INST Rapport du Comité
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CHAPITRE 5 : LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉTABLISSEMENT
DE PRIX ANTICONCURRENTIELS
Il y a pratique abusive lorsquune entreprise abaisse ses prix ou accroît sa production ou sa capacité temporairement à la seule fin de décourager de nouveaux concurrents de simplanter sur le marché ou dévincer ou de pénaliser des concurrents. Dans les trois cas, le prédateur encourt des pertes temporaires quil compte bien, au minimum, récupérer en augmentant ses prix plus tard et en élargissant sa part du marché. La plupart des économistes estiment que ce type de pratique était extrêmement rare avant les années 80, parce quils considèrent que les obstacles à lentrée sur la plupart des marchés étaient faibles. Par conséquent, laccès au marché étant facile, il aurait été daprès eux difficile à une entreprise dimposer les prix élevés nécessaires pour compenser les pertes subies. En outre, cette tactique est très coûteuse parce que la « proie » sait fort bien que le prédateur paie cher le financement de ses pertes. En fait, la perspective de gains futurs peut suffire à convaincre une proie dessayer de tenir le coup (là où les marchés financiers fonctionnent bien), ne serait-ce que pour profiter de léventualité où le prédateur lui ferait une offre dachat. Ce nest que dans le cas, extrêmement rare, où le prédateur peut plus facilement que la proie se procurer des capitaux extérieurs quune campagne de prix déviction peut réussir. Cependant, si lobjectif fixé est de prendre le monopole sur un marché, une prise de contrôle ou une fusion seraient des solutions encore plus efficaces. Or, des analyses économiques récentes permettent de douter de cette théorie qui a cours depuis longtemps et donnent à penser que les pratiques abusives sont en fait peut-être plus fréquentes quon le pensait jusquici. Certains croient que cette pratique, même si elle nest pas courante, na rien de rare. La pratique de prix déviction est un acte criminel aux termes de lalinéa 50(1)c) de la Loi sur la concurrence. La preuve de linfraction repose sur plusieurs éléments. Le prédateur présumé doit exploiter une entreprise et se livrer à une politique de vente à des prix déraisonnablement bas. Les termes « politique » et « déraisonnablement bas » posent dépineux problèmes dinterprétation. En ce qui concerne la politique, elle doit répondre à lune des quatre conditions suivantes :
On a dit au Comité que, si la définition de comportement abusif et de prix déviction paraît simple à première vue, ces pratiques sont, en réalité, difficiles à vérifier. En raison de la grande latitude dont jouit lentreprise dans létablissement des prix de ses services (dans les cas où le coût marginal peut tendre vers zéro), il est extrêmement difficile de distinguer le prix déviction dune concurrence vigoureuse au niveau des prix. Dans le cas des biens périssables dont le coût marginal est souvent très proche de zéro, la vente à des prix situés en-deçà du coût de revient est parfaitement légitime. En réalité, la pensée moderne conteste même lutilisation du concept du coût marginal, difficile à définir, pour déterminer lexistence de prix déviction. On a présenté au Comité lexemple dAmazon.com. Cette société qui a été fondée en 1995 na encore jamais établi un prix supérieur à ses coûts, mais elle ne pratique pas de prix déviction. Grâce à ses faibles prix, elle investit dans une part de marché future sous le couvert de lavant-gardisme. Létablissement de prix présente donc un aspect temporel dont on ne tient peut-être pas suffisamment compte dans les critères de coût actuels dont on se sert pour déterminer lexistence de prix déviction. Cet exemple de prix inférieurs aux coûts qui ne constituent pas des prix déviction a été élargi à des produits simples comme les rasoirs et les lames de rasoirs ou dautres produits complémentaires. Apparemment, la vente de rasoirs à un prix inférieur à la mesure comptable de leur coût peut être financièrement logique si elle fait grimper les ventes de lames et finit ainsi par accroître les bénéfices de lentreprise. Dans un tel cas, ce quil importe de comparer au prix courant, cest ceci : le coût variable moyen moins la valeur actualisée de laugmentation future prévue de la marge unitaire brute attribuable à la politique de faible prix. Est-il nécessaire de préciser que, lorsque les enquêteurs auront finalement obtenu cette dernière information, la « proie » aura déjà jeté la serviette. On voit donc que la théorie économique laisse quelque peu à désirer si lon veut sen servir comme guide pour les fins de lapplication de la Loi en matière de prix déviction. Le rapport VanDuzer dénotait un certain scepticisme à légard tant du cadre juridique que de ses fondements économiques :
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Je félicite également le Comité davoir pris linitiative de [ ] modifier les articles 50, 61 et 75, qui appellent des changements depuis longtemps. [Donald McFetridge, Université Carleton 59:10:00]
À larticle 50, on ne trouve que les mots vagues « à des prix déraisonnablement bas », difficiles à interpréter du fait de labsence de jurisprudence. [Douglas West, Université de lAlberta, 59:10:40]
[ ] des prix déviction [ ] Toutes les poursuites au Canada ont échoué parce que le coût nest pas correctement défini. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 59:10:35]
[L]e Tribunal traite de la question générique des coûts évitables : ce quest un coût évitable, les questions dopportunité de coût évitable, le moment où un coût devient évitable et quels revenus doivent intervenir dans la détermination. [Douglas West, Université de lAlberta, 59:11:40] [N]ous créons des pénalités, et tout lobjet de lapplication est de décourager les gens de faire de vilaines choses [ ] Quelques bonnes décisions en matière de prix prédateurs, peu importe le temps quauront demandé les affaires, créeraient peut-être les bons incitatifs en vue de la position dapplication de la loi que nous voulons avoir à légard des prix prédateurs. Nous navons pas besoin des pouvoirs de réglementation du commissaire pour réussir cela. [Roger Ware, Université Queens, 59:12:15] |
18 | J. Anthony VanDuzer et Gilles Paquet, op. cit., p. 87. |
Un consensus dexperts du droit de la concurrence
appuie la solution proposée dans le rapport VanDuzer :
On peut résoudre ces problèmes, entre autres en considérant la pratique déviction dans le cadre de larticle 79. Comme le préconise lanalyse économique [ ] en vertu de larticle 79, la puissance commerciale constitue un seuil pour lobtention dune mesure corrective. La disposition sur labus réduit le fardeau de la preuve en matière civile, qui peut être important compte tenu de la nature intrinsèquement contestable des allégations de prix déviction19.
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19 | Ibid., p. 87-88. |
Le rapport VanDuzer fait état dautres avantages
quil pourrait y avoir à assujettir linterdiction à lapplication de
larticle 79 :
Par ailleurs, elle exige une évaluation de leffet sur le commerce. Le Tribunal serait en mesure de déterminer si, non seulement, il existait une possibilité de récupération au moyen de prix supraconcurrentiels, mais également dexaminer les effets du comportement prédateur sur la dynamique de la concurrence sur le marché qui est le siège de la pratique déviction. Ces effets incluraient la disparition de certains concurrents et leurs perspectives de retour sur le marché. Le Tribunal pourrait déterminer dans quelle mesure il était adéquat de tenir compte de considérations non basées sur lefficience, notamment sil était équitable déliminer intentionnellement un concurrent en pratiquant des bas prix.
La disposition relative à labus permettrait également de tenir compte de conditions particulières sur le marché, y compris les facteurs analysés relativement à la nouvelle économie [ ] Même dans un marché caractérisé par des niveaux élevés dinnovation, la baisse des coûts et des effets de réseau, une stratégie de bas prix ayant éliminé un concurrent pourrait être jugée favorable à la concurrence, lorsquelle faisait partie dune stratégie plus générale visant à introduire une nouvelle technologie meilleure, et que toute position dominante en résultant ne pouvait quêtre de courte durée compte tenu des innovations futures20.
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Je ne [suis] pas favorable a un processus de dissuasion axé sur de fortes pénalités, car, au contraire dune situation de cartel, caractérisée de façon inhérente par de mauvais comportements, une concurrence agressive en matière de prix est en règle générale une bonne chose. Vous êtes engagé sur une piste plus solide [ ] où vous envisagez un traitement plus raffiné de la prédation dans le contexte des dispositions de la loi en matière dabus de position dominante, car il sagit réellement dune catégorie à lintérieur de ce type de monopolisation. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:12:15] |
20 | Ibid, p. 88. |
Toutefois, le commissaire à la concurrence, lAssociation du Barreau canadien et un certain nombre dautres intervenants sopposent à ce projet de changement, car ils estiment que le caractère pénal de la disposition décourage davantage les agissements anticoncurrentiels; ils privilégient laugmentation des ressources consacrées à lexécution de la Loi. Selon eux, il demeure préférable de disposer de deux niveaux de protection contre les prix déviction (lalinéa 50(1)c) et larticle 79). Le Comité a des réserves quant à cette position, parce que la jurisprudence natteste pas suffisamment leffet dissuasif de lalinéa 50(1)c). Le Comité ne peut pas simplement faire fi du fait que les dispositions de la Loi relatives aux prix déviction manquent defficacité et ne sont pratiquement pas utilisées puisquelles ont donné lieu à seulement deux cas contestés (les deux vieux de plus de 20 ans). Qui plus est, le Comité nest pas convaincu quun tribunal soit lendroit approprié où effectuer lanalyse économique compliquée nécessaire pour établir une distinction entre un prix déviction et un prix dynamique favorable à la concurrence; le Tribunal de la concurrence semble être mieux placé pour juger ce comportement. Quoi quil en soit, un consensus se dégage quant à lutilisation de la disposition relative à labus de position commerciale dominante comme moyen de saisir les autorités juridiques dune affaire détablissement de prix déviction une disposition selon laquelle le suspect est en position de force sur le marché et la pratique en question empêcherait ou amoindrirait substantiellement la concurrence. Cest pourquoi le Comité recommande :
Il y a maintien des prix lorsquune entreprise essaie détablir ou de faire monter un prix minimum auquel une autre entreprise située en aval de la chaîne de distribution peut vendre son produit. Toutes les entreprises ne pratiquent pas le maintien du prix de revente, mais cest une des pratiques restrictives les plus répandues sur le marché. Le maintien des prix de revente peut se faire verticalement, cest-à-dire entre un grossiste et un détaillant qui revend les produits du fournisseur, ou horizontalement, cest-à-dire entre concurrents qui conviennent dimposer un prix de vente aux revendeurs de leurs produits. Depuis 1951, suite aux recommandations de la Commission MacQuarrie, le maintien
des prix est un acte criminel aux termes de larticle 61 de la Loi. Il
est donc illégal pour toute personne qui exploite une entreprise de « tenter de
faire monter ou dempêcher quon ne réduise » le prix auquel une
personne exploitant une entreprise vend le produit en question « par entente,
menace, promesse ou quelque autre moyen semblable ». En 1960, on a modifié la Loi
pour y ajouter les moyens de défense actuels visant linfraction connexe qui
consiste à refuser dapprovisionner un client en raison de sa politique de bas prix.
Le paragraphe 61(10) prévoit les quatre moyens de défense suivants :
En revanche, les demandes, discussions, pressions morales ou suggestions en ce sens sont considérées comme assimilables à létablissement dun prix courant proposé et sont autorisées (paragraphe 61(3)). De la même façon, en vertu du paragraphe 61(4), si le prix suggéré apparaît dans une publicité, il doit être exprimé de façon à préciser à quiconque prend connaissance de la publicité que le produit peut être vendu à un prix inférieur; sinon, on dira du fournisseur quil a tenté de faire monter le prix. Le Comité trouve plus convaincants les facteurs économiques qui militent en faveur de linterdiction du maintien des prix à caractère horizontal. Lorsque des fournisseurs sentendent pour fixer les prix de revente de leurs produits, cela interdit toute concurrence entre les concurrents situés en aval. Lorsque le prix de revente est le plus visible des deux, le maintien de ce prix peut faciliter la collusion entre fournisseurs. En soustrayant les marges bénéficiaires du niveau de détail et du niveau de gros du prix de détail minimum fixé, les fabricants fixent en fait eux-mêmes le prix de revente de leur produit. On a signalé par ailleurs au Comité que le maintien des prix de revente pouvait faciliter le fonctionnement dun cartel de détaillants. Cela aurait longtemps été le cas des détaillants de produits pharmaceutiques; les pharmacies obligeant les fabricants dont elles vendaient les produits à imposer un prix de revente. Le caractère anticoncurrentiel du maintien des prix dans laxe vertical est moins évident. Lexemple classique dun tel maintien des prix est celui du fournisseur qui demande à quelquun à qui il vend ses produits, un détaillant, mais peut-être aussi un grossiste, de maintenir ses prix à un niveau particulier, de manière à encourager ce détaillant ou ce grossiste à attaquer la concurrence autrement que par les prix. Une marge de détail accrue encouragerait donc le détaillant à offrir un service de grande qualité au client ou à sassurer que limage de marque associée au produit est maintenue et nest en aucune façon souillée. Du point de vue du consommateur, le maintien vertical des prix se traduit par une augmentation des services, ce qui est à son avantage, mais aussi par des prix plus élevés, non avantageux pour le consommateur. Le Comité sest laissé dire que, dans lensemble, la décision concernant la façon de commercialiser un produit et de concevoir un système de distribution devrait être laissée au fabricant. Interdire de fixer le prix de revente en invoquant la règle de lillégalité en soi revient en fait à réglementer les décisions du fabricant quant à loptimisation de la vente de ses produits. Par analogie, nous ninterdisons pas légalement de faire beaucoup de publicité, même lorsque la publicité pousse les prix à la hausse, et, pour la même raison, nous ne devrions pas interdire le maintien vertical des prix en invoquant la règle de lillégalité en soi. Donc, dans la mesure où le maintien des prix peut se justifier pour des raisons defficience, linterdiction prévue par la Loi, qui en fait un acte criminel en soi, englobe probablement trop de cas. Le même thème est revenu chez tous les témoins, sauf les représentants du Bureau, qui ont commenté le maintien des prix : il y aurait lieu de décriminaliser le maintien vertical des prix et dassujettir le maintien horizontal des prix à la disposition sur les complots. Un taux de réussite plus élevé des poursuites en vertu de la règle de lillégalité en soi est la seule raison que le Bureau, seul dissident, a invoquée pour ne pas se ranger à lavis des experts. Le Comité tient cependant à rappeler à tous que la politique de la concurrence na rien à voir avec le fait de perdre ou de gagner une cause; elle consiste à concevoir un cadre à lintérieur duquel un secteur des affaires efficace peut fournir produits et services à des prix concurrentiels. En outre, le Comité considère que la société naurait pas avantage à courir le risque dobtenir des condamnations, aux termes des dispositions pénales de la Loi, qui auraient par ailleurs un « effet paralysant » dans les cas où le maintien vertical des prix serait bénéfique pour la concurrence, lorsque les dispositions civiles offrent une approche plus raisonnable et promettent de meilleurs résultats. De lavis des experts de la concurrence, sil y a décriminalisation du maintien vertical des prix, il serait préférable que celui-ci relève plutôt de la disposition relative à labus de position dominante (article 79). Ainsi, le traitement réservé par la Loi au maintien vertical des prix cadrerait mieux avec la pensée économique contemporaine. Le Comité croit savoir quun examen en vertu de larticle 79 comporterait deux avantages : la pratique ferait lobjet dune audience en bonne et due forme sur lincidence économique quelle pourrait de toute évidence avoir et le fardeau de la preuve serait moins lourd (ce ne serait plus « hors de tout doute raisonnable », mais selon la « prépondérance des probabilités »). Il y a une autre différence, qui pourrait consister en un avantage ou en un inconvénient selon le point de vue de chacun, et cest que larticle 79 exigera une évaluation de la puissance commerciale de lentreprise pratiquant le maintien des prix. Selon le rapport VanDuzer, le critère de la puissance commerciale comporterait des avantages, car on peut facilement cerner les facteurs économiques qui permettent de faire une distinction entre les pratiques de maintien des prix qui stimulent la concurrence et celles qui lentravent. Les auteurs du rapport VanDuzer énumèrent trois facteurs économiques relatifs au maintien vertical des prix anticoncurrentiels, à savoir :
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[C]ette idée dessayer dapporter des changements aux dispositions en matière de prix déviction et de verser cela du côté civil [ ] Je pense quil est important denvisager la possibilité de créer un nouvel article traitant de prix déviction, mais pas forcément en empruntant le libellé actuel de la disposition en matière dabus de position dominante [Douglas West, Université de lAlberta, 59:12:40]
Dans le cas du maintien vertical des prix, lexemple typique serait le suivant. Prenons lindustrie électronique. On peut sasseoir, aller dans une salle découte et essayer toutes sortes de haut-parleurs différents. On peut faire lessai de différents lecteurs de disques compacts. On peut vraiment apprécier les différences sur le plan de la qualité. Mais laménagement dune telle salle découte coûte cher. Si quelquun décidait de profiter de la situation et de sinstaller tout près ou quelques rues plus loin et de vendre exactement les mêmes produits, mais à un prix beaucoup moins élevé, le magasin qui fournit le service ne pourrait plus continuer à en faire bénéficier le consommateur. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 65:12:30]
Le maintien des prix de revente a un effet favorable sur la concurrence, parce quil assure aux fournisseurs une marge grâce à laquelle ils peuvent investir dans la prestation de services, faire augmenter la demande dun produit [ ] Laugmentation de la demande est productrice de richesses pour léconomie en général. Cest en ce sens que cest bon pour la concurrence. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 65:12:30]
Si deux entreprises étaient situées à un niveau différent le long de la chaîne de distribution, prenons le cas dun fabricant et dun distributeur, quarriverait-il si le fabricant était propriétaire de lentreprise de distribution? Ils pourraient décider des conditions de vente du produit, y compris le prix, la qualité du personnel de vente et les qualifications exigées. Le fabricant pourrait décider de tout et pourrait même choisir léclairage du magasin. Et nous ne trouverions pas que cela va à lencontre de la concurrence. Pourquoi la situation serait-elle différente si Sony essayait de faire la même chose avec une entreprise indépendante? [Roger Ware, Université Queens, 65:12:30]
Prenons le maintien des prix. La loi est très stricte ici. Il nest pas nécessaire quun accord ait été conclu. Le fait quun accord doive avoir été conclu selon la loi américaine fait intervenir ce quon appelle la doctrine Colgate : ils peuvent vendre unilatéralement, vous ne pouvez pas vendre mon produit à un prix moindre, vous ne pouvez pas avoir un accord [ ] Alors même que cela serait illégal au Canada, il arrive souvent quil y ait maintien des prix aux États-Unis. Cest une question juridique qui se pose sans cesse, parce que la loi est différente ici. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 65:11:15]
[L]a disposition sur limposition de prix qui traite de ce genre dentente verticale sur les prix. Cest un article qui nous est très utile. [R. W. McCrone, Bureau de la concurrence, 64:09:40] |
21 | Ibid., p. 18-19. |
En revanche, les auteurs du rapport VanDuzer ne sont pas certains que le critère de la puissance commerciale selon larticle 79 convienne dans le cas du maintien vertical des prix. Le Comité accepte tous les arguments mentionnés ci-dessus. Nous croyons que lorsquil est possible de moderniser la Loi pour mieux refléter la pensée économique conventionnelle, soit dans ce cas-ci faire une distinction entre les effets défavorables et favorables sur la concurrence du maintien vertical des prix, il faudrait le faire. Étant donné les modifications que nous avons recommandées dapporter à larticle 79 (chapitre 6), ladoucissement de la Loi pour ce qui est du maintien vertical des prix devrait atténuer « leffet paralysant » dans les cas où la pratique a un effet favorable sur la concurrence. Le Comité recommande donc :
Il y a discrimination par les prix lorsquun fournisseur de biens ou de services vend le même produit à des prix différents à différents consommateurs (quil sagisse dautres entreprises ou de consommateurs finals) à moins que cette différence de prix ne corresponde précisément aux coûts engagés pour servir les diverses catégories de consommateurs. Pour quon puisse parler de discrimination par les prix, trois conditions doivent être réunies : 1) lentreprise doit avoir la puissance commerciale qui lui permet de fixer les prix (autrement, les consommateurs peuvent choisir dacheter auprès dun concurrent); 2) lentreprise doit pouvoir cerner différentes catégories de clients ayant différents niveaux de sensibilité aux prix; et 3) les consommateurs doivent difficilement pouvoir faire de la revente entre eux (autrement, ils procéderont par arbitrage pour se procurer le produit au meilleur prix). La discrimination par les prix constitue un acte criminel qui ne vise, aux termes de lalinéa 50(1)a) de la Loi sur la concurrence, que la « vente » d« articles » et, en vertu de larticle 51 de la même loi, que les remises à des fins de réclame ou de publicité. Ces dispositions ont été adoptées en 1935 suite aux craintes manifestées par les petites entreprises, surtout des épiceries, devant lémergence des grandes surfaces et des chaînes de magasins et suite au Rapport de la Commission royale denquête sur les écarts de prix. Parce que lalinéa 50(1)a) ne sapplique quà la « vente darticles », les baux et services ne sont pas couverts. Si les acheteurs nexercent pas leurs activités sur le même marché, par exemple si lun est un consommateur final et lautre une entreprise, aucune infraction nest commise. Les ristournes ou les remises en fonction du volume ou de la quantité sont exemptées. Il doit y avoir connaissance de chaque élément de linfraction. Le fournisseur doit savoir que la vente est discriminatoire. Selon larticle 51, la discrimination pour un motif autre que le prix (p. ex., laccès différencié à des remises promotionnelles) constitue dans certains cas une infraction criminelle. Bien que la discrimination par les prix signifie par définition traiter des particuliers ou des groupes de consommateurs de façon différente et puisse en désavantager certains lorsque le produit est un facteur de production, elle nentre pas en soi dans les agissements anticoncurrentiels. En fait, elle peut souvent répondre à des impératifs concurrentiels lorsquil sagit de demander des prix différents à différents consommateurs, lorsque des coûts différents sont engagés pour les servir (tout comme les ristournes consenties en fonction du volume et de la quantité, qui supposent des coûts différents et qui ne sont donc pas en soi anticoncurrentielles). La discrimination par les prix peut également générer des ventes supplémentaires, par exemple, à des enfants et à des personnes âgées qui nachèteraient pas le produit autrement. Dans la mesure où la consommation de biens ou de services augmente, on estime promouvoir lefficience économique. La discrimination par les prix est une pratique courante. Par exemple, une banque qui offre aux étudiants des services bancaires gratuits pour sattacher leur loyauté pratique la discrimination par les prix. De nombreuses techniques hors-prix ayant des objectifs similaires à la discrimination par les prix peuvent être utilisées pour instaurer une discrimination entre les consommateurs. Les ventes liées et les politiques de fixation des prix à plusieurs paliers en sont deux exemples classiques. La technique des ventes liées est expliquée en ces termes dans le rapport VanDuzer : À un moment donné, IBM avait le monopole de certains types de matériel mécanographique. Différents clients ont formulé sur le matériel dIBM une opinion qui variait considérablement, selon quils lavaient utilisé plus ou moins intensément. Toutefois, au lieu davoir recours à la discrimination par les prix pour obtenir le prix maximum que chaque client était prêt à payer, IBM a contraint les clients à lui acheter des cartes perforées et, en facturant ces cartes à un prix supérieur à leur coût, IBM a réussi à pratiquer la discrimination entre ses clients en fonction de lintensité dutilisation du matériel. La réservation à période fixe et le groupage des produits sont dautres exemples dexigences hors-prix imposées par les vendeurs qui réussissent ainsi à exercer une véritable discrimination par les prix22.
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Je ne suis pas du tout daccord avec le fait quil doit y avoir interdiction au pénal, surtout lorsquil nest pas nécessaire de prouver que cela a eu un effet défavorable sur la concurrence. Il doit y avoir présomption et il y a biens des cas dans lesquels cest avantageux pour la concurrence. Sur laxe vertical, il est question non pas du contrôle du prix dun produit par tous les concurrents, mais bien peut-être du contrôle du prix et du positionnement du produit dun fournisseur qui sera discipliné par les autres parties sur le marché si en fait elles noccupent pas une position dominante. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 65:12:35] [ ] dans le domaine des pratiques de tarification. Vous avez bénéficié du rapport détaillé du professeur VanDuzer, qui a fait ressortir que certaines de ces règles sont devenues économiquement un peu désuètes. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:11:25]
Je vous encouragerais, [ ] la décriminalisation des pratiques de prix. [ ] ces lois sont dépassées et ne collent pas avec une saine politique économique. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:12:40]
[Il y a] la nécessité de réformer les dispositions pénales alambiquées de la loi pas seulement larticle 45, mais beaucoup dautres dispositions touchant à la tarification, notamment les prix déviction, les prix discriminatoires et les prix imposés. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 59:11:15]
Pour ce qui est de la collusion, cela devrait être couvert par le nouvel article 45. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 59:12:25]
Si je vous disais que je suis prêt à aller chercher le produit chez vous, à lentreposer ou à faire quoi que ce soit dautre pour vous économiser de largent si vous êtes prêt à conclure un marché avec moi, je me demande si vous maccorderiez une remise en reconnaissance de cette initiative favorable à la concurrence. Cest peut-être simplement que je suis un meilleur négociateur, que je ferai quelque chose pour vous sur un marché différent, que jachèterai un plus grand nombre de vos produits si vous maccordez un plus gros escompte. En fait, linfraction criminelle a un effet paralysant sur le processus de négociation. Vous commettriez une infraction criminelle en maccordant un plus gros escompte. Donc, tout le processus concurrentiel quon peut normalement observer entre le fournisseur et le client sen trouverait paralysé. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 65:12:30]
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22 | Ibid., p. 7-8. |
Voici quelques exemples de techniques de fixation de prix à plusieurs paliers à caractère de discrimination par les prix : 1) les tarifs de taxi qui incluent un montant forfaitaire au départ et des frais pour la distance parcourue ou la durée; 2) létablissement de prix pour les journaux, les magazines, la radio et la télévision lorsquil y a deux sources de revenu - les annonceurs et les abonnés; 3) les droits dentrée dans les champs de foire et les frais dutilisation des manèges; 4) les prix dentrée dans les bars et clubs de nuit qui viennent sajouter au prix des consommations; 5) les droits dimmatriculation des automobiles et les taxes sur lessence; 6) de même que les coûts détalage exigés par les détaillants en plus de la majoration du prix de vente au détail23. |
23 | La plupart des politiques de fixation de prix à paliers multiples sont à deux paliers, puisquelles ne comportent que deux sources de revenu. |
Voici la conclusion à laquelle en sont arrivés les
auteurs du rapport VanDuzer :
Nul doute que lactuelle disposition pénale sur la discrimination par les prix ne traite pas de façon adéquate cette problématique. Lanalyse économique [ ] conclut que dans de nombreux cas, la discrimination par les prix nest pas anticoncurrentielle. La possibilité que la discrimination par les prix ait un effet anticoncurrentiel dépendra des circonstances propres à chaque cas. En vertu de la disposition en vigueur, lexercice de la puissance commerciale nest pas précisé comme condition préalable à la véritable discrimination que peut exercer un fournisseur et aucune évaluation de leffet de la discrimination sur la concurrence nest requise. À cet égard, la disposition est trop englobante. Par ailleurs, en nincluant pas la discrimination dans les services et dans les formes de transaction autres que les ventes, la disposition exclut dimportants domaines dactivité économique du marché actuel. Sous sa forme actuelle, la disposition pénale sur la discrimination par les prix ne savère donc pas un outil précis pour faire échec aux comportements anticoncurrentiels et impose des coûts excessifs aux entreprises reliés à la conformité et à la surveillance. Comme la discrimination par les prix est une infraction pénale, cet effet paralysant se trouve amplifié24.
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Quantité de questions restent encore en suspens, notamment celle de savoir si les dispositions touchant les prix d'éviction et discriminatoires, par exemple, devraient être dépénalisées. C'est un débat qui dure depuis des années, et lon s'interroge également sur la portée à donner à la disposition sur labus de position dominante, entre autres. [Calvin Goldman, Davies, Ward & Beck, 59:10:50] |
24 | J. Anthony VanDuzer et Gilles Paquet, op. cit.
p. 80.
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Le rapport VanDuzer renferme dimpérieux arguments en faveur de la décriminalisation de la discrimination par les prix et un consensus sest établi entre les experts de la concurrence. Le Comité recommande donc : |
23. | Que le gouvernement du Canada abroge les dispositions sur la discrimination par les prix (alinéa 50(1)a) et article 51) de la Loi sur la concurrence pour les intégrer à larticle sur labus de position dominante (article 79). Ces dispositions devraient régir tous les types de produits, dont les articles et les services, et tous les types dopérations, pas seulement les ventes. |