyens utilisés pour l'atteindre sont proportionnels. Les lois qui ne sont pas conformes à ces critères seront abrogées, mais cela n'empêche pas le Parlement de présenter des lois nouvelles, et souvent meilleures, sur le même sujet, en y ajoutant des réserves pour garantir l'entière protection des droits prévus dans la Charte.

(1755)

Ce dialogue entre le Parlement et les tribunaux, on en trouve une parfaite illustration dans la saga législative concernant le droit de vote des détenus. La mouture 1985 de la Loi électorale du Canada privait tous les détenus de vote, tandis qu'en 1993, dans l'affaire Richard Sauvé, la Cour suprême du Canada a invalidé cette interdiction parce qu'elle était inconstitutionnelle.

À en juger par la décision de la Cour suprême, il est évident que les restrictions touchant le droit de vote des détenus violera l'article 3 de la Charte. Or, comme je l'ai mentionné, ce n'est pas cela qui peut empêcher le gouvernement d'agir, car il lui est toujours loisible d'invoquer l'article 1.

Dans l'affaire Sauvé, la cour a jugé que le gouvernement n'avait pas réussi à démontrer qu'une interdiction absolue de voter pour les détenus était justifiable dans une société libre et démocratique, précisément en raison de l'applicabilité universelle de la mesure. Cela ouvrait la voie à l'introduction de certaines restrictions moins draconiennes au droit de vote des détenus, vu qu'il serait ainsi possible de les justifier.

Le défi pour le Parlement consiste à trouver une restriction raisonnable dont la portée puisse être considérée comme assurant un certain équilibre entre les droits des individus et l'intérêt public.


1689

En quête d'un compromis acceptable, après la décision rendue dans l'affaire Sauvé, le Parlement a examiné deux volumineux rapports sur la réforme électorale, tous deux défavorables à l'abolition du droit de vote pour l'ensemble des détenus et proposant des solutions concrètes.

En 1991, la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, plus communément appelée la commission Lortie, recommandait que seules les personnes faisant l'objet d'une condamnation pour des crimes passibles de sentences maximales variant de l'emprisonnement de dix ans à la perpétuité soient privées du droit de vote.

En 1992, le Comité spécial de la Chambre des communes sur la réforme électorale recommandait, dans un rapport rédigé par des représentants de tous les partis, que les détenus condamnés à une peine d'emprisonnement à vie soient privés du droit de vote.

Tout en prenant bonne note de ces propositions, le Parlement a adopté une tout autre approche. En 1993, sous la forme du projet de loi C-114, la disposition controversée de la Loi électorale du Canada a été rétablie, si bien que tous les détenus condamnés à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus ont désormais été privés du droit de vote. On a jugé que le fait de considérer les personnes qui sont condamnés à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus comme des contrevenants dangereux aurait pour effet de transmettre un message clair: la perpétration des crimes graves va à l'encontre du concept du sens civique et du respect de la loi. L'interdiction de voter était également perçu comme un moyen de punir davantage le contrevenant. En somme, cette mesure répondait à l'objectif punitif de la loi.

Il n'est donc pas étonnant que les nouvelles propositions adoptées par le Parlement n'ont pas tardé à se retrouver devant les tribunaux. En effet, Sauvé et d'autres détenus ont intenté des poursuites en justice devant la Division de première instance de la Cour fédérale afin de contester la constitutionnalité de la nouvelle disposition de la Loi électorale en vertu de l'article 3 de la Charte, ainsi que de l'article 15 qui énonce les droits à l'égalité.

Le juge Wetston a entendu ces causes en même temps et, dans sa décision rendue en janvier de cette année, il a conclu que la restriction imposée au droit de vote des détenus n'était pas contraire à l'article 15. Cependant, elle violait le droit de vote des détenus aux termes de l'article 3.

Le juge Wetston a conclu que l'objectif de l'interdiction de voter était tout à fait valable, mais il a jugé que le libellé de la disposition était trop large et qu'il ne respectait donc pas l'article 1. Il a signalé aussi que le Parlement pouvait donner aux juges chargés de prononcer les peines le pouvoir de retirer leur droit de vote aux détenus au cas par cas, plutôt que de promulguer une interdiction touchant toutes les personnes purgeant une peine de deux ans ou plus.

Le gouvernement fédéral en a appelé de la décision du juge Wetston devant la Cour d'appel fédérale. Tant que la question n'aura pas été tranchée, il serait prématuré d'envisager toute autre mesure législative, que ce soit sur le plan constitutionnel ou autre, et de se pencher sur la question du droit de vote des détenus.

Il serait plus prudent pour le Parlement d'attendre que la Cour d'appel fédérale-et peut-être même la Cour suprême du Canada-lui dise si l'interdiction actuelle de voter touchant les détenus respecte la Charte. Dans la négative, les tribunaux pourraient nous préciser les autres types de solutions qui seraient acceptables pour restreindre le droit de vote de ces individus.

Toute étude de cette question par le Parlement, avant d'obtenir ces avis des tribunaux, serait non seulement prématurée, mais pourrait également nuire à la défense du gouvernement qui se fonderait sur la loi actuelle.

Les gouvernements ne devraient pas envisager de modifier la Charte à chaque fois que les tribunaux rendent une décision qui lui est défavorable. Comme nous le savons, la procédure de modification de la Constitution est longue et complexe, et ce n'est pas la bonne façon de s'attaquer à ces questions. On n'a jamais eu l'intention de faire en sorte qu'on puisse modifier ici et là des dispositions de la Charte en fonction de décisions des tribunaux. Ainsi, dans le cas des restrictions imposées au droit de vote des détenus, le défi consiste pour nous non pas à modifier la Charte, mais à trouver des dispositions législatives raisonnables qui créent un équilibre entre les intérêts des individus et ceux de la collectivité.

(1800)

La Commission Lortie et le comité spécial ont recommandé qu'on continue d'interdire à certains individus de voter en fonction de leur incapacité mentale, mais le gouvernement de l'époque a choisi de ne pas accepter ces recommandations. Plutôt, le projet de loi C-114 a abrogé les dispositions retirant le droit de vote aux personnes souffrant d'une maladie mentale.

Enfin, je devrais dire que la question de savoir qui a le droit d'être élu à la Chambre des communes, aux termes de l'article 3 de la Charte, est tout à fait distincte de celle qui consiste à déterminer qui devrait avoir le droit de vote. La Cour suprême du Canada n'a pas encore eu l'occasion de préciser dans quelle mesure il est possible que le gouvernement restreigne les conditions liées à l'élection possible d'une personne à la Chambre tout en respectant les limites de l'article 3 de la Charte, sans avoir à invoquer l'article 1. Il n'est pas clair que cela irait à l'encontre de l'article 3 de la Charte sous sa forme actuelle.

Ces raisons et d'autres donnent donc à penser que les restrictions imposées au droit des détenus et de personnes enfermées dans des établissements psychiatriques d'être éligibles à la Chambre des communes pourraient être justifiables aux termes de l'article 3. En bref, les personnes incarcérées pourraient ne pas. . .

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): À l'ordre. Le temps de parole du député est expiré.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir sur cette motion que mon collègue d'Okanagan-Shuswap a présentée à la Chambre. C'est


1690

une question très importante à notre époque. Devrait-on accorder le droit de vote aux détenus des établissements fédéraux?

Le député libéral vient de dire que le gouvernement en a appelé de la décision du juge Wetston voulant que les détenus devraient avoir le droit de vote. Je trouve cela très intéressant parce que, selon une décision rendue par un juge au Canada, il n'y a pas si longtemps, la consommation ou l'abus de cocaïne et d'alcool pouvait excuser un meurtre. Ces mêmes libéraux s'étaient alors précipités à la Chambre pour faire renverser cette décision. Voilà maintenant le député qui prend la parole pour dire qu'ils vont interjeter appel et voir s'il sera reçu. En fait, ils n'ont tout simplement pas le courage nécessaire pour modifier cette décision.

Il faudrait décider s'il convient d'accorder le droit de vote aux détenus. Il y a des questions qu'il faut trancher à la Chambre, et je vais tenter de le faire dans ce cas-ci. Comment en sommes-nous arrivés à poser cette question? Pourquoi en discutons-nous seulement, alors que la question pourrait donner lieu à un vote? Pourquoi cette question ne fait-elle pas l'objet d'un vote? Pourquoi discutons-nous de la motion no 143 sans qu'elle fasse l'objet d'un vote? Je voudrais m'arrêter là-dessus un moment. En ce qui concerne les détenus fédéraux, quand donc le gouvernement commencera-t-il à donner la priorité aux questions qui concernent les victimes canadiennes, au lieu de s'occuper des criminels?

Pourquoi cette motion ne fait-elle pas l'objet d'un vote? Le solliciteur général a déclaré, le jour où cette question a été soulevée, que le gouvernement jugeait raisonnable de suspendre le droit de vote. Si le solliciteur général croit qu'il est raisonnable de suspendre le droit de vote d'un criminel qui est dans un établissement fédéral, pourquoi serait-il déraisonnable de croire que cette motion n'aurait pu faire l'objet d'un vote affirmatif ce soir? Pourquoi? La réalité, c'est que le gouvernement fédéral s'y oppose.

Comment en sommes-nous arrivés à cette étape aujourd'hui? Pourquoi les juges au Canada semblent-ils rendre des décisions qui ne sont pas dans l'intérêt du Canada, ni dans celui des victimes canadiennes?

Un député libéral a laissé entendre que nous devrions discipliner les juges. On comprend qu'une telle solution vienne d'en face.

(1805)

Permettez-moi d'expliquer à nos amis d'en face certaines décisions que les juges rendent de nos jours. Je me demande si les juges prennent des décisions rationnelles de nos jours et si une décision, comme celle qu'a rendue le juge Wetston en accordant le droit de vote aux criminels, aux détenus dans des établissements fédéraux, est sensée.

Voyons ce qu'a dit le juge Sherman Hood, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, avant d'acquitter un homme accusé d'avoir agressé sexuellement une serveuse de North Vancouver. Il a dit ceci: «Non veut parfois dire peut-être ou attends un peu.» C'est une décision qu'un juge a rendue dans notre pays et qui fera jurisprudence. Cela a-t-il du sens? C'est supposé être une décision rationnelle qui découle du pouvoir judiciaire de notre pays.

Voici ce qu'a déclaré le juge Michael Bourassa à propos d'agressions sexuelles dans les Territoires du Nord-Ouest: «Les agressions sexuelles se produisent lorsque la femme est ivre morte et que l'homme qui se trouve là voit une paire de hanches et se sert.» Voilà une autre décision judiciaire qui a été rendue dans notre pays et qui fait entièrement abstraction de la protection des victimes. Le gouvernement ne fait rien à ce sujet, pas plus qu'il n'a réagi au droit de vote accordé aux détenus dans des établissements fédéraux. Les députés du parti ministériel font de beaux discours que nous sommes censés gober.

Je vais donner un autre exemple. Les députés d'en face demandent en quoi c'est pertinent. Ce l'est parce que les juges rendent de mauvaises décisions et que le juge Wetston en a rendu une qui est terrible. Les députés d'en face n'aiment pas entendre cela.

En février 1996, à Port Hardy, dans ma province, le juge Brian Saunderson, de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, a accordé une absolution inconditionnelle à un individu de 57 ans, Vernon Logan, même si ce dernier avait plaidé coupable à une accusation de possession de pornographie infantile. Le juge a dit que la loi interdisant ce type de pornographie violait la Charte des droits-il me semble avoir déjà entendu cela-parce qu'elle portait atteinte à la liberté de pensée, de croyance ou d'opinion et que l'accès absolu à des documents est nécessaire pour exercer ces libertés.

En rendant pareille décision fondée sur la Charte des droits, un juge libère quelqu'un qui fait le commerce de la pornographie ou qui en possède des accusations criminelles pesant contre lui, sous prétexte que cela porte atteinte à ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Jusqu'où le gouvernement va-t-il laisser cela aller? C'est là la question.

À Vancouver, David Snow a été accusé d'avoir enlevé deux femmes et d'avoir tenté d'en étrangler une troisième. Le juge a dit: «Je ne puis conclure que le fait d'enrouler un fil autour du cou de la victime et de lui mettre un plastique sur la tête sont des preuves suffisantes pour établir l'intention de tuer.»

Voici ce que je demande à cette assemblée qui est un peu plus calme maintenant. Pareilles décisions rendues par les juges, y compris celle d'accorder le droit de vote aux détenus dans des établissements fédéraux, sont-elles dans l'intérêt des Canadiens respectueux des lois? La réponse est non.

Si le solliciteur général veut avoir une certaine crédibilité au Canada, s'il dit que, à son avis, la suspension du droit de vote est raisonnable, alors pourquoi le gouvernement ne fait-il pas ce qui s'impose? Qu'est-ce qui cloche? En réalité, le gouvernement et ceux qui prennent la parole de l'autre côté de la Chambre estiment que c'est juste.

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Occupons-nous de ce que font les criminels aujourd'hui. Est-ce que nous allons trop à gauche de ce que pensent les libéraux? À quoi ont droit les criminels? Nous savons qu'ils ont droit à des visites


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conjugales. Nous savons qu'ils ont droit au remboursement de la TPS. Nous savons tous qu'ils ont droit au Régime de pensions du Canada. . .

M. Milliken: Ils n'y ont pas droit.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Le député dit qu'ils n'y ont pas droit, mais il fait erreur. Il n'est pas bien informé sur ces questions. Nous savons qu'ils ont droit à la sécurité de la vieillesse et au supplément de revenu garanti. Nous savons qu'ils ont accès à l'aide juridique, aux frais des contribuables. Si je ne m'abuse, clifford Olson en est à son 32e litige, aux frais des contribuables. Nous savons qu'ils ont le droit d'intenter des poursuites. Nous savons qu'ils ont le droit de refuser de travailler. Nous savons qu'ils ont droit au temps supplémentaire, etc.

Et voici la dernière insulte aux citoyens canadiens respectueux des lois. Les contrevenants ont maintenant le droit de vote. Le gouvernement refuse de remédier à la situation, mais il n'aura pas à le faire. Quand il sera remplacé aux prochaines élections, le prochain gouvernement le fera.

M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais relever certaines inexactitudes dans les propos tenus par mes collègues d'en face.

Le secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada a fait un excellent discours, même s'il a oublié certains faits qui se sont produits au cours de la dernière législature concernant le projet de loi dont il parlait, à savoir le projet de loi C-114. La mesure législative a été adoptée à la fin de la dernière législature dans le but de modifier la Loi électorale du Canada.

S'il avait été membre du Comité sur la réforme électorale, un comité multipartite établi au sein de la Chambre et à qui nous devons pour l'essentiel la rédaction du projet de loi C-114, s'il avait su. . .

Une voix: Oh, oh!

M. Milliken: Le député d'en face ne veut pas en attendre parler. Je sais que les faits ne plaisent jamais aux députés du Parti réformiste.

Ce projet de loi était une mesure d'initiative ministérielle, mais ses objectifs fondamentaux ont été arrêtés par un comité. Quoi qu'en dise le député de Fraser Valley-Est, une décision judiciaire a déjà été rendue à ce sujet. La mesure législative qui a précédé le projet de loi C-114 avait été adoptée à la condition qu'aucun détenu n'ait le droit de vote. Une décision a déjà été rendue par la Cour suprême du Canada, si j'ai bonne mémoire, mais c'est sous toutes réserves, car je me suis occupé de ce dossier il y a belle lurette. Je n'avais pas l'intention d'en parler aujourd'hui, mais j'ai entendu tant d'inexactitudes que j'ai cru bon de rétablir certains faits.

Donc, une décision judiciaire a bel et bien déjà été rendue concernant la mesure législative précédente. Voilà pourquoi, quand le projet de loi C-114 s'est présenté, le comité s'est penché sur la question relative au droit de vote des détenus et a débouché sur une décision.

Un référendum a eu lieu au Canada avant l'adoption du projet de loi C-114. En raison de la décision judiciaire qui rejetait la disposition de la loi électorale en question, tous les détenus des établissements fédéraux ont pu voter lors de ce référendum. Certains ont exercé leur droit de vote dans le cadre de ce référendum. À en croire les députés réformistes, on pourrait croire que le ciel nous est tombé sur la tête, mais non. Le référendum a eu lieu et ces personnes ont exercé leur droit de vote.

Le comité a étudié toute la question et a décidé de recommander qu'on limite le droit de vote des personnes incarcérées. Je tiens à dire au député que ce dont je me rappelle du rapport du comité est exact à deux ans près. Je suis surpris qu'il n'ait pas examiné cette question. Cela aurait pu influencer son discours. Les réformistes ne s'embarrassent pas des faits. Le fait est que le comité a recommandé qu'on laisse voter tous les détenus qui purgeaient une peine de sept ans ou plus. À ma connaissance, il s'agissait d'une recommandation unanime du comité.

(1815)

Même s'il détenait la majorité au comité et si ses membres avaient souscrit à cette recommandation, le gouvernement conservateur a décidé que c'était trop généreux et il a choisi une période de deux ans. Ainsi, tous les individus purgeant une peine de deux ans ou plus n'auraient pas le droit de vote. Cela signifiait que tous les détenus fédéraux perdaient automatiquement leur droit de vote, car par définition, les gens qui purgent une peine d'emprisonnement dans une institution fédérale doivent avoir été condamnés à une peine de deux ans ou plus.

Quand la Chambre a été saisie de ce projet de loi, je me rappelle très bien le jour où on en a discuté, car j'étais le porte-parole du Parti libéral en matière de réforme électorale. J'ai proposé des amendements à cet article, car j'ai déclaré à l'époque, à la Chambre, comme en témoigne le compte rendu, que cet article serait rejeté par les tribunaux comme trop restrictif.

Le comité avait choisi le chiffre de sept ans en fonction des avis juridiques qu'il avait reçus à l'époque. Il fallait prévoir un délai raisonnable pour justifier cela aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés. Le comité a jugé à l'unanimité qu'une période de sept ans était raisonnable et qu'on pouvait la défendre devant les tribunaux. Cela constituait également une restriction raisonnable du droit de vote accordé dans la charte à tous les Canadiens.

Les réformistes veulent retirer ce droit aux citoyens qu'ils considèrent en être indignes. Lorsqu'on commence à décider petit à petit qui est indigne d'un droit, on peut également commencer à s'attaquer progressivement à d'autres droits.

Je sais qu'il y a certains députés à la Chambre qui souhaiteraient retirer le droit de vote aux députés bloquistes. Je sais que certains


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voudraient priver les réformistes de leur droit de vote. Je n'en suis pas. J'ai la ferme conviction que, conformément au principe énoncé dans la Charte canadienne des droits et libertés, tout citoyen devrait avoir le droit de voter.

J'ai proposé des amendements visant à supprimer toute restriction. J'ai proposé une période de sept ans, puis une période de cinq ans, dans un effort pour obtenir un compromis qui pourrait se défendre devant les tribunaux et qui aurait l'appui des députés. Le leader parlementaire du Parti conservateur à l'époque, l'hon. Harvie Andre, ne voulait rien savoir. Il tenait mordicus à la règle des deux ans. Comme le projet de loi prévoyait beaucoup d'autres modifications, nous l'avons adopté quand même.

Je me souviens du jour où c'est arrivé, car les partis avaient passé des ententes compliquées pour que le projet de loi soit adopté. Je crois que c'était un vendredi après-midi avant Pâques ou quelque chose comme cela. Ce qui est sûr, c'est que c'était à la veille d'un congé d'une semaine au moins.

Je me le rappelle bien. Cet article a vraiment posé un problème, car, à mon sens, il était anticonstitutionnel et il serait considéré comme tel par un tribunal. Ce qui est étonnant, c'est que le gouvernement se donne la peine d'interjeter appel, alors que cela m'apparaît comme un pur gaspillage. J'estime que cet article est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.

M. Stinson: Nous connaissons déjà votre point de vue.

M. Milliken: Point de vue que le député partage manifestement puisqu'il propose cette motion. Le député veut modifier la Charte. Il convient donc avec moi que cet article est inconstitutionnel. Le député s'organiser pour que cela soit conforme à la Constitution. Si je ne m'abuse, il veut retirer le droit de vote à tous ceux qui sont en prison.

Il est question de «pénitencier», et on sait ce que cela signifie. Le député dit que toute personne enfermée dans un établissement psychiatrique ne devrait pas avoir le droit de vote. Quelqu'un qui se serait fait admettre dans un tel établissement pour se faire traiter pour une dépression ne pourrait voter. C'est là l'effet de la motion présentée par le député. Lorsqu'il a examiné cette question, le comité a beaucoup hésité à s'aventurer sur ce terrain. Il est extrêmement difficile de déterminer qui devrait voter et qui ne devrait pas y être autorisé.

Le comité a jugé qu'il n'avait pas à se prononcer sur cette question et qu'il ne fallait pas légiférer là-dessus. Il a estimé qu'il valait mieux accorder le droit de vote d'une manière générale et permettre à tout le monde de voter au lieu d'essayer de déterminer qui a la capacité de raisonner et qui ne l'a pas. Quant à cette capacité de raisonner, je suis certain que des psychiatres pourraient venir ici vérifier si certains députés en sont dotés et s'ils sont aptes à voter.

M. Stinson: Oui, et vous seriez le premier sur la liste.

M. Milliken: Le député dit que je serais le premier sur la liste. Je pense qu'une majorité serait d'accord avec moi pour le placer plus haut que moi sur la liste. Il sera d'ailleurs heureux d'apprendre que, si jamais sa motion avait force de loi, je subirais volontairement un examen psychiatrique visant à déterminer si je devrais voter ou non.

Heureusement, le député n'a pas réussi à convaincre le Sous-comité de la procédure et des affaires de la Chambre de faire en sorte que cette motion puisse faire l'objet d'un vote. J'imagine qu'il s'est présenté devant les membres du sous-comité, qu'il leur a fait son boniment et qu'ils ont décidé que la motion ne devait pas faire l'objet d'un vote. Il y en avait d'autres qui étaient plus importantes, et je peux comprendre pourquoi. Le député est vraiment tatillon.

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Les opinions diffèrent beaucoup en ce qui concerne la question de savoir si les détenus doivent avoir le droit de vote ou non. Certains pensent qu'ils ne devraient pas l'avoir. Je le dis sans hésitation.

Enlever le droit de vote aux détenus ne fait pratiquement aucune différence. Il y a environ 12 000 détenus dans les pénitenciers fédéraux du pays. Lors du référendum, bien peu ont exercé leur droit de vote. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je dirais qu'il n'y en a certainement pas plus d'un tiers qui ont voté au référendum.

Les chiffres seraient certainement les mêmes pour les campagnes électorales. La plupart ne sont pas intéressés à voter et ne votent pas. S'ils avaient le droit de vote, en vertu des règles qui étaient en place lors du référendum et qui s'appliqueraient certainement pendant les élections, ils exerceraient leur droit dans leur région d'origine et non dans la région où ils sont incarcérés.

J'ai une population carcérale très importante dans ma circonscription et, franchement, ça ne me ferait rien que tous les détenus votent à Kingston. Mais ça n'arrivera pas. Ils voteront partout au pays. Si le député ne pense pas qu'il puisse persuader certains des détenus de voter pour lui, je peux comprendre qu'il s'oppose à ce qu'ils aient le droit de vote.

La plupart des députés constateraient que, dans leur façon de voter, les détenus ne diffèrent guère de la population générale. Ce n'est pas un groupe qui va voter en bloc sur une question donnée. À mon avis, les 12 000 votes des détenus sur les millions de votes qu'il y a au Canada lors d'une consultation électorale n'ont pratiquement aucun effet sur l'issue de la consultation.

Ce qui gêne les députés d'en face, c'est de penser que des gens qui ont été condamnés à la prison peuvent exercer leurs droits démocratiques. En quoi cela pourrait-il nous faire du tort, je ne vois pas.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole au sujet de la motion présentée par le député d'Okanagan-Shuswap. Je vais lire la motion pour que nous sachions bien sur quoi porte le débat.

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Cette motion jette les balises d'une loi à venir. Nous ne discutons pas ici d'un projet de loi. La motion stipule:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait envisager de modifier l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, selon la formule de modification énoncée à l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982, pour qu'il se lise ainsi: «Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligibles aux élections législatives fédérales ou provinciales, sauf: a) s'il est enfermé dans un pénitencier, une prison ou un établissement psychiatrique ou b) s'il est en liberté, avec ou sans excuse légitime, après avoir été enfermé dans un des endroits mentionnés à l'alinéa a).
Je voudrais aborder trois questions qui y sont liées à cette motion. Je vais d'abord parler des raisons pour lesquelles la Chambre se trouve aujourd'hui à débattre de l'opportunité d'accorder ou non le droit de vote aux détenus. Il est inconcevable que nous ayons pu laisser aller les choses au point de devoir débattre de cette motion.

Deuxièmement, je parlerai de la réaction de mes électeurs lorsque le tribunal a décidé que les détenus devaient avoir le droit de vote.

Enfin, je traiterai brièvement de la question des personnes qui ont commis ce qu'on appelle des crimes moins graves et de l'opportunité de les autoriser à parler.

L'élément déclencheur du débat d'aujourd'hui est la décision rendue dans l'affaire Sauvé c. le Directeur général des élections du Canada. Cette affaire comporte de nombreux éléments sous-jacents et je dirai quelques mots au sujet de certains d'entre eux.

Avant cette décision judiciaire, les personnes détenues dans un établissement correctionnel pour une durée de deux ans ou plus n'avaient pas le droit de vote aux élections fédérales. Dans l'affaire Sauvé, la cour a invalidé cette loi parce qu'elle portait atteinte au droit de vote que la Charte garantit aux prisonniers et que rien ne justifiait vraiment que l'on enfreigne ce droit.

Je voudrais parler brièvement du but d'éliminer le droit de vote au départ. Les motifs invoqués pour ne pas accorder le droit de vote aux prisonniers au départ étaient, entre autres, le renforcement du sens des responsabilités civiques, le respect de la primauté du droit et l'imposition d'une sanction supplémentaire aux personnes qui commettent des crimes graves contre la société.

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Le député d'Okanagan-Shuswap a très bien passé en revue les raisons pour lesquelles on ne devrait pas accorder le droit de vote aux prisonniers. Je n'en dirai pas plus. La question que je veux poser est celle-ci: Les raisons invoquées pour ne pas accorder le droit de vote aux prisonniers ne sont-elles pas nettement plus importantes pour la société que les droits des prisonniers? Je reviendrai là-dessus.

Le juge Sauvé a conclu que priver les prisonniers du droit de voter serait leur donner l'impression d'être isolés de la communauté, faire obstacle à leur réintégration dans la société et les priver des effets positifs que peut avoir la participation politique sur leur réadaptation. Ce sont les principaux motifs qu'a donnés le juge Sauvé dans sa décision.

Encore une fois, le juge Sauvé considère qu'enlever le droit de vote aux prisonniers pourrait leur donner l'impresion d'être isolés de la communauté. Mais les prisonniers sont isolés de la communauté. Le but est de les isoler de la communauté. Cela fait partie du châtiment et vise à dissuader les gens de commettre des crimes. Les autres motifs que donne le juge Sauvé n'ont vraiment pas plus de sens.

Quand mes électeurs ont appris que la Cour suprême avait décidé que tous les prisonniers, y compris des gens comme Clifford Olson, devraient jouir du droit de vote, ils ont eu une réaction d'incrédulité. Peu de sujets suscité autant de réactions que celui-ci chez les habitants de ma circonscription. Les gens ne pouvaient pas le croire. Ils me demandaient comment on avait pu en arriver là. Ils voulaient savoir qui avait permis qu'on prenne une telle décision et sur quoi on s'était basé pour la prendre. Ils voulaient aussi savoir comment les tribunaux canadiens pouvaient faire les lois. Ils me demandaient si ce n'était pas à moi, en tant que député, et à la Chambre des communes de faire les lois.

Ce sont là quelques impressions, quelques questions et quelques réactions dont j'ai été témoin dans ma circonscription au sujet de ce jugement. Je me demandais si les électeurs des députés d'en face, qui font du chahut et qui dénoncent la motion présentée par mon collègue, avaient constaté des réactions différentes de la part de leurs électeurs. J'en doute fort. En fait, ils ont reconnu que leurs électeurs avaient réagi exactement de la même façon, ce qui ne me surprend pas.

Comment en sommes-nous arrivés là? Si l'on devait trouver un point tournant de notre histoire à cet égard, nous devrions revenir à 1972. Nous avions un gouvernement libéral, et le solliciteur général était un certain Goyer. J'ai vu la citation dans le hansard où le Solliciteur général Goyer a dit que le gouvernement du Canada devrait modifier l'objectif central et les priorités du système de justice pour que la protection des citoyens ne soit plus la chose la plus importante. Il a déclaré qu'il fallait plutôt faire des droits et de la réinsertion sociale des criminels notre principale priorité, et que le droit des citoyens d'être en sécurité et de se sentier en sécurité dans leur maison n'était que secondaires. C'est incroyable. Ce n'est pas une citation exacte, j'ai paraphrasé ses paroles, mais ce qu'il a dit en substance.

C'était un solliciteur général libéral et les libéraux actuels n'ont pas un point de vue différent de celui-là. Ils croient encore qu'on doit faire passer avant tout les droits et la réinsertion sociale des criminels. Eh bien, ils ont tort et les Canadiens le leur disent. Dans tous les cas, c'est la protection des citoyens qui importe avant tout.

Certains vont prétendre que les personnes coupables de crimes mineurs devraient avoir le droit de vote, mais qu'on devrait le retirer à ceux qui sont coupables de crimes plus graves.

Je veux simplement me reporter à une chose qui s'est produite à New York il y a quelques années. William J. Bratton était un ancien agent de police qui est devenu chef de la sécurité pour le métro de New York. M. Bratton était chargé de faire respecter la loi dans le métro. Il a déclaré qu'on devait traiter comme des criminels dangereux tous les criminels, y compris ceux qui font des graffitis sur les murs ou qui mendient. Il s'est attaqué à ce qu'on appelle les crimes mineurs.

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Ce faisant, M. Bratton a réduit également de façon marquée le nombre de crimes graves. Lorsqu'il est devenu plus tard le directeur de la police de New York, il a appliqué la même politique consistant à prendre au sérieux les crimes mineurs et ainsi, le taux de criminalité à New York a beaucoup baissé.

Au moment où nous étudions cette motion, il est important que les personnes qui commettent des crimes mineurs sachent que tous les crimes sont graves et que c'est une raison suffisante pour qu'elles perdent leur droit de vote.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Comme il n'y a plus de députés voulant prendre la parole et que la motion n'a pas été choisie pour faire l'objet d'un vote, la période prévue pour l'étude des initiatives parlementaires est maintenant terminée et l'ordre est rayé du Feuilleton.

Comme il est 18 h 30, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 31.)